here we go again

EZRA & MATT

Jour d’inventaire, jour où le café était fermé au public. Ça tombait en semaine, tout au début, ce qui rendait le truc beaucoup moins crève-coeur côté business. Même pas besoin de présence d’employés, rien que moi et mes beaux yeux pour faire la maintenance des machines, pour renflouer les sacs de grains moulus à vendre, laver les tasses, réparer quelques accros sur le matériel, le mobilier. Le silence dans lequel le commerce était plongé me rappelait ses tous débuts, là où je passais le plus clair de mon temps à sabler des planchers, à nettoyer des étagères. Les visites d’Heidi et de Ginny, les potes qui passaient pour voir à quoi le tout ressemblait, à quoi est-ce qu’on devrait s’attendre, avant l’ouverture. Et plusieurs mois plus tard, c’est l’odeur âpre du café torréfié qui embaume la pièce, c’est le bruit des conversations que j’entends presque toujours en acouphène, même si pour le moment, il n’y a que le son de mes baskets sur le parquet qui résonne, que les tuyaux qui font leur nettoyage automatique, que l’écho de la rue adjacente qui complète le tableau. Il est beau le Death Before Decaf, il se rapproche d'une esquisse satisfaisante, il me donne même l’impression de faire quelque chose de ma vie, d’avoir une utilité quelconque. Parce que c’est pas simple tous les jours, d’avoir aucun diplôme, aucune carrière. Même ma cadette qui a quitté l’école trop jeune, même elle qui se remet sur pied, qui relance son art, qui recommence doucement à bosser après tout ce qui a pu se passer dans sa courte vie. Et de mon côté, rien, ou du moins, un projet, un truc bien humble, un établissement correct qui lentement mais sûrement commence à faire sa place dans le coeur des gens, et sur Trip Advisor. C’est pas si mal, c’est pas si phénoménal non plus, mais c’est tout moi, et ça me suffit. Le dos tourné, la tête haut perchée, je finalise le dernier remisage d’une Blue Star à latte quand on toque à la porte du DBD.

Sourcil haussé, c’est pas dit que je me dépêche d’aller voir, simplement parce que le carton signalant Fermé pour la journée est d’une évidence, et surtout parce que je suis bien trop geek de mon équipement pour le refermer à la volée. Chaque vis au bon endroit, chaque replis bien placé, chaque pièce alignée comme une neuve, nettoyée et polie retrouve sa place avec une précision que je ne me connais pas dans n'importe quelle autre sphère de ma vie, avant d’accorder à nouveau mon attention à la porte - et aux coups qui se font de plus en plus rapprochés, et vigoureux. Ils sont en manque de caféine ceux-là, ou juste aveugles, ou un peu des deux, et je rigole déjà en cherchant la parfaite petite pique qui chassera poliment le client potentiel s’il est trop hagard, ou qui l’invitera à entrer pour un espresso on the house s’il me semble bon joueur. Le verrou qui saute, la poignée qui tourne, et mon expression qui se fige, tout comme mes doigts autour de l’embrasure de la porte qui se referment, resserrent, contractent, craquent trop fort sous la pression. « Qu’est-ce que tu fous ici? » pas du tout de puns, pas du tout de jeux de mots à la con, rien de comique, rien de doux. Mon visage est fermé, ma mâchoire serrée, et le goût amer du dernier souvenir lointain où mon regard dédaigneux a coulé sur la silhouette d’Ezra suffit à asséner le coup final. « J’traînerais pas trop dans le coin si j’étais toi. » parce que ce n’est pas dit que si Ginny a fait amende honorable avec lui, je serai aussi facile à berner. Simple précaution, avertissement de rigueur, avant d’en venir à ce qui me démange depuis qu’Ezra est apparu dans mon champ de vision pour la première fois depuis 8 ans.

here we go again

EZRA & MATT

Ça se devait d’être une soirée sympathique, normale - à l’ancienne. Maintenant qu’Heidi n’habitait plus dans le même immeuble qu’Ezra, ils avaient du se fixer une vraie date, pour une vraie soirée où elle était passée diner à l’appartement. Le début de soirée s’était bien lancé, et puis les sujets qui fâchent avaient été de retour sur le tapis. Il ne s’attendait pas cependant à tout ce que Heidi lui avait avoué. Il s’était dit que ce n’était qu’une connerie, qu’il la manipulait pour qu’elle fasse enrager Ezra. Mais elle était sincère avec lui, à vrai dire elle l’avait toujours été. La nuit fut longue par la suite, le jeune homme n’avait presque pas fermé l’oeil. Il se repassait en boucle, encore et encore, la conversation qu’il avait eu avec la jeune femme - et rien que ça suffisait à l’enrager davantage. Le lendemain, il avait fini par ne plus tenir en place et par se rendre à l’adresse qu’Heidi avait concédé à lui donner. Elle allait peut-être le regretter mais au moins Ezra aurait de vraies explications, de sa bouche à lui. Avec un peu de chance, il n’y aurait encore pas trop de monde au café et ils pourraient s’expliquer sans trop déranger les gens autour d’eux. Car il savait qu’il y avait une chance que tout ça ne se finisse pas bien. Depuis quand ne s’étaient-ils pas revus ? Il avait oublié, sciemment oublié qui plus est. Depuis ce jour où Ginny lui avait tout dit, qu’elle avait tout découvert - depuis le jour où Ezra avait décidé qu’il ne méritait plus une once d’inquiétude envers lui. C’était déjà gros à ses yeux tout ce qu’il avait fait, mais il fallait qu’il en rajoute une couche en allant à l’hôpital voir Noah, sans son accord - dans son dos. Fut un temps lointain où ils n’avaient aucun secret l’un pour l’autre. Avait suivi un temps où Ezra avait décidé de garder des secrets car ces derniers impliquaient Ginny et lui dans une relation qu’il n’aurait apprécié. Par la suite, tout s’était rapidement embrouillé, tout avait capoté et Ezra ne pouvait s’empêcher d’avoir ce goût amer de la trahison coulant le long de sa gorge alors qu’il venait frapper ses premiers coups sur la porte du café. La pancarte indiquait clairement que la boutique était fermée, mais il entendait du bruit à l’intérieur. Ce qui était un bon signe, signe que ces retrouvailles allaient enfin se faire - elles n’étaient pas désirées mais on ne peut pas avoir uniquement ce qu’il nous plait - et ce, sans personne autour. Les bruits qui continuaient à l’intérieur, mais aucun dans la direction d’Ezra. Le jeune homme qui commençait à perdre patience et dont les coups sur la porte se faisaient de plus en plus pressant. Finalement, après un temps qui lui parut être une éternité, Matt vint ouvrir la porte. Rien qu’à voir l’expression de son visage quand il l’aperçut, Ezra savait qu’il venait d’avoir la même réaction que lui; à savoir se retenir un minimum pour ne pas en venir à casser des dents directement. Ezra devait serrer la mâchoire pour se concentrer, se rappeler qu’il fallait respirer - et surtout qu’il était venu pour parler. Surtout qu’il ne supportait pas se sentir de la sorte, porté sur des accès de violence. Il détestait ça et avait toujours fait en sorte de ne pas en venir au poings. Mais quand il s’agissait de Ginny et surtout désormais de Noah… « Qu’est-ce que tu fous ici? »  Un sourcil fut haussé de la part d’Ezra, avant qu’un rire moqueur, léger, se fasse entendre. « Qu’est-ce que je fous ici, sérieux ? C’est toi qui me demande ça ? » Il ne lâchait pas son regard, oh non il n’était pas prête de le lâcher tout court pour aujourd’hui. Des années de silence, des années de mensonges - il comptait bien y mettre fin aujourd’hui. « J’traînerais pas trop dans le coin si j’étais toi. » Il leva les yeux au ciel. Comme si ça lui faisait peur. « Décale toi, McGrath, j’veux pas avoir à défoncer ta gueule et la porte au passage. » Même Matt qui n’avait pas vu Ezra depuis des années, qui ne l’avait plus côtoyé pourrait dire que ce comportement n’était pas sien. La paternité, que diront certains.

