Après avoir descendu un énième café, fait sa lessive et son ménage, Mickey cherchait encore à s'occuper même si visiblement, il n'avait plus grand chose à faire. Enfin, il y avait bien la montagne de courrier à traiter sauf que c'est justement ça qu'il cherchait à éviter par tous les moyens. Il avait même nettoyé les joints du carrelage de la salle de bain pour ne pas éplucher l'immense monticule de papiers qui s'entassait depuis un temps indéterminé, plusieurs semaines voire des mois. A l'aire du numérique, plus aucuns de ses amis ne lui envoyaient de lettres, seuls les organismes officiels, les factures et les publicités en tout genre survivaient à l'envoie postales. Quoi que la publicité était plus que présente sur le web, mais bon. Il s'assit sur sa chaise, face à son bureau qui avait plus ou moins disparus sous un tas d'enveloppes de formes et couleurs différentes. Il ne vidait sa boîte aux lettres que lorsque le facteur venait se plaindre qu'il n'avait plus la place d'y entasser le moindre pli. Enfin, les jours où il était chez lui. Des fois, le postier lui glisser un mot bien salé sous sa porte, et même deux ou trois fois, il s'était carrément déplacé jusqu'à la caserne. Mickey préférait se dire que c'était aussi sur le trajet de sa tournée et qu'il n'avait pas fait le déplacement juste pour lui souffler dans les bronches. Aujourd'hui, il n'avait plus trop le choix, il avait remarqué quelques tampons rouges signes de dernières relances qui ne laissaient rien présager de bon. Sans grande envie ni motivation, il commença à se construire des tas, d'abord les publicités qu'il jetait immédiatement dans la corbeille en se faisant un malin plaisir à tout déchirer en tous petits morceaux pour se défouler et éviter d'encombrer sa corbeille trop vite. Les fascicules, les catalogues, flyers et autres prospectus ne recevaient même pas l'honneur d'être lus. Quelques parts, ça le foutait en boule de voir tout ce gâchis de papiers, il se sentait comme complice de ce gaspillage alors que pourtant, sa boite aux lettres portait la mention « pas de publicités » et qu'il n'avait aucun abonnement postal. Dans quel monde vivait-on? Il lui fallut pas moins de dix minutes pour en venir à bout, il hésitait même à s'octroyer une petite pause parce qu'il fallait avouer que c'était fatiguant, mais il jugea plus sage de continuer. Il se connaissait par cœur, s'il s'arrêtait maintenant, il reprendrait dans plusieurs semaines. Pour la suite, il regroupa les enveloppes portant des cachets rouges avec les mentions « urgent, dernière relance, sommation » et autres appréciations tout aussi jovial qui lui fichait le cafard. Une ou deux fois, il s'était fait couper l'électricité parce qu'il avait oublié de payer ses factures... Ce qu'il fallait savoir, c'était qu'il avait eu quelques soucis d'argents l'année passée, dépensant tout son argents dans la boisson jusqu'à se retrouver à découvert puis interdit bancaire à force de ne pas renflouer son compte. Depuis, sa banque ne lui permettait pas d'avoir des prélèvements, il devait faire lui-même les virements ou bien se déplacer faire des chèques ou payer en liquide. Le problème se posait aussi qu'il manquait de temps à cause de son travail alors il ne faisait son courrier qu'une fois par mois, avouons-le, par moment tout les deux mois. Faire face à autant de mauvaises nouvelles d'un coup était pourtant plus simple que d'en avoir chaque jour. C'était un peu con, mais se faire casser le moral quotidien ça ne l'emballait pas, il préférait se prendre le chou de façon démesurée en une seule fois. Dès qu'il se découvrait une facture à payer incessamment sous peu, il remplissait un chèque, attaché le tout d'un trombone et empilait dans un bac avec l'idée de tout amener une fois le tas fini. Une enveloppe attira son attention bien plus que les autres avec la surprenante décoration noir « ultime requête avant tribunal ». Ca, c'était de l'inédit, pourtant il en avait vu passer en tout genre avant d'être interdit bancaire par le passé. Il se gratta la tête et passa frénétiquement sa main sur sa nuque, cherchant à toute vitesse ce que ça pouvait bien être. Il retourna l'enveloppe pour y chercher l'identité de l'expéditeur, rien. Il ouvrit le pli et jeta un coup d’œil à l'en-tête. Le Death Before Decaf. Il serra les dents. Bien qu'il n'ait que de vagues souvenirs de l'endroit, il l'associait à ses quelques-unes de ses cuites, où il s'était mis plus que minable, accusant en partie le personnel d'avoir continué à le servir alors qu'il devait être complètement pété. À la lecture de lettre, il frôla la crise cardiaque voire l'accident vasculaire cérébral en voyant le montant à cinq chiffres. Alors qu'il s'attendait à ce qu'on lui demande simplement de s'occuper d'un impayé de consommations, on lui réclamait aussi de payer pour les dégâts qu'il avait causé lors d'une bagarre. La facture détaillait des verres, des plateaux, des chaises, des bouteilles, le parquais, un bout du comptoir et autres conneries du genre. Mickey été sur le cul. Sans déconner, les bars avaient des assurances pour ça, c'était bien la première fois qu'on lui envoyait ça alors qu'il avait malheureusement été accoutumé de la baston de bar. Ni une, ni deux, il laissa le reste du courrier en plan, attrapa sa veste et ses clés pour se rendre directement au Death Before Decaf en un temps record, remonté comme jamais. Une fois sur place, il ouvrit la porte à la volée avant de scander. "Il est où le patron?" Le regard assassin, la lettre chiffonnée et coincée dans son poing si serré qu'elle refroidirait à cause du manque de circulation sanguine s'il n'était pas bouillant de colère. "J'ai deux mots à dire à ce scélérat!" Il voulait bien assumer ses conneries et essayer de se racheter, mais là, c'était un peu abusé à ses yeux. Cinq chiffres, c'était une somme qu'il ne pouvait pas débourser comme ça et qu'il n'arrivait à concevoir avoir plus provoqué autant de dégât, il lui fallait des explications de toute urgence.
C’est Scar qui arrive comme une fleur dans mon bureau = lire ici la réserve entre les poches de café à moudre, et les différentes machines à espresso en réparation. C’était un secret pour personne, j’adorais me planquer ici pour finaliser les trucs plus administratifs du café, pour prendre une pause du bain de foule, pour régler mes dossiers d’adulte. La soirée du nouvel an avait redonné un bel envol à DBD et avait permis à l’établissement de faire une belle cagnotte qui irait fort probablement dans l’embauche de nouveaux employés, question de rendre à l’équipe actuelle un semblant de vie normale entre les horaires de fou et les jours de congé qui s'effritent. Elle toque sur l’étagère à mes côtés, toussote, râle, et je finis par lever la tête dans sa direction après avoir signer un énième formulaire, me sentant vachement comme un adulte le temps d’une fraction de seconde. « T’as un fan à l’avant. » son ton est sec, il n’augure pas grand chose de bon, néanmoins c’est l’air de l’idiot de service que j’arbore alors qu’un sourire se dessine sur mon visage, que mes paupières se referment sous l’expression. « Ouh, un mec? Ils se font rares ces jours-ci, c’est Andy qui va être jaloux. » Andy le voisin curieux, Andy le pote de Lene, Andy qui reluque allègrement mon cul dès que l’occasion se présente - et qu’il soit opportuniste n’aide pas du tout dans cette sensation d’être comme un morceau de viande à ses yeux. « Il t’a qualifié de “scélérat” - c’est un littéraire. » le sarcasme de Scarlett a toujours su me décocher le rire facile, encore plus lorsqu’elle se prête au jeu, et que son discours n’en reste pas moins alarmant. De qui est-ce qu’elle peut bien parler? J’pense bien sûr à Ezra, peut-être même Tad. Quelque chose me dit que l’un ou l’autre risque de faire son entrée dans ma vie un jour proche, une impression en travers de la gorge qui est tout de même annihilée sachant que Scar les connaît tous les deux, et qu’elle ne manquerait pas de me le dire s’ils passaient la porte du café. « Bon parti. » je réfléchis encore à l’inconnu qui a le coeur lourd, qui semble prêt à mordre aux dires de la brunette, et elle laisse échapper un soupir qui la caractérise, qui catégorise la discussion trop longue à son goût, qui me ramène à l’ordre, qui me rappelle qu’elle a absolument rien de ma secrétaire et que le plus vite elle retourne à l’avant avec une réponse concrète, le mieux elle se porte. « J’lui dit quoi? » elle tape du pied, je pince des lèvres, tente le tout pour le tout, le rire facile. « Lui proposer de me déclarer sa flamme par alexandrins le temps que je boucle la facturation de décembre, ça passe pas hen? » elle roule des yeux, tourne des talons, ne prend pas l’option blague pour du bon, pour du potable. « J’y vais dans 5. » que ma voix finira par résonner dans son sillage, faire écho à ce coup d’oeil qu’elle me lâche par-dessus son épaule, presque alarmée. « Il l’a mauvaise. » qu'elle avise. Ouais, je m’en doutais.
Et la preuve n’est que plus visuelle alors que je passe l’embrasure de la porte de la réserve, remontant mes manches, les dossiers sous le bras. Il est accoudé tout au bout du comptoir, une enveloppe avec laquelle il joue nerveusement du bout des doigts. Scarlett me le pointe du menton avec l’air angélique qu’elle étampe sur son visage blasé dès qu’un pourboire de client est à la clé. Mon amie disparaît s’occuper d’un couple de clients qui vient de passer la porte, alors que je finis par terminer ma course à la hauteur du mec en question, l’air hagard, pas du tout facile d’approche. Et ces prunelles que je reconnais sans vraiment le faire, ce coup d’oeil nerveux qui me dit vaguement quelque chose, qui est probablement déjà passé ici ou ailleurs, que je connais pour sûr, mais qui ne me saute pas de suite à la mémoire. « J’imagine qu’un espresso triple serré risque de vous porter le coup de mort, à voir votre tête. » et il apparaît comme une fleur le McGrath, avec cet humour de merde qui lui vaut un bleu ou deux hebdomadaires de la part de Lene - et quelques regards noirs de la grande majorité de mon entourage. Il lève la tête, et n’est pas du tout apte à jouer à ça, c’est un frisson de malaise qui caresse mon échine maintenant que je ne le replace pas assez vite à mon goût pendant que lui, il a les idées noires, il a le goût de la hargne à la gueule, et aucune explication du qui ou du pourquoi qui lui pend au bout du nez. « Qu’est-ce que j’ai encore... » fait, que je commence, entre la blague et l’inquiétude, avant de laisser mes iris balayer l’espace d’un instant les feuilles qui dépassent de l’enveloppe, et le logo du comptable engagé par les parents - même comptable qui avait aidé à boucler les documents légaux envoyés au p’tit con qui s’en était pris au café, à des clients, à l'équipement, la parole un peu trop acide pour l’équipe à mon sens. Le p’tit con un peu plus propre et moins bourré qui est posé tout devant. Le p’tit con qui ne la trouve plus marrante du tout, je parie. « Oh. » et mon expression change totalement, se fermant complètement. Je prends les paiements en chèque, ou par carte bancaire.
AVENGEDINCHAINS
Dernière édition par Matt McGrath le Jeu 25 Jan 2018 - 14:00, édité 1 fois
Compter les minutes. S'attarder à observer le lieu à demeurer immobile ou presque, torturant ce monceau de papier du bout des doigts pour se calmer les nerfs. Mickey bouillonnait et ne faisait pas d'immenses efforts pour s'apaiser, à peine de quoi tenir le temps d'avoir le véritable responsable de ce tas de conneries sous la main plutôt que de perdre son temps à incendier tout le personnel. Compter les minutes. Il avait beau se mettre une pression constante pour devenir une nouvelle personne, quelqu'un de bien, ça signifiait surtout être sobre à ses yeux. Se débarrasser de son comportement en général n'était pas vraiment à l'ordre du jour, quand il avait une idée en tête, c'était le type le plus borné qui soit. Là, il était plus que persuadé qu'il n'était pas en tort, c'était indubitable. Compter les minutes devenait long. Interminable. Les sourcils froncés, il dévisageait chaque nouvelle personne qui passait dans le sillage de son regard perçant. Lorsqu'un serveur se risqua à le taquiner sur son air grognon, il ne laissa qu'un son roque s'échapper non sans laisser entendre qu'il n'appréciait guère. Le message semblait être passé puisqu'il s'interrogea à haute voix ce qu'il avait bien pu faire. "Et t'imagine aussi dans quelle partie de ton anatomie j'ai envie de propulser ma chaussure?" Une partie de Mickey s'en voulait un tantinet, mais la majorité de son esprit était déjà en train de s'enflammer en imaginant la future confrontation qui s'annonçait dès l'arrivée du patron et qui s'envenimait encore plus face à un employé lambda. En d'autres circonstances, il aurait pourtant apprécié la réparti du jeune homme. Si Mickey avait était simple spectateur il aurait même éclaté de rire sauf qu'il était assez susceptible, pire quand cela venait d'inconnu par surcroît. Inconnu, peut-être pas. Ce petit air narquois lui rappelait vaguement quelque chose, un subtil mélange de malice et de raillerie également qui lui laissait à Mickey un sentiment amer de déjà vu. Un sourire sardonique donnant à la bouche une expression acerbe et moqueuse se lisait sur le jeune homme ce qui avait tendance à agacer le pompier encore plus. Étant donné qu'il était déjà venu dans cet établissement par le passé, il ne chercha pas plus loin, un serveur parmi tant d'autre. "Va mendier un pourboire plus loin, je n'ai pas de temps à perdre avec le petit personnel aujourd'hui!" Accentuant ses propos d'un geste sec en balayant sa main à vive allure, signe bien connu pour signifier aller, du balai pour finalement détourner son regard, continuant de scruter les allées et venu de tout un chacun en attendant le big-boss. L'endroit était assez sympathique bien que ça lui écorcherait la bouche de le reconnaître. Il imaginait déjà la théorie du complot, une immense arnaque qui visait à poursuivre les pauvres idiots complètement saouls qui se seraient fait un peu trop remarqué, mais qui n'ont plus aucun souvenir de ce qu'il s'est réellement passé à qui ont demandaient des sommes folles pour de la prétendue casse. Un bon moyen de faire de l'argent. Mickey se dressait petit à petit un portait des plus odieux du propriétaire des lieux. Et pas pressé qui plus est, qui ne daignait toujours pas se montrer. "Une gargote avec un personnel comme ça, je vais encore tomber sur un patron bien emmanché à tous les coups..." Ses pensées s'extériorisaient machinalement, à mi-chemin entre le marmonnement et le grognement quoique suffisamment audible pour le serveur, toujours planté là. "Tu peux me reluquer tant que tu veux, mais tu n'es pas du tout mon genre!" La désagréable sensation de quelqu'un qui vous fixe sans arrêt, c'était vraiment un truc qui le déstabiliser alors pour se donner l'impression d'avoir de l'assurance, Mickey préférait être agressif, histoire d'avoir la paix. Il n'avait toujours pas compris qu'il était en présence de celui qu'il attendait depuis le début. L'esprit emplit de préjugé, impossible d'imaginer que le jeune homme avait des responsabilités. Il n'était pas doué pour évaluer l'âge des gens, mais il avait tendance à penser que ce dernier avait à peine la petite vingtaine. Se sourire sardonique faisait toujours son petit bonhomme de chemin dans son esprit, essayant de raccrocher cette sensation de déjà vue à un souvenir, en vain.
Alors c’était lui, le mec qui avait mis des éclats de verre jusqu’entre les planches de skate, sur le mur du fond, tout juste derrière sa silhouette C’était lui qui avait fait fermer le café un jour de week-end le temps de ramasser ses dégâts de gros lourd pas satisfait du taux d’alcool dans son sang. C’était lui qui venait de recevoir les derniers avis légaux toujours pas payés, parce que la bière justifie les trous de mémoire, occasionnent des crédits bancaires aussi - c’est bien connu. « On n’implore pas le Dieu Converse en vain. » la mention du lancer de chaussure me fait hausser le sourcil, l’attitude encore plus. En d’autres circonstances, ç’aurait été un plaisir de faire à l’amiable. Pas de quoi s’énerver, on efface et on recommence. Devant un type qui ferait amende honorable, j’avais strictement rien à redemander - et même, qu’il soit bourru mais avoue ses torts, c’était tout ce que je demandais. Pourtant, si l’envoi par le financier des géniteurs me semblait à l’époque être un peu trop gros pour l’affaire, je suis particulièrement content qu’il soit là devant moi à tout sauf demander réparation, d’un coup. Plus aucun remords, plus aucune culpabilité. Les mains qui s’appuient de part et d’autre sur le comptoir, et les rétines qui se vissent aux siennes, avant de suivre son mouvement las et tellement surjoué qui m’invite à dégager. « Ah ouais, direct le p’tit peuple. C’est qu’on accueille la royauté, là. » et son cul, il veut un siège en or décoré de diamants, sinon? J’aurais pu me le permettre, si ses impulsions de drunktard n’avaient pas coûté le double au loyer. Et il continue, il se donne en spectacle, il articule devant ce qui, à une époque, aurait pu être son meilleur public. Ça me faisait rire ce genre d’ironie, ce sarcasme à deux balles dont jadis j’étais passé maître. Sauf que là, c’était pas de gaieté de coeur, ni d’intérêt. « J’comprends pourquoi Deklan a pas lésiné sur ta gueule. » direct pour ma part, pas assez pour celle du grand blond qui nettoie une table dans l’allée. C’était lui qui avait été pris pour mobiliser l’autre tempête entre son whisky et son houblon. À ce qu’il paraît, y’avait pas eu de coups en bas de la ceinture en traître, mais c’était pas l’envie qui manquait. « Et j’sais pas du tout ce qui me prend de pas laisser Scarlett finir le travail. » la brune qui arque la nuque à notre attention, s’humectant presque les lèvres d’avoir l’autorisation du big boss d’enfin arrêter de jouer à la princesse aux lattés, de laisser passer ses pulsions sur le premier connard venu, entre l’augmentation que je lui donnais pas, les éternelles questions de Tommy sur sa vie en général, et tous les irritants du service client qu’elle arrivait à ravaler de mieux en mieux au fil des semaines. « T’as qu’un mot à dire, Matt. » pas la peine, celui-là, je me le garde. « La galanterie, j’suppose. » et un soupir de sa part à mon intention, avant que ce soit le tour des présentations. La main se tend, le visage se ferme, et la mâchoire se serre. « Matt McGrath, patron bien emmanché. » et je pèse sur tous mes mots, je me casserai pas du tout devant l’occasion de faire les choses bien, en l'occurrence de le faire chier un peu plus qu’à son habitude. « T’es venu voir ça avait pris combien de temps avant de rénover les tables que t’as dégommées? » et elle est mignonne ma voix, elle est douce mon imitation du ton que prend Lene quand elle a envie de me faire chier à un niveau plus élevé que la moyenne. Il ne répond pas tout de suite, ou alors je ne lui en laisse pas le temps ; j’ai pas vraiment le goût de lui donner le bénéfice du doute, ni même de perdre une fraction de seconde supplémentaire sur ses justifications, sur le fait qu’il était dans une mauvaise passe de sa vie, que le dernier verre était de trop, qu’on l'a cherché, que c’est pas sa faute, mais celle de la planète entière. Prends tes responsabilités, dude. « J’en comprends que t’es venu me porter ton chèque en personne pour t’assurer que je reçoive le paiement avant la date butoir? » et si ma main a serré la sienne il y a une poignée de minutes, c’est maintenant ma paume que je lui offre, dans l’attente des dommages collatéraux sur son portefeuille.
Pressé d'en finir, il ne savait pas encore comment toutefois, il voulait en finir le plus rapidement possible. Le peu de patience qu'il avait été réservé à son travail en dehors de ça, sa capacité d'attente était aussi négative que les températures en Antarctique. Il y avait plus de chance de croiser un manchot à Brisbane que de voir Mickey supporter le temps qui s'écoule en vain avec le sourire. Sourire qui s'étiole au fur et à mesure qu'il désire que le patron daigne arriver pendant qu'il supporte, non sans mal, le serveur qui semble prendre un malin plaisir à lui échauffer les oreilles. Quelque part, au fin fond de sa tête, il comprend que son comportement est seul responsable de l'attitude du jeune homme, que ce n'est qu'une réponse à son caractère soupe au lait. Pourtant, mal luné comme il est, Mickey s'attendait à plus de considération de la part du personnel, se persuadant de son statut de victime, cible d'un ignoble coup monté. Il se décide finalement à user de quelques forces qu'il a en réserve pour éluder le sarcasme du serveur, se contentant de serrer les dents et de contrôler sa respiration pour garder l'intégralité de sa verve pour le patron. Néanmoins, une de ses répliques fait mouche, obligeant Mickey a reporté son attention sur lui, perplexe. Deklan, ça lui parle, mais quand on touche là où ça fait mal, l'organisme répond toujours. "Peut-être qu'il imaginait que c'était ta tronche, mais qu'il n'ose pas réellement te toucher par peur de se salir?" Des brides de souvenirs l'assaillent, la bagarre qu'il a eu ici justement, ça ne l'apaise guère d'autant plus qu'on lui en parle de manière à l'enfoncer en ajoutant que la serveuse pourrait finir le travail. Il lui jette un rapide coup d’œil, elle est prête à lui sauter à la gorge et n'hésite pas à montrer sa loyauté envers son collègue. Il ne lève pas la main sur les femmes, le problème, c'est qu'elle en serait plus que ravie, ça se lit sur son visage aussi bien que sur un écran haute-définition. Haussement de sourcil exaspéré avant de reporter son attention sur le serveur qui continue de cancaner avant de se présenter. Deux choses l'ébranlent, son nom et son statut. La première lui sonne aux oreilles comme une alarme qu'il ne décrypte pas, l'autre lui hurle aux oreilles qu'il vient de passer pour un benêt, mais de ne surtout pas changer d'optique, autant aller jusqu'au bout de toute façon, c'est trop tard pour faire marche arrière. Il attrape instinctivement la main qu'il lui présente, gardant l'empreinte de son éducation contre laquelle il ne peut pas systématiquement lutter. Tenter par l'irrépressible envie de lui broyer les doigts, il se heurte malheureusement à une poignée de main ferme et intransigeante, tout deux y mettant autorité, c'est un match nul. Son ego se booste à nouveau quand il réalise qu'il peut jouer le coup du type qui vient admirer les dégâts qu'il a causé, il garde ça dans un coin de la tête, convaincu qu'il ressortirait ça à sa sauce en retournant la tournure de Matt. Finalement, il va peut-être faire preuve d'un peu de patience malgré tout. Du moins, dans sa connerie. Quand il fait face à la main tendue du jeune homme, prêt à encaisser ce qu'il estime être son dû, Mickey en reste muet presque interdit. Avec ce petit rebondissement sur le serveur qui n'en est pas un, il avait presque oublié pourquoi il était là. "En fait j'ai reçu la lettre au père noël d'un gamin de cinq ans qui me réclame une petite fortune... Je suis venu ici pour briser ses rêves!" Il lève le bras à hauteur de son buste, histoire de bien montrer la lettre de menace avant de commencer à la chiffonner, bien soigneusement en prenant son temps, histoire de faire durer le plaisir. Son propre plaisir. Sans quitter Matt des yeux, il dépose délicatement la lettre fraîchement transformée en boulette de papier. "Faut plutôt voir avec le magicien d'Oz, c'est lui qui distribue courage et cerveaux par contre." Il avait hésité entre ça et une comparaison avec un lutin du père noël, mais il n'était pas assez petit pour ça. Il était assez imposant d'ailleurs fallait bien l'avouer, ça se deviner tout de suite qu'il avait la carrure pour faire face à Mickey bien que cela ne l'empêche en rien de continuer de jeter de l'huile sur le feu. "Mais si t'as une photo des tables que j'ai dégommé, je veux bien te la dédicacer avant de partir." C'était à son tour d'afficher un sourire sardonique, bien content d'avoir pu rebondir sur la précédente remarque qui lui avait trotté dans la tête.
Appuyé au bar il me fait les yeux doux, où c'est sa rage et son dédain que je lis dans ses iris plus qu’autre chose. Si de base il ne réalise pas tout de suite qu’il parle au patron de l’endroit ; et je ne sais pas si je dois me sentir heurté par son petit manège de diva en recherche de plus haute figure d’autorité ou flatté de pas ressembler à ces gérants de pub bedonnants qui communiquent strictement par grognements, mais je préfère laisser couler, le laisser s'enfoncer un peu plus encore. Et je m’adosse au mur de bouteilles disparates derrière moi, les prunelles qui se plantent dans la silhouette de l’autre, tentant de suivre ses effluves d’explications à saveur de houblon qui a mal tourné et ses attaques gratuites et pas particulièrement drôles du revers. Il pensait vraiment s’en sortir, comme ça? Je pouvais pas croire qu’au monde restaient encore des gens qui agissaient comme si tout leur était dû au centimètre près, qui s’en prenaient au petit peuple comme ils le voyaient, façon ingrat au possible, prendre les gens pour des cons de première. Je l’écoute par contre, plus de politesse que celle à laquelle il devrait avoir droit à mon sens, mais y’a des gens dans le café, y’a Scarlett, y’a Deklan qui s’en vient, et comme son dernier épisode a ajouté plusieurs 0 au paiement total de l’endroit, vaut mieux jouer à l’adulte devant l’autre gamin en crise d’adolescence. « Stay cool. » que je finis par lâcher, secouant la tête de la négative, devant ses attaques qui ne me froncent pas, limite qui me font presque rire, blasé. C’était l’avantage d’être habitué de vivre avec Lene et d’être exposé jour et nuit à sa verve acide et à ses piques difficiles - personne d’autre ne m’atteint vraiment, maintenant, aussi virulent puisse-t-il être. « Bon déjà, tiens. » si mon poing avait bien envie de rencontrer sans gueule question de le secouer un peu et de lui remettre les idées et le bon sens en place, c’est plutôt une tasse de café que je dépose sous ses yeux, lentement, avant de faire glisser plus brusquement à sa droite le sucre, le lait. Le tout a pris plusieurs minutes de silence à se préparer, et j’ose espérer qu’il se soit calmé, que l’attitude de personne responsable que j’arbore le posera suffisamment, qu’il arrêtera de se prendre pour la diva queen de Logan City parce que non, je flancherai pas. « La maison qui paie. C’est pas comme si 5$ supplémentaires qui s’ajoutent à ta dette changeront le reste. » retour au programme principal et même si mon ton est léger, mon expression, elle, ne change pas. « L’endroit était dégueulasse le lendemain matin, dude. Tu t'es surpassé, pour sûr. » probablement que lui aussi, devait être dans un sale état. On m’avait raconté qu’il avait gerbé à un moment, que ses élans de violence lui avaient lacéré les doigts aussi. J’étais prêt à parier que la gueule de bois qu’il avait dû encaisser au réveil avait fait office de punition bien méritée, de châtiment pour avoir été un vrai con pas capable de tenir sa bouteille. Je le sais, j’ai déjà été dans sa position. Sauf qu’apparemment, les proprios des bars où j’avais foutu le trouble avaient la patience plus large que la mienne - et celle de mes investisseurs de parents. « Je sais pas comment ça fonctionne actuellement dans ton monde, mais dans le mien, tu brises, tu paies. » et ma voix est calme, maintenant que je prends une longue gorgée de mon propre espresso, le finissant par le fait même. Qu’il ne tente pas de s’en sortir avec des explications, des justifications, le jeu de à qui la faute, les faits sont là, les caméras ont tout filmé, la scène qu’il nous a fait restera dans les annales et personne ici n’est à l’aise de le savoir installé au comptoir, lui qui est maintenant connu pour avoir un sacré jab de la gauche lorsqu’il s’en prend au merisier vernis des tables en biais. « Oh et des photos pour prouver tes dégâts, j’en ai des tonnes. Ou plutôt, mon avocat en a des tonnes. » il blaguait au sujet des preuves tout à l’heure, bah c’est tant pis pour lui. Je me fiche qu’il n’ait pas les fonds, je me fiche qu’il mette le tout sur la faute de son alcoolisme ou d’un potentiel de. Je ne suis pas du tout intéressé à rester là encore longtemps à l’entendre ratourer sous prétexte qu’il se croit si invincible, si légitime. Y’a qu’une victime ici, c’est le mobilier - et il mérite sa vengeance.
Ce n'était pas exactement comme ça qu'il avait imaginé passer sa journée de congé, même si dès le départ, il s'était douté qu'il ne tirerait rien de bon de son courrier. C'était un peu pour ça qu'il laissait traîner cette corvée. C'était à cause de ça également qu'il s'attirait autant d'incommodité. Ouvrir son courrier en temps et en heure n'aurait pas non plus changé grand chose à la situation tout compte fait, l'élément perturbateur remontant à quelques mois déjà. Aujourd'hui, il avait peut-être une chance de changer la donne, d'appliquer les précieux conseils qu'on lui avait prodigués ces derniers mois. Il lui fallait apprivoiser ses pulsions d'algarade, ses attaques verbales qu'il crachait de façon cinglante dans le seul but de passer ses nerfs, trop souvent prémices de disputes. Si les bagarres étaient des parties de jambes en l'air, la tendance à l'avanie de Mickey serait l'équivalent des préliminaires. Non seulement, il énervait, sciemment, la personne en face de lui mais en plus, il se remontait la mécanique en attisant sa propre irascibilité. « Stay cool. » Une simple phrase qui le laisse silencieux. D'une part parce qu'effectivement c'était de circonstance et qu'il venait à peine de le réaliser. D'autre part parce que ça lui rappelait vaguement quelque chose sans pour autant l'identifier. Ou bien était-ce cette sensation d'embuscade, encerclé par le serveur et la serveuse dont le dévouement au patron transparaissait comme une évidence? Alors qu'intérieurement Mickey tente de s'apaiser voilà qu'on lui propose même de se désaltérer avec un café. Le tout agrémenté de quelques piques bien méritées bien sûr, les paroles ont beau s'envoler son interlocuteur n'a pas la mémoire courte. "Merci." Toujours indisposé à reconnaître ses torts, il murmure néanmoins une politesse ou plutôt un faible marmonnement. Mickey se retient de demander s'il n'a pas craché dans la tasse. Il a assisté à la fabrication, ce ne serait qu'une algarade supplémentaire qui n'aiderait en rien. Mickey avait cette fâcheuse tendance à l'exagération, à laisser son irascibilité prendre le dessus sur son bon sens. Emporté par l'indignation il s'était engouffré dans une spirale autodestructrice qui le consumait jusqu'aux entrailles comme souvent. "Ce n'est pas plutôt je brise, ton assurance te paye? La garantie bries de glace ce n'est pas que pour les voitures quand même..." Il se passe machinalement la main sur la nuque qu'il masse un court instant avant de se frotter les yeux. Ça le fatigue. Il a le don de s'empêtrer dans tous les désarrois possibles et inimaginables. Il attrape la tasse et boit une gorgé. Les doigts serrés autour de la porcelaine, appuyé sur le comptoir en bois qu'il imagine farfelu comme du séquoia ou une autre variété au nom exotique, il fait défiler le doigt de son autre main sur quelques centimètres, les yeux rivés sur son propre geste. "Si cher... Si fragile..." Aujourd'hui sa chance tenait principalement du fait qu'en face de lui, il n'y avait pas de réponse agressive à proprement parlé même s'il était loin de se laisser faire, le patron avait la supériorité d'esprit rester serein. Impavide également toutefois, ce qui avait agacé fortement Mickey au départ pourtant, il se calmer tout doucement. Pourtant, il était bien loin d'entrevoir l'opportunité qui s'offrait à lui. La chance ça va, ça vient. "Le problème quand on engage des designers hors de prix, c'est que ça multiplie au centuple les frais de remplacement. Si t'avais eu des meubles discounts, j'aurais reçu une facture de cinquante dollars. J'ai pas à payer pour tes choix luxueux." Bien que sa voix soit descendue d'un ton ou deux, son discours et ses intentions n'ont pas changées. C'est qu'il peut être très persistant, même quand il a tord encore plus quand il se voile la face et croit dur comme fer au contraire.
La tactique de le calmer passe bien, mieux que ce que j’aurais pu croire, sachant que même moi j’avais envie de lui en coller une. Mais pas devant les clients, pas devant l’équipe, et surtout pas pour ses beaux grands yeux qui se feraient probablement plus que plaisir de me filer le numéro de son avocat le premier coup donné, après avoir pointé du menton les caméras qui auraient tout filmé. Autant être l’adulte des deux, écouter son baratin, m’offrir un espresso pour calmer mes pulsions et garder la mine impassible, le sourire neutre. « Ouais, mais si l’assurance essuie tous tes dégâts, c’est pas ça non plus qui va te faire comprendre la leçon, hum? » par contre, la remarque, elle est dite avec bien du cynisme, avec le ton mélodieux d’une enseignante parlant à ses élèves trop jeunes, trop turbulents. Je sais bien que l’assurance couvrait le tout, je sais bien aussi que les mecs dans son genre avaient besoin de se faire mettre un frein, que ça devait pas devenir une logique implacable, effarable, que de cogner réglait tout, que démolir pouvait se passer sans heurts. Il se la coule douce, de son côté du bar, à placer ses pièces d’échecs devant mes soupirs, devant mes silences. Pas qu’il m’emmerde, c’est même amusant de le voir se démener autant, tenter de me faire changer d’avis, prendre son parti. Si ce n’est que son état me rappelle celui bien peu glorieux que j’avais exhibé pendant presque 6 ans à Londres, c’est surtout ses arguments ridicules qui me font rouler des yeux, appuyés sur le comptoir face à lui. « Et j’ai pas à payer pour ta connerie. » du tac au tac, riant presque à sa gueule, pas du tout près à lui céder la manche surtout pas si ça, c’est tout ce qu’il lui reste. Le laissant finir de détailler l’endroit et ses impressions complètement fausses sur le pourquoi du comment, l’argent investi ne le regardant pas de un, et la façon dont il le propose tellement à l’ouest de ce qui a pu se passer vraiment. « Y’a pas de designers hors de prix qui ont bossé ici. » le verdict est tombé, et aussi étonnant que ça puisse paraître pour un gosse de riche comme moi, y’avait pas du tout de luxe dans les choix fait pour décorer le café, pour le retaper au goût du jour. « Y’a juste eu beaucoup de temps, beaucoup d’essais, des erreurs. Des potes qui ont aidé à monter l’affaire. » aussi étrange que cela puisse paraître, il me restait encore des amis à Brisbane, même après en être parti comme un voleur. C’étaient eux et leurs bonnes intentions qu’il fallait remercier pour le mobilier, pour la peinture sur les murs, l’ordre dans la réserve, la rénovation du plancher. Et comme il mérite d’avoir un dernier coup du revers, et comme je ne serai pas satisfait tant qu’il n’aurait pas tous les détails sur cet endroit qu’il toise du regard, pas encore convaincu, j’en rajoute, honnête, probablement plus avec cet inconnu que je l’ai été avec quiconque depuis longtemps. « C’est mon pied-de-nez aux parents qui ont toujours dit que je m’en sortirais jamais tout seul, sans leur compte en banque. » des années d’études avortées, des diplômes en suspens, l’étiquette du cancre de la famille, du sans avenir, du sans génie, qui s’en était enfin sorti, qui avait enfin un plan en tête, et pas juste pour faire joli sur papier, ou pour emballer la première nana croisée en soirée. « Et j’dis pas ça pour acheter ta pitié. » précisons, parce que s’il verse une larme de cynisme à la seconde, je risque de rouler des yeux et de lui renvoyer mon majeur bien haut bien fort bien ferme. « J’dis ça parce qu’à cause de tes conneries, ils s’en sont encore donné à coeur joie de voir la facture rebondir sur leur bureau. » et pas question que pour ses mauvais plis et son incapacité à tenir l’alcool, je me retrouve à céder. Lui, il s’en balance, il s’en souvient probablement même plus, d’être rentré dans l’établissement, d’avoir gerbé partout, cassé tout sur son passage. Il s’en balance parce que c’est son quotidien. Le mien, c’est de me prouver que j’ai réussi à monter une affaire qui marche, à avoir un minimum d’ambition dans la vie, non sans dépendre de qui que ce soit. Qu’il arrête de vouloir peser plus dans la balance, et qu’il assume enfin sa défaite dans la bataille. On n'a pas toute la journée.
La main droite toujours serrée autour de la petite tasse de café en porcelaine blanche, la main gauche encore en train d'effleurer le magnifique comptoir qui doit coûter une somme affolante... Y a qu'à voir le montant qu'on lui réclame pour imaginer la valeur du mobilier! Une fois passé la grosse colère, Mickey espérait bien convaincre le gérant de passer uniquement par son assurance mais la réalité de ce genre de chose lui échappe, ça ne marche pas comme ça. Bien malheureux d'apprendre comment le système fonctionne, au moins il s'endormira moins bête. "Dans l'éventualité que se soit ma faute et qu'hypothétiquement, je consente à payer..." Il avait le regard froncé, perdu dans le vide, évitant sciemment de fixer le patron comme si le fait qu'il n'y ait pas de contact visuel entre eux rendait tout ceci moins concret, bien plus abstrait au point qu'il pourrait peut-être nier avoir dit ça. Des mots qui sortaient assez difficilement de sa bouche, déformait d'une voix enrouée qui ne lui était pas habituelle. "... Ça aurait peut-être été plus sympa d'envoyer un recommandé, histoire d'être sûr que je sois au courant. Parce que les petites enveloppes sans expéditeurs personnes ne les ouvrent!" Mickey réfléchissait toujours, un peu posément, incapable de rester impassible à la fierté qui se dégageait du patron quand il parlait de son business, incapable de ne pas culpabiliser face à ses erreurs qu'un autre devrait assumer seul s'il ne cessait pas de faire l'autruche. L'histoire était vieille pourtant, il n'en avait pas eu vent plutôt, le couperet était tombé quelques heures plutôt. Sans doute aurait-il dû penser à tout ça chez lui, à tête reposée avant de débarquer ici avec ses gros sabots. Il s'était remonté la mécanique tout seul, se positionnant comme la victime d'un salaud peu scrupuleux et bedonnant qui aurait voulu se faire de l'argent sur le dos d'un ancien pochetron au passé avéré d'alcoolique bagarreur. Force de constater qu'il n'en était rien malgré ses airs sournois et son sourire sardonique, Matt avait l'air assez sincère quand il comptait l'humble histoire de son bar. "Si toutefois on imagine que je passe à la caisse, hors de questions que m'acquitte des frais de retard et des intérêts qui en découlent." Il reposa la tasse sur le comptoir, se passa nerveusement la main sur la nuque avant de faire volte face vers Matt. Instinctivement, Mickey croisa les bras autour de son buste. Il ne se sentait pas vraiment en danger, plus qu'il avait besoin de se donner une contenance maintenant que l'idée qu'il était en tord lui effleurait douloureusement la conscience. Venant de lui, sa proposition bien que faite à demi-mot, c'était le bout du monde. Matt ne semblait pas pour autant l'entendre de cette façon mais avait l'air de saisir que Mickey s'ouvrait un peu plus au dialogue ainsi qu'à sa part de responsabilité. Enfin, c'est l'impression qu'il avait en tout cas, s'il était télépathe sa vie serait tout autre et il aurait évité pas mal d'emmerdes, comme celle-là par exemple. "J'étais peut-être saoul mais ce n'est pas arrivé par l'opération du saint esprit non plus..." Dans tout ça, il ne savait même pas s'il avait payé sa note de boisson le soir-là, peut-être même bien que c'était dans la facture il n'avait pas fait attention. De toute façon, depuis ses nombreuses désintox il en voulait un peu à tout les bars, ceux qui continue de vous servir des verres alors que si l'on calcule, on devrait se douter que le taux d'alcoolémie va atteindre des plafonds et que ça devient dangereux autant pour le client que pour les autres. Y avait qu'à voir dans ce cas-là... Et ce n'est pas parce que Mickey commençait à admettre qu'il avait mal agit qu'il ne continuait pas de penser qu'il y avait des torts de l'autre côté. Buté et borné comme un âne celui-là.
Non mais Matt, tu prends un risque là tout de même. Que l’autre dude décide de s’en balancer, de tes histoires de parents, de ton historique familial aisé, du fait que t’aies voulu montrer être capable de t’en sortir tout seul, comme un grand. Ta petite indépendance, ton récit presque larmoyant qui relate comment t’en rêve, de t’émanciper : ça prendra probablement pas. Pas quand y’a formulaire sous ses yeux, pas quand ton interlocuteur il veut strictement une chose, négocier à la baisse, et repartir d’ici le portefeuille la même épaisseur que lorsqu’il est entré. Mais tu continues, juste assez, le temps qu’il finisse son café, le temps qu’il lève la tête vers toi, qu’il te jauge. C’est l’heure de jouer à celui qui tient le regard de l’autre le plus longtemps, et étrangement, on dirait que t’as plus de chances qu’on aurait pu le croire, McGrath. L’impression que t’en laisse, alors que finalement, y’a ton interlocuteur qui s’en fout pas tant, au final. Qui concède, qui parle en hypothèse, qui s’en laisse pas montrer, mais qui au moins te fait pas passer pour le con que tu peux être parfois. Encore heureux. « J’le saurai pour la prochaine fois. » et elle tente une pointe d’humour ta voix, elle se dit que c’est peut-être le moment de lui envoyer un sourire en coin comme si ça pouvait changer quoi que ce soit à la dynamique, comme si toi et lui vous pouviez devenir des potes, juste comme ça. La blague, quand même, te fait pas trop d’idée non plus. « T’auras qu’à pallier en me laissant plus de pourboire quand tu repasseras pour ton café du matin. » et tu continues, et tu pousses la connerie d’un rire léger, d’un coup de chiffon distrait sur le comptoir le temps de ramasser le moindrement l’endroit, de faire ton boulot en somme. Y’a Scarlett qui ne manque pas une seule occasion de lever la tête vers vous, elle qui pourrait aisément débarquer la minute suivante en vous disant que c’est bien beau la conversation en sous-entendus et en sourcils haussés et en menaces additionnées de faux semblants - mais que dans les faits, y’a toujours une facture en suspens, y’a toujours des frais afférents, y'a toujours une dette qui n’est pas payée et sur laquelle on espère faire assez de profit pour excuser. Si le type en face de toi s’y sent pour un brin coupable, c’est là par contre, qu’il choisit de te le montrer, quand sa voix perce momentanément le silence. Et toi, tu préfères hausser les épaules, parce que y’a rien d’autre à en faire, de ses pseudos regrets, de ses remords mâchés poliment. C’est arrivé, c’est dans le passé, ça sert à rien de se faire chier. « De ce que j’ai entendu, y’a eu beaucoup de libre-arbitre. » Deklan bien que zen la plupart du temps avait pas manqué l’occasion de dire qu’il avait bien aimé le foutre dehors, l’autre raclure. Qu’il y était pas allé dans la dentelle quand il l’avait attrapé par le col, que t’aurais dû voir ça Matt, c’était d’un soulagement sans faille de le mettre à la porte, tête devant. Et même si la violence c’est pas nécessairement ta tasse de thé, c’était pas pour autant que t’avais pas compris ce que Dek voulait dire, et ce que ça avait pu avoir comme répercussion sur toute la scène. Mais voilà, à quoi ça sert de s’éterniser, quand le type venu râler au départ semble baisser les armes, semble lever à son tour un drapeau blanc. Et c’est un hochement de tête de la positive que tu lui renvoies d’abord, bon joueur. Avant de faire ce que tu sais faire de mieux, toi, le grand frère de famille, toi, le type qui fait que jeter un coup d’oeil à la dérobée en tout temps pour t’assurer que personne ne va mal, que tout roule, dans n’importe quelle situation où ton attention est justifiée - ou pas. « J’aurais envie de te dire que les portes seront toujours ouvertes, si t’en reste aux cocktails virgin. » la blague est douce parce que c’est tout ce que tu peux lui offrir anyways, c’est tout ce qu’il veut, là, et certainement pas de pitié, et encore moins de guilt trip. « Je passerai le mot, que tout ça est derrière nous. » que Deklan se pince la lèvre s’il en a besoin pour calmer ses mauvaises pulsions non-justifiées, que Scar se brouille pas à penser aux mille et un moyens de le virer du DBD sans se casser un ongle, que toi, Matthew, propriétaire de l’endroit, t’aies plus besoin de jouer à l’adulte non plus, au papa de service, alors que ton quotidien te crie que ce rôle-là, il est tout sauf pour toi. « Mais dude la prochaine fois, sors dans la ruelle à côté, cogne sur les briques de l’immeuble, pas sur mon mobilier. » l'envie de lui dire de viser celle du mur du voisin, question de lui faire une frousse & qu’il dégage dans l’immédiat pour que l’acquisition du local soit une option qui justifie ta pensée de p’tit profiteur, mais t’en rajoutes pas plus de peur que ton karma en prenne de la graine. Et l’espace d’un instant, les feux sont éteints. Et l’espace d’un instant, t’as l’impression que la journée sera bonne finalement, que ce ne sera pas une nouvelle débandade au calendrier comme t’as l’habitude de vivre. « C’est fréquent? » jusqu’à ce que ta curiosité de connard s’en mêle. « Oublie, c’est pas mes affaires. »
Les nerfs encore un peu en pelote, Mickey tente comme il peut de se calmer en tentant plus ou moins de s'en sortir en insinuant que les torts sont partagés mais ce qui finis par l'apaiser une fois pour toute est la magnanimité dont fait finalement preuve Matt. Abasourdi, il en reste le souffle coupé quand ce dernier lui propose de compenser tout ça en laissant des pourboires, qu'il est toujours le bienvenu au café. Peut-être que les neurones de Mickey ont fini par se désintégrer à cause de la surchauffe. Il doit comprendre de travers, persuadé que quelque chose cloche tant les choses ont pris un tout autre tournant en quelques minutes. Les phrases se répètent en boucle dans sa tête, analysant chaque mot avec la plus grande minutie. Il se demande bien ce qui pousse le patron à agir de façon désintéressée, avec pleine conscience de ses possibilités d'être dans son bon droit de lui réclamer dédommagement et au mépris du danger que Mickey a représenté pour son établissement. Comment un type au sourire autant sardonique peut faire preuve de vertu de clémence, générosité et indulgence envers l'ennemi presque vaincu, le faible. Force de s'avouer qu'il l'a jugé bien trop vite, et même attaqué encore plus hâtivement, le jeune homme se déconfit à vue d'œil. Ou alors son maniement de langage caustique combiné à un immense talent d'acteur sont tels que Mickey ne réalise pas du premier coup qu'il se fiche de lui. Pourtant, il n'a plus envie d'aller à l'affrontement. "Je, je ne sais pas trop quoi dire là. Enfin... Je crois que des remerciements s'imposent en fait. Hmm. Merci." Cela fait des mois qu'il travaille pour la rédemption de bien des aspects de sa vie, quelque part, ses déboires au death before decaf devraient être dans la liste également sauf qu'il est arrivé ici en inversant les rôles, se prenant encore et toujours pour la victime de l'histoire mené par sa hargne aveuglante. Une fois passé la cécité, en étant vraiment honnête avec lui-même, il comprend que c'est plutôt lui qui devrait faire des courbettes à Matt. D'autant plus que ce dernier est prêt à lui donner l'absolution, pire une seconde chance malgré l'incident de ses deux dernières visites, en incluant aujourd'hui. Ils ne se connaissent pas, aucune justification n'a été émise quant'à ce qui a poussé Mickey à agir de la sorte, ni même demandé d'ailleurs. "J'aurais pas dû débouler comme un abruti dans ton bar et te parler comme je l'ai fait. Je, je suis confus." Les excuses, c'est son rayon surtout depuis qu'il a repris le taff et qu'il est obligé de faire la carpette pour se faire bien voir de certains de ses collègues qu'au fond il n'apprécie même pas. La différence, c'est qu'il aimerait s'excuser de manière sincère ici, gêné par une certaine pudeur de montrer ses failles et de pointer ses défauts, tomber le masque du gros con qui rien n'atteint quand tout n'est qu'en réalité qu'une vaste fumisterie. Mickey ne s'imaginait certainement pas remettre les pieds une fois l'entretient terminé toutefois, les allusions de Matt laissent à penser qu'il peut se sentir libre de revenir qui sont alors perçu comme une main tendu pour enterrer la hache de guerre. Pourtant... Pourtant dans l'esprit de Mickey, ça représente tellement plus. Une seconde chance, sans conditions -ou presque mais il a déjà fait une croix sur l'alcool de toute façon et qu'au vu de son indulgence, il ne pouvait plus faire autrement que de témoigner son respect à Matt et ses employés, son comportement aurait de toute évidence était revu très en détail. De façon assez prévisible, Matt laisse échapper la fatidique question, à savoir si ses cuites et ses accès de violences sont récurrents même s'il se rétracte immédiatement. Mickey prend une grande inspiration avant de soupirer avec lassitude. Il lâche enfin la tasse de café vide donc la porcelaine froide lui a glacé la main qu'il frotte derrière sa nuque, vieille habitude. "Ça l'était, ouais. Ce sont un peu tes affaires aussi vu que ça a impacté les tiennes, mais j'aime à croire que c'est du passé. Ouais c'est du passé." Il hausse les épaules en soupirant une dernière fois. Il y a eu un moment où il faisait des progrès mais en analysant cette journée, il se rend compte qu'il régresse, que même s'il n'a pas bu une goûte, son comportement tend à le rapprocher de la brèche qu'il a tout fait pour fuir. Si ça doit être du passé, autant changer le présent complètement. Mickey se recule un peu du comptoir en direction d'une table non loin et sort son portefeuille de sa poche arrière, le déplie en sortant son chéquier pour finalement attraper le stylo qui traîne sur la table. Il se penche pour pouvoir griffonner à la va-vite dessus, il ne sait pas écrire autrement qu'à toute vitesse avec une calligraphie approximative toutefois lisible, couchant sur le chèque ce qu'il calcule comme étant un tiers du montant de la facture. "Je t'ai mal jugé apparemment. Tu mérites que ton commerce prospère alors, je repasserais avec le reste dès j'aurais mon prochain cachet." Il s'en retourne au comptoir et dépose le dit chèque, plié en deux, sous la tasse de café en porcelaine et hoche la tête en fixant Matt, manière d'appuyer ses propos et de les souligner tout en montrant qu'il amorce son départ. Il recule à nouveau et commence à faire volte-face pour finalement vraiment un tour complet sur lui-même et de remettre sa main dans son portefeuille. "J'ai failli oublier... Laisser plus de pourboire!" Et le voilà qui dépose un billet dans le bocal à tips.