lost stars Please don't see just a girl caught up in dreams and fantasies Please see me reaching out for someone I can see ∆ ∆ ∆
Il l’avait rendue curieuse. Sur la défensive, sur le moment, mais curieuse. Admettre qu’elle n’avait jamais concrètement assisté à ce que les gens normaux appellent un concert avait mis en lumière qu’il manquait quelque chose à sa vie, une expérience à côté de laquelle il n’était pas normal qu’elle soit passée tout ce temps. Elle en avait eu l’occasion, plus d’une fois, mais elle les avait déboutées pour toutes ces raisons plus ou moins vraies. Les désagréments de la foule, le bruit, le tout ne masquant que sa crainte qu’un événement pareil ne lui plaise tout simplement pas, l’ennuie profondément comme tant d’autres choses, et qu’elle ne passe à nouveau pour quelqu’un de bizarre. Mais si elle ne s’accordait pas un essai, si elle ne tentait pas, alors elle ne saurait jamais ce qu’il en était réellement. Néanmoins, Kelly n’était pas prête pour le grand bain. Façon alunissage, elle y allait à petits pas pour l’homme, à grands pas pour une Ward. La jeune femme avait donc récupéré l’adresse du lieu où se déroulaient les fameuses soirées open mic dont lui avait parlé Kane la dernière fois qu’ils s’étaient croisés à la caserne, et elle s’était motivée pour y faire un tour, assister à une performance du jeune homme, et se donner une chance d’apprécier le moment. Elle était arrivée un peu en avance suite à un court saut chez elle après le travail afin de réajuster son allure et s’assurer que Tobey ne manquait de rien. Son éternelle crainte d’être en retard la poussait constamment à se presser et, finalement, pointer le bout de son nez dix minutes trop tôt. Au moins avait-elle eu l’embarras du choix en matière de table et en avait-elle profité pour se placer non loin de la scène -ou plutôt, ce petit espace vide jonché de câbles et de baffles où trônaient des instruments et un tabouret. Elle eut cette longue hésitation en regardant le menu, forcée de constater qu’elle est était la seule, cette fois, à pouvoir choisir ce qu’elle allait boire pour accompagner la soirée. Et il y avait tant de bières, quelques cocktails et de la piquette à foison. Dès lors qu’elle s’imaginait bien avec une pinte de blonde légère et fruitée, elle commençait à hésiter avec un mojito très classique, avant de se dire que le Chardonnay était tout de même une valeur sûre qui ne pouvait pas être complètement imbuvable. Cela l’occupa le temps que la salle se remplisse un peu plus, et ce sont les tapotements impatients de stylo du serveur qui la forcèrent à déterminer que puisqu’elle était d’humeur ouverte aux nouvelles expériences, elle boirait une Guiness. Lonely girl night out, Kelly ferait des folies, c’était décidé. Kane ne tarda pas à se montrer sur scène. La brune ne sut pas trop pourquoi, mais elle eut ce court moment de fierté et cette envie de dire à tout le monde qu’elle le connaissait, le joli garçon, qu’ils étaient amis, même ce n’était pas la vérité, et qu’ils devraient tous rester bien assis parce qu’il allait les scotcher sur place avec son talent, alors qu’elle n’en savait rien. Alors elle souriait, tout simplement, le dos bien droit, les jambes croisées, les oreilles grandes ouvertes. Elle était curieuse de savoir s’il allait jouer cette chanson sur laquelle il s’exerçait l’autre jour, ou s’il en avait appris une autre depuis. Surtout, elle espérait qu’il remarquerait qu’elle était là, qu’elle était venue pour lui, pour l’écouter, enthousiaste comme tout. Ses mains étaient prêtes à applaudir, à encourager, à féliciter, et ce qu’importe si, à la fin, elle n’avait toujours pas trouvé d’intérêt à tout ceci. Mais elle espérait si fort. Elle voulait connaître ce frisson, cette chair de poule lorsqu’un morceau vous transporte. Elle voulait avoir le coeur gonflé de joie ou de peine, pouvoir répondre lorsqu’on lui demandait si elle avait une chanson préférée. Et elle avait aussi un peu peur que rien de tout ceci ne lui arrive. Que cette soirée ne soit qu’une confirmation de plus qu’elle n’était pas comme tout le monde. Pas normale.
