| to seek new friends and stranger companies (anwar) |
| | (#)Jeu 15 Fév 2018 - 21:17 | |
| to seek new friends and stranger compagnies. L’œil sur la montre, la jambe battant le rythme contre le carrelage sale du commissariat, Lonnie attendait impatiemment que l'heure le délivre enfin de cette journée de boulot dont le seul temps marquant avait été l'entrée fracassante d'un petit dealer qui avait hurlé que personne ne le touche et qui finissait maintenant sa nuit dans une cellule. Le stylo qu'il tenait entre ses doigts gribouillait des mots illisibles alors que le policier ne rêvait que d'une seule chose, retrouver son lit et le calme de son appartement paisible où rien ne viendrait le déranger. Ces derniers jours il avait eu du mal à concentrer son attention sur le travail et le mal de crâne l'avait pris pendant plusieurs jours d'affilé, l'empêchant de mener à bien les tâches ingrates qu'on lui confiait tous les jours de la semaine. Lonnie s'était déplacé cinq fois en deux jours au death before decaf afin de réapprovisionner les membres de sa brigade, ce qui lui avait permis de prendre de longues minutes de pauses non autorisées en compagnie de Matt et de souffler un peu. Ce n'était pas tant le métier en lui même qui lui donnait mal au crâne, mais plutôt cette agitation constante des autres personnes autours de lui qui n'arrivaient pas à parler sans hurler ou à faire une blague sans se congratuler à grands coup de tapes dans le dos. Quand l'horloge sonna enfin la délivrance il ne fallu pas plus de quelques minutes pour que Lonnie glisse ses affaires dans son sac à dos, empile ses dossiers correctement sur son bureau et enfile sa veste afin de rejoindre au plus vite la porte. Il avait enfilé une première manche quand une main s'abattit sur son épaule et le força à se retourner tout en se baissant un peu. Depuis qu'il avait arrêté de grandir et que les autres avaient continuer de pousser autours de lui, Lonnie s'était toujours senti inférieur, ce petit frère un peu idiot que l'on regarde en souriant naïvement, comme si il était incapable de comprendre les choses sans qu'on lui explique plusieurs fois. « Ne partez pas si vite Hartwell, une affaire viens de tomber. » Dans son costume trop petit qu'il utilise pour que tout le monde remarque qu'il s'entraîne plus de fois à la salle qu'il ne va à la boulangerie du coin, le lieutenant Bates prend place sur le bureau du policier tout en prenant soin de pousser les dossiers du dos de la main. « Une sale affaire... Vous allez coopérer avec l'inspecteur Zehri, il vous donnera les détails.» Le lieutenant ne s'attarde pas à faire la lumière sur les informations mais accorde tout de même à Lonnie un signe mou de la tête avant de prendre congés en enfilant sa propre veste. Une manche à moitié remontée et l'autre toujours pendante contre son flanc, le policier ne s'autorise un soupir que lorsqu'il voit la silhouette disparaître au bout du couloir. Dans un jour meilleur il se serait dit que c'était l'occasion de faire ses preuves, de se faire bien voir et ne plus être la mule à café que l'on regardait du coin de l’œil pour être sûr qu'il ne fasse pas de bêtises, mais Lonnie n'arrivait pas à décrocher son esprit des insultes qu'il aurait voulu glisser dans la conversation. Traversant le couloir le calepin sous la main et le stylo au coin de l'oreille comme il l'aurait fait avec une cigarette, Lonnie avait enfilé son costume de grand garçon en serrant un peu plus sa cravate, histoire d'être pris un minimum au sérieux. Il connaissait l'inspecteur Zehri pour l'avoir déjà croisé dans le commissariat mais aussi pour les petits mots qu'il lui glissait afin de lui bomber un peu le torse après une journée de plus passée à faire le gentil petit toutou pour ses collègues. Quand il frappa contre le bois de la porte Lonnie afficha un demi-sourire avant de croiser les bras contre sa poitrine. « Il paraît qu'on bosse ensemble sur ce coup là. » Glissant le calepin jusque dans ses mains et attrapant le stylo toujours coincé derrière son oreille, Lonnie s'avança dans le bureau en écrivant les premiers mots de cette nouvelle affaire. « Bates m'a rien dit du tout, il va falloir que tu m'expliques tout ça. » Le policier releva les yeux sur Anwar, prêt à entendre ce qu'il allait dire et à faire son travail afin de, peut-être, obtenir un peu plus qu'une tape sur l'épaule. |
| | | | (#)Dim 4 Mar 2018 - 12:26 | |
| La pause avait duré juste assez longtemps pour qu’Anwar descende au rez-de-chaussée, et se rende une nouvelle fois victime de la tentation offerte par le distributeur de friandises. Gobant ses Skittles comme autant de pilules supposées lui redonner un coup de fouet pour la fin de la journée, il avait swipé l’écran de son téléphone en voyant le nom du Lieutenant Patton – son équipière – s’y afficher. « Toujours en vie, camarade ? » Clouée au lit par une vilaine grippe, la jeune femme n’était pas venue travailler ce jour-là ni le précédent, mais faisait indubitablement partie de ces personnes qui peinaient à imaginer que leur service puisse continuer à tourner sans elles … ou au moins avaient du mal à l’admettre. « On sera toujours là lundi, va. » lui avait-il d’ailleurs assuré, un brin amusé mais en lui souhaitant malgré tout sincèrement un bon rétablissement. « On a récupéré un nouveau dossier, Bates me l’a filé y’a une heure, j’ai pas encore eu le temps de voir ça en détails mais ça devrait être dégrossi un peu d’ici ton retour. » Disant cela et laissant de côté les Skittles rouges qu’il avait gardé pour la fin il avait machinalement feuilleté les quelques pages volantes du dossier posé devant lui, grimacé avec amertume devant l’assortiment de photos qui allaient avec, et refermé la chemise cartonnée au moment où deux coups étaient frappés à la porte de son bureau. « Je dois te laisser, soigne-toi bien. À lundi. » Sur le pas de sa porte, Hartwell faisait figure hésitante mais avait malgré tout repris meilleure posture et fin sourire lorsqu’Anwar lui avait fait signe d’entrer et avait acquiescé à sa mention « Il paraît qu'on bosse ensemble sur ce coup-là. » lui désignant le siège et le bureau inoccupé de Patton, qu’il se sente à l’aise de s’y installer, le policier avait répondu « Mon équipière est absente, et comme c’est un dossier qui a transité par chez vous je me suis dit que ça t’intéresserait peut-être de bosser avec moi. » Il aurait probablement pu se débrouiller seul dans un premier temps et demander autour de lui qu’on l’accompagne s’il fallait aller au terrain, mais la mention des affaires familiales dont émanait originairement le dossier avait donné une autre idée à Anwar. Trop de fois avait-il vu Hartwell poireauter devant la machine à café ou soupirer – discrètement – devant une paperasse qu’un employé administratif aurait pu accomplir, et s’il comprenait l’idée d’en faire baver un peu les nouveaux venus – ils étaient tous passés par là à leurs débuts – il avait l’impression que la plaisanterie s’étirait un peu plus long que de raison avec lui. Docile, le jeune homme avait dégainé calepin et crayon en indiquant « Bates m'a rien dit du tout, il va falloir que tu m'expliques tout ça. » et un instant Annie avait été tenté de jauger à l’aveugle à quel point certains le laissaient en dehors de certains dossiers par simple volonté de ne pas briser les équipes déjà formées et le petit confort de ceux qui en faisaient partie. « J’ai pas encore eu le temps de voir ça en profondeur non plus, on va reprendre du début ça sera plus simple pour nous deux. » Concerné mais pas trop, Bates n’avait en revanche pas jugé utile de leur fournir un dossier chacun, à une époque où le numérique aurait largement pu remplacer le papier et permettre un mail groupé aux deux policiers. Mais enfin. « Si j’ai tout suivi vous (et par vous il savait qu’il faisait plutôt références aux collègues de Lonnie qu’à Lonnie lui-même) êtes intervenus y’a une dizaine de jours sur un signalement pour maltraitance qui ne s’est pas très bien terminé. » Et c’était peu que de le dire, le rapport faisant état de l'utilisation de la force pour maîtriser les ardeurs du père et l'hospitalisation des deux plus jeunes enfants de la famille pour malnutrition et diverses pathologies n'ayant pas reçues en temps et en heure les soins adéquats. « La plus jeune ne s'en est pas tirée. » avait alors sobrement fait savoir Anwar, expliquant ainsi pourquoi le dossier se retrouvait désormais aux homicides. « Est-ce que tu avais participé un peu à l'affaire malgré tout ? » Le moment de vérité, et Annie de finalement ajouter en observant l'heure sur le fond d'écran de son ordinateur. « On debrief juste un peu ce soir, je ne te retiendrai pas trop longtemps. Histoire d'organiser la journée de demain. » Parce que de sa propre expérience dormir sur le programme du lendemain permettait d'en avoir une approche plus claire, plus posée.
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| | | | (#)Mar 13 Mar 2018 - 10:35 | |
| Facilement impressionné par les autres et par l'assurance que pouvaient dégager ceux qui l'entouraient, Lonnie avait hésité un instant avant de frapper contre la porte de bureau d'Anwar, simplement parce qu'il se demandait encore si tout ça n'était pas un juste une énième blague destinée à le ridiculiser devant des gens pour lesquels il éprouvait un peu de sympathie. Le cœur tambourinant bien plus fort que le maigre coup qu'il avait frappé quelques instants plus tôt, les lèvres du policier s’ornèrent d'un sourire quand l'inspecteur lui fit signe de prendre à ses côtés face au bureau vide qui devait appartenir à son équipière. « Mon équipière est absente, et comme c’est un dossier qui a transité par chez vous je me suis dit que ça t’intéresserait peut-être de bosser avec moi. » Bingo. Lonnie hocha la tête nerveusement tout en faisant glisser le stylo sur les pages du carnet encore vierges. Zehri c'était ce mec qui glissait parfois, au détours d'une conversation banale, un petit mot d'encouragement ou bien un signe de tête approbateur lorsque Lonnie se permettait un remarque sur un dossier ou qu'il proposait une idée. A fairy godfather qui souffle un peu de vent dans son dos pour lui permettre de passer la seconde quand il s'agit de se faire entendre. « Ouais bien sur, c'est un plaisir. Merci d'avoir penser à moi. » Encore une fois ce manque de confiance, comme si le moindre geste des autres suffisaient à faire de lui le plus comblé des hommes. Le petite récompense du petit chien que l'on fait se dresser sur les pattes arrières comme une vedette de cirque qu'on laissait dans le noir le soir venu après le spectacle. Comme d'habitude on ne l'avait pas jugé assez important pour lui donner la moindre miettes d'informations sur l'affaire, alors il était arrivé dans le bureau d'Anwar les mains vides et le front plissé en guise d'excuses d'être un si mauvais équipier. « J’ai pas encore eu le temps de voir ça en profondeur non plus, on va reprendre du début ça sera plus simple pour nous deux. » Lonnie acquiesça d'un signe de la tête tout en tirant la chaise de sous le bureau afin d'avoir un regard sur le dossier que Zehri feuilletait du bout des doigts. « Si j’ai tout suivi vous êtes intervenus y’a une dizaine de jours sur un signalement pour maltraitance qui ne s’est pas très bien terminé. » Les photos qui défilaient devant eux comme autant de témoins macabres de cette histoire ne pouvaient qu'appuyer les paroles de l'inspecteur. Le cœur serré, les tripes tordues, Lonnie figea son attention sur les écrits plutôt que sur les photos afin d'avoir l'esprit aussi clair que possible. « Ce dossier a encore du se perdre avant d'arriver jusqu'à mon bureau. » Comme la plupart des dossiers importants qu'on ne lui montrait jamais, attirant plus tard les remarques désobligeantes de son supérieur parce qu'il n'avait pas fait l'effort de se mettre au courant. « La plus jeune ne s'en est pas tirée. » Il ferme les yeux, évacue cette tension qui se blottit dans le creux de ses mains en enfonçant ses ongles dans la paume. « Fait chier. » qui s'empare de ses lèvres alors qu'il se doit de garder un esprit libre, une vision claire de cette histoire afin de considérer le dossier avec la plus grande prudence. « Est-ce que tu avais participé un peu à l'affaire malgré tout ? » 'Malgré tout', placé comme ça dans une phrase banale mais qui résume si bien le quotidien de Lonnie. Le policier soupire lourdement, les yeux rivés sur le dossier. « Est-ce que je participe vraiment à quelque chose au sein de ma brigade ? A part prendre les dépositions et ... le café ? » Il ose un sourire timide avant de tirer vers lui les feuilles volantes du dossier pour être sur de noter toutes les informations importantes qui lui serviront par la suite. « On debrief juste un peu ce soir, je ne te retiendrai pas trop longtemps. Histoire d'organiser la journée de demain. » Une vraie affaire, quelque chose de tangible qu'il lui servirait à reprendre confiance, à croire un peu aux capacités qui lui ont fait décrocher son diplôme. « Est-ce qu'on en sait plus sur le père ? Un casier ? Des plaintes déposées par des ex, des amis ? » Bien heureux de pouvoir enfin mettre à disposition sa panoplie du parfait petit enquêteur Lonnie s'était redressé pour faire les cents pas dans le bureau, le carnet toujours dans les mains. « Quelqu'un a déjà interrogé la mère ? » Tant de questions auxquelles il voulait des réponses, pour être sur d'être prêt à affronter la journée de demain durant laquelle il pourrait faire ses preuves. |
| | | | (#)Dim 22 Avr 2018 - 16:02 | |
| Ce n’était ni toujours juste, ni toujours mérité, mais l’arrivée dans un poste de police directement après la sortie d’école était souvent le prétexte à une sorte de période de bizutage, plus ou moins longue et plus ou moins intense en fonction de la mentalité de ceux qui étaient les collègues concernés. Anwar avait eu son lot de mésaventures au début de sa carrière, et fait l’objet de quelques brimades en rapport avec ses origines quand bien même intégrer la police était déjà une preuve en soit de sa naturalisation australienne. Fort heureusement il avait aussi bénéficié de la bienveillance d’un « vieux de la vieille » qui, s’il avait son petit caractère, lui avait transmis des combines et une vision du métier qui continuait encore aujourd’hui de résonner et de le guider dans certaines prises de décision. Lonnie en revanche faisait les frais d’un bizutage abusif aux yeux de l’inspecteur, abusif et principalement motivé par la présence au sein de la brigade de l’une de ces pommes pourries dont on savait qu’elle ne faisait pas que du bien au service, mais face à laquelle on fermait les yeux parce qu’elle apportait du résultat. « Ce dossier a encore du se perdre avant d'arriver jusqu'à mon bureau. » S’était en tout cas désolé le bleu avec ce qui ressemblait à un brin de lassitude. Compatissant, Anwar lui avait juste laissé le temps de prendre un minimum ses aises avant de rentrer dans le vif du sujet et de lui exposer de quoi il retournait. Avançant précautionneusement au moment de mentionner l’issue funeste de l’affaire, il avait à peine sourcillé face au « Fait chier. » récolté en échange et s’était contenté de ne pas s’apesantir dessus plus que de raison là-dessus. « La sœur n’est pas encore au courant, l’hôpital prévoit de laisser un de leurs psy lui annoncer dans la soirée, du coup il faudra probablement qu’on passe prendre sa déposition demain. » Avec la probabilité de n’être accueillis que fraîchement par l’assistante sociale, qui ne se priverait pas de faire savoir que s’entretenir avec des policiers était la dernière chose dont cette petite avait envie et besoin. Et soit, s’il s’agissait de son propre fils Annie serait sans doute du même avis, mais la machine judiciaire était ainsi faite. Prenant le risque de demander à Lonnie s’il avait participé de près ou de loin à tout ou un bout du dossier, le « Est-ce que je participe vraiment à quelque chose au sein de ma brigade ? A part prendre les dépositions et ... le café ? » était criant de vérité sur la situation, et secouant vaguement la tête le policier s’était voulu optimiste « Alors faisons en sorte de gérer ce dossier, pour leur prouver que tes compétences vont plus loin que savoir doser le café soluble et les sucrettes. » Revenant à leurs moutons et s’emparant chacun de quelques feuillets du dossier, ils avaient scruté dans un silence concentré les informations pour tenter de les assimiler après qu’Anwar ait assuré ne pas avoir l’intention de le retenir trop longtemps. Que lui-même n’ait qu’un perroquet lunatique pour l’attendre chez lui le soir ne voulait pas dire qu’il en était de même pour tout le monde. « Est-ce qu'on en sait plus sur le père ? Un casier ? Des plaintes déposées par des ex, des amis ? » Feuilletant parmi la paperasse avec la certitude d’avoir vu le pedigree du bonhomme passer sous ses yeux juste peu de temps avant, il était parvenu à tomber dessus et l’avait tendu à Lonnie après y avoir jeté un coup d’œil. « Voie de faits, quelques délits routiers, et une plainte pour coups et blessures qui doit être quelque part là-dedans … » Fouillant à nouveau, il avait fini par trouver ce qu’il cherchait et avait repris « Voilà c’est ça. Visiblement il en est venu aux mains avec le vigile d’un supermarché. Ça date d’il y a dix-huit mois. » Pour agrémenter la plainte un duo de photos – face et profil – servait d’illustration et montrait la pommette violacée et le nez tordu du vigile. « Quelqu'un a déjà interrogé la mère ? » Secouant négativement la tête Anwar avait affiché un vague air de dépit en expliquant « Elle n’est mentionnée nulle part, je ne pense pas qu’elle fasse partie du tableau. Y'a pas d’extrait d’acte de décès dans le dossier, donc à priori elle n'est pas morte … » Non, elle n’était simplement pas là. Disparue dans la nature, peut-être de son propre chef, peut-être pas. « On fera un tour à l’école de la petite demain avant d'aller à l’hôpital, voir si les deux parents sont déclarés auprès de la scolarité. » Et ainsi mine de rien leur prochaine matinée de travail était déjà faite. « Si on réussi à avoir une identité ou un signalement on le passera au fichier des personnes disparues voir si quelque chose ressort. » Et si tel n’était pas le cas ils n'auraient plus qu’à mettre cette piste de côté, s’évaporer dans la nature n’étant pas un crime. « T’habites loin d’ici ? J’veux pas te retenir trop longtemps si t'as des impératifs. » Des enfants à récupérer dans une crèche, une tonne de bouchons par lesquels passer pour regagner son domicile, ou dieu saut quoi d’autre.
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| | | | (#)Lun 30 Avr 2018 - 18:37 | |
| Des occasions de faire ses preuves Lonnie en avait vu passer des dizaines, et elles s'étaient toutes soldées par une main moite retirant le dossier des doigts désireux du policier sous prétexte que l'affaire était trop compliquée ou bien qu'une autre équipe avait été mise sur le coup. Et il réagissait toujours de la même manière, serrant le poing sous la table et mordant l'intérieur de ses joues, en haussant un sourire crispé sur son visage qui voulait pas dire "tant pis, une autre fois". Le bizutage, que tout les policiers connaissaient forcément, s'étendait sur la longueur pour le jeune homme et ne faisait sourire que les gros bras de son équipe qui roulaient des mécaniques devant lui pour l'impressionner, lui faire courber l'échine. Ce qu'Anwar lui offrait là c'était du pain béni pour alimenter sa carrière et pour voir se transformer les sourires satisfaits en moues dubitatives sur le visage de ceux qui passaient leur temps à l'enfoncer pour le plaisir. Malgré ce désir de clouer le bec de ses bourreaux Lonnie avait à cœur de bien faire et surtout de tout faire pour régler cette histoire au plus vite sans faire plus de dégâts qu'elle n'en avait déjà causée. « La sœur n’est pas encore au courant, l’hôpital prévoit de laisser un de leurs psy lui annoncer dans la soirée, du coup il faudra probablement qu’on passe prendre sa déposition demain. » Les yeux toujours rivés sur les photos macabres qui lui donnaient envie d'exploser et mais dont il devait saisir toute l'importance pour assurer ses arrières et faire son métier, Lonnie avait relevé la tête vers l'inspecteur avant de la hocher lourdement. « C'est peut-être mieux qu'elle l'apprenne part un psy. J'espère qu'elle acceptera de nous parler demain, c'est toujours compliqué de mettre des mots sur ce genre de chose. » A titre personnel Lonnie avait toujours eu du mal à parler de ses parents, que ce soit de l'acte démesuré de sa mère ou bien de la mort de son père qui l'avait hanté pendant plusieurs années et plusieurs cauchemars. Le policier s'était levé d'un seul homme, motivé par l'envie de faire quelque chose de bien, comme pour balancer le karma du monde, et avait commencé à raturer les pages de son carnet d'informations que lui seul pouvait déchiffrer. « Alors faisons en sorte de gérer ce dossier, pour leur prouver que tes compétences vont plus loin que savoir doser le café soluble et les sucrettes. » Le policier avait retenu un sourire, s'arrêtant dans sa marche grotesque au milieu du bureau, et avait haussé un sourire sincère sur ses lèvres. « Je fais aussi un très bon coursier pour ramener les chemises. » L'autodérision pour couvrir le fait qu'il ne savait pas comment remercier Anwar était le meilleur moyen qu'il avait trouvé, mais dans le regard qu'il avait porté sur l'inspecteur on pouvait sans doute y lire un "merci" inaudible. Reprenant ses esprits, les yeux replongés sur les griffes laissées par le crayon sur le papier, Lonnie avait demandé à en savoir plus sur le père, sur ce qu'il avait pu avoir fait avant d'être descendu aux enfers et d'avoir commis l'irréparable. « Voie de faits, quelques délits routiers, et une plainte pour coups et blessures qui doit être quelque part là-dedans … » Anwar avait fouillé dans les quelques papiers et photos dispersés sur le bureau comme une peinture grotesque et cliché de tous les films policier qu'ils avaient pu voir tous les deux. « Voilà c’est ça. Visiblement il en est venu aux mains avec le vigile d’un supermarché. Ça date d’il y a dix-huit mois. » Lonnie avait vaguement regardé la photo, assez pour constater le nez cassé et les différentes traces laissées par les coups, mais il en savait assez pour alimenter une colère noire contre cet homme, colère qu'il calmait par une respiration lente et contrôlée. La tableau familiale ne semblait pas montrer la présence d'une mère, ni dans les papiers qu'ils avaient reçus ni dans les différentes déclarations officielles. « Elle n’est mentionnée nulle part, je ne pense pas qu’elle fasse partie du tableau. Y'a pas d’extrait d’acte de décès dans le dossier, donc à priori elle n'est pas morte … » Pas morte, mais pas là non plus. Lonnie ratura une phrase pour en écrire une autre à côté alors que son carnet se remplissait de tâches noires et des signes. Le souffle court il avait relevé les yeux vers Anwar qui expliquait les derniers détails et qui mettait en place un pseudo plan qui leur permettrait de remettre les pendules à l'heure. « On fera un tour à l’école de la petite demain avant d'aller à l’hôpital, voir si les deux parents sont déclarés auprès de la scolarité. Si on réussi à avoir une identité ou un signalement on le passera au fichier des personnes disparues voir si quelque chose ressort. » Acquiesçant de nouveau aux paroles de l'inspecteur Lonnie avait rangé son carnet dans la poche de son jean, avait une dernière fois regardé les photos avant de mettre cette affaire dans un coin de sa tête, bien au chaud pour le lendemain. « J'espère qu'on trouvera quelque chose, même si c'est un truc qui nous plaît pas. Dans tous les cas, si elle est là quelque part il faudra la mettre au courant. » Le ventre grondant et la tête remuée par tout ce qu'il avait entendu les minutes précédentes Lonnie avait passé une main sur son visage, espérant enlever la fatigue de ses yeux. « T’habites loin d’ici ? J’veux pas te retenir trop longtemps si t'as des impératifs. » Lonnie avait glissé un sourire sur ses lèvres à la seul pensée de savoir son appartement vide, tout comme son frigo, et au pauvre de chat de la voisine qui devait sans doute l'attendre devant la fenêtre, faisant le pied de grue comme tous les soirs. « 15 minutes en vélo, mais je préfère prendre le temps de repenser un peu à tout ça. Et puis, j'aime bien quand le commissariat est presque vide, ça change. » Lonnie avait tourné le regard vers la porte puis vers son compagnon d'infortune avant de hausser les épaules. « Mais t'a le droit de rentrer chez toi hein. Je vais aller chercher un truc à manger au chinois en bas avant de partir. » Il avait agrippé sa veste, vérifié que son portefeuille était toujours présent dans la poche arrière de son pantalon, et reposé ses yeux sur Anwar. « Si t'as rien à faire de mieux je t'invites. » Après tout il n'avait rien a perdre à essayer de se faire des amis, encore plus quand ces derniers font tout leur possible pour l'aider. [/color][/color] |
| | | | (#)Mar 29 Mai 2018 - 20:09 | |
| Qu’il s’agisse de ce genre de nouvelles ou de n’importe quelle autre interaction, se mesurer aux enfants avait toujours des airs de numéro d’équilibrisme pour la police. Sans filtre, mais également hautement influençables, les plus petits désarçonnaient parfois par le calme avec lequel ils évoquaient des événements dramatiques ou des détails sordides sur lesquels n’importe quel adulte aurait grincé des dents. « C'est peut-être mieux qu'elle l'apprenne part un psy. J'espère qu'elle acceptera de nous parler demain, c'est toujours compliqué de mettre des mots sur ce genre de chose. » avait en tout cas confirmé Lonnie, l’air pensif, et gageant qu’ils verraient bien le lendemain comment se présentaient les choses le brun s’était contenté d’acquiescer en silence. Aussi révoltante soit cette affaire, elle permettrait en tout cas à Lonnie de se faire la main sur du concret et non plus uniquement sur les miettes que son équipe acceptait de lui laisser la majorité du temps « Je fais aussi un très bon coursier pour ramener les chemises. » qu’il lui avait d’ailleurs mentionné avec un brin d’ironie, Anwar ne résistant pas à l’envie de s’engouffrer dans la brèche juste le temps de s’exclamer « Ah ! Bah ça tombe bien que t’en parle, justement, parce que j’avais besoin de passer au pressing récupérer mon uniforme de cérémonie et j’ai pas le temps de m’en occuper moi-même. » et de laisser passer un ange avant de reprendre son sérieux « Je plaisante. » La minute de causette touchant à sa fin ils en étaient rapidement revenus à leurs moutons, ou tout du moins à leur enquête, afin de commencer à faire le tri dans le peu d’informations qu’ils avaient sous la main et de mettre à plat leur plan de bataille pour le lendemain. L’enquête n’avait rien de sorcier au fond, le coupable était déjà tout désigné et ne restaient à déterminer que les tenants et les aboutissants de ce qui avait amené une aussi petite fille dans les couloirs d’une morgue. Le cas de la mère chiffonnait également Anwar, incapable de décider ce qui lui semblait préférable entre une disparition volontaire – et donc un abandon parental – ou bien la perspective d’une charge supplémentaire à ajouter sur le dos du père. « J'espère qu'on trouvera quelque chose, même si c'est un truc qui nous plaît pas. Dans tous les cas, si elle est là quelque part il faudra la mettre au courant. » Et aux yeux d’Anwar il s’agissait d’une tâche encore moins enviable que celle de devoir l’annoncer à la sœur, que certaines réactions d’adulte mettaient beaucoup plus mal à l’aise que celle des enfants. Jetant un œil à l’heure et réalisant qu’il était plus tard qu’il ne l’aurait imaginé, et surtout plus tard que l’heure officielle à laquelle terminait la jeune recrue ; L’une des conséquences les plus flagrantes au fait de vivre à nouveau seul : Anwar tendait à oublier que contrairement à lui certains avaient une vie en dehors de leur travail. « Quinze minutes en vélo, mais je préfère prendre le temps de repenser un peu à tout ça. Et puis, j'aime bien quand le commissariat est presque vide, ça change. » Certains, mais pas Lonnie, à l’évidence. « Mais t'as le droit de rentrer chez toi hein. Je vais aller chercher un truc à manger au chinois en bas avant de partir. Si t'as rien à faire de mieux je t'invites. » Refermant le dossier en se laissant retomber contre le dossier de sa chambre, le brun avait dodeliné la tête et fait remarquer avec une pointe d’amusement « J’suis à peu près sûr que normalement c’est moi qui devrait te dire ce genre de choses, et pas l’inverse. » Mais haussant les épaules il avait laissé couler « Mais je meurs de faim, alors chinois, ça me va. » Fermant la session de son ordinateur, il avait rangé le dossier dans le tiroir de son bureau, qu’il avait fermé à clef après y avoir récupéré son arme de service. « Je dois descendre ranger ça à l’armurerie, on se retrouve à l’entrée ? » Le glock rangé dans son holster et son blouson récupéré sur le porte-manteau derrière la porte, Anwar avait laissé Lonnie sortir du bureau le premier et avait verrouillé derrière eux. Un aller-retour jusqu’au sous-sol plus tard il avait retrouvé le jeune homme dans le hall du commissariat, et saluant tous les deux à la volée le plancton de soirée qui venait de prendre son poste derrière l’accueil, ils avaient rejoint le traiteur asiatique de l’autre côté de la rue. « Tu sais, je crois que j’ai un brin d’admiration pour toi et ceux qui viennent bosser à vélo. Je ne suis pas moi-même tant que je n’ai pas évacué mon trop plein de caféine en insultant les bouchons d’heure de pointe. » Et n’importe quelle personne déjà montée en voiture avec Anwar se précipiterait probablement sur Lonnie pour tenter de le préparer à ce qui l’attendait le lendemain matin, l’inspecteur lui ouvrant la portière côté passager en toute innocence pour les mener jusqu’à l’école pour creuser la piste de la mère disparue, en sachant très bien qu’il y avait une chance sur deux qu’il se cramponne à son siège et cherche des yeux dans l’espoir d’un sac à vomi. Leur tour arrivant de commander au comptoir, Anwar avait demandé « Une formule végétarienne, et une eau de coco. » comme presque à chaque fois qu’il venait ici, et la commande de Lonnie enregistrée à son tour ils étaient allés trouver une table libre à laquelle s’installer. « Tu sais qu’en théorie, je devrais te faire la morale, te dire que ce n’est pas sain de traîner au bureau plus longtemps que ce pourquoi tu es payé, et te vanter les bienfaits d’avoir une vie privée en dehors du boulot ? » En théorie, oui. Mais à la façon dont la phrase d’Anwar était restée en suspens et s’était terminée par un haussement d’épaules, la leçon de morale n’était pas au programme cette fois-ci.
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| | | | (#)Mer 13 Juin 2018 - 20:31 | |
| La partie qu'il redoutait le plus c'était cette confrontation avec l'enfant qui aurait lieu le lendemain, et Lonnie savait à l'avance qu'il allait être plus difficile pour lui que pour Anwar de se mesurer aux paroles que cet enfant pourrait avoir. C'était pourtant l'un des points fort qu'il avait mis en avant lors de son entretien d'embauche, cette façon qu'il a de comprendre la tristesse et le désespoir des gamins qui ne comprenaient pas grand chose au drame qui se jouait autours d'eux, mais à chaque fois ça lui serrait la gorge que de devoir s'y atteler sans montrer le moindre signe d'émotions qui pourrait influencer son jugement. Derrière tout ça, et malgré la colère que l'on pouvait ressentir, la paire devait se concentrer uniquement sur l'enquête et sur les moyens d'obtenir des informations susceptibles de changer les choses, d'amener un peu de vérité sur cette affaire. Une date à marquer d'une pierre blanche pour le policier qui n'était alors chargé que de taper de longs rapports pendant des heures pendant que les autres membres de son équipe s'offraient une bière au bar du coin. Bon a ramener le café et les chemises propres du pressing. « Ah ! Bah ça tombe bien que t’en parle, justement, parce que j’avais besoin de passer au pressing récupérer mon uniforme de cérémonie et j’ai pas le temps de m’en occuper moi-même. » Dans le ton de l'inspecteur il y avait ce ton de plaisanterie qui avait haussé un sourire sur les lèvres de Lonnie mais également cette part de vérité dont tout le monde était au courant et qui l'aurait, si la question avait été sérieuse, poussé à s’exécuter. « Je plaisante. » Bien sur, c'était évident, sauf que Lonnie l'aurait fait juste pour le geste, pour se montrer un bon coéquipier. « Du moment que tu ne fasse pas comme Davies qui me demande de couvrir ses arrières quand il trompe sa femme. » Parce que le Hartwell avait la gueule de ceux qui ne disent jamais non, pour se faire bien voir, pour tenter - encore une fois - d'entrer dans le cercle. Le small talk avait été plus que bienvenue afin de détendre cette atmosphère pesante apportée par les photos et les détails de l'affaire, mais Lonnie n'en oubliait pas pour autant la grosse journée qui les attendait demain et qui sonnerait peut-être le début d'une nouvelle carrière remplie d'autre chose que de café. La vision de son appartement calme était apparue au policier comme le dernier endroit dans lequel il voulait se trouver, parce qu'il ressasserait cette histoire toute la nuit dans une vaine tentative de trouver des réponses, parce que ça l'empêcherait de dormir et d'être en forme pour le lendemain, mais il ne voulait pas non plus gâcher les plans d'Anwar qui avait sûrement autre chose de prévu que de traîner avec le bleu. « J’suis à peu près sûr que normalement c’est moi qui devrait te dire ce genre de choses, et pas l’inverse. » Lonnie avait esquissé un sourire, ceux que l'on donne aux gens qui s'inquiètent de savoir si tout vas bien, qui cherchent à creuser un peu derrière l'apparence solide que le policier essaie de donner tous les jours. « Ça me fait plaisir, vraiment. » Ça l'empêcherait surtout de rester seul encore quelques heures et il se sentait redevable envers l'inspecteur, chose qu'un plat chinois ne pourrait pas payer complètement mais c'était déjà un bon début. « Mais je meurs de faim, alors chinois, ça me va. Je dois descendre ranger ça à l’armurerie, on se retrouve à l’entrée ? » Le policier avait acquiescé d'un signe de la tête avant d'enfiler sa veste, de se vérifier que son porte monnaie se trouvait toujours à l'intérieur de sa poche, et de prendre la direction du hall d'entrée dans un calme qu'il avait toujours apprécié. Les mains dans les poches, le regard ailleurs, Lonnie avait passer en revu les photos accrochées sur le mur qui représentaient les héros de la ville qui avaient réussis à donner un peu de sens à ce boulot que plusieurs considéraient comme ingrat. C'est Anwar qui le tira de ses pensées alors qu'ils saluaient l'équipe de nuit derrière la vitre de l'accueil et se dirigeaient vers le traiteur asiatique de l'autre côté de la rue. « Tu sais, je crois que j’ai un brin d’admiration pour toi et ceux qui viennent bosser à vélo. Je ne suis pas moi-même tant que je n’ai pas évacué mon trop plein de caféine en insultant les bouchons d’heure de pointe. » Lonnie avait haussé un sourire sur ses lèvres, parce que les histoires sur la conduite de l'inspecteur Zehri étaient légendes au sein du commissariat (même si il ferait moins le malin une fois à l'intérieur de la voiture). « En voiture je suis une vraie catastrophe. J'ai eu mon permis il y a quatre mois et ma voiture en même temps mais c'est un tas de boue que j'arrive pas à conduire. Alors le vélo c'est le meilleur moyen que j'ai trouvé pour ne pas me tuer sur la route. » Et pour ne pas avoir à entendre les klaxons et insultes qu'on lui lançait dès qu'il hésitait une demi seconde de trop pour passer au feu vert. Le sourire de la petite dame asiatique derrière le comptoir (dont Lonnie connaissait toute la famille et les histoires grâce à ses nombreuses visites pour récupérer de la nourriture) les avait accueilli avec bienveillance et une fois les commandes passées ils s'étaient installés à une table vide un peu à l'écart. « Tu sais qu’en théorie, je devrais te faire la morale, te dire que ce n’est pas sain de traîner au bureau plus longtemps que ce pourquoi tu es payé, et te vanter les bienfaits d’avoir une vie privée en dehors du boulot ? » Anwar avait haussé les épaules comme pour dire "dans le fond du fait ce que tu veux" et Lonnie avait répondu par un sourire en coin dissimulant des réponses dont il ne voulait pas parler. « Et pourtant quand je suis arrivé ici on m'a fait comprendre que je devais en faire le plus possible et oublier ma vie privée. » Attrapant la bière qu'on venait de déposer devant lui en même temps que les commandes, Lonnie avait bu une gorgée comme dans automatisme avant de reprendre. « Mais je sais que traîner dans les bureaux après les heures de boulot c'est pas ce qui va m'amener vers de nouvelles affaires. C'est juste que je m'y sens bien, c'est ce que j'ai toujours voulu faire. » N'en déplaise à ceux qui avaient franchi la porte du commissariat juste comme ça et qui se retrouvaient maintenant coincés dans la peau d'un flic. « Ça sonne vraiment cliché mais malgré tout ce je subis, je changerai pour rien au monde. » Le bon petit flic qui faisait le boulot par passion, une véritable image de film qu'Anwar allait trouver soit pathétique soit stupide. |
| | | | (#)Jeu 28 Juin 2018 - 22:14 | |
| Lonnie n’avait pas hérité de la plus bienveillante des équipes pour débuter dans son métier, quand bien même ce genre de première expérience lui forgerait probablement une capacité à endurer la pression et les mauvais jours dans la suite de sa carrière. Pour autant Anwar n’approuvait pas les méthodes d’une partie des membres de cette unité, les attitudes de cow-boys qui émanaient de certains d’entre eux et l’attitude de suiveur ou la passivité des autres ; La plupart n’étaient pas de mauvais bougres, et faisaient même correctement leur travail, mais oubliaient que tout n’était pas acceptable au nom du besoin de relâcher la pression. Non sans une pointe de cynisme, Lonnie avait finalement fait remarquer « Du moment que tu ne fasses pas comme Davies qui me demande de couvrir ses arrières quand il trompe sa femme. » et arraché au brun un léger roulement d’yeux, pas tant pour la question de l’infidélité que pour le faire de s’octroyer le droit d’utiliser un tiers pour faire le sale boulot. Pour autant, et parce qu’ils touchaient là à un sujet épineux, Anwar avait conseillé « Davies est un grand garçon, il peut se gérer sans avoir besoin qu’on bobarde pour son compte. Si on te demande tu devrais t’en tenir à un aucune idée et ne pas te mouiller pour lui. » avant d’ajouter d’un ton plus mesuré « Mais n’ait pas le jugement trop hâtif, on ne sait jamais vraiment ce qui se passe dans le couple des autres, c’est rarement tout noir ou tout blanc. » avec le brin de sourire du bonhomme qui savait probablement de quoi il parlait mais qui ne ferait pas de commentaire supplémentaire à ce sujet. Disons simplement que le temps et l’expérience lui avaient appris que plus les détails de sa vie personnelle étaient évoqués avec parcimonie sur son lieu de travail mieux il se portait. Abandonnant un moment le jeune homme pour redescendre son arme de service à l’armurerie tous les deux avaient finalement rejoint le traiteur chinois de l’autre côté de la rue, Anwar évoquant un instant le fait que Lonnie fasse le trajet jusqu’au commissariat en vélo, chose qui le faisait hésiter entre admiration et curiosité. « En voiture je suis une vraie catastrophe. J'ai eu mon permis il y a quatre mois et ma voiture en même temps mais c'est un tas de boue que j'arrive pas à conduire. Alors le vélo c'est le meilleur moyen que j'ai trouvé pour ne pas me tuer sur la route. » Se retenant de faire remarquer que c’était aussi ce que l’on disait de lui, qu’il était une vraie catastrophe en voiture – mensonges, vous dirait-il – le brun s’était contenté d’un sourire amusé avant que l’un et l’autre ne soient occupés à commander de quoi se remplir l’estomac. Attendant qu’ils se soient installés à une table, le policier s’était malgré tout senti le devoir – presque l’obligation – de tenir à Lonnie le couplet de l’importance de la vie privée et du fait de ne pas faire déborder le professionnel dessus, quand bien même il se savait en mauvaise posture pour faire la morale à ce sujet, particulièrement maintenant que seul son perroquet attendait qu’il rentre à l’appartement le soir. « Et pourtant quand je suis arrivé ici on m'a fait comprendre que je devais en faire le plus possible et oublier ma vie privée. » lui avait malgré tout fait remarquer le jeune homme, mi-figue mi-raisin, avant de reprendre « Mais je sais que traîner dans les bureaux après les heures de boulot c'est pas ce qui va m'amener vers de nouvelles affaires. C'est juste que je m'y sens bien, c'est ce que j'ai toujours voulu faire. » Marquant une brève pause, comme s’il prenait la mesure de sa phrase, il avait enfin ajouté « Ça sonne vraiment cliché mais malgré tout ce que je subis, je changerai pour rien au monde. » et arraché à Anwar un sourire bienveillant. « T’es ce genre de recrue qui est arrivée là par vocation, si je comprends bien. » Cela lui forçait toujours un peu l’admiration et le respect, à lui qui était arrivé dans la police par le plus grand des hasards et n’avait découvert son amour pour ce métier qu’une fois mis au pied du mur, l’uniforme sur le dos et la satisfaction de s’être rendu utile à la fin d’une longue journée de patrouille. « Famille de flics ? » avait-il alors hasardé, parce que c’était l’une des explications généralement avancée à une envie ancrée depuis tout jeune de porter l’uniforme à son tour. Pas toujours, mais dans une partie des cas, au moins. « Enfin, quoi qu’il en soit ceux qui t’ont dit que tu devais oublier ta vie privée t’ont raconté des conneries. Y’a pas besoin de se forcer pour l’oublier, quand on fait ce métier … Justement, c’est toute la difficulté, de s’en souvenir. » Et cela demandait plus d’efforts que les gens n’en avaient conscience extérieurement, ne comprenant pas cette incapacité à juste mettre son cerveau sur off et arrêter de penser boulot dès lors que l’on n’avait plus les pieds dans le commissariat ou le badge à la ceinture. On y pensait tout le temps, on cogitait sans cesse, et décrocher pour de bon demandait une gymnastique psychologique parfois incertaine, souvent ardue. « Si pour le moment tu vis seul c’est pas bien grave, mais si un jour c’est plus le cas … Disons que ce n’est pas un hasard si le taux de divorce est aussi élevé dans ce boulot. » Médecin et policier, les deux professions où les divorces étaient les plus fréquents, sans que l’on en soit vraiment surpris en fin de compte. Les horaires, les cas de force majeure, les imprévus, et l’incapacité à se décharger de la charge émotionnelle qui incombait au métier … Fallait avoir le cœur bien accroché pour en accepter les contraintes.
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| | | | (#)Lun 9 Juil 2018 - 13:25 | |
| Si en plus d'être de très bon conseils et d'avoir sur Lonnie une affluence particulière Anwar était aussi un soutien moral pour le jeune flic qui tentait de croiser son regard avenant dès que le moindre inconvénient venait frapper à sa porte. Sur tous les plans l'inspecteur Zehri était l'âme charitable qui avait tendue la main à Lonnie alors que celui-ci n'avait en tête que l'idée de se noyer en faisant le moins de vague possible, que ce soit en lui octroyant un droit de regard sur cette affaire qui lui tenait à cœur ou alors en le motivant à faire de son mieux pour prouver à tous les autres qu'il n'était pas juste le meilleur gratte papier du commissariat. « Davies est un grand garçon, il peut se gérer sans avoir besoin qu’on bobarde pour son compte. Si on te demande tu devrais t’en tenir à un aucune idée et ne pas te mouiller pour lui. » Acquiesçant d'un signe de la tête aux saintes paroles distribuées par le policier Lonnie avait osé un sourire alors que son regard balayait déjà le sol. « Mais n’ait pas le jugement trop hâtif, on ne sait jamais vraiment ce qui se passe dans le couple des autres, c’est rarement tout noir ou tout blanc. » Encore une fois il ne pouvait qu'être d'accord, même si à chaque fois que Davies venait le voir en soufflant qu'il avait besoin de lui Lonnie ne pouvait s'empêcher d'avoir une pensée pour sa femme qui l'attendrait encore longtemps à la maison. Hartwell avait assez de jugeote pour comprendre le sourire en demi-teinte d'Anwar qui signifiait qu'il en savait plus sur le sujet mais que le moment n'était pas encore venu pour les explications. « Si tu ouvres un cabinet de conseils inscrit moi en haut de la liste. » Comme simple réponse, accompagnée d'un sourire alors que la paire se dirigeait vers la sortie. Le Hartwell faisait de son mieux pour contrer les bâillements, pour éviter à ses yeux de se remplir d'un sommeil dont il avait plus que besoin, mais encore une fois Anwar était là pour rappeler les lois rudimentaires de la physique "afin de mener à bien ce dossier il fallait avoir l'esprit aussi clair que possible", et cela passait par un arrêt nécessaire au resto chinois d'en face qui comptait quasiment tous les flics comme plus fidèles clients. Commandes en mains et table trouvée non loin de la sortie (ce qui donnait à Lonnie une vue sur le commissariat mais aussi sur son précieux vélo) l'inspecteur n'avait pas pu retenir l'éternel couplet que le roux avait entendu maintes et maintes fois de la part de sa mère et qui remontait toujours en lui cette impression d'être un enfant. Mais il y avait une différence entre le discours de sa génitrice, inquiété de savoir son cadet dans une environnement aussi sordide que celui de la possible sans avoir un moyen de relâcher la pression en rentrant à la maison, et les paroles d'Anwar qui agissait encore une fois comme une force de l'ombre, un mentor qui ne s'en donnait pas le titre. « T’es ce genre de recrue qui est arrivée là par vocation, si je comprends bien. » La bouche pleine de poulet à l'orange qu'il mangeait à la fourchette pour s'épargner la honte de devoir utiliser des baguettes devant Anwar, Lonnie avait haussé un sourire sur ses lèvres en même temps que ses épaules. « Il faut blâmer les films de flics que ma mère me laissait regarder le soir. » Tard dans la nuit alors que tout le monde était couchés le petit Lonnie se relevait de son lit superposé sans réveiller son frère et traversait le couloir pour se plonger dans les films, son pyjama de flic sur le dos. « Famille de flics ? » La question avait fait tâche et le Hartwell avait bien failli s'étouffer avec les restes de poulet coincés dans sa gorge. Essuyant ses lèvres avec le bout de la serviette en papier il avait baissé le regard pour ne pas avoir à croiser les yeux inquisiteur d'Anwar alors qu'il cherchait à formuler une réponse qui n'en dévoilerait pas trop. « Père électricien, mère au foyer. Personne ne m'a vraiment poussé à faire ce boulot mais.. disons que certaines choses ne sont dressée sur mon chemin et j'ai compris que c'était mon truc. » Des choses dont il tairait le nom mais que l'on peut facilement retrouver dans les archives de la ville si on s'en donne la peine. « Enfin, quoi qu’il en soit ceux qui t’ont dit que tu devais oublier ta vie privée t’ont raconté des conneries. Y’a pas besoin de se forcer pour l’oublier, quand on fait ce métier … Justement, c’est toute la difficulté, de s’en souvenir. » Lonnie buvait les paroles comme autant de gouttes d'eau après une traversée dans le désert, et même si il pouvait concevoir le fait que la vie privée soit justement la valve libératrice une fois rentré à la maison il ne pouvait s'empêcher de penser que seul le chat de la voisine l'attendait bien sagement sur la fenêtre. « Je ferai en sorte d'appliquer ces bonnes paroles et de, peut-être, me forcer à sortir un peu plus la tête des rapports qui jonchent mon bureau. » Lonnie n'avait jamais été le genre à sortir seul dans les bars, ni même à se perdre dans les étrangetés des sites de rencontre ou des réseaux sociaux, et si il avait toujours imaginé sa solitude comme un étrange pied de nez du destin les paroles d'Anwar commençaient à avoir effet sur lui et sur sa mauvaise volonté qui le poussait à ne jamais sortir. « Si pour le moment tu vis seul c’est pas bien grave, mais si un jour c’est plus le cas … Disons que ce n’est pas un hasard si le taux de divorce est aussi élevé dans ce boulot. » Le dos appuyé contre le dossier de la chaise Lonnie avait balayé la salle du regard pour trouver un point d'ancrage face aux dernières paroles de son collègues qui semblait bien plus au courant que ce qu'il laissait paraître. « Le mariage n'est pas une priorité pour le moment, j'ai eu assez de soucis avec celui des mes parents. » Encore une fois il taisait les points importants pour ne pas se prendre le retour de vent en plein dans la gueule mais aussi pour ne pas avoir à ressasser tout ça alors qu'il passait enfin une soirée éloigné de son appartement vide. « Mais je comprend ce que tu veux dire. Peu importe le nombre d'enquête que tu réussi, ce boulot fini par te bouffer si tu ne relâche pas la pression en dehors du bureau. » Que le Hartwell avait résumé en quelques mots alors qu'il poussait le reste de son plat devant lui d'un geste de la main avant de lever ses yeux vers l'inspecteur. « L'uniforme t'as toujours collé à la peau ou bien c'est un pur hasard que tu te retrouves là, à donner des conseils à un gamin ? » Bien plus heureux de détourner la conversation pour ne plus avoir à parler de lui Lonnie avait attendu sagement la réponse de son coéquipier du moment, sachant très bien qu'elle serait teintée d'une autre couleur que celle du policier. |
| | | | (#)Sam 28 Juil 2018 - 9:51 | |
| Au fond Anwar aurait presque pu le deviner, il n’y avait souvent que les vocations qui venaient de lui qui pour se montrer aussi consciencieuses dans leur travail, et surtout aussi prêtes à endurer en serrant les dents les débuts souvent difficiles au sein d’un service. Les choses prenaient plus de temps pour ceux qui, comme Anwar, avaient atterri dans la police un peu par hasard, en s’étant dit pourquoi pas. « Il faut blâmer les films de flics que ma mère me laissait regarder le soir. » lui avait de son côté répondu Lonnie en guise de confirmation, arrachant à Anwar un sourire vaguement attendri à l’idée d’un Lonnie miniature assis en tailleur devant le poste de télévision et oubliant absolument tout le reste autour de lui. Il se l’imaginait d’autant mieux qu’il pouvait y greffer ses propres souvenirs et son fils hypnotisé par le téléviseur et le ballet La Bayadère regardé en boucle sans jamais s’en lasser. « Père électricien, mère au foyer. » avait néanmoins fait mentir le jeune homme lorsqu’Anwar avait cru pouvoir tirer plus de conclusions par lui-même. « Personne ne m'a vraiment poussé à faire ce boulot mais ... disons que certaines choses ne sont dressées sur mon chemin et j'ai compris que c'était mon truc. » Et le brun d’acquiescer sans gratter plus loin, certain que les « choses » en question ne demandaient pas à être déterrées et n’auraient pour commencer jamais été mises sur le tapis s’il n’avait pas questionné. Reste que peu importe quelles étaient les raisons ayant poussé la vocation de Lonnie, celui qui lui avait donné pour conseil de vivre pour son boulot et de ne jamais compter ses heures était un imbécile ; Dans d’autres boulots cela s’apparenterait peut-être à une façon de parler, mais dans la police il était aisé de se laisser glisser dans ce genre de travers et de se retrouver presque accro à son travail, incapable de décrocher même pour le bien de ses proches, même pour son bien à soi. Et plus on tombait tôt dans ce genre de travers plus il était difficile de s’en détacher ensuite. « Je ferai en sorte d'appliquer ces bonnes paroles et de, peut-être, me forcer à sortir un peu plus la tête des rapports qui jonchent mon bureau. » lui avait néanmoins assuré Lonnie, plein de bonne volonté, bien qu’Anwar ne soit pas en mesure de dire s’il le pensait vraiment ou bien s’il disait simplement cela pour lui faire plaisir. « Je t’assure qu’ils ne s’envoleront pas en ton absence. » s’était gentiment amusé le policier, se retenant simplement de faire remarquer qu’i y avait d’autant peu de chances que ce n’était pas ses collègues qui l’en déchargeraient, dans l’immédiat. « Le mariage n'est pas une priorité pour le moment, j'ai eu assez de soucis avec celui de mes parents. Mais je comprends ce que tu veux dire. Peu importe le nombre d'enquête que tu réussi, ce boulot fini par te bouffer si tu ne relâche pas la pression en dehors du bureau. » Lui adressant un signe de tête positif, le brun n’avait pas répondu tout de suite et pris le temps de boire quelques gorgées de son eau de coco, réalisant seulement maintenant qu’il avait fichtrement soif. Parait-il que c’était de bouffer du sucre à longueur de journées qui faisait cafouiller sa sensation de soif ; Mais ça c’était ce que disait Lili, et Annie la soupçonnait d’utiliser n’importe quelle excuse pour faire baisser sa consommation journalière de bonbons, en bonne mère poule qu’elle était. « C’est ça. » avait-il finalement repris, à propos de ce qu’avait répondu Lonnie. « Et ce n’est même pas qu’une question de couple au fond … De ne penser à rien d’autre que le boulot, ça fini par bouffer même les meilleurs des flics. Surtout quand on bosse dans ce genre de services, c’est jamais anodin. » La protection des mineurs, les homicides, et tous ces services qui souvent vous faisaient voir le pire chez l’être humain. Et il n’y avait pas que le taux de divorces qui soit élevé dans la police : celui des suicides l’était, aussi. Et ça non plus ce n’était pas anodin. « L'uniforme t'as toujours collé à la peau ou bien c'est un pur hasard que tu te retrouves là, à donner des conseils à un gamin ? » Attrapant un de ses nems végétarien avec sa paire de baguettes – et personne ne saurait jamais le nombre d’années qu’il lui avait fallu pour parvenir à se servir à peu près correctement de ces deux bouts de bois – il avait commencé par affirmer « Je ne distribue de conseils qu’à ceux qui me donnent l’impression d’en avoir dans le crâne. » Et bien que la formule soit un peu bancale il s’agissait donc bel et bien d’un compliment. Après quoi Anwar avait repris, d’un ton léger « Et disons que c’est un heureux hasard. » Mais un hasard malgré tout, tout le contraire de Lonnie semblait-il. « J’ai fait pas mal de jobs différents après avoir terminé le lycée, certains qui m’ont plu, d’autres moins, mais y’en a aucun que je me voyais faire toute ma vie. Et finalement un de mes potes s’est inscrit au concours de police et je me suis dit Pourquoi pas ? Je pensais pas vraiment être retenu, mais bon. » A nouveau il avait haussé les épaules. L’ironie était que son pote, lui, n’avait pas passé la dernière étape des concours, et que si Anwar n’avait pas été piqué au vif par le manque de soutien de la mère de Tarek il se serait peut-être désisté … « Enfin voilà, je suis un peu là par un concours de circonstances au final. Mais il m’a pas fallu longtemps pour vraiment aimer ce boulot, et maintenant je me verrai pas en faire un autre. » Marquant une nouvelle pause, il avait englouti son second nem et reposé sur Lonnie un regard curieux. « N’empêche, c’est pas étonnant qu’ils t’en fassent voir de toutes les couleurs dans ta team … C’est rare, d’obtenir une place dans ce genre de service aussi jeune. T’as vraiment dû tout donner aux examens. » Et au fond plus que du simple bizutage peut-être y’avait-il une pointe de jalousie de la part de ceux qui, au même titre qu’Anwar, avaient probablement commencé comme patrouilleur ou comme gratte-papier au service des plaintes.
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| | | | (#)Dim 5 Aoû 2018 - 21:14 | |
| Lonnie ne pouvait pas mentir, cette soirée passée loin de la pile de dossiers et de son éternel combo plat à emporté/téléfilm en noir en blanc était plus que bienvenue dans la vie monotone de l'agent. Les conseils d'Anwar retentissait dans ses oreilles comme autant de paroles que les psys et les conseillers d'orientation avaient tentés de faire entrer de force dans la tête peu fascinée d'un jeune Hartwell en mal de reconnaissance, et pourtant il écoutait, faisait en sorte de ne rater aucuns mots afin de pouvoir en tirer le plus de bien possible. L'appétit porté sur son plat de poulet à l'orange le policier n'en restait pas moins focaliser sur le fait de ne pas trop en dire, de ne pas se dévoiler totalement à l'inspecteur qui - si il faisait correctement son travail - ne mettrait pas longtemps avant de relier les points entre eux et de faire la lumière sur l'enfance sordide d'un Lonnie qui avait avalé ses mots en manquant de s'étouffer. Et le sourire bienveillant n'avait rien changé aux souvenirs de Lonnie qui étaient remontés comme des bulles de champagne. Se réjouissant intérieurement de ne pas être tombé dans la drogue ou dans l'alcool alors que tout le poussait à le faire Lonnie avait esquissé un sourire devant les nombreux conseils qu'Anwar lui servait sur un plateau comme le grand frère que le policier n'attendait plus (alors que son propre frère se contentait d'un message pour son anniversaire). « Je t’assure qu’ils ne s’envoleront pas en ton absence. » Essuyant le coin de ses lèvres avec la serviette en papier glissée à la vas-vite sur son plateau par la serveuse Lonnie avait tout de même haussé un sourire sur ses lèvres en même temps que les épaules. « Ça je veux bien te croire. Je pense même que je vais en retrouver demain en arrivant, ils se reproduisent la nuit. » Une façon amusante mais vraie de dire que, pendant son absence, d'autres se chargeraient de remplir un peu plus le vase qui était débordait déjà. La question de la vie privée était toujours pour le Hartwell en moment douloureux à passer et qui, d'habitude, était un exercice rondement mené par sa mère qui s'inquiétait de le savoir toujours seule à son âge et qui avait même essayer une fois de le caser avec la fille d'une de ses co-détenues. « Et ce n’est même pas qu’une question de couple au fond … De ne penser à rien d’autre que le boulot, ça fini par bouffer même les meilleurs des flics. Surtout quand on bosse dans ce genre de services, c’est jamais anodin. » La bouteille de bière au bord des lèvres Lonnie avait hoché la tête en direction de l'inspecteur afin d'appuyer ses paroles comme il le faisait depuis le début de se tête-à-tête. "Une question de couple" et le visage de Greta qui s'affiche alors que, pendant un instant, Lonnie perd le fil de ses pensées pour accorder à la blonde une réflexion heureuse. « T'as raison... C'est pas le meilleur service pour rentrer la tête légère le soir. » Haussant les épaules Lonnie s'était adossé à sa chaise avant de fixer l'inspecteur dans les yeux. « Je crois que je vais me mettre au sport... à défaut d'être en couple. » Réflexion stupide certes mais qui était sorti du fond du cœur afin de construire la conversation mais aussi la relation entre les deux, le policier voulant se montrer plus amical avec un Anwar qui prenait de son temps pour l'écouter se plaindre. Sourire timide sur les lèvres Lonnie avait remercié l'inspecteur d'être de si bon conseils avec lui alors qu'il avait une vie en dehors de l'oeuvre de charité que représentait le Hartwell ce soir. « Je ne distribue de conseils qu’à ceux qui me donnent l’impression d’en avoir dans le crâne. » Compliment déguisé mais compliment quand même Lonnie avait hoché la tête dans un "merci" silencieux alors que la question sur la probable vocation de l'inspecteur avait franchie ses lèvres. « Et disons que c’est un heureux hasard. J’ai fait pas mal de jobs différents après avoir terminé le lycée, certains qui m’ont plu, d’autres moins, mais y’en a aucun que je me voyais faire toute ma vie. Et finalement un de mes potes s’est inscrit au concours de police et je me suis dit Pourquoi pas ? Je pensais pas vraiment être retenu, mais bon. » C'était plus qu'étrange d'entendre que le Zehri n'était pas tombé dans la marmite étant petit mais qu'il avait, finalement, succombé à l'appel des sirènes. « On sonne comme une vieille série sur les flics. » Amusé par la situation Lonnie avait affiché un sourire enfantin sur ses lèvres. « Celui qui a toujours voulu faire ça et celui qui est juste tombé dedans au hasard. On aurait des poses stupides à la fin du générique et une voiture de collection. » Depuis tout jeune le policier avait été abreuvé de clichés sur les flics et de séries où tout était kitsch, de la coiffure aux vêtements. « Enfin voilà, je suis un peu là par un concours de circonstances au final. Mais il m’a pas fallu longtemps pour vraiment aimer ce boulot, et maintenant je me verrai pas en faire un autre. » Cheers to that, qu'avait illustré Lonnie en levant sa bière devant lui avant d'en engloutir les dernières gouttes salvatrices. « N’empêche, c’est pas étonnant qu’ils t’en fassent voir de toutes les couleurs dans ta team … C’est rare, d’obtenir une place dans ce genre de service aussi jeune. T’as vraiment dû tout donner aux examens. » C'est aussi ce qu'il avait toujours pensé, que cette position le mettait dans l'embarras justement parce qu'il avait mieux réussi que les autres et qu'il avait obtenu les bons soutiens au bon moment. Enfouissant les dernières bouchées de riz Lonnie avait redressé lentement la tête vers Anwar. « Tu connais Milena Grimes ? Avocate spécialisée dans le droit de la famille, grande, brune, impressionnante ? » Le Hartwell n'avait jamais caché ses ambitions ni même la façon dont il avait obtenu le job après un premier refus, et Milena était maintenant l'un des piliers de sa carrière à qui il rendait service de temps à autre. « Ils ont refusés mon dossier une fois, soit disant par "manque de place". Mais j'étais tellement sûr d'être fait pour ça que je suis allé la trouver, Milena, à la sortie de son cabinet. » Sourire figé sur les lèvres Lonnie avait détourné le regard, pour ne pas rajouter un peu plus à cette attitude de stalker qui pouvait se dessiner dans son histoire. « Elle a appuyée mon dossier parce qu'elle a cru en moi. Et maintenant je lui rend l'ascenseur dès qu'elle en a besoin. » Haussant les épaules mais intérieurement tendu dans l'attente d'une réaction de la part de l'inspecteur Lonnie avait passé un bras en travers du dossier de la chaise, faussement détaché. Si il perdait la confiance d'Anwar à cause de cette histoire Lonnie se maudirait pendant longtemps, mais il n'y avait rien de mal à pousser un peu la chance. |
| | | | (#)Ven 24 Aoû 2018 - 14:46 | |
| La paperasse n’était pas la partie la plus palpitante du boulot, mais elle n’en était pas moins nécessaire. Et si certaines des méthodes des collègues directs de Lonnie faisaient un peu grincer Anwar des dents, le fait de lui laisser la paperasse n’était pas ce qui l’offusquait le plus ; Toutes les nouvelles recrues y avaient droit, et le jeune homme pouvait déjà s’estimer heureux de mettre dès le départ le nez dans des dossiers intéressants. Anwar se souvenait sans mal des après-midis passées à éplucher de la vidéo-surveillance pour du vandalisme ou à recouper les plaintes pour cambriolages estivaux dans l’espoir de trouver un mode opératoire commun. Le « Ça je veux bien te croire. Je pense même que je vais en retrouver demain en arrivant, ils se reproduisent la nuit. » de Lonnie lui avait donc simplement arraché un sourire compatissant, avec malgré tout la certitude que sous la sanction pouvait aussi se trouver l’occasion de donner un œil neuf à des dossiers qui en avaient parfois bien besoin. Mais raison de plus alors pour se garder une soupape de sécurité, une occasion de penser à autre chose que le boulot une fois la journée terminée ; Pour garder l’esprit affuté au travail, et ne pas sombrer dans le pathos en dehors. « T'as raison ... C'est pas le meilleur service pour rentrer la tête légère le soir. Je crois que je vais me mettre au sport ... à défaut d'être en couple. » Laissant échapper un éclat de rire amusé, Anwar avait acquiescé doucement et picoré quelques instants dans son assiette. « C’est bien, tu luttes contre le cliché du flic qui ne sait que se goinfrer de donuts. » Il luttait mieux que lui en tout cas, peut-être pas tant amateur de donuts – quoi qu’il n’en refusait pas un de temps en temps – mais définitivement du genre à avoir toujours des bonbons ou des cochonneries bourrées de sucre dans les poches. Gageant en tout cas qu’il avait suffisamment questionné Lonnie, le policier n'avait alors pas rechigné lorsque le jeune homme avait décidé d’en faire de même, et confié sans hésitation le hasard le plus total qui l’avait mené dans la police en lui permettant ainsi une carrière qu’il n’aurait peut-être – sans doute, même – jamais envisagée tout seul. « On sonne comme une vieille série sur les flics. » s’en était alors amusé le plus jeune « Celui qui a toujours voulu faire ça et celui qui est juste tombé dedans au hasard. On aurait des poses stupides à la fin du générique et une voiture de collection. » Prenant l’air faussement désolé, Anwar avait terminé son eau de coco et secoué la tête en reposant sa bouteille vide sur la table « Pourtant j’essaye toujours de convaincre le big boss que poursuivre un suspect en Ferrari 308 aurait beaucoup plus de gueule, mais il n’est pas très réceptif. » Ce serait pourtant l’occasion ou jamais pour Anwar de faire revenir la moustache qu’il avait brièvement arboré fut un temps – la vie est faite d’expériences – histoire de faire honneur au bolide conduit par Magnum. Mais difficile de savoir si c’était plutôt l’absence de banquette arrière ou le peu de soin avec lequel Anwar traitait ses véhicules qui faisaient pencher la balance en sa défaveur … Et la police n’était pas un cirque, certes. Reste qu’Anwar n'échangerait plus son métier pour rien au monde, ce à quoi Lonnie avait doucement trinqué avant de terminer sa bière, laissant au brun le temps de se risquer à faire un commentaire – qui n’était en rien un jugement – sur le côté exceptionnel que représentait le fait d’obtenir si jeune une place dans un service si prisé (un peu trop souvent à tort, par des agents n’ayant pas pleinement conscience de ce dans quoi ils s’embarquaient). « Tu connais Milena Grimes ? Avocate spécialisée dans le droit de la famille, grande, brune, impressionnante ? » qu’avait alors questionné Lonnie, engloutissant à la va-vite ses dernières bouchées de riz. « Pas personnellement, non. Mais de nom. » Le monde de la justice était plus petit qu’on le croyait, au fond. À force de croiser toujours les mêmes noms dans les dossiers et les mêmes visages entre le poste de police et le tribunal, on finissait par s’habituer. « Ils ont refusés mon dossier une fois, soit disant par "manque de place". Mais j'étais tellement sûr d'être fait pour ça que je suis allé la trouver, Milena, à la sortie de son cabinet. Elle a appuyée mon dossier parce qu'elle a cru en moi. Et maintenant je lui rend l'ascenseur dès qu'elle en a besoin. » Malgré lui Anwar n’avait pu s’empêcher de penser que c’était bien là une manière de faire d'avocat, rendre un service simplement dans le but de se faire des contacts et de pouvoir profiter de dettes à honorer. « Je vois. » avait-il alors simplement répondu, l’œil incertain du jeune homme le poussant à étoffer « Je comprends mieux que certains te fassent la vie dure. J’veux dire, je ne te jette pas la pierre, personnellement je suis du genre à penser qu’il faut savoir prendre le taureau par les cornes quand on veut vraiment quelque chose … Mais ça a forcément dû en faire jaser quelques-uns. » D’abord à raison, parce qu’après tout on était rarement ravi d’apprendre que la nouvelle recrue était arrivée là par piston, et sans doute après par principe, en voyant que la recrue en question faisait l’affaire et ne pouvait pas être attaquée frontalement pour avoir mal fait son travail. « Mais bon, ça finira bien par passer. Suffit d'avoir le dos large en attendant, même si c’est pas une partie de plaisir. » Ça lui forgerait le caractère et ça lui serait utile dans son boulot, fallait qu’il le prenne comme ça plutôt d'autrement. Leurs repas respectifs terminés, Anwar avait jeté un coup d'œil à sa montre et proposé tout en étirant ses bras au-dessus de lui. « Bon tu m'excuseras, mais j’me fais vieux et j'ai besoin de ma dose de sommeil si la journée de demain est longue – et elle risque de l’être. » Tant physiquement que nerveusement. « On se retrouve au poste disons pour huit heures ? Ça te laissera le temps de faire connaissance avec Banks, il ira faire un tour à la prison pour interroger notre père de l’année pendant qu’on ira à l’école des deux petites. » Banks aussi ne dirait pas non au fait de devoir se débrouiller tout seul, et donc d'avoir l’occasion de faire ses preuves ; Il avait beau faire lever au ciel les yeux d’Anwar de temps à autres, ce dernier savait qu’il n’était pas aussi empoté qu’il le laissait parfois entendre. Bref, il y aurait pour les deux rookies de quoi faire valoir leurs compétences le lendemain.
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