Un mois depuis le nouvel an, et quelques jours de plus. Ambroise n'en est pas revenu au début d'avoir couché avec son meilleur ami. Le réveil au matin du 1er janvier, accompagné d'une légère gueule de bois a été un peu étrange. Il lui avait bien fallu plusieurs minutes pour rassembler ses esprits alors qu'il s'était redressé sur un coude et observait Clément, qui gardait un bras autour de sa taille. Et les souvenirs étaient revenus. Le baiser lors des douze coups de minuit, ce foutu baiser si étrange et unique et parfait. La jalousie de Clément alors qu'Ambroise voulait juste assouvir ses pulsions pour ne pas les reporter sur son ami. Et au final, les rouages s'étaient mis en place. Le comédien désirait cette union des corps tout autant que lui et, enfin, après de très longues semaines à en rêver Ambroise avait touché son fantasme. Bon dieu, ça avait été merveilleux. Mieux qu'il ne l'aurait cru, sûrement parce que Clément et lui voulaient la même chose. C'était bien le plus étonnant pour Bonnie, que le néo-zélandais veuille de lui de cette façon, alors qu'il avait toujours montré une certaine gêne envers les homosexuels, queers, et ce genre de bricole. Il l'accepte certes, mais de là à être totalement à l'aise et même sauter le pas... Ambroise ne l'avait pas vu venir.
Cependant il en avait fortement profité cette nuit-là. Il a été le premier à lui faire découvrir le septième ciel, le premier à parcourir son corps, le premier à entrer en sa possession... Et ils ont remis le couvert encore dans les premières heures du jour. Et le lendemain, si ce n'est une proximité plus grande eux, une intimité silencieuse qui s'était développée, rien n'a changé. Ils n'en ont pas reparlé. Ce n'est pas du genre d'Ambroise de se poser des questions ou d'analyser ses sentiments, loin de là. Du coup, aucun mot n'a été échangé là-dessus. Peut-être des regards, des sourires, des sous-entendus plus prononcés. Car Bonnie n'a pas changé, ses mots sont parfois acerbes, taquins, il reste chieur et cherche la petite bête. Vis-à-vis de Clément, il a gardé la même attitude d'avant leur nuit ensemble. Ils restent meilleurs amis avant tout, même s'il a parfois envie de réitérer l'expérience délicieuse qu'ils ont partagé.
Vis-à-vis du reste du monde aussi Bonnie n'a pas changé, si bien que malgré la reprise des cours il est de sortie ce soir. Ses jambes le démangent et réclament leur dose de danse. Et il ne se fait pas prier. Il aurait bien voulu avoir Clément à ses côtés, cela fait longtemps, sans doute deux ou trois semaines, qu'ils ne se sont pas retrouvés dans une boîte de nuit ou à une soirée. Il est très pris avec son théâtre, la compagnie Northlight. Ils ont toujours du temps pour être ensemble, mais le plus souvent c'est surtout parce qu'ils vivent au même endroit. Et Ambroise peut se montrer collant alors, venant chercher la proximité de son meilleur ami, sur le canapé par exemple. Le néo-zélandais lui manque parfois, mais il comprend aussi que c'est sa passion qui est en jeu, et il n'a pas le droit de lui faire de remarque ; Clément fait déjà des efforts. Pour le reste, Bonnie n'a pas perdu en indépendance et comme par le passé, s'il a décidé de sortir et que son ami est occupé, tant pis, il sortira. Il s'est raccroché à une petite bande de potes de l'université, et il connaît surtout une fille, Jo, et un mec, qu'on surnomme Bold et dont Ambroise n'a jamais pris la peine de retenir le prénom.
La soirée est bien avancée, ils ont pris soin de boire avant de venir, et le lendemain est déjà là. Il est minuit passé de quelques shots lorsqu'il le repère. Grand, sombre, au magnétisme certain. Les traits durs et le regard intense. Pareil, Ambroise ne connait pas son prénom. Il n'en a pas vraiment besoin, ce genre d'aura ne s'oublie pas. Ce n'est pas la première fois qu'ils se croisent non plus, mais il ne le lui a jamais demandé. Cet homme, il l'a d'abord croisé au théâtre, à une représentation où Clément l'avait amené. Bonnie n'avait aucun souvenir de la pièce, car le brun avait tout de suite attiré son attention, assis de l'autre côté de l'allée à deux rangées de lui. Ils ont échangé un long regard en sortant, ni plus, ni moins. C'était il y a environ trois mois. Et Ambroise a revu ces yeux charbons quelques fois depuis, dans des bars gay-friendly ou en boîte, comme ce soir. Lorsque l'homme est venu engager la conversation, au bout de la troisième occurrence, Bonnie ne s'est pas laissé approcher. S'est alors engagé un jeu du chat et de la souris particulièrement jouïssif, qui a déjà duré plusieurs heures, en trois occasions différentes. Ils s'attirent l'un l'autre, mais le plus jeune laisse son aîné mariner, prendre son mal en patience, et parfois il vient le chercher à son tour, tendre une main, faire un pas puis il recule aussi tôt.
Cette nuit ne sera pas différente, Ambroise le décide alors que son regard vert et brillant se bloque enfin dans celui de l'inconnu. Son inconnu, à qui il offre un sourire en coin tout sauf innocent. Ses pensées contaminées par l'alcool se félicitent que Clément ne soit pas de la partie, sinon il aurait ruiné ce jeu d'attirance sans rien y comprendre, car tout ceci n'est que physique. L'australien s'amuse beaucoup trop pour y mettre un terme en fait. Ayant fait comprendre au grand brun qu'il l'avait vu et remarqué, Ambroise se détourne pour rejoindre son cavalier du moment, qui n'a aucune idée de ce qui vient de se passer. Posant ses mains à la taille de l'étudiant, sous son t-shirt blanc, il croit l'avoir gagné. Le pauvre, ici ça n'est pas Bonnie la proie. Jamais.
Emi Burton
Dernière édition par Ambroise MacLeod le Sam 28 Avr 2018 - 23:57, édité 1 fois
Il y a eu Londres. Et toute une vie nocturne jusqu’alors inconnue. Souvent enviée à Moscou et ne laissant qu’un amer sentiment de frustration, l’Angleterre avait été le terrain de l’expérience et de l’accomplissement à tout point de vue. Obligé de taire une homosexualité bien trop dérangeante dans ma Russie natale, la ville Britannique aura permis cette émancipation. D’abord seul, c’est ensuite avec quelques amis que mes soirées s’animaient au rythme des basses et des verres d’alcool. Presque toujours aux côtés de Leena qui n’aurait pour rien au monde raté l’une de ces escapades nocturnes. De simples collègues, ce sont les soirées entreprises ensemble qui ont entre autres contribuées à nous rapprocher avant d’aboutir vers l’amitié que nous partageons aujourd’hui. Une période ivre de rencontres, tout autant amicale que charnelle. Et même si peu adepte de l’enchaînement de conquêtes et pas du genre à me laisser approcher par le premier venu, j’ai toujours aimé les jeux de séduction qui peuvent s’opérer dans ces bars et boîtes. Là où la parole n’est que secondaire et pourrait briser le charme d’un bras effleuré, je n’ai jamais attendu bien longtemps avant que mes regards appuyés ne trouvent un interlocuteur avec du répondant. Un étranger qui se fait familier l’espace d’une nuit. Peut-être deux. Où l’attraction prime sur l’affection sans plus de débats. Une phase de séduction parfois bien plus exaltante que son aboutissement. Parfois, mais pas toujours. Et si Londres a eu son lot de déceptions, certains australiens sur lesquels j’avais jeté mon dévolu n’étaient pas des moindres. Car il peut suffire d’à peine 15 minutes pour étouffer mes espérances de la soirée. Mais ça n’est pas pour me retrouver dans ce genre de situation que j’ai décidé de sortir ce soir. Car s'il y a eu Londres, il y a Brisbane aux soirées tout aussi enivrantes. Et j'ai beau arpenter beaucoup moins souvent les rues de nuit, je n'en suis pas moins joueur. L'expérience n'aura pas essoufflé ce trait. Elle m'aura toutefois rendu sûrement plus exigeant que par le passé, bien que mon exigence ai toujours été affûtée.
C’est donc désireux de mettre toute activité professionnelle de côté que le choix de sortir s’est naturellement présenté à moi. Un planning chargé qui avait été constitué avec Charles au sujet de la création prochaine, une réflexion sur la dramaturgie du texte, ses pistes de représentation et des propositions scéniques que j’ai eu des difficultés à mettre en lumière. Fatigué par les préparations de maquettes dont la présentation ne donne rien de concluant, il était hors de questions d’y passer 1 heure de plus. Modèle achevé ou non. De moins en moins de sortie ces derniers temps autre que celles que mon travail au théâtre ne l'exige, je n'ai pas hésité longtemps avant de me diriger vers la boîte de nuit. Seul. Trop incertain de l’issue de cette soirée pour prévenir Leena et lui proposer une virée. Hésitant encore à rentrer à 1 heure du matin si l'ennui venait à s'installer. Et avec cette volonté certaine de retrouver ce sentiment d'être un inconnu dans la masse, brûlant l'étape d'une conversation pour faire connaissance qu'un bar pourrait exiger. Et même si l'optique de séduire ne me rends pas plus ouvert pour autant, mon tempérament décidé a toujours été un atout dans ce type d'endroits.
C'est assez vite que ma solitude fut comblée par un grand blond, cheveux en bataille, traits fins. Pas particulièrement mon type, c'est son regard en coin qui ne m'avait pas laissé indifférent. Pensant pouvoir étirer le temps par un rapprochement au long de la soirée, tout le charme a été rompu au premier verre échangé. Décevant. Un peu trop sûr de lui et étouffant à mon goût. Car si je ne demande pas une approche subtile qui aurait pour simple effet de me faire rire dans un lieu comme celui-ci, je suis vite lassé d'un homme trop empressé. Et celui-ci a le don de m'avoir lassé particulièrement rapidement. Me retournant, bien décidé à le planter là, je serai parti sans un regret si mon regard n'en avait pas croisé un autre, profond, dense et insondable. Le contact visuel est appuyé et je ne peux réprimer un sourire amusé à celui que me lance ce brun, espiègle dans son habitude de me tenir tête. Car cela doit bien faire quelques mois que ce dernier fait durer ce jeu de regards depuis la première fois que nos chemins se sont croisés. Le même échange silencieux qu' à la sortie d'un spectacle pour lequel j'avais pu me procurer des invitations. Fortement intéressé par le traitement de la lumière comme élément de décor, j'avais beaucoup échangé avec le créateur lumière en fin de représentation. Mais je n'ai que partiellement retenu de quoi il en résultait, le souvenir des yeux verts de ce jeune homme encore imprimé dans mon esprit. Et si j'avais fini par oublier sa figure plaisante, c'était sans compter sur le fait que nous nous recroiserions un mois plus tard. J'ai bien fini par l'aborder, sûr de notre attraction mutuelle. Désireux de partager plus qu'un regard lourd de sous-entendus et même si je lui devinais un fort tempérament, je pensais qu'il m'aurait été plus facile de le faire capituler. Simple constatation mais rares sont ceux qui me tiennent tête. Un caractère qui n’est pas pour me déplaire, à l'origine d'une tension aussi frustrante qu'excitante. Et à le voir se retourner dans les bras de son partenaire, je sais que le jeu n'est pas partie remise. Au contraire. Nous le savons tous deux. Et je ne nierais pas que j'ai vite compris qui avait réellement les cartes en mains. Habitué à mener la danse, ce n'est que rarement que je me retrouve dans cette posture inverse. Et il est encore plus rare de me voir apprécier ce type de situation. Mais il faut croire que le charme de cet étranger à réussi à faire taire mon ego. Et à son sourire sous-titré "attrapes-moi si tu peux", je n'ai pas dis mon dernier mot. Car si je ne doute pas que me faire patienter ainsi n'est pas pour lui déplaire, je ne suis pas lésé pour autant. Plutôt amusé. Têtu sans le laisser paraître.
Décidé à le faire flancher, il faut croire que partir n'est plus dans mes plans de soirée. Arquant un sourcil en direction de sa conquête insouciante, ce n'est que du coin de l’œil que j'aperçois mon blond revenu avec deux verres. Attrapant celui qu'il me tend, je n'ai pas quitté des yeux la véritable raison de ma présence prolongée ici. Assez discret pour ne pas éveiller les soupçons de mon débiteur de boisson, mais suffisamment évocateur pour le concerné. C'est d'un geste que j'entraîne mon partenaire auparavant méprisé sur la piste de danse. Plus proche du jeune brun déjà bien avancé sur la piste. Une distance toutefois suffisamment raisonnable en ce début de soirée. Une nouvelle partie vient de s'engager.
Chaque soirée est différente, pour le meilleur et pour le pire. En sortant à la nuit tombée, Ambroise n’avait pas de trop grands espoirs. Il ne place jamais ses attentes en terme de fin de soirée très haut, il ne s’imagine pas trouver à chaque fois chaussure à son pied. Car ces attentes-là, vis-à-vis du partenaire, sont, elles, très élevées. Comme il a conscience d’être difficile, il ne râle pas lorsqu’aucune personne ne gagne ses faveurs. Il préfère encore s’amuser à flirter et à danser sans rien à la fin, que d’avoir le reste ruiné par quelqu’un de décevant. Il n’aime pas perdre son temps le garçon. D’ailleurs, il a même développé un certain talent pour jauger les personnes sur quelques critères très précis. Trop niais, trop doux, trop sentimental, trop gamin, trop... Trop tout un tas de choses qui, suivant son humeur, peuvent le refroidir aussi bien qu’un seau de glaçon sur la nuque. Cette nuit prend la tournure des fins solitaires. Ambroise a déjà enchaîné quelques partenaires de danse depuis le début, aucun n’ayant réussi à dépasser ce stade. Mais terminer seul ne le dérange pas, il s’amuse à draguer, à donner quelques espoirs pour finalement se détourner lorsqu’il a assez joué. Il lui était déjà arrivé de trouver chaussure à son pied dans cette boîte de nuit gay, mais visiblement, il n’aurait pas cette chance ce soir.
C’est du moins ce qu’il pense avant que son regard ne se pose sur une carrure qu’il reconnait sans peine. Des yeux noirs répondent aux siens, émeraudes, et la musique paraît s’étouffer dans cet instant de recognition. Ambroise arbore un sourire en coin malicieux avant de se détourner de ses boucles brunes, revenant en un pas auprès du jeune homme châtain qui a ses faveurs du moment. Il apprécie chez lui ses yeux bleus, brûlants, et sa façon de danser plus qu’exquise. Mais ça ne suffit pas, surtout pas à présent que l’australien à tout autre chose en tête. D’ailleurs, le jeune homme dont il n’a pas pris la peine de connaître le prénom – chose bien inutile – fait montre d’un excès de confiance qui achève de le descendre dans l’estime de Bonnie. Il le laisse pourtant croire qu’il l’a conquis, en ne repoussant pas les mains placées à même la peau de ses hanches. Le contact aurait pu être électrisant, mais la seule chose qui produit cet effet en ce moment est le regard du grand brun. Comme à chaque fois. Cet homme est hypnotisant, et Ambroise aurait pu sans problème lui accorder son corps pour une nuit d’un simple claquement de doigts de sa part. Mais c’est sans compter sur son caractère, et son intuition qui lui a fait comprendre que cet homme était spécial. Pour faire durer le plaisir de la partie, Bonnie n’a donc jamais cédé à ses avances, les quelques fois précédentes où ils se sont croisés.
La chasse est souvent plus amusante que la capture. Bien que dans ce cas précis, le jeune scientifique doute que la conclusion soit décevante. L’aura de ce brun est particulière ; sauvage, déterminée, passionnée... Comme il les aime à vrai dire. Avec un côté difficile d’accès qu’il apprécie, car cela ne rend la victoire que plus délicieuse. Il n’est pas différent de cela lui-même, difficile à gagner, caractériel, et il aime le challenge. Son partenaire châtain ne lui en offre aucun, par exemple, et si cela pourrait passer avec une autre personne, il n’a rien pour compenser. Même si son corps est attirant, il y a mieux. Il manque l’étincelle, le petit truc en plus, le détail qui fait que Bonnie se décide sur telle ou telle personne. Ce n’est pas si courant que cela, et il lui arrive de passer outre cette étincelle juste pour assouvir une pulsion charnelle. Pourtant, avec la présence de son beau brun, il ne va pas se contenter d’un type lambda. Le jeu est lancé, silencieux, entre leurs regards qui s’emmêlent. Ambroise sait déjà qu’il ne repartira pas avec lui ce soir, ni avec personne d’autre, mais la perspective de la partie entre eux est suffisante pour faire sa soirée.
Cet homme n’est pas du genre à baisser les bras, et, lorsque Bonnie ressent une pointe de relâchement, c’est à son tour de s’approcher, pour mieux s’esquiver ensuite. Un jeu du chat et de la souris qui dure depuis un bon moment déjà. Ce brun est le bon partenaire pour ça, Ambroise aime trop se faire désirer, autant qu’il désire. Il a aussi ce petit plaisir de pouvoir mener la danse. C’est naturel chez lui de contrôler, et même si l’autre en face, comme son châtain, croit avoir le pouvoir décisionnel, il n’en est rien. Bonnie ne s’est jamais laissé totalement aller, personne – sauf Clément – n’a assez sa confiance pour qu’il cède complètement les rênes. Un caractère fort ne suffit pas pour le faire plier, et son beau brun l’a compris, ce qui ne l’empêche pas de continuer à lui tourner autour. C’est assez bon, comme sensation. Qui plus est, ce jeu permet aussi à Ambroise de garder le contrôle de lui-même car il n’aime pas perdre les pédales face à quelqu’un, et il pourrait les perdre facilement face à cet homme. Il détesterait se montrer faible. Pourtant, il a envie de partager son lit, ça n’est pas un secret. L’attraction qu’ils ressentent l’un pour l’autre est puissante... D’où l’intérêt de cette petite chasse. Et puis il est persuadé que ça l’amuse aussi, le brun, de ne pas l’avoir attrapé dans ses filets aussi facilement.
Le brun cette fois-ci ne s’approche pas et garde ses distances, malgré des regards appuyés que Bonnie ne manque pas. Cela dure plusieurs minutes, chacun avec son cavalier du moment. Mentalement pourtant, ils sont complices. Ambroise ne manque pas plusieurs fois, alors qu’il est littéralement collé à son châtain qui est de plus en plus persuadé d’avoir trouvé sa conquête de la nuit, de bloquer ses iris vibrantes dans celles impénétrables du grand brun. Ces échanges le font davantage frissonner que les caresses de son partenaire. Il maintient cette situation un bon moment, se rapprochant au rythme de quelques pas de son but, sans rien laisser paraître. Il ne se lasse pas encore de devoir se contenter de regards, de sourires en coin suggestifs, alors qu’ils se frottent contre d’autres. Il ne peut nier que le voir danser est une vision en soi et, s’il voudrait passer de l’imagination à la réalité, son orgueil l’empêche encore de faire le premier pas. Son compagnon de l’heure se place soudain derrière lui, entamant un rythme plus lascif et beaucoup, beaucoup, plus proche. Si ses intentions n’étaient pas encore claires, elles le sont totalement à présent. Bonnie soupire intérieurement (quoiqu’il n’a aucun remord à se débarrasser de quelqu’un), mais suit le mouvement, car ça lui permet aussi d’avoir une vue très directe sur son brun ténébreux. Le fixant sans honte, il se mord la lèvre inférieure en penchant légèrement la tête sur le côté, offrant son cou délicat aux lèvres de son partenaire. Son regard franc ne laisse aucun doute sur le contenu de ses pensées. D’ailleurs, alors que le coin de ses lèvres remonte en un sourire, sa main droite esquisse un mouvement assez net pour être compris. ‘’Viens. Approche-toi.’’
C’est sûrement pris d’un regain de confiance à mon invitation sur la piste de danse que mon partenaire du moment s’est fait un peu plus empressant. Sourire aux lèvres, l’agréable sensation de sa main redescendant ma nuque ne me le rend pas plus désirable pour autant. Et les verres auparavant échangés déjà finis, je sais que l’alcool n’est pas pour rien dans la sensation de chaleur qui se répand par vagues dans mon corps. A moins que le regard intense de ce brun n’ai plus d’emprise sur moi que je ne voudrais réellement m’avouer. Car si j’accepte son entêtement à repousser mon désir charnel, je ne me laisserai pas m’y perdre. Bien que je sais l’issue de ce petit jeu entre ses mains, rien ne m’empêche de faire monter le désir à ma façon. En cela, nous sommes à armes égales lui et moi : j’ai moi aussi mes cartes à jouer lorsqu’il s’agit de faire durer ce plaisir. Et ce soir, ce sont des échanges de regards bien plus long que lors des fois précédentes. Bien plus langoureux, le dévorant presque des yeux. Détaillant les lignes de son visage, la finesse de ses lèvres, ses yeux brillants d’un éclat rebel. Comme pris d’une enivrante détermination. Pourtant, j’ai déjà maintes fois eu le plaisir de m’adonner à la contemplation de son charme teinté d’érotisme. Un charme auquel j’ai toujours fini par succomber, et-ce dès notre première rencontre dans l’un des bars du quartier. Et si rares sont les refus que j’ai rencontrés, je ne me serais jamais attendu, la première fois que je l’ai abordé, à ce que la séduction dure encore. Toujours plus intense. Déjà aperçu à deux reprises, c’est lors de notres troisième rencontre que j’aspirais à faire de lui ma prise. Visiblement plus jeune, le prenant déjà pour acquis. Mais si le fort tempérament qui se dégage de lui m’avait d’abord plu, il me donne à présent du fil à retordre. L’air narquois, passant son chemin à mon approche mais non sans un regard en arrière qui n’avait pas manqué d’atteindre autant ma fierté que mon désir inassouvi. Une frustration qui aurait pu se révéler déplaisante si ma persistance à le faire céder n’avait pas alimenter son malin plaisir à me laisser lui tourner autour. A deux doigts d’atteindre mon but, feignant de céder à mes avances que pour mieux se retirer par la suite. Me le faisant apparaître plus désirable encore, exaltant mon naturel obstiné. Mais cette fois, c’est par une approche progressive que j’ai décidé de m’aventurer en terrain de séduction. Séparé l’un de l’autre par des corps dansants au son de la musique, toutefois sous l’emprise d’un magnétisme certains.
Des couples qui se font et se défont, voilà bien le paysage de la piste de danse qui ne désemplit pas. Mais dans cet indicible confusion fiévreuse, je ne sais mes yeux que portés vers ce brun. Les basses qui se font plus lourdes, c’est peu à peu que je me laisse entraîner par la danse dans laquelle m’invite la tête blonde de mon partenaire. Il aurait d’ailleurs très bien pu devenir gênant s’il n’avait pas décidé de se placer dos au brun tant fantasmé. Ne me rapprochant de son corps que pour pouvoir continuer le jeu de regard établi, ma tête au-dessus de son épaule. Fermant de temps à autres les yeux à nos frôlements ponctuels, ne les rouvrant que pour les plonger dans ceux tant convoités qui me font face. La distance initialement établie entre nous réduite de quelques pas. Jouant de son partenaire comme je peux me jouer du mien, mêlant volonté de continuer ce voyeurisme mutuel ou de m’interposer pour y mettre un terme et prendre fin. Et, bien que précédemment amusé de voir sa conquête passer la main sous son t-shirt sans se douter de mon entrée en jeu, la nouvelle approche à laquelle s’adonne celui-ci n’est pas pour me laisser indifférent. En corps à corps l’un contre l’autre, son partenaire ne m’ostruant plus la vue du brun et de sa danse lascive, cette nouvelle vision sensuelle ne provoque pas chez moi ce même détachement. La tête de côté, plus proche encore de son compagnon de soirée, on pourrait le croire à sa merci si ça n’était son regard toujours plus intense planté dans le mien que je prends plaisir à soutenir. C’est maintenant pris d’une vive tension de convoitise se diffusant comme un frisson et parcourant l’échine de mon dos que je réponds à son sourire en coin par un haussement de sourcils. Le jeu de regard déjà bien entamé, il n’y a pas de doute sur le fait que nous partageons le même désir de se rapprocher l’un de l’autre. Et poussés par une attirante attraction, je ne peux que relever son signe clair. Un franc geste de la main comme une invitation à passer à l’étape supérieure dont il ne tient qu’à moi de suivre.
