What a pretty disaster you are my lovely one. All laid out in shambles and calling for rescuing. Well I've heard it all before, I'm tired of trying more. What a shame. What were you waiting for? Through all your games, I've been right at your door, but I'm not waiting anymore.
ryleigh & charlie
Voilà plusieurs mois maintenant que ma vie avait pris une désagréable allure de farce, une vaste blague qui avait échappé à tout contrôle. Et à chaque fois que j’avais l’espoir d’enfin sortir la tête de l’eau, dès que j’apercevais la fin du tunnel, persuadé que, de toute façon, les choses ne pouvaient pas être pires, une nouvelle tuile me tombait sur le coin de la tête. Tout avait commencé par l’arrivée de Maura en ville, qui avait ramené dans ses bagages non seulement un passé que je pensais à tout jamais derrière moi, mais également Ryleigh, mon enfer personnel, la seule femme que j’ai jamais aimé et qui ne me l’ait jamais rendu. Puis Max avait disparu dans la nature, sans dire un mot. Et si je faisais bonne figure, me targuant devant quiconque évoquait le sujet épineux que je n’en avais que faire de ce qu’il advenait désormais de lui, l’inquiétude me rongeait les entrailles sans que je ne puisse rien y faire. Et comme si ce n’était pas assez, il avait fallu que Gauthier nous annonce sa paternité, secret bien gardé qui avait réussi à faire imploser notre famille. La villa Hazard-Perry était depuis des mois le lieu d’une guerre froide dont je ne voyais plus la fin, mes frères et sœurs agissant tous un peu plus étrangement chaque jour qui passait. C’était lassé par ces tourments qui agitaient ma vie et dans une position de faiblesse manifeste (accentuée par l’alcool que j’avais dans le sang à ce moment-là) qui m’avait précipité directement dans la gueule du loup : Ryleigh Egerton. Un peu trop imbibé, je m’étais présenté devant sa porte, ma fierté me retenant de réclamer asile à voix haute. La soirée avait été riche en émotion, comme chaque fois que je me retrouvais en compagnie de l’anglaise. Rythmée par des échanges tumultueux, une légère accalmie m’avait laissé l’espoir de voir notre relation trouver de nouvelles bases solides. C’était évidemment sans compter sur la demoiselle qui cherchait visiblement à me mettre des bâtons dans les roues. Elle avait tout gâché, une fois de plus. Si je pouvais encore vaguement comprendre qu’elle ait refusé mes avances neufs ans plus tôt, parce que ne ressentant pas la même chose à mon égard, je ne parvenais pas à comprendre ce qu’elle attendait de moi aujourd’hui. Elle était cruelle et se jouait de mes sentiments, usant de son emprise sur moi pour m’atteindre en plein cœur. Et j’enrageais d’autant plus que chacune de ses tentatives de me briser fonctionnait avec une facilité déconcertante. Je m’étais réveillé le matin même en faisant face au coffret contenant une monte qu’elle m’avait offert ce soir-là, comme chaque jour de cette fichue semaine, me plongeant dans une humeur encore plus morose et exécrable qu’à l’accoutumée. Si le cadeau, que je n’avais pas osé toucher depuis, était en soi tout à fait plaisant, reflétant toute la connaissance de ma personne qu’elle possédait encore et ce malgré nos années de séparation, c’était dans l’inscription au dos de cette montre que résidait ses plans les plus machiavéliques : It can still work between us, and I want it to. Si pour quoiconque qui ne connaissait pas notre histoire, cette déclaration pouvait sembler touchante, au regard de ce que nous avions traversé c’était un coup bas, même pour elle. Elle avait du culot de se placer en victime quand c’était elle qui cherchait à m’enfermer un peu plus dans cet amour à sens unique que je ressentais pour elle et dont je tentais de me défaire depuis presque dix ans, en vain. Mais c’en était fini, j’étais las de toute cette sordide situation. Je m’étais levé avec une toute nouvelle détermination, me préparant pour aller bosser à la radio avec une idée en tête. Après ma réunion hebdomadaire avec la rédactrice en chef, pendant ma pause, alors que j’attendais que mon café finisse de couler dans ma tasse, j’avais sorti mon téléphone. J’avais aussitôt envoyé un texto à Ryleigh, lui indiquant une heure et un lieu de rendez-vous sans plus de cérémonie, songeant que c’était déjà là un effort de trop que je faisais vers elle. La journée qui avait suivi s’était écoulée avec une lenteur insupportable, rien ne trouvant grâce à mes yeux pour l’émission du soir-même. Rapidement mes collègues avaient compris qu’aujourd’hui, il valait mieux me laisser dans mon coin plutôt que de prendre le risque de se prendre une balle perdue en venant me trouver. Beaucoup trop en avance sur l’horaire précédemment fixé, j’avais quitté les locaux d’ABC sans un au revoir à mes collègues pour rejoindre Logan City. Assis à la terrasse du Death Before Decaf, j’avais regardé le propriétaire des lieux m’apporter le thé que j’avais commandé, m’adressant un sourire bienveillant que je ne daignais pas lui retourner. Les traits fermés, durs, j’attendais avec une impatience qui me rongeait de l’intérieur que la brune fasse son apparition. J’observais la rue à la recherche d’une silhouette particulière qui entrait bien vite dans mon champ de vision. Et la simple vue de l’anglaise me plongeait dans une colère noire. M’apercevant à son tour, elle s’était approchée avec une lenteur (qui résidait sûrement dans ma tête uniquement) qui me faisait fulminer un peu plus, si c’était encore possible. A peine était-elle arrivée à ma hauteur que j’avais claqué : « Faut qu’on parle. » d’un ton glacial qui ne laissait place à aucune réponse négative ou tentative d’évitement. J’étais décidé à lui balancer ses quatre vérités à la figure, qu’elle soit prête à les entendre ou non. Il n’y avait plus rien pour me retenir, pas même les vestiges de notre relation pourtant si fusionnelle avant mon arrivée à Oxford. Si c’était la fin de tout contact avec la brune qui se profilait à l’horizon, j’accueillerai cette nouvelle sans sourciller. J’en avais ma claque de la regarder jouer avec moi comme l’aurait fait un chat avec une souris dont il s’apprêtait à faire son encas. « A quoi tu pensais ? » tonnais-je, la voix dénuée de toute émotion en dehors de cette rage qui sommeillait en moi depuis une semaine. C’était une colère froide, profonde, qu’elle seule s’avait éveiller en moi et que je lui réservais tout particulièrement. Daignant enfin lui accorder un regard, c’était mes yeux lançant des éclairs meurtriers auxquels elle se confrontait désormais. Je n’ajoutais rien, pas un mot de plus. J’étais intimement persuadé qu’elle savait exactement à quoi je faisais allusion, parce que c’était elle-même qui avait déclenché cette guerre à présent ouverte que je m’apprêtais à lui déclarer. Ce n’était pas tant pour écouter ses justifications que je lui avais imposé cette entrevue, que pour avoir l’occasion de déverser sur elle tout le dégoût et l’aversion qu’elle m’inspirait.
Il l'a sommée de venir. Roi d'un château de cartes qui tremble à chaque coup de vent. Petit tyran des bancs d'Oxford qui règne maladroitement sur son empire incertain. Ryleigh n'a même pas pris la peine de lui répondre, trop orgueilleuse pour lui donner la satisfaction de penser qu'il l'a atteinte. Charlie n'a jamais entendu le mot « non » avant qu'elle ne lui refuse son cœur et son corps. Incapable de survivre au choc son égo a volé en éclat et par défaut il s'est refermé. Monarque déchu dont le royaume capitule et s'effondre. Les pas de Ryleigh l'ont menée sans qu'elle n'y prenne vraiment conscience au lieu de rendez-vous, bol d'air chaud nécessaire avant une rencontre qui s'annonce tumultueuse. La main posée sur le dossier de la chaise, elle s'apprête à s'installer, déjà un peu déçue du manque d'éducation de Charlie qui n'a pas pris la peine de se lever. « Faut qu’on parle. » qu'il balance sans même un regard, d'un ton qui se veut impérieux et implacable et qu'elle ne trouve qu'à peine intimidant. Prenant tout de même la peine de s'asseoir, alors que devant un tel accueil il mériterait une gifle et qu'elle tourne les talons, Ryleigh sourit. De ces rictus qui en disent long sur la tempête qui règne sous les ondulations délicates de ses cheveux. « Bonjour, je vais très bien, je prendrai un virgin mojito, merci de demander. » qu'elle répond sans se départir de sa moue. Céder au ton qu'il impose serait un outrage à son intelligence et Ryleigh estime son intellect bien trop pour s'abaisser à se laisser marcher dessus. « À quoi tu pensais ? » demande-t-il en la regardant enfin. Oh, elle aimerait lui répondre, lui dire ce qu'il a envie d'entendre. Elle pourrait le faire en se creusant la tête et en fouillant l'esprit tordu que seul un enfant Hazard-Perry peut avoir. Mais voilà, Ryleigh n'est pas de ces filles qui se laissent pousser et qu'on envoie valdinguer sans livrer un combat acharné, et si Charlie a cru que sa petite manœuvre allait l'intimider c'est qu'il ne la connaît plus, qu'il ne la connaît pas. Alors se penchant vers lui, position d'attaque par excellence, réduisant l'espace entre eux et le forçant à reculer s'il veut préserver son espace vital elle énonce d'une voix si posée qu'elle la ferait presque frissonner : « Charlie, je sais que tu as déjà dû jouer cette petite scène dans ta tête trente fois depuis que tu m'as envoyé ce sms si chaleureux, mais ce n'est pas le cas. Alors soit tu descends de tes grands chevaux et tu t'adresses à moi avec un minimum de clarté, soit tu la fermes. » Ryleigh a toujours eu un donc pour l'éloquence là où Charlie n'a jamais été un excellent communiquant. Elle n'a que faire de ses petits scénarii désincarnés, s'il veut un combat qu'il brandisse les armes, mais l'enfant Egerton à la lame aiguisée et la langue encore plus. Qui s'y frotte ne s'y pique pas, mais se blesse. Avant même qu'il puisse répondre, peut-être parce qu'elle enchaîne trop vite ou parce qu'il est scié qu'elle ose lui parler ainsi au lieu de se répandre en excuses, elle dit :« Je te laisse le temps de faire ton choix, je vais aller me commander quelque chose au bar. Si à mon retour tu n'es plus là, je saurai à quoi m'en tenir. Prendre la fuite, c'est ton truc après tout. » et se dirige vers l'intérieur du Death Before Decaf. L'ambiance à l'intérieur est bien plus chaleureuse et accueillante qu'à l'extérieur en dépit de l'air climatisé qui souffle légèrement en fond. Eut-elle eu l'esprit à ça, elle aurait probablement regardé avec un peu plus d'intérêt le joli garçon qui se tient derrière le bar. Peut-être est-ce la présence de Charlie qui la perturbe plus qu'elle ne veut l'admettre et qui l'empêche d'apprécier la beauté humaine. C'est donc officiel, Charlie est le trou noir qui aspire la beauté et la bonne humeur de son monde. « Bonjour, pourrais-je avoir un virgin mojito, pas virgin. Juste un mojito. » Oui, c'est ce genre de journée, merci de ne pas la dévisager. Il est 15h04 et elle a déjà envie -non besoin- d'un verre. Charlie est vraiment un connard de l'avoir traînée ici pour avoir une pseudo-conversation qui n'est ni plus ni moins qu'une autre séance règlement de compte. Aussi remontée soit-elle, Ryleigh est aussi très lasse. Se battre avec Charlie n'a rien d'amusant, parce qu'il n'y a pas d'enjeu. C'est se battre contre le vent, la mer et le sable tout à la fois. Son égo est facile a atteindre, elle l'a d'ailleurs à nouveau piqué à vif pour que la réaction soit telle qu'elle est, mais le convaincre revient à espérer persuader la Mer Rouge de s'ouvrir pour elle. Ryleigh est belle, elle est intelligence, elle est vive, mais dotée de pouvoirs divins ? Ça, malheureusement elle ne l'est pas. Déposant un billet sur le bar et se munissant de son verre elle retourne en terrasse, presque sûre de retrouver une table déserte et une chaise vide. Ce n'est pas le cas. « Wow, pour une surprise. Décidé à avoir une conversation d'adultes ? » demande-t-elle mordante mais pas convaincue que Charlie sache en quoi ça consiste quand il n'est pas bourré et que ses inhibitions ne sont pas levées. Un Hazard-Perry sobre est un Hazard-Perry qui ne communique pas très bien. Est-ce triste qu'elle espère secrètement qu'il ait pris un grog plutôt qu'un simple thé ? Dans quelle galère est-elle encore allée se fourrer ?
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ryleigh & charlie
La patience n’avait jamais fait partie de mes vertus, mais face à une telle situation, je me montrais d’autant moins calme et persévérant qu’à l’accoutumée. Contrôler cette rage qui déversait son venin dans mes veines me demandait une énergie et une volonté que je n’étais pas certain de posséder à l’instant, l’envie de voler dans les plumes de l’anglaise se faisant de plus en plus présente. « Bonjour, je vais très bien, je prendrai un virgin mojito, merci de demander. » avait-elle répondu dans une moue des plus hypocrites qui me rappelait avec horreur celle de mes parents. Sans me démonter cependant, j’avais lancé une deuxième offensive, laissant à la brune une dernière occasion de me fournir des explications avant de ne lui balancer ses quatre vérités à la figure sans la moindre cérémonie. Se voulant certainement impressionnante, essayant de m’intimider, elle s’était penchée sur la table pour me répondre : « Charlie, je sais que tu as déjà dû jouer cette petite scène dans ta tête trente fois depuis que tu m'as envoyé ce sms si chaleureux, mais ce n'est pas le cas. Alors soit tu descends de tes grands chevaux et tu t'adresses à moi avec un minimum de clarté, soit tu la fermes. » Si son parfum enivrant qui était aussitôt parvenu à mes sens m’avait le temps d’un centième de seconde déstabilisé, je n’avais pas cillé, la laissant terminer. Et chaque mot qu’elle prononçait ne faisait qu’alimenter ma colère, comme l’alcool déversé sur un feu de papier. La fixant, le regard dénué de toute expression en dehors d’une aversion et d’une colère à peine dissimulées, je la laissais reprendre : « Je te laisse le temps de faire ton choix, je vais aller me commander quelque chose au bar. Si à mon retour tu n'es plus là, je saurai à quoi m'en tenir. Prendre la fuite, c'est ton truc après tout. » Mais cette fois-ci, elle faisait fausse route. J’avais décidé de changer de modus operandi après avoir constaté que la fuite n’était pas une solution viable pour échapper aux tentacules de la brune. La confrontation était la seule option qu’il me restait et j’étais décidé à l’obtenir. Elle avait disparu, et j’étais resté là, assis, sans esquisser le moindre mouvement. Elle mettait de nouveau ma patience à rude épreuve en me faisait attendre à cette table, mais ma détermination n’avait pas de limites et j’étais bien décidé à attendre son retour. « Wow, pour une surprise. Décidé à avoir une conversation d'adultes ? » C’était mordante, armée d’un cocktail qu’elle était revenue trouver sa place face à moi. « Faut croire que tu ne me connais pas aussi bien que tu ne le penses. » Je choisissais ostensiblement de ne pas répondre à sa question, décidant que je valais bien mieux que de la laisser s’adresser à moi comme à un vulgaire enfant capricieux. J’étais dans mon droit le plus strict d’enrager et je ne comptais pas abandonner de sitôt la confrontation que j’étais venu chercher. Du moins pas tant que je n’aurais pas obtenu ce que je m’estimais en droit d’obtenir en la sommant de se joindre à moi sur la terrasse du café. Et mes attentes vis-à-vis de cette entrevue étaient parfaitement claires : soit Ryleigh se décidait à avouer la raison qui la poussait à ne pas pouvoir me laisser mener ma vie de mon côté, manifestant sans cesse son besoin de venir graviter autour de mon existence, au mépris de la torture que cela représentait pour moi. Soit j’abandonnais nos dix-huit années de complicité sans me retourner, écrivant ainsi le dernier chapitre de notre triste histoire commune. Et en agissant de la sorte, me prenant de haut comme seule elle savait le faire, je comprenais que je n’obtiendrais pas le moindre aveu de sa bouche. C’était une situation sans issue. Acculé dans cette impasse, je décidais alors d’attaquer. « Je ne sais pas qui tu penses être mais ça ne prend pas avec moi. » Parce qu’elle avait beau être une Egerton, rien de son nom de famille, à ses yeux bleus qui me transperçaient comme aucuns autres, en passant par ce lien qui nous unissait bon gré, mal gré, rien ne lui donnait le droit de se jouer de moi comme elle s’appliquait à le faire avec un malin plaisir. « Tu t’attendais à quoi au juste ? A ce que je te tombe dans les bras ? » Un petit rire dénué de tout amusement c’était échappé de mes lèvres un bref instant. J’étais méprisant, froid et totalement fermé. Et c’était seulement à cette détermination sans borne de mettre un point final à toute cette histoire sordide qui sommeillait en moi, que je devais ma capacité à contenir cette rage dévastatrice qui me rongeait de l’intérieur. « Oublie-moi, Ryleigh. Je ne suis plus intéressé. » C’était un mensonge aussi éhonté que nécessaire. Alors j’essayais de me persuader avec toute la force de ma volonté que je ne voulais plus rien avec elle, que je n’éprouvais plus cette attraction pourtant bien réelle qui continuait de me pousser vers elle malgré mes protestations et mes tentatives d’évitement. Parce que c’était le seul moyen. Peut-être même, songeais-je sombrement sans trop y croire, que si je parvenais à le dire avec suffisamment de force et de conviction, j’en viendrais à me persuader moi-même que son existence ne m’était pas vitale. « Si t’espérais pouvoir retrouver tes droits sur ma vie en venant ici, tu faisais fausse route. » Je me voulais volontairement dur, tranchant, piquant dans mes propos, pour la dissuader de continuer son petit jeu cruel. Je voulais la briser comme elle m’avait brisé. Je voulais lui faire payer ce poids que je portais au fond de mon cœur depuis neuf ans. Je voulais qu’elle souffre elle aussi, à la hauteur de la douleur que je ressentais maintenant qu’elle était revenue ouvrir les plaies qu’elle m’avait infligé et qui avaient à peine eu le temps de commencer à cicatriser. Je bouillonnais de rage à la simple idée qu’elle continuait à réussir à me faire du mal, malgré les années qui s’étaient écoulées et la distance qui nous avait séparé. J’en avais marre de jouer les cobayes de cette expérience sociale dans laquelle elle s’était lancée. J’étais las de suivre ses règles, fatigué de la laisser faire la pluie et le beau temps dans ma vie. Alors j’avais décidé qu’aujourd’hui serait le jour où notre duo infernal trouverait son point final. « C’est fini et il n’y a rien que tu pourras dire qui me fera changer d’avis. » A ce stade de la conversation, je n’avais même plus envie d’écouter les explications que j’étais pourtant venu chercher en premier lieu. Les choses étaient allées trop loin, nous avions atteint le point de non-retour. Et si elle refusait de voir la réalité en face, continuant de s’accrocher à un passé qui n’était plus et qui ne serait plus jamais (pour des raisons qui m’échappaient totalement), moi j’avais décidé d’ôter ces oreillères qui me barraient la vue depuis bien trop longtemps. L’anglaise était nocive pour moi, incarnant à la perfection le cancer de mon existence et aujourd’hui, j’entamais la chimiothérapie pour l’éradiquer. « Je te conseille d’aller de l’avant toi aussi. Neuf ans à ressasser les mêmes choses, tu ne penses pas que c’est déjà accorder beaucoup trop d’importance à une relation qui n’en vaut pas la peine ? » Je choisissais mes mots, pesant le poids de chacun. Le but n’était pas de livrer ce que je ressentais réellement, mais de faire mal. Je visais la destruction pure et simple de mon adversaire puisque cela semblait être le seul moyen de mettre fin à ce cercle vicieux dans lequel nous étions enfermés depuis trop longtemps. Si je savais que Ryleigh avait encore de l’espoir de nous voir retrouver un semblant de relation, pour ma part je n’en avais pas envie. Parce que continuer de laisser Ryleigh intervenir dans ma vie signifiait de continuer à la laisser m’atteindre. Et j’estimais lui avoir accordé assez de mon temps, assez de mes pensées, assez de mes sentiments. Si elle pouvait jouer avec mes émotions, c’était qu’elle ne méritait pas l’amour que je continuais, indéniablement et irrévocablement, de lui porter et qu’elle n’était tout simplement pas celle que je croyais qu’elle était. Et ce constat me faisait au moins aussi mal que de savoir que je continuais d’avoir pour elle des sentiments qu’elle ne me retournerait jamais.
« Faut croire que tu ne me connais pas aussi bien que tu ne le penses. » fait-il, d'un ton qui pue le déni et le mensonge. Ryleigh n'a jamais connu Charlie affabulateur et pourtant il semble avoir développer des tendances dignes de ses frères et sœurs. Une nouveauté qui n'est pas la bienvenue mais dont elle s'accommode contrainte et forcée. « Si tu le dis... » répond-elle dans un souffle, pas franchement convaincue mais pas prête à se battre sur chaque mot qu'il prononce. Elle en a marre de se battre avec lui et la perspective d'une autre conversation houleuse lui déplaît fondamentalement. Mais, parce qu'il y a un mais, Ryleigh n'est pas le genre de jeune femme qui fuit les confrontations, au contraire elle les attaque tête la première, prête à se briser la nuque s'il le faut. « Je ne sais pas qui tu penses être mais ça ne prend pas avec moi. » Du ton qu'il emploie au contenu de ses propos, en passant par la posture qu'il adopte, tout crie à Ryleigh de se lever et de fuir. Si elle était intelligente elle ne laisserait pas le garçon qu'elle a aimé, qu'elle aimera probablement toujours un peu malgré son incapacité à accepter cette réalité, la démolir avec minutie. Elle devrait prendre ses jambes à son cou, mais la surprise et la déferlante de colère qui traverse son corps en un éclair suffisent à la maintenir assise. « Pardon ? » s'exclame-t-elle. Qui elle pense être ? En dehors d'un être humain qui mérite le respect de ne pas être traitée comme une criminelle et convoquée dans un bar en plein milieu de l'après-midi pour recevoir sa sentence ? Il ne manque pas d'air, à jouer les enfants piquant une colère parce que leur jouet télécommandé ne répond pas exactement aux instructions données, adolescent qui balance la manette par la fenêtre parce que son personnage n'a pas gagné le match et que c'est de la faute d'un groupe de pixels si le joueur perd. Charlie refuse toute discussion, refuse d'admettre qu'il n'est pas sans tort et surtout, refuse de laisser à Ryleigh la moindre chance. Face à ça, elle en vient même à se demander pourquoi elle s'entête, préserver sa fierté n'étant à l'évidence plus une raison suffisante. « Tu t’attendais à quoi au juste ? A ce que je te tombe dans les bras ? » lâche-t-il avec un petit rire étouffé seulement par le mépris qu'il lui accordait à l'instant où il disait ces mots. Chose rare, Ryleigh se retrouve sans voix. Elle n'a aucune idée d'à quoi il peut bien faire référence et si l'idée qu'il lui tombe dans les bras ne la rebute pas, elle ne sait absolument pas ce que ça vient faire au milieu d'une discussion qui s'annonçait jusqu'alors comme sa mise au piloris. « Oublie-moi, Ryleigh. Je ne suis plus intéressé. » continue-t-il, lui coupant le souffle l'espace d'une seconde. Elle n'est pas prête à entendre ces mots, elle doute qu'elle le sera un jour. Charlie a toujours été un repère dans sa vie, un point duquel elle peut s'éloigner mais vers lequel elle peut toujours revenir. Un jeu de la bobine freudien dont il se dit aujourd'hui prêt à couper la corde. « Ok. » souffle-t-elle, encaissant le coup de poing dans l'estomac et la gifle qu'il vient de lui asséner. Ryleigh ne sait quoi dire d'autre, parce qu'il n'y a rien à dire. À quoi servirait de lui dire qu'elle n'a jamais cessé de penser à lui ? Qu'aussi malsain que ce soit, elle a toujours comparé ses petits-amis à l'idée idéalisée qu'elle s'était faite d'une relation avec lui ? Il est déjà tellement énervé que ça ne reviendrait qu'à jeter de l'huile sur un feu ardent et à s'humilier encore davantage. Deux perspectives pas très enviables. « Si t’espérais pouvoir retrouver tes droits sur ma vie en venant ici, tu faisais fausse route. » Ses droits sur sa vie, il en a de bonne. Elle remue la tête, incrédule devant tant de mauvaise foi. Ryleigh aimerait croire qu'elle a un jour joui desdits droits sur la vie de Charlie, mais il a refusé de lutter pour elle et se faisant lui a retiré toute illusion quant à ses soi-disants droits. « C’est fini et il n’y a rien que tu pourras dire qui me fera changer d’avis. » conclut-il -ou du moins c'est ce qu'elle pense- à la façon d'un juge à la cour qui donne un coup de marteau pour signaler la fin de la séance. C'est à peine si cette déclaration n'a pas suffi à lui arracher un grognement de douleur. Hébétée, abrutie même, par la violence de la situation, Ryleigh se sent pâlir à vue d'oeil, prête à vomir ses tripes devant l'expression qui orne le visage de Charlie. « Pourquoi je suis là alors ? » demande-t-elle exaspérée et blessée, sentant le feu lui monter aux joues à nouveau mais cette fois accompagné par un goût d'alcool dans la gorge. Si vraiment c'est fini, comme il dit, pourquoi la faire venir, pourquoi ne pas se contenter de la rayer de sa vie. Est-ce qu'il tient tant que ça à la blesser, à l'humilier ? Est-ce qu'il a raison quand il dit qu'elle ne le connais pas aussi bien qu'elle ne le pense ? Parce qu'aussi idiot que cela puisse paraître, en dépit de toutes leurs différences, Ryleigh n'a jamais envisagé la possibilité qu'il puisse vouloir lui faire du mal. Ce n'était pas le genre de relation qu'ils avaient, quoi qu'il en pense. « Je te conseille d’aller de l’avant toi aussi. Neuf ans à ressasser les mêmes choses, tu ne penses pas que c’est déjà accorder beaucoup trop d’importance à une relation qui n’en vaut pas la peine ? » reprend-t-il, probablement à la recherche de ce qui lui servira de coup de grâce. « Une relation dont tu estimes qu'elle n'en vaut pas la peine. » corrige-t-elle immédiatement la voix chevrotante, la lèvre inférieure tremblante dans un mélange de colère et de tristesse. Elle déteste avoir les yeux embués à cause de lui parce qu'il va interpréter ça comme une victoire. Charlie a atteint son objectif, il l'a touchée, ses mots ont frappé leur cible et ont fait mouche. Il peut être fier de lui. « Si t'en as vraiment rien à foutre de moi, s'il n'y a vraiment rien que je puisse dire ou faire qui te donnera envie d'être dans ma vie, alors va-t'en et je te promets que je ne chercherai pas à te retenir. » offre-t-elle, abandonnant les armes. Il a gagné, félicitations, elle est au tapis. En colère contre lui, contre elle et contre son œil droit qui semble avoir une conscience et une volonté propres, elle essuie d'un revers de la main la naissance d'une larme traitresse. Furieuse de lui accorder plus qu'il ne mérite, parce qu'il vient de démontrer d'une main experte qu'il est capable -encore aujourd'hui- de lui arracher le cœur et de jouer avec sans aucune difficulté. Ryleigh a besoin de retrouver un minimum de contenance et de le distraire, d'éloigner son attention de ses opales embrumées. Elle qui a toujours réponse à tout, se retrouve obligée de cogiter pour trouver quelque chose à dire. « Charlie, comment ça se fait que je suis la seule personne pour qui tu n'es pas foutu de te battre ? » finit-elle par demander, parce que ça la travaille. Il n'est pas facile à vivre, elle le sait, elle ne l'est pas non plus, elle l'admet. Mais envers et contre tout, Charlie se bat pour les gens à qui il tient. C'est peut-être ça qu'elle n'arrive pas à envisager, qu'il ne tienne tout simplement plus à elle. Qu'il ait bel et bien tiré un trait sur elle, leur passé, leur histoire et qu'il soit prêt à aller de l'avant comme il dit, en dépit de toutes les preuves qui pointent dans la direction opposée. Qu'est-ce qui fait que Théodora a le droit à son soutien indéfectible, que malgré leurs différences innombrables Gauthier peut compter sur Charlie même quand il le déçoit ? Pourquoi Ryleigh n'a-t-elle pas le droit à ce même traitement de faveur ? La possibilité que ce soit une question de sang lui semble inenvisageable, elle l'a vu se battre bec et ongles pour des gens qui ne faisaient pas partie du clan Hazard-Perry. Alors elle suppose que c'est uniquement parce qu'elle l'a rejeté une fois. Qu'un jour elle a eu le malheur de n'être ni prête ni disponible pour lui, quand il avait décidé de s'ouvrir.
Dernière édition par Ryleigh Egerton le Ven 9 Fév 2018 - 15:57, édité 1 fois
What a pretty disaster you are my lovely one. All laid out in shambles and calling for rescuing. Well I've heard it all before, I'm tired of trying more. What a shame. What were you waiting for? Through all your games, I've been right at your door, but I'm not waiting anymore.
ryleigh & charlie
J’étais acculé, sans moyen de repli autre que l’attaque. J’avais l’impression d’être un requin-tigre, incapable d’avancer qui n’avait d’autre solution que la destruction comme seule arme dans la quête de sa survie. J’étais mordant, piquant, blessant, mentant honteusement à la face du monde, à Ryleigh, à moi-même. Sans réellement savoir si j’étais capable de vivre sans l’avoir à mes côtés (refusant catégoriquement de me poser la question de peur de devoir affronter la réponse), je décidais de mettre fin à cette mascarade qui avait commencé neuf ans plus tôt. C’était la deuxième fois de ma vie que je décidais de couper les ponts avec elle et je mettais toute ma volonté pour faire en sorte que ça soit la dernière parce que j’étais certain que je n’aurais pas la force de le faire une seule fois de plus. Mes mots la heurtaient alors qu’elle lâchait un « Pardon ? » presque une octave trop haut. Mais je n’en démordais, je continuais, tranchant, brutal. « Ok. » soufflait-elle face à mon pire mensonge, celui osant clamer que je n’éprouvais plus rien pour elle. Et c’était la première fois de ma vie que j’avais face à moi une Ryleigh aussi silencieuse, une Ryleigh qui ne contrait pas mes arguments un à un avec des tirades dont seule elle avait le secret. Et je saisissais cette opportunité pour m’enfoncer un peu plus, pour atteindre le but que je m’étais fixé, enterrant tout espoir de nous voir un jour reformer ce "nous" que nous avions été pendant dix-huit longues années. Je lui balançais à la figure que c’était terminé, que j’avais pris ma décision, qu’il n’y avait plus la moindre chance de me détourner de ce que je voulais (ou de ce que je prétendais vouloir pour être exact). « Pourquoi je suis là alors ? » demandait-elle avec une lassitude qui ne pouvait que faire écho à la mienne. « Parce que je voulais te le dire en face. » avais-je simplement répondu d’une voix monocorde. « Et pouvoir éventuellement te laisser l’opportunité de t’expliquer. » Mais elle avait loupé le coche, manqué l’occasion que je lui avais pourtant servie sur un plateau d’argent, accompagnée d’une soupe à la grimace à la lueur de mon attitude revêche et de mes propos offensants. J’avais finalement assené le coup de grâce, qualifiant notre relation de pas assez méritante, pas assez précieuse pour justifier l’acharnement que nous y mettions pourtant tous les deux depuis tant d’années. « Une relation dont tu estimes qu'elle n'en vaut pas la peine. » Les trémolos dans sa voix ne m’échappaient pas, pas plus que ses micro-expressions qui seraient passées inaperçues face à quelqu’un qui ne la connaissait pas suffisamment, pas comme moi. Son regard brillant me sautait aux yeux, remuant en moi des émotions que je me refusais de ressentir. Il n’était pas question de flancher, de déposer les armes si facilement. « Si t'en as vraiment rien à foutre de moi, s'il n'y a vraiment rien que je puisse dire ou faire qui te donnera envie d'être dans ma vie, alors va-t'en et je te promets que je ne chercherai pas à te retenir. » Et ce furent ces mots qui me heurtèrent plus que son attitude. Parce que d’aussi loin que je me souvenais, jamais Ryleigh ne s’était avouée vaincue. C’était ce qui composait une partie du charme de sa personnalité : son esprit combatif qui n’avait d’égal que sa détermination. C’était la destruction que j’avais cherché et je venais de l’obtenir. Elle m’accordait la liberté que je lui avais tant réclamé. Et pourtant je ne me sentais pas satisfait pour le moins du monde. Mes entrailles se tordaient, ma gorge se nouait, mon esprit s’embrumait quand je la voyais essuyer du dos de sa main une larme qui était venue perler au coin de son œil. Et cette vision me déchirait. Me battre contre Ryleigh était une entreprise vaine et masochiste car chaque coup que je lui infligeais, était un coup que je me portais à moi-même. Alors que j’aurai dû jubiler, savourer ma victoire face à l’annihilation de mon adversaire de toujours, c’était un vide immense qui se logeait au creux de ma poitrine. Parce que je la connaissais suffisamment pour savoir que cette larme qu’elle avait laissé transparaître n’était pas une tentative désespérée de manipulation mais le reflet des dommages que je venais de lui administrer. J’étais cloué sur place, comme souvent face à elle, prenant conscience peu à peu des dégâts que je venais de provoquer. J’étais incapable de me positionner face à ceux-ci, partagé, divisé entre l’envie de fuir ce spectacle désolant pour embrasser ma liberté retrouvée et le besoin de rester à ses côtés encore un peu, victime de cette attraction magnétique qu’elle continuait d’exercer sur moi, comme si elle était le nord de ma boussole, le phare au milieu de la tempête de ma vie. « Charlie, comment ça se fait que je sois la seule personne pour qui tu n'es pas foutu de te battre ? » venait-elle briser le silence pesant qui régnait entre nous. Je soupirais, lourdement, me prenant la tête dans la main droite, exprimant toute ma lassitude. J’avais fini par relever le regard vers elle, cherchant le sien sans parvenir à réellement le trouver. J’étais alors venu tendre la main vers son visage, déposant mes doigts sous son menton pour la forcer à me regarder, initiant le premier contact physique entre nous depuis presque dix ans. Et aussitôt ce contact me brûlait, m’électrisait, me renversant autant qu’il me bouleversait. J’avais l’impression que chacune de mes terminaisons nerveuses venait de prendre feu, pourtant je maintenais son menton avec douceur. « J’ai l’impression de m’être battu toute ma vie pour et contre toi, Ryleigh. » L’amertume était palpable dans ma voix, contrebalancée par un calme qui sortait de je ne savais trop où. C’était la triste réalité. Notre existence était une succession de combats l’un contre l’autre ou tous deux contre nos parents et cet avenir qu’ils nous avaient imposé avant de devenir un combat personnel contre les sentiments que j’avais développé bien malgré moi pour elle, pour essayer de les taire, de les faire disparaitre avant de devoir me battre pour maintenir une distance entre nous, cette rupture qui se profilait à l’horizon comme ma seule issue pour échapper à la torture que c’était de l’aimer sans que cela ne soit réciproque. « Et je suis fatigué. Parce que me battre contre toi, c’est me battre contre moi et ça n’a aucun sens. » De nouveau je soupirais, avec résignation. « La seule fois où j’ai décidé que j’en avais fini de tout ça, c’est le jour où je t’ai dit que je t’aimais. » C’était la toute première fois que je prononçais ce mot face à elle, ce mot qui résonnait étrangement à mes oreilles, qui me glaçait le sang, qui me braquait, me faisait perdre tous mes moyens. « Et quand on voit ce que ça a donné… » Ca avait été pire que tout ensuite, pire que de devoir faire comme si je ne l’aimais pas plus qu’une amie, qu’une sœur ou qu’une cousine. « On est peut-être bons qu’à ça : se battre. Et la seule solution qui m’apparait, c’est l’abandon pur et simple. » Je parlais là à cœur ouvert, la voix presque douce, bien que teintée de regrets et d’une résignation évidente. Parce que rester avec elle signifiait retomber amoureux d’elle comme au premier jour (si tant est qu’un jour mes sentiments aient diminués, ce dont je doutais sincèrement mais sans vouloir le reconnaître).
« Parce que je voulais te le dire en face. » Menteur, songe-t-elle. Ce n'est pas le but de ce passage à tabac verbal en bonne et due forme. Charlie ne cherche pas à lui dire les choses en face, il veut juste constater les dégâts qu'il fait, estimer jusqu'où il doit pousser pour la mener à son point de rupture, il veut voir la flamme de sa détermination tressauter et s'éteindre. Si elle est là, à l'écouter la démolir sans aucune retenue c'est pour satisfaire un besoin sadique qu'il a de s'assurer qu'elle ne l'affrontera plus. Cette réalisation n'est pas agréable, mais elle n'arrive pas à la cheville de la douleur causée par les mots qu'il prononce de toute façon. « Et pouvoir éventuellement te laisser l’opportunité de t’expliquer. » fait-il toujours aussi amphigourique, comme si ces quelques mots avaient le pouvoir de tout apaiser. Ryleigh lui en veut de jouer ainsi avec ses sentiments et son esprit, il attend quelque chose, Charlie attend toujours quelque chose, mais il refuse de dire quoi. C'est à elle de se démerder avec le peu d'informations qu'il lui donne. Elle n'a pas été en contact avec lui depuis ce soir de la semaine précédente, parce qu'elle a voulu lui donner un peu d'espace et parce qu'elle sait que Charlie a besoin de temps pour traiter toutes les informations. Le presser davantage n'aurait pas été productif et maintenant qu'elle voit le résultat, elle se dit qu'elle aurait mieux fait de lui mettre un peu de pression sur les épaules au lieu de lui laisser le temps de cogiter et de trouver une autre raison de la détester.« D'expliquer quoi ? » demande-t-elle aussi sincère qu'elle puisse l'être et de la façon la plus inoffensive qu'elle puisse. Ryleigh aimerait que Charlie réalise qu'elle n'a aucune idée de ce dont il parle, parce qu'elle a besoin qu'il coopère s'il attend des excuses d'elle (encore une fois). Il y a une semaine qu'elle a compris que ne pas donner à Charlie ce qu'il veut, ce dont il a besoin, ne les mènerait nulle part et s'il a besoin qu'elle lui présente des excuses ou des explications, Ryleigh est heureuse de les lui donner si elle est en position de le faire, mais pour l'instant, ce n'est tout simplement pas le cas. Parce qu'elle est dans le brouillard de l'incompréhension et dans la buée des sentiments blessés. Un combo dangereux et redoutable que Charlie a su instaurer en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Alors qu'elle encaisse les coups dans la gueule comme une bonne chrétienne, tendant l'autre joue pour se faire battre sans vraiment rechigner, Ryleigh sent les larmes lui monter aux yeux et quand une d'entre elle réussit à percer le masque la réaction de Charlie est déconcertante. Perdue dans l'incertitude de ce qui a finalement réussi à canaliser les émotions de Charlie suffisamment longtemps pour qu'il se montre humain ; ne sachant pas si c'est de la voir aussi ouvertement faible ou si c'est qu'elle lui ait finalement offert une porte de sortie qu'il hésite à prendre, trop effrayé qu'il est de savoir ce que serait la vie sans Ryleigh pour lui courir après, la jeune femme laisse son regard être bercé par la foule qui passe. Les gens ont l'air heureux et ça creuse un vide dans son estomac encore plus grand de savoir qu'elle ne pourra jamais jouir d'un tel privilège, ils sont insouciants aussi, complètement inconscients du fait qu'à quelques mètres d'eux, une jeune femme voit son univers tomber en lambeaux. Ce n'est que lorsqu'une déflagration se produit sous son menton que Ryleigh retrouve un appui sur la réalité de leur conversation. Un instant avant qu'elle comprenne que c'est lui qui la touche, elle appuie son menton dans la pomme de sa main, signe d'abandon. Une seconde trop tard elle réalise ce qu'il se passe et c'est comme un coup de ceinture qui lèche son dos laissant dans son sillage une sensation de brûlure dans son égo. « J’ai l’impression de m’être battu toute ma vie pour et contre toi, Ryleigh. » confie-t-il amer, ce qui n'apaise en rien l'état de désœuvrement total dans lequel est l'Egerton. Elle ouvre la bouche prête à répondre, mais ne sait pas quoi dire. Une seconde passe et puis elle tente, incertaine et la voix encore fluette : « Tu t'es battu avec moi, contre moi. Mais jamais pour moi, la seule fois où tu as pris les armes, je t'ai désarmé en un coup et n'ai plus eu de nouvelles pendant des années. » Ce n'est même pas une accusation, elle est trop faible, presque friable, pour se lancer dans une plaidoirie et jouer les avocates de la défense. Ce n'est que la vérité ou du moins sa vérité. Elle n'a même plus la force de lui en vouloir de l'abandonner, elle veut juste qu'il ait la force de reprendre le combat pour elle... pour eux. Qu'il réaffirme son droit de naissance sur son cœur et son corps. Ryleigh est perdue mais elle sait que Charlie n'en a pas fini avec elle, pas totalement. Après tout, il aurait pu partir quand elle le lui a proposé il y a quelques secondes et au lieu de ça, il est là, en face d'elle, il vient d'initier un contact physique entre eux alors qu'il ne l'a pas fait depuis ce fameux jour de 2008 et maintenant qu'elle tient sa main du bout des doigts, il n'a pas encore éprouvé le besoin de la retirer. « Et je suis fatigué. Parce que me battre contre toi, c’est me battre contre moi et ça n’a aucun sens. » Se battre contre lui. C'est peut-être la première fois depuis qu'ils ont repris contact qu'il admet qu'elle fait partie de lui. Si Ryleigh n'avait pas le cœur à pleurer et l'âme à mourir, elle trouverait probablement une seconde pour être heureuse qu'il admette qu'elle a encore une place dans son cœur et son histoire. « Alors arrête. » de se battre contre elle, s'entend. « La seule fois où j’ai décidé que j’en avais fini de tout ça, c’est le jour où je t’ai dit que je t’aimais. » continue-t-il et Ryleigh a un mouvement de retrait qu'un aveugle n'aurait pas été capable de manquer. Elle a rompu le contact physique, rompu le contact visuel, rompu tout contact avec la réalité. Charlie, son Charlie, celui qui n'a jamais été qu'un rêve, vient de lui dire qu'il l'avait aimé. Elle avait compris à l'époque, qu'il avait des sentiments pour elle, elle avait compris qu'il pensait aussi pouvoir avoir une relation avec elle. Mais jamais il ne lui avait dit quoi que ce soit de cette ampleur. S'il lui avait dit ces mots, elle aurait abandonné tout combat dix ans plus tôt, elle n'en aurait eu que faire du mec qu'elle voyait et ils auraient pu avoir une relation. Ce n'est pas de l'amertume envers Charlie qu'elle ressent, c'est de l'amertume envers sa vie. Tout aurait pu être tellement différent si une conversation n'avait pas tourné comme elle l'avait fait. Il reprend : « Et quand on voit ce que ça a donné… » La gifle est d'autant plus surprenante qu'elle est apparemment involontaire. Charlie n'est pas en train d'essayer de la blesser mais il lui assène des coups même sans le vouloir. « On est peut-être bons qu’à ça : se battre. Et la seule solution qui m’apparait, c’est l’abandon pur et simple. » Un autre uppercut et Ryleigh s'estime heureuse de ne pas être debout, quel spectacle offrirait-elle au monde si elle titubait à chacun de ses mots ? « Tu ne m'as jamais dit que tu m'aimais, tu as dit que « ça pourrait marcher entre nous ». » note-t-elle perdue dans une mer de nuages porteurs d'orage, incapable de naviguer les eaux troubles parce qu'il est son phare et qu'il semble éteint par la conversation et les aveux qu'il vient de lui faire. « Y'a une autre solution... » fait-elle, pas sûre qu'il veuille l'entendre, pas sûre non plus de vouloir le dire et encore moins sûre d'être capable de s'exposer à ce point à ce qu'il la détruise.
What a pretty disaster you are my lovely one. All laid out in shambles and calling for rescuing. Well I've heard it all before, I'm tired of trying more. What a shame. What were you waiting for? Through all your games, I've been right at your door, but I'm not waiting anymore.
ryleigh & charlie
Et sans que je l’aie vu venir, sans même avoir osé l’espérer réellement, j’observais de mes yeux incrédules Ryleigh qui déposait les armes à mes pieds, me livrant sur un plateau d’argent la liberté que j’étais venu lui prendre de force. Et je ne parvenais pas à en croire mes oreilles. Elle était la seule personne qui avait toujours réussi à me tenir tête avec une volonté et une force qui lui étaient propres, ne se laissant pas impressionner par mes grands airs et mes répliques cinglantes, bien au contraire. Si je savais mes mots durs, mes propos pénibles à entendre et leurs conséquences difficiles à entrevoir, je n’avais pas pensé qu’ils la toucheraient avec cette efficacité et cette profondeur. C’était avec effroi que j’observais les dégâts que j’avais moi-même causé : la détermination de Ryleigh à vouloir faire partie de ma vie qui s’effondrait en face de moi. « D'expliquer quoi ? » demandait-elle et après un soupir j’avais daigné répondre : « Les foutues motivations qui t’ont poussé à m’offrir cette montre. » Et je savais qu’elle comprendrait sans peine que ce n’était pas l’objet en lui-même ni même son prix qui me posaient soucis mais l’inscription qui se trouvait sur son dos et la signification qui résidait derrière. Mais le temps des explications était terminé selon moi et j’avais continué ma vendetta, l’accablant un peu plus si c’était encore possible. Et je remarquais le poids de mes mots rien qu’en observant ses traits qui révélaient bien malgré elle le désarroi qui était le sien. Je pouvais sentir l’émotion dans ses yeux dont cette larme était la preuve tangible et irréfutable. Et ce spectacle me broyait le cœur, me déchirait comme toujours lorsqu’il était question de l’anglaise qui faisait sans cesse ressortir une dualité en moi : l’envie urgente de la fuir et le besoin irrépressible de l’avoir à mes côtés. Et aussitôt que j’avais compris que j’avais gagné, dès qu’elle m’avait offert cette liberté que j’avais réclamé, je freinais des quatre fers, ne pouvant me résoudre à prendre la porte de sortie qu’elle me désignait. Aussitôt mes traits s’étaient un peu adoucis, mon regard se neutralisant au profit d’une profonde lassitude et d’une résignation certaine. Cherchant son regard fuyant, j’étais venu soutenir son menton de mes doigts, avec douceur quand ce simple contact physique me chamboulait et sans savoir d’où je le tenais, j’avais la certitude que Ryleigh la sentait également cette électricité qui passait entre nous. Bouleversé par l’émotion que je lisais sur son visage, je me décidais à me livrer un peu, à jouer cartes sur table si cela devait être nous dernière conversation à tout jamais. « Tu t'es battu avec moi, contre moi. Mais jamais pour moi, la seule fois où tu as pris les armes, je t'ai désarmé en un coup et n'ai plus eu de nouvelles pendant des années. » Pour toute réponse, mon regard toujours dans le sien, ma main toujours sous son menton, j’avais haussé les épaules pour reconnaître qu’elle n’avait pas nécessairement tort à ce propos. Je poursuivais en lui avouant l’entreprise vaine qu’était celle de me battre contre elle quand c’était en réalité une lutte acharnée contre moi-même que je devais mener pour remporter ce combat, ce qui ne faisait absolument pas sens selon mon point de vue. « Alors arrête. » soufflait-elle alors qu’un semblant de sourire passait sur mes lèvres. Si seulement les choses étaient si simples, je restais persuadé que nous n’en serions pas là aujourd’hui. Et plutôt que de répondre je poursuivais, prononçant ces trois petits mots qui résumaient tous mes sentiments pour elle et que je n’avais jamais osé laisser passer la barrière de mes lèvres. Et c’est à cet instant-là qu’elle se reculait vivement, retirant son menton et sa main de la mienne. Je la regardais fronçant les sourcils en essayant de décrypter son expression, de comprendre ce qu’il se passait dans sa tête. J’attendais qu’elle dise quelque chose, elle qui ne savait pas souvent rester muette face à mes propos mais rien ne venait, ses lèvres restaient pincées. Ryleigh était perturbée par mes propos au moins autant que j’avais été à les livrer. Et maintenant que ma peau n’était plus en contact avec la sienne, cette brûlure qu’elle provoquait chez moi me manquait terriblement, ajoutant à la confusion de l’instant. Un tas d’émotions contradictoires et incompatibles faisaient rage en moi à présent. Pourtant, je décidais de reprendre la parole pour lui expliquer la fin de mon raisonnement, ce qui me poussait aujourd’hui à arrêter de croire à notre réconciliation et à un avenir commun pour nous. C’était à ce moment-là que l’Egerton semblait se réveiller, m’adressant à nouveau la parole : « Tu ne m'as jamais dit que tu m'aimais, tu as dit que "ça pourrait marcher entre nous". » J’avais levé les yeux au ciel en soupirant lourdement. « Tu sais bien que je ne suis pas du genre à dire facilement ce que je ressens, spécialement ce genre de choses. » C’était des mots dont je mesurais la portée entière, des mots que je réservais à des très rares occasions pour des personnes qui m’étaient particulièrement spéciales. « Mais le message et les sentiments derrières étaient les mêmes. » Passer d’une relation d’amitié stricte à une potentielle relation amoureuse s’était un grand écart à faire et je n’avais pas trouvé le courage nécessaire à l’époque d’oser employer les fameux trois mots dont il était question aujourd’hui. Je pouvais encore sentir le frisson qui parcourait mon échine à l’idée de m’être dévoilé de la sorte. « Y'a une autre solution... » interrompait-elle le cours de mes pensées pour me ramener à l’instant présent. Je la fixais avec un air dubitatif avant de secouer la tête, las : « Tu veux parler de toi et moi essayant de retrouver cette relation qu’on a connu ? Continuer de nous battre comme on le fait depuis presque dix ans ? » C’était la seule autre solution que l’abandon qui m’apparaissait et clairement, elle ne me convenait pas. « Très peu pour moi, je suis fatigué de out ça. » C’était épuisant d’être constamment en guerre contre elle, à devoir lutter contre cette attraction qui nous liait et ce passé beaucoup trop lourd pour être simplement glissé sous le tapis. « Si c’est ça ton autre solution, sans moi. » soufflais-je alors. De toute façon quelle autre solution pouvait-il bien exister ?
« Les foutues motivations qui t’ont poussé à m’offrir cette montre. » dit-il après un soupir qui semble lui coûter plus cher que la Rolex qu'il porte au poignet. Ça lui fait comme un électrochoc à Ryleigh de comprendre que tout ça, c'est à propos de son cadeau. Un cadeau vient de presque dix ans et qu'elle a offert sans vraiment penser qu'il l'ouvrirait ou qu'il en aurait quelque chose à faire. « Tout ça, c'est à cause de la montre ? » demande-t-elle un peu effarée de l’effet qu’un bout de métal aussi travaillé soit-il a pu causer sans qu’elle ne l’ait entendu de cette façon, généralement les choses se déroulent selon ses plans, chaque action a une conséquence inversement proportionnelle qu’elle a pris en compte. La montre a fait l’effet d’une bombe atomique là où Ryleigh avait calculé les dégâts que ferait une bombe de fleurs. Dire que le risque était calculé n’impliquait à l’évidence pas que Ryleigh soit toujours bonne en maths. « Charlie, cette montre c'était ton cadeau pour le Noël 2008... » explique-t-elle, laissant planer la réalisation dans l'air. S'il avait pris une seconde pour vérifier le modèle, il aurait probablement remarqué que celui-ci était une édition limitée qui n'avait pas été en circulation depuis mi-2009, mais ça aurait été trop lui en demander quand il était aveuglé par la colère insensée. Le sujet de la façon dont il exprime ses sentiments revient sur le tapis et Ryleigh se sent impuissante face à l'aveuglement dont elle a été victime elle aussi. « Tu sais bien que je ne suis pas du genre à dire facilement ce que je ressens, spécialement ce genre de choses. » Elle n'a pas vraiment d'excuses, sinon celle d'avoir été sûre qu'il ne partageait pas les sentiments qu'elle éprouvait et qu'elle avait trouvé un moyen de faire taire en sortant avec un mec un peu lambda mais qui avait l'avantage d'être nouveau, distrayant et sans aucun mélodrame attaché à son nom. « Mais le message et les sentiments derrières étaient les mêmes. » Elle encaisse la vérité dans ses mots en silence. Que peut-elle bien répondre à ça ? Histoire de se donner un peu de courage elle sirote une gorgée de son cocktail, c'est aussi une façon de se donner un minimum de contenance -minimum qu'elle a complètement abandonné quand elle a commencé à avoir les larmes aux yeux et qu'elle veut retrouver rapidement-. « Alors c'est ma faute pour n'avoir pas su lire entre les lignes... » conclut-elle dépitée tant par l’implacable vérité que par le fait qu’elle se retrouve encore coupable d’un crime qu’elle ne pensait pas avoir commis. C’est sa vie avec Charlie ces derniers temps, autant qu’elle s’habitue à ne pas gagner des combats qu’elle a perdu il y a dix ans de cela. Si seulement elle avait eu l'intelligence, la clairvoyance et la disponibilité émotionnelle de comprendre ce qu'il voulait lui dire, ils n'en seraient pas là aujourd'hui. Peut-être que ça serait pire, peut-être qu'elle n'aurait pas accepté de tout plaquer pour Brisbane quand Théodora était tombée enceinte et que Charlie l'aurait reniée comme il a renié Maura. Peut-être qu'il lui aurait dit de finir son Master et de venir le rejoindre. Peut-être qu'ils seraient mariés avec des enfants et une vie paisible. Non, cette dernière option semble un peu trop irréaliste ou du moins irréalisable vue la teneur de leur relation aujourd'hui. Quand il évoque leurs options elle se sent obligée de glisser qu'elle voit autre chose que leur séparation nette et définitive. Elle ne pense pas être particulièrement subtile mais apparemment... si. « Tu veux parler de toi et moi essayant de retrouver cette relation qu’on a connu ? Continuer de nous battre comme on le fait depuis presque dix ans ? » fait-il complètement obtus et fermé à l’idée d’élargir son champ de vision au-delà de ce qu’il est capable d'envisager à cet instant précis, sans prendre de recul sur les implications que les décisions qu'ils prennent maintenant peuvent avoir. « On ne se bat que depuis quelques semaines... » note une Ryleigh qui tient à le faire relativiser un peu. Ce n’est pas de sa faute si Charlie a l’impression de se battre depuis dix ans contre un fantôme d’elle qu’il a fantasmé. Ce n’est pas juste et il est temps qu’il accepte qu’elle n’est pas le démon qu’il a décrété qu’elle était pour la simple et bonne raison qu’elle l’a repoussé. « Très peu pour moi, je suis fatigué de tout ça. » C'est un autre pincement au cœur, mais elle commence à être anesthésiée par le caractère définitif des mots de celui qu'elle... aime ? De celui qu'elle a aimé ? De Charlie. Ryleigh prend la réalisation de l'ampleur de ce qu'elle s'apprête à faire en pleine tronche mais elle ne flanche pas. Ce n'est pas vraiment une surprise, si elle se montre honnête envers elle-même, que de s'avouer qu'elle a été amoureuse de Charlie en discontinu depuis ses six ans. Bien sûr il y a eu des périodes d'amitiés pures et dures, mais l'aspect inachevé de leur relation n'a jamais permis de mettre un terme à ce sentiment amoureux qui persistait même lorsqu'elle arrivait à ne pas penser à Charlie chaque heure de chaque jour et qu'elle s'abandonnait dans les bras d'un autre. Elle inspire profondément, pleinement conscience qu’elle est sur le point de lâcher la bombe atomique qu’elle a en réserve. Celle qu’elle destinait à un futur plus ou moins proche, un soir où ils auraient eu une conversation à coeur ouvert sans que ça ne se termine en règlement de compte. Si la montre a créé un tel contrecoup, Ryleigh ne peut que trembler à l’idée de ce que sa proposition à venir va causer comme nuage atomique et dégâts dans son sillage. Un mal pour un bien, ou un mal pour un mal. Peut-être qu’elle sera soulagée d’avoir ouvert la bouche, rupture totale avec le travail de retenue qu’elle a pratiqué ces neufs dernières années. « Je veux parler de toi et moi essayant de faire marcher une relation qui aurait pu commencer il y a presque dix ans. » Elle sent le rouge lui monter aux joues comme une enfant prise en flagrant délit et s'empresse d'ajouter, histoire qu'il ne puisse pas lui éclater de rire à la figure. « Je pensais les mots gravés au dos de cette montre il y a dix ans. Je les pense toujours. Je dis pas que ce sera facile, encore moins qu'on ne va pas s'engueuler. Juste que c'est une solution que je préfère mille fois à ne plus t'avoir dans ma vie. » Elle ne sait pas quoi ajouter, l'envie de se terrer au fond d'un trou est beaucoup trop grande pour qu'elle ne daigne bouger. Peut-être que c'est ça qu'il a ressenti il y a dix ans. Cette impression d'être nue face à un peloton d'exécution prêt à tirer.
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ryleigh & charlie
« Tout ça, c'est à cause de la montre ? » s’étonnait-elle, la surprise s’affichant de façon claire et marquée sur ses traits. Et c'était à mon tour d'afficher un air étonné et confus. « Tu pensais que c’était à cause de quoi ? » Elle me prenait de court, me déstabilisant dans l’instant. Je voulais bien croire que je n’étais pas toujours facile à suivre, mais il me semblait évident que c’était bel et bien ce cadeau empoisonné qu’elle m’avait offert qui avait mis le feu aux poudres. Et alors que je ne les attendais plus, Ryleigh se décidait à me livrer ces explications que j’étais presque venu chercher en premier lieu : « Charlie, cette montre c'était ton cadeau pour le Noël 2008... » Je fronçais les sourcils à cette information, cherchant à assimiler cette donnée et à comprendre ce que cela impliquait au regard de notre relation d’aujourd’hui. « Noël 2008 ? » lui demandais-je, le visage toujours aussi inexpressif quand mon cerveau fonctionnait à toute vitesse. Ce fameux Noël où elle m’avait subtilisé un de mes hoodies Oxford, ce Noël où j’avais déserté la demeure familiale en apprenant qu’elle prévoyait de venir nous honorer de sa présence, le premier Noël après ce triste épisode à mon entrée à Oxford. « Oh. » soufflais-je, prenant doucement conscience de la réalité des faits mais encore trop surpris pour réussir à former des paroles cohérentes, la confusion la plus totale régnant entre mes deux oreilles. De toute façon, le cours de la conversation ne me laissait pas véritablement le temps de m’exprimer davantage à ce sujet quand j’en étais venu à mes révélations et que Ryleigh avait jugé bon de souligner que jamais je ne lui avais clairement dit que je l’aimais. Et j’étais venu argumenter que les déclarations d’affection n’avaient jamais été mon fort, sans pour autant que les sentiments ne soient pas réels. « Alors c'est ma faute pour n'avoir pas su lire entre les lignes... » De nouveau, l’anglaise m’étonnait, décidant de reconnaître des torts que je n’étais pas certain de pouvoir faire entièrement reposer sur ses frêles épaules la responsabilité de notre situation actuelle. Je savais, au fond, que mon manque évident de capacité à communiquer de façon claire lorsque cela me touchait profondément, était un obstacle à mes relations, qu’aussi bien puisse-t-elle me connaître, elle ne pouvait pas lire au fond de mes yeux tout ce que je lui taisais et encore moins ce que je refusais de lui avouer avec tant d’acharnement. Pourtant, je ne parvenais pas à ouvrir la bouche pour lui répondre que ce n’était pas entièrement sa faute. Cette conversation commençait à prendre un tournant que je ne lui aurais jamais imaginé et c’était suffisant pour me faire perdre toute contenance. Et alors que j’étais venu néanmoins ajouter que cela ne changeait rien à l’impasse dans laquelle nous étions, elle avait évoqué une solution que je ne parvenais pas à entrevoir, incapable de m’imaginer reprendre le combat avec elle après autant d’années à me battre contre mes sentiments pour elle. « On ne se bat que depuis quelques semaines... » soupirait-elle, cherchant visiblement à me tirer du pessimisme et du fatalisme évidents dans lesquels je m’enfermais depuis que j’avais découvert la montre qu’elle m’avait offerte une semaine auparavant. Je lui avais alors demandé d’éclairer ses propos, incapable de voir où elle souhaitait en venir. « Je veux parler de toi et moi essayant de faire marcher une relation qui aurait pu commencer il y a presque dix ans. » J’avais relevé le regard pour croiser le sien, chercher au fond de ses yeux ce qu’elle essayait de me dire et que mon cerveau refusait de comprendre. Et devinant mon trouble sans la moindre difficulté, réussissant visiblement à lire en moi comme dans un livre ouvert maintenant que j’avais abandonné ce masque d’impassibilité, elle ajoutait : « Je pensais les mots gravés au dos de cette montre il y a dix ans. Je les pense toujours. Je dis pas que ce sera facile, encore moins qu'on ne va pas s'engueuler. Juste que c'est une solution que je préfère mille fois à ne plus t'avoir dans ma vie. » Je restais hébété, les yeux grands ouverts tel le merlan frit moyen, à la regarder, mes pupilles oscillants entre les siennes à toute vitesse. J’ouvrais la bouche un instant sur le point de dire quelque chose avant de me raviser, pour recommencer ce petite manège plusieurs fois, pour finalement retrouver l’usage de ma voix : « Tu veux dire… » Je ne parvenais même pas à verbaliser l’idée qui germait dans mon esprit, un projet d’avenir que j’avais cru avorté, enterré à tout jamais et qui reprenait soudainement vie. « Toi et moi ? » Mon discours était haché, saccadé et incohérent à l’image de la confusion la plus totale qui s’était emparée de mes pensées tumultueuses. « Wow. » soufflais-je, m’adossant contre le dossier de ma chaise, prenant le temps de retrouver mes esprits après la gifle que j’avais l’impression de m'être pris face à cette proposition qu’elle me faisait. Ryleigh hantait mes pensées et mes rêves depuis toujours, l’idée d’un avenir à ses côtés ayant longtemps bercé mes nuits avant de devenir un véritable poids à porter quand j’avais compris qu’elle ne ressentait pas la même chose pour moi. C’était un constat que j’avais dû affronter en essuyant son refus et qui était devenu ma vérité supposée. Pourtant les déclarations que la brune me faisait aujourd’hui venaient tout remettre en question. Une fois de plus, Ryleigh se faisait une place dans ma vie en envoyant tout valser avec brutalité. Les mots me manquaient, se bousculaient dans mon cerveau sans parvenir à remonter dans ma gorge tout à coup bien serrée. Elle venait de me renverser, de me bouleverser et je n’étais pas capable de faire face au torrent d’émotions qui s’emparait de moi avec ma désinvolture habituelle. « Je… J’ai besoin de réfléchir. » murmurais-je à peine du bout des lèvres, mon regard ne parvenant pas à se décrocher de celui de la brune qui continuait de me fixer de ses iris bleutées qui me transperçaient comme nulles autres. Et sans trop savoir ce qui me prenait, incapable de prononcer le moindre mot de plus, ma main était venue se poser sur la sienne sur la table. A nouveau ce simple contact physique me troublait, un frisson hérissant les cheveux qui se trouvaient à la naissance de ma nuque alors que mes doigts courraient sur le dos de la main de l’anglaise, effleurant à peine sa peau. Et alors que j’étais resté comme ça, à la fixer, lèvres pincées, cœur battant, sans rien dire, je trouvais finalement la force d’articuler quelques mots pour la rassurer, parce que je savais ce que c’était que d’être à sa place : « J’en ai envie, ne te méprends pas. Je… C’est beaucoup à encaisser. » Comme toujours, Ryleigh exacerbait chaque émotion que je pouvais ressentir, me faisant traverser sans le moindre remords des ascenseurs émotionnels auxquels j’étais tout simplement allergique. Et l’être raisonné que j'étais, plus souvent poussé par sa raison que ses impulsions, ne parvenait pas à se jeter à corps perdu sans prendre le temps d’analyser un minimum la situation, pas après l’échec cuisant de ma première tentative neufs ans plus tôt.
« Tu pensais que c’était à cause de quoi ? » En guise de réponse elle se contente de hausser les épaules, avouant être complètement dans le noir. C'est le problème avec les Hazard-Perry, ils ne communiquent qu'au moment où ils explosent et laissent dans leur passage des gens médusés par la tempête qui vient de détruire leur maison et emporter leur voiture. Ryleigh n'a pas caché qu'elle ne comprenait pas de quoi il parlait depuis le début mais ce n'est que maintenant qu'il commence à la croire. Charlie est intelligent, il comprend toujours tout quand ça la concerne, il lui faut juste du temps pour mettre de côté son égo et sa vision du monde pour accepter de laisser une place à celle de Ryleigh. « Noël 2008 ? » il semble avoir une révélation, comme un moment de clarté au milieu d'une nuit noire qui lui éclaire la voie vers un retour à la civilisation. Elle laisse couler, elle n'a pas besoin d'en dire plus, Charlie fera le travail d'élucidation de lui-même elle n'a aucun doute sur ses capacités -une fois qu'il a été mis sur la bonne voie-. Après qu'elle lui ait exposé sa solution, une solution bien plus alléchante si vous voulez son avis, Charlie prend son temps pour former une phrase. On dirait presque qu'il a fait une attaque et qu'il retrouve la parole après des mois d'incapacité à formuler des sons. C'est un peu étrange de le voir dans un tel état de choc. « Tu veux dire… » commence-t-il dubitatif, non, hésitant. « Toi et moi ? » Ryleigh n'ose pas répondre un « duh ! » qui serait malvenu parce qu'elle sait qu'elle a eu plus de temps pour se faire à l'idée mais elle trouve la réaction de Charlie déconcertante. Ce n'est pas comme s'il n'y avait jamais pensé. « Wow. » fait-il, comme si elle lui avait annoncé qu'elle avait gagné le jackpot à la loterie et qu'elle avait racheté l'entreprise familiale. Ce serait un sacré jackpot mais qu'importe, la situation n'appelle pas à une comparaison réaliste. « Je… J’ai besoin de réfléchir. » dit-il, refroidissant un peu les ardeurs d'une Ryleigh qui -d'ordinaire pas aussi optimiste- se voyait déjà repartir main dans la main avec un Charlie déterminé. Faut croire que ce cocktail dont elle n'a pris que deux gorgées est bien plus fort qu'elle ne l'avait cru. « D'accord. » dit-elle avec un petit sourire, pas sûre que cette déclaration soit un rejet voilé ou au contraire une façon pour Charlie de se donner un peu de temps pour que l'idée d'un « eux » ne semble plus idyllique, que le mirage prenne une dose de réalité. « J’en ai envie, ne te méprends pas. Je… C’est beaucoup à encaisser. » Il en a envie. Entendre ces mots sortir de sa bouche suffit à placarder un grand sourire sur le visage de Ryleigh qui a l'impression qu'un poids immense a été levé de ses épaules. « Prend ton temps, mais pas trop, j'ai attendu dix ans, je suis pas à quelques jours près. » dit-elle, se voulant rassurante mais pas sans lui donner une timeline, floue mais existante. Qu'il ne pense pas qu'elle va attendre six mois sans repasser à l'attaque. « Tiens, t'as l'air d'en avoir besoin. » dit-elle en faisant glisser le cocktail qu'elle a commandé au bar en direction de Charlie. Il est pâle comme un linge et un peu d'alcool ne devrait pas lui faire de mal. Tant que ça ne lui redonne pas un regain d'énergie pour se battre. Elle se lève, sans trop se précipiter, rabats les lunettes de soleil sur son visage. Il faut savoir quitter le champ de bataille quand la situation est en sa faveur. « À bientôt. » dit-elle, en posant sa main sur son épaule et en la serrant doucement avant de le laisser contempler l'éventail des possibilités qui s'offrent à lui. Ils sont en bonne voie, en meilleure voie tout du moins et c'est déjà une victoire bien plus grande que celle à laquelle Ryleigh aurait espéré prétendre quand elle a commencé à se faire engueuler pour un crime dont elle n'était pas certaine d'avoir même entendu parler. Bien contre elle, alors qu'elle foule le sol avec élégance, elle accélère le pas comme pour mettre de la distance entre eux avant d'exploser. En dépit d'un sourire aux lèvres qui la fait presque passer pour une de ces surfeuses qui sont toujours au paroxysme de la bonne humeur, Ryleigh lèche encore son égo blessé d'avoir versé une larme. Alors, oui, la larme a été efficace pour ramener Charlie à la réalité du mal qu'il lui faisait, mais ce n'était pas une arme qu'elle trouvait loyale, d'abord parce que c'était prendre Charlie par les sentiments mais aussi parce que c'était un aveu de capitulation totale là où elle n'aurait jamais consentie à se faire laminer aussi clairement. Qu'importe, c'est trop tard maintenant pour la récupérer, ils ont fait des progrès et c'est là tout ce qui compte.