« Je crois que Milena était dans le train… » Les mots raisonnent dans l’esprit de James alors qu’il tient sa meilleure amie tout contre lui. Un pincement au coeur, un nouveau sursaut de peur. Il cache son trouble pourtant, parce qu’il veut être la pour Liviana, parce qu’elle a vu l’horreur et qu’il a bien cru la perdre. Pourtant quand elle lui demande son téléphone pour appeler son mari il s’éclipse, tenant une promesse qu’il lui a fait quelques minutes plus tôt, celle d’aller prendre des nouvelles des gens présents dans l’accident. Et évidement la première qui lui vient en tête c’est Milena, parce qu’il la connait, qu’il l’apprécie aussi. Parce que d’une certaine façon elle a sauvé un part de lui. Ca peut sembler idiote vu de l’extérieur mais le jour de leur rencontre - ce fameux jour où elle lui a ramené les plaques de son frère, elle a sauvé une partie de lui. Ce qu’il garde de Ian, ce qu’il a toujours sur lui et qu’il a bien failli perdre ce jour là. Depuis c’est une ribambelle d’instants volés dans ce café qu’ils ont partagé. Des instants souvent courts, des sourires échangés, quelques mots, parfois un contact rien de plus et pourtant il s’est attaché, plus qu’il ne pensait sans doute au vu de la boule qui lui tient le ventre alors qu’il s’adresse à la réception. « Bonjour, je cherche Milena Grimes, elle est probablement hospitalisée ici. » Elle ne pose pas plus de questions la réceptionniste et ça l’arrange, il n’a pas envie de mentir en prétendant être un mari ou un membre de la famille. « Elle est en chirurgie, chambre 312. Au premier étage à droite. » Il n’en demande pas plus, sait bien qu’il n’est plus dans les heures de visites et espère que les infirmières ne lui diront rien. Les circonstances sont exceptionnelles non ? Même pour un hôpital.

Il se fait tout de même tout petit quand il passe devant le bureau des gardes malades, et se dirige vers la chambre 312, le coeur un peu battant. Il lui faut se convaincre qu’elle n’a rien de grave, si c’était le cas il ne pourrait sans doute pas la voir aussi facilement, mais le fait qu’elle soit hospitalisée en chirurgie ne lui plait que très moyennement. Prenant une grande inspiration il toque à la porte, entrouvre un peu pour passer la tête. « Bonsoir… » Un léger sourire un peu timide. « Je te réveille ? Je peux…entrer ? » Il est tard, bien trop pour ce type de visite sans doute, il aurait du y penser avant, mais son côté irréfléchi a pris le dessus. « J’ai… apporté des fleurs… » Un bouquet qu’il a trouvé à la boutique de l’hôpital juste avant qu’elle ne ferme ses portes. Il s’avance un peu, un demi sourire teinté de tristesse sur le visage. Alors qu’elle se relève un peu dans le lit, il se surprend à penser que même dans un lit d’hôpital il la trouve belle, parce qu’il émane d’elle un charme naturel. « Liviana m’a dit que tu étais dans le train j’étais… Inquiet…Est ce que ça va ? » Il le sait la question est mal choisi, il y a peu de chance qu’elle se sente bien après un tel accident et il a pu avoir un aperçu des dégâts avec Liviana… Physique comme psychologique.

Tu ouvres doucement les yeux. Tu n’es pas surprise de voir quatre murs blancs t’entourer. Tu savais même avant d’ouvrir les yeux que tu te trouves à l’hôpital. L’accident de train te revient soudainement en mémoire et l’image de ces corps alors que l’on t’amène vers l’ambulance te hantera toujours. Tu sens ton cœur s’accélérer et tu l’entends sur les machines qui t’entourent. Quelques secondes plus tard une infirmière entre dans ta chambre pour te calmer et t’expliquer la situation. Tu es sortie de l’opération, tout s’est bien passé. Le docteur devrait passer d’une minute à l’autre. La gorge serrée tu es incapable de parler alors tu hoches la tête. Une dizaine de minutes plus tard le docteur fait irruption dans ta chambre et cherche à te rassurer. Il ne peut s’empêcher de te dire que même si l’opération s’est bien passée, tu n’es pas encore sortie d’affaire. Les prochaines vingt-quatre heures vont être déterminantes pour ta jambe. Si aucune complication n’apparaît alors ce sera un succès, avec des mois de patience et de rééducation tu pourras sortir indemne de cet accident. Si des complications interviennent, c’est là que les choses se compliquent. Tu sens des larmes couler sur tes joues mais encore une fois tu ne dis rien te contente d’hocher la tête. Le médecin se veut optimiste et il te promet de repasser te voir le lendemain matin. Tu le remercies avant qu’il ne parte et tu te retrouves soudainement seule avec toi-même. Pendant l’accident, en attendant les secours il y avait toujours eu quelqu’un avec toi. Lydia principalement et d’autres personnes dont tu avais oublié le nom. Désormais tu te retrouvais seule et ce n’était pas facile à gérer pour toi. Tu ne pouvais t’empêcher de te demander si tu allais finir par perdre ta jambe ou si tout allait s’arranger. Pour l’instant, tu te focalisais sur toi mais tu savais que beaucoup d’autres devaient se trouver dans cet hôpital mais tu étais incapable de penser à eux aujourd’hui.

Perdue dans tes pensées, tu entends à peine les coups frappés à la porte de ta chambre. Tu jettes un rapide coup d’œil à l’horloge et tu vois qu’il est tard. Les visites doivent être interdites à cette heure-là. Et puis ce n’est pas comme si tu avais prévenu du monde de ta mésaventure. C’est finalement la tête de James qui apparaît dans l’entrebâillement de la porte. Tu fronces les sourcils car tu ne t’y attends pas. Tu as rencontré James par hasard dans un café dans lequel vous vous croisez régulièrement depuis. Vous discutez de temps en temps, des fois non mais il était devenu une constante dans ta vie et le voir ici avec un bouquet de fleurs était … inattendu. « Bonsoir… Je te réveille ? Je peux…entrer ? J’ai… apporté des fleurs… » Tu lui souris, essayant de te relever un peu pour te mettre en position assise mais ce fut plus un échec qu’autre chose en réalité. « Entre je t’en prie. J’étais réveillée. Merci pour les fleurs. » Lui dis-tu avec un petit sourire. L’inquiétude quant à l’avenir de ta jambe faisait que tu n’étais pas dans le meilleur état d’esprit à ce moment précis mais peut-être que la présence de James pourrait te changer les idées. Tu allais lui demander ce qu’il faisait là quand il te dit : « Liviana m’a dit que tu étais dans le train j’étais… Inquiet…Est ce que ça va ? » Tu ne pus t’empêcher d’être touchée. Que James s’inquiète pour toi était inattendu et pourtant tu savais que si la situation était inversée, tu aurais été terrifiée à l’idée de le perdre ou qu’il soit blessé. C’est fou à quel point des gens peuvent prendre de l’importance dans votre vie sans qu’ils ne soient vos meilleurs amis. « Ca pourrait aller mieux. L’opération s’est bien passée mais j’ai encore 10% de chances de perdre ma jambe si des complications arrivent dans les prochaines vingt-quatre heures. » Tu ne peux pas faire comme si tout va bien et garder cela pour toi. Il a parlé de Liviana et tu sais qu’elle était dans le train. Soudainement tu prends peur parce que si elle est à l’hôpital c’est qu’elle a était blessée aussi non ? « Et Liviana va bien ? Il ne lui est rien arriver de grave ? » Ne pus-tu t’empêcher de lui demander.

La légère grimace de la brune ne passe pas inaperçu, bien au contraire, elle fait disparaitre un peu le sourire de James, il ne relève pas pourtant, n’ose pas peut-être parce qu’il la connait si peu au fond. parce qu’elle n’a peut-être pas envie qu’il soit là. Qu’il s’impose avec son sourire et ses fleurs à trois sous. « Entre je t’en prie. J’étais réveillée. Merci pour les fleurs. » Il les dépose sur la table un peu bêtement sans plus trop savoir ce qu’il doit faire de ses mains maintenant. Il devait peut-être aller chercher un vase mais a un peu peur de se faire attraper par une infirmière qui lui demanderait gentiment de quitter le service. Et il est surtout venu pour prendre des nouvelles, pour s’assurer qu’elle va bien. « Ca pourrait aller mieux. L’opération s’est bien passée mais j’ai encore 10% de chances de perdre ma jambe si des complications arrivent dans les prochaines vingt-quatre heures. » Un regard vers sa jambe alors qu’il ouvre grand les yeux, étonné et un peu effrayé pour elle aussi. « Tu.. pourrais la perdre ? Qu’est ce qui t’es est arrivée ? » L’accident de train oui il sait bien - il a eu une explication brève de la part de Liviana, un peu plus complète de la part des infos même si à ce moment son esprit était bien trop parasité par la peur de perdre Liviana pour vraiment en saisir tous les mots. Ce qu’il a envie de savoir c’est son vécu à elle. Ce qu’elle ressent, ce qui lui est arrivé en tant que personne et non pas comme une victime parmi d’autres. Comme pour l’aider à parler un peu il vient prendre place à côté d’elle, sa main qui vient un peu instinctivement trouver celle de la brune. Un geste inhabituel, comme il n’en a jamais eu pour Milena son amie de café. C’était tout au plus une accolade, une main dans le dos un peu amicale, pas de geste tendres. « Je suis heureux de voir que tu es… vivante. » Soulagé, heureux, il le sait certains sont mort dans cet accident et il s’en rend compte, perdre Milena aurait été un manque dans sa vie… Elle est devenue un rituel, une habitude, une rencontre qu’il apprécie et chérie même.