Refrénant l’envie de céder à sa demande, je ne veux pas encore me presser pour le rejoindre au milieu de la piste de danse. Du moins pas directement. Car je ne sais que trop bien qu’à ce jeu là, il n’est pas permis de crier victoire trop rapidement : l’impatience est trop prompte à briser toute tension sensuelle établie. Mais à mon regard animé d’un nouveau feu, il n’y a pas de doutes sur le fait que j’ai bien compris les signaux envoyés par mon inconnu persistant. Profitant de la volonté de mon partenaire de m’entraîner de plus belle au milieu de la nuée, le contact avec d’autres individus est bientôt inéluctable. La tête brune dans mon champs de vision dans un ensemble de danses fiévreuses, de corps se frôlant au rythme des basses, maintenant plus distant d’un blond troublé par ce ballet. Et malgré cette masse confuse, je n’ai pas perdu mon but en tête. Pas après pas, me retournant, le regard toujours aussi ferme, je ne prends même plus la peine de cacher mon attirance au blond que je laisse aux soins d’un autre. Et si je n’aurais aucune peine à écarter le cavalier importun de celui que je regarde à présent avec un désir imperturbable, je m’accorde encore à le laisser à ses bras langoureux. Prenant d’assaut un autre homme que le mouvement général à poussé contre mes hanches, mes yeux brûlants de désir toujours plantés dans les siens teintés d’un vert que la faible luminosité ne parvient pas à me faire oublier. Ma main redescendant le long de ma nuque. Il suffirait d’un geste de mon bras pour frôler le sien.
Ambroise aurait totalement oublié son partenaire si ce dernier n’était pas collé à lui. Son regard est entièrement dévoué à son bel inconnu, son corps danse pour lui et non pour son cavalier, cherchant à l’attirer toujours plus près. Il ne manque pas le rapprochement du blond, et grogne intérieurement, envieux, mais aussi réchauffé par cette vision d’un futur qu’il désire, où il prendrait sa place dans les bras de l’homme aux prunelles charbon. L’australien utilise le châtain sans aucun remord, se joue de lui et de leur position respective pour toujours garder un œil sur le brun qui en fait visiblement de même avec son propre cavalier. En dépit des corps et des mètres qui les séparent, les deux hommes sont dans une bulle pour ainsi dire ; ils ne s’accrochent que l’un à l’autre, se tournent autour, deux aimants qui se cherchent. Leurs pauvres compagnons n’ont encore aucune idée du jeu en place, et celui de Bonnie est persuadé – il le montre par ses gestes – d’avoir gagné. Le jeune étudiant le laisse bien penser ce qu’il veut, ça n’en est que plus amusant pour son caractère manipulateur. Dans une certaine mesure, il accepte même de suivre les directives silencieuses, dont une le satisfait particulièrement. Il se retrouve alors dos à son partenaire, pressé contre son torse et ses hanches, et prend un rythme plus lent et calculé.
Bonnie a une entente particulière de son corps, et à force d’expériences comme il sait les mener, il a compris le pouvoir que son physique possédait. Ce dernier compensait pour son caractère difficile à supporter. Un démon à la gueule d’ange. Un drame dont certains ne s’en sont pas remis, alors qu’il les plantait là au petit matin presque sans un mot, ses pulsions assouvies et son envie de l’autre consommée. Quoiqu’il ne s’embête pas de sentiments, puisqu’il n’a aucun regret à partir aux premiers rayons du soleil, voire avant, il apprécie lorsque les règles sont claires. Tout se passe alors sans problèmes. Et chez son inconnu, il devine la deuxième situation, alors qu’il voit dans les flammes de ses yeux l’effet qu’il produit. Ca n’est qu’un jeu pour eux, une partie de chasse où la proie est futée et coriace... Ou bien elle n’est pas celle qu’on croit.
Ambroise s’offrant davantage à la vue de son brun enivrant, résiste aux désirs brusques que suscite chez lui ce regard de braise. Il continu de s’afficher, sans avancer, sans faire un pas, mais avec un signe de la main parfaitement clair. Il ne cédera pas, du moins pas encore, il est trop tôt et sa fierté est trop grande. Son orgueil parle souvent pour lui. Il souhaite faire plier ce grand brun au visage carré, et en même temps, il ne veut pas. Gagner ou perdre, il ne sait pas quelles sensations il préférera, et c’est une première pour lui. Une certaine peur est justement présente à cause de cela, ce qui fait qu’il met toutes les chances de son côté pour gagner. Mais, ne se laissant pas berner, l’inconnu a aussi des cartes en main, plutôt efficaces ; son charme en est une particulièrement attractive. Et Bonnie se souvient encore de leur premier regard échangé, alors que celui du moment est plus bouillant que de la lave. Dès ces premières secondes où il avait aperçu ces pommettes taillées dans la roche, une partie de lui avait faiblit, une partie qu’il déteste en temps normal ; sa sensibilité. Si son caractère avait été différent, cet homme l’aurait conquis à la première approche, comme il s’était imaginé pouvoir le faire en raison de son jeune âge.
Depuis leurs désirs s’alimentent l’un l’autre, et grandissent dans la frustration mise en place par les refus d’Ambroise. Le beau brun n’a toujours pas abandonné, et sa détermination le ravi plus que de raison. Bonnie le laisse approcher parfois, un peu plus près qu’un regard ou qu’une parole ; des effleurements qu’il calcule, qu’il laisse passer, des caresses qu’il fait semblant de ne pas remarquer. S’il tourne les talons, ça n’est jamais sans un dernier regard plein de sous-entendus. Il prend soin de lui faire garder espoir, tandis qu’il lutte lui-même entre son envie charnelle et son plaisir à continuer ce jeu. (Le deuxième gagne, sans aucun doute, car la conclusion n’en sera que plus époustouflante, il le sait.) Se faire désirer, il adore ça. Et désirer, il adore ça aussi. Il doit avouer que la simple fantaisie d’avoir ces mains sur son corps, en lieu et place de celles du châtain, le fait frémir. Une réaction que son cavalier mésinterprète. Tant pis pour lui.
Suite à son geste très clair, Ambroise arbore un sourire en coin en discernant dans la pénombre entrecoupée de lumières colorées et furieuses le changement chez son inconnu. Le châtain paraît le posséder en tenant son corps contre le sien, alors qu’il glisse ses lèvres le long de son cou. Pourtant l’esprit de Bonnie est focalisé entièrement sur le brun, son regard intense et sensuel. Il se laisse observer et dévorer des yeux, comme il l’avait prévu, ce qui ne fait qu’augmenter sa température corporelle. Ses mouvements se font plus langoureux, invitant, alors qu’il détaille sans en perdre une miette les réactions de son futur amant. Car se voiler la face ne sert à rien, un jour viendra où il ne pourra que céder, ou alors le brun se montrera plus fort pour le conquérir. Ce dernier, d’ailleurs, n’est pas franc à répondre à l’invitation offerte par un signe de la main, mais ça n’est pas pour déplaire à Ambroise. Cet homme est un adversaire idéal, c’est une bataille de volonté, d’égo, alors que leur désir est commun. Leurs caractères obstinés se correspondent bien. Il a compris où l’étudiant voulait en venir, et c’est donc avec une lenteur délibérée que l’inconnu obtempère, empêchant la tension établie de ne pas retomber par ce moyen. Sans se presser, il s’avance au milieu de la piste, se rapprochant de Bonnie, mais toujours avec son cavalier, qu’il finit cependant par abandonner aux bras d’un autre.
Les corps et les basses sont vivantes, la musique est forte et plus soûlante que de l’alcool. L’atmosphère est chaude et sans doute saturée des hormones de tous les danseurs qui se laissent aller au rythme entraînant. Et pourtant, dans cet enchevêtrement, ni l’inconnu ni Ambroise ne se perdent. Le premier réduit la distance entre eux inéluctablement, et le second soutient son regard avec une fermeté flamboyante. Le grand brun est encore plus proche, permettant ainsi à Bonnie de pouvoir le reluquer à son gré, se mordant la lèvre inférieure. Si le châtain n’a pas encore compris qu’il se passe quelque chose entre eux, alors il vraiment stupide, ou aveugle, ou bourré, ou les trois à la fois. De tout façon, il dégagera bientôt et l’étudiant n’aura même pas une pensée pour lui. Il n’en a pas en ce moment même à vrai dire. L’inconnu pourtant se colle contre un autre, si proche que c’en est douloureux. La gravitation exercée par son corps attire imperceptiblement Ambroise, dont les yeux verts se parent d’un voile d’anticipation. La tension entre eux est sûrement au point le plus haut où elle n’a jamais été, et son ventre se tord d’envie. Son souffle se transforme en inspirations profondes.
Bon sang.
L’inconnu fait aussi durer le suspense, il étire le temps. Le savoir si proche enflamme Ambroise, mais il a assez de maîtrise de lui-même pour conserver une attitude presque distance, encore lové dans les bras de son cavalier qui a présent trop bien remarqué l’insistance de son rival. Un sourire de serpent se dessine sur les lèvres du plus jeune alors que son partenaire ressert possessivement son étreinte. Suivant le mouvement, Ambroise porte une main à sa nuque, comme s’il était tombé dans ses filets ; mais son regard toujours vissé dans les iris noires. Dommage pour le châtain, il n’a absolument aucune chance et ce, depuis déjà de très longues minutes. Depuis le début en fait. L’inconnu pourrait facilement le déloger, mais il n’en fait rien et reste encore un moment presser contre un homme que la foule a transporté dans ses bras. Ils sont pourtant si proches... Le partenaire de Bonnie décide alors de faire des siennes et le retourne face à lui, capturant son visage en un mouvement décidé, mais avant que son plan n’arrive à exécution, le petit brun s’échappe tout en finesse. Leurs lèvres n’ont que le temps de s’effleurer, au grand déplaisir de l’autre, qui voit celui qu’il croyait comme acquis s’échapper de son étreinte avec une facilité gracieuse presque improbable vu ce qu’il a bu.
Le sourire d’Ambroise est victorieux et moqueur, enfant orgueilleux qu’il est dans toute sa splendeur, alors qu’il jette un dernier regard à son jouet. Bien vite un corps passe entre eux et les sépare. A point nommer. En se reculant, Bonnie venait de toucher son inconnu, et il fait un autre pas qui le place presque totalement dans son dos. Sa main fine se glisse sur le flanc du brun, y exerçant une légère pression. Il se met sur la pointe des pieds pour atteindre son oreille d’un murmure. « Je t'attends… » Il se détache ensuite de lui, décollant son torse de son dos musclé et retirant sa main, avec un sourire en coin malicieux plaqué sur le visage. Ses yeux verts sont incisifs, ils montrent le désir qu’il a pour lui, pourtant il réinstaure une distance entre eux, de façon à ce que l’homme fasse aussi un pas. Ambroise pourrait s’enfuir aussi bien, mais il vient d’être forcé à avancer devant l’insistance assuré de son ancien cavalier. Il ne peut pas non plus céder totalement, ça n’est pas son genre, pas après tout ce temps passé à se retenir.
Il cèdera. C’est avec cette intime conviction que je m’étais laissé entraîné dans le jeu de séduction lancé dès le premier refus de ce brun à mes avances. Une intime conviction exaltée à chaque fois que nos chemins furent amenés à se croiser au fil des soirées. Comme toujours plus près d’un but qu’il persiste à rendre inatteignable, le voyant s’esquiver dès lors que je le pense enfin flancher. Et si j’avoue m’être fortement trompé en pensant le voir tomber dès notre première rencontre dans mes draps, c’est maintenant bien conscient de ce chassé-croisé que nous nous efforçons tous deux de faire monter le désir chez l’autre. Une question de temps qui rend nos regards brûlants que plus désirables, et qui ont le don d’entretenir chez moi le fantasme d’une nuit à son contact. Et c’est toujours sans savoir si ce désir sera assouvi ou non ce soir que j’obtempère à son signe de la main plus que lourd de sens. Une invitation à quitter mon cavalier, le laissant se perdre au contact d’un corps à corps dansant, soutenant inlassablement le regard d’un brun toujours plus attrayant. Réduisant avec un aplomb certains la distance nous séparant, le souffle plus saccadé à chaque nouveaux pas au sein d’une foule à l’ardeur fébrile où se mêle envie et pulsions.
Sans expérience, c’est bien vite que je me serais dirigé vers cette tentation trop forte de déposer mes mains sur les flancs de cet étranger au goût du jeu partagé. Mais il faut dire que de mon vécu au milieu de soirées londoniennes, je n’ai jamais été du genre à céder le premier. Jouant de ma carrure et de mon naturel impénétrable, c’est souvent que j’ai vu mes prétendants capituler au milieu de regards langoureux. Un jeu de regard pas si différent de celui-ci, si ce n’est qu’actuellement, c’est à moi qu’il est donné le choix d’abdiquer. Mais contenant ma fougue, masquant mon empressement, c’est avec calcul que je laisse un dernier importun masculin nous séparer. Frissonnant à son contact, alimenté par la vision du brun à la place de ce dernier. La tension fiévreuse d’ailleurs alourdie par une proximité presque intenable. La vision du partenaire de mon malicieux inconnu accentuant la cadence de son rythme à son cou source d’une brusque montée de frustration. Et si notre goût pour le jeu n’est plus à démontrer, je vois bien que ce partenaire châtain n’est pas au bout de ses peines. Je décèle à son expression changeante qu’il a enfin décerné ma présence. Il est à présent clair dans son esprit qu’il n’est pas le seul en course pour faire succomber celui qui se trouve dans ses bras : s’il pense avoir l’avantage de la proximité, je me réjouis d’être reconnu comme ce nouveau rival. Et c’est avec un indicible plaisir que je me perds dans la pupille de l’objet de mes désirs.
Pourtant rivé vers celui dont le corps m’est toujours étranger, il a suffit d’un court instant pour rompre ce contact visuel. Arraché de ma contemplation par le passage d’un nouvel individu, je n’ai que le temps d’apercevoir le brun se tourner vers son cavalier bien empressé. Un laps de temps bien court mais dans lequel tout peut être envisageable dans ce type de soirées. Mais, bien que quiconque aurait pu croire la partie déjà finie, je sais de notre désir complice qu’il n’en est rien. Face à mon propre partenaire qui a maintenant remplacé le blond précédent, je n’ai pourtant aucune proximité avec lui si ce n’est le mouvement naturel de la masse à nous serrer l’un contre l’autre. Mon esprit bien trop occupé à chercher un moyen de me retourner.
Un contact. Electrique. Et une sensation de chaleur parcourant mon sang par vagues, faisant se redresser à son passage chaque poils de la surface de ma peau. Mon coeur qui manque un battement comme pour marquer d’un coup ce rapprochement charnel que j’étais dans l’impossibilité de prévoir. Frissonnant sous le coup de la surprise. Frissonnant à la pression de sa main experte, de l’effleurement de son torse contre mon dos, de son souffle si près de mon cou et à ces mots susurrés dans le creux de mon oreille. Ce sont mes yeux qui se ferment comme pour mieux m’emplir de cette sensation nouvelle. Je sais que c’est lui. Les tendons de mes bras qui se crispent à cette proximité si brève : c’est toujours quand le contact est le plus proche que je le vois se retirer. Mu par le même désir, une insatisfaction à la hauteur du contact. Ce n’est que pour le voir s’éclipser avec sa grace agile habituelle, une démarche angélique pour une voix brûlante de désir que je me retourne. Le souvenir de son contact encore sur ma peau. Parcouru d’une vague de chaleur à cette vision, les traits durcis par la volonté accrue de faire de ces lèvres au sourire compétiteur miennes.
Maintenant plus proche, c’est sans remords que je peux détacher mes yeux des siens pour venir détailler les autres parties de son corps. Dessinant les contours de son visage, le déshabillant du regard, avant de regagner le contact de sa pupille habité par une étincelle nouvelle. Cet échange muet ne suffit plus maintenant qu’une toute autre barrière a été franchie. D’autant plus que le châtain n’a pas non plus dit son dernier mot. Bien que je devine avec quel malin plaisir mon inconnu s’est détourné de lui, se faire ainsi distancer n’a pas dû plaire à celui qui pensait en faire sa proie. Mais si j’avais gardé mes distances auparavant, c’est à présent que le terme de rival prend tout son sens. Le souffle rauque, la mâchoire durcit, bien décidé à venir m’interposer entre mon inconnu plus désirable encore et son prétendant. Jouant de mon aplomb naturel, profitant du mouvement engendré par les basses sur la piste de danse pour jouer des coudes avec le châtain. Bien qu’il me serait facile de pousser ce dernier dans les bras d’un autre partenaire, je ne prends pas le peine de porter plus d’intérêt à sa personne que je ne l’estime nécessaire. Plus proche encore de mon étranger fuyant, glissant ma main le long de sa nuque plus comme pour signaler à l’autre que toute nouvelle tentative est vaine plutôt que par excès de zèle de ma part. Le timbre de voix posé, empli d’un désir non contenu. “ Alors comme ça on veut de nouveau se dérober ?” Si la question ne demande pas de réponse nécessaire, le souffle court, elle n’en est pas moins lourde de sens. Car nous savons tous deux qui a réellement les cartes en main à ce jeu là. Et si je ne peux l’empêcher de fuir, il ne peut m’empêcher de revenir le pousser à céder.
La tension monte crescendo ; à chaque rencontre, Ambroise s’approche un peu plus, ou le laisse venir plus prêt. Un ballet mesuré, calculé avec une précision quasi scientifique. Le jeune brun sait se faire désirer, et met absolument tout en pratique pour que le bel inconnu ne perde pas espoir. Car Bonnie n’a pas plus envie de le voir filer qu’il n’a envie de fuir. Et, par chance, cet homme est du même matériel que lui : leur détermination est grande à maintenir leur partie de chasse, et leur orgueil presque tout autant. Ambroise cédera un jour, sans doute bientôt même, il ne se fait pas d’illusion, mais pas encore ce soir, c’est certain. Aucun d’eux ne veut flancher le premier, se montrer faible, mais l’inconnu redouble d’efforts depuis qu’il a compris qu’il ne sera pas aisé d’attraper cette proie. Proie qui se trouve présentement dans les bras d’un autre, trouvant là un substitut médiocre qui est pourtant le support de quelques fantasmes éveillés, alors que son regard vert est fixé sur leur objet.
Ils entretiennent la flamme, pour ainsi dire, rencontre après rencontre. Bonnie espère susciter chez l’homme des envies profondes, à la manière de celles qu’il ressent dès qu’il entre en son périmètre. Cette attraction est inéluctable, leur collision pareillement. Comme deux étoiles qui se tournent autour, attirées par la gravité de l’autre en une danse spatiale, d’une lenteur et d’une vitesse incroyable, nul doute qu’ils exploseront lors de la conclusion. Bonnie n’a jamais connu ça encore, ce besoin bestial d’avoir cette personne-là, ce corps précis, entre ses draps. Il reste un total inconnu pour le jeune étudiant, qui ne connaît que sa carrure, sa voix, et la profondeur de ses yeux. Et cela suffit ; il le veut, et il l’aura, pour une nuit magique. Car quand bien même l’attraction est forte, en se basant sur ses expériences, Ambroise a bien conscience qu’au bout de quelques fois, il finit par se lasser. Sans doute ce gars-là durera plus longtemps que les autres, mais il n’est pas un optimiste de nature à ce sujet. Alors autant en profiter un maximum.
L’homme s’avance, paraissant compter ses pas, suite au geste plus qu’explicite de la main du plus du meneur de jeu. Ce dernier esquisse un sourire en coin satisfait, alors qu’il se laisse un peu plus fondre contre le corps de son partenaire de l’instant qui pense avoir gagné. Tout ça n’est que pour forger l’image érotique qu’il renvoi, car ses yeux ne trompent personne ; il n’a aucun intérêt pour le châtain, son regard entièrement tourné sur son inconnu brun qui s’approche. Encore un peu. Doucement. Assurément. Démontrant une expérience qui fait frémir le plus jeune. Bonnie chauffe, presque littéralement, à mesure que la distance se réduit. La proximité de son inconnu est une torture, et il doit se contrôler pour ne pas gronder de frustration, alors que l’homme se trouve un nouveau cavalier que la foule a poussé contre lui. Et néanmoins, il ne va pas capituler maintenant, il est encore en contrôle, il le laisse approcher comme il le souhaite, mais lui ne compte pas bouger. Il soutient son regard avec autant de fougue, ça n’est pas pour rien, son tempérament est aussi puissant que celui de son inconnu.
C’était cependant sans compter sur le châtain, qui tient le jeune homme fermement entre ses bras, et qui finit par comprendre qu’un rival est apparu. Ça n’est pas trop tôt. Or, cela complique un peu les plans d’Ambroise, dont le regard se trouve arraché à celui de son brun inconnu alors qu’il est forcé de faire face à son partenaire. Ce dernier cherche à l’entraîné dans un baiser féroce, mais ça n’est pas la première fois que Bonnie attise trop les convoitises et se retrouve obligé de se défiler. Son côté charmeur pourrait un jour causé sa perte, mais il aime trop diriger – parfois sans en avoir l’air –, et décider de ses conquêtes. Car sous ses airs angéliques, c’est un petit démon qui se cache. Il ne laisse pas n’importe qui le posséder. C’est tout de même un acte fort, lui qui est si peu tactile en temps normal, qui a besoin de son espace et d’être en confiance pour se laisser aller. En exerçant ce contrôle, cela le rassure profondément. Et il kiffe. Clairement.
Ainsi, il s’échappe de l’étreinte du châtain tel un serpent des serres du rapace. Avec souplesse. Le pauvre garçon n’a eu que le temps d’effleurer ces fines lèvres, avant de le voir disparaître derrière d’autres corps. Contraint de se déplacer en direction de son inconnu, Ambroise met pourtant cela à profit. Il se glisse dans son dos, et dépose une main imprévisible sur son flanc. Le premier contact. Comme s’il allait le perdre aussi facilement dans la foule qui n’a sût les éloigner l’un de l’autre, comme s’il allait abandonner sans au moins une parole avant de disparaître comme Cendrillon à minuit. Se hissant sur la pointe des pieds pour combler la dizaine de centimètres qui les sépare, il peut ainsi murmurer lascivement quelques mots à son oreille. Il sent presque l’électricité traverser son inconnu sous son souffle. Et ça n’est pas dû à son cavalier, qu’il considère à peine.
Mais aussitôt Bonnie est presque hors de portée, gracile. Une barrière a été franchie, un premier contact précisément établi, aussi inattendu que bref. C’est à cette étape qu’ils parviennent souvent, quelques mots et quelques gestes, quelques caresses, parfois une danse, avant que le plus jeune ne s’éloigne et réapparaisse au gré du vent. Mais pas plus loin. Ambroise a conscience qu’au premier baiser, il risque de perdre toute raison, et il l’évite autant qu’il le désire. La proximité le rend déjà fou. Vivement, son inconnu réagit à l’absence dans son dos. Le torse de l’étudiant paraît encore brûler de ce toucher, mais il fait preuve de détachement. Son regard retrouvant avec bonheur et jeu celui de son beau brun, un sourire étire ses lèvres. Malicieux. Il compte comme une victoire l’effet qu’il a eu sur l’homme, et le fait qu’il vienne à présent le chercher. Une bataille, mais il en reste tant d’autres.
Toujours à quelque distance, mais pourtant assez proches pour les désigner comme un couple éphémère, ils se jaugent. Ambroise frémit sous l’intensité de ses yeux ténébreux, et n’hésite pas non plus à étudier les traits de son inconnu, qu’il aime à redécouvrir à chaque fois. La courbure franche de sa mâchoire crispée, ses boucles folles, sa bouche appétissante, ses épaules décidées. Il est indéniable que sa carrure produit quelques effets sur Bonnie, presque frêle en comparaison. Il ne s’imagine que mieux dans ses bras, sous son corps... Et son regard termine sa course là où il l’a débuté ; au fond de son regard. Tous deux ont conscience d’être passé à l’étape suivante, et l’absence de contact les martyrise à présent. Ambroise en veut plus. Plus de cet inconnu, et non du châtain qui revient inopinément à la charge, mais il se fait un grand plaisir de ne pas le calculé. Il le devine à la périphérie de sa vision, mais le laisse tenter de s’imposer face au brun. Plus grand, plus carré, plus imposant, plus charismatique. Le pauvre gars, déjà déçu et frustré sûrement, n’a aucune chance. Et l’inconnu ne prend pas la peine de se battre, sûr de sa domination. Ce qui fait qu’un sourire très amusé orne à présent les lèvres d’Ambroise, c’est presque un esclaffement de rire qui lui échappe. Le châtain est invisible, et bientôt totalement hors de ses pensées.
Mais quelque peu utile sûrement, car l’inconnu, pour s’interposer davantage, s’approche encore du jeune étudiant. En raison de leur différence de taille, il est obligé de relever la tête pour continuer à soutenir son regard, mais cela l’avantage, car son cou se dévoile alors un peu plus. Il tente tant bien que mal de contenir sa réaction lorsqu’une main se pose sur sa nuque, possessive. La zone est sensible (certains diront que tout son corps l’est, mais jeune comme lui, ça n’est guère une surprise), mais il lutte pour ne pas montrer tout le pouvoir que l’inconnu possède. Si la voix du brun est calme, elle n’en est pas moins emplie de désir. A l’écoute de ses mots, Ambroise esquisse un sourire en coin, taquin, se mordant la lèvre inférieure pour notamment rester sur terre et contenir ses pulsions.
Son souffle mime celui de l’homme, plus court, plus profond, alors que, doucement, il pose une main sur son torse. Il lui répond d’abord par un regard scintillant de malice ; qui sait s’il ne s’envolera pas de nouveau. Puis, toujours d’un rythme lascif, il s’empare de la grande main de l’inconnu non occupée sur sa nuque et la place à sa taille. Il ne force rien, il indique, et il constate que le brun se plie à ses demandes silencieuses. Le contact est électrisant, et Bonnie fait disparaître les derniers espaces qui les séparent encore. Au son des basses, il vient coller son corps contre le sien, plus large. Quelques mouvements qui suivent la musique, engendrant des frottements et des caresses bienvenus tandis qu’il ne quitte pas son regard. Il l’affronte presque ainsi, lui montrant qu’il n’a pas peur. De lui, du contact, de cette proximité enivrante. Il se presse encore contre lui, la bouche légèrement entrouverte comme s’il cherchait ses lèvres, mais c’est contre la base de son cou que le fantôme d’un baiser s’échoue. Un nouveau palier.
« Essaye de m’en empêcher... » réplique-t-il d’une voix basse et chaude, le mettant au défi. Il repousse les limites qu’il a lui-même fixées dès le départ, il s’autorise des approches qu’il laisse d’ordinaire à son bel inconnu. Cependant, il pourrait partir dès qu’il le souhaite. Ses mots et son regard le traduisent. Et il le prouve en réinstaurant une séparation, appuyant légèrement sur son torse comme pour le repousser. Tout ça n’est qu’un jeu. Va et vient incessants de vagues indomptables. Il s’éloigne un peu, juste pour appuyer son propos, et pouvoir ainsi plonger ses pupilles émeraudes dans les siennes, noires et profondes. Propices à la noyade. Mais il tient bon, malgré ce parfum masculin, malgré ces mains décidées sur son corps, malgré ces échanges de regard, malgré ce désir grandissant. Il marche sur un fil.
Si le geste affirmé du jeune homme m’avait décidé à réduire la distance nous séparant, telle une barrière indiscernable que seul nos regards aimantés parvenaient à franchir, c’est au contact de son zèle nouveau que je me montre fermement résolu à le faire succomber. Les traits plus tendus à son vif contact, le regard plus pénétrant encore. Avec comme seul but en tête, lui. Lui maintes fois approché, toujours insaisissable. Se faufilant au gré du vent parmi un amas de gens, foule sans visage duquel ne me reste que la vision de sa fine silhouette, aux traits sculptés d’un dernier sourire enjôleur. Contenant mon empressement, calme dans ma démarche, c’est armé d’un désir grandissant à chaque nouveaux pas dans sa direction que je me rapproche. Le reste n’est maintenant plus qu’un décor dans lequel se meuvent des figurants pour lesquels je n’ai plus aucun regard. Et si le châtain n’avait permis de me rendre le brun que plus désirable encore, il n’est maintenant plus question de me préoccuper de lui comme du reste de mes prétendants. Toujours plus attiré par le souvenir des yeux émeraudes de l’inconnu, ses lèvres étirées par un sourire amusé, les traits de sa mâchoire, la finesse de son cou et les lignes de ses bras. Tentation trop vive, c’est sans hésitation aucune que ma main entre en contact avec ce cou qui a bien tôt fait d’être dévoilé. La différence de taille révélant à mes yeux sa peau fine. Écartant par ce geste toute tentative du châtain de revenir dans la course, dans un jeu qui vient de prendre une toute nouvelle ampleur. Sentant sous mes doigts un bref tressaillement contenu de la part de celui dont le regard pourrait bien me faire perdre pieds.
Dangereuse question que celle si fiévreusement prononcée à l’intention de mon brun, son regard autant empli de désir que de malice. Presque une porte ouverte qu’il ne lui resterait plus qu’à emprunter, mettant fin à ce jeu de séduction sensuel et à cette tension charnelle. Une partie de jeu vite éclipsée pour n’en ouvrir une autre qu’à notre prochaine rencontre indubitable. Dans l’attente de le voir presque effectivement se dérober de mon initiative, de ma main fermement déposée sur sa nuque sans toutefois l’y emprisonner. Pourtant, c’est calmement, non sans dénué de sensualité, que le jeune homme prend les devants. M’indiquant le creux de sa taille, se rapprochant inlassablement. Sans qu’aucun de nous deux n’affirme un pouvoir de possession sur l’autre, comme se perdant l’espace de quelques secondes au contact d’une danse fébrile, d’un rythme lascif. Corps contre corps, yeux dans les yeux. Ma carrure englobant la sienne, vibrant de cette proximité soudaine tant attendue. C’est échauffé par son aura sûr de lui que j’ai déjà connue défiante que je me laisse porter par ce prompt contact. Jamais se laissant aller vers l’abandon, comme une lutte perpétuelle de maintenir la distance sans quoi le pas aurait déjà été franchi depuis longtemps. Un souffle, court. Ma respiration entrecoupée à la sensation d’un baiser frôlant mon encolure. Si prestement déposées, si prestement retirées. Ses lèvres. Aire inaccessible que je n’ai pas été le seul à désirer au cour de cette soirée, droit incessible que le châtain précédent n’avait pas hésité à tenter de forcer. Une fois embrassées, je ne donnerai pas long feu des limites imposées. Car il suffit d’une étape pour que le reste de la machine s’emballe. Mais c’est d’un même contrôle affirmé que sa voix résonne en moi, murmure brûlant. Rien n’est jamais à considérer comme acquis et si le jeune brun cède à mes avances, c’est toujours que pour mieux pouvoir se retirer. Mais si je connais les règles muettes que nous nous sommes mutuellement imposées, je suis ce soir beaucoup plus décidé à le faire flancher qu’auparavant.
Ma main sur sa nuque dessinant le contour de son cou, mon regard que plus profondément plongé dans les pupilles dilatées du brun tant fantasmé. Pas de ses caresses frêles du bout des doigts mais empli de cette volonté d’ancrer le souvenir de mon contact sur chaque parcelle de peau parcourue. C’est mon index qui remonte à la base de sa mâchoire tendue par un désir que trop contenu. Il lutte avec la même ferveur que je m’efforce de tester ses propres limites, le regard brûlant d’envie qui me laisse en proie à une sensation de vive chaleur, les battements de mon coeur ralenti par ce jeu grisant. Le posséder tout entier là, maintenant, tout de suite ne m'intéresse pas. Il ne nous a jamais intéressé tous deux, on ne l’a que trop bien compris dès le début. Mais savoir qui craquera le premier, qui laissera la machine s’emballer nous laisse en proie à un enivrement incommensurable. Et c’est le sourire en coin que je franchis une nouvelle barrière, en réponse à sa volonté de me repousser. Tiraillé entre le nouvel éloignement de sa main en appui contre mon torse qui me dit non et ses pupilles dilatées, les tressaillements qui parcourent son corps là où mes mains brûlantes sont posées qui me prient plaintivement de poursuivre mes avances. J’accepte cette mise au défi de le pousser de se rendre à son désir inassouvi, exalté par cette certitude nouvelle : bien que sa force de volonté me tient en tenaille, il ne pourra pas résister éternellement. Alors que la question était celle de savoir si je parviendrais à le faire craquer, il ne fait plus aucun doute que cet instant saura se déclarer. Et les fourmillements qui parcourent mes entrailles avec ardeur ne font qu’ajouter à mon envie de le voir céder cette nuit. De mon index aux frontières de sa mâchoire, c’est mon pouce qui prend le relais pour venir frôler la douceur de sa lèvre inférieure que je suis de mes yeux. Traçant une ligne verticale le long de son menton, continuant mon chemin le long de sa gorge que je sens se mouvoir d’un déglutissement fiévreux pour venir finir ma course à l’encolure du t-shirt qui me coupe l’accès à son torse. Je m’arrête, relevant mon regard, replongeant mes yeux brillants dans les siens. Comme-ci le bourdonnement assourdissement de la musique autour de nous continuait sa course seul et que chacun de nos gestes avaient le pouvoir d’étirer le temps. La respiration lourde, sur le fil du rasoir. Mon autre main ne pouvant se résoudre à esquisser une action. Posée là, excitant les sens, comme une sécurité inutile puisqu’il suffirait d’un geste de la part du si proche étranger pour le voir se volatiliser au milieu de la foule. Mais il suffirait tout autant d’un geste de sa part pour que ma main en suspension, si près de sentir les contours de son torse, vienne à s’y déposer. Lourde. Habile. Brûlante. Réduisant d’un pas assuré la distance rétablie entre nos deux corps. Suffisamment loin pour ne pas encore se toucher. Assez proche pour tout juste se frôler et permettre à ma voix, comme pénétrante, de l’emplir de mes mots “On sait tous les deux qu’il ne tient qu’à toi de m’y prier” Une parole à double tranchant dans ce jeu où je ne l’ai que trop souvent senti s’éclipser d’entre mes bras, détruisant toutes certitudes que quiconque pourrait se forger. Un risque qu’il m’amuse de prendre après m’être longtemps laissé entraîné par l’objet de mes désirs. Car si la frustration est grande, c’est le goût du risque qui alimente notre exaltation mutuelle. Après tout dans ce jeu, nous sommes deux à vouloir voir succomber l’autre.
Le rapprochement était inéluctable, mais il n'en est pas moins merveilleux, électrisant. A cette main sur sa nuque, Ambroise doit contenir son corps. L'inconnu est ferme, décidé, sans pour autant laisser l'empressement gâcher leur ronde si bien huilée, aussi calibrée qu'une horloge, une seconde à la fois, une vibration de quartz qui les attirent l'un et l'autre vers l'objet de leur convoitise. Bonnie, pourtant, bouscule un peu les règles à sa guise, en se montrant plus audacieux ce soir. Une humeur, comme ça, qui n'efface pas la fin prévue, et dont tous deux ont conscience. Il s'envolera encore. Mais d'abord, il veut sentir ses mains sur son corps. Une seule ne lui suffit pas, et s'il a dû lutter contre les frissons provenant de la base de son crâne sous cette poigne déterminée, c'est bien deux fois pire alors qu'il guide l'autre main de son brun à sa taille. Sauf qu'il décide, cette fois-ci, il choisit de la poser là, et ne réprime pas autant de frémissements. Juste pour lui donner un avant-goût physique de ce que ses yeux clament déjà sans vergogne. L'homme provoque chez lui un désir incontenable, que l'australien cherche pourtant à contrôler. Il le distille goûte à goûte, gardant son inconnu sur ses gardes, sur le fil, toujours suffisamment proche.
Et en ce moment précis, il l'est beaucoup. Proche. Le jeu s'est affirmé, plus aucun autre n'aura le privilège d'approcher le jeune étudiant ce soir. Lorsqu'il partira, ça sera une coupure nette, franche, car puisqu'il ne succombera pas au brun, nul autre ne saurait le remplacer. Ils ont toujours été sérieux dans cette chasse, dont le résultat a été décidé dès le premier instant, mais c'est bien le chemin qui, ici, est le vrai plaisir. La chute n'en sera que plus belle. Avec malice, et après avoir instillé ce rapprochement charnel sans pour autant l'imposer, un murmure. L’inconnu le voyait déjà fuir, mais il avance. C’est un défi. D’une voix sourde désir qui porte sur un ronronnement, accompagné d'un fantôme de baiser qui fait tressaillir la peau tendre de sa gorge. Ambroise sourit. Ambroise trésaille pareillement. Ambroise a envie de mordre, mais se retient et replace sa chère distance entre eux. Si l'inconnu l'embrasse, la partie sera terminée, pas sûr cependant que Bonnie se laisse faire, malgré son envie de plus en plus féroce d'atteindre ses lèvres. Cela ne s'arrêtera pas avant qu'il ne l'ait décidé ; soit le brun trouvera l'élément déclencheur de sa perte, soit le plus jeune en aura assez de le faire tourner autour du pot et plongera.
Et il commence tout juste à s'amuser. Chacun a un pouvoir sur l’autre, mais personne ne domine réellement, personne n’impose ou ne possède. L’envoûtement est réciproque, les caractères s’affrontent, s’effritent, s’érodent au rythme langoureux de leurs corps qui se comprennent. Ambroise se laisse un instant porté par la sensualité, se perdant dans le regard sombre comme on souhaite rencontrer le diable. Alors que c’est lui, le petit démon, ici, car à peine sa voix portée qu’il commence à se reculer. La distance n’est pas si grande que ça, mais assez pour les frustrer tout deux. Bonnie tient bon, ancre ses yeux, sûr de lui. S’il ne domine pas, il est au moins en contrôle de lui-même. Le grand brun ne faiblit pas davantage, échauffé par la proximité et le ton de sa voix. Le plus jeune parvient à discerner cette flamme de pure détermination dans son regard, et il aurait dû se retenir de sourire si la main aux frontières de sa nuque n’avait décidé de s’animer. Captivé par les yeux charbons verrouillés dans les sien, il perd pieds, intérieurement. Un peu plus, et il doit se rattraper à cette silhouette plus imposante. Cet homme n’est pas le plus large d’épaule, mais sous son haut on distingue ses muscles dessinés, les pectoraux sur lesquels est posée une main d’Ambroise, et l’aura dégagée par ce type le grandit encore.
Il se sent petit, un instant, et apprécie la sensation furtive avant que son cerveau ne divague. Les doigts sur sa peau le brûlent, enflamme un chemin imaginaire le long de sa mâchoire qu’il serre pour se contenir. Son bas ventre lui fait savoir à quel point c’est bon, mais il ne peut céder sur une simple caresse, quand bien même celle-ci détaille les lignes de son visage, ses lèvres qu’il entrouvre d’un souffle fébrile, son menton, la finesse de son cou troublée par sa pomme d’Adam. Il déglutit difficilement, alors qu’il ne sait même plus respirer. L’inconnu ne l’avait encore jamais touché ainsi, et jamais regardé avec une telle intensité, à faire naître un feu en plein océan. Il le pousse à bout, cherche ses limites avec une précision douloureuse, et Bonnie se montre en peine. Cette envie qu’il lit dans les yeux de l’inconnu l’affaiblit, il s’agit pourtant de le faire flancher. Alors que la main de celui-ci atteint le col de son t-shirt, et y hésite, il est à deux doigts de lui dire de passer en dessous sans plus de manières. Mais se retient de justesse. Un battement de cil, de cœur, et le voilà à nouveau maître. Ambroise ne demande inconsciemment qu’à céder, qu’à rendre les rênes et se laisser porter par le désir qui gronde en lui. Son corps est un traître qui dévoile ses profonds sentiments ; sa peau est hérissée de doux frissons, ses muscles trésaillent sous la pression des mains de l’homme, ses pupilles sont dilatées sous l’envie.
Le temps est arrêté, figé, la musique lointaine et les personnes autour d’eux des masses informes. Des figurants interchangeables. Bonnie n’a d’yeux que pour son bel inconnu. Il rêve déjà de la prochaine fois, où il n’est pas certain de maintenir encore le jeu. Mais ce soir, ce soir sa décision est arrêtée, et le garçon est fort têtu. Toute l’ardeur que mettra le brun à le faire flancher n’aura qu’un effet à retardement. Et pourtant, la tentation est immense. L’homme s’avance, s’approche doucement comme pour ne pas effrayer un animal et garde quelque distance. Assez pour laisser un choix. Au son de sa voix, Ambroise retrouve un sourire en coin sur ses fines lèvres. Un sous-entendu de ce qu'il désire. Et une invitation à nier, à fuir ; l’inconnu ne le prend pas pour acquis, et s’attend d'ores et déjà à le voir disparaître en un songe. Or, il a encore quelques idées en tête, quelques envies qu’il doit écouter s’il ne veut pas tomber dans la folie. Le vide qui les sépare encore est comblé. Taquin. Joueur. Effronté. Son torse vient comme se gonfler au contact de la paume. Il resserre encore sa propre poigne, s'en fichant bien s'il froisse ce qui se trouve en dessous. Il colle son corps au sin, tout son être se moule à son encontre, mais son visage garde la même expression défiante. « Ce n'est pas mon genre... », murmure-t-il, la gorge asses tendue pour faire comprendre sans problème son but imaginaire : les lèvres. Cette bouche qu'il rêve contre son corps mais qu'il ne s'autorise pas, pas plus qu'il ne laisserai passer une tentative de son brun de forcer le passage.
Une fois cette limite passée, la dernière qu'il contrôle encore entièrement, tout changera. Mais ça n'est pas l'heure. Tout vient à point à qui sait attendre, comme précise le dicton. Les deux hommes en sont l'exemple parfait. Contrairement à toute à l'heure, Ambroise maintient le contact. Il baisse la tête, d'abord observant par-dessous ses longs cils le visage taillé à la serpe de son inconnu, avant de dériver sur sa gorge et son torse dissimilé. Sa main s'appuie sur ce dernier, non pour l'éloigner, mais pour imprimer sa marque. Il devine les contours de ses muscles sous le tissus, autant dire qu'il n'y est clairement pas insensible. Il descend ses doigts sur le sternum, puis les abdominaux qu'il examine de son pouce, avec un air presque pensif. « Mais qui sait... » reprend-il en un souffle, retrouvant en une fraction de seconde cette lueur de bataille dans les émeraudes qui lui servent d'iris. Il se recule, un peu, juste de quoi plonger son regard dans le sien. « Il ne tient qu'à toi de m'y inciter... » Un indice, une proposition, une audace, un nouveau signe que la bataille ne sera finie que lorsque Bonnie l'estimera à la hauteur. Enfin, c'est-ce qu'il s'amuse à lui faire croire, puisque tout est déjà convenu en son esprit. Ses plans sont bien en place à présent. Son inconnu s'est déjà montré méritant plus d'une fois, en suivit son jeu, en respectant les règles, non sans cacher un désir furieux qui fait écho au sien. Peut-être qu'Ambroise lèguera une rêne, mais il gardera l'autre fermement. Question de confiance. En attendant ce dénouement, il continu de se mouvoir contre lui au rythme entraînant des basses qu'il rend lascif, il continu de le chercher, il continu de tenter de le pousser à craquer. Il continu de jouer avec le feu.
Une tension grisante à l’intensité croissante, où chaque nouveau geste esquissé sur le corps de l’autre se révèle d’une délectable tentation. Plaisir coupable né d’un jeu sur la durée, à faire gronder le désir inassouvi de l’autre comme contenu en cage. Perdant son contrôle par d’ingouvernables frissons libérés par vagues, témoignage de pulsions inconscientes. Des frémissements qui parviennent jusqu’à ma main ancrée sur la nuque de ce brun dont la force de volonté parvient à contenir cette ébauche de perte de contrôle. Des frémissement presque réprimés. Ne me le rendant que plus désirable encore, mon corps tout entier autant échauffé par le contact de sa peau que par son cran obstiné. Exalté par son audace nouvelle. Lui, saisissant ma main que pour mieux la placer à l’amorce de son dos aux tressaillements cette fois-ci plus intenses. Ses lèvres qui effleurent mon cou, doux murmure de sensualité dont il parvient toujours à si vite me déposséder. Et si je sais qu’il lit dans mes yeux que je ne suis pas insensible à ce contact, il n’aura pas manqué de percevoir la flamme de détermination qui vibre avec hardiesse au coeur de ma pupille.
D’une danse lancinante de laquelle nos corps se meuvent, se comprennent sans pour autant se parler, c’est lui que je désir. Non plus le dévorer simplement du regard, la barrière d’une distance réglementaire depuis un moment déjà transgressée, mais découvrir les parcelles de son corps laissées à découvert mais encore jamais explorées. Avec lenteur. Non sans fermeté. Sans hésitation aucune, décrivant de mes doigts avec une experte subtilité les détails d’un visage depuis si longtemps étudié. Ressentant son souffle chaud d’une bouche entrouverte se diffuser le long de ma main, hérissant les poils de mes avants-bras dénudés. Un souffle parcourant au rythme de sa respiration ardente mes veines saillantes, gorgées de désir. Mes yeux, fermement verrouillés dans les siens, ne pouvant à présent plus se détacher de ses lèvres ciselées. Une irrépressible envie d’y déposer les miennes. De les faire se rencontrer avec une sensuelle ardeur, explosion passionnée de fantasmes tant réfrénés. Pourtant, jouant avec le feu, c’est mon pouce qui continue sa course. Sentant remonter le long de sa colonne vertébrale un courant de frissons électriques auprès de mon autre main, toujours recueillant dans ma paume le creux de sa taille. Prenant plaisir à sentir chaque parcelle de son corps vaciller à ma progression fiévreuse. Percevant les signes de son tiraillement intérieur, à la frontière jouissive de l’abandon. Mon regard suspendu à ses lèvres. Ma main suspendue à son col. Trop tôt encore pour sceller le contact de ma bouche contre la sienne dont je ne saurais dire s’il marquerait le début d’une nuit inépuisable à ses côtés ou la fin d’une soirée à la temporalité si floue. Mu de cette volonté de le voir flancher qui n’aura jamais été aussi ferme, sa résistance ne se sera jamais montrée aussi vive. Et si la précision de mes gestes est d’un calcul calibré, encouragé par la vision de mon brun perdant pieds peu à peu, ma tempérance obstinée pour garder le contrôle n’en est pas moins mise à rude épreuve. Car je sais qu’il suffirait d’une intention trop empressée de ma part pour rompre le charme de cet instant au temps comme arrêté. De ma main interdite qui ne demande qu’à s’aventurer plus bas le long de son torse, retenant mon souffle. Vif pincement au coeur à mon regard de nouveau plongé dans le sien, réduisant un peu plus la distance entre nos deux corps d’une parole prononcée dans un souffle. Conscient que mon emprise n’est ici que de courte durée.
Un sourire sur ses fines lèvres d’une malice provocante en esquisse à mes mots prononcés : mon sous-entendu de toute fuite possible n’est pas passé inaperçu face aux fibres de mon corps me criant d’encore et toujours le retenir. Comme-ci de simples caresses avaient rendu anecdotique la frustration de nos jeux de regard de nos rencontres précédentes. Il a suffit d’une hésitation de ma part pour voir son regard reprendre son éclat d’un jeu dans lequel, nous partageant tour à tour les rênes, aucun de nous deux n’a de totale emprise sur l’autre. Un jeu duquel, le poussant toujours plus à la frontière de la maîtrise de son sang-froid, ses dires ne font que confirmer ce que nous savons déjà tous deux : le défi réside dans le fait de le faire craquer et non dans celui de savoir si je vais m’y aventurer. Retenant mon souffle, c’est mon hésitation qui fait place à sa poigne plus ferme. Une chaleur se répandant d’un coup d’un seul de ma main à son torse à son contact plus aventureux. A présent en proie à cette même tentative fébrile de retenir mon émoi, saisit de tressaillements à l’approche de son corps contre le mien. Comme surpris de cette proximité soudaine. Déjà prêt à le voir se volatiliser parmi une foule sans visage, me laissant comme souvenir son souffle grisant, la mémoire de ses traits fins sous mes doigts et le dernier contact de son torse tout contre le mien.
De cette même main qui me repoussait, la voilà qui se fait tentatrice. Ma mâchoire se crispant au fur et à mesure que sa course se poursuit le long de mon torse, émoussé par le regard évocateur de mon brun. Plus bas encore que ma première bravade, comme continuant la ligne lascive que mon pouce avait auparavant débuté sur ses lèvres. Le bas de mon ventre en proie à d’intenses fourmillements, se contractant impulsivement à cette téméraire initiative. La provocation ne se fait plus muette mais teinte ses paroles d’une insolente effronterie. De nouveau animé par cette lueur de défiance joueuse à mon adresse, si ce n’est qu’à présent il ne tient qu’à moi de faire valoir mon désir. Animé par l’insinuation d’une allusion nouvelle en écho à notre désir commun. Et j’aime à penser que ce soir sera peut-être le terrain de l’assouvissement de nos fantasmes charnels trop longtemps réprimés. Car si rien n’est jamais certains, c’est maintenant empli de cette provocation nouvelle que ma détermination s’affirme. Aussi violente que mon désir.
Son être qui se meut contre le mien dans une danse sensuelle, c’est mon bassin qui accompagne avec lenteur ce rythme fiévreux telle une musique de nos propres corps, lointain écho à celle qui se fait à présent plus enveloppante. Le son des basses étouffant tout bruit environnant à l’exception de la résonance de son souffle mêlé au mien. Mon corps rompant une dernière fois la distance, bientôt tout entier contre le sien. Toujours pudiquement posée sur le fin tissus de son t-shirt, c’est ma main qui entreprend la première d’en franchir la barrière. Réponse directe à sa récente mise au défi, le contact de ma paume sur la peau du creux de sa hanche. Brûlant. Remontant de ma main libre le long de sa nuque, prolongeant son chemin jusque dans la chevelure du brun. Mes lèvres au creux de son oreille, dans un envoûtant murmure. “Si tel est ton désir… Je n’attends que ça” Mes lèvres. Entrouvertes. Si proches de son cou. Précédemment suspendues aux siennes, désirables. A présent désireuses de s’aventurer à son contact. Epris d’un zèle naissant, tentative ultime de le faire céder. Sentant un tressaillement nouveau parcourir sa colonne vertébrale, apposant mes lèvres au creux de cette nuque d’un premier baiser évocateur. Ma main répondant à ce vif tressaillement, remontant à son tour les lignes de ce dos. S’arrêtant à mi-chemin, tout juste à l’origine de ses omoplates. Un deuxième baiser plus marqué à l’amorce de son épaule. Un souffle chaud, fébrile. Ma bouche inscrivant une dernière fois sa présence à l’embouchure de son encolure. Évitant toujours avec soin de me diriger vers les siennes, de lèvres. Luttant pour en retarder le contact. Interdiction muette ne demandant qu’à être brisé. Retenu par cette volonté d’en faire durer le plaisir. Pressentant peut-être l’enjeu que présenterait l’union de ces lèvres en cette soirée. Détachant ma bouche de son cou pour replonger mes yeux brûlants dans les siens.
Tout paraît s’intensifier à l’approche de l’homme. Chaque geste paraît plus lourd, de sous-entendus, d’envie. Chaque regard paraît plus profond, sondant l’autre. Chaque parole paraît plus importante, annonciatrices d’un rapprochement mesuré. La tension entre les deux est presque palpable, s’inspirant de l’atmosphère régnant sur la piste de danse pour donner un éclat encore plus chaud. Erotique. La tentation est aussi plus difficile à gérer, devenant presque une entité à elle seule, contre laquelle Ambroise doit lutter pour ne pas céder complètement les armes et ruiner encore trop vite à son goût le jeu construit depuis longtemps, avec patience. La bête de désir qui gronde en Bonnie s’éveille contact du bel inconnu, sans qu’il ne le veuille réellement. Il laisse quelques bribes lui échapper, parce qu’il est bien incapable de contraire et parce qu’il sait que ce genre d’encouragements de passera pas inaperçu. Une petite récompense pour l’attente, pour faire comprendre que rien n’est encore jouer, pour faire espérer, encore, si le doute persistait. Ambroise va céder, la question est de savoir quand. Et, s’étant décidé, ça ne sera pas ce soir. Mais le ténébreux n’est pas conscient de cela, et redouble déjà d’effort pour assurer sa déchéance ce soir. L’étudiant est bien en peine, mais il tient bon, garde le cap. Malgré des faiblesses de son corps, quelques frissons de trop, il ne perd pas la tête et garde son sang-froid – si on peut utiliser cette expression. Le contrôle est encore sien, la volonté est du bon côté du fil sur lequel il marche.
En face, l’homme sait reconnaître les signaux, les interpréter, et n’en est que plus déterminé, de la même façon qu’il tremble au contact d’un souffle brûlant de sensualité. Il parcoure du bout des doigts le visage d’un plus jeune, qui se laisse porter un court instant. Mais c’est avec contrôle qu’il s’approche de la main voulant s’aventurer sur son torse. Il autorise ce contact prolongé, le franchissement encore plus prononcé de barrières érigées si tôt. Là où la fermeté prend place, ce n’était auparavant qu’effleurement et furtivité. Mais ils ont des marches à grimper, une à une, toujours plus savoureuse que la précédente. Le temps s’étire pour son plus grand plaisir, alors qu’ils apprennent à se connaître physiquement. Et de l’extérieur, on croirait leurs corps déjà en harmonie, quelque chose dans l’aura qui s’accorde. Ils n’ont besoin de mots.
Sa malice ose un dernier coup. Il réduit la distance entre eux, satisfait de la réaction engendrée par ce geste qui pourrait être si simple pour deux autres personnes, mais qui pour eux est porteur de messages. L’inconnu veut le retenir. Ambroise ne demande qu’à être retenu. Un jeu de volontés qui pourrait s’avérer sans fin si l’adversaire n’était pas aussi valeureux. Sa main se pare de hardiesse alors qu’il ne cherche plus à le repousser. Sans pour autant l’attirer à lui, il le marque, détaille à travers le tissu comme si cela était déjà dévoilé à ses yeux avides. Il fantasme. Mais il contrôle. La balle est de nouveau dans son camp, avant qu’elle ne repasse dans l’autre d’ici peu de temps. Un va-et-vient sans domination, les deux joueurs sont égaux. Une seconde à suffit, gagnée grâce à l’audace de Bonnie qui descend ses doigts le long du torse du beau brun, brisant un autre mur. Serpent tentateur. De plus en plus bas. Il suffit d’observer pour voir le corps réagir ; le bas-ventre se contracte, son souffle se raréfie, sa peau s’échauffe. Le petit jeune s’en délecte avec une faim non-dissimulée dans le regard. Cet homme lui fait de l’effet, c’est même peu dire, il est absolument ravi d’avoir la preuve que la réciprocité est présente. Parfaite. Identique. L’inconnu se retrouve à son tour dans la retenue, devant contenir les effervescences produites par les caresses lentes.
Ambroise s’approche, fait disparaître les derniers centimètres d’un vide froid pour frôler, toucher, l’homme dont le regard arrive à le pour captiver une soirée entière. Comme un papillon séduit par la lumière à s’en brûler les ailes, à chaque fois, et ce dès le tout début, il a été attiré comme un aimant. Son seul choix, pour garder les bonnes cartes, a été de repousser la collision, car il ne pouvait l’éviter. Ce soir plus que n’importe quelle autre, cela devient dangereux pour ses plans. Mais son effronterie n’a guère de limite. La provocation touche au but, l’inconnu n’a pas assez de naïveté pour manquer l’indice, y trouvant un surplus de détermination. Son regard flamboie d’un désir dont la seule vision ferait trembler Ambroise. Il y a plus de fermeté, et une certaine violence sensuelle aux gestes suivants. Il n’en attendait pas moins. Il n’attendait que ça. Le rythme change, se modifie, comme une précision. Une danse prophétique, préfigurant les reflets de ce qui finira par se produire entre ces deux êtres liés l’un à l’autre par un désir pur. Le brun est contre lui, l’enveloppant de son souffle, de son odeur, osant à son tour passer cette étape. Sa main, elle aussi, se décide à parcourir des terrains inexplorés en se faufilant sous le t-shirt.
La réponse est immédiate. Une inspiration plus rapide et plus courte que prévu. Un frisson plus fort. Bonnie souhaite un instant, avec une ardeur improbable, qu’il déplace cette foutue paume plus bas, plus devant, plus au centre. Toutes ses entrailles se contractent. La promesse est là. Le désir. L’envie. La première étape de tant d’autres découvertes. Il imagine le moment où ils s’apprendront. Il imagine parcourir ces épaules larges de ses baisers, il imagine que ces mains expertes parcourent... Tout. Il rouvre les yeux, ne s’étant pas rendu compte les avoir fermés, lorsque le regard de l’homme vient à lui manquer. Il y voit ce qu’il cherchait, et ça lui plaît. Une main se glisse dans ses cheveux, gagnant un autre frémissement qui coure librement le long de sa peau. Et il laisse ses paupières se clore légèrement, transporter dans un autre monde à l’entente de cette voix grave qui résonne seulement pour son oreille. L’ensorcellement est parfait. Au point qu’il enregistre à peine ce qui est dit ; une audace de plus, un dernier aveu s’il en est besoin. Un acquiescement. Une compréhension. Bonnie a la soudaine sensation d’être entre de bonnes mains, mais il est trop tôt pour une telle étendue de ce sentiment qui évolue. Il préfère ne pas y penser, et se concentrer sur le reste, tout aussi enivrant. Il devine aussi clairement que s’il le voyait les lèvres à grande proximité de sa tempe, puis de son cou, de sa gorge.
Zone plus que sensible. Peut-être plus compromettante qu’un simple baiser sur les lèvres, mais Ambroise ne le comprend qu’à contre-temps. Un retard, qui lui vaut la faiblesse d’un gémissement. Si léger pourtant que personne ne peut l’avoir entendu, sauf la personne même à l’origine de cet écart. Le premier endroit où se déposent les lèvres corruptrices est allumé d’un feu vif. Si un baiser aurait déchainé les passions des deux côtés, ouvert les portes d’un désir trop longtemps contenu, cet acte est tout autre. Ambroise ressent les vibrations de plaisir jusque dans ses os. Enhardi par les propres mots du plus jeune, l’homme a visé juste. Son obstination payante, sa main remonte le long du dos. S’arrêtant en-dessous des omoplates, d’où part un tressaillement coupable. Ferme, elle maintient l'australien en place, tout juste ce qu’il faut pour qu’il en ai conscience, tout juste assez pour l’émoustiller. Tout juste assez, malheureusement, pour qu’il comprenne qu’il perd du terrain ; sa raison se fait plus silencieuse, et ses envies grondent de plus belle. Et il n’aime guère cela. Pourtant, il est esclave de ses baisers, chaudement déposés dans son cou, à des endroits bien précis. Ses mains se crispent fortement sur le chemise de son inconnu, alors qu’il sert les dents, tentant en vain d’empêcher d’autres bruissements de plaisir provenant de sa gorge lors des deux autres occasions de contact. Il tuerait pour davantage. Mais trois sont suffisants, trois lui font perdre pied, trois rendent fébrile son contrôle. Trois l’approchent de l’abandon.
Il est faible. Et il sait que rien n’échappe à son inconnu. Pas plus qu’il ne manque la question silencieuse, l’autorisation manquante d’accéder à sa bouche, après tout ce temps. Leurs souffles se mêlent de nouveau allégrement alors que l’homme revient chercher son regard. Les émeraudes sont là pour l’accueillir, perturbées dans leur calme ordinaire par ce qui vient de se produire. Il n’a pas la sensation d’un simple flirt, d’être encore en boîte de nuit, entouré d’inconnus. Il n’a pas cette conscience de ce qui l’entoure et qui lui permet, d’habitude, de maîtriser. Il n’a conscience de rien, mis à part du corps contre le sien et du fantôme de ces lèvres, dont les formes accrochent son regard trop longtemps. Il a l’impression de sortir d’une apnée, ou d’un baiser passionné, tant son souffle est haché. Il reprend contenance d’un coup. Son regard se durcit – comme une autre partie de son corps qui n’en avait fait qu’à sa tête, et avait entamé le processus qu’il s’efforçait de stopper. La mâchoire serrée, il se redresse, tout aussi superbe qu’envoûté. « Tu n’aurais pas dû t’arrêter... » La menace est présente. Tout comme la plainte. Il était à si peu de choses de balancer ses résolutions par-dessus son épaule pour leur autoriser ce qu’ils désirent ardemment. Une partie de lui le voulait, cette perte de contrôle, cette défaite. L’autre, celle qui avait pris la parole, était heureuse d’avoir survécu. Les doigts serrés sur la chemise faiblissent, et bientôt les mains sont posées à plat. Bonnie se recule un peu. Il commence.
Mais dans un dernier sursaut, il s’approche du gouffre jusqu’à effleurer les lèvres du brun des siennes, laissant s’y glisser une promesse d’un futur proche. Une demi-seconde, un quart. Le temps de s’abreuver de sa proximité comme d’une dernière bouffée d’oxygène. Qui sait dans combien de temps ils se reverront. Ambroise se rend compte qu’il souhaite la prochaine entrevue le plus tôt possible. Car celle-ci, si l’homme agit de la même façon que ce soir, se conclura d’une meilleure manière. Non sur une douloureuse frustration. Malheureusement pour eux deux, ce soir, la fierté du jeune MacLeod a eu raison du reste. Son désir de ne pas se rendre, de ne pas se laisser posséder, le pousse à s’enfuir. La peur de se laisser aller aussi, de se retrouver brute, dénudé de son contrôle instinctif. Un mélange explosif. Mais derrière lequel reste une vérité. Leur jeu repart pour un chapitre, il s’amusera tout autant, le narguera tout autant, reprendra la partie avec autant d’envie. Son inconnu est si proche du but, un pas de plus... Un petit pas... « La prochaine fois... » souffle Ambroise, murmure presque déjà perdu dans la musique, alors qu’il s’éloigne. Un dernier sourire en coin. Pas trop brutalement, de façon à ne pas les blesser davantage, un peu vainqueur. C’est même avec douceur cette fois-ci, puisqu’il l’annonce, et a même noté le pas de travers. Une douceur qu’il n’a que pour peu de personnes sur cette terre, et qui ne diminue pas le feu qui fait briller ses iris. Il n’oublie pas son but, ses désirs. C’est qu’il n’a pas envie de perdre son inconnu avant de l’avoir savouré comme il se doit.
De nos corps qui se meuvent l’un contre l’autre comme franchisseurs d’une barrière transgressable, de nos regards qui se perdent l’un dans l’autre, de cette atmosphère d’une langueur écrasante emplie de nos souffles fébriles, ce sont mes mains qui recueillent les premiers frémissements de mon inconnu. Dessinant avec un subtil plaisir les traits de son visage, détaillant ses lèvres habituellement si soigneusement évitées. Bien trop tôt pour m’y laisser prendre, tentation à la déchéance repoussée. Une lutte intérieure opposant mon propre désir et ma force de volonté. Faisant s’affronter l’envie de sceller d’un baiser ma bouche contre la sienne et celle d’en garder l’accès intacte. Un temps. Une seconde à peine durant laquelle ma main a stoppé sa course. Court laps de temps sur le fil du rasoir emplie de ce désir croissant, de cette interdiction latente, de l’harmonie effrontée de cette danse. Comme seuls acteurs sur la piste d’une boîte qui ne désemplie pas. Mais le temps n’est plus à la bravade de laquelle lui, investigateur de nouvelles limites, s’efforce de me dédaigner de sa main. De cette même main qui m’a plus tôt fait signe de le suivre, mes pas suivant les siens, son aura me guidant plus loin encore au centre de la boîte. Non plus me rembarrant, voilà cette main qui m’attire, qui s’active. Tracé brûlant, comme embrasant sur son passage les fibres de ma chemise. Pente raide de mon encolure à ma ceinture. Si c’est avec un plaisir non dissimulé que j’ai senti sous ma paume chaque parcelle de son être tressaillir, je vois qu’il n’en est pas des moindres dans le regard de mon étranger. Toujours plongé dans le sien, mes dents serrées ne suffisent plus à maîtriser les signaux que mon corps envoie bien malgré moi. Vive tension de mes entrailles impulsivement émise, coupant court à une respiration déjà bien amoindrie. Les basses qui résonnent lourdement autour de nous ne sont bientôt plus qu’un lointain écho à la pesanteur de ses gestes en conséquence des miens.
De ses doigts agiles qui ont décrit avec tant de volupté les lignes de mon torse, j’aurai bien pu me perdre dans les limbes de mon esprit. Embrumé dans un bouillonnement sourd par son contact affirmé, le feu éclatant de sa pupille brûlant avec malice. Comme une réponse à mon désir ardant aussi ardemment exprimé qui emplit tout mon être. Mais bien loin de faiblir, c’est cet instant de perdition qui achève de dévoiler mes derniers soupçons de contenance. Chaque centimètres nous séparant comblés pas après pas par ma flamme de détermination. Auparavant échauffés par des mains brûlantes de désir, ses doigts réveillant d’irréguliers fourmillements d’une tentative vaine de les contenir, c’est maintenant mon désir qui s’échauffe tout contre le sien. Brut. Intense. S’harmonisant avec ma volonté pour ne former plus qu’une unique voix entièrement dédiée à ce brun. Le souffle plus lourd, autant que ma main se glissant sans pudeur aucune sous les pans de son t-shirt. La réaction de cette ardeur nouvelle ne se fait pas attendre. Contemplant sa résistance s’étioler, s’affranchir de ses muscles par bribes, laissant ses paupières se clore fébrilement en signe d’abandon. Presque prometteur d’une vision nouvelle : ce même visage aux traits détendues par un plaisir innommable dans un autre lieu, cadre bien plus intimiste, nos corps se rencontrant dans une similaire harmonie. Et c’est ce même éclair de bouillonnement que je perçois dans ses yeux, de nouveaux entrouverts que pour mieux se clore. A demi, presque dans un battement subtil alors que mon autre main parcourt librement sa chevelure. Retenant son corps tout contre le mien. Non plus cette fois comme pour l’empêcher de fuir, mais comme soutien de vifs tressaillements anarchiques. Comme soutien d’un premier baiser sous mes lèvres entrouvertes qui parviennent à lui arracher un faible gémissement. Aussi spontané et inattendu que teinté d’un érotisme certains. Fébrile signal m’inclinant à poursuivre mon chemin le long de son cou, m’imprégnant de son odeur, déposant une imperceptible marque ancrée dans sa peau. Me laissant moi aussi m’égarer sous l’emprise de sa main agrippant ma chemise. Empreinte de cette chaleur paradoxale entre fermeté et abandon. Excitant ma détermination de le voir fermement s’abandonner sous mes baisers, le sentir pour la première fois s’en remettre à moi sans résistance aucune comme une conclusion presque palpable d’un jeu entre nos tempéraments obstinés. Le temps comme ralenti en contraste de battements d’un coeur qui marque son accélération, vigoureux dans mon poitrail. C’est mon sang qui s’échauffe dans les moindres parcelles de mon corps. Du bas de mon ventre frémissant à mes lèvres brûlantes d’un deuxième baiser subrepticement déposé sur sa peau. Un second gémissement étouffé, râle sourd vainement contenu du fond de sa gorge qui ne fait que rugir mon désir de plus belle. Et une envie. Subite. Celle d’ôter de ce torse son t-shirt m’en voilant la vue, m’en couvrant le contact alors que ce sont mes lèvres qui se rapprochent dangereusement de l’entrée de son col. Un troisième baiser bien plus intense, bien plus fougueux. Dernière marque indiscernable de cet arc de cercle en pointillé sur sa peau qui ne demande qu’à continuer sa course. Impérieuse envie de parcourir de ces mêmes baisers la surface de son buste, suivre avec minutie le creux de sa clavicule, tracer cette ligne d’entre ses côtes, ses reins, son bassin. Et replonger mon regard dans ses iris d’un tentateur éclat vert.
C’est à la recherche de ses iris que mes lèvres se détachent avec une délicate douceur de ce cou si librement exposé. Ne ressentant plus le besoin de prouver ma témérité, ma fougue, mon acharnement. Ce déferlement d’ivresse bien plus évocateur que de simples mots sur la portée de notre désir à tous deux. C’est mu par une dernière requête silencieuse que mes yeux se portent en direction de sa bouche entrouverte, regard inquisiteur demandant cette permission sourde. Désireux de franchir cette toute dernière barrière que j’estime encore sienne par un dernier contact : celui de mes lèvres contre les siennes. Et laisser s’emporter le feu d’un bouillonnement intérieur déjà à demi dévoilé, prometteur d’une issue nouvelle à cette soirée si proche de voir le jour poindre. Une question muette dans sa direction mais dont je me prépare déjà à accueillir la réponse dans sa pupille se rattachant à la mienne, comme éprise d’un émergement difficile. Car si ma volonté est celle de m’enquérir de son autorisation, je n’en suis pas moins déterminé pour autant. Si proche de le voir acquiecer à mon interrogation laissée en suspens, céder à ma persévérance toujours plus croissante. Accorder à tous deux une union nouvelle de nos corps toujours plus proches, contact plus fiévreux encore alors que se sont ses yeux qui détaillent à leur tour mes lèvres. Flamme de désir vacillante dans son regard, la chaleur de son corps se concentrant sur un point bien précis qui ne fait qu’affermir une presque certitude : sa fermeté cèdera. Tout comme j’ai senti ses bribes de résistance opiniâtre flancher sous les coups de baisers déposés. Je le verrai céder. Laissant ma bouche rencontrer la sienne, effaçant l’espace d’un instant le souvenir d’autres lèvres auparavant rencontrées. Comme bravant un interdit si longuement entretenu.
Pourtant, c’est ce même regard auparavant embrumé que je vois se ressaisir. Reprenant un contrôle que j’aurai pu penser affaibli, ses traits teintés d’un attirant mélange entre dureté décisive et vertige ivre. Sa voix comme un plaintif avertissement retentissant dans mon tympan, rétablissant peu à peu ma perception de l’atmosphère environnante de la boîte. Descente bien trop vive d’un instant coupé de toute temporalité, toute mon attention portée sur mon brun dont je sens déjà son étreinte se défaire. L’emprise de ses mains sur mon dos bientôt plus qu’un souvenir ancré sur ma peau alors que se sont les miennes qui dessinent ce que je comprends comme étant ce soir, une dernière fois les contours de son corps. La première inscrivant sa chaleur en filigrane le long de son dos à lui, la seconde ne redescendant sa nuque que pour venir marquer une fois encore son torse de ma paume. Peut-être d’une intention plus possessive alors que son corps se décolle du mien, affirmation d’une volonté volage. Coupant peu à peu court à la fougue d’une danse audacieuse. Impertinente. Profitant de la dernière proximité de mon visage à portée du sien pour lui murmurer une dernière parole. Témoignage d’un désir frustré, mais d’une absence de rancoeur envers mon étranger dont la vision de ses fuites passées se superpose déjà à sa figure maligne. “J’aurais tenté… Mais c’est le risque à prendre à vouloir jouer avec le feu” Un feu que l’on ne peut mettre en cage. Le frôlant de mes doigts, l’embrassant de mes lèvres et pourtant si insaisissable. D’une ardeur brûlante face à mon désir ardent mais que seul le caprice parvient à consumer. Me laissant attiser ses braises à chaque nouvelles rencontres, toujours plus proche du brasier final, et m’y brûlant finalement les ailes. C’est cette fois avec bien plus d’insatisfaction que je réalise une fois encore que le jeu est remis à plus tard. Haut de son incertitude. Ma main sur son torse glissant tout à fait vers le sol à mesure qu’il s’éloigne, mes yeux toujours fermement ancrés dans les siens. Dernière envie irrépressible de le retenir de ma main inerte, ou de le savoir lui aussi s’éclipser, devinant son désir pareillement réfréné. Hésitant à maudire son insolence ou rire de son audace.
Un instant. Un seul. Brusque élan de lui à moi, au contact effroyablement doux. Frôlement si rapide que je pourrais en croire mes sens trompeurs si ça n’était mon aura une dernière fois réchauffée par sa proximité si soudaine. La mémoire de son souffle sur ma peau, touché électrique de ses lèvres presque pressées contres les miennes. Mélange d’un contrôle aiguisé et d’un instinct impulsif parvenant à m’esquisser l’ombre d’un sourire. Soutenu par une dernière phrase, la sienne cette fois. La prochaine fois. La promesse n’est pas voilée, l’intonation singulière : le jeu de cette soirée n’aura pas été vain. La prochaine fois. De ces mots expressément murmurés, emplie d’une douceur encore méconnue jusqu’alors, en écho à sa fuite. Lente disparition au travers de la foule de laquelle j’emporte un dernier souvenir de son sourire empli d’une malice certaine, éclat tentateur faisant briller au loin l’iris de ses yeux. Les contours de son dos n’ont pas la même saveur amer à l’annonce de cette promesse. Et s’il a remporté cette partie, je sais à présent que ma progression ne fut pas sans succès. Lente avancée au croisement de nos rencontres. Pas après pas jusqu’à ses lèvres. De ma main qui occupait auparavant l’espace entre sa nuque, c’est maintenant au travers de ma propre chevelure qu’elle passe. Pareil effet qu’un pincement pour sortir d’un vague sentiment d’hébétude. Hagard au milieu de cette boîte de nuit. Me demandant pourquoi j’y resterai encore planté. Mes traits ayant retrouvés leur fermeté habituelle, quoique le souvenir de ce chaste frôlement encore sur mes lèvres. C’est ma raison qui me fait me diriger vers les vestiaires, reprenant ma veste auparavant déposée. Bien qu’il ne fasse pas froid et que sa présence m’encombre plus qu’autre chose, mon bras en porte-manteau alors que ma main cherche avec conviction mon paquet de cigarette du fond de ma poche. Faisant s’allumer d’une faible flamme mon briquet, un dernier sourire en coin alors que j’expire la fumée de cette cigarette. Soit. La promesse est faites. Le défi est accepté. La prochaine fois.