Joanne accepte. Mon cœur explose, à la fois de joie et d’appréhension. Toutes les possibilités pour que le voyage se passe mal, tous les pires scénarios ne me frôlent pas encore l’esprit. A vrai dire, la seule chose qui puisse me faire peur à cet instant, ce sont les interminables heures de vol. Mais bien entendu, l’idée de l’emmener dans ma ville natale m’effraie quelque peu. Je sais que cela peut sembler soudain, et bien trop prématuré. Que l’on se connaît bien trop peu pour savoir si nous allons nous supporter pendant une semaine à l’étranger –oui, parce qu’il est hors de question se passer deux jours dans un avion pour un simple week-end, ça n’a pas de sens. De toute manière, je dois y aller, avec ou sans elle. Mais je préfère y aller avec que sans elle.
Je la sens fébrile et stressée. Elle qui n’a jamais voyagé, la voilà qui s’embarque pour l’autre bout du globe avec cet homme étrange qu’elle commence à peine à connaître. Je peux comprendre sa peur, et je ne peux pas m’empêcher de ressentir autant de fierté que de gratitude quant au fait qu’elle se lance dans cette entreprise pour la première fois avec moi. Tendrement, je passe mon bras sur ses épaules pour la calmer, un sourire quelque peu amusé par son stress sur mes lèvres. « Détends-toi, tout se passera bien. » dis-je tout bas. Je passe une de ses mèches derrière son oreille. C’est incroyable à quel point ses yeux reflètent les différentes couleurs pastel du ciel à cet instant. Son regard arbore toutes les couleurs du crépuscule. Je ne peux pas m’empêcher de l’admirer. « Contentes-toi de t’arranger avec le musée et de faire ta valise, je m’occupe du reste. » j’ajoute afin qu’elle ne se sente pas noyée sous les démarches. Je peux très bien m’occuper des formalités et de la paperasse tout comme je sais réserver un vol sur internet. Enfin… Daisy le fera pour moi, mais c’est tout comme. L’air très sérieux, je poursuis ; « Et si ton patron refuse, appelles-moi. Je lui règlerai son compte. » J’attends de percevoir une goutte de crainte sur son visage avant de rire. Non, je ne compte pas refaire le portrait du directeur du musée, mais je m’amuse à le lui faire croire. Un peu d’autodérision ne fait pas de mal. « Je plaisante, ne t’en fais pas. Mais je le persuaderai. » Ne sous-estimez pas le pouvoir du chéquier d’un donateur. Je ne suis pas habitué à ce qu’on me refuse quoi que ce soit aussi. Cela m’étonnerait que cet homme fasse exception. Blague à part, je retrouve mon sérieux. Je lui glisse à l’oreille un ; « Merci. » Merci d’avoir accepté. Merci pour une montagne d’autres choses. Mon index sous son menton fait délicatement tourner son visage vers le mien, afin que je puisse déposer un baiser sur ses lèvres.
Je la garde dans mes bras un instant où le silence laisse place au bruit des vagues. Il commence à faire frais, comme tous les soirs près de l’Océan. Le froid me traverse également. Tandis que je ne peux pas retenir un bâillement à gorge déployée, je me souviens que je suis debout depuis quatre heures du matin. Et que ce n’est pas cette excuse qui m’empêchera d’aller au travail demain à l’heure habituelle. J’ai terriblement besoin que mon week-end de repos arrive enfin. Avec un rire gêné, je demande à Joanne d’excuser ma fatigue, et j’ajoute à contrecoeur ; « Je dois y aller… Une nouvelle grosse journée de travail demain… » Travail envahissant s’il en est, qui ne s’arrêtera que lorsque la Terre ne tournera plus (et encore, il faudra bien quelqu’un pour relayer ce scoop malgré tout). Je passe une main sur mon visage et par mes cheveux, histoire de me réveiller un peu. Je dois encore marcher jusqu’à chez moi. Je soupire, tiraillé entre l’envie de rester et mes obligations. Malheureusement, le choix est une illusion. Je dépose un baiser sur la joue de Joanne. « Merci encore, pour cet après-midi, et pour tout. » Je ne sais pas si elle se rend compte qu’elle a déclenché quelque chose. « Je te contacte bientôt, promis. » Cette fois, je ne peux pas laisser dix jours passer sans donner signe de vie. Je me forcerais à dégainer mon téléphone pour lui envoyer un message de temps en temps, ce qui ne devrait pas être bien difficile, même si je ne suis pas doué pour ça. Un dernier baiser sur son front, et je me lève pour partir, mains dans les poches et les chaussures pleines de sable. Derrière elle, alors qu’elle me tourne le dos, je prends une seconde pour prendre une photo d’elle sur la plage, sous ces magnifiques couleurs. Je la lui envoie immédiatement par texto. N'avais-je pas dit que je la contacterais bientôt ? Fier de mon coup, avec un large sourire, je quitte la plage, le coeur euphorique et les jambes légères.