Ce soir je me suis mise dans la peau d’un barman. J’ai squatté derrière le comptoir pour voir un peu leur job. Il n’y avait pas trop de monde et j’avais envie de m’y essayer, histoire de voir la difficulté du job. Je savais que c’était pas simple mais j’avais envie de me mettre en situation quand même. Ca fait un moment que j’avais envie de le faire mais à chaque fois y’avait beaucoup trop de monde pour que je me laisse tenter. Je n’ai pas envie d’être un handicape pendant le service. Là la soirée est jeune, les clients se font pas très nombreux. Je m’occupe que des boissons simple, comme les coca et autres jus de fruits. Les bières c’est pas trop compliqué aussi, ce que je ne sais pas gérer c’est les cocktails. Faut vraiment de l’expérience pour faire ça. Moi j’ai que l’expérience de les boire. Quand y’a trop de monde et que les tickets de boissons se font nombreux, je m’efface pour simplement discuter avec les gens de l’autre côté du comptoir. C’est comme ça que je suis tombé sur Nina. C’est pas la première fois qu’elle vient au Triffid et on s’échange toujours quelques mots avant de la laisser passer sa soirée avec ses amis.

« Hey Nina ! Attention pas de bêtises ce soir. »

Je lui fais un sourire amusé, je sous entends « pas de drogue ». C’est devenu une joke entre nous. On en rit maintenant mais sur le moment c’était vraiment pas drôle. Elle m’a sauvé la mise il y a quelques années avec un peu de poudre qui était en ma possession. C’est de l’histoire ancienne maintenant, j’y touche presque plus. Oui, presque. Je suis faible parfois.

« Repasse direct au bar tout à l’heure, je paye ma tournée. »

Direct parce qu’il faut passer à la caisse avant d’arriver au bar pour prendre ses boissons. Peu importe si elle est avec beaucoup d’amis ou non. Je suis comme ça moi. J’aime faire plaisir aux clients fidèles. Je reste la plus grande partie de la soirée derrière le bar, à servir les coca ou autres limonades ou jus. Les trucs facile. Les trucs qui ne sont pas très souvent servit non plus. Nina revient plus tard comme je lui ai proposé. Je cherche du regard ses amis si elle est venue avec des gens mais je ne capte personne. Ils doivent être dehors je pense. Dans le jardin. J’entame la conversation.

« Tournée de cocktail maison. T’en veux combien ? »

Le stylo glisse sur le papier quand son poignet s’agite gracieusement pour apposer sa signature sur le chèque. Un geste qu’elle a fait des centaines et des centaines de fois de fois… mais cela ne l’empêchait pas de toujours ressentir cette petite pointe de satisfaction. Elle avait pris goût à cette sensation de puissance et l’air qu’elle affiche suffit pour la détester au premier regard, elle et toutes ces petites filles fortunées. Celles qui pouvaient avoir le monde à leur pied rien qu’en un battement de cil, un code secret à quatre chiffres, un coup de fil ou une signature. Celles qui n’avaient pas à suer une goutte pour obtenir ce qu’elles voulaient. C’était la dernière somme qu’elle devait régler, maintenant, Nina ne se retrouvait plus qu’à quelques conversations de concrétiser la dernière vanité qu’elle s’offrait : organiser une fête de fin d’année digne de ce nom. Le lieu s’était imposé de lui-même, voilà des mois qu’elle avait fait les démarches pour booker le Triffid quand elle avait su qui était son illustre propriétaire. On lui indique où elle peut trouver Sam après qu’elle ait posé la question, le temps que son intermédiaire pour l’organisation de la fête devait passer un coup de fil. Elle sourit, ne l’interrompant dans sa conversation avec deux autres personnes que pour signaler sa présence. « Promis. » Elle lui fait un petit clin d’oeil, passe un index sous ses narines, faisant mine de s’essuyer le nez avant de poser le doigt sur ses lèvres. Le secret est bien gardé, seule Sam peut comprendre le geste de la gamine Farrell qui les renvoie à des années auparavant et à une certaine soirée. Nina lui demande quand la grande patronne des lieux aura un moment à lui accorder et mieux que de lui accorder un petit temps en tête-à-tête, elle lui offrira même une boisson. C’était cool les petites attentions comme ça.


Plus d’une heure plus tard, la jeune femme repointe son nez vers le comptoir. Elle peine à cacher sa fatigue, elle sort à peine d’une grande conversation avec un petit bout de staff et d’autres personnes participant aussi à l’organisation de sa fête. Elle avait beau s’y être prise très en avance, plus l’échéance arrivait plus les choses s’intensifiaient, il y avait des imprévus à gérer et perfectionniste comme elle était, si un détail ne correspondait pas à ce qu’elle avait prévu, elle crisait. « Je suis venue seule… le 31 approche… » dit-elle, pour justifier sa présence et le fait qu’elle voulait lui parler. « Je serai pas contre un truc très fort. N'importe quoi. Tu bois aussi ? » Elle sentit que Sam était sûrement très professionnelle et qu’elle hésiterait. « Allez… avec moi. » Nina tenta son numéro avec ses grands yeux, tout brillants et sa petite moue, pas sûr que ça touche vraiment Sam mais il fallait essayer… « Bon, avant qu’on parle de ma fête. Qu’est-ce que tu deviens ? Tu t’éclates toujours autant, ici ? » Un sourire bordait ses lèvres, elle se doutait de la réponse puisque Sam semblait dans son habitat naturel, ici, elle était à l’aise et ne devait pas regretter une seconde son achat.

Elle est venue toute seule, alors ce sera un cocktail maison, un ! Sauf qu’elle veut un truc fort. Elle est pas folle la guêpe. Elle veut que je la suive mais je fais non de la tête. Même son petit regard de chien battu ne marche pas. J’attire l’attention du barman à côté de moi et je lui passe ma commande.

« Deux cocktails maison. Un chargé. Un normal. »

Le chargé est pour elle bien évidemment. Je n’ai pas envie de me cuiter. Ca fait longtemps que je n’ai pas bu à outrance. Je vis mal les lendemain de soirée arrosée maintenant. Je l’ai déjà fait, toujours regretté. Faut savoir vivre avec son temps. Je me suis fait à l’idée. Nina me demande ce que je deviens avant d’en venir aux choses sérieuses. Elle a sa soirée du 31 au Triffid et je sais que c’est en cours d’organisation. Elle a dû avoir des conversations à ce propos, c’est la raison de sa venue. J’apprécie qu’elle fasse un stop au bar avant de filer. Elle a peut être des trucs à faire.

« Le Triffid c’est mon petit bébé. »

J’ai pas de gosse, donc je peux faire cette affirmation sans offenser qui que ce soit.

« J’ai pas mal de projets, surtout en ce qui concerne la partie concerts. Mis à part les shows qui sont déjà booké, y’aura des trucs en plus. Ca va être cool. Tu verras. J’en parlerai sur Instagram. »

Je l’ai déjà vu liker mes posts, je sais qu’elle me suit, parce que je la suis moi aussi.

« Bref que du bon pour 2018 ! Et toi ? La soirée du 31 ça va ? Pas trop d’imprévus ? Tout est sous contrôle ? J’en ai brièvement entendu parler mais je ne suis pas au milieu des conversations. Je serai là pour la soirée en tout cas. Je m’incruste ouais. Je vais boire tout ton alcool. »

Ca me fait rire. Il est clair que je ne vais pas faire ça. Je ne bois pas assez pour ça. Mes amis ne font rien pour le 31, ils restent en famille, alors je vais profiter d’une bonne soirée bien branché dans mon bon vieux Triffid.

Nos verres arrivent, on me dit que celui avec le parasol orange est chargé, alors je le mets en face de Nina. Je fais tinter mon verre avec le sien.

« Tu fais une soirée à thème ? Que je vienne habillée en fonction. »

Elle était contente d’avoir un petit tête à tête avec Sam. Elle était la star des lieux, autant en tant que rockstar que maîtresse des lieux. Rien qu’en quelques secondes, alors que Nina essayait de trouver une position confortable sur son siège, elle avait déjà lancé trois signes de tête en guise de salut. En un rien de temps, elle était devenue un personnage incontournable des lieux alors l’héritière n’était pas peu fière d’avoir un petit temps pour elle. Sam commande pour elles deux. « Merci de faire semblant d’être raisonnable, je passe pour une alcoolique, du coup. » plaisanta-t-elle avant de commencer la conversation en parlant du Triffid, sachant très bien à quel point le lieu comptait beaucoup pour la musicienne. Rien que d’en parler, son regard pétillait et elle était pleine de tendresse quand elle en parlait, la preuve, Sam l’appelait “son petit bébé”. Ça fait sourire Nina, elle hoche la tête, incitant son interlocutrice à poursuivre. « Je me disais bien que t’avais pas mal de projets de prévu. J’ai failli croire que tu t’ennuyais et que tu tentais une reconversion ou que tu t’étais découvert une nouvelle passion quand je t’ai vu derrière le bar. » Ça promettait. Elle squattait déjà régulièrement les lieux avec ses potes mais s’il y avait du lourd qui s’annonçait pour les concerts, comme elle le sous-entendait, elle allait carrément souscrire un abonnement au Triffid. « Il n’y a QUE des imprévus. J’avais booké un rappeur, début novembre mais il s’est fait arrêté pour usage de stupéfiants et conduite le débile. Du coup, je cherche encore, à moins que le DJ seul fasse l’affaire. Le reste a l’air stable et sous contrôle pour l’instant, je suis plutôt contente. Et je suis aussi contente que tu viennes, fais toi plaisir, t’as même pas besoin d’une invitation pour être acceptée, et tu le sais. » Nina était toute excitée quand elle évoquait sa soirée et cela se voyait, déjà à son visage expressif et au fait qu’elle s’était transformée en un véritable moulin à paroles. Elle lance un grand sourire au barman en guise de remerciements quand leurs verres arrivent. Elle le leva devant elle et attendit que Sam en fasse de même, le temps de chercher ce à quoi elles pouvaient bien trinquer, mais c’était assez évident en cette période de fêtes. « Je te souhaite que du bon pour 2018. » Le tintement passe inaperçu parmi tous le brouhaha mais ce n’est pas grave. Elle boit une gorgée, sans grimacer mais pour être chargé, il l’était. « Ils ne rigolent pas tes barmaids. » gloussa-t-elle. « Ok, tu vas trouver ça super kitsch mais le thème c’est Soirée des Oscars du Nouvel an. En gros, beaucoup de dorures et de paillettes pour la déco. » En même temps qu’elle présentait son thème et ses inspirations, elle faisait des gestes avec ses mains. « C’est pour donner un bon départ aux gens, les pousser à devenir vraiment des acteurs de leur vie dans cette nouvelle année, c’était ça l’idée. Donc c’est pour ça qu’il n’y a pas de dress-code imposé, les gens viennent comme ils le sentent, faut que ça leur ressemble, qu’ils soient authentiques et à l’aise avec ce qu’ils sont. On a imaginé tout un truc autour de ça, j’espère que ça plaira. » Peut-être que cela n’impressionnerait pas vraiment la rockeuse qu’elle était mais à Nina, cela lui tenait à cœur d’avoir un message positif qui serait un peu le fil rouge de sa soirée. « Mais bon… ton truc c’est plutôt la musique, toi. Pas vrai ? » l’interrogea-t-elle d’un ton malicieux, curieuse de savoir si la gérante laissait de la place et du temps pour l’artiste.

Elle dit passer pour une alcoolique et je la regarde en faisant une mine qui veut dire « Moiiii ?J’ai rien dit ! » Alors que je sais que clairement, je l’ai affiché et ça me fait rire. Elle a cru que j’allais me lancer dans une carrière de barman, je laisse s’échapper un rire.

« Non je fouine juste partout où je peux. C’est plutôt cool derrière le bar. Tu te sens puissant derrière le comptoir. Comme si t’avais des pouvoirs. »

J’en fais un peu trop mais c’est clairement quelque chose le métier de barman. C’est pas donné à tout le monde, parce que ça t’enlève la possibilité d’avoir des horaires normales. Tu vis la nuit et généralement ça colle pas avec une vie de famille ordinaire.

On parle de la soirée du 31 et je fronce un peu le nez quand elle dit que y’a que des imprévus.

« J’espère tu vas trouver des solutions. Si jamais je peux aider… »

Je m’arrête de manière suggestive. Je sais pas ce que je serai d’une grande aide, mais je pourrais toujours voir dans mon gros carnet d’adresse si y’a quelqu’un de dispo pour le 31. Elle est contente que je vienne à sa soirée. C’est plutôt moi qui suit heureuse d’avoir un endroit à squatter. Une invitation ? J’y avais même pas pensé une seule seconde. Elle est drôle Nina parfois.

Les boissons sont là et on trinque. A 2018, bien sûr, c’est de circonstances.

« Je te souhaite tout ce qu’il est possible d’avoir pour 2018… Et un peu plus. »

J’aime bien les miracles. Je crois aux belles coïncidences, aux âmes soeurs et ce genre de truc. Le destin, j’y crois. J’espère que celui de Nina sera remplie de belles choses. Je bois une gorgée de mon verre avant de le reposer sur le comptoir. Apparemment le cocktail était véritablement chargé, ça me fait rire de la voir grimacer. Je me penche au dessus du comptoir pour faire une confession à Nina.

« Je crois qu’ils ont peur de moi. »

Je me redresse et elle me fait part du thème de sa soirée. Oscars. Ok ça me va. Je comptais pas mettre une super robe mais visiblement je vais devoir faire un effort. Je peux le faire, juste pour un soir comme ça, oui. C’est possible. Sauf qu’elle parle d’être à l’aise et authentique.

« Acteur de notre vie ? Donc faut que ça reflète notre personnalité ? »

Je souris grave.

« Hell yeah ! J’aime ton thème. »

Je sais déjà comment je vais m’habiller. Je mettrai mon jean préféré et le dernier tshirt que j’ai reçu, tshirt d’un petit groupe allemand de musique. Le groupe qui mérite à être connu, genre, vraiment. Je vais être pire qu’à l’aise. Je vais être au top. Je vais me sentir invincible.

« Ouais je risque d’être un peu trop rock n roll pour une soirée du 31. Tu m’en voudras pas j’espère. »

J’en passerai une bien meilleure soirée si je suis à l’aise dans mon jeans.

« Je peux me mettre une jolie robe si tu veux que ce soit quand même assez classe. J’ai du stock dans mon armoire. Ca prend la poussière d’ailleurs, ça ferait pas de mal que j’en mette une pour une fois. »

Ca me fait rire. Je suis tout le temps en jeans et tshirt. Très simple, mais efficace.

« Tu vas mettre quoi ? Que je me colle dessus. »

Parler chiffon c’est clairement pas mon truc d’habitude, mais là ça s’y prête quand même assez bien. Ca ne me dérange pas. Je bois une gorgée de mon cocktail en la regardant.

Des pouvoirs ? Qu’est-ce qu’il y avait de magique à faire mélange de boissons ? Elle lance un regard perplexe à Sam, pour le coup, elle ne la suit pas. Elle avait du mal à voir ce qu’il y avait d’extraordinaire à être barmaid et elle l’avait déjà dit clairement à Angelina. Nina n’était pas très ouverte d’esprit sur ce sujet mais ce n’était ni le moment ni l’endroit pour en débattre, clairement, elle sentait que son point de vue ne serait pas très bien reçu. Elle s’était renfrognée en écoutant le petit speech de son interlocutrice mais tout revint à la normale quand elles changèrent de sujet, Nina lui faisant part de ses imprévus de dernière minute. « J’attends la réponse d’autres artistes… mais c’est gentil de proposer. » Un petit sourire adoucissait son visage et elle eût même un petit mouvement de tête reconnaissant. Elles trinquent, se souhaitant pleins de bonnes choses pour la nouvelle année, Nina boit de bon cœur. Un peu trop vite, mais elle n’avait pas prévu que le cocktail soit si chargé, au moins, ça réveille. Elle cligne des yeux suite à la confession de Sam et émet un petit rire discret. Sans la connaître très bien, il lui semblait peu crédible qu’elle se comporte comme un tyran avec les gens qui s’occupaient et faisaient marcher son petit bébé. A moins qu’elle soit si perfectionniste que ça la rendait exigeante et que les employés craignaient faire un pas de travers. Non, vraiment, Nina avait du mal à se l’imaginer avoir ce genre de comportement. Sam, c’était la cool girl par excellence, toujours décontractée et affrontant les problèmes sans paniquer. Elle n’était pas peu fière d’exposer le thème de sa soirée, elle savait que cela lui plairait. D’ailleurs, elle comprit direct ce que Nina prévoyait. De l’originalité, autant de style de tenue différente qu’il y avait d’invités, il fallait que ça leur ressemble mais que cela reste une tenue de fête ; bref, la meilleure version d’eux-mêmes. « J’en attends pas moins de toi, soit à 200% rock’n’roll, si c’est ce que tu aimes. » Elle avait piqué l’idée sur Pinterest mais avait rajouté pleins de choses personnelles à ce thème, elle espérait vraiment que cela soit une belle fête. « J’adore les jolies robes, alors bien sûr que je voudrai te voir en porter une de mes propres yeux. » Il y avait sûrement plein de photos sur Internet mais savoir que Sam avait mis une robe de soirée juste pour sa fête du 31, c’était une belle attention. « Et si les tiennes prennent la poussière, tu devrais les donner à des oeuvres de charité, elles rendront peut-être quelqu’un heureuse. » suggéra-t-elle, en prenant une autre gorgée de son cocktail. Elle garda son verre dans la main, jouant avec le petit parasol orange. Impossible de rater la petite lueur qui s’éveille dans le regard de Nina quand Sam lui demande à son tour ce que la jeune femme compte porter. « J’ai deux tenues, une robe pour le début de soirée et une tenue plus personnelle pour 2018. » Une vanité de la petite héritière. Elle le présentait comme si c’était le scoop du siècle, de ses petits gestes très précieux, alors qu’elle décrivait les deux vêtements avec ses mains à mesure qu’elle en parlait. Elle posa même son téléphone dans les mains de Sam pour lui montrer les photos. Elle n’eut même pas conscience d’avoir accaparé la parole pendant de bonnes minutes, rien que pour ça mais elle semblait si passionnée. «[…] ...du Vuitton et du Saint-Laurent , quoi! » finit-elle par conclure, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. « Mais même avec tout ça, tu vas me voler la vedette. » Elle n’avait aucune once d’agacement dans la voix, plaisantant avec le statut de superstar de Sam. « Il y a des gens qui viennent ici exprès pour te voir, non ? Tu te balades sans garde du corps, pas trop de mésaventures avec des fans trop fanatiques ? » Elle avait de la chance de faire ce qu’elle aimait mais Nina ne savait que trop bien comme la célébrité avait également ses mauvais côtés. Elle se pencha en avant, de façon à se retrouver le nez, à la base du cou de son interlocutrice pour lui murmurer : « Je dis ça parce que — ne te retourne pas tout de suite —mais à trois heures, y'a un creepy dude qui te fixe depuis tout à l'heure. » Elle revint à sa position initiale, un regard peu rassuré sur le visage, son inquiétude retomberait instantanément si Sam lui disait qu'elle connaît ce type, même s'il s'avérait être un prétendant trop collant.

A 200% rock’n’roll, ça va être tout moi ça. Je sens que cette soirée va être vraiment cool. Son thème est loin d’être réducteur, les gens peuvent venir comme ils l’entendent et ça je dis un grand OUI. Bien sûr que ça lui donne envie de me voir dans une belle robe, mais maintenant que j’ai le feu vert pour être qui je veux vraiment être, ça va être difficile de me faire porter autre chose qu’un pantalon.

« Je suis sûr que y’aura d’autres occasions pour la robe. Ou alors je me prends en photo et je t’envoie en SMS. »

Ca me fait rire. C’est rare quand je ris pas en même temps. J’hoche la tête à sa proposition sur les oeuvres de charité. C’est vrai que ça peut être une bonne idée. J’en garderai une ou deux histoire d’avoir de quoi mettre si jamais y’a une occasion. Mais généralement on m’offre les robes pour que je les porte et fasse de la pub pour la marque en même temps. Donc je n’aurai certainement pas de soucis de ce côté là.

« Je ferai certainement ça. Tu connais des oeuvres qui valent plus la peine que d’autres ? »

Elle a l’air de s’y connaître de ce côté là. Elle a déjà dû le faire avec ses propres fringues. On reste dans les habits et elle avoue avoir deux tenues pour la soirée du 31.

« Wow ! »

C’est vrai que c’est sa fête après tout. Elle a raison d’y mettre tout le paquet. Elle a beaucoup de choses à dire sur ses tenues et je l’écoute d’une oreille attentive même si ça ne m’intéresse pas autant qu’elle. Quand elle sort les photos, voilà qui me parle un peu plus.

« J’aime beaucoup la robe. C’est très joli. »

Quand elle annonce les marques ça ne m’étonne pas du tout venant d’elle. Elle a du fric et c’est un truc que j’aime bien chez elle. Un point commun qui nous rapproche, même si je ne sais pas l’ampleur du magot qu’elle possède, au moins parler argents et grandes marques, c’est pas des sujets tabou entre nous.

Je fais « non » de la tête avec un très large sourire quand elle dit que je vais lui voler la vedette.

« Je me ferai toute petite. J’irai squatter derrière le bar, ou avec le DJ. Bon et je promets rien si jamais le son est vraiment trop bon. Je pourrais pas me retenir d’aller danser. »

Je m’excuse d’avance avec ce regard que je lui lance, même si elle n’avait pas réellement dit ça pour me mettre en garde. La musique ça m’habite trop. Impossible de me retenir quand les chansons me portent.

Je bois une gorgée de mon verre alors que Nina reprend la parole. Elle parle de garde du corps et ça me fait marrer. Je vais pour lui répondre mais elle ajoute que y’a un type qui arrête pas de me regarder.

« Généralement j’ai pas de soucis avec les gens. Ils sont civilisés. Mais ici je suis tranquille dans tous les cas vu que y’a toujours un mec de la sécurité dans le coin. »

Et on se connait bien lui et moi maintenant. C’est dans son boulot de vérifier que j’ai pas besoin d’être sauvé de clients un peu trop creepy justement. Je ne regarde pas le type dont Nina parlait, j’ai pas envie d’attiser ses désirs.

« Des fois les apparences sont trompeuses… Espérons que ce soit le cas pour lui. »

Je suis une éternelle optimiste, je me refais pas. J’ai un très large sourire sur mon visage. Je me dis que le mec en question est peut être en train de mater Nina plus que moi. C’est une très jolie jeune fille. Elle doit en faire tourner pas mal des têtes. Je m’inquiète pas du mec bien longtemps. Surtout qu’un collègue me tapote l’épaule en me murmurant quelques mots à l’oreille.

« Le devoir m’appelle. »

Je me penche par dessus le comptoir pour aller faire un bisou sur la joue de Nina.

« On se voit le 31 si jamais on se croise pas d’ici là. Et texte moi les charités dont tu parlais ! »

Mon verre à la main, je fais un dernier signe à la jolie Nina avant de filer de l’autre côté du bar. Je sors et me rend au Garden où quelques têtes connues ont fait apparition. C’est bon pour la pub du bar, je peux pas les laisser filer comme ça, alors je vais prendre de mon temps avec eux puisqu’ils ont demandé à me voir.