Ca fait près de deux semaines que j’envoie des SMS à Wendy. Presque en non stop. C’est tellement bon de la retrouver comme ça. On s’est dit tellement de choses. Des trucs profonds. Je lui ai ouvert mon coeur carrément. Et j’en reviens pas qu’elle soit réceptive. Tout est bien trop beau pour être vrai. Moi qui n’ait jamais eu de chance avec les filles, si j’arrive à vivre quelque chose avec Wendy, c’est le jackpot. Elle me rend tellement dingue. J’ai jamais ressenti ça pour quiconque. Je me félicite d’avoir oser lui envoyer un SMS pour le concert de Paramore. Sans ça on aurait pas reconnecté tous les deux. Il y a eu un timing assez parfait dans ma vie ces dernières semaines. Je me suis fait largué par Nina quelques jours après avoir retrouvé Wendy. Comme si le destin voulait que rien ne se mette au milieu de ma route pour reconquérir la blonde. Je me sens tellement en vaine, ça m’a fait pousser des ailes et j’ai écrit une nouvelle chanson. Wendy m’inspire trop. J’ai quand même mis plus de temps à l’écrire cette fois. J’ai même pas mal galéré et je ne suis pas encore tout à fait satisfait de la version terminée, mais ce soir j’ai envie de la chanter.
Je monte sur la petite scène avec ma guitare. Je suis accompagné par un pote qui squatte le bar et les soirées open mic lui aussi. Il est aux percussions ce soir. C’est pas indispensable pour mes chansons mais c’est vrai que ça rend mieux. Je m’installe sur le tabouret haut. Je regarde les gens en face de moi dans la salle, y’a pas beaucoup de monde, c’est le début de la soirée. Je passe en premier parce que je ne rentre pas tard ce soir, je bosse tôt le lendemain. J’ouvre de grand yeux quand je vois Kelly toute seule à une table non loin. Je lui fais un beau sourire et un signe de la main en guise de salue. Cette fois je sais que son prénom c’est Kelly. J’ai demandé à un collègue l’air de rien, pour éviter de me retrouver dans une situation embarrassante.
« Bonsoir… »
Je parle dans le micro.
« Je vais commencer par une reprise, même deux. Mais la première c’est Let Go, de Frou Frou. »
Chanson que j’aime énormément depuis que j’ai vu le film Garden State. J’ai été bluffé par la BO. Je me souviens que je ne voulais pas voir ce film mais ma copine de l’époque, Diana, avait insisté et j’ai cédé. J’ai été très agréablement surpris.
Je ferme les yeux presque tout le long, je suis bien dans la chanson. Je l’aime tellement. Je reste un instant silencieux à la fin. Je suis encore dans le moment. Dans l’émotion. Puis j’ouvre les yeux, appréciant les quelques applaudissements qu’on m’offre.
« Merci… »
Et puis j’enchaîne avec la chanson suivante, sans vraiment l’introduire parce que je ne pense pas que beaucoup de gens la connaisse, même si c’est un petit groupe australien. Je regarde un peu plus le public sur cette chanson, je l’aime beaucoup mais elle n’a pas le même effet sur moi que l’autre d’avant. Je regarde Kelly et je lui fais un sourire parce que je me souviens que c’est sur cette chanson que je bossais la dernière fois qu’on s’est vu.
Puis s’en vient le moment de la dernière chanson. Celle que j’ai écrite récemment, que je n’ai encore jamais chanté en public.
« Je vais terminer par une chanson originale. C’est la première fois que je la joue. Soyez indulgents. »
J’ai un petit sourire timide aux lèvres. J’espère que ça va plaire, même si de toute façon je sais que les gens n’écoutent pas forcément les gens sur scène. Ils viennent surtout pour boire un coup avec une musique de fond au milieu de leurs conversations. Je m’éclaircis la gorge et je me lance.
« Ca s’appelle ‘The best idea I ever had’ »
J’entame les accords et je suis super nerveux. J’ai peur d’oublier les paroles, de me mélanger. Je l’ai joué pas mal de fois chez moi mais quand même, quand c’est une première sur scène et surtout une chanson que j’ai écrit moi, je suis stressé. J’aurai peut être dû la chanter en premier ? Je ne sais pas, en tout cas je suis concentré et j’ai les yeux fermés tout le long.
Spoiler:
She said jump, so I said, "How high?" Pretty little baby with the big blue eyes You don't need them other guys 'Cause I can be your drug of choice tonight
We're swervin' off the road, never doin' what we're told And you already know, you got me ready to go
You're the best, the best idea I ever had And I was such a wreck, until you came around Now, you're so cute, but that's old news 'Cause, you're the best, the best idea I ever had It's true, oh, the best idea I ever had, it's true, oh The best idea I ever had, true, oh The best idea I ever had, it's true, oh The best idea I ever had
It's the things you say They drive me cra-cra-crazy Each and every day You make me feel less out of place Yeah, yeah, yay, yeah, yay They drive me cra-cra-crazy Yeah, yeah, yay, yeah, yay Can ya hear me, sweetie? You're the best, the best idea I ever had
And I was such a wreck, until you came around Now, you're so cute, but that's old news 'Cause, you're the best, the best idea I ever had It's true, oh, the best idea I ever had, it's true, oh The best idea I ever had, true, oh The best idea I ever had, it's true, oh The best idea I ever had, it's true
Yeah, yeah, yay, yeah, yay They drive me cra-cra-crazy Yeah, yeah, yay, yeah, yay They drive me cra-cra-crazy...