:

here we go again

EZRA & MATT

Le simple fait de voir la tête d’Ezra dans la vitre suffit à ce que le sang cogne dans mes tempes, agressif, bouillant. La dernière fois où je l’avais eu en face de moi, je lui avais demandé, que dis-je ordonné, de rester loin de ma soeur. De dégager, de ne pas oser penser faire d’elle une énième figure de chasse, un nouveau nom à son tableau de conquêtes. La dernière fois où j’avais vu Ezra, mon monde entier s’était écroulé, sachant qu’à partir de là, Ginny serait brisée, cassée, à jamais. Déçue de lui, déçue de celui qu’elle avait mis sur un piédestal, et qui n’avait même pas été foutu de se battre pour elle. Et comme je m’en doutais, la suite n’avait été qu’un enchaînement de déception sur déception, Ezra toujours au centre des soubresauts de ma soeur, de ses nuits d’insomnie à lutter entre les larmes, les silences, les terreurs. Il avait pris ce qu’il voulait, il ne s’était pas battu pour elle, et aujourd’hui il recevait tous les honneurs en se présentant sur le pas de ma porte avec les intentions aussi claires que les miennes. « Bah écoute la prochaine fois, on fera déjeuner-causerie à ton garage. » qu’il propose la date, que je le planifie à l’avance. Le sourire mauvais, le rire qui l’est tout autant, et je me décale en laissant à Ezra tout le loisir d’entrer, sa simple proximité provoquant un soupir d’exaspération que je ne ravale même pas. « Aussi étonnant que ça puisse paraître, on a le même plan de match. » pas que mes intentions aient besoin d’être articulées pour qu’il comprenne qu'il ne lui restait qu’une fraction de minute avant que je poursuive ce que j’avais commencé 7 ans plus tôt, et mon poing sur sa gueule en prologue. Je ne lui laisse qu’un répit suffisant supplémentaire, à la recherche des raisons derrière sa venue, même si aucune justification ne valait mieux qu'une autre à mon sens. Et encore, avant de m’appuyer sur le comptoir de bois vernis, pour le détailler des rétines avec dégoût, comme si tout ce qu’il avait pu être à une époque n’était qu’un vague souvenir, comme si le mec qui avait jadis été mon meilleur ami se résumait à une pâle copie, à un type aux pulsions de violence pathétiques et aux paroles faussement effrayantes. « Tu veux quoi? » clair, net, sec, précis. Pas de temps à perdre avec ses envolées lyriques, le moins de temps sa gueule traîne ici, le mieux je me porterai. Et je me doutais que Ginny l’avait revu, jamais elle ne me l’avait confirmé pour des raisons évidentes, mais je serais con de croire qu’ils ne s’étaient pas retrouvés. Le simple fait de penser qu’elle lui ait pardonné quoi que ce soit suffit à m’achever. « Parce que j’ai pas de temps à perdre avec tes discours et tes belles menaces. » il ne reconnaîtra probablement en rien la voix rieuse d’avant, le ton joueur que j’avais toujours à son intention, quand tout était simple, quand il était mon frère, quand il ne m'avait pas trahi effrontément sous mon nez. Une seule fille qu’il n’avait pas le droit de toucher, un seul nom que je refusais de voir frôler ses lèvres, et il s’était servi sans même demander son reste. « T’en as mis du temps, avant de venir. » et comme Ezra se mure dans le silence, et comme il n’a pas l’air d’avoir les couilles suffisantes pour attaquer assez vite le pourquoi du comment, je le provoque un peu pas mal, non sans prendre un malin plaisir à lui étaler ses torts et ses erreurs de l’autre bout du café. « Moi qui pensait qu’ils comptaient pour toi, faut croire que venir me confronter a eu du mal à se faire une place dans ton horaire du temps chargé. »  sa silhouette qui errait se stoppe net, et je n’en attendais pas moins. Si je reconnais le regard noir qu’il me lance, c’est que je lui renvoie le même, et il n’augure rien de bon.

here we go again

EZRA & MATT

« Bah écoute la prochaine fois, on fera déjeuner-causerie à ton garage. » Levant les yeux au ciel, Ezra finit par passer aux côtés de Matt pour pouvoir entre à l’intérieur du café. Ce qui était étrange, c’était qu’en pénétrant dans la pièce, Ezra se sentit à la fois étranger et ami dans cet endroit; comme s’il y connaissait tous les moindres recoins, mais qu’il serait capable de s’y perdre comme dans un labyrinthe. Il mettait ça sur le fait de revoir Matt après toutes ces années et ces non-dits. Ils se connaissaient, tout en étant devenus de purs étrangers l’un à l’autre. « Aussi étonnant que ça puisse paraître, on a le même plan de match. » Ezra tentait de ne pas réellement partir au quart de tour, de garder une certaine constance - pour l’instant. Sa mâchoire se serrait, à l’image de ses poings, mais il gardait la face pour le moment. « C’est drôle quand même, qu’on ait réellement les mêmes intentions. » Il lui fit un sourire forcé, une pointe d’ironie pouvait même se faire entendre dans sa voix. Après tout, des deux, c’était Matt qui avait joué au con et qui avait sciemment détruit sa ville et celle de Ginny. Il avait décidé de tout envoyer valser pour plaire à ses parents, pour tout faire rentrer dans l’ordre; comme si Ezra n’était pas grande part de cette équation et qu’il était négligeable. « Tu veux quoi? Parce que j’ai pas de temps à perdre avec tes discours et tes belles menaces. » Le jeune homme eut un petit rire, à la fois ironique et foutage de gueule. Comment est-ce qu’ils avaient pu en arriver tous les deux là, à se balancer des phrases d’attaque et de défense, faites pour démolir et provoquer l’autre autant ? Il était loin, le temps où ils se contentaient juste de se taquiner pour le plaisir tout en partageant une bière au bar du coin, à regarder les jolies filles qui passaient et à planifier leur prochaine excursion de soirée. Et surtout que pour le moment, Ezra se contentait d’aller, de venir, de lancer de temps à autres un regard noir à Matt avant de tourner sa langue sept fois dans sa bouche et de se taire. Oh, des choses à lui dire, il en avait. Tellement qu’il aurait pu parler des heures avant de lui laisser en placer une. Mais il se tenait sur un territoire hostile, et il ne voulait pas non plus juste les balancer les premières idées en tête et que ça ne tourne directement vinaigre. Il voulait savoir, comprendre le pourquoi - et ils s’en venaient aux mains directement, ils ne parleraient plus avant de longs moments. C’était idiot, car c’était approximativement la seule envie qu’Ezra avait, là, de lui démolir son beau sourire qui en avait fait craquer plus d’une donzelle. « T’en as mis du temps, avant de venir. Moi qui pensait qu’ils comptaient pour toi, faut croire que venir me confronter a eu du mal à se faire une place dans ton horaire du temps chargé. » Garder son calme devait être dépassé, d’un autre temps, non ? Parce-que là, la seule réaction qu’Ezra eut aux paroles de Matt, ce fut de stopper tout mouvement et de lui lancer un regard noir - oh, pas de ceux qu’il avait eu jusque maintenant; là c’était plus viscéral, plus animal. « Pardon ? » Ses poings qui se serraient, qui se desserraient. Les jointures qui blanchissaient plus rapidement qu’à l’accoutumé. Le doigt accusateur qui se pointait en direction de celui qu’il adorait appeler ami. « Tu te fous de ma gueule, hein, Matthew ? » Jamais, ô grand jamais, Ezra ne s’était amusé à l’appeler Matthew. C’était le plaisir de ses parents, des profs de l’école et de toutes ces personnes qui n’étaient pas censées compter autant; qui n’étaient pas censées être proches, autant. « Tu oses me reprocher… C’est tellement petit, venant de toi. Tu t’es barré comme un connard, t’as tout lâché et tout gâché pour être le parfait petit fils à papa. » Les pas d’Ezra qui se rapprochaient lentement, surement, de Matt. Qu’il pouvait être plus qu’emmerdant à le regarder comme si toute cette situation l’amusait, comme si c’était tout planifié dans sa tête et qu’il était sur d’en ressortir vainqueur. Comme ça mettait Ezra dans tous ses états, et pas forcément que les bons et les répressibles. « T’es qu’un petit enculé, McGrath. Tu oses faire l’innocent alors que t’es le parasite dans toute cette histoire ?! » Le ton montait; tranchant, sanglant. Ezra en arrivait à la dernière dizaine de centimètres qui le séparait de son ancien meilleur ami, de celui sur qui il comptait auparavant. Dans un élan de colère, alors qu’il commençait clairement à perdre pieds dans ses propres émotions, Ezra vint attraper le col du jeune homme à deux mains. Son visage à moins d’un centimètre du sien. Il sentait une force qui ne supportait pas en lui venir se faufiler à travers toutes les veines, tous les muscles et les nerfs de ses bras. Son corps commençant à pousser encore davantage Matt contre le comptoir. « Et tu reviens comme une fleur en ville, et tu pensais que j’allais pas finir par savoir que t’es allé le voir ? Hein ?! » Les mains sur le col qui se resserraient dangereusement. Ezra n’avait jamais ressenti une telle rage l’envahir, comme si tout ce qu’il avait pu contenir pendant toutes ces années étaient en train de ressortir. Même la dernière fois qu’il en était venu à user de ses poings, face à Edward, il ne s’était pas retrouvé dans un tel état. « Tu m’as volé ma femme et maintenant quoi, tu veux t’en prendre à mon gosse aussi ?! T’as pas le droit, connard ! » Et alors, à ce moment là, le premier coup de poing de la main d’Ezra tomba directement dans la mâchoire de Matt. Puissant, plein de rage, de regrets et de remords, de nostalgie et de tristesse. Ils en étaient arrivés jusque là.

:

here we go again

EZRA & MATT

Ce serait puéril de dire que de respirer le même air qu’Ezra me donnait la rage, ce serait con de dire que le simple fait de l’avoir en face de moi suffisait à ce que ma mâchoire se contracte, prête à cracher mon venin à sa tronche. Ce serait stupide de dire que même après 7 ans, un aller simple pour Londres, le Beauregard retiré avec véhémence de la vie de ma soeur, et pas le moindre signe de vie de sa part plus tard, je le détestais encore autant. Ce serait puéril, ce serait con, ce serait stupide, et ça l’était amplement. « Ah ouais Matthew, quand même. » oh qu’il m’arrache un nouveau rire, sec, désabusé, maintenant qu’il s’en prend à mon prénom complet comme si c’était la pire attaque à mon sentimentalisme. Le truc, c’était qu’elle était bien loin, notre amitié. Et que la moindre nostalgie s’était vite retrouvée enterrée quand le blond avait décidé d’y aller tout aussi abrupte que moi dans son discours, sans aucune possibilité de négociation, d’écoute. Pas que je le voulais, anyways. Il me laisse parler, ce qui est relativement bien. Il me laisse errer vers le bar aussi, lui qui parcourt le café comme le grand esprit qu’il était, comme le dude qui voulait prendre possession des lieux, tenter de mettre une énième distance entre nous, quand il ne comprend tout simplement pas que même sur un autre continent pendant des années, ma hargne était toujours bien présente. Plus, si ça peut-être le cas. Et évidemment, mes attaques trouvent preneur, mes pièges trouvent hameçons. J’étais tout de même étonné qu’il ait mis plus d’un an avant de venir me trouver, me cueillir pour me balancer son poison à la tronche ; il me semble que si, apparemment, ma soeur était digne qu’il se mette dans un si gros état, c’était décevant qu’il ait attendu si longtemps avant de le montrer. « Takes one to know one. À mon souvenir, t’as tout lâché toi aussi. » et son "tout" à l’époque, c’était elle. Elle, et leur enfant du péché. J’étais pas chrétien, je vous le dis de suite. Mais la suite était la même. Noah, autant je l’adorais, avait été la cause de tout ceci. Du pourquoi mes parents avaient pété un câble, de comment j’avais prédis de suite que Ginny en serait incapable, toute seule, sans eux. De ce que j’avais pu faire pour qu’elle sacrifie tout, de ce dans quoi je m’étais embarqué pour elle. Ce qu’Ezra ne comprend pas - ce qu’il critique, ce qu’il me reproche. Alors que malgré mes menaces, malgré mon interdiction de la suivre, j’avais pas la vérité absolue, et il aurait bien pu tout foutre en l’air pour aller la chercher. Too bad, Ez. « Vas-y, dis-moi comment j’ai empêché tous les aéroports de te vendre un ticket vers Londres, comment j’ai coupé ta ligne téléphonique pour te stopper dans ta prise de ses nouvelles, comment j’ai tué tous tes pigeons voyageurs livrant tes dizaines de lettres d’amour. »  c’est ce qui suffit à le piquer juste assez, à l'enclencher, à lui faire mal, cruellement soit, mais assez mal pour qu’il sépare la distance restante entre nous deux, pour que ses paumes enserrent mon t-shirt, pour que je sente son souffle acide sur mon visage, pour que je lui réponde avec un grand sourire, paupières plissées, ses pulsions de rage qui m’étonneraient presque à prime abord, sachant comment il était jadis. Mais c’était pas Ezra sous mes yeux, c’était pas mon pote de bringue, mon frère, mon meilleur ami. C’était un raclure qui venait chercher sympathie, pitié aux yeux du clan McGrath. Peut-être que Ginny avait gobé ses excuses, mais moi, j’en étais loin. Justifications qui l’amènent à se mettre dans cette colère pour Noah apparemment, et la mention du gamin avant ma soeur me fait hausser le sourcil, mauvais. « Alors c’est même pas pour elle que t’es là, mais pour un gamin qui savait même pas qui t’étais y’a quelques mois? Pour lequel t’a jamais daigné te battre avant? T’es lent à la détente, Scott. » du pareil au même, et je connais tout autant son baptistère qu’il blasphème le mien. Voilà qu’il s’insurge le Beauregard, qu’il solidifie sa poigne ; comme si j’allais bouger, comme si j’allais le laisser là alors que la vue de son visage rougi par la haine, de cette veine, là, qui pompe dans son cou, de son regard noir qui me fusille ne me faisaient pas plaisir, ne me donnaient pas le déclencheur dont j’avais besoin pour piquer, pour accuser à mon tour. Parce que s’il s’en donnait le droit, je vois pas pourquoi je me priverais. « J’t’ai volé ta femme? Mais merde, tu te prends pour qui? La femme de quoi? Elle avait 19 ans, elle avait la vie devant elle, tu lui as dit quelques mots doux d’usage et tu l’as mise enceinte. C’est tout. » et je lui ri au nez, et j’éclate d’un rire malsain, d’un dégoût mélangé au dépit. De tout ce qu’il avance et de ce qu’il n’a jamais fait. De ces mots qui pullulent, et de ses actions qui laissent leur absence parler par elle-même. « Alors j’t’ai rien volé. Tu l’as perdue tout seul, comme ce sera le cas avec Noah. Tu peux pas dire que c'est ton gosse quand tu l'a laissé se faire élever et soigner par d'autres, et que tu récoltes les honneurs une fois qu'il sort de l'hôpital. » ultime provocation, perversion de trop qui lui donne l’impulsion nécessaire pour taper, là, sur ma mâchoire. L’impact fait craquer, mais le choc était anticipé, attendu. L’adrénaline kick in, je sens à peine le goût de fer qui se propage dans ma bouche. « J’attendais que ça. » et c’est juste si je ne me lèche pas les lèvres, l’oeil mauvais. Et mes paumes le poussent, suffisamment pour me détacher de son étreinte, pour essuyer la goutte de sang qui coule le long de mon menton, pour m’avancer vers lui à mon tour. « Que le bon petit gars, qu'Ezra Beauregard le si parfait, le si gentil, le pauvre type de l’histoire, celui qui s’est fait rouler, me cogne. » chaque mot, chaque pas et j’anticipe la suite, j’en rêve, je l’ai espérée depuis qu’un seul coup suite à l'annonce de la grossesse de Gin, avant de quitter Brisbane, n’était pas assez, depuis que j’ai eu ma soeur inerte dans mes bras par sa faute. « Parce que maintenant, j’peux faire ça. » pas encore le temps de frapper, et je savoure, mes paumes se heurtent à son torse à nouveau pour le projeter une seconde fois derrière. Il perd à peine l’équilibre, il se heurte que brièvement à une table, mais je remarque rien d’autre que l’endroit exact où mes jointures iront cogner dans approximativement… « Et ça. » 0.5 seconde.

here we go again

EZRA & MATT

« Ah ouais Matthew, quand même. » Ezra n’en avait que faire que le jeune homme s’amuse de faire une remarque sur la moindre parole qu’il sortait, parce-qu’à partir de maintenant, il se savait bloqué dans un cercle vicieux. Une telle montée d’émotions complètement contradictoires et complémentaires à la fois qui faisait qu’il en deviendrait bientôt hors de lui. Il le savait, il le sentait surtout. La moindre parole de Matt ne faisait que rajouter une couche à celle qui, à ses yeux, était déjà bien épaisse. « Takes one to know one. À mon souvenir, t’as tout lâché toi aussi. » Les mots du McGrath ne furent reçus qu’avec un regard de plus en plus noir et colère envers lui. Oh, il y avait surement un peu de vérité dans les paroles qu’il pouvait prononcer. Mais en aucun cas, Ezra se trouvait en positon de comprendre ou discuter la moindre pensée ou le moins ressenti de Matt. « Vas-y, dis-moi comment j’ai empêché tous les aéroports de te vendre un ticket vers Londres, comment j’ai coupé ta ligne téléphonique pour te stopper dans ta prise de ses nouvelles, comment j’ai tué tous tes pigeons voyageurs livrant tes dizaines de lettres d’amour. » Le sang qui pulsait toujours plus violemment dans les artères d’Ezra, que même à cette distance encore raisonnable, Matt pourrait mesurer son pouls sans le toucher. Il ne comprenait rien, il n’avait surement même jamais rien compris à le regarder aujourd’hui et à l’entendre parler. L’homme McGrath avait juste été lavé de toute parcelle de compassion envers Ezra, même des années après; comme si la scène de cessait de jouer encore et encore dans sa tête, dans son coeur. Et en dépit la poigne d’Ezra qui vint se resserrer autour du col de Matt, en dépit de la colère qui l’anime de toutes parts, il soit continuer de parler, continuer d’enfoncer le couteau dans la plaie. « Alors c’est même pas pour elle que t’es là, mais pour un gamin qui savait même pas qui t’étais y’a quelques mois? Pour lequel t’a jamais daigné te battre avant? T’es lent à la détente, Scott. » Oh, qu’il savait bien faire l’innocent. Qu’il savait si bien faire comme s’il n’était pas au courant de l’histoire dans laquelle il venait de mettre les pieds. C’était le genre de tour qu’Ezra connaissait par coeur, auxquels il avait pris part de nombreuses fois aux côtés de celui qu’il appelait son bro. Pour pouvoir choper ou pour ne pas se faire choper par ses parents aussi, à l’époque. Faire l’innocent, fermer les écoutilles et promettre qu’on n’était au courant de rien. Ezra l’avait pratiqué, cette astuce. Et voir Matt s’en servir aujourd’hui devant lui, le rire au nez et la moquerie facile. « J’t’ai volé ta femme? Mais merde, tu te prends pour qui? La femme de quoi? Elle avait 19 ans, elle avait la vie devant elle, tu lui as dit quelques mots doux d’usage et tu l’as mise enceinte. C’est tout. Alors j’t’ai rien volé. Tu l’as perdue tout seul, comme ce sera le cas avec Noah. Tu peux pas dire que c'est ton gosse quand tu l'a laissé se faire élever et soigner par d'autres, et que tu récoltes les honneurs une fois qu'il sort de l’hôpital. » Ce fut à ce moment là qu’Ezra perdit la moindre goutte de décence qui lui restait, ne contenant ni ses gestes ni ses paroles à la suite - parce-qu’il n’en voyait en aucun cas l’utilité. Ce fut la mâchoire de Matt qu’il frappa en premier, un coup franc et déterminé; bien plus sur que tout ce qu’il aurait jamais pu imaginer. Il finit par prendre un léger pas de recul une fois le choc encaissé des deux côtés - dans la mâchoire pour l’un, dans le poing pour l’autre. Il s’étonnerait toujours de la douleur qui pouvait venir dans la main après un coup assené. « J’attendais que ça. » La fierté et l’amusement pouvaient clairement s’entendre dans la voix de Matt, et ça n’aidait en aucun cas sa cause aux yeux d’Ezra; loin de là. Le jeune homme vint à son tour porter un geste envers Ezra, celui-ci plus gentillet, mais bien appuyé. Les paumes sur son torse, la force qui fut assez présente pour le faire reculer d’un pas ou deux. « Que le bon petit gars, qu'Ezra Beauregard le si parfait, le si gentil, le pauvre type de l’histoire, celui qui s’est fait rouler, me cogne. » La mâchoire qui vint se serrer encore davantage, le regard qui noircit au fur et à mesure que les pas de Matt se rapprochaient de lui. La ligne avait été franchie, il le sentait au plus profond de lui que la suite ne pouvait pas se passer chaleureusement. Le temps de la discussion semblait être terminé, même l’attitude de Matt allait dans ce sens. « Parce que maintenant, j’peux faire ça. » Les paumes de Matt qui vinrent de nouveau à l’encontre du torse d’Ezra - et qui cette fois ci, réussirent à le faire reculer davantage; pas assez pour le déséquilibrer mais il pouvait sentir que la mayonnaise montait tranquillement, surement, en Matt. Assez pour ne pas le faire redescendre lui, alors qu’en règle général, le moindre coup porté envers quelqu’un suffisait à le calmer. La rancoeur était trop forte, il fallait croire, cette fois ci. « Et ça. » Le poing de Matt ne mit pas tant longtemps que ça avant de venir s’apposer, frapper pile au niveau de la pommette d’Ezra. Là où l’os était le plus saillant, là où ça viendrait faire le plus mal. Il eut d’ailleurs l’impression de voir arriver le coup au ralenti, avec comme fond d’images tous ces moments où ils avaient pu se trouver au plus grand opposé d’aujourd’hui. Ces jours où Matt était venu en plein milieu de la nuit pour réparer un coeur un peu trop brisé chez Ezra; les fois où ce dernier avait du ramener Matt en le portant jusque dans son lit avant que les parents McGrath ne soient réveillés. Tous ces moments qui avaient aussi, malgré tout, contribué à ce qu’ils en arrivent là aujourd’hui. Le coup eut cette fois ci l’effet escompté puisque la puissance fit légèrement perdre l’équilibre à Ezra, qui vint se rattraper à la table qui se tenait derrière lui. Matt avait pris de la force avec les années. Les autres qui s’étaient pris des coups avant lui ne semblaient pas avoir aussi mal qu’Ezra en cet instant. Mais il garda la façade, fit comme s’il était à peine abimé - l’honneur était en jeu. Et le geste de Matt eut même le don de faire redescendre un peu Ezra, assez pour venir ricaner quand il vit les quelques gouttes de sang couler sur ses doigts depuis le point où il l’avait frappé. « C’est pathétique à quel point t’avais tellement tout planifié, tout attendu depuis tout ce temps. » Ezra finit par se relever de son appui sur la table, par parcourir de nouveau les quelques mètres que Matt avait réussi à creuser entre eux. Quitte à avoir fait le premier pas, autant ne pas abandonner maintenant. « C’est toi le pauvre type ici, Matt. » La répartie n’était pas forcément de mesure face à la situation, mais Ezra tentait vraiment de reprendre au mieux ses esprits, si peu que ce fut possible. « Avoir attendu dans l’ombre pendant tout ce temps, rêver de ce moment. » Ce fut au tour d’Ezra de venir presque doucement faire reculer Matt de ses paumes, comme s’il voulait lui montrer la ridiculité de ses gestes. « T’es qui pour savoir ce qu’il s’est réellement passé, des deux côtés, hein ? » Le poing d’Ezra qui vint cogner une première fois dans l’épaule du soi-disant bro. « T’es qui pour avoir le droit à une putain de parole dans cette histoire, quand t’as même pas réussi à rester honnête et fidèle à la moindre personne dans cette histoire ? » Les mots qui revenaient à la charge dans la gorge d’Ezra, la colère qui s’en déversait toujours davantage avec le temps. « Parce-que c’est bien beau de faire comme si t’avais fait le bien, le meilleur dans la situation. Alors que tu t’aies fait manipuler comme un crétin par deux personnes qui regardent plus à leur fric qu’à leur famille. » Le deux mains d’Ezra qui se portèrent aux épaules de Matt, légèrement trop proche de la naissance de son cou pour que ce soit raisonnable. Le mur qui s’approchait rapidement de la situation, ou inversement la situation qui s’en approchait trop pour que ce soit bon pour les deux gars. « T’étais où, quand t’as fuit comme une mauviette en approuvant de la tête la moindre parole de tes parents quand ici aussi, on avait besoin de toi; hein ?! » Oh, que c’était rare qu’Ezra en arrive à prononcer ces paroles. Parce-qu’il avait été brisé par le départ de Ginny, par la situation qui tournait bourrique et par les coeurs qui se brisent. Mais il n'avait pas perdu que Ginny dans cette situation, ce jour là. Matt était parti également. Il l’avait oublié, abandonné en arrière comme une vulgaire connaissance, comme ce vieux chewing-gum sur lequel on aurait marché et qu'on aurait jeté ensuite. « T’étais tellement imbu de toi même que t’en as rien eu à foutre au final j’suis sur de ça. » La main d’Ezra qui vint agripper le visage du jeune homme alors que son corps vint s’adosser et que la colère d’Ezra ne fait que grimper.

:

here we go again

EZRA & MATT

Le silence du café contraste avec le ton qui monte, le mobilier qui grince, les gestes qui sont de plus en plus agressifs. Ezra qui m'agrippait d’abord se voit projeté en arrière alors que je fais avec empressement un pas puis un autre, plantant mon regard dans le sien, m’assurant qu’il ne bouge pas, qu’il dénote toute la rage passer de mes prunelles aux siennes, qu’il comprenne qu’aujourd’hui, qu’il y a 5 ans ou que dans 10, ce serait toujours la même rage que je couverai pour lui. Que ce serait toujours ainsi, qu’il était arrivé dans nos vies, qu’il avait tout pris, qu’on lui avait toujours donné le beau rôle et qu’au final, quand la situation ne l’arrangeait pas, quand il n’avait pas la foi de se battre, il s’était barré en retraite. Petit joueur. Il y a du sang, évidemment, pas assez pour être alarmé, du bout des jointures et encore, un rire qui complète le tableau. Si Ezra avait assisté à d’autres joutes du genre me mettant en vedette, c’était bien la première fois que mes coups le visaient lui, et spoiler alert, ce ne sera pas la dernière. « La seule chose que j’avais planifiée, espérée, c’était que tu te pointes à nouveau dans ma vie. » hors contexte, en d’autres temps, d’autres lieux, ç’aurait été tout aussi sincère. Mon meilleur ami d’avant, mon frère, le mec pour qui j’aurais tout fait, tout donné. Le Beauregard qui m’avait suivi dans toutes mes conneries, qu’il m’aurait tardé de retrouver ici si notre départ n’avait pas été de sa faute, motivé par sa propre inconscience, ses mensonges, son insouciance. Pourtant aujourd’hui, c’est tout aussi content de le retrouver que je suis, content que mes poings trouvent si facilement le chemin de son visage, s’y ancrent, craquent sous l’impact. Il peine à reprendre son équilibre, il s’appuie sur une table, là, et je reste stoïque, prêt à recommencer encore et toujours, jusqu’à ce que le message passe, jusqu’à ce qu’il voit à quel point il était nocif pour nous, pour elle, à quel point il l’est encore. « J’étais pas dans l’ombre. J’étais avec elle, j’étais avec eux, j’étais à ma place. T’es qu’un dommage collatéral, un parasite. » et ma langue claque, les accusations qui ne sont même pas voilées ; pourquoi le seraient-elles? Les faits étaient les faits, et jamais il n’était venu nous prêter la moindre aide, nous donner signe de vie, nous montrer que toute cette histoire ne lui faisait rien, ne l’atteignait pas plutôt. Trouillard. Et il cogne, grand bien lui en fasse. D’abord mon épaule, qui recule vers l’arrière, qui encaisse le choc. Il se réchauffe Ezra, il y met un peu plus de vigueur lorsqu’il me crache ses pitoyables vannes à la gueule et que j’en profite pour arquer la nuque,  pour aviser la prochaine esquive. Honnête et fidèle, hen, il est qui pour parler? Honnête pour avoir gardé le secret de Noah aussi longtemps? Fidèle pour avoir laissé sa famille fuir sans faire le moindre pas vers eux? Je trépigne, mes jambes s’engourdissent, mes sens s’affinent, soupir rauque qui se relâche lorsque le blond agrippe mes épaules, me soulève de terre. Il peut bien être plus grand, il peut bien me regarder de haut, s’il cogne, j’en rajoute. « Me fait pas pleurer Ezra. »  et il tente de jouer sur les sentiments, sur l’abandon qu’il a vécu, oubliant celui avec lequel ma soeur deal encore chaque jour.  « Me fait pas croire qu’on t’a manqué tant que ça. Que les McGrath valaient à ce point-là à tes yeux que t'as eu un deuil à en faire. » il m’accuse de m’être foutu de lui en partant, la blague. Le sourire carnassier qui ne fait que s’agrandir sur mes lèvres, attendant la suite, l’espérant encore plus, l'anticipation et l’envie maladive. « Allez, vas-y, frappe. » ma voix souffle, susurre, mauvaise. Sa respiration est à couper au couteau, mon corps plaqué au mur et mes mains que je remonte lentement, feinte qu’il ne verra que trop tard je présume, trop scotché à mes attaques pour penser autre chose qu’à riposter. « Cogne avec la rage du type lâche, avec toute la culpabilité que t’as là, d’accumulée. »  du menton je désigne son coeur, ou le semblant de. Ce qui, selon ses dires, avait été brisé le jour où ma soeur était partie. À d’autres - il n’y a pas de larme qui est prête à couler pour tel hypocrite. « Donne tout ce que t’as, comme si ça allait te ramener 8 ans en arrière à nous empêcher de partir avec tes justifications à la con. » et il est cruel le visage qui se rapproche de celui d’Ezra, la petite voix qui lui murmure le mauvais choix, qui tente de le pousser un peu plus vers l'abîme, l’y attirer pour le jeter dans le précipice au moindre faux pas. « T’as rien compris Ezra. » et ma tête se rejette en arrière, s’appuyant au mur, soupir de déception palpable. « T’as rien compris si tu penses que c’est moi qui lui ai le plus brisé le coeur entre nous deux. »  et lentement, avec un calme tellement contrôlé qu’il en est effrayant, je ramène mon regard à la hauteur d’Ezra, voulant profiter de chaque seconde, chaque fraction qui nous sépare entre le dernier clou, la dernière pique, celle qui lui fera assez mal, celle qui ira direct à son coeur, celle qui cassera tout, comme il a eu la fâcheuse habitude de faire lui-même. «  Pour toi, Gin c’était un chapitre. Mais pour elle, t’étais le whole fucking book. » aussitôt dit, aussitôt mes mains rapprochent sa gueule de merde, et mon front se heurte à son visage. Dans la puissance un craquement, indicible, l’os qui se braque, qui casse, et l’arrête de son nez qui cède sous l’impact.

here we go again

EZRA & MATT

Bien sur que Matt était le pro pour manier les mots dans ce genre de situation. Ezra l’avait vu en action des dizaines de fois; cependant, dans l’habitude, ce n’était pas contre lui que Matt cognait. C’était justement à Ezra de le séparer du gars d’en face, de celui à qui il voulait casser des dents. Amusant de voir à quel point les situations pouvaient se renverser d’un rien. « La seule chose que j’avais planifiée, espérée, c’était que tu te pointes à nouveau dans ma vie. » Mais pas pour les bonnes raisons. Et ça fait rire et rager Ezra en même temps, de savoir qu’il avait été tant attendu en retour dans la vie de celui qui avait été tant important pour lui - mais pas pour les bonnes raisons. « J’étais pas dans l’ombre. J’étais avec elle, j’étais avec eux, j’étais à ma place. T’es qu’un dommage collatéral, un parasite. » Les mâchoires qui se serraient toujours davantage alors que les paroles de Matt se faisaient de plus en plus présentes, cinglantes. Les mots qui pénétraient petit à petit dans l’esprit d’Ezra, qui le faisaient devenir de moins en moins patient. Ses mains qui vinrent attraper les épaules de l’autre au fur et à mesure qu’il le poussait à son tour vers le mur. Les mots d’Ezra qui devenaient aussi de plus en plus libres, incontrôlables; qui sortaient comme bon leur semblait parce-qu’ils étaient mieux à l’extérieur de toutes façons. « Me fait pas pleurer Ezra. Me fait pas croire qu’on t’a manqué tant que ça. Que les McGrath valaient à ce point-là à tes yeux que t'as eu un deuil à en faire. » « Qu’est-ce que t’en sais de toutes façons, hein. Comment tu peux savoir, j’t’ai dit t’étais pas là. » Les paroles, telles un venin, qui sortaient, sifflaient entre les dents d’Ezra. Les mauvais souvenirs qui sortaient par la même occasion, de tous ces moments où il s’était retrouvé seul à gérer son chagrin d’amour et la perte de celui qui, après Ginny, valait le plus cher à ses yeux. La famille McGrath s’était imposée lentement, mais surement, à lui dans le temps. C’était Matt au début, puis ce fut la chaleur de ce foyer qu’Ezra ne connaissait plus tant que ça déjà à l’époque. La suite avec Ginny était ce qui avait tout fait pencher dans la balance - mais pour rien au monde il aurait fait les choses autrement. « Allez, vas-y, frappe. Cogne avec la rage du type lâche, avec toute la culpabilité que t’as là, d’accumulée. » Y’avait que Matt pour savoir dire ça avec le sourire le plus amusé et charmeur du monde, alors qu’Ezra était à deux doigts de l’étrangler contre le mur et qu’il sortait des paroles qui n’étaient normalement pas en adéquation avec la situation. S’il ne voulait pas qu’Ezra se laisse aller, réellement aller à quelqu’un que lui-même ne connaissait pas - toute cette rage à l’intérieur de lui qu’il ne soupçonnait pas mais dont Matt voyait la vraie couleur -, ce n’était pas les bonnes paroles à jouer. Et bien sur qu’il sentit son coeur se fendre une fois de plus. Ce n’était pas Matt non plus de s’en foutre comme ça, il valait mieux que ça. « Ta gueule Matt. » « Donne tout ce que t’as, comme si ça allait te ramener 8 ans en arrière à nous empêcher de partir avec tes justifications à la con. » Le visage de Matt qui se rapprochait de celui d’Ezra alors que ce dernier avait les veines des tempes à leur calibre maximum. « Ta gueule, vraiment, Matthew. » Parce-qu’il voulait réussir à cogner davantage pour riposter face à ses paroles. Oh, Ezra aurait tellement voulu lui rendre le visage en miettes à ce qu’on ne le reconnaisse plus. Mais c’était encore trop fort pour lui; c’était trop dur que de se laisser aller même si l’envie était présente dans le moindre muscle de son corps. Alors, lentement, encaissant les paroles du jeune homme, il finit par céder sa prise sur la naissance du cou de Matt et sur sa chemise trop bien portée. « T’as rien compris Ezra. » Un petit coup sur la poitrine de Matt pour qu’il aille valser trop près du mur - mais geste beaucoup trop gentil pour la situation. « T’as rien compris si tu penses que c’est moi qui lui ai le plus brisé le coeur entre nous deux. » « TA. GUEULE ! » Oh que la voix de Matt était pénible à souhait, qu’elle était insupportable à écouter au long terme. Ezra n’en pouvait plus qu’il trouve toujours un mot à dire, une remarque à faire pour le blesser davantage. Ses yeux étaient exorbités, sa colère exacerbée. « Ferme ta putain de gueule. » « Pour toi, Gin c’était un chapitre. Mais pour elle, t’étais le whole fucking book. » Et là, alors qu’Ezra aurait bien voulu être le premier à lancer la nouvelle slave d’hostilités, les mains de Matt vinrent immobiliser le visage du jeune homme avant que son front ne vienne heurter son visage. Le coup, la douleur. Ce fut ce qui arriva en premier en signal chez Ezra, bien avant que ses yeux ne réalisent ce qu’ils venaient de voir. Le son qui vint en deuxième position - avant de sentir les quelques gouttes de sang qui coulaient déjà depuis son nez jusque dans sa bouche. L’impact le fit reculer instinctivement, instantanément. Ses mains se portèrent à son visage alors qu’il réprimait un râle de douleur. Le petit con. L’enculé de première classe. Il ne savait pas qu’il réussirait à lui faire si mal - à côté le premier coup c’était de l’entrainement. Ezra s’était toujours demandé pourquoi les autres d’en face finissaient si mal. Il connaissait la raison maintenant. Le seul avantage de ce coup, c’était que la douleur avait pris une bonne partie de la place de la rage; ça avait calmé l’enfant d’un bon cran. Finissant par regarder ses mains en sang, ce fut un regard noir à en mourir qu'il porta sur Matt, toujours contre le mur. Et bien qu'il était à deux doigts d’étrangler littéralement Matt quelques instants plus tôt, ce fut par un rire moqueur et provocateur qu’Ezra répondit en premier temps. « J'ai compris pourquoi, en fait. » Ou peut-être plus rire nerveux, finalement. Quelque-chose qui le prenait de part en part en tous cas, qui n’était pas habituel et qui n’avait pas lieu d’être. « Pourquoi elle t’a renié, pourquoi elle s’en fout de ta gueule d’ange maintenant. T’as beau dire ce que tu veux… » Il finit par se pincer le nez pour le pencher quelques instants en arrière - ça pissait le sang comme un porcinet cette connerie - sans jamais lâcher le regard de Matt cependant. « … t’es devenu si minable que ça vaut même plus la peine qu’on se batte pour toi, en fait. » Si c’était juste ça, la façon de répondre ? Ne plus jouer au petit jeu qu’il avait mis des années à établir dans sa tête, ne plus s’énerver à la moindre parole qu’il pouvait dire - parce-que, même si certains de ses mot étaient vrais, la plupart étaient justes calculés pour le blesser. Ezra finit par s’asseoir un instant sur la première chaise qui lui tombait sous la main. C’était dangereux, Matt pouvait attaquer de nouveau facilement à n’importe quel moment. Mais il fallait qu’il se pose, juste une seconde. Reprendre ses esprits qui avaient dérivé au moment même où il avait passé le pas de la porte. « T’étais tout pour elle, son modèle, le rôle parfait à ses yeux, tu sais. » Soupirant, il secoua la tête. « Elle aurait crevé pour toi. Davantage que pour moi, crois moi. » Se relevant, Ezra s’osa à parcourir les quelques pas, un peu chancelant, qui le séparaient de Matt. « Et t’as détruit la chose qu’elle portait le plus en toi: la confiance. Bon courage pour la retrouver, débile. » Et, puérilement, Ezra finit son discours en haussant fièrement un majeur juste sous le nez de Matt, là, à quelques centimètres de son visage - et maintenant, c’était lui qui avait son sourire amusé.

:

here we go again

EZRA & MATT

Les coups fusent, il en place, j’en place aussi. C’est la tension dans mes jointures, c’est le choc qui craque, c’est la rage qui passe de ma langue à mes poings, c’est Ezra que je vois se liquéfier sur place, et son nez qui explose, qui cède sous l’impact. C’est l’accumulation de toutes les fautes que je lui ai mises sur les épaules depuis le début de toute cette histoire, c’est la culpabilité du monde sur ma tête que je déverse avec rage et hargne sur lui. C’est la déception de toujours l’haïr autant, de lui accorder la moindre importance si ce n'est négative dans ma vie, c’est la raison qui me pousse à frapper encore et toujours, à devoir me retenir même, hold back, pour ne pas terminer la journée les mains en sang, et son crâne explosé sur le carrelage du café. Et il ose reprendre du nerf, il finit par se relever, s'appuyer sur l'une des tables, le souffle haletant, le regard noir. J'essuie ce qui reste de sang au coin de mes lèvres, me faisant violence pour ne pas bondir à nouveau à sa gueule lorsque sa voix de merde casse le silence, lorsqu’il en rajoute, lorsque ses mots me font l’effet d’être une décharge électrique supplémentaire, suffisante pour justifier mon envie de l’égorger là, encore plus. « Après 8 années, y’était temps. » qu’il capte, qu’il comprenne. Pauvre con qui croit tout savoir, qui se targue de connaître exactement et par coeur ce qu’il en retourne de moi, de mes intentions, du pourquoi derrière. Quel putain d’imbu de lui-même, en vrai. Me dire tout ça comme une fleur, sans s’être attardé vraiment au fond de l’histoire en presque dix ans? Qu’il me fasse pas pleurer non plus. « C’est ce qui te reste? C’est ce que t’as à dire, après tout ça? »  et je suis ébahi devant tant de stupidité, de naïveté mal placée même. J’aurais aimé qu’il soit plus brillant que ça, j’aurais aimé qu’il comprenne mieux, mais faut croire que là encore, Ezra ne savait que me décevoir. « Sérieux Ezra, je pensais que tu tenais à Ginny plus que ça. » et la simple mention du prénom de ma soeur suffit à me faire inspirer bien profondément, comme si je réalisais finalement qu’elle aurait vent de tout ça, qu’elle saurait à quel point je m’en étais pris à l’amour de sa vie fût un temps, comment je l’avais démoli alors que c’était bien la dernière chose qu’elle aurait voulu pour lui. Ma soeur était une sainte de lui faire encore confiance, de le laisser encore traîner proche de Noah. Puis, je fais le pas qui manque entre ici et le comptoir, je passe derrière, file chercher la trousse de premiers soins pour le blond à contre-coeur, m’assure de la lui lancer violemment à la gueule et que l’impact lui fasse le moindrement mal à nouveau. « Tu sais que y’a pas eu une journée là-bas où j’étais pas assuré que t’allais débarquer? » d’un geste distrait, j’ouvre le frigo à l’arrière, m’en sors une bière, et aucune pour l’autre abruti. Décapsule le truc, en prend une longue gorgée. La suite sera pas facile à entendre, mais encore moins à m’avouer. Autant m’assurer d’être relativement calme, assez pour pas avoir envie de lui refaire le portrait à nouveau. « Pas une seule. » et je précise, mon regard noir s’accrochant au sien. « J’étais sûr que tu ferais un grand gesture, que tu finirais dans le hall du manoir à la demander en mariage. » le cynisme dans ma voix, mauvais au possible. Et les doutes qui planaient à Londres, qu’Ezra se réveille un matin, qu’il réalise la connerie qu’il avait faite, qu’il prenne le premier avion pour Ginny, qu’il me prove wrong. Ce que j’attendais toujours de sa part, d’ailleurs. S’il n’avait pas mérité ma soeur jadis, il ne la méritait toujours pas aujourd’hui. « Que tu t’excuserais d’avoir foutu sa vie en l’air en lui faisant un gosse et en la laissant se démerder toute seule avec. » déjà, ça, ç’aurait fait de quoi de bon à ajouter à son résumé. Mais de tout son discours, de toutes ses paroles de merde, de toutes ses justifications à la con et ses accusations encore pires, y’a un truc qui m’agace, qui me fait tiquer. « Et c’est pas un combat. » le rire est mauvais, tellement, sachant que je n’étais qu’à une seule gorgée de bière de lui casser la bouteille à la gueule. « Elle a failli crever, elle a voulu crever, à cause de nous deux. » et je précise, parce qu’aux dernières nouvelles, qu’il dise ce genre de truc sur Ginny, alors qu’elle avait vraiment fait une tentative de s’enlever la vie, ça passe pas, qu’il me remette la responsabilités unique et directe en disant que c’était que pour moi, d’ors et déjà, ce cri du coeur-là, c’était intolérable. « Et le pire, c’est que pendant un moment, j’ai cru que je le méritais plus que toi, qu’elle veuille mettre fin à ses jours par ma faute. »  mon regard est noir et il s’assure d’être bien pesant au plus profond de celui du Beauregard. Qu’il sente la rage qui monte en moi, le feu qui ne sera jamais vraiment éteint à son égard. « Mais à te voir être autant dans le déni que ça aujourd’hui, j’me dis que t’étais bien plus pire que moi dans toute cette histoire. » une longue gorgée, le houblon glacé qui descend le long de ma gorge comme une salvation, maintenant que je me fiche qu’il soit trop tôt pour boire presque d’un trait. Il ne m’en tiendra pas rigueur si ça lui permet de garder l’usage de ses jambes. « Que quand tu ficheras enfin le camp d’ici, tu retourneras dans ton petit quotidien bien calme à te dire que dans tous ces événements, y’avait que Matt le fautif. Y’a toujours eu que Matt le fautif. » il sait que j’ai raison. Il sait que ses prochains pas dans son existence risible seront guidés par l’impression d’avoir bien fait, d’avoir été le gentil dans l’histoire, d’avoir triomphé contre le méchant grand frère qui a tout orchestré volontairement pour briser la vie de sa pauvre innocente soeur et leur si belle histoire d’amour morte dans l’oeuf. « Souviens-toi que si sa vie s'est arrêtée pendant 8 ans, t’avais autant de responsabilités là-dedans que moi. »  lui, et la capote qu’il a pas utilisée, j’ai envie de préciser. Mais je me retiens. Mon énergie va aux derniers mots que je lui balancerai, ultime menace qu’il écoutera attentivement, si je me fie à son historique de se tirer dès que je le lui demande. « Laisse-la tranquille Ezra. Reste à ta place, et fais-lui pas miroiter rien d'autre. Si tu l’aimes vraiment, si tu l’aimes encore, si tu l’aimes tout court, lui permet pas de retomber amoureuse de toi encore une fois. »  visage fermé, langue qui claque, ton glacial. « Lui fais pas encore vivre ça. »

here we go again

EZRA & MATT

« Après 8 années, y’était temps. » Ezra était plus préoccupé par son nez en cet instant que par les paroles que Matt lui sortait. Il fallait qu’il contrôle le saignement, sinon il allait finir par s’évanouir d’être une petite nature, plutôt qu’à cause de la perte de sang en elle-même. « C’est ce qui te reste? C’est ce que t’as à dire, après tout ça? » Il soupira, d’agacement. Oh que non, il avait plein d’autres choses à dire à propos de plein de sujets - mais il aurait voulu les partager avec le Matt de l’époque, celui qu’il connaissait par coeur et non la pâle copie de lui-même qu’il était devenu avec le temps et les erreurs. « Sérieux Ezra, je pensais que tu tenais à Ginny plus que ça. » Levant les yeux au ciel, son regard finit par tomber de nouveau sur Matthew. Il allait sortir quelque-chose, mais avec ce moment d’accalmie qu’il venait d’avoir, il réussit à ne rien sortir. Ca ne servirait à rien, il était autant borné que lui quand il s’agissait de Ginny - à croire qu’il n’avait jamais compris à quel point il avait toujours tenu à la jeune femme. Même encore aujourd’hui, pour se rattraper et tout simplement parce-qu’il l’aimait, il ferait tout pour elle - il tenait à elle. Ce fut le coup de la trousse à pharmacie en pleine poire qui fit revenir Ezra au temps présent, à la conversation et surtout au coeur de la situation. Le regard noir qui ne lâchait pas Matt alors qu’il pouvait deviner la satisfaction dans laquelle il se trouvait pour ce petit coup. Même une pharmacie ambulante devenait une arme de combat, ça partait loin. « Tu sais que y’a pas eu une journée là-bas où j’étais pas assuré que t’allais débarquer? » Là, ça devenait intéressant. Parce-que c’était quelque-chose que Matt ose lui confier une information à son propos, même infime puisse t-elle être, alors que la guerre froide venait juste de reprendre le dessus. « Pas une seule. J’étais sûr que tu ferais un grand gesture, que tu finirais dans le hall du manoir à la demander en mariage. » Le coeur d’Ezra qui en prit un coup alors que les paroles du brun résonnaient dans sa tête. S’il savait à quel point il le connait peut-être bien mieux qu’ils pouvaient tous deux l’imaginer. La demande en mariage était à l’époque toute tracée dans l’esprit d’Ezra lorsque Ginny lui avait appris sa grossesse. Il ne s’imaginait pas mariés si tôt à l’époque, mais ces fiançailles s’étaient imposées à lui naturellement après cette annonce. Alors forcément qu’il aurait aimé s’enfuir, Ginny à son bras, après avoir mis un genou à terre dans le hall du manoir McGrath. Il aurait aimé plus que tout faire ça - s’il avait su que c’est le reste de la famille qui ne voulait pas de lui et non pas l’intéressée principale. Parce-que même s’il avait aimé Ginny comme il n’avait aimé personne d’autre, jamais il n’aurait été à l’encontre de ses paroles à ce moment précis de leur relation. Parce-que si son seul souhait était finalement qu’il la laisse tranquille, il le respectait - sans discuter. Le regard d’Ezra avait fui celui de Matt à ses derniers mots, perdant de son ardeur de rage par le procédé. « Que tu t’excuserais d’avoir foutu sa vie en l’air en lui faisant un gosse et en la laissant se démerder toute seule avec. » Il secoua légèrement la tête, tentant de ne pas se remettre à pisser le sang en faisant cela. « Comme si j’avais eu le choix… » Des mots murmurés, à la fois pour lui-même et pour l’oreille de l’ancien Matt qui pourrait être attentif dans le corps de l’étranger qui se tenait face à lui. « Et c’est pas un combat. Elle a failli crever, elle a voulu crever, à cause de nous deux. » Les regards qui se croisèrent de nouveau, celui de Matt ne perdant pas en ardeur. Les frissons qui vinrent titiller l’échine d’Ezra à l’évocation de cet événement dont il avait été mis au courant bien que trop tard. « Mais à te voir être autant dans le déni que ça aujourd’hui, j’me dis que t’étais bien plus pire que moi dans toute cette histoire. Que quand tu ficheras enfin le camp d’ici, tu retourneras dans ton petit quotidien bien calme à te dire que dans tous ces événements, y’avait que Matt le fautif. Y’a toujours eu que Matt le fautif. Souviens-toi que si sa vie s'est arrêtée pendant 8 ans, t’avais autant de responsabilités là-dedans que moi. » Le jeune homme finit par se relever de sa chaise, sentant son sang ne faire presque qu’un tour en lui. Qu’elles étaient belles, les paroles de Matt. Qu’elles étaient aussi un peu trop vraies pour ne pas faire mal, pour ne pas déchirer de nouveau des cicatrices bien trop présentes. « Laisse-la tranquille Ezra. Reste à ta place, et fais-lui pas miroiter rien d'autre. Si tu l’aimes vraiment, si tu l’aimes encore, si tu l’aimes tout court, lui permet pas de retomber amoureuse de toi encore une fois. Lui fais pas encore vivre ça. » Reposant sur la table à ses côtés les quelques compresses qu’il avait réussi à choper dans la trousse de premiers secours, Ezra eut à la fois un rire las et déchiré. « Parce-que tu crois que quand elle m’en a parlé, j’ai fait le fier ? » Un sourcil haussé, les yeux qui ne retenaient plus de cacher les véritables émotions qui le torturaient. « Parce-que tu crois que je m’en veux pas de tout ce qu’il s’est passé ? » Et surtout des conséquences actuelles et passées liées aux actions qu’ils avaient eu à l’époque. « Ca me tue de l’intérieur, Matt. Ca me tue de savoir que j’ai pu prendre part à… ça. » Ca le tuait présentement de se mettre autant à nues devant le McGrath, car même ce dernier disait que ce n’était pas un combat, il avait au plus haut tord. « Ca n’a jamais été la vie que je voulais lui donner. Son bonheur c’était tout ce qui m’importait. Et si c’était à refaire, je changerai les choses qui nous ont conduit à aujourd’hui. » Il ne parlait plus simplement de Ginny et lui, mais bien implicitement de la situation dans laquelle Matt et lui avaient fini par se retrouver, glissant dans cette haine désespérée l’un envers l’autre. « Mais je peux pas, parce-que ce qui est passé appartient au passé. J’ai plus qu’à me démerder pour faire au mieux maintenant, que ça te plaise ou non. Alors non, je vais pas la laisser tranquille Matt, parce-que je vais tenter de faire ce qu'il faut pour que ça aille mieux. » Ezra eut un petit moment de silence, de réflexion. Il savait que ça n’allait pas plus plaire à monsieur qu’il ose dire ça, mais ça ne pouvait pas être pire de toutes manières. « Qu’importe ce que ça veut dire et que ça te plaise ou non. » Un dernier soupire de lassitude et de désespoir avant qu’il ne lâche finalement le regard de ce frère qu'il aurait préféré garder à ses côtés pour ce genre de moments particulièrement poignants. Tirant sur ses vêtements et enfilant tant bien que mal ses lunettes de soleil, Ezra ne prit pas le temps de se retourner avant de quitter le bar de Matt et se fondre de nouveau à la foule - dont il soupçonnait une partie d’avoir regardé le match qui s'était déroulé à l’intérieur -, emmenant avec lui son nouveau lot d’émotions dévastatrices et cette honte d’être devenu celui dont il avait eu peur toutes ces années, une fois que Matt aurait été au courant de tout. Son ennemi.

: