Je suis là. Liam repose son portable sur le tableau de bord de sa golf noire, son texto destiné a Flavia. Garé en bas de la maison qui servait au QG du club, moteur encore allumé, ronronnant dans la nuit. Le soleil avait laissé place a la lune en ce mardi soir, l'abondance des rues s'était calmé. Les alentours était vide. Seul Liam, accoudé au bras du crime. Il baissa la vitre teintée coté passager pour que la jeune femme puisse le voir bien qu'elle connaissait sa voiture. L'air frais lui fit du bien, scrutant parfois l'entrée de la maison, s'attendant a voir débarquer Hannah et son attirail d'infirmière. Il allait devoir s'y habituer. Son ex, "la briseuse de coeur trop curieuse" comme il aimait l'appeler pour lui même, faisait parti du club maintenant. Sa dernière rencontre ici même quelques semaines plus tôt ne s'était pas vraiment bien passé. Liam frola la cicatrice qui tronait au milieu de sa cuisse a travers son pantalon, celle là même qu'Hannah avait soigné contre son gré. Blessure de guerre. Blessure a l'âme. Il soupira, chassant ses pensées. Ce soir il comptait bien oublier ses tracas et prendre du bon temps. Le temps que ça durera. Son téléphone vibre. Un message de Flavia lui indiquant qu'elle arrivait. Un fin sourire traversa son visage avant de disparaitre. Flavia était son amie. Une des seule qui avait le privilège de connaitre Liam sans filtres, sans barrières. Du moins, presque. Le temps les avait finalement rapproché bien que leur relation n'avait pas spécialement bien démarrée, la jeune femme souvent inquiète devant l'instabilité de Liam, le personnage ne lui disant rien qui vaille, préférant se rapprocher d'Heller qui avait souvent joué le rôle de protecteur auprès d'elle. C'est pendant son emprisonnement qu'il gagna sa confiance en prenant plusieurs fois sa défense au sein du club. Liam avait bien comprit la situation, Flavia le considérait comme un ami tant qu'il gardait le contrôle en sa présence. Message reçu. Mais rien n'empêchait de lui prévoir quelques surprises comblés d'une bonne dose d'adrénaline. Il avait choisit de s'amuser un peu avec elle ce soir, lui laissant la surprise concernant leur activité. A vrai dire, lui cacher était nécessaire, sachant pertinemment qu'un "Allé viens, je t'emmène cambrioler une maison" n'aurait abouti qu'a un non catégorique bien qu'il avait choisit un "cambriolage de débutant" pour l'initier a son monde. La porte se ferme, attirant son attention. Elle est là. D'un geste de la main, il l'invite a s'installer dans sa voiture, sourire en coin. Remarquant l'air intérrogateur mélé a un léger sentiment d'inquiètude, certainement parcequ'elle connaissait la façon de conduire de celui ci, extrême. Comme sa personnalité. Liam entreprit de la rassurer d'un air amusé.
- Je t'ai dis c'est une surprise. Il range son portable dans la poche avant de son pantalon avant de déclencher la vitesse dans un vrombissement. Ne t'inquiète pas je conduirais tranquillement cette fois ci, je ne voudrais pas qu'Heller s'inquiète pour sa petite protégée.
Il prit la direction de Redcliffe, s'enfonçant dans la nuit, faisant parfois la discussion a Flavia pour détendre l'atmosphère. Arrivés sur les lieux, Liam se gara dans une ruelle déserte, non loin de là se trouvait une maison a l'écart des autres. Pas de voisins, un portail rouillé facile a escalader et un jardin aussi triste qu'un cimetière. Les habitants se trouvait être des étrangers qui n'y habitait que 5 mois par an. Une maison de vacance, en somme. Leurs vieillissements les rendait moins précautionneux d'années en années si bien que les cambrioler était un véritable jeu d'enfant. Deux jours plus tôt, Liam s'y était rendu en reconnaissance pour pouvoir y amener Flavia, il avait ainsi pu se rendre compte que l'alarme avait été désactivé, certainement par oublie, les habitants ayant quitté la maison quelques jours plus tôt pour leur véritable habitation.
- Tu vois la maison là bas ?
Son doigt pointé en direction de la vieille batisse aux volets décrépis il observe, une lueur dans les yeux, le visage de Flavia s'assombrir, commençant a comprendre dans quel piège elle venait de tomber. Liam attrapa son sac de cambriolage a l'arrière de sa voiture, il en sortit une paire de gant déstinés a son nouveau binome.
- Bienvenue sur les lieux de ton premier cambriolage. Semblant prendre plaisir a cette situation, il lui tendit les gants. Ce serait bête que tu mettes tes empreintes partout, non ?
Il sort de la voiture, fait le tour avant d'ouvrir la portière coté passager, bien décidé a déloger Flavia, sa main tendu, l'incitant a se joindre a lui.
- Il t'arrivera rien Flavia, tu es sous sous ma protection. La rassura il.
Et c'était vrai. Il avait prit ses précautions, bien conscient qu'Heller l'enverrait en enfer si il apprenait que Liam avait embarqué Flavia sur un cambriolage et, de surcroit, qu'il lui était arrivé quelque chose. En enfer. Les flammes avait déjà léché sa peau depuis longtemps
L’écran de mon portable s’allume en même temps que l’appareil émet un bip discret. Je délaisse le roman que j’étais en train de lire, étendue sur mon lit. C’est un bouquin pour ado, le genre de roman simple à lire et pas franchement passionnant. Celui-là raconte l’histoire d’une nunuche qui passe plus de temps à courir après le joueur étoile de l’équipe de rugby qu’à étudier. Même si je ne trouve pas ça très intéressant, ça m’aide à améliorer mon anglais, qui est loin d’être parfait, même après presque trois ans en Australie. Je tends le bras pour attraper mon portable et jeter un coup d’œil au message. Toute cette technologie me paraît encore bien étrange. Les téléphones cellulaires n’en étaient qu’à leurs débuts durant mon enfance et mon adolescence en Croatie. Et après… eh bien, j’avais souvent vu les types qui organisaient les marchés en utiliser, mais ce n’est pas comme s’ils m’avaient donné l’occasion m'en servir. Quand Heller m’avait fait cadeau d’un appareil dernier cri, il avait fallu que Calypso m’apprenne comment il fonctionnait pour éviter que l’appareil ne finisse inutilisé au fond d’un tiroir.
J’appuie sur la notification pour ouvrir le texto. C’est un message de Liam, très court mais direct. Je suis là. Je me redresse dans mon lit et m’assois, les jambes pendant au bout du matelas le temps de taper ma réponse. J’arrive. J’enfile mes Converse. Elles sont si vieilles que je crains de voir les semelles se mettre à bâiller d’une balade à l’autre, mais elles sont encore vachement confortables. Comme à mon habitude, je mets aussi une veste. J’en porte toujours une. Ça me donne un peu l'illusion de porter une armure qui me dissimule au regard des autres. Je glisse enfin mon portable dans ma poche, puis je sors de ma chambre. Je dévale les marches aussi silencieusement que possible pour éviter de réveiller de potentiels dormeurs. Il y a tellement de va-et-vient au QG que je ne sais jamais qui s’y trouve.
Dehors, Liam m’attend dans sa voiture. Il a baissé la vitre et la lumière orangée qui émane des lampadaires me permet de le voir agiter la main, à moitié pour me saluer et à moitié pour me dire d’approcher. J’hésite un moment, bouffée par l’angoisse comme à chaque fois que je sors du repaire du Club, avant de m’obliger à marcher vers le trottoir. J’ouvre la portière et m’installe dans le siège du passager. Connaissant le goût de Liam pour le risque et la vitesse au volant, je boucle ma ceinture dès que mes fesses se sont posées sur le siège.
Je me demande bien ce qu’on va faire. Liam est passé au QG plus tôt aujourd’hui, mais il ne m’a presque rien dit. Il m’a juste demandé si j’avais envie de faire quelque chose ce soir. J’ai accepté parce que ça me faisait plaisir de voir qu’il voulait passer du temps avec moi, mais aussi parce que je ne sors pas assez. Je commence à en avoir un peu marre de voir les quatre murs de ma chambre. Je ne sais pas ce qu’il a en tête, mais mon petit doigt me dit que ce n’est pas une soirée bien tranquille au cinéma. Tout en me demandant vaguement si je ne suis pas en train de faire une bêtise, je lui lance un regard interrogateur. « Je t'ai dis c'est une surprise. » Voilà qui n’a rien de rassurant. Je commence à le connaître, à force, et je me doute bien que s’il ne veut pas me révéler ce qu’on va faire, c’est probablement parce qu'on ne devrait pas le faire. « Ne t'inquiète pas je conduirais tranquillement cette fois ci, je ne voudrais pas qu'Heller s'inquiète pour sa petite protégée. » Je fais la moue, pas trop convaincue qu’il sache conduire normalement. Comme pour me prouver que j’ai raison, il démarre sur les chapeaux de roue. Et puis, comme s’il se rappelait à retardement sa promesse, il ralentit. Heureusement, le reste du trajet est plutôt calme. Même si nous roulons surtout en silence, Liam fait de temps en temps la conversation. Je ne lui réponds pas toujours, mais ça ne semble pas trop l’offusquer. Je crois qu’il est habitué à ce que je ne sois pas très loquace.
Au bout d’un long moment, Liam se gare enfin. J’observe prudemment les alentours. Je ne reconnais pas le quartier, mais ce n’est pas particulièrement étonnant. Nous nous trouvons dans une petite ruelle à peine assez large pour laisser passer une voiture à côté de celle de Liam. Il n’y pas un chat. À l’idée d’être seule dans un endroit aussi isolé, une bulle d’angoisse gonfle dans ma poitrine. L’estomac noué, j’inspire profondément, espérant que l’air qui entre dans mes poumons chassera ces vieux réflexes. Je suis seule avec un homme, oui, mais pas n’importe lequel. J’ai confiance en Liam. Il m’a fallu un long moment pour comprendre qu’il cherchait simplement à être mon ami, mais maintenant je le sais. Et je lui fais confiance : il ne profiterait jamais de cette ruelle abandonnée pour prendre avantage de moi. Je me sens un peu mal d’avoir pensé même pour une seconde qu’il pourrait faire une chose pareille. Insensible à ce qui remue dans mon esprit, Liam me pointe une maison tout au fond de la ruelle. Son sourire de gamin ne me dit qui vaille. Il a l’air trop content de lui-même. Je balaie du regard la maison. Elle est relativement imposante. Ce n’est pas un manoir, mais j’imagine sans mal qu’un couple puisse y vivre confortablement avec deux ou trois mômes. Et soudain, je comprends ce qu’on vient faire ici. Un cambriolage? Il n’est tout de même pas sérieux! Je darde un regard furieux sur Liam. Loin d’être troublé, il a plutôt l’air attendri, comme s’il regardait un chaton essayer de sortir ses griffes. Il étire le bras pour attraper un sac sur la banquette arrière. « Bienvenue sur les lieux de ton premier cambriolage. » J’attrape mécaniquement la paire de gants qu’il me tend, mais au lieu de l’enfiler, je laisse mollement retomber ma main sur ma cuisse.
Liam a profité de mon silence pour sortir de la voiture et venir ouvrir la portière du côté passager. Il me tend la main. Je l’observe, incertaine de vouloir la prendre. « Il t'arrivera rien Flavia, tu es sous ma protection. » Je pourrais refuser. Si je lui disais que je me sens vraiment mal, je crois bien qu’il accepterait de me ramener au QG. Mais voilà, je ne veux pas le décevoir. Je suis certaine qu’il planifie son coup depuis un bon moment. Et je dois avouer que, même si je suis terrifiée, je suis aussi un peu curieuse à l’idée de m’immiscer dans son monde. Alors je prends sur moi et j’accepte sa main tendue. D’une poigne ferme, il me tire hors de la voiture et referme la portière derrière moi. Je mets les gants noirs en cuir doux. Ils sont trop grands pour mes petites mains. Je devrai faire attention de ne pas les perdre par mégarde. Nous nous mettons en marche vers la maison. La lumière des réverbères qui se trouvent derrière nous ne se rend pas tout à fait au bout de la ruelle et j’ai l’impression d’avancer dans un pot d’encre. Soucieuse de ne pas trop ressembler à une gamine terrifiée, j’essaie de garder une distance raisonnable entre Liam et moi même si j’aurais plutôt envie de m’accrocher de toutes mes forces à son bras. À l’affût du moindre bruit et de la silhouette éventuelle d’un flic qui se mouvrait dans les ombres, je ne me remarque pas que Liam s’est arrêté avant de me heurter de plein fouet à son dos. « Aïe! » Tout en frottant mon nez endolori, je lève la tête. Le portail qui se dresse devant nous me paraît haut comme une tour. « Euh… comment on fait pour contourner ça? » La grille a l’air plutôt vieille. Peut-être que certains de ses barreaux, grugés par la rouille, ont cédé? Ou alors il y a une porte à la serrure brisée un peu plus loin?
Dernière édition par Flavia Kovač le Mer 21 Fév 2018 - 2:59, édité 1 fois
*Si j'avais la batmobile, nous aurions certainement rien a craindre de cette virée nocturne, bien trop rapide pour être prit en flagrant délit. Car oui, il y avait toujours un risque. Même infime. Je l'avais appris avec l'expérience. Des cambriolages qui avait été travaillés des jours durant pour ne rien laisser au hasard, il y avait parfois ce minuscule détail imprévisible, inenvisageable qui venait se mêler au plan. L'improvisation est de rigueur. Alors, même si j'étais sur de mon coup, je restais sur mes gardes, a l'affut, cette fois il ne s'agissait pas que de moi. Flavia était sous ma responsabilité, je m'étais engagé a la protéger quoi qu'il arrive, je comptais le respecter, quitte a l'aider a s'enfuir et rester sur place si les choses tournait mal. J'avais visité ce lieu bien trop de fois pour imaginer un revirement de situation, le pourcentage de chance était faible. A croire que la police avait désertée cette partie de la ville. Cependant, ne jamais sous estimer les voisins trop curieux ou l'incontournable échappée du chien, prêt a tout faire capoter en un aboiement. Vécu, oblige.* Au coté de Liam, Flavia n'a pas le choix que de le suivre, elle semble vouloir garder des distances raisonnable mais s'empresse de revenir a son rythme lorsque son périmètre lui échappe. Il sourit légèrement, devinant l'état d'alerte de son amie. Une première pour elle. Chacune de leurs respirations dégages un volute de vapeur blanche a travers l'obscurité lorsque la chaleur de leurs souffles entre en contact avec le froid hivernal. La respiration de Liam, bien plus contrôlée que celle de Flavia. Il s'arrète face au grand portail, prêt a donner ses instructions. Que le jeu commence. La jeune femme manque de lui rentrer dedans, percutant son dos avant de gémir. A nouveau ce sourire presque moqueur se fige sur les lèvres de celui ci. C'est pas gagné.
- Euh… comment on fait pour contourner ça ?
Ca. Son regard se fondant dans la nuit vient détailler le portail. La réponse n'allait probablement pas lui plaire. Ca, il fallait l'escalader. Liam jette un rapide coup d'oeil aux chaussures de Flavia. Pas sur que ce soit l'idéal mais elle allait devoir faire avec, se demandant si il l'avait un jour vu avec autre chose que ces vieilles converses prête a rendre l'âme a tout instant. Il s'approcha du mur a la droite du portail, le nez en l'air pour observer l'extrémité puis il fit signe a la jeune femme de le rejoindre, son visage indiquant qu'elle était de moins en moins emballée par l'idée. La réponse a sa question risquait de définitivement achever l'envie.
- Je vais t'aider a monter, donnes moi ta jambe. Une fois en haut, attend moi et ne bouges pas.
Face a la résistance de Flavia, il fit bouger ses mains, attendant la fameuse jambe de la jeune femme, son regard, insistant. Elle finit par obtempérer, Liam n'ayant aucun mal a la porter tant elle était légère. Ce fut a son tour de grimper et malgré sa taille imposante il jugea bon de faire quelques pas en arrière pour prendre son élan.
- J'arrive. Lacha il, un peu plus loin.
Il prit son impulsion sous les yeux de Flavia, son pied droit vint s'écraser sur le mur, lui donnant l'impulsion nécéssaire, ses deux mains sur le haut du mur ou il se hissa sans difficulté. Sans un mot, il se laissa tomber de l'autre coté, pénétrant ainsi dans la propriété. Il leva la tête en direction de son amie, a califourchon sur le mur. Liam tendit les bras dans sa direction.
- Tu me fais confiance ? Je te rattrape.
Il s'arma de patience pour réussir a la faire descendre, Flavia attérit finalement dans ses bras ou il s'empressa de la reposer, se forçant a être un minimum doux avec elle. "Patient" et "doux". Il fallait définitivement que la jeune femme soit quelqu'un d'important pour Liam... Il s'approcha du portail ou il bidouilla pendant quelques instants avec un outil sortit de son sac puis le premier battant finit par s'ouvrir dans un "clac" comme par magie.
- Ce sera pour le retour. Souffla il a l'intention de Flavia, un air de défis dans le regard.
Parfaitement conscient qu'il aurait pu lui ouvrir le portail au lieu de l'obliger a escalader, il se dirigea vers la maison, n'attendant pas la réflexion de son amie.
Notre expédition vient à peine de commencer que j’ai déjà envie de tourner les talons. Une moue découragée aux lèvres, je me demande pourquoi j’ai accepté de m’embarquer dans cette histoire au lieu de demander à ce qu’on retourne au QG. Sans répondre à ma question, Liam s’est approché du portail. En le voyant observer attentivement le muret de pierre, je comprends bien vite qu’il nous est impossible de le contourner et qu’il nous faudra l’escalader. Le cambrioleur se tourne vers moi et m’observe d’un regard perçant. Il s’attarde quelques secondes à mes pieds et je me sens rougir, me doutant qu’il passe sans doute un jugement silencieux sur l’état déplorable de mes Converses. « Je vais t'aider à monter, donnes-moi ta jambe. Une fois en haut, attend moi et ne bouges pas. » Il vient de confirmer mes soupçons et, comme d’habitude, il n’a pas fait dans la dentelle. Je reste immobile un moment jusqu’à ce que le mouvement d’impatience de Liam me convainque d’approcher. Je pose le pied sur ses mains croisées. Il me propulse aussitôt vers le haut, si brusquement que je manque de basculer. Par réflexe, je penche le torse vers l’avant, histoire de rétablir mon équilibre, et je m’accroche de mon mieux au muret.
Heureusement, le vertige ne figure pas dans la longue liste des mes peurs et angoisses. Ça ne veut pas dire que j’ai l’âme d’une gymnaste pour autant. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu deux pieds gauches et une piètre coordination. Je n’ai d’ailleurs jamais compris pourquoi Clyde s’obstinait à me faire porter des talons aiguilles. Même en m’exerçant pendant des heures, je n’ai jamais réussi à marcher convenablement juchée sur ces instruments de torture. J’imagine que ma démarche de girafe naissante l’amusait. Il ne perdait jamais une occasion de m’humilier de toutes les façons possibles et imaginables. Empêtrées dans mes gants trop grands, j’ai eu un peu de mal à trouver une bonne prise dans la pierre rugueuse, mais j’ai tout de même réussi à grimper et à m’installer à califourchon sur le muret. Beaucoup plus gracieux que moi, Liam prend son élan et franchit le mur d’un long saut tout ce qu’il y a de plus naturel. Je me surprends à éprouver une pointe de jalousie. J’ai beau savoir que c’est parce qu’il fait ce genre de galipettes depuis des années, je ne peux m’empêcher de penser que c’est aussi parce qu’il est parfaitement à l’aise dans son corps. Ce n’est pas mon cas. On dirait que j’habite une coquille mal ajustée, à la fois trop grande et trop petite.
Après avoir atterri sur un tapis d’herbe et de feuilles avec la souplesse d’un chat, Liam se tourne vers moi et me tend les bras. « Tu me fais confiance ? Je te rattrape. » J’examine le sol sous moi en essayant d’évaluer si je risquerais de me casser un membre en m’écrasant de cette hauteur. Je suis presque certaine que Liam réussira à m’attraper, mais je crains de tomber sur ma mauvaise cheville s’il n’y arrivait pas après tout. Je ne crois pas qu’elle survivrait au choc sans se briser à nouveau. Je finis pourtant par faire passer par-dessus le muret la jambe qui pendait du mauvais côté et je m’élance de mon perchoir. Comme il l’a promis, Liam me rattrape. Ce n’est pas exactement un atterrissage en douceur, mais c’est nettement mieux que ce que j’aurais fait par moi-même. J’apprécie qu’il me laisse aller aussitôt que mes pieds touchent le sol. Je m’empresse d’ailleurs de rétablir une distance de quelques centimètres entre nous, plus par habitude que par réel besoin de m’éloigner. De toute façon, Liam ne semble même pas s’en apercevoir. À force de me côtoyer, il doit s’être habitué à mes manies étranges.
Il s’est rapproché du portail. D’où je me tiens, je ne vois pas très bien ce qu’il fait, car son dos musculeux bloque mon champ de vision. Lorsque l’un des battants du portail se déplace de quelques centimètres dans un grincement funeste, je finis par comprendre que Liam vient de crocheter la serrure. « Ce sera pour le retour. » Interdite, je reste bouche bée. En fait, je suis plutôt contente d’apprendre que nous n’aurons pas à repasser par-dessus le muret (d’autant plus que nous serons sans doute chargés de sacs pleins à craquer, puisque nous allons cambrioler cette maison), mais je ne laisse rien paraître. Je plisse plutôt les yeux comme si je voulais foudroyer Liam du regard. Nullement impressionné par mon agacement, il s’approche déjà de la maison. Je trottine derrière lui pour le rattraper. « C’que t’es détestable parfois. » Je ne le pense pas vraiment – enfin, si peut-être un peu – mais de toute façon, Liam n’a pas l’air particulièrement vexé par mon commentaire. Il esquisse même un sourire comme si je l’amusais. C’est probablement le cas.
Il s’arrête. Cette fois, comme je le suivais des yeux, je m’arrête en même temps que lui et, surtout, avant de le heurter de plein fouet. Un nouvel obstacle se dresse devant nous : la porte verrouillée de la maison. J’ai beau être une parfaite néophyte dans l’art du cambriolage, la solution me paraît évidente. J’inspire un bon coup pour me donner le courage de parler. « Il faut crocheter la serrure? Je… j’peux essayer? »
Ce portail il aurait très bien pu l'ouvrir dés le début, faciliter les choses a la jeune Flavia qui semblait toujours sur le point de lever le drapeau blanc et battre en retraite. Pourtant, a la surprise de Liam, le fameux abandon ne pointait pas le bout de son nez, conscient qu'il poussait son amie dans ses limites, il appréciait non sans étonnement, ses efforts pour s'investir. Lui qui n'avait jamais pu partagé cette activité avec qui que ce soit. Plutôt logique. Il avait noté la prise de distance de celle ci après l'avoir déposée. Aucune vexant pour lui. Au contraire. Ces deux là avait au moins un point en commun, celui de ne pas spécialement apprécier les contacts physiques. Du moins, en général. Tout dépendait la situation et la personne pour Liam. Certain aurait pu profiter de ce rapprochement furtif mais il respectait Flavia et aucune mauvaise intention ne résidait dans son esprit. Il avait assez cherché a la protéger et a obtenir sa confiance durant le temps ou Heller était en prison. Dos tourné, il prend de la distance en direction de la porte d'entrée, traversant un jardin qui aurait bien besoin d'un entretien au vue des mauvaises herbes grandissantes. Les fleurs fanait lentement a l'image des propriétaires de la maison qui devenait de moins en moins vigilant au fil des années. Flavia ne tarde pas a emboiter son pas comme si elle craignait d'être laissée pour compte, la présence de Liam la rassurant. Elle ne résiste pas a un petit pic.
- C’que t’es détestable parfois.
Et ça l'amuse. Sans même lui accorder un regard, il lache un petit rire moqueur. Liam s'attendait a ce genre de réflèxion de la part de son amie. Il l'avait cherché. Elle n'avait pas vraiment tort en fin de compte.
- C'est ce qu'on dit. Souffla il.
Cette même phrase il l'avait déjà entendu dans la bouche de son ex. Hannah. Beaucoup moins amusant sur les lèvres de cette fille là. Hannah était bien moins innocente que Flavia. Là était la grande différence. Alors il préfère ne pas s'attarder sur le sujet. Liam grimpe les quelques marches du perron, posant son sac contre le mur de droite, attendant son amie pour lancer les nouvelles instructions, jouant parfaitement son rôle de professeur. Professeur des arts du cambriolage. L'étape du portail passée, le plus technique restait a venir.
- Il faut crocheter la serrure ? Je… j’peux essayer ?
Son regard vint détailler Flavia, presque surprit de cette envie de s'appliquer a la tache. Il n'en attendait pas moins. Il passe une main dans ses cheveux pour dégager les quelques mèches sur son visage.
- Perspicace. Siffla il. Il fouilla dans son sac pour en ressortir d'autres outils qu'il présenta a la jeune femme. Je te montre et tu essayes.
Sur ses mots, il se lance dans une explications, cherchant a utiliser un vocabulaire le plus compréhensible possible avant de laisser les outils entre les mains de Flavia, son regard l'incitant a se lancer. Presque sur qu'elle n'y arriverait pas, il fit un pas en arrière pour la laisser s'entrainer, lui laissant quelques minutes pour trouver la bonne voie. En vain. Un sourire en coin traversa ses lèvres, il se racla la gorge.
- Tu sais combien de temps un cambriolage doit durer pour être efficace ? Il ne lui laisse pas le temps de répondre. 3 minutes. Effraction de la porte et cambriolage inclus. Seules les portes blindées prennent plus de temps, environ 15 min pour l'ouvrir quand c'est un cambrioleur confirmé. Je précise que cette porte n'est pas blindée. Entre l'escalade du portail et l'ouverture de la porte, tu veux t'amuser a faire le calcul ?
Son ton est difficile a cerner mais il semble plutôt s'amuser de la situation. Le délais était largement dépassé. Liam récupère les outils des mains de Flavia. L'expert sur son terrain de jeu. Sous les yeux de Flavia, il parvient a ouvrir la porte en quelques secondes top chrono. La maison est plongée dans l'obscurité, il rentre le premier, inspectant l'alarme contre le mur a droite au cas ou il y aurait une mauvaise surprise. Toujours désactivée. Il invite la jeune femme a rentrer a son tour après avoir vérifier que tout était sur. Rien n'avait changé depuis son dernier passage.
- Un cambrioleur peut connaitre le niveau de sécurité de la porte vue de l'extérieur de deux manières. Si il y a des protections mécaniques comme des cornières ou des barres de seuil, c'est que la porte est blindée et que la serrure est sécurisée. Grace au trou de la serrure, on peux voir le modèle et la marque de la serrure.
Il interroge Flavia du regard, cherchant a savoir si la jeune femme le suivait avant de faire quelques pas vers le salon ou résidait des fauteuils usés et une cheminée.
- Les bijoux c'est a l'étage. S'exclama Liam a l'intention de Flavia, désignant du bout du doigts l'escalier a sa gauche. La salle de bain bleue au fond du cou...
Tel un agent immobilier avec option cambriolage, Liam s'arrète sans terminer sa phrase, un bruit attirant son attention. Il fronce les sourcils avant de dévisager son amie.
- T'as entendu ?
Et comme pour lui prouver qu'il n'avait pas rêvé, une deuxième répercussion retentit semblant provenir de la porte qui menait au toilette, non loin du salon. Pourtant certain que la maison était vide, Liam fait signe de sa main a Flavia de ne pas bouger, se mettant a avancer, tapit dans l'ombre. Son cerveau tourne a plein régime lorsqu'un troisième son sourd retentit. Il hésite devant la porte, perplèxe mais surtout inquiet pour la sécurité de Flavia. N'ayant pas le choix, il finit par ouvrir la porte dans la volée. Qu'elle ne fut pas sa surprise lorsqu'un serpent s'échappa des toilettes dans un sifflement menaçant.
Une étincelle d’étonnement traverse le regard de Liam. Il a l’air surpris de voir que j’ai deviné la prochaine étape. Même si ce n’est pas grand-chose, je ressens une pointe de fierté à l’idée de l’avoir épaté, ne serait-ce qu’un tout petit peu. Il se penche pour fouiller dans son sac et en sortir des outils qu’il me tend. Après m’avoir expliqué le plus simplement possible le fonctionnement de la serrure, il fait un pas en arrière. Je me penche vers la serrure et y insère la mince tige de métal. J’essaie de faire comme Liam me l’a expliqué, de « sentir » les goupilles pour déterminer comment les soulever ou les laisser retomber. Quelques mèches se sont échappées de mon chignon durant ma petite balade au sommet du mur. Elles me tombent dans les yeux et me gênent. Agacée, je les repousse vers l’arrière, sans trop de succès. Au bout de plusieurs minutes, je ne suis toujours arrivée à rien. J’ai beau essayer, je n’arrive pas à trouver la bonne combinaison. Déçue, je tente une dernière fois de faire tourner la poignée, sachant très bien que ça ne sert à rien. Têtue, elle ne bouge pas d’un degré.
Derrière moi, quelqu’un s’éclaircit la gorge. Je sursaute et laisse échapper un Sranje! bien senti entre mes dents serrées. Trop concentrée sur ma tâche, j’avais oublié que Liam m’observait. « Tu sais combien de temps un cambriolage doit durer pour être efficace? » Non, mais au ton de sa voix, je devine qu’on a déjà largement dépassé le temps optimal. Il continue sur sa lancée, puis conclut : « Entre l'escalade du portail et l'ouverture de la porte, tu veux t'amuser a faire le calcul? » J’ai du mal à cerner son ton. Est-il fâché? On dirait qu’il m’en veut de lui avoir fait perdre du temps. Ce n’est tout de même pas ma faute si je suis inexpérimentée! Et ce n’est pas comme s’il ignorait que c’est mon premier cambriolage à vie. D’ailleurs, il était plutôt fier de le souligner tout à l’heure.
Il reprend les outils. Je m’écarte pour lui laisser le champ libre. Il lui faut quelques secondes et un coup de poignet bien placé pour que le déclic caractéristique de la serrure transperce la nuit. Fier de sa petite démonstration, Liam sourit. Je croise les bras en levant les yeux au ciel. Je suis assez impressionnée, mais il est hors de question que je le montre. Ça lui ferait bien trop plaisir. Le cambrioleur entre le premier dans la demeure. Je reste sur le pas de la porte jusqu’à ce qu’il me donne le feu vert. En attendant, j’essaie d’apercevoir quelque chose dans la mare d’obscurité qui remplit la maison. Je devine le contour de certains meubles, mais presque rien d’autre. Liam m’invite à entrer. Je le suis jusqu’au salon tout en l’écoutant d’une oreille distraite. Ce qu’il m’explique m’intéresse, mais c’est beaucoup d’information à absorber d’un coup. À la lumière de ma lampe torche, j’observe la pièce dans laquelle nous nous trouvons. Le décor est plutôt joli, quoique trop minimaliste à mon goût. Un reflet étrange au fond de la pièce attire mon attention. Je dirige le faisceau de lumière dans cette direction. Je constate avec un peu d’étonnement qu’un aquarium vide est posé sur un meuble. À quoi ça peut bien servir, un aquarium sans poisson? Je suppose que les propriétaires se sont débarrassés de leurs poissons avant de partir en vacances. Mais pourquoi ont-ils laissé l’aquarium là?
La voix de Liam me ramène au moment présent. « Les bijoux c’est à l’étage. La salle de bain bleue au fond du cou… » Il s’interrompt brusquement. Les sourcils froncés, j’essaie de comprendre pourquoi il s’est tu. Je tends l’oreille, raide comme une barre et prête à détaler à la moindre menace. « T’as entendu? » Un bruit sourd retentit dans la maison. « C’était quoi? » que je murmure. Angoissée, j’ai à peine osé bouger les lèvres. Liam s’éloigne vers la source du bruit. Je voudrais lui demander de rester avec moi, mais il vaut probablement mieux qu’il aille voir de quoi il retourne. Je devrais sans doute rester immobile, mais je n’y arrive pas. Je pivote sans arrêt sur moi-même pour scruter les ombres à la recherche d’un intrus. Pendant quelques secondes, le silence le plus total règne sur la maison. Puis, un autre coup retentit, suivi du bruit d’une porte qui claque et, enfin, de la voix de Liam qui gueule. « What the fuck! Flavia! »
Je trouve je ne sais trop où le courage de m’approcher. Un chuintement bizarre se fait entendre sur le sol et je baisse ma lampe torche. C’est alors que j’aperçois le responsable de la surprise de Liam. Le reptile glisse vers moi, insensible à la lumière qui se reflète dans ses petits yeux noirs. L’avantage d’avoir beaucoup de temps libre, c’est que j’ai le temps de lire. Il y a tout une sélection de bouquins sur la faune et la flore australienne dans la section des livres pour enfants de la bibliothèque et j’en ai lu plusieurs. En voyant les taches sur le dos du serpent et, surtout, l’absence de couleurs vives sur ses écailles brunâtres, je laisse échapper un soupir de soulagement. Il ne s’agit pas de l’un des nombreux serpents venimeux du coin, mais d’un simple animal de compagnie. Voilà qui résout le mystère de l’aquarium vide : c’est en fait un terrarium et c’est sans doute de là que le serpent s’est échappé.
Je me penche lentement puis, aussi rapidement que possible, je pince le corps du serpent juste derrière sa tête. Je dépose ma lampe torche sur le sol. Ça me permet d’attraper la queue du reptile de ma main nouvellement libérée. Je l’encourage à s’enrouler autour de mon bras. Au début, il ne coopère pas trop et essaye même de me mordre. Après un petit moment, il comprend que je n’essaie pas de l’attaquer et il enserre paresseusement mon avant-bras.
« C’est un python de Children. Il est inoffensif. » Ce n’est pas tout à fait vrai : même s’il n’est pas venimeux, sa morsure est tout de même vachement douloureuse. Comme je porte les gants en cuir épais de Liam, ça ne m’inquiète pas trop. Je m’approche de Liam. « Je crois qu’il appartient aux proprios. » Le corps du serpent ondule autour de mon bras. Fascinée, j’observe ses muscles se contracter et se détendre sous les écailles. Je fronce les sourcils. « Ils n’auraient pas dû le laisser tout seul. ». C’est cruel pour le pauvre animal, qui n’a rien à se mettre sous la dent. Je songe que c’est probablement pour ça qu’il s’est échappé de sa maison et aussi que, sans nous, il serait probablement mort. Une idée complètement absurde se forme dans ma tête : et si je le gardais? Je pourrais installer son terrarium dans ma chambre. Ça ne risquerait pas de déranger qui que ce soit.
*Le serpent qui se glisse entre mes jambes, trop heureux d'être libéré, pourtant son sifflement me parait menaçant. Je marmonne quelque chose de peu flatteur a l'égard de l'animal avant de braquer ma lampe torche dans son scillon. Je n'étais en aucun cas phobique mais la vision des serpents provoquait en moi un sentiment d'insécurité depuis que l'un d'eux m'avait mordu la main lorsque j'étais encore enfant. Dire que Brisbane grouillait de ces bêtes là. Mon père qui n'était pas présent ce jour là, la panique de mon voisin qui était présent a ce moment là était resté gravé dans ma tête. Contagieux. J'avais gardé une petite cicatrice apparente sur ma main gauche. De quoi me rappeler la dangerosité de ces bestioles rampantes qui n'hésitait pas a attaquer sans le moindre scrupule. Je grimace a l'idée de faire sortir l'animal, je n'avais aucunement envie de l'attraper mais nous ne pouvions pas le laisser mourir ici. Je regarde autour de moi et c'est la vue du terrarium vide qui me fait penser que les propriétaires avait du l'oublier. L'animal avait du s'échapper, entrainé par la faim. J'ignorais comment on pouvait prendre les serpents pour des animaux domestiques. Même le mauvais caractère des chats était préférable aux reptiles, celons moi. Le meilleur ami de l'homme restera toujours le chien. Ma lampe torche vient éblouir un instant Flavia, juste a temps pour la voir se pencher et attraper le serpent comme ci elle avait fait ça toute sa vie. Je fais les yeux, rond, médusé.
- Fais attention...
Je m'entend lui dire. Les gants était assez épais pour résister a une morsure mais je préférais rester sur mes gardes. Je me voyais mal expliquer a Heller comment Flavia s'était faites mordre par un serpent au beau milieu de la nuit dans une maison a demi abandonnée, quelque part dans Redcliffe en ma compagnie. D'autant plus que j'ignorais si la morsure de celui ci était venimeuse. A vrai dire, je ne préférais pas le savoir. Cette soirée commençait a prendre une drôle de tournure. Je n'aimais pas ça. Trop de risques encouru pour pas grand chose. Je finis par me rapprocher de Flavia qui semblait lire dans mes pensées. Je l'écoute attentivement, me demandant ou elle avait pu dénicher toutes ces informations. Instinctivement, je me détend en l'entendant prononcer le mot "inoffensif". L'animal s'enroule autour de sa main, mon regard allant de mon amie au reptile. Elle n'a pas peur, c'est certain. Je trouvais ça presque impressionnant de la part d'une fille comme elle. Flavia fait une réfléxion quant aux propriétaires. Moi, j'observe les écailles qui bougent a chaques mouvement et son regard noir perçant qui me donnait aucunement envie de m'en approcher plus. J'ignorais si l'animal était apte a survivre dans la nature si il avait vécu toute sa vie dans un terrarium. La jeune femme semblait apprécier son contact, alors une idée folle me traverse l'esprit.
- Tu... veux le ramener ? J'interroge Flavia du regard avant de laisser apparaitre sur mon visage une moue a la fois perplexe et amusé. Je suis sur que Lucan sera...ravi.
Je l'imagine, ça m'arrache un rire. Je me détourne de l'animal avant de jeter un oeil au terrarium.
- J'aime pas ces bêtes là mais manifestement il mourra si on l'abandonne ici, les propriétaires ne sont pas prêt de revenir. Je me retourne vers Flavia. Dépose le, on récupère ce qu'il y a là haut et on se casse, on a déjà assez perdu de temps.
Sur mes mots, je monte les escaliers quatre a quatre, direction la fameuse salle de bain bleue. Je connaissais les lieux par coeur. Je sens la présence de mon partenaire dans mon dos, je rajoute qu'elle peut prendre ce qu'elle voulait sans même me retourner.
À la façon dont Liam ne quitte pas le reptile des yeux, je devine qu'il n'aime pas trop les serpents. Ce n'est pas tout à fait de la peur qui brille dans ses iris sombres, mais il y a certainement une bonne dose de méfiance. Moi, j'ai toujours été fascinée par ces créatures longilignes et mal aimées. Quand j'étais gamine, je m'amusais à les chasser dans le jardin. C'était de petites couleuvres vertes parfaitement inoffensives, presque adorables. Un jour, j'en avais ramené une pour la montrer à grand-mère. Je crois que je lui ai donné la frousse de sa vie en débarquant dans le salon avec le serpent enroulé autour de mon bras. Moins emballée que je ne l'aurais cru par mes découvertes, elle m'avait prestement renvoyée au jardin pour retourner le reptile à son environnement naturel et elle m'avait fait promettre de plus faire entrer de bestioles dans sa maison. « Tu… veux le ramener? » La voix du cambrioleur me tire de mes souvenirs et me ramène au présent, dans la maison mal éclairée. Je fais timidement signe que oui de la tête, un peu étonnée qu'il ait deviné mon projet sans que j'aie eu à dire quoi que ce soit. Autant il sait repérer toutes les failles d'un système de sécurité au premier coup d'œil, autant ce qui se passe dans ma tête reste souvent un mystère complet pour lui. « Je suis sûr que Lucan sera… ravi. » Liam rigole, mais moi, je n'ai pas du tout envie de rire. Champagne me terrifie encore, même après toutes ces années. Je m’éclaircis la gorge. « Si Heller est d'accord, je me fous de ce que Lucan peut penser. » J'essaie de mettre tout la conviction dont je suis capable dans ma voix. Le patron ne m’a encore rien refusé, probablement parce que je n’ose toujours pas demander grand-chose. Je ne vois pas pourquoi il m’empêcherait de garder un serpent inoffensif dans ma chambre.
Après m'avoir ordonné de déposer mon nouvel ami, Liam me dit de me dépêcher. Ça suffit pour me rappeler que nous sommes au beau milieu d'un cambriolage. Avec toutes ces péripéties, j'avais presque oublié. J'obéis donc et traverse rapidement le salon pour rejoindre le terrarium. Le bras suspendu au-dessus du cube de vitre, je détache délicatement le serpent et le dépose dans sa maison. Après avoir reposé le couvercle et m'être assurée de l’avoir bien fermé, je me penche pour croiser le regard du python. « Je reviens dans pas long. » Il sort paresseusement sa langue bifide, comme s'il voulait me dire qu'il a compris. J’entends les pas de Liam se déplacer au deuxième étage, aussi je m’élance vers l’escalier pour le rejoindre. Je n’ai pas besoin de le chercher, car il se trouve dans la petite salle de bain bleue dont il m’avait parlée. Les deux mains dans la boîte à bijoux, il me dit sans même relever le nez de son boulot, que je peux prendre ce que je veux. Comme il l’air de se débrouiller dans la salle de bain et que, de toute façon, la pièce est un peu trop exigüe à mon goût, je décide d’aller fouiner plus loin.
La première porte à côté de la petite salle de bain mène à la chambre des maîtres, une pièce énorme dans laquelle trône un non moins énorme lit. En arrivant ici, je me sentais un peu mal à l’idée de voler des gens qui n’avaient rien demandé, sinon de pouvoir prendre des vacances tranquilles. Maintenant, je me dis que, si ces gens sont capables de laisser crever une petite bête qu’ils ont eux-mêmes achetée comme animal de compagnie, ils ne doivent pas être si bien que ça. Ça me soulage assez la conscience. Je ne sais pas trop ce que je cherche, mais je me dis que ça a intérêt à être plutôt petit et facile à transporter. Déjà que je devrai bouger le terrarium, je ne peux pas m'embarrasser de trop gros objets. J'ignore donc la chaîne stéréo dernier cri posée sur la bibliothèque. Elle vaudrait sans doute un bon montant d'argent, mais elle est carrée, grosse et probablement lourde. Je jette un coup d'œil rapide aux livres, mais rien n'attire particulièrement mon attention. Ce ne sont pas vraiment des romans. On dirait plutôt des encyclopédies et juste en lisant les titres, je me dis que je n'arriverais jamais à comprendre de quoi ils parlent. Dans le garde-robe, je trouve d'autres bijoux dans un tiroir. Il y a plusieurs bagues, toutes trop grandes pour moi, des colliers en pierres multicolores et des boucles d'oreille de toutes les tailles. Je n'ai pas de sac, alors je les fourre sans délicatesse dans les poches de ma veste. Sans même prendre la peine de refermer le tiroir ou la porte du garde-robe, je ressors de la pièce. Je jette un coup d’œil dans la chambre d’à côté qui, vu la décoration, doit appartenir à une adolescente. À première vue, il n’y a rien de bien intéressant. À la dernière seconde, je remarque une paire de bottes Doc Martens violettes qui semblent être à ma taille. Je les prends donc en me disant qu'elles remplaceront très bien mes Converses sur le point de rendre l'âme. Dans le couloir, je tombe nez à nez avec Liam qui vient de sortir de la petite salle de bain. « J'ai pris ce que je voulais. » En fait, je n’en ai rien à cirer des bijoux. Je ne sais même pas si c'est du toc ou s'ils ont de la valeur. Je les ai pris pour Liam bien plus que pour moi. Je les lui donnerai quand on sera de retour au QG et il pourra en faire ce qu'il voudra. « Il manque juste mon serpent. »
Quatrième vitesse enclenchée, Liam avale les escaliers, plantant Flavia et son serpent dans le salon, certain que la peur de se retrouver seule la pousserait a rapidement le rejoindre a l'étage. La maison avait beau être sure, il ne fallait tout de même pas jouer avec le feu. A trop s'en approcher, on s'y brule. Un semblant de vécu pour Liam dans ses débuts de cambriolages qui l'avait toujours poussé a rester méfiant même si les circonstances poussait a se reposer sur ses acquis. Les voisins insomniaques sont parfois surprenant dans leurs quêtes de justice. Toujours lorsque l'on s'y attend le moins que la catastrophe arrive. Sa mésaventure avec le pitbull lui avait servit d'ultime preuve. Même les professionnels font des erreurs. Et l'erreur qu'il souhaitait particulièrement éviter c'était d'avoir a prévenir Heller au milieu de la nuit qu'il était arrivé, par sa faute, malheur a Flavia en l'ayant emmené sur un cambriolage. Pas besoin d'imaginer son regard enflammé pour serrer les dents, le boss était assez tendu comme ça depuis sa sortie de prison, il avait assez pour s'occuper dans sa traque avec Lou, pas besoin de titiller un peu plus ses nerfs que l'enfermement avait fait s'effriter. Le fameux calme légendaire d'Heller plus aussi légendaire, soudainement. Pour le serpent, ils allaient devoir trouver une explication plausible. Flavia avait beau craindre Lucan, Liam se réjouissait secrètement d'avoir trouvé de quoi l'emmerder, certain que ce serpent n'allait pas être au programme des réjouissances. Il comptait bien prendre la défense de son amie si Champagne usait un peu trop de son pouvoir pour mettre Flavia mal a l'aise. Il l'avait toujours fait. Mais l'heure n'était pas au reptile. Pas encore. Liam ouvre son sac, fait glisser ce qu'il lui semble avoir le plus de valeur a vue d'oeil. Bagues, colliers, presque tout y passe. Il retrouve la jeune femme dans le couloir qui semblait avoir trouvé son bonheur dans une des chambres. Il baisse la tête, l'interrogeant du regard. Celle ci ne tarde pas a lui faire comprendre qu'ils n'avaient plus rien a faire ici. Liam hocha la tête quant a sa remarque sur le serpent qui attendait au rez de chaussé. La maison plongée a nouveau dans le silence, il pouvait presque entendre les sifflements perfides du reptile. Il descendit les marches aussi vite qu'il les avait monté, suivit par Flavia. Il jeta un oeil au terrarium avant de se tourner vers la jeune femme.
- Tu veux que je le prenne ?
Loin de lui l'envie de sympathiser avec l'animal mais il craignait que son amie les ralentisse en portant le terrarium. Il n'attendit, d'ailleurs, pas la réponse et s'exécuta avant d'inciter Flavia a le suivre vers la sortie d'un signe de tête. Liam appuya le terrarium contre sa cuisse, le temps d'ouvrir la porte d'entrée et de scruter les environs. Personne.
- Ferme la porte derrière toi. Lacha il d'une voix plus basse a l'intention de Flavia. On sort par le portail.
Pas une si mauvaise idée de l'avoir ouvert, ce portail, tout compte fait. Sans quoi, le serpent aurait probablement apprit a voler. Ils franchirent tout d'eux le portail avant que Liam ne remette l'animal entre les mains de la jeune femme le temps de refermer les battants. Un minimum de bluff. Une nouvelle fois son regard balaya les environs, les sens en alerte. Le plus gros était fait mais il fallait encore rejoindre la voiture sans ennuie.
- Reste derrière moi, on traine pas. Une fois dans la voiture, on perd pas de temps.
Quitter les lieux le plus vite possible, c'était sa devise. En d'autres termes, Flavia n'avait pas intérêt a le ralentir, elle attacherait sa ceinture en cours de route. Ils rejoignirent la Golf sans soucis, croisant un chat qui ne manqua pas de leur cracher au visage avant de disparaitre dans les ruelles calmes. Liam s'installa rapidement au volant, Flavia sur les talons, le terrarium sur ses genoux. Comme a son habitude, il démarra en trombe, un coup d'oeil vers son amie plus tard, il prit l'initiative de ralentir, un rictus sur le coin des lèvres.
- Félicitation. Railla il. Qui aurait cru que tu viendrais avec moi cambrioler une maison, un jour ? Se moqua il gentiment avant de reprendre son sérieux. Vue l'heure avancée, elle devait surement être fatiguée. Je te dépose au QG ?
A vrai dire, il connaissait la réponse puisque Flavia y habitait. De son coté, il comptait rentrer chez lui après l'avoir ramené. Soudain, il se rappel qu'il devait mettre certaines choses au point. Liam enclenche une vitesse avant de se tourner a demi vers son amie, un air sérieux sur son visage.
- Au fait Flavia, Heller ne doit pas être au courant. Pour ce qui est du serpent, tu inventes ce que tu veux.
Voix un peu plus grave, de quoi imprimer ses paroles dans l'esprit de Flavia.
J’accompagne Liam et nous redescendons au rez-de-chaussée. Il se rend au salon. En pointant le terrarium d’un coup de menton, il me demande si je veux qu’il le prenne. La cage de verre est de taille respectable et semble lourde. Je ne m’oppose donc pas à ce que mon ami, plus grand et bien plus fort que moi, s’en charge. De toute façon, sa décision était déjà prise et il n’attend pas que je lui aie répondu pour soulever le terrarium. Même si je sais qu’il faut qu’on se dépêche, je m’accorde une minute ou deux pour fouiller dans le meuble sur lequel était posé le serpent. Dans les tiroirs, je trouve des rations séchées pour serpent et j’attrape le sac. J’emboîte le pas à Liam, qui s’est déjà dirigé vers la porte de la maison en m’ordonnant de me grouiller. Il réussit à ouvrir la porte malgré ses mains embarrassées par le terrarium, puis nous sortons de la maison. Liam me dit de fermer la porte et je ne peux m’empêcher de lever un peu les yeux au ciel, profitant de ce qu’il a le dos tourné. J’ai beau être une novice, je ne suis pas idiote pour autant : laisser la porte béante alerterait certainement les voisins.
Au pas de course, nous traversons le jardin jusqu’au portail. J’observe avec une touche d’émerveillement Liam qui se glisse habilement dans l’obscurité, ombre parmi les ombres. Nous sortons de l’enceinte de la propriété. Liam s’arrête juste le temps de reverrouiller le portail en souriant, fier de lui-même, puis nous reprenons la cabale. La voiture me paraît plus loin au retour qu’elle ne l’était à l’allée, mais nous la rejoignons dans problème, à l’exception d’un chat qui bondit devant nous, sorti d’une ruelle transversale. Il me donne la peur de ma vie, mais je ne m’arrête pas de courir. Finalement, je rejoins la Golf. Hors d’haleine, je me laisse choir du côté passager. Liam, qui avait déjà rejoint la voiture, s’empresse de laisser tomber le terrarium sur mes genoux. Je n’ai même pas le temps de penser à boucler ma ceinture de sécurité qu’il a déjà démarré en trombe. Écrasée par la force d’accélération de la voiture et le poids du terrarium, je renonce à le faire. Je m’accroche simplement à la maison de mon nouvel ami, et ce, même après que Liam a ralenti (sans doute parce qu’il a remarqué mon teint blême, presque verdâtre).
« Félicitation. Qui aurait cru que tu viendrais avec moi cambrioler une maison, un jour? » Certainement pas moi! Je souris, mais ne réponds pas à sa raillerie. Je sais bien qu’il se moque gentiment de moi et qu’il y a aucune malice derrière ses propos. Je hoche cependant la tête pour dire que, oui, je veux retourner au QG. Je dois aller installer mon nouvel ami dans ma chambre et lui donner de quoi manger. Un silence confortable s’installe dans l’habitacle. J’en profite pour me remettre de mes émotions fortes. Et puis, la voix de Liam s’élève dans l’habitacle pour me mettre en garde de ne pas raconter notre folle cavalcade à Heller. Je jette un coup d’œil amusé à Liam, qui me rend un rend un regard noir. Autrefois, j’aurais été terrifiée par une expression aussi menaçante, mais ce soir, je me contente d’esquisser un sourire en coin. « Je ne suis pas conne. Je sais bien que de parler de notre soirée à Heller serait le meilleur moyen de me retrouver séquestrée au QG. » Je rigole : j’ai bel et bien compris que je ne cours aucun danger au club. Je sais parfaitement qu’Heller ne m’enfermerait jamais. Ça ne veut pas dire que la conversation serait agréable pour autant. « On aura qu’à dire que tu as trouvé le serpent pendant un cambriolage et que tu l’as planqué dans ma chambre pour me faire peur, sauf que j’ai pas eu peur et j’ai voulu le garder. » L’expérience m’a appris que les meilleurs mensonges sont ceux qui ressemblent le plus à la vérité. « Avoue que ça serait plutôt ton genre, non? » que j’ajoute d’un ton moqueur.
La voiture s’arrête en douceur (enfin, autant que faire se peut avec Liam au volant) devant le QG du Club. J’ouvre la portière et dépose de peine et de misère le terrarium sur le bitume pour pouvoir sortir plus facilement de l’habitacle. Le serpent laisse échapper un sifflement, mécontent d’avoir été secoué dans tous les sens. Un ange passe sans que je sache quoi dire. J’ai passé une très bonne soirée, contrairement à ce que je croyais en partant de la maison tout à l’heure. Je lance un regard en biais vers Liam, soudainement timide. Je voudrais le remercier d’être mon ami, d’avoir si souvent pris ma défense, même quand je refusais qu’il m’approche, mais, surtout, de ne pas me traiter comme si j’étais une petite fleur fragile, ce que beaucoup de gens font, même si c’est toujours avec de bonnes intentions. J’hésite. Liam n’a jamais été particulièrement émotif et nous ne parlons pas vraiment de ce que nous ressentons. Au final, je me décide à garder ça simple. « Merci pour l’aventure. Je me suis bien amusée. » Avant de perdre mon courage, je me penche vers lui et pose un baiser rapide sur sa joue. Je m’écarte aussitôt, au cas où il essaierait de m’attraper, tout en détestant cet instinct difficile à combattre. Il n’a pas bougé cependant, et me dévisage d’un air stupéfait. Je ne peux m’empêcher de sourire en voyant sa tête. Je sors de la voiture. Juste avant de reprendre le terrarium, je me souviens des bijoux que j’ai pris. Je les sors de mes poches et les pose sur le siège passager. « C’est pour toi. Je sais pas s’il y a des trucs précieux ou non. Ils viennent de la chambre de la fille. » J’attrape mes nouvelles Doc Martens et le sac de nourriture pour serpent, qui traînaient à mes pieds dans la voiture, puis je claque la portière. Je me penche et soulève le terrarium. Maintenant que je suis debout, c’est plus facile de le tenir et j’ai moins de mal à le transporter jusqu’à la maison que je le croyais après avoir adressé un dernier signe de la main à Liam. Je baisse la tête vers mon serpent et lui souris. « Bienvenue dans ta nouvelle maison, » que je murmure en poussant la porte, déverrouillée comme toujours, du QG.