La chanson se termine d’un coup et j’attends d’entendre les applaudissements, y’en a quelques uns donc ça me rassure. J’ouvre les yeux. Je me dis qu’elle était pas si mal.
« Merci. »
Je remercie le public dans mon micro, puis je me tourne vers mon pote aux percussions pour en faire de même. Je descends de scène, je vais poser ma guitare dans un coin où y’a mes affaires ainsi que mes potes. On me donne une pinte de bière, je leur fais signe que je reviens et je me faufile entre les gens qui sont à présent plus nombreux. Je rejoins Kelly à sa table.
« Hey ! T’es venue ! »
Je suis tout content. Ca se voit sur mon visage.
« Alors ça t’a plu ? Tu vas voir va y avoir encore pas mal de gens. Les styles changent, du coup y’en a pour tout le monde. »
Je prends les devants au cas où elle aurait pas aimé ma prestation. Histoire de lui faire comprendre que le reste de la soirée peut être bien mieux que ça.
« Je peux ? »
Je lui montre la chaise libre qui est à sa table. Je ne sais pas, peut être qu’elle attend quelqu’un. Peut être qu’elle n’a pas vraiment envie de me parler et que tout ça n’est qu’une coïncidence. Oui j’aime bien me faire les pires scénarios dans ma tête. Mais non au fond je sais qu’elle doit être contente de me voir, elle serait pas venue sinon.
Dernière édition par Kane Williamson le Lun 12 Mar 2018 - 19:48, édité 1 fois
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Gagné, Kane l'avait vue. La jeune femme lui adressa un salut de cette main qu'elle secouait frénétiquement sans se soucier d'avoir l'air un peu trop enthousiaste en comparaison à la taille du non-événement. Elle manqua de heurter sa pinte et de la renverser sur sa table, si bien qu'elle décida finalement de se contenir et de garder ses deux mains bien serrées autour du verre, sagement. L'idée n'était pas de se donner en spectacle, c'était lui la vedette du moment. Alors elle se fit toute petite, discrète et attentive. La culture musicale de Lee, parfaitement absente, ne lui permit pas de connaître le premier morceau que proposa Kane à son public. En revanche, elle reconnut la seconde chanson. Quant à la troisième, elle y fit d'autant plus attention qu'il s'agissait d'une composition originale du jeune homme, quelque chose qui lui ressemblait donc le plus. Et le temps fila, et la mélodie n’était pas désagréable, et les mots étaient jolis, et Kane semblait sur son nuage, dans son monde… Et c'était à peu près tout. Kelly crut reconnaître un frisson, filant de sa nuque à ses reins, le long de ses bras ; une légère chair de poule dont elle ne sut déterminer si la musique ou le courant d'air s'échappant de la porte ouverte du bar était la cause. Elle croyait pourtant voir l'âme qu'il y avait dans ces chansons, elle pouvait dire qu'elles avaient chacune de certaine beauté à leur façon. Mais elles lui passaient au travers, glissaient sur son sourire de façade, frôlaient son cœur inerte sans animer la moindre flamme. Visiblement, il n'était aucun remède miracle pour elle. Cela ne l'empêcha pas d'applaudir de bon cœur. Kane ne manquait pas de talent en toute objectivité, et Kelly avait apprécié le moment malgré tout ; cela méritait salaire, pour ce que ses encouragements et ses félicitations valaient. Le guitariste quitta la scène. La bière de la brune était encore intacte. Il partit s'en chercher une également. Une bande d'amis. Oh. Lee n’y avait pas songé, pourtant il était évident que Kane ne serait pas venu seul avec tout son temps à lui accorder. Une étourdie de sa part qui la fit sentir en trop, exaspérée de s'embarrasser de la sorte. Le jeune homme vint à elle avec un sourire, certainement par politesse. Elle n’était pas accompagnée, et de toute évidence seule, elle n’était pas présente pour autre chose que ce concert éclair. Sûrement lui dirait-il bonsoir et échangeaient-ils quelques mots de courtoisie avant qu'il ne rejoigne les autres. Au moins avait-il l'air heureux que la brune ait effectué le déplacement pour l'écouter. « Tu m’as rendue curieuse, avoua-t-elle avec un petit haussement d'épaules innocent. Et puis je me suis dit que je pourrais venir t’encourager. » Bien que sa présence pesait bien peu dans la balance, car ils ne se connaissaient pas tant que cela après tout, elle espérait que ce petit soutien compte malgré tout. Cela était une manière