Il était clair que cette affaire était loin d'être résolue pour Jessy. Il y avait des moments où elle se disait qu'elle était en sécurité. Et qu'elle ne craignait plus rien. Et d'autres fois où elle se demandait si ça n'allait pas se produire à nouveau. De là à en faire des cauchemars toutes les nuits ... Mais oui, c'était difficile. Très difficile pour la jeune femme. Il y avait certaines fois où elle avait du mal à s'endormir. Et d'autres nuits où elle dormait comme un bébé et elle n'y pensait. Est-ce qu'un jour elle finirait par s'en remettre ? Est-ce qu'un jour elle n'y penserait plus ? Elle n'en savait trop rien à dire vrai. Elle verrait bien. Elle verrait bien. Ca finirait par aller. C'était ce qu'elle n'arrêtait pas de se répéter à dire vrai. Qu'elle irait bien. Elle finirait par balayer loin d'elle ce mauvais souvenir. Elle finirait par penser à autre chose. Ouais. Au moins, ce qui était plaisant, c'était qu'elle ne déambulait plus dans les rues. "Des cauchemars, de temps à autre. Douleurs, non, pas spécialement. Les premiers jours, mais plus maintenant. Les bleus ont fini par disparaître. Et m'arrive un peu de sursauter pour un oui ou pour un non." Ce qui était normal après tout. La moindre petite chose étrange pouvait lui faire peur. Le moindre petit bruit suspect pouvait la terroriser. Mais elle atterrissait bien vite quand elle comprenait le ridicule de la situation. "Je sais que généralement, c'est le contraire qu'il faut ... Mais ne pas en parler, ça m'aide. Ca me permet d'oublier plus rapidement. Et de ne pas y penser. Et quand j'y pense pas, ça va bien." dit-elle dans un hochement de la tête. Henry restait inquiet, et ce malgré le fait que Jessy lui avait dit à plusieurs reprises que ça allait bien. "Tu peux pas vraiment comparer ce qu'on a vécu. C'est très différent. Et à comparer, moi, c'est du pipi de chat." Emily avait bien plus de caractère qu'elle. Si c'était Emily qui s'était retrouvée à sa place, sans doute qu'elle lui aurait pété la gueule à l'autre. Qu'elle l'aurait bien amochée et qu'il aurait pas eu le temps de l'agresser. Mais elle ... Elle était la plus douce des deux. C'était certain. "T'as pas trop à t'inquiéter." Oui. Mieux valait-il qu'il continue à s'inquiéter du sort de sa cadette, enfin, d'Emily. Pour Jessy, ça irait. Ils n'eurent néanmoins pas trop le temps d'en parler plus. La faute à cette étagère qui avait décidé de faire des siennes et de blesser la pauvre petite fille. Jessy avait fait aussi vite que possible pour fouiner dans les tiroirs de son frère et ramener ce qu'il lui avait demandé. Et la petite pleurait à chaudes larmes. C'était compréhensible après tout. N'importe qui aurait pleuré. La surprise, la peur. Et puis, la douleur finalement. Jessy eut un hochement de la tête et elle se rapprocha de Lea tandis qu'Henry allait s'occuper d'elle. "Ca va aller ma puce. Tu sais, tatie Jessy a eu le droit aussi à une blessure comme toi." Elle en était venue à essuyer les larmes qui coulaient le long des joues de Lea. "Moi, c'est à cause d'un vélo. J'étais toute contente parce qu'on venait d'enlever les petites roues. Et puis, bang contre un trottoir. Et j'ai eu bobo au bras pendant quelques temps." Bon, la blessure n'était pas similaire à la sienne. Mais elle espérait bien que cette petite histoire allait consoler Lea. "Ton papa aussi, hein Henry ?" A croire que c'était la marque de fabrique des Bush. Se fracturer quelque chose. La faute à pas de chance, oui.
Il était clair que tu ne t’attendais pas à ce que Jessy t’annonce cette nouvelle aujourd’hui. Tu n’avais pas réellement pensé qu’il avait pu arriver quelque chose à ta sœur parce que ta mère te l’aurait dit ou Emily te l’aurait dit. Mais dans ce cas précis, tu n’étais pas certain que l’une ou l’autre soient au courant de ce qui se passait dans la vie de Jessy. Tu en voulais un peu à ta sœur de le garder pour elle pour la simple et bonne raison que tu aimerais l’aider mais que tu en étais ainsi incapable car elle le gardait au fond d’elle en essayant de te faire croire que tout allait bien. Parce que oui, tu savais que cela n’était pas possible, tout ne pouvait pas aller aussi bien qu’elle le disait, c’était trop simple. C’était comme si elle pouvait s’endormir et tout oublier en une nuit, impossible. « Des cauchemars, de temps à autre. Douleurs, non, pas spécialement. Les premiers jours, mais plus maintenant. Les bleus ont fini par disparaître. Et m'arrive un peu de sursauter pour un oui ou pour un non. » Bon, elle ne décrivait aucune douleur, cela semblait relever du psychologique et du purement psychologique. Et Dieu savait que c’était le plus compliqué, ce dont on n’arrivait pas à se débarrasser, du moins pas facilement. Si tu avais mis autant de temps à accepter le retour de ta sœur dans ta vie c’était à cause du psychologique, cette chose si compliquée et toujours en grande partie incomprise. « Tu me promets que si tu as mal quelque part tu m’appelles d’accord ? » Lui demandas-tu parce que tu avais besoin qu’elle te dise qu’elle savait qu’elle pouvait t’appeler et que tu répondrais. Oui parce que cette question allait beaucoup plus loin que la protection d’un frère sur sa sœur. C’était l’affirmation que si Jessy appelait tu serais au bout du fil ce qui n’avait pas été le cas ces deux derniers mois. « Je sais que généralement, c'est le contraire qu'il faut ... Mais ne pas en parler, ça m'aide. Ca me permet d'oublier plus rapidement. Et de ne pas y penser. Et quand j'y pense pas, ça va bien. Tu peux pas vraiment comparer ce qu'on a vécu. C'est très différent. Et à comparer, moi, c'est du pipi de chat. » Jessy avait certainement raison, Emily avait vécu quelque chose de beaucoup plus traumatique mais tout dépendait à quoi on le comparait. Jessy n’avait pas eu l’entraînement, l’expérience d’Emily. Peut-être que pour Jessy, son agression avait une importance aussi grande que chez Emily même si elles avaient vécu des choses bien différentes. Tu ne savais pas, cela te faisait réfléchir. « T'as pas trop à t'inquiéter. » Et pourtant tu ne pouvais que t’inquiéter. T’inquiéter pour Jessy à cause de cette agression, d’Emily parce qu’elle ne semblait pas se remettre de ses expériences et maintenant de Lea qui venait de se fracturer quelque chose dans la jambe, il y avait peu de chance qu’elle ne s’en sorte pas avec un plâtre. Très peu de chance. « Je ne peux que m’inquiéter Jessy. » Finis-tu par lui dire avant de te précipiter dans la chambre de ta fille. Tu commençais par la rassurer avant de regarder les dégâts et il y en avait. Tu demandais à ta sœur d’aller chercher dans la cuisine de quoi faire une attelle provisoire parce que tu ne voulais pas trop bouger la jambe de Lea de peur de lui faire encore plus mal. Et ça il en était hors de question. Quand Jessy revint, tu lui demandais de rassurer Lea pendant que tu t’occupais de faire l’attelle. Ce serait plus simple ainsi, tu ne pouvais pas te concentrer sur ta fille et sur sa jambe en même temps, tu ne ferais pas bien ton travail. Ta sœur prit le relai cependant en disant : « Ca va aller ma puce. Tu sais, tatie Jessy a eu le droit aussi à une blessure comme toi. Moi, c'est à cause d'un vélo. J'étais toute contente parce qu'on venait d'enlever les petites roues. Et puis, bang contre un trottoir. Et j'ai eu bobo au bras pendant quelques temps. Ton papa aussi, hein Henry ? » Tu ne pus que sourire alors que Jessy racontait ce souvenir. Effectivement, elle avait eu un bobo, rien de l’ampleur de ce qu’allait avoir Lea mais tu savais que tu trouverais un moyen de rendre cette blessure super cool. « Moi c’était à la jambe comme toi. J’étais plus grand que toi mais cela ne veut pas dire que j’ai été beaucoup plus courageux que toi, ça faisait vraiment mal. » Tu voulais rassurer ta fille sur le fait qu’elle était courageuse alors que tu terminais l’attelle de substitution. Te tournant vers Jessy, tu lui dis : « Je vais porter Lea, tu veux bien ouvrir la marche ? » Lui demandas-tu simplement.
Est-ce qu'elle l’appellerait ? Est-ce qu'elle serait capable de prendre le téléphone et d'appeler son grand frère parce que ce n'était pas la forme ? Parce qu'elle faisait des cauchemars ou bien parce qu'elle avait mal ? C'était son frère. Qu'importe ce qu'elle ait pu faire, il restait son frère. Et elle savait qu'elle pouvait compter sur lui. Certes, ces deux derniers mois, il avait été distant avec elle. Mais à juste titre. N'importe qui aurait fait la même chose. N'importe qui aurait pris ses distances histoire d'oublier. De penser à autre chose. Peut-être avait-il fini par pardonner. Peut-être qu'il avait encore du chemin à faire avant de le faire. Jessy n'en savait trop rien. Mais elle ne pouvait pas rester sourde pour autant à la proposition. Elle aurait tant aimé pouvoir lui raconter les moindres détails de sa vie. L'appeler chaque jour, à sa fin de journée, pour lui dire ce qui avait pu se passer dans sa journée. Et elle n'avait pas pu le faire. A cause d'une erreur. Terrible erreur qu'elle ne comptait pas refaire. "Promis Henry." dit-elle dans un hochement de la tête. Oui, elle l’appellerait si ça n'allait pas. Elle le ferait, pour sûr. Cela ne l'empêcherait pas de s'inquiéter par contre pour ses petites soeurs. Ce qui était normal. Mais il devait plutôt s'occuper de lui. De se trouver quelqu'un. De trouver une nouvelle paire de chaussures pour ses pieds. Il avait le droit d'être heureux. Et d'arrêter de s'inquiéter pour ceux qu'il aimait. Mais le destin avait décidé de s'en mêler et de lui pourrir un peu la vie un peu plus. Sa choupinette était blessée. Elle avait crié. Peut-être plus de peur que de mal. A cet âge là, les enfants avaient peur assez facilement. Et elle devait avoir mal également. Pauvre enfant. Blessée. Et pas qu'un peu. Jessy n'imaginait pas la douleur que la petite pouvait ressentir et elle n'avait clairement pas envie d'être à sa place. Ou alors, juste pour que ses larmes cessent de couler le long de son visage si mignon. Alors, elle lui raconta une histoire. Pas une histoire. Un souvenir. Un fait. Un mal de chien. Et c'était pas la seule fois qu'elle s'était blessée. Ca arrivait souvent. Bien trop souvent. "Ca arrive à tout le monde. Parfois, ça fait très mal. Et parfois, on oublie très vite." Elle avait passé ses pouces sur les joues de la petite afin d'essuyer les larmes qui coulaient le long de son visage. Henry avait renchéri avec son souvenir douloureux, également. "Il a beaucoup pleuré." ajouta Jessy en haussant la tête, tentant de faire sourire, ou bien même rire la petite Lea. Finalement, son frère en avait terminé avec l'attelle. Maintenant, il était temps de partir. Jessy avait fini par se relever. "Oui, bien sûr." Elle avait été récupérer son sac et elle s'était dirigée vers la porte d'entrée. "Je ferme derrière toi." Autant qu'il s'occupe de sa fille et qu'il ne se tracasse pas des petits détails. Parce que là, tout de suite, c'était elle. C'était Lea qui était importante. Et c'était compréhensible après tout. Elle était blessée.