« Et Liviana va bien ? Il ne lui est rien arriver de grave ? » Ses pensées qui se tournent un fois de plus vers sa meilleure amie. Ce regard qu’elle a posé sur lui - ce même regard qu’il voit en observant Milena. Les yeux de ceux qui ont vu l’horreur. Il en a vu beaucoup de ces regards sur le champs de bataille, sans doute que le sien y ressemble un peu, sans doute qu’il ne redevient jamais comme avant. « Son épaule a pris… Ils ont du la remettre en place et elle aura un écharpe pendant un moment. Mais physiquement ça va aller… Mentalement… » C’est une autre histoire il le sait bien. Il l’a senti dès qu’il l’a vu et ne doute pas que Milena partage maintenant cette même sensation. « Ca va prendre un peu de temps sans doute… » Par le regard qu’il lui jette il en dit long… Il sait que ce n’est sans doute pas rien pour elle aussi, même si elle n’a pas forcement envie d’en parler. Son pouce qui caresse délicatement le dos de sa main alors qu’un instant de silence se saisit de la pièce.

Il fallait l’avouer, tu ne t’étais pas attendue à recevoir de visites et encore moins ce soir. Alors voir le visage de James apparaître derrière ta porte te surprenait mais ne te déplaisait pas. Tu avais désespérément besoin de penser à autre chose ou du moins d’en parler et que l’on puisse te rassurer parce que tu étais en train de te faire les pires scénarios dans ton esprit et tu n’avais plus envie d’y penser. Tu n’es plus maître de ton sort, arrivera ce qui arrivera, tu devras faire avec. L’idée de l’amputation te révulse mais tu devras bien t’y habituer si tu finis par en arriver là. Les fleurs que James t’a amenées sont très belles. Incapable de bouger, tu le laisses les déposer sur la table à côté de toi. Si tes frères finissent par venir te voir, tu les convaincras d’aller leur acheter un vase pour les mettre au plus vite dans l’eau. Espérons qu’ils ne seront pas trop occupés. James ne tarde pas à prendre place à tes côtés et quand il te demande si ça va, tu ne peux t’empêcher de lui parler de cette situation horrible. Il faut attendre, attendre de voir. Tu espères que tes frères ne viendront que quand le verdict sera tombé comme ça ils n’en seront rien ou pourront en rigoler. « Tu.. pourrais la perdre ? Qu’est ce qui t’es est arrivée ? » James ne s’y attend pas et cela ne te surprend pas. Il a l’air aussi terrifié que toi à l’idée qu’une chose pareille puisse t’arriver. Personne ne souhaite se retrouver dans ta situation mais les circonstances ont voulu que c’était toi qui t’étais retrouvée avec ce morceau de verre dans la jambe. Tu n’avais pas été la moins bien lotie étrangement. Certains voyageurs étaient passés à deux doigts de dire au revoir à leur vie. Tu savais que ta jambe à côté c’était rien mais pour toi … C’était tout. « Un très gros morceau de verre est venu se planter dans ma jambe. J’ai eu de la chance, il n’a pas touché l’artère principale mais ce n’était pas glorieux à voir. Je dois attendre, 24h d’inquiétude et de doutes avant d’être fixée. » Elles allaient être longues ces 24h mais tout le monde connaît ce genre de période dans la vie. James avait perdu son frère jumeau, il devait avoir connu bien pire que ce que tu étais en train de vivre. Et pourtant, tu étais incapable d’être empathique, seul l’égoïsme prévalait aujourd’hui. « Je suis heureux de voir que tu es… vivante. » Un petit sourire se dessine sur ton visage. Tu es contente de l’être. Parce qu’il y a eu un moment où tu n’avais pas été certaine de t’en sortir aussi facilement. Tu avais failli perdre connaissance plusieurs fois et puis il y avait eu la douleur et … Enfin, tu préférais essayer d’oublier. « Je suis contente de l’être. Je … C’était horrible. » Dis-tu simplement avant d’ajouter : « Mais merci d’être venu me voir, ça me fait vraiment plaisir. » Tu étais tout ce qu’il y avait de plus sincère. James n’avait pas eu à venir te voir, te parler. Il avait pu rester avec Liviana.

Liviana, ton amie se trouvait elle aussi dans le train. Soudain, tu ne pus t’empêcher d’être paniquée à l’idée qu’il ait pu arriver quelque chose de grave à ton amie que tu n’avais pas revue après l’avoir croisée une première fois dans le wagon principal. Tu t’empressais donc de demander des nouvelles à James qui l’avait apparemment vue avant de venir te voir. « Son épaule a pris… Ils ont du la remettre en place et elle aura un écharpe pendant un moment. Mais physiquement ça va aller… Mentalement… Ca va prendre un peu de temps sans doute… » Tu hoches la tête rassurée que ton amie n’ait rien de grave. Un bras en écharpe lui permettra de guérir vite et elle pourra s’occuper de son bout de chou sans souci. Mais James a raison, vous alliez tous garder des séquelles de cet accident, que vous le vouliez ou non. « Ce … Je ne pensais jamais voir ça c’était … une vraie scène de guerre. » Dis-tu dans un premier temps avant de te rendre compte de la bêtise que tu venais de faire. James avait vu ce à quoi ressemblait la guerre et ce devait être bien différent. « Je … Désolé c’est sortit tout seul. » Dis-tu avant de baisser les yeux. « Tu vas bien ? » Finis-tu par demander pour essayer de te rattraper.

Il y a un regard vers cette jambe, puis à nouveau vers la jeune femme. Un faible sourire. Il voudrait faire plus que ça, plus qu’un sourire vide de sens. Mais il n’est pas médecin, pas guérisseur et n’a rien d’autre à lui donner qu’une présence. « Un très gros morceau de verre est venu se planter dans ma jambe. J’ai eu de la chance, il n’a pas touché l’artère principale mais ce n’était pas glorieux à voir. Je dois attendre, 24h d’inquiétude et de doutes avant d’être fixée. » Le type de blessure qui lui rappelle inévitablement des souvenirs. Il en a vu des blessures causées par des explosions, des jambes amochées et les conséquences… L’amputation… La mort parfois… Il voudrait être rassurant mais comment l’être sans mentir ? « J’ai envie de croire que tout se passera bien… Tu es entre de bonne mains ici. » Rien à voir avec la prise en charge précaire qu’il a connu sur le champs de bataille. « Je peux revenir te voir demain… Si tu le veux bien. Pour prendre des nouvelles. » Pour s’assurer qu’elle s’en sorte. Il s’inquiète un peu bêtement de la savoir seule, elle a sans doute des amis Milena, de la famille, peut-être même un compagnon, tout bien réfléchi ils n’en ont jamais parlé tous les deux. « Tu as quelqu’un pour t’aider après… ? » Quand il faudra rentrer et reprendre la vie au quotidien. Il peut sans doute l’aider lui - comme il le peut - à son niveau. Mais d’un coup la proposition semble un peu déplacée, il ne sait même pas où elle habite, il ne sait pas avec qui non plus… Il la connait du café, comme si elle y passait sa vie.

« Je suis contente de l’être. Je … C’était horrible. » La main de James qui se referme un peu plus fort sur celle de la brune. « Mais merci d’être venu me voir, ça me fait vraiment plaisir. » Un hochement de tête, ça le rassure d’entendre ça. De ne pas être un poids de plus pour elle, mais belle et bien un soutien. « Si… Tu as besoin d’en parler. Je suis là… Et je serai là... plus tard aussi. » Il n’est personne mais il est là, et il sait ce que c’est  de vivre l’horreur, il sait aussi comme il peut être difficile d’en parler juste après. « Et en dehors du café si il le faut. » Il rigole un peu cette fois, parce que c’est une évidence qu’il a lui aussi une vie en dehors de cette endroit où ils se croisent habituellement.

Mais rapidement le sourire s’efface quand Liviana est abordée. Quand l’accident est remis sur le tapis, lui et les conséquences de ce dernier. « Ce … Je ne pensais jamais voir ça c’était … une vraie scène de guerre. » Il déglutit un peu plus difficilement à ces propos, parce qu’évidemment la comparaison fait resurgir les souvenirs. Des images qu’il essaye d’effacer de sa mémoire depuis des années, qui l’empêchent de dormir la nuit.  « Je … Désolé c’est sortit tout seul. » Il baisse les yeux maintenant. « Ne t’inquiète pas… Je comprends… » La guerre c’est autre chose c’est sûre, mais il n’y a pas que du malheur, il en a des bons souvenirs aussi. Des souvenirs avec son frère. Et il se perd un peu dans ces derniers, quelques secondes à peine avant que la voix de Milena le rappelle à la vraie vie. « Tu vas bien ? » La question l’étonne un peu, comme si il s’était oublié depuis son arrivée ici. «  Oui je… Oui… » Non pas exactement à bien y penser, mais comment le lui expliquer, elle qui vit dans l’incertitude de garder sa jambe à cette instant même. « La journée a été longue mais je suis rassuré maintenant j’ai cru… J’ai eu peur de revivre des moments difficiles… » Une perte qu’il n’aurait jamais pu supporter. Une retour dans le noir… mais les deux jeunes femmes sont en vie, le reste est surmontable… Tout est surmontable.

Vingt-quatre heures dans ta situation c’était long, terriblement long. Et pourtant pour certains cela pouvait être si court … Tu étais jalouse sur le coup. Mais il restait désormais moins de vingt-quatre heures, le médecin était venu il y avait déjà deux heures certainement. Tu avais perdu la notion du temps, chaque seconde se transformant en une minute atroce. Du moins c’est ainsi que tu le vivais. Voilà pourquoi la présence de James était plus que bienvenue. Tu en avait terriblement besoin pour te changer les idées et pour extérioriser certaines choses. « J’ai envie de croire que tout se passera bien… Tu es entre de bonne mains ici. Je peux revenir te voir demain… Si tu le veux bien. Pour prendre des nouvelles. » Un sourire se dessine sur ton visage. Bien sûr que toi aussi tu as envie d’y croire, tu ne fais que ça. Mais tu refuses de ne pas envisager l’autre alternative car si les choses se compliquent, il faudra faire face et tu préfères t’y être légèrement préparé. La proposition de James te touche énormément parce que finalement vous n’étiez que deux personnes qui vous croisiez dans un café de temps en temps, échangeant quelques paroles. Mais mine de rien, vous aviez réussi à créer un lien qui était peut-être plus fort que tu ne le pensais. « Je ne dis jamais non à un peu de compagnie. » Lui dis-tu avec un clin d’œil avant d’ajouter. « Mais tu n’es pas obligé, tu as Liviana et puis ta vie qui t’attend. » Oui parce que la vie ne s’arrête pas parce que tu avais eu un accident de train. James avait un fils, ça tu le savais, en bas âge en plus qui avait plus besoin de son père que toi. Mais si James avait le temps de passer, il sera bien entendu le bienvenue. « Tu as quelqu’un pour t’aider après… ? » Cette question te prend de court pour la simple et bonne raison que tu n’y as pas encore songé. Tu n’as pensé à ton retour chez toi ni à ce qui allait se passer après que les vingt-quatre heures fatidiques se soient écoulées. Tu hausses les épaules avant de répondre : « Je vais soudoyer un de mes frères et m’inviter chez eux très certainement. Vu que le plus jeune n’a qu’un studio ce sera chez Nunzio très certainement. » En réalité tu te voyais mal habiter chez ton frère très longtemps vu vos rapports mais peut-être que ce serait un bon moyen de recréer des liens qui avaient toujours été assez tendus. Les images qui te revenaient étaient horribles et te donnaient encore des frissons. « Si… Tu as besoin d’en parler. Je suis là… Et je serai là... plus tard aussi. Et en dehors du café si il le faut. » Tu ne pouvais t’empêcher de penser que vous veniez certainement de passer un cap dans votre relation. Finis les quelques paroles lorsque vous vous croisiez au café, elles ne seraient sans doute plus suffisantes désormais. Réellement touchée, tu attrapes la main de James pour lui dire : « C’est … Merci. » Tu n’avais pas que des amis prêts à être là pour toi, tu le savais bien. « Je n’abuserai tout de même pas de ton temps. » Dis-tu avec un timide sourire sur les lèvres.

Et puis bien sûr, alors que James te parlait de Liviana et de votre état psychoogique, tu fis la gaffe du siècle en parlant d’images de guerre. Elles l’étaient pour toi mais James avait fait la guerre, la vraie qui avait laissé chez lui des souvenirs bien plus douloureux que les tiens. « Ne t’inquiète pas… Je comprends… » Tu préfères ne rien dire de plus pour ne pas continuer à t’enfoncer, il vaut mieux. Tu préfères donc prendre des nouvelles de James, détournant la conversation de ta jambe mal en point et te permettant de penser à autre chose qu’à toi, d’arrêter d’être égoïste. «  Oui je… Oui… La journée a été longue mais je suis rassuré maintenant j’ai cru… J’ai eu peur de revivre des moments difficiles… » Tu ne sais peut-être pas beaucoup de choses sur James mais tu sais qu’il a perdu son frère jumeau. C’est l’une des premières choses que tu as appris sur lui et il n’a pas été difficile de comprendre qu’il avait peur de perdre d’autres êtres chers. Un calvaire que tu n’avais pas eu à affronter dans ta vie. « Liv’ et moi on est bien plus résistantes que ça ! Ce n’est pas un stupide accident de train qui aurait pu nous arrêter. » Décides-tu de dire en essayant de détendre l’atmosphère. James ne doit pas se faire du souci, vous alliez bien, du moins plus ou moins bien mais vous étiez en vie. « Comment va ton fils ? » Lui demandas-tu curieuse. Cela lui fera penser à des choses plus gais très certainement.

L’instant semble flotter dans le temps, changer quelque chose sans pourtant assumer ce statut. Comme si après cet accident rien ne pouvait plus être identique. Et peut-être que ça plaisait à James d’une certaine manière. Même si le contexte était difficile. « Je ne dis jamais non à un peu de compagnie. » Un sourire à peine osé à l’idée qu’elle accepte sa compagnie, ou qu’elle ait envie de le voir revenir. Parce que lui le veut. « Mais tu n’es pas obligé, tu as Liviana et puis ta vie qui t’attend. » Obligé il ne se l’est jamais senti, pas quand ça concerne les gens qu’il apprécie, ceux qu’il veut avoir dans sa vie et une évidence commence à pointer le bout de son nez… Milena fait bien plus parti de ces gens qu’il ne l’aurait cru. « Il y a encore un peu de place dans ma vie… » Un peu de place pour elle même si il ne le dit pas exactement de cette façon. Parce qu’il avait envie d’être là, de s’assurer aussi qu’elle n’était pas seule, qu’elle ne le serait pas. « Je vais soudoyer un de mes frères et m’inviter chez eux très certainement. Vu que le plus jeune n’a qu’un studio ce sera chez Nunzio très certainement. » Un nouveau sourire attendrit… Il sait comme la famille est importante dans ces moments là et si il ne sait pas grand chose de la famille de Milena il est heureux de savoir qu’elle sera présente pour elle. « Si il n’est pas sympa tu me dis, je lui montrerais comment être un grand frère exemplaire. » Un clin d’oeil amusé. Pour James la famille a un importance capitale et plus particulièrement quand il est question de sa petite soeur qu’il se plait à couver. « D’ailleurs… Je pourrais te donner mon numéro, si tu veux. Ca sera peut-être plus simple… » Parce que malgré les années jamais ils n’avaient fait cet échange pourtant basique. Evidement il avait moyen d’avoir le numéro de la brune grâce à Liviana si besoin, mais n’avait jamais fait la démarche. Maintenant il voulait être sûr qu’elle puisse le joindre si elle le souhaitait. « C’est … Merci. Je n’abuserai tout de même pas de ton temps. » Il secoue la tête maintenant, comme si elle venait de dire une bêtise. « N’hésite pas Milena… » Il avait laissé un instant de silence pour bien marquer ses sincères intentions. « Vraiment. » Il n’insisterait pas plus, mais espérait qu’elle sache l’appelle au besoin. Il pouvait être une oreille attentive.

Il se surprend à penser un peu à lui quand elle lui demande comme il va, à laisser l’angoisse revenir quelques secondes avant qu’il ne la repousse à nouveau dans un coin de sa tête. Refusant de laisser les idées de mort revenir même si elles l’ont à nouveau hanté aujourd’hui - même si elle ne le quitte jamais vraiment, surtout la nuit quand les images de son frère reviennent le hanter. « Liv’ et moi on est bien plus résistantes que ça ! Ce n’est pas un stupide accident de train qui aurait pu nous arrêter. » Il voudrait le croire - vraiment mais ils savent tous les deux que les choses ne sont pas aussi simples. « Je compte sur vous pour ça ! » Pour rester avec lui… Parce qu’il le sait bien une perte de plus pourrait être une catastrophe pour sa santé mentale. « Comment va ton fils ? » Un sujet plus joyeux d’un coup, son fils dont il pourrait parler pendant des heures. « Il va bien, très bien même, il grandit tellement vite ça fait peur. Dans quelques mois il aura deux ans. » Il a de la peine à y croire encore - de la peine aussi à la laisser grandir. « Ca fait un petit moment que tu ne l’as pas vu. » Parce que Mathis ne faisait pas toujours partir de son rituel café. « Je pourrais l’amener demain si tu veux… Tu verras il a un effet magique, un sourire de sa part et on oublie tout. » Evidement ça marche pour lui - parce que c’est son fils, sa petite merveille la chose la plus importante de sa vie depuis presque 2ans maintenant.

Cela faisait maintenant un long moment que James était entré dans ta vie. Petit à petit, de manière douce sans réellement que tu t’en rendes compte et jusqu’à ce que tu te prennes à le chercher un jour en te rendant dans ce café où vous vous retrouviez souvent par hasard. Mais il n’était pas là ce jour-là et tu avais été déçue. Une expérience qui t’avait faite comprendre que des gens peuvent entrer dans votre vie sans fracas, sans avoir besoin de faire beaucoup de bruit. Et cela lien s’était renforcé car aujourd’hui James était là, à ton chevet, tard dans la nuit très certainement. « Il y a encore un peu de place dans ma vie… » Un petit sourire se dessine sur ton visage. Tu ne le montrer peut-être pas mais tu es touchée de ces mots prononcés par James. Tu savais par Liviana que c’était un homme très pris et savoir qu’il avait envie de prendre le temps de te faire une petite place dans sa vie c’était … C’était touchant tu ne peux le nier. « Comme il y a un peu de place dans la mienne. » Lui dis-tu avec un clin d’œil. Tu étais sincère, ce n’était pas comme si tu étais débordée face à toute l’affection de ton entourage. Non, tu avais de nombreux amis certes mais les plus proches se comptaient sur les doigts d’une main et c’était rassurant en quelque sorte car ainsi il est plus difficile de se sentir trahi si un jour les choses tournent mal. Parce que personne n’est à l’abri. James tenait à savoir si tu avais un endroit où aller lorsque tu sortiras de cet endroit. La réponse était non mais tu espérais que Nunzio t’ouvrirait la porte de chez lui pour quelques temps. Tu n’en doutais pas vraiment parce que peu importe votre relation, Nunzio n’avait pas un mauvais fond et vous vous aimiez derrière les taquineries et les piques bien placées. « Si il n’est pas sympa tu me dis, je lui montrerais comment être un grand frère exemplaire. » Tu ne pus t’empêcher de laisser un sourire en coin se dessiner sur ton visage. Ton grand frère était quelque part dans le monde, tu ne savais pas où et les nouvelles se faisaient rares. C’était chez ton petit frère que tu allais te rendre. « Si tu sais comment être un petit frère exemplaire je prends. Mon frère n’a jamais été exemplaire, tout comme ma famille. » C’était presque un euphémisme. Tu avais compris que les Beauregard avaient un esprit familial bien plus développer que ce dont tu avais l’habitude grâce à Liviana qui à travers des anecdotes t’avait fait toucher du doigt les habitudes de cette famille. « D’ailleurs… Je pourrais te donner mon numéro, si tu veux. Ca sera peut-être plus simple… » Il est vrai que vous n’aviez jamais échangé vos numéros de téléphone. Pourquoi ? Cela ne t’avait pas semblé important ou nécessaire, vous vous croisiez régulièrement au café. Mais James avait raison, ce serait mieux. « Mon téléphone est resté dans le train. Il faut que je vois si je peux récupérer mon numéro ou si je dois en changer avant de te le donner. Mais tu peux laisser le tient si tu veux. » Oui, ton téléphone n’était nullement une priorité avec tous les évènements et tu ne savais pas ce qui t’attendait à ce niveau là mais tu savais que tu n’allais pas pouvoir traîner non plus, tes clients devaient être mis au courant. Tu chargeras Leo de s’occuper de ça. « N’hésite pas Milena… Vraiment. » Tu hoches la tête avant de dire : « Merci. » Il n’y a rien d’autre à dire. Est-ce que tu l’appelleras pour qu’il vienne te sauver ? Tu ne saurais dire, pas maintenant, pas tout de suite en tout cas.

Décidant de changer de sujet, tu te décides à demander à James comment va son fils. Tu sais que ce dernier est le centre de la vie de James qui n’a pas hésité à te montrer rapidement des photos de son bout de chou et avant que tu ne le rencontres. Tu ne le voyais pas souvent mais c’était un beau petit garçon plein de vie. Luca et lui allaient former un beau duo tu en étais certaine. « Il va bien, très bien même, il grandit tellement vite ça fait peur. Dans quelques mois il aura deux ans. Ca fait un petit moment que tu ne l’as pas vu. Je pourrais l’amener demain si tu veux… Tu verras il a un effet magique, un sourire de sa part et on oublie tout. » Ca tu n’en doutais pas le moins du monde. Tu avais toujours adoré les enfants. Tu avais fait pas mal de babysitting quand tu étais au lycée à New York et tes amies n’avaient jamais compris. Tu t’étais imaginée maman à trente-quatre ans mais la vie en avait voulu malheureusement autrement … « Il est vrai que je ne l’ai pas vu depuis un petit moment. Si ça ne te dérange pas de l’amener je ne dis pas non. » Dis-tu à James réellement reconnaissante. Et puis cela te fera passer le temps. Tu regrettes de ne pouvoir bouger pour aller lui acheter un petit cadeau cependant, gâter les enfants des autres était presque devenu un passe-temps. « Luca et lui vont vous donner du pain sur la planche. » Dis-tu en pensant au fils de Liviana que tu n’avais pas vu depuis longtemps non plus.

Il l’aime bien Milena, il ne peut pas le cacher, elle est belle, elle a ce petit charme à elle. Dans un autre monde peut-être même qu’il aurait essayé de la draguer. Dans un monde ou son frère aurait été là pour lui mettre un coup de pied aux fesses, pour lui dire qu’il est assez bien, que ça n’a pas d’importance qu’ils ne viennent pas du même milieu ou qu’il soit déjà père. Dans un monde ou il n’aurait pas de peine à faire confiance aux femmes, où les déceptions n’auraient pas jonché sa vie. Mais là il se contente de cette amitié un peu étrange bien qu’il ne sache pas vraiment comment s’y positionner. « Comme il y a un peu de place dans la mienne. » Il s’en suffira pour le moment, une petite place. De quoi apprendre à la connaitre. De quoi devenir peut-être un peu plus qu’une rencontre de café, après des mois, des années, il s’en veut presque d’avoir attendu un accident comment celui là pour lui demander son numéro. Ou plutôt pour lui laisser le sien, elle a les armes en mains maintenant, la possibilité de le contacter ou pas selon ses envies. « Si tu sais comment être un petit frère exemplaire je prends. Mon frère n’a jamais été exemplaire, tout comme ma famille. » Une grimace qui s’affiche sur son visage. Cette pensé pour son grand frère le proche. Sam, le mari de Liviana. Ce même frère qu’il a parfois l’impression de trahir, se frère en souffrance qu’il ne peut soutenir parce qu’a ses yeux il n’est plus que le meilleur ami de Liviana… le frère traitre qui veut lui prendre sa femme. Celui qui prend sa place… Et il ne sait comment le convaincre du contraire, plus encore quand son neveu l’appelle papa, quand il le voit plus que son vrai père. « On est loin d’être parfait dans ma famille aussi… » La dernière réunion de famille en date en était l’exemple parfait. Une famille qui se déchire, un père incapable d’outre passer ses certitudes archaïques pour accepter son fils tel qu’il est.


La conversation finalement déviée sur son fils, l’ambiance avait semblé changer d’un coup alors que James parlait de son fils avec ce même élan d’amour qui le prenait à chaque fois qu’il pensait à la bouille blonde de Mathis.  « Il est vrai que je ne l’ai pas vu depuis un petit moment. Si ça ne te dérange pas de l’amener je ne dis pas non. » Il hoche la tête vivement James. S’en fait un plaisir. « Je suis sûr qu’il sera heureux de te revoir. » Parce que comme pour compenser le manque de sa mère, Mathis était ce genre de petit garçon à s’accrocher à toutes les présences féminines qui croisaient sa route. « Luca et lui vont vous donner du pain sur la planche. » Ils rient tous les deux. « Ne m’en parle pas… Ils ont déjà commencé ! La maison est un vrai chantier ! » En réalité elle ne le restait jamais bien longtemps. James un peu maniaque sur les bord et occupant ses insomnies au ménage de la maison qu’il partageait avec Liviana. « Je… Je devrais y aller. Liviana doit m’attendre… » La main qui se défait de celle de Milena. « Je viendrais prendre des nouvelles demain… J’espère sincèrement que tout ira pour le mieux. » Pour sa jambes, pour elle, pour cette période de rétablissement qui s’annonçait longue et probablement douloureuse. « A demain. » Il dépose un baiser sur sa joue, s’attarde peut être un peu trop, avant de la quitter. Fermant la porte de la chambre avec cette impression étrange qui lui prenait les tripes.