à elle de s'excuser, de se rattraper de s'être montrée si peu sensible à son discours lors de leur dernière conversation, et de ne pas mourir idiote. Sa curiosité avait été satisfaite. « C’était… Oui, c’était joli. Je n’ai pas vu le temps passer. » dit-elle. Malgré son vaste vocabulaire capable de vous décrire un vin à vous donner l'illusion qu'il se trouve dans votre bouche, en matière de musique, Kelly se retrouvait à nouveau courte en mots. C'était agréable. Mélodieux serait un pléonasme. Harmonieux peut-être. Elle ne savait pas ce qui plairait le plus à l'oreille de Kane à propos de sa prestation. Joli lui parut juste pour eux deux. À sa plus grande surprise, le jeune homme demanda à s'asseoir avec elle. Ses yeux s’écarquillèrent une seconde, mais elle ne perdit pas de temps pour retirer son sac de la chaise en question afin qu'il puisse s'y installer. « Bien sûr, mais je ne voudrais pas t’arracher à ce que tu avais prévu avec tes amis. Je ne veux vraiment pas m’imposer. » Cela ne les empêchait pas d'échanger une dizaine de minutes, supposait-elle. Néanmoins, elle ne demanderait pas plus de temps que ce que Kane accepterait de lui accorder ce soir. Les mains autour de sa bière, Lee n’y avait toujours pas goûté. Peut-être que le concert était assez de nouveauté pour ce soir, peut-être qu'elle aurait pu se passer d'une Guinness, sachant pertinemment qu'elle n’était pas assez aventureuse pour plus d'une sensation inédite à la fois. « J’ai reconnu la deuxième chanson, reprit-elle avec un sourire, plutôt fière. C’est celle que tu jouais à la caserne, la dernière fois. » Celle qui l'avait laissée relativement insensible, et pourtant, elle lui avait trouvé plus d'intérêt ce soir. Elle ne savait pas si cela venait de l'accompagnement, du lieu, de l'ambiance, du tout. Mais elle l'avait apprécié. « C’était encore plus sympa avec la percussion. » ajouta-t-elle même. Non pas que le morceau était moins bien sans, du tout, non pas que Kane ne puisse pas s'en passer, il était bon quand même, oui, bien sûr ; non pas qu'elle ait la moindre expertise à ce sujet, ce n'était qu'un avis, c'était futile, bête, inutile, car Kane était seul juge de ce qui était bon pour sa prestation après tout, et elle n'était personne pour le contredire, non, personne. Sa gorge s'était serrée après cette remarque. Elle toussota, retrouva son sourire et reprit ; « Tu avais l’air de vraiment passer un bon moment, et c’était assez contagieux. » C'était, d'ailleurs, sûrement ce qui avait le plus touché Kelly, outre les mélodies ; c'était ce qu'il semblait mettre dedans quand ses yeux se fermaient. La bulle autour de lui grandissait exponentiellement jusqu'à enrober tout le bar, les clients, l'air qui vibrait à chaque note, transmettait les mots, les rimes. Mais tout cela n’était que le véhicule des émotions. C'était ce que Lee n'appréhendait pas encore tout à fait. Ce qu'il y avait au-delà de la musique. « Je suis sûre que tu dois avoir quelques groupies. » elle ajouta avec un rictus malicieux, indiquant la reste de la salle d'un signe de tête. Les filles tombaient toujours comme des mouches pour les musiciens, plus particulièrement ceux avec une guitare dans les mains, alors la brune ne doutait pas que Kane ait son harem à portée de main. Mais Kelly n’avait jamais rien trouvé aux musiciens et leur esprit bohème, leur préférant l'esthétique et la simplicité des sportifs. Kane était l'un des rares à capter son attention.
Je suis tout fier de l’avoir rendue curieuse comme elle l’annonce. Ca prouve que ce qu’elle a aperçu de moi chantant à la caserne, ça n’était pas tout mal. Plutôt à son goût ou du moins, pas de dégoût et ça j’aime. Qu’elle ait fait le déplacement était très touchant. Elle a pensé à moi ces derniers temps pour se renseigner sur la prochaine soirée open mic et c’est beaucoup. Pas mal de mes amis ne viennent plus parce que je chante bien trop souvent ici. Ce soir c’est des habitués des lieux qui entourent la table où se trouvent mes affaires. On est devenus bons potes depuis le temps que je squatte. Mon sourire est vraiment très grand sur mes lèvres, ses encouragements me touchent véritablement. Ca me fait énormément plaisir et je ne sais pas comment le lui dire, alors peut être que ce rayon de bonheur sur mon visage fera l’affaire. C’est sincère.
Elle est venue pour me voir moi, c’est pas rien. Je me sentirais presque comme un artiste quelque peu célèbre qui a son public qui se déplace juste pour lui. Ok, je m’enflamme, mais c’est un début. Petit, mais quand même. Elle a passé un bon moment en prime, je suis ravi ! Sa remarque sur le temps qui est passé vite me laisse comprendre qu’elle en aurait voulu encore plus. Une vraie fan. Ok j’arrête avec ça.
Je m’invite à sa table et elle accepte que je me joigne à elle aussitôt, libérant la chaise. Je m’y installe alors que je réponds à ses inquiétudes.
« S’ils m’en veulent, je les achèterai avec de la bière. Je gagnerai leur pardon beaucoup trop facilement. »
Ca me fait rire de dire ce genre de chose parce que c’est la pure vérité. Je l’ai déjà fait. Un bon prétexte pour changer de conversation aussi quand ça va dans des retranchements que je n’aime pas trop. Technique imparable. Parlant de bières, je remarque que celle de Kelly est bien remplie, mais je n’en fais pas de remarque. Doit y avoir une bonne raison là dessous.
Rien ne me fait plus plaisir que l’entendre dire qu’elle a reconnu la chanson. Elle l’avait entendu y’a de ça quelques semaines. Trop content de voir que ça l’a marqué. Elle note l’ajout des percussions. J’aime qu’elle le précise, qu’elle l’ait remarqué au point d’en faire mention. Ca prouve que c’était un bon choix de ma part.
« Ouais mon pote était dispo alors j’en ai profité pour faire une amélioration. Ca serait encore mieux avec une véritable batterie mais on fait avec ce qu’on a. »
Je ne vais pas trop en demander. Je ne suis pas célèbre avec mes musiciens, même si j’en rêve la nuit. Ca reste de l’ordre du fantasme. Mon amour pour la musique se ressent quand je chante, c’est communicatif d’après ses dires. Je suis touché qu’elle m’avoue ça. C’est vrai que je prends ça à coeur. Tous genre de feedback est le bienvenue, surtout quand on est amateur.
« J’aime trop chanter sur scène. Je viens ici une fois par semaine. Mes amis en ont marre de moi. »
Je ris un peu et je reprends la suite de ma phrase.
« Ils viennent de plus en plus rarement, mais je comprends. Je ne leur en veux pas. »
Ca doit être redondant au bout d’un moment. Je bois une gorgée de ma pinte et je toussote quand elle parle de groupies. Elle essaie de me taquiner, ça marche. Je rougis légèrement.
« Pas tant que ça non. Ou alors elles se cachent bien. »
Mais c’est vrai que j’ai déjà réussi à séduire une fille grâce à mes chansons. Certaines m’ont fait du rentre dedans et ça a résulté en des moments assez gênants qui n’ont pas donné suite la plupart du temps. Oui, j’arrive à casser les coups qui me tombent dessus par miracle. Il faut avouer que les coups d’un soir, c’est pas ce que je préfère non plus, même si j’ai cédé à ce genre de pratique quelques fois.
« Bon ok quelques unes. Mais ça me met assez mal à l’aise si je suis honnête. »
Bizarrement, j’ai envie de l’être avec elle. Je jette un coup d’oeil à mes compères du bar un peu plus loin et y’en a un qui capte mon regard. Il lève le pouce avec un air qui sous entend plein de chose. Je lui souris de manière amusée et je reporte mon attention sur Kelly.
« Je t’aurai bien invité à notre table pour la suite de la soirée, mais j’ai des potes assez lourds qui risquent de nous embêter un moment juste parce qu’on discute tous les deux. »
Franc, une fois de plus.
« Et pour me passer de leurs remarques, je vais rester encore un peu ici. »
Je dis ça avec un léger rire pour conclure le tout. Pas sûr que ça empêchera les remarques de mes amis, mais au moins ça sera le plus tard possible. J’aime la compagnie de Kelly, elle est simple, elle est douce, elle a l’air toute innocente et fragile à la fois. J’ai appris au détour de mes questions pour avoir son prénom, qu’elle n’était à présent plus en couple avec Chad. La sachant célibataire, le manque de tact de mes connaissances pourrait la mettre mal à l’aise. Je n’ai pas envie que ça arrive.
Je vais faire tinter mon verre avec le sien, lançant un toast un peu au hasard.
« A cette soirée. A la musique ! »
Je m’exclame un peu plus enthousiaste à la deuxième partie de ma phrase. Comme si je venais de mettre le doigt sur ce dont j’avais vraiment envie de porter un toast.
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En toute honnêteté, la brune se serait sentie bien sotte d’avoir effectué le déplacement jusqu’ici pour ne finalement obtenir l’attention de Kane qu’une poignées de secondes à la volée après son passage au micro. Qu’aurait-elle bien pu faire, dans cet endroit, seule face à cette bière qu’elle ne parvenait pas à entamer ? Sûrement serait-elle rentrée chez elle, un brin déçue et dépitée. Elle aurait récupéré sa voiture, plus haut dans la rue, et aurait passé le reste de la soirée avec Tobey, comme cela était devenu trop souvent le cas. Kelly était pourtant sociable et n’avait aucune peine à se trouver une place partout où elle allait ; véritable caméléon, c’était la magie de ses sourires, de ses silences et de ses phrases passe-partout. Mais elle ne se trouvait d’humeur à peu de choses depuis le début de l’année passée. Elle fut donc particulièrement ravie de voir Kane prendre l’assise face à elle et s’installer pour quelques minutes. Le temps qu’il voudrait lui accorder lui suffirait, et elle ne doutait pas qu’il saurait gérer ses amis lorsqu’il retournerait auprès d’eux. Ils pouvaient donc discuter, parler musique, ce qui était un sujet qu’elle n’aurait jamais pensé aborder de son propre chef, ni avec un certain enthousiasme. Fascinée, curieuse, elle voulait en savoir plus et frôler du doigt ce qui était, pour elle, comme une dimension parallèle dont Kane était le pont. Il lui expliqua qu’il se produisait ici à une fréquence que ses amis ne parvenaient plus à suivre, la passion prenant le pas sur le reste. Lee saisit l’hyperbole, espérant bien qu’ils n’en avaient pas réellement marre de lui, mais simplement lassés ou trop occupés. “Ils n’ont pas encore complètement déserté.” commenta-t-elle en jetant un regard vers le groupe entassé autour de quelques tables déjà envahies par les pintes. Le jeune homme ne manquait pas de soutien, et elle songea que bon nombre de jeunes femmes admiratives devaient également pulluler au sein de son entourage. Il niait, mais elle n’y croyait pas. “Je n’achète pas ce bobard.” gloussait-elle, et il admit en avoir, mais n’en eut pas l’air bien fier. “Pourquoi ça ? Ca signifie juste qu’elles apprécient ce que tu fais comme musique et… comme sport.” Et cette chevelure, toujours aussi remarquable -Kelly se notait de lui demander son secret, puis le rayait de sa tête, l’idée n’étant pas d’avoir l’air plus bizarre qu’il ne devait penser qu’elle était. La brune n’insista pas plus que cela à ce sujet, et n’eut pas de lumière sur ce qui pouvait être aussi bien de la fausse modestie qu’une homosexualité secrète. Le regard que Kane eut par-dessus l’épaule de Lee l’interpella, et elle se retourna légèrement afin de voir à qui ces signaux tacites s’adressaient. Visiblement, quelqu’un se faisait de fausses idées et n’allait sûrement pas se gêner pour faire passer le mot concernant ce dont il croyait être le témoin, ce qui encouragerait le pompier à rester auprès d’elle un peu, à l’écart, afin de s’épargner tout commentaire. Kelly se trouvait trop âgée pour que l’on puisse s’imaginer qu’il y avait le moindre flirt dans l’air entre elle et Kane, mais elle avait cru comprendre que les hommes, entre eux, aimaient prétendre à ce genre de challenges. Cette idée était moins flatteuse que ce que l’autre indiscret pouvait croire, et elle n’appréciait pas d’être vue comme du gibier ; elle n’eut donc aucun regret à ne pas se mêler au reste du groupe. “Santé.” souffla-t-elle, sa pinte de Guiness encore pleine tenue avec un peu de difficulté au bout de ses doigts, suintante et glissante tandis qu’elle l’approchait de son visage, hésitait, puis en prit une grande gorgée amère. La grimace qui suivit immédiatement fut dissimulée derrière sa serviette. “Oh, c’est fort !” Elle riait, de sorte à ne pas se trouver complètement ridicule. Jamais n’arriverait-elle à boire cet immense verre. Dubitative, elle ne sut déterminer ce qu’elle pensait de cette bière. Peut-être que son avis se ferait à la prochaine gorgée, une fois la surprise passée et ses papilles conditionnées. “Je voulais être aventureuse aujourd’hui, expliqua-t-elle à Kane, venir ici et prendre quelque chose que je n’avais jamais bu. Il faut se rendre à l’évidence, je ne suis pas faite pour plus d’une nouveauté à la fois.” Lee avait été jeune, elle avait connu des soirées étudiantes -peu, mais quelques unes. Elle avait déjà bu des bières pas chères, coupées, aromatisées, mélangées, mais chaque nouvelle tentative d’approche d’un autre alcool lui rappelait à quel point elle n’avait d’yeux que pour le vin, ses arômes complexes, ses histoires gustatives aussi multiples qu’il existe de raisins sur une branche de vigne. “Et qu’est-ce qui t’as poussé à faire de la musique ? reprit-elle pour éclipser ce court moment d’embarras. Est-ce qu’il y a eu comme… un déclencheur ?” D’une certaine manière, Kane était le sien. Mais son regard n’était pas encore ouvert sur les mélodies qui accompagnaient son quotidien sans même qu’elle ne s’en rende compte, et que ses goûts, aussi brumeux soient-ils, avaient besoin d’être nourris par des personnes comme lui.
Elle pense que les potes qui sont à la table un peu plus loin sont mes amis ? Oui. Bon. Ok. Techniquement on peut dire qu’ils font parti de mes amis, mais ils sont plutôt rangé dans la case « potes de soirée » qu’autre chose. Ce sont les clients fidèles. C’est uniquement pour ça qu’ils sont devenus des gens que je côtoie. On ne s’est jamais vu ailleurs qu’ici. C’est notre endroit. Notre QG.
« Eux ? C’est juste une bande d’habitués… Dont je fais parti. »
Parce que je squatte bien trop les lieux. Surtout le mardi soir pour les soirées open mic. Et les spéciales open mic le samedi soir une fois par mois. Mais ouais ça n’aide pas que ce bar soit si près de chez moi. Je m’y arrête systématiquement quand je rentre du boulot et qu’il est une heure décente pour boire. Je ne suis pas alcoolique, mais une bière de temps en temps ça fait plutôt beaucoup de bien. Ok peut être deux. Ou trois. Mais jamais trop. Je suis sage. Ca fait bien longtemps que j’ai pas pris de cuite. J’ai des amis alcoolique et j’ai pas envie de tomber dans ce schéma là.
On parle de filles avec Kelly et elle veut développer ce qui me met mal à l’aise avec la gente féminine. Elle parle de ma musique, du sport que je fais aussi. Je suis plutôt très content qu’elle le mentionne parce que j’ai passé un nombre impressionnant d’heures à m’entraîner ces derniers mois. Je suis au meilleur de ma forme. J’ai jamais été autant « in shape ». Je bosse fort pour que ça dure. Mais vient le moment de lui donner une réponse à propos de ce mal être qui m’habite quand une fille se trouve trop entreprenante envers moi.
« Ca doit venir de mes rougissements… Je rougis trop souvent. Trop vite. Et après ça je me sens exposé et pas à l’aise… J’ai juste envie de me cacher. J’ai appris à vivre avec mais ouais, je me sens pas au top de mes moyens quand je suis écarlate. »
Je relativise beaucoup à ce propos maintenant. Me disant que le ridicule ne tue pas. Parce que oui, je suis complètement ridicule dans ces moments là, ne me dites pas le contraire. On dit que je suis chou ou adorable, mais moi je me trouve juste rouge. Et c’est pas chou du tout. On dirait une chaudière qui va exploser, c’est tout.
On trinque après avoir conclus qu’on resterait tous les deux de notre côté. Je bois une gorgée de ma bière et elle est surprise par le goût de la sienne. Ca me fait sourire de la voir grimacer de la sorte. Une première apparemment. Une Guinness aussi d’après ce que je peux deviner. Pas au goût de tous. Elle explique son choix. Elle confirme que c’est sa toute première gorgée du liquide Irlandais.
« C’est sûr que y’en a beaucoup si jamais ça te plaît pas. T’aurais dû attendre d’être accompagné et de piquer une gorgée. »
Je suis sûr qu’un mec parmi mes potes lui aurait volontiers laisser tester dans son verre. Après tout c’est vrai qu’elle est venue toute seule, pas évident si c’était aujourd’hui qu’elle voulait tester à tout prix. Elle change de sujet je peux pas lui en vouloir. Elle s’intéresse à ma passion pour la musique.
« Mon père ? »
Ca me fait rire puis je m’explique.
« Il est prof de musique, du coup j’ai baigné là dedans depuis toujours. »
Ca aide.
« Mais on peut parler de déclencheur pour les chansons que j’ai écrite. La première, sur une rupture. Rupture amicale, mais rupture quand même. La deuxième et toutes les autres, sur des filles qui m’ont inspirées. Deux filles. Et je me rends compte que je donne l’impression d’avoir écrit un tas de chanson quand je dis ‘toutes les autres’ mais j’en ai écrit que quatre à ce jour. »
Et j’en suis assez fier. J’en parle dès que je peux. Quand c’est le sujet et je décrète que c’est le cas à ce moment là. Je lui épargne les détails à propos des filles en questions. Je ne pense pas qu’elle veuille entendre parler de mes histoires de coeur.
La personne qui était sur scène pendant qu’on discutait termine sa prestation et il n’y a personne qui se presse pour prendre sa place. Je suis TOUJOURS un peu tenté de remonter pour jouer quelques trucs de plus. Généralement j’attends qu’il soit bien tard, quand y’a presque plus personne dans le bar. J’aurai bien envie de demander à Kelly si y’a une chanson qu’elle voudrait que je chante, mais je me souviens qu’elle n’avait pas de chanson favorite et je n’ai pas envie de la mettre dans l’embarras.
« Kane, je te pique ta guitare. »
Un de mes potes qui passe à côté de nous, ma guitare dans la main. Il monte les deux marches pour monter sur la petite scène et s’installe derrière le micro. J’hoche simplement la tête, pas dérangé pour un sou. Ce n’est pas la première fois qu’on se prête nos instruments. Je me retourne vers Kelly, un sourire aux lèvres.
« Aucune chance pour que tu pousses la chansonnette ce soir ? »
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Elle n'imaginait pas Kane timide pour un sou. Kelly voyait plutôt en lui le parfait cliché de l'Australien. Quand elle le voyait, elle imaginait la plage, une planche de surf sous le bras, le sable dans ses cheveux, et l'eau de mer -qui était peut-être le fameux secret de cette crinière sur sa tête songea-t-elle aussitôt. Elle pouvait le projeter dans sa tête, clair comme du cristal, autour d'un feu de camp sur la gold coast, avec quelques un de ces amis qui ne viennent plus au bar mais profitent de ses talents au cours de ces moments. Elle imaginait ce que donnerait le reflet des flammes sur ses mèches blondes régulièrement rabattues par le passage de ses doigts, et cela était flamboyant. Fichus cheveux. S'il n'en fallait pas plus pour captiver Lee, elle n'osait pas douter du pouvoir de la guitare et ses chants de rossignol sur toute la gente féminine en mal de mâle. Pourtant, Kane n'apparut pas à l'aise avec ce genre de popularité, cet intérêt, ces regards, ces sourires et les plus courageuses qui l'approchaient. C'était un nerveux, à la surprise de la brune qui ne pouvait que compatir sincèrement. “Je suis tellement exactement pareil, confessa-t-elle. Je deviens une sorte de tomate trop mûre avec des grosses plaques d'eczéma sur les joues en un claquement de doigts.” Pourquoi se mit-elle en tête qu'elle devait absolument illustrer ses propos en gonflant bien gros ses joues et en louchant, elle ne le savait pas, et se rendant compte de la vision grotesque qu'elle offrait au jeune homme, il put finalement admirer ses réels rougissements. “Tout sauf glamour.” conclut-elle après s'être nerveusement raclé la gorge, comme si ce son, cette sorte de “bref”, allait faire oublier sa terrible capacité à mimer. Son expression ne fut pas plus glorieuse lorsqu'elle prit une gorgée de cette fameuse Guinness et le regretta amèrement -littéralement. Certes, avoir demandé une pinte, c'était avoir les yeux plus gros que sa témérité. La moitié aurait amplement suffit, mais cela aurait également été un demi échec pour son esprit aventureux trop éphémère de ce soir. Quant à l'idée de se permettre de voler une gorgée à une autre personne, c'était absolument impensable. “Ca ne respecte pas trop mes standards d'hygiène, de piquer dans le verre d'un autre.” dit-elle, haussant les épaules et le nez froncé à l'hypothèse de se réveiller le lendemain avec un bouton de fièvre, cadeau de la maison. Les échanges de fluides en tous genres n'étaient pas sa tasse de thé, il fallait l'admettre. Mais plutôt que de digresser à ce sujet, Lee préféra reprendre un sujet avec lequel elle savait qu'elle garderait Kane à ses côtés encore un moment. Après tout, sa soirée était sous le thème de la musique, et la brune était friande d'en savoir plus. À dire vrai, elle était avide de savoir comment ouvrir cette porte là, dans son cœur, dans sa tête, et accéder à cette sensibilité, verrouillée en elle pour elle ne savait quelle raison. Néanmoins, elle avait conscience que c'était là, que c'était en elle comme dans n'importe qui d'autