Je ne sais pas si je l'avouerais de si-tôt, mais le saut en parachute, que Lene m'a obligé de faire, a réveillé quelque chose en moi. Je ne saurais dire avec exactitude ce que c'est, mais je sais que cette brusque poussée d'adrénaline m'a donné des ailes. Je ne referais sans doute plus jamais un tel saut, mais j'ai de plus en plus envie de faire ce qui m'a été interdit de faire pendant de longues années. Ou que je me sois interdites de faire ? C'est sûrement dans ce sens là qu'il faut le prendre. En atterrissant sur la piste, les jambes tremblantes et obligé d'être soutenu par mon binôme, je ne me suis jamais senti aussi vivant. Et ça m'a permis de réalisé que ma vie était bien trop monotone jusqu'à présent et qu'il faut que je change ça. Je sais que je peux compter sur Lene pour m'embarquer dans des activités tordues, mais en même temps je ne veux pas non plus dépendre d'une seule et unique personne.
C'est pour cette raison que je me retrouve actuellement sur la jeté, l'endroit où Charlie Hazard-Perry m'a donné rendez-vous. D'ailleurs, parlons-en de lui. Mon ancien collègue de travail, celui qui partageait le même bureau que moi, que j'ai très rapidement apprit à connaître et surtout a apprécié. J'ai entendu qu'il avait obtenu son diplôme de journalisme en finissant majeur de sa promo et n'ai donc pas hésité à lui envoyé un petit message de félicitation. Nous sommes resté un peu en contact mais, chacun de nous étant un peu trop prit par notre vie privé, ça s'arrêtait à quelques petits sms, email ou des 'like' sur des photos sur instagram ou autre réseau sociaux. Quelle ne fut donc pas ma surprise en passant à côté de lui dans les couloirs de l'université. Je sortais de la bibliothèque, lui il en entrait. Bien évidemment, il a mit un peu de temps à me reconnaître étant donné que je ne pouvais pas encore marché lorsqu'on s'est quitté la dernière fois. Mais une fois la surprise passée, nous avons passé une bonne partie de l'après midi à discuter. Je lui ai raconté mon saut en parachute et lui ais fait part de mon envie de découvrir la mer en plongé. Ni une ni deux, j'ai reçu un appel de lui deux jours plus tard, me disant avoir organiser tout ça pour le lendemain. Un peu prit de court, j'ai paniqué pendant deux secondes avant de me rappeler de ma nouvelle résolution de cette année : être plus spontané.
Et c'est comme ça que j'ai accepté. Charlie m'a assuré que tout était organisé, l'équipement sera fourni et que je n'aurais rien à payer. Évidemment, j'oublie un peu trop régulièrement que Charlie vient d'une riche famille londonienne et que l'argent est vraiment le dernier de ses soucis. Une preuve que, même si on ne joue pas dans la même ligue, l'amitié est quand même possible. Et puis je le trouve relativement rationnel Charlie, du moins se comporte-t-il tout à fait normalement avec moi.
Enfin, remettant ma casquette en place, réajustant mes lunettes de soleil, je prends une gorgé de ma bouteille d'eau. Avec cette chaleur je n'ai vraiment qu'une envie : plonger dans l'eau et me rafraîchir. Et en même temps je flippe un peu -beaucoup- à l'idée d'être dans l'eau, dépendant d'une bonbonne d'oxygène. Mais ma peur n'est absolument pas égale à celle que m'avait presque donné la nausée dans le petit avion au moment où les portes s'étaient ouvertes. A cette simple pensée, je frissonne, ne me rappelant que trop bien de cette peur panique et paralysante que j'ai ressenti avant le rush d'adrénaline.
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Alors que je m’apprêtais à rejoindre la berline noire qui m’attendait devant l’aller de graviers blancs qui menaient à la villa, Oliver se précipitait vers moi : « Chaliiie ! Tu pars encore ? » s’étonnait-il ses petits sourcils dans une expression mi surprise mi réprobatrice. Dans un rire, je m’agenouillais pour enlacer le garçon. « Je pars faire un peu de plongée. Je reviens ce soir. » Je venais embrasser mon neveu avec une affection que je lui réservais tout particulièrement, ignorant cette vague de culpabilité qui s’était emparée de moi. Il fallait dire que j’avais joué les fantômes dans cette villa ces derniers mois, m’éclipsant chaque fois que j’en avais l’occasion pour fuir cette ambiance délétère qui avait élu domicile en son sein, tel un septième habitant. Si je réservais toujours des après-midis pour pouvoir profiter d’un peu de temps en la compagnie rafraîchissante de l’enfant, je ne participais plus que de façon très anecdotique à notre vie de famille, préférant me tenir loin de Gauthier, de Maureen et de Théodora pour éviter de déclencher la troisième guerre mondiale au sein de notre fratrie. Puis, je m’étais éclipsé, non sans ordonner à mon neveu de retourner finir son petit-déjeuner, montant dans la voiture qui m’emmenait aussitôt en direction du port de plaisance de la ville. Confortablement installé sur la banquette arrière, j’avais passé les derniers appels nécessaires à l’organisation de cette journée que j’avais prévue afin de permettre à Nathan de rayer une ligne de plus de sur sa bucket-list. Si je n’avais eu que peu de contacts avec le jeune homme depuis qu’il avait quitté ABC, les choses avaient changé lorsque je l’avais croisé, sur ses deux pieds, devant la bibliothèque de l’université où je continuais de me réfugier pour travailler lorsque l’ambiance à la maison me pesait trop. Et quel choc ça avait été de croiser l’ancien webmaster de la radio hors de son fauteuil roulant ! A tel point que j’avais failli ne pas le reconnaître. Une conversation s’éternisant quelques peu, nous avait permis de rattraper le temps perdu pour nous mettre respectivement à la page sur la vie de l’autre. Et outre sa mobilité retrouvée, c’était à un tout nouveau Nathan que je m’étais retrouvé à faire face. Bien moins sage et raisonnable, mais plein d’une énergie nouvelle, conséquence directe de sa nouvelle capacité à marcher. Et lorsqu’il m’avait annoncé qu’il cherchait à rattraper le temps perdu, essayant chaque jour de se sentir de sa zone de confort, notamment depuis que Lene l’avait emmené faire son baptême de l’air, une idée m’était venue en tête. Le temps de tout mettre en place, je l’avais appelé quelques jours après pour lui demander de me réserver son samedi. Au programme : bancs de poissons, anémones de mer et bouteille d’oxygène sur le dos. Le chauffeur privé me déposait devant l’embarcadère où je retrouvais le jeune homme qui m’attendait. Me dirigeant aussitôt vers lui, je lui adressais un petit sourire. « Prêt pour cette journée ? » et son air pas réellement convaincu bien que volontaire, m’avait tiré un rire. L’attrapant par les épaules, je l’avais guidé jusqu’au bateau que j’avais réservé pour la journée, l’équipe s’affairant à préparer notre départ. Je saluais l’équipage, les remerciant d’avoir bien voulu accéder à ma demande. « Promis tout se passera bien. » Je me souvenais encore de la première fois où j’avais plongé, comme si c’était hier. Moi qui n’était pas facilement perturbable, je n’en avais pas mené large cette fois-ci. L’équipement, les instructions, l’appréhension de me retrouver sous des centaines de mètres cubes d’eau, ma survie ne résidant que dans une bouteille d’oxygène accrochée à mon dos, tout ça m’avait semblé hautement dangereux. Mais, téméraire et bien trop fier pour renoncer devant le fait accompli, j’avais pris mon courage à deux mains et aujourd’hui, j’étais un véritable mordu de plongée, profitant de ma vie à Brisbane pour m’adonner à ce petit plaisir de façon bien plus régulière que du temps où je vivais à Londres. J’étais d’autant plus confiant que je savais que Nathan serait entre de bonnes mains, ayant recruté le meilleur instructeur de la ville pour lui permettre de faire son baptême. Les conditions d’aujourd’hui étaient idéales, une mer calme, un soleil qui tapait fort, la vue serait époustouflante à n’en pas douter. Je m’étais dirigé sans plus tarder vers le petit buffet qui nous attendait, rassemblant une quantité impressionnante de nourriture en tous genres : fruits, viennoiseries, gâteaux, fromage blanc, il y avait de quoi faire. « Fais comme chez toi. » l’avais-je invité à faire, me servant moi-même un thé. Pendant que nous prenions notre collation de la matinée, lunettes de soleil sur le nez, vent dans les cheveux, l’équipage s’était préparé à lever l’ancre, démarrant sans trop tarder le bateau pour nous emmener vers le lieu de notre première plongée. Assis à la table, face à Nathan, alors que je découpais avec précision une mangue, je relevais le regard vers lui : « Tu verras, c’est bien plus impressionnant que ça ne l’est en réalité. » Petit sourire en coin, j’avais décidé, une fois n’était pas coutume, de lui partager mon expérience personnelle de novice en la matière : « Avant de faire mon baptême, j’avais une peur bleue de tout oublier et de commencer à faire une crise d’angoisse sous l’eau. Non pas que je sois fondamentalement claustrophobe, mais j’avais peur de me sentir oppressé sous l’eau. » Se baigner dans des eaux claires et peu profondes sur les plus belles plages de la planète était une chose, aller s’enfoncer dix mètres sous la surface au milieu de nulle part en était une autre. « Mais une fois sous l’eau, tu te rendras compte que c’est extrêmement agréable. On se sent libre. » Et j’imaginais que Nathan plus que quiconque pouvait comprendre ce que je voulais dire par-là. Après avoir passé autant d’années les fesses vissées sur un fauteuil, rien que la possibilité de pouvoir étendre lui-même ses jambes devait être un sentiment exquis.
En voyant Charlie et son grand sourire sortir de la berline noire et se diriger vers moi, mon appréhension se volatilise brusquement. Je lui fais un signe de la main et lui offre un tout aussi large sourire, faisant quelques pas vers lui. Après une étreinte viril en guise de bonjour, il me tape sur l'épaule et me demande si je suis près pour cette journée. «Totalement! » lançais-je, enjoué en me baissant pour récupérer mon sac que j'épaule rapidement avant d'emboîter le pas à mon amie qui se dirige déjà vers le bout de la jetée. Pendant que je marche derrière lui je ne peux m'empêcher de me demander quel sera le bateau que nous allons utiliser. Perdu dans mes pensées, je ne remarque que Charlie ne m'adresse la parole que lorsqu'il se tourne vers moi et que je capte son regard. Il me dit, avec un doux sourire, que tout ira bien. «Je te fais confiance » dis-je simplement …
...avant d'avoir un petit mouvement d'arrêt en le voyant monter sur un bateau. Un beau yacht, tout confort et carrément luxueux. Bien plus luxueux que tout ce que j'ai pu voir dans ma vie. J'hésite à le suivre, ne me trouvant absolument pas à ma place, mais décide que passer à côté de cette opportunité serait vraiment minable. Ainsi donc, remettant mon sac en place sur mon épaule, je m'empresse de le rattraper et grimpe sur le pont. Je salue poliment le crew au passage et me dirige, avec Charlie, vers le buffet. Là, franchement, je n'en crois pas mes yeux. Des fruits frais, des gâteaux, des viennoiseries, fromage blanc, yaourt, de quoi se faire vraiment plaisir. Mon regard parcours le buffet alors que mon ami me dit que je peux faire comme chez moi. Je lui lance un coup d’œil comme pour m'assurer qu'il est vraiment sincère et ne me le fait pas dire une deuxième fois.J'attrape un bol que je remplis d'ananas et de raisins, recouvre le tout d'une cuillère de fromage blanc puis rejoint Charlie et m'installe en face de lui. Je pose délicatement mon sac sur le parquet.
Je pique dans un bout d'ananas au moment où mon ami reprend la parole, me disant que la plongé c'est quelque chose de génial, plus impressionnant que ça ne l'est réellement. Il m'explique que lui-même n'en a pas mené large la première fois, ayant peur de paniquer sous l'eau qui peut être oppressant, mais qu'au final, une fois dans la mer, on se sent libre. Un léger frisson parcourt mon échine alors que je mord dans le bout de fruit. Je me prend le temps de mâcher et savourer le goût juteux de cet ananas avant d'hocher la tête «J'imagine bien » dis-je doucement « En vrai, j'ai toujours voulu faire de la plongé. Mais bon, tu te doutes bien que c'était un peu compliqué » je rigole doucement, haussant les épaules «Pas impossible, non. Mais compliqué. Je m'étais renseigné en arrivant en Australie...J'ai vite abandonné l'idée » avouais-je avec un petit sourire un peu triste. « J'ai du mettre tellement de rêve entre parenthèse. Il y en a même que j'ai totalement oublié, tant j'étais persuadé que jamais je ne pourrais remarché.» j'hausse les épaules, mon sourire s'agrandissant un peu plus « Mais ...voilà » je rigole doucement et reprends une bouché de mes fruits « En tout cas ce buffet c'était la meilleure des idées qui existe » je regarde autour de moi « En … en fait tout est ...incroyable» reprenais-je, très franchement impressionné par la grandeur de ce yacht «On pourrait presque s'y habituer » souriais-je. Je ne suis pas sérieux. Enfin, si, un peu quand même. Se dire qu'on n'a pas besoin de compter l'argent, qu'on peut se faire plaisir et tout, ça doit être un sentiment assez particulier quand même.
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Plus vite qu’il n’en fallait pour le dire, à peine Nathan et moi avions nous eut le temps de nous servir généreusement sur le buffet qui s’étendait devant nous, que déjà le bateau avait levé l’ancre pour prendre la direction de notre premier spot de plongée. Le temps était magnifique aujourd’hui, le soleil m’éblouissant même à travers mes lunettes de soleil de créateur. Affamé, n’ayant pas eu l’occasion de prendre mon petit-déjeuner, je me faisais plaisir sur la nourriture, mangeant avec appétit le contenu de mon assiette qui était bien garnie, prenant une pause de temps à autre pour essayer de rassurer Nathan que je devinais légèrement anxieux à l’approche du moment fatidique de son baptême de plongée. Je n’osais pas imaginer ce qu’il traversait à l’heure actuelle, la possibilité de pouvoir marcher de nouveau, d’être libre de ses mouvements sans dépendre de son fauteuil roulant, quand il avait dû abandonner tout espoir à ce propos il y a longtemps. C’était un grand écart qu’il entreprenait là en décidant de se lancer à corps perdu dans le grand bleu, téméraire et volontaire. « J'imagine bien. En vrai, j'ai toujours voulu faire de la plongé. Mais bon, tu te doutes bien que c'était un peu compliqué. Pas impossible, non. Mais compliqué. Je m'étais renseigné en arrivant en Australie... J'ai vite abandonné l'idée. » expliquait-il alors que je l’écoutais, continuant de me goinfrer sans la moindre honte. Et pour toute réponse, je lui accordais un faible sourire en haussant les épaules, l’air de dire qu’en effet, j’imaginais que ce n’était pas chose aisée de trouver le courage de se lancer dans la plongée dans la moitié de son corps ne lui répondait plus. Je n’avais de toute façon jamais été un grand bavard et je jugeais qu’il valait mieux en général se contenter d’un silence éloquent plutôt que de paroles vaines. « J'ai dû mettre tellement de rêves entre parenthèse. Il y en a même que j'ai totalement oublié, tant j'étais persuadé que jamais je ne pourrais remarcher. Mais... Voilà. » continuait-il faisant écho à mes pensées précédentes. « Entre la plongée et le saut en parachute, je pense que t’es sur la bonne voie pour te remettre en selle. » déclarais-je, persuadé qu’il pourrait continuer de compter sur Lene et son impulsivité pour l’emmener dans d’autres aventures. « Il y a pleins de choses que tu dois redécouvrir maintenant, genre le sexe non ? » C’était une question qui me trottait dans la tête depuis que je l’avais retrouvé dans les couloirs de l’université et je me décidais à la poser enfin, lui accordant un petit sourire en coin lourd de sous-entendus. Finalement Nathan s’enthousiasmait du buffet préparé pour l’occasion : « En tout cas ce buffet c'était la meilleure des idées qui existe. En… En fait tout est... Incroyable. On pourrait presque s'y habituer. » J’avais lâché un semblant de rire, tartinant une tranche de pain d’un peu de beurre. « A la vie de luxe ? Crois-moi, ça n’a pas que ses côtés positifs. » le rassurais-je, en faisant une brève référence à toutes les responsabilités qu’il y avait derrière le simple fait d’être né sous le nom Hazard-Perry. Car même si j’avais réussi à échapper à une partie de mon passé en fuyant Londres, il y avait toujours une sorte de poids qui pesait sur mes épaules juste parce que j’étais né dans cette famille. C’était ce moment-là qu’avait choisi l’instructeur que j’avais embauché pour la journée pour s’approcher de nous, s’installant aux côtés de Nathan avec un petit manuel. « Je me présente, Nick, je serai ton instructeur pour ce baptême. C’est ton premier plongeon n’est-ce pas ? » lui demandait-il. « J’vais voir avec toi les questions de sécurité, t’apprendre rapidement le langage qu’on utilisera pour communiquer sous l’eau et les quelques règles que tu vas devoir apprendre avant de pouvoir faire ton plongeon. » Je me replongeais alors dans mon assiette, écoutant les instructions dispensées par Nick d’une oreille à peine attentive. J’avais personnellement décroché mon Open Water plusieurs années auparavant et j’étais désormais capable de plonger en solitaire, ce qui satisfait pleinement l’esprit indépendant et libre qui était le mien. L’instructeur rappelait les règles de bonne conduite à Nathan, lui expliquant qu’il n’avait rien à craindre des poissons que nous rencontrerions sous l’eau, mais qu’il fallait qu’il évite de les toucher pour ne pas leur faire du mal. Il lui expliquait rapidement les gestes qui servaient à communiquer une fois en plein plongeon lorsque la parole ne nous était plus d’aucun usage. Puis il enchaînait sur les règles concernant la sécurité, précisant à Nathan qu’il fallait qu’il se rappelle de toujours respirer pour ne pas endommager ses poumons avec la pression, comment il devait agir en cas de perte de son respirateur, et autres gestes qui devenaient des réflexes sous l’eau mais qui semblaient impressionnants lorsqu’ils étaient énumérés de la sorte. « Fais pas cette tête, tu t’en sortiras comme un chef. » avais-je plaisanté un instant en le regardant observer l’instructeur avec sérieux et concentration comme s’il s’apprêtait à passer un examen. « De toute façon, il te fera faire quelques exercices basiques avant de d’emmener à dix mètres sous la surface. » ajoutais-je avec un petit clin d’œil sous le regard d’approbation dudit Nick.
« Il y a pleins de choses que tu dois redécouvrir maintenant, genre le sexe non ? » Charlie Hazard-Perry, ou l'art de mettre mal à l'aise en même pas une seconde. Je sens bien évidement mes joues prendre une teinte rouge alors que je baisse mon regard sur mon assiette. Picorant légèrement dans les bouts d'ananas, j'hésite fortement à répondre. Je ne suis pas du genre à étaler ma vie, encore moins ma vie sexuelle. Elle n'est pas inexistante, cela dit. Elle n'est juste pas très active en vrai. Depuis Daniel, je n'ai plus eu envie et surtout plus eu l'occasion de faire quoique ce soit dans ce sens. « Je ...hum ...» commençais-je avant de toussoter légèrement «Figure toi que c'est bien plus simple qu'on ne le pense, d'avoir des relations sexuelles. Même sans pouvoir bouger le bas du corps- » finissais-je par avouer en relevant le regard vers Charlie. Le sexe, n'est-ce pas la chose la plus naturelle qui soit ? Ça fait parti des besoins fondamentaux de l'être humain. Que ce soit aussi tabous c'est simplement parce que c'est un peu trop décrier à cause des abus, mais sinon, de base, c'est tout à fait normal et surtout naturel. «Je veux dire, le système nerveux qui contrôle les muscles des membres n'est pas le même que celui qui contrôle le … enfin le reste » c'est naturel, certes, mais en parler n'est vraiment pas une partie de plaisir qu'on se le dise.
Au final, pour changer de sujet, j'avoue que Charlie que l'idée du buffet est vraiment géniale et qu'on pourrait s'y habituer à tout ça. Réaliste, il me dit que la vie de luxe n'est pas toujours très glorieuse. Je grimace légèrement et hoche la tête « J'en doutes pas» dis-je doucement «j'imagine pas la pression qu'on doit parfois ressentir et ...les gens qui prétendent être amis avec toi juste pour l'argent » je plante ma fourchette dans l'ananas et lui offre un sourire compatissent, m'apprêtant à reprendre la parole lorsque le maître plongeur débarque. S'installant, il se présente comme étant un certain Nick et commence à m'expliquer tout ce qu'il faut savoir.
Comme la dernière fois, quand Lene et moi avons passé la théorie avant le saut en parachute, j'écoute avec une attention toute particulière, priant en même temps que je me rappelle de toutes les instructions. Au final, Nick repart en nous disant que nous avons encore une bonne dizaines de minutes avant de devoir nous préparer. Je le suis du regard puis souffle doucement pour essayer de faire descendre la pression que je me met « Tu ...» je me mords l'intérieur de la lèvres inférieur puis reporte mon attention sur Charlie « Il est au courant ? Je veux dire ...que je ne marche depuis très longtemps … ?» demandais-je d'une petite voix, mal à l'aise. Je n'ai rien dit à Nick, mais je suppose que Charlie l'a fait. Sinon, au pire je me lève et je vais directement le voir pour lui en parler. Parce que ça peut changer la donne de beaucoup de chose.
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Maintenant que Nathan avait retrouvé l'usage de ses jambes, je me permettais de lui poser les questions qui m'avaient toujours taraudé, notamment sur son expérience de vie sexuelle en tant qu'handicapé physique. N'ayant jamais eu de quelconque difficulté à parler de sexe à voix haute, je ne pouvais m'empêcher de sourire un peu sournoisement face à Nathan qui s'empourprait aussitôt, comme une vierge effarouchée. « Je... Hum... Figure-toi que c'est bien plus simple qu'on ne le pense, d'avoir des relations sexuelles. Même sans pouvoir bouger le bas du corps. » S'il pensait se débarrasser de mes questions en balayant le sujet d'un revers de la main dans ce genre, c'était qu'il me connaissait mal. Si je ne faisais que rarement preuve d'une curiosité à l'égard de la vie d'autrui, lorsqu'un sujet m'interpellait, j'avais tendance à ronger l'os jusqu'au bout. Et bien amusé par ses joues rouges et son bégaiement, je ne me faisais pas prier pour insister encore un peu. « Ah ? » me contentais-je de le relancer, sourcil arqué en attendant qu’il reprenne la parole une fois son trouble surmonté. « Je veux dire, le système nerveux qui contrôle les muscles des membres n'est pas le même que celui qui contrôle le… Enfin le reste. » Je riais un peu en l’écoutant. « Mais je pensais que tout ce qui se trouvait sous la ceinture pour toi était totalement désensibilisé. » avouais-je alors sans me dépeindre de mon sourire presque carnassier. Si je pouvais bien comprendre que les fonctions de base de son intimité étaient restés opérationnelles tout ce temps, c’était davantage l’absence de sensation qu’il pourrait ressentir dans cette zone-là qui m’inquiétait. Quel était donc l’intérêt de coucher si ce n’était pour n’en retirer aucun plaisir à proprement parler ? J’observais Nathan qui tentait de me répondre, toujours plus mal à l’aise face à mes questions sur sa sexualité. « Chill out, c’est que du sexe, je ne vais pas te juger. » plaisantais-je encore, avec un petit rire goguenard. Si je savais me montrer méprisant et très judgmental quand je le voulais, notamment face à ceux que je jugeais plus lents que moi, j’avais toujours fait preuve d’une grande ouverture d’esprit au regard de la vie sexuelle de mon entourage, me montrant étrangement tolérant (voire même carrément totalement désintéressé) à ce propos. Cherchant visiblement à échapper à mes questions qui le déstabilisaient, Nathan évoquait la bonne idée que ça avait été de faire un buffet de ce genre, s’enthousiasmant face aux attraits que pouvaient arborer la vie de luxe quand on n’était pas issu du milieu et je calmais un peu ses ardeurs en lui avouant que ce n’était pas tous les jours tout rose non plus. « J'en doute pas. J'imagine pas la pression qu'on doit parfois ressentir et... Les gens qui prétendent être amis avec toi juste pour l'argent. » J’avais simplement haussé les épaules en souriant. Je n’avais pas la moindre envie d’évoquer ma relation avec mes parents restés à Londres, et j’étais loin d’être du genre à me faire des amis facilement, mon air snob dissuadant souvent les moins téméraires et les intéressés de venir s’approcher de moi. De toute façon, c’était l’instructeur qui était venu interrompre notre conversation pour venir faire son topo habituel à Nathan. Ce dernier l’écoutait religieusement, continuant de me tirer un sourire amusé alors que je terminais mon petit déjeuner, sirotant mon thé en les écoutants à moitié. Et quand l’instructeur s’était relevé pour quitter la table et aller vaquer à ses occupations de son côté, Nathan se tournait vers moi. « Tu… Il est au courant ? Je veux dire ... Que je ne marche depuis très longtemps … ? » Presque à deux doigts de battre des cils pour jouer les innocents, menton dans la main, je l’observais se décomposer face à moi alors que je lui lâchais un simple : « Non, bien-sûr que non. » Et je me fendais d’un rire en le voyant me regarder avec un air ahurit comme si je lui proposais de faire du saut en parachute, sans parachute. « Tu sais que si tu passes ton temps à prévenir tout le monde, tu ne passeras jamais vraiment à autre chose. » lui dis-je finalement, en jouant de mon doigt sur le pourtour de ma tasse de thé.
Il n'abandonne pas Charlie, pas vrai ? Même si je lui montre bien que je ne suis absolument pas à l'aise à l'idée de parler de ma vie sexuelle, il insiste. Bien qu'il précise qu'il est juste curieux et qu'il ne juge pas, je ne peux pas me détendre, bien qu'il me dise de le faire. Déglutissant, j'affiche un sourire crispé lorsqu'il me dit penser que tout ce qui se trouvait sous la ceinture était totalement dénué de sensibilité. «C...comme je te disais, ce n'est pas le même système nerveux donc je ...j'ai toujours eu des sensations à ce niveau là » expliquais-je calmement avant d'hausser les épaules « Bizarre, pas vrai hein ?» je rigole un peu, nerveusement.
J'évoque ensuite la vie luxueuse, disant qu'on pourrait presque s'y habitué, mais Charlie ne semble pas être de cet avis. Il est très évasif et semble ne pas aimer parler de ce sujet, ce que je peux comprendre. Nick, le prof de plongé qui nous guidera, arrive donc au bon moment pour faire le petit cours de théorie. J'écoute avec une très grande attention, pose quelques questions qui me semblent essentielles puis l'observe repartir avec une question qui me taraude l'esprit : est-il au courant de ma condition ? Je décide de poser la question à Charlie qui, avec son air innocent, me dit qu'il ne lui a rien dit, lui, mais que si je ne cesse d'en parler je n'aurais que très peu de chance pour passer à autre chose.
«Je sais bien » répondais-je en baissant le regard «Ce … c'est juste que ... » je me tais, soupire et hausse les épaules «Mes jambes me supportent de nouveau parfaitement, j'ai de la force et tout mais ...je ne sais pas comment ce sera une fois sous l'eau, tu vois ? » je relève mon regard sur Charlie « Je veux dire...je ne suis jamais retourner à la piscine depuis que je sais remarcher » je me passe une main dans les cheveux puis dans la nuque «J'aurais dû me préparer un peu ... » soufflais-je, la panique commençant à me gagner peu à peu.
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nathan & charlie
Voir le trouble de Nathan à la simple évocation de sa vie sexuelle m’amusait sincèrement. Bien-sûr je n’étais pas plus étonné que ça de le voir si craintif et prude face à un sujet pourtant relativement banal, cette attitude de jeune adolescent mal dans sa peau, coincé dans un corps de presque adulte, lui correspondant totalement. C’était presque comme avoir une conversation avec un petit frère, si on oubliait que Connor avait rapidement décidé de suivre mes pas sur la voie de la séduction féminine ou masculine, devenant rapidement un expert en la matière. « C… Comme je te disais, ce n'est pas le même système nerveux donc je... J'ai toujours eu des sensations à ce niveau-là. » Je devais avouer que j’avais du mal à garder mon sérieux face à un Nathan aussi mal à l’aise, un sourire en coin venant creuser une fossette sur ma joue. « Bizarre, pas vrai hein ? » me demandait-il et j’haussais vaguement les épaules. « A vrai dire, j’allais plutôt dire que c’était cool. C’est déjà pas facile d’être privé de l’usage de ses jambes, mais privé de sexe par-dessus le marché. » Je secouais la tête de droite à gauche comme si l’idée même m’échappait totalement. Je ne concevais pas la vie sans sexe maintenant que j’y avais goûté. « Mais détends-toi enfin ! On dirait un puceau pris la main dans le sac en train de s’astiquer sur les pages lingerie d’un magazine. » soufflais-je, le regard plus doux que mes propos. Si Nathan voulait sortir de sa zone de confort, il allait falloir qu’il y mette du sien et aborder le sujet du sexe sans rougir de la tête aux pieds me semblait un bon exercice pour commencer. C’était finalement Nick qui venait interrompre la conversation, sauvant Nathan de l’interrogatoire que je lui faisais passer sans le moindre scrupule. Et à peine l’instructeur était-il parti, que mon ancien collègue se tournait vers moi pour me demander si j’avais pris la peine d’informer Nick de son précédent handicap, ce à quoi je répondais par la négative dans un sourire presque amusé. « Je sais bien. Ce… C'est juste que... Mes jambes me supportent de nouveau parfaitement, j'ai de la force et tout mais... Je ne sais pas comment ce sera une fois sous l'eau, tu vois ? » avait-il répondu face à mon air dubitatif à ce propos. Et j’avais haussé de nouveau les épaules en pinçant les lèvres, l’air guère convaincu. « Je veux dire... Je ne suis jamais retourné à la piscine depuis que je sais remarcher. J'aurais dû me préparer un peu... » Je le fixais un instant, son air tout à coup un peu échaudé ne m’échappant pas. « Ouais, moi tout ce que j’entends c’est des fausses excuses. » ajoutais-je, avec désinvolture. « Pour quelqu’un soi-disant prêt à croquer la vie à pleines dents, je trouve que tu te reposes encore trop sur ton handicap. » Je n’avais jamais été très doué pour faire dans la dentelle, pour amener mes idées via des chemins détournés. Bien au contraire, je préférais toujours une approche frontale dans mes propos, qui pouvait froisser mon interlocuteur. « C’était déjà pas top de laisser ton handicap dicter des agissements avant, mais si tu passes ton temps à t’apitoyer sur ton sort et ressasser le passé, tu vas jamais avancer. » C’était là mon point de vue le plus strict. Au fond, je ne connaissais que très peu Nathan. Mais j’avais l’impression que toute sa vie tournait autour de son fauteuil, même maintenant qu’il pouvait marcher sans. Et je restais persuadé qu’en se concentrant sur ses problèmes, il passait à côté de quantité de choses dans sa vie. Et quand bien même je ne connais pas d’autre handicap physique pour parler d’expérience, j’avais déjà vu des handicapés physiques bien plus téméraires que lui et moins obnubilés par leur fauteuil roulant.
Si j’avais su à l’avance que Charlie me questionnerait sur ma vie sexuelle –plus qu’inactive, avouons-le- je ne suis pas sûr que je serais venu. Mais maintenant que je suis là, je ne peux qu’essayer de me défiler en donnant quelques informations évasives, lui montrant bien que je ne suis vraiment pas à l’aise. Et il n’est pas non plus du genre à me mettre à l’aise, lui. Alors qu’au début c’était vraiment de la pure curiosité, j’ai l’impression que ça l’amuse de plus en plus de me voir perdre mes moyens, qu’il se foute ouvertement de ma gueule. Il affirme mes pensées en me disant de me détendre parce qu’il a l’impression de parler à quelqu’un qui aurait été prit sur le fait entrain de se toucher. Je baisse les regard et hoche la tête, ne répondant finalement rien du tout. Si je l’ignore et que je ne dis plus rien, peut-être comprendra-t-il qu’il vaut mieux clore ce sujet ?
Au final c’est Nick, le moniteur de plongé qui vient me sauver. Je l’écoute avec attention m’expliquer les bases de la plongé, l’équipement en détail et les quelques signes à comprendre. Il me rassure aussi en me disant qu’au début nous resteront en surface et qu’il me fera faire quelques exercices basiques histoire de m’habituer à être sous l’eau. Lorsque l’homme repart, pourtant, une question me vient à l’esprit : est-il au courant de mon handicap ? J’ose poser la question à Charlie, lui demandant s’il a parlé, lui. Mais j’aurais mieux fait de me taire.
La réponse de Charlie est dure et direct. Il ne passe pas par cent chemins pour me traiter d’idiot qui s’appitoie sur mon propre sort. Et là, au lieu de baisser le regard, je fronce les sourcils. Non pas par interrogation mais par colère qui commence à monter tout doucement. Qui est-il pour me juger de la sorte ? On ne se connaît que superficiellement, il n’est pas à mesure de me dire quoique ce soit. D’autant qu’il n’a jamais vécu. Une voix en moi me hurle de lui dire tout ça, qu’à ma place il serait peut-être pareil, il ne mènerait sans doute pas large non plus. « Ce sont des questions tout à fait légitimes quand même» dit-je finalement, calmement. «Oui je marches, oui mes jambes fonctionnent de nouveau, oui j’ai tendance à ne pas oser me lancer mais tu peux pas dire que je ne m’apitoie pas sur mon sort !» haussais-je légèrement la voix, parlant sur un ton un peu plus dur. « si c’était le cas, est-ce que je serais réellement ici ?» j’hausse les épaules, soupirant doucement «Je ne dis pas tout le monde que j’étais en fauteuil roulant,, faut pas exagérer non plus. N’empêche que c’est bel et bien normal d’avoir des doutes. Ma jambe gauche n’a pas aussi bien récupérer que la droite, donc ça peut changer beaucoup de chose une fois à 10 m sous la surface de l’eau, tu comprends ça ? » non, évidemment que tu comprends pas, t’es valide, t’as pas de problèmes de ce côté-là reprenais-je dans ma tête.
Je reporte mon regard sur les trois bouts d’ananas qui restent dans le bol, et soupire doucement. J’avais tellement envie de plonger et retrouvé quelqu’un que je considère comme un ami, mais là, en même pas cinq minutes, Charlie a réussi à me foutre le doute le plus total. Je me sens capable, je sais que j’y arriverais et j’en ais vraiment envie. Mais il a raison aussi quelque part : je n’ai pas le droit de me laisser guider par mes pensées négatives. Je pose finalement la fourchette et pousse ma chaise pour m’éloigner de la table « Je reviens…» soufflais-je en me levant.
En quittant la table et me dirigeant vers la proue, je me demande bien ce qui me prend d’un coup. Peut-être est-ce la sincérité cinglante de Charlie qui me met dans cet état ? Sans aucun doute. Suis-je réellement entrain de m’apitoyer sur mon sort ? Dans le fond, je sais que c’est le cas, mais je n’avais aucune envie de le voir de cette façon. C’est surement la façon dont je l’ai dite qui pourrait porter à croire ça ? Je passe à côté de Nick et échange un sourire avec lui, avant de sortir sur le pont à l’arrière du bateau. Et là, que suis-je entrain de faire ? Fuir. Comme d’habitude. Dès que quelque chose me dépasse, je fuis au lieu de faire face à la situation. M’appuyant contre la rambarde, je soupire lourdement et ferme les yeux, posant le front contre la barre de métal. Mon cerveau est entrain de m’hurler d’aller voir Nick et lui demander de faire demi tour, mon cœur, lui, ne supportera pas que j’abandonne maintenant. C’est comme le saut en parachute, j’ai réellement kiffé cette sensation et l’adrénaline que le saut m’a procuré, mais j’étais avec Lene, elle avait assez de bon sens pour être ferme mais tout de même rassurante. Charlie n’est pas du tout comme ça, au contraire. Il me met mal à l’aise et même si souvent j’ai besoin d’un coup de pied au cul, il n’a pas la bonne façon d’agir.
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Je n’étais pas du genre à m’embarrasser de la diplomatie lorsqu’il était question de mes relations avec mes proches, j’avais mon avis que je livrais souvent sans le moindre filtre. Bien sûr dans le monde de ma vie professionnelle, je savais me montrer démagogue, mais je n’appréciais pas réellement l’hypocrisie qu’on délivrait souvent à ceux qui comptaient pour nous, sous prétexte de bienveillance ou de ne pas vouloir froisser les susceptibilités de chacun. J’appréciais la vérité pour ce qu’elle était, quand bien même elle n’était pas facile à entendre. Je savais pourtant que bon nombre de mes proches, Ryleigh en tête, se seraient sûrement offusqués de cette constatation, avançant sans crainte la mauvaise foi dont je pouvais faire parfois preuve face à mes propres incohérences. Mais à dire vrai, à l’instant présent, je n’en avais que faire. J’étais agacé que Nathan continue de faire tourner toute sa vie et chacune de ses conversations autour d’un handicap duquel il était désormais débarrassé. Si sa volonté était d’aller de l’avant et de rattraper le temps qu’il avait perdu assis dans son fauteuil, ce n’était, à mon sens, pas en ressassant sans cesse le passé qu’il allait y parvenir. Aussi, je n’étais pas foncièrement étonné de le voir se vexer face à mes propos, pas réellement doux à entendre. « Ce sont des questions tout à fait légitimes quand même. » tentait-il de se défendre, mais ne réussissant pas à me faire changer d’avis pour autant. C’était là mon moindre défaut : j’étais têtu et borné et j’avais du mal à changer d’opinion sans que l’on doive me seriner avec de nouveaux arguments que je mettais en général du temps à considérer. « Oui je marche, oui mes jambes fonctionnent de nouveau, oui j’ai tendance à ne pas oser me lancer mais tu peux pas dire que je ne m’apitoie pas sur mon sort ! » Haussant vaguement les épaules, pas l’air convaincu le moins du monde, je laissais cependant continuer son plaidoyer que j’écoutais d’une oreille à moitié attentive. « Si c’était le cas, est-ce que je serais réellement ici ? » Lui accordant un regard, l’air aussi désinvolte et détaché qu’à l’habitude, je venais souffler un petit : « Peut-être pas en effet. » Terminant mon thé, je l’écoutais reprendre sa propre défense, tentant une fois de plus de me convaincre, en vain. Mais je ne pouvais m’empêcher de songer qu’il avait plus l’air de se rechercher des excuses une fois de plus, à moins qu’il ne cherche lui-même à se persuader qu’il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour avancer. « Je ne dis pas tout le monde que j’étais en fauteuil roulant, faut pas exagérer non plus. » Je songeais avec une certaine ironie que nous n’étions sur le bateau que depuis quelques dizaines de minutes qu’il avait pourtant déjà trouvé l’occasion de remettre son handicap passé sur le tapis de la conversation, me gardant bien cependant d’enfoncer le clou pour appuyer mes propos précédents. « N’empêche que c’est bel et bien normal d’avoir des doutes. Ma jambe gauche n’a pas aussi bien récupéré que la droite, donc ça peut changer beaucoup de chose une fois à 10 m sous la surface de l’eau, tu comprends ça ? » A nouveau, j’haussais les épaules sans rien ajouter, terminant mon petit-déjeuner. Clairement, je n’avais pas envie d’entrer dans un quelconque débat avec lui. Je le poussais dans ses retranchements pour son bien, s’il n’appréciait pas ma façon de faire, c'était son problème et si mes propos le touchaient, c’était peut-être qu’ils étaient tout de même fondés sur un semblant de vérité. S’il souhaitait continuer de se bercer d’illusions, ce n’était pas mon rôle de le faire changer d’attitude. J’étais bien volontaire pour l’aider à se surpasser en organisant cette journée de plongée, mais j’avais bien d’autres combats à mener dans ma vie pour ne me sentir la force d’intervenir outre mesure de la sienne. J’avais exprimé mon avis, mon rôle s’arrêterait là pour aujourd’hui. « Je reviens…» avait-il dit en se levant de table et j’avais alors réitéré mes précédents propos : « Fais comme chez toi. » J’avais de toute façon d’autres chats à fouetter pour le moment. En possession de mon Open Water depuis plusieurs années, j’étais désormais responsable de mon propre équipement de plongée. Je me dirigeais donc vers la station de plongée, où les diverses bouteilles d’oxygène étaient entreposées, pour en soulever une et commencer à la connecter à ma tenue de plongée. Je vérifiais la pression, le fonctionnement de chaque baromètre, je m’assurais également que mon gilet flotteur était en état de marche. Rassemblant le reste de mes affaires, telles que mes palmes, ma combinaison, ma ceinture de poids, mon masque et mon tuba, je discutais un bref instant avec Nick concernant notre arrivée imminente sur le premier spot de plongée. Une fois fin prêt, je me dirigeais vers la proue du bateau pour y retrouver Nathan. « On va arriver bientôt, il faudrait que tu viennes t’équiper, Nick va tout t’expliquer. » lui indiquais-je, attendant quelques instants qu’il se décide à m’emboîter le pas.
La conversation avec Charlie prend un tout autre tournant lorsqu'il me pose des questions personnelles sur ma sexualité et qu'il me fait bien comprendre que je me plains trop, que je m’apitoie trop sur mon sort, alors que je me pose juste des questions essentielles. Mon ami, ici, semble ne pas comprendre ce que je veux dire, du coup j'abandonne, ne voulant pas me récolter les foudres du jeune homme. Mettant de la distance entre nous, mon âme de solitaire se portant mieux en m'installant à la prou du bateau. Heureusement, personne ne me trouves ou vient me chercher.
Si ce n'est Charlie lorsqu'il est temps qu'on se prépare. Je l'observe quelques instants puis m'aide de la rambarde et me lève « J'te suis» dis-je simplement en lui emboîtant le pas. Silencieux, nous nous dirigeons vers le centre du bateau où se trouve Nick qui nous attends. J'aperçois qu'une partie de l'équipement est déjà mit sur le côté, sans doute celui de Charlie. J'écoute les propos du prof de plongé regarde la combinaison qu'il me tend puis, décidant de prendre sur moi, mettant ma pudeur de côté, je retire mon pantalon et mon t-shirt et enfile la combinaison en néoprène, laissant Nick m'aider pour fermer la fermeture éclaire. « ça fait longtemps que tu fais de la plongé ?» demandais-je finalement à Charlie, essayant de masquer ma nervosité grandissante «Paraît que c'est la mer ici est parfaite pour la plongé » reprenais-je, récitant simplement ce que j'ai déjà pu entendre ou lire, m'étant quand même renseigné un minimum avant de venir ici aujourd'hui «Enfin, si c'est aussi beau en dessous que dans les airs ça ne peut qu'être une expérience incroyable » reprenais-je, haussant les épaules alors que fixe la ceinture de poids comme me l'a montré Nick.
M'installant ensuite sur le banc je chausse les palmes, soupire doucement, pince les lèvres puis prend une profonde inspiration « T'as raison» dis-je finalement, relevant mon regard sur Charlie « J'ai beau dire et prétendre le contraire, mais oui, je m'apitoie encore un peu trop souvent sur mon sort mais ...» j'hausse les épaules en déviant le regard «J'ai toujours été comme ça, je veux dire, j'ai jamais eu une grande confiance en moi. Le fait que j'ai été cloué dans un fauteuil roulant pendant 3 ans n'a rien arrangé » je triture nerveusement mes doigts «Je fais des efforts, je te jure Charlie. Y a quelques mois j'aurais jamais penser être capable de faire tout ce que je veux faire là mais je ... » je déglutis et pose à nouveau mon regard sur mon ami «Enfin tout ça pour dire que je fais des efforts, vraiment. Ça peut te sembler comme si je n'ai faisais pas,m mais je te promets que c'est le cas et ...» je me redresse et regarde vers la mer «C'est pour ça que je vais vraiment le faire » je pose mon regard sur Nick qui tien les bonbonnes d'oxygènes en main et, souriant, j'hoche la tête et me redresse. Lui tournant le dos pour le laisser les mettre correctement en place, j'observe la mer calme et accueillante, sentant mon stress se transformer en excitation.
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Une fois mon matériel préparé, alors que nous approchions du premier spot de plongée, je me décidais à aller chercher Nathan sur la proue du bateau pour lui indiquer qu’il était temps pour lui de se préparer à son tour. « J'te suis. » glissait-il en m’emboîtant le pas jusqu’à ce que nous retrouvions Nick. Ce dernier se chargeait rapidement de donner quelques informations de dernière minute à Nathan avant qu’il ne se décide à revêtir la combinaison qui lui était dédiée pour la journée. « Ça fait longtemps que tu fais de la plongée ? » me demandait-il en s’équipant. J’haussais d’abord vaguement les épaules, en cherchant à me rappeler en quelle année j’avais bien pu être initié à la plongée. « Je dirai que ça fait un peu plus de douze ans, presque treize en fait. » corrigeais-je alors. « J’ai fait mon baptême en Thaïlande, j’étais parti là-bas en colonie de vacances et c’était au programme. » expliquais-je brièvement sans m’étendre davantage sur ces vacances que je passais sans cesse aux quatre coins du monde parce que mes parents avaient bien d’autres chats à fouetter plutôt que d’avoir leurs enfants dans les pattes pendant les vacances scolaires. Et à dire vrai, je n’avais pas grand-chose à rapprocher à mes parents de ce point de vue-là. Ces colonies de vacances et autres séjours linguistiques pour classe moyenne à aisée, constituaient des souvenirs indélébiles, qui m’avait notamment permis de rencontrer beaucoup de monde différent, notamment ma meilleure amie à ce jour et de perfectionner ma maîtrise de différentes langues, le tout en découvrant de nouvelles cultures et de nouveaux paysages. « Paraît que c'est la mer ici est parfaite pour la plongée. » ajoutait Nathan et j’avais lentement hoché la tête pour confirmer ses dires. « Et comment ! Avec la barrière de corail c’est vraiment beau. Puis le temps est idéal aujourd'hui. » répondis-je dans un demi-sourire. « Enfin, si c'est aussi beau en dessous que dans les airs ça ne peut qu'être une expérience incroyable. » et pour toute réponse, j’hochais la tête en signe d’approbation, terminant à mon tour de m’équiper. « T'as raison. » C’était Nathan qui était venu briser le petit silence qui s’était établi sur le pont pendant que nous nous préparions tous à plonger et que le bateau ralentissait en approche de notre première escale. Et sans comprendre où il voulait en venir, j’haussais un sourcil interrogateur à son attention. « J'ai beau dire et prétendre le contraire, mais oui, je m'apitoie encore un peu trop souvent sur mon sort mais... » Parce que oui, il y avait forcément un mais songeais-je avec une certaine ironie sans rien laisser paraître pour permettre à Nathan de continuer à s’exprimer sans l’interrompre. « Je fais des efforts, je te jure Charlie. Y a quelques mois j'aurais jamais pensé être capable de faire tout ce que je veux faire là mais je... » Lèvres pincées, j’avais fini par esquisser un faible sourire en coin. « Tu sais Nathan moi je m’en fiche hein. Je dis ça pour toi. » me contentais-je répondre avant qu’il ne reprenne la parole. « Enfin tout ça pour dire que je fais des efforts, vraiment. Ça peut te sembler comme si je n'en faisais pas mais je te promets que c'est le cas et… Pour ça que je vais vraiment le faire. » Yeux plissés à cause du soleil qui se reflétait avec violence à la surface de l’eau, j’observais vaguement Nathan à travers les rayons du soleil qui m’aveuglaient. « Bien, alors bon courage. » lui dis-je en lui donnant une légère tape sur l’épaule. « All right, it’s time guys ! » s’exclamait aussitôt Nick alors que le bateau ralentissait pour déposer l’ancre sur notre premier spot de plongée. Assis sur le banc, je mettais mes bouteilles sur le dos, prêt à plonger après avoir peaufiné les derniers détails, tandis que Nick se chargeait de Nathan. Je m’avançais alors, palme aux pieds en marchant tel le manchot moyen jusqu’à la poupe du bateau, aménagée spécifiquement pour permettre aux plongeurs de sauter à l’eau. Et alors que Nathan s’approchait pour venir se poster mes côtés, je me tournais vers lui avec un petit sourire. « Prêt ? » lui demandais-je alors avant d’ajouter : « Les dames d’abord. » raillais-je en lui lançant l’honneur de se jeter à l’eau le premier. Et une fois le jeune homme à l’eau, je ne tardais pas à le rejoindre, me lançant tomber à mon tour dans l’eau, suivi de prêt par l’instructeur qui se chargeait bien vite de faire passer à Nathan les petits tests obligatoires avant un baptême de plongée, les observant tous les deux à l’œuvre en me laissant légèrement porter par le courant en attendant que les choses sérieuses ne puissent commencer.
Charlie s'en fout. Il s'en fout que je me prenne trop la tête, que je m'excuse ou que je lui donnes des explications. Lorsqu'il me dit ça, avec un petit sourire, j'hoche doucement la tête et baisse le regard. En vrai ces explications je les dis surtout pour moi-même, pour que je me rende compte moi-même de ce qui ne va pas chez moi. C'était un mal nécessaire, je penses. Charlie ne prends pas de pincettes et j'avoue que je n'a pas l'habitude de ce genre de réactions. En vrai, je me rend compte que la plupart des gens qui me côtoient son peut-être un peu trop gentil. C'est pour ça que j'ai réagit de cette manière avant, parce que Charlie était très sincère et très direct. Enfin, peu importe.
Il me donne une tape amicale sur l'épaule avant que Nick ne nous rejoigne. Je l'observe s'installer sur la rambarde, note tous ses faits et gestes puis m'avance lorsqu'il se laisse tomber en arrière. Je le voix disparaître dans l'eau avant de remonter quelques secondes plus tard. Il m'offre un sourire et me fait signe de le rejoindre. Je m'installe à mon tour sur la rambarde à côté de mon ami et rigole doucement lorsqu'il se moque de moi en disant 'honneur aux dames'. « Y a pas les enfants qui doivent y aller en même temps que les femmes ?» demandais-je avant un clin d'oeil avant de me laisser tomber en arrière sans hésiter d'avantage.
J'avoue que j'ai un moment de panique lorsque mon corps heurte la surface puis sombre dans l'eau. Assez rapidement, j'ai le reflex de battre des mains et des jambes pour remonter à la surface et ressortir la tête à l'air libre. Nick s'approche de moi et m'explique un peu plus en détail et en pratique tout ce qu'il faut savoir. Encore une fois, j'écoute avec grande attention puis met mon masque et prend plusieurs inspiration dans le respirateur avant de plonger sous l'eau. Avec Nick nous restons un peu en surface avant que je n'ose aller plus bas.
Et quel bonheur ! Nager sans problème -j'avoue que je m'étonnes un peu du fait que mes jambes me répondent- mais ça n'en est que plus agréable. Au début je ne fais que très peu attention à Charlie qui semble faire sa vie un peu à part, mais au bout de moment je fini par le rejoindre. Nous sommes venu ensemble, ce serait dommage de ne pas pouvoir nager à deux. C'est donc ensemble que nous nous commençons à découvrir les environs. Je suis Charlie, lui faisant totalement confiance de ne pas nous perdre dans les profondeurs de la mer. Nous découvrons quelques grottes sous-marines mais ce n'est pas maintenant, à mon baptême de l'eau, que je vais tenter de m'aventurer, même accompagné. D'autant plus que je commence à fatiguer quand même. Je décide tout de même de rester sous l'eau jusqu'à ce que la bonbonne d'oxygène soit presque vide.
Je remontes à nouveau sur le bateau, retire mon masque et soupire doucement de bien être en m'asseyant sur le sol du yacht « Eh ben pour une expérience, s'en est une ...» souriais-je en me passant une main dans les cheveux mouillés. Je pose mon regard sur l'anglais lui commence à retirer les éléments de mon équipement « Merci beaucoup Charlie, vraiment» disais-je, souriant en me relevant « ce...je comprends pourquoi t'aimes ça» reprenais-je, rigolant doucement « pfiouh … excellent» soufflais-je en me tournant à nouveau vers la mer.
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Sans être apathique, je n’étais pas de ceux qui prenaient des gants pour dire les choses, spécialement quand je restais persuadé qu’à trop protéger quelqu’un de la réalité on ne lui rendait finalement pas vraiment service. Et c’était sûrement le cas de Nathan, sugarcoated depuis qu’il s’était retrouvé sur ce fichu fauteuil roulant. S’il m’arrivait de prendre des pincettes de temps en temps quand la situation l’exigeait et que je me retrouvais en présence de quelqu’un qui comptait réellement pour moi, je ne me sentais pas assez proche de Nathan pour le bercer l’illusion et le regarder se complaire dans son handicap qui n’en était même plus un aujourd’hui. Et si l’idée qu’il puisse trouver mes propos offensants et qu’il se vexe ensuite ne m’échappait, je décidais que le jeu ne valait la chandelle s’il en prenait conscience. Peut-être son entourage n’osait-il tout simplement pas le bousculer un peu ? J’étais néanmoins revenu le chercher pour qu’il puisse se préparer pour son plongeon et rapidement nous nous étions tous les deux retrouvés sur l’arrière du bateau, près à nous lancer dans le grand bleu, ce que nous ne tardions pas à faire, Nathan en premier, suivi de près par Nick et je les rejoignais sans me faire prier davantage, bien trop impatient à l’idée de retrouver ces sensations que je n’avais pas ressenties depuis mon dernier plongeon qui remontait à plusieurs mois. J’avais attendu presque patiemment dans mon coin que Nick fasse son rôle d’instructeur, qu’il apprenne à Nathan les rudiments de la plongée, lui transmette les dernières indications et nous étions prêts à tous aller explorer les fonds marins. Aussitôt le début de la plongée commencée, Nathan obligé de rester aux côtés de l’instructeur, je décidais d’aller vaquer à mes occupations de mon côté. Je m’autorisais à aller plus profondément pour aller observer la vie aquatique de plus près, je remarquais quelques murènes dans les creux de la roche, passait au travers de bancs de poissons aux couleurs éblouissantes, me tenant bien éloigné des oursins dont la taille des piques était impressionnante. Totalement coupé du monde moderne, je profitais de chaque inspiration pour ravier mes yeux et savourer cette étrange sensation de liberté que la plongée me procurait, revenant de temps à autres auprès de Nathan et Nick pour lui suivre un peu en retrait. Prenant un peu plus confiance en lui, Nathan s’autorisait finalement à me suivre un peu plus dans notre découverte des fonds marins. Et comme toutes les bonnes choses, celle-ci était rapidement arrivée à sa fin. Les bouteilles d’oxygène presque vides, nous avions entamé une lente remontée avant de percer la surface à nouveau. Je retirais aussitôt mon masque, mon gilet totalement regonflé pour me porter avant de nager jusqu’au bateau sur lequel je me hissais tant bien que mal, palmes et masque à la main, malgré le poids de la bouteille sur mon dos qui se faisait de nouveau bien ressentir. « Eh ben pour une expérience, c'en est une... » faisait remarquer Nathan et je lui adressais un petit sourire en hochant la tête l’air de lui dire qu’il avait bien raison. « Merci beaucoup Charlie, vraiment… Ce… Je comprends pourquoi t'aimes ça. » Me redressant finalement après avoir retiré ma bouteille d’oxygène. « Pas besoin de me remercier, tu sais. » Pas de fausse modestie là-dedans, j’estimais seulement qu’il n’avait pas besoin de me remercier de la sorte. Après tout, au-delà de faire jouer mes relations et d’avoir sorti la carte bleue pour l’occasion, je n’avais pas fait grand-chose. « Pfiouh… Excellent. » Le voir s’enthousiasmer de la sorte me tirait un demi-sourire. « Ravi que ça t’ait plus, j’espère que ça sera le premier plongeon d’une longue série. » Je retirais ma combinaison mouillée pour me retrouver en maillot de bain et apprécier la chaleur du soleil. « Bon courage pour le reste de ta bucket-list. » lui glissais-je finalement alors que le bateau repartait pour nous ramener à bon port.
Accueil
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Alors que je m’apprêtais à rejoindre la berline noire qui m’attendait devant l’aller de graviers blancs qui menaient à la villa, Oliver se précipitait vers moi : « Chaliiie ! Tu pars encore ? » s’étonnait-il ses petits sourcils dans une expression mi surprise mi réprobatrice. Dans un rire, je m’agenouillais pour enlacer le garçon. « Je pars faire un peu de plongée. Je reviens ce soir. » Je venais embrasser mon neveu avec une affection que je lui réservais tout particulièrement, ignorant cette vague de culpabilité qui s’était emparée de moi. Il fallait dire que j’avais joué les fantômes dans cette villa ces derniers mois, m’éclipsant chaque fois que j’en avais l’occasion pour fuir cette ambiance délétère qui avait élu domicile en son sein, tel un septième habitant. Si je réservais toujours des après-midis pour pouvoir profiter d’un peu de temps en la compagnie rafraîchissante de l’enfant, je ne participais plus que de façon très anecdotique à notre vie de famille, préférant me tenir loin de Gauthier, de Maureen et de Théodora pour éviter de déclencher la troisième guerre mondiale au sein de notre fratrie. Puis, je m’étais éclipsé, non sans ordonner à mon neveu de retourner finir son petit-déjeuner, montant dans la voiture qui m’emmenait aussitôt en direction du port de plaisance de la ville. Confortablement installé sur la banquette arrière, j’avais passé les derniers appels nécessaires à l’organisation de cette journée que j’avais prévue afin de permettre à Nathan de rayer une ligne de plus de sur sa bucket-list. Si je n’avais eu que peu de contacts avec le jeune homme depuis qu’il avait quitté ABC, les choses avaient changé lorsque je l’avais croisé, sur ses deux pieds, devant la bibliothèque de l’université où je continuais de me réfugier pour travailler lorsque l’ambiance à la maison me pesait trop. Et quel choc ça avait été de croiser l’ancien webmaster de la radio hors de son fauteuil roulant ! A tel point que j’avais failli ne pas le reconnaître. Une conversation s’éternisant quelques peu, nous avait permis de rattraper le temps perdu pour nous mettre respectivement à la page sur la vie de l’autre. Et outre sa mobilité retrouvée, c’était à un tout nouveau Nathan que je m’étais retrouvé à faire face. Bien moins sage et raisonnable, mais plein d’une énergie nouvelle, conséquence directe de sa nouvelle capacité à marcher. Et lorsqu’il m’avait annoncé qu’il cherchait à rattraper le temps perdu, essayant chaque jour de se sentir de sa zone de confort, notamment depuis que Lene l’avait emmené faire son baptême de l’air, une idée m’était venue en tête. Le temps de tout mettre en place, je l’avais appelé quelques jours après pour lui demander de me réserver son samedi. Au programme : bancs de poissons, anémones de mer et bouteille d’oxygène sur le dos. Le chauffeur privé me déposait devant l’embarcadère où je retrouvais le jeune homme qui m’attendait. Me dirigeant aussitôt vers lui, je lui adressais un petit sourire. « Prêt pour cette journée ? » et son air pas réellement convaincu bien que volontaire, m’avait tiré un rire. L’attrapant par les épaules, je l’avais guidé jusqu’au bateau que j’avais réservé pour la journée, l’équipe s’affairant à préparer notre départ. Je saluais l’équipage, les remerciant d’avoir bien voulu accéder à ma demande. « Promis tout se passera bien. » Je me souvenais encore de la première fois où j’avais plongé, comme si c’était hier. Moi qui n’était pas facilement perturbable, je n’en avais pas mené large cette fois-ci. L’équipement, les instructions, l’appréhension de me retrouver sous des centaines de mètres cubes d’eau, ma survie ne résidant que dans une bouteille d’oxygène accrochée à mon dos, tout ça m’avait semblé hautement dangereux. Mais, téméraire et bien trop fier pour renoncer devant le fait accompli, j’avais pris mon courage à deux mains et aujourd’hui, j’étais un véritable mordu de plongée, profitant de ma vie à Brisbane pour m’adonner à ce petit plaisir de façon bien plus régulière que du temps où je vivais à Londres. J’étais d’autant plus confiant que je savais que Nathan serait entre de bonnes mains, ayant recruté le meilleur instructeur de la ville pour lui permettre de faire son baptême. Les conditions d’aujourd’hui étaient idéales, une mer calme, un soleil qui tapait fort, la vue serait époustouflante à n’en pas douter. Je m’étais dirigé sans plus tarder vers le petit buffet qui nous attendait, rassemblant une quantité impressionnante de nourriture en tous genres : fruits, viennoiseries, gâteaux, fromage blanc, il y avait de quoi faire. « Fais comme chez toi. » l’avais-je invité à faire, me servant moi-même un thé. Pendant que nous prenions notre collation de la matinée, lunettes de soleil sur le nez, vent dans les cheveux, l’équipage s’était préparé à lever l’ancre, démarrant sans trop tarder le bateau pour nous emmener vers le lieu de notre première plongée. Assis à la table, face à Nathan, alors que je découpais avec précision une mangue, je relevais le regard vers lui : « Tu verras, c’est bien plus impressionnant que ça ne l’est en réalité. » Petit sourire en coin, j’avais décidé, une fois n’était pas coutume, de lui partager mon expérience personnelle de novice en la matière : « Avant de faire mon baptême, j’avais une peur bleue de tout oublier et de commencer à faire une crise d’angoisse sous l’eau. Non pas que je sois fondamentalement claustrophobe, mais j’avais peur de me sentir oppressé sous l’eau. » Se baigner dans des eaux claires et peu profondes sur les plus belles plages de la planète était une chose, aller s’enfoncer dix mètres sous la surface au milieu de nulle part en était une autre. « Mais une fois sous l’eau, tu te rendras compte que c’est extrêmement agréable. On se sent libre. » Et j’imaginais que Nathan plus que quiconque pouvait comprendre ce que je voulais dire par-là. Après avoir passé autant d’années les fesses vissées sur un fauteuil, rien que la possibilité de pouvoir étendre lui-même ses jambes devait être un sentiment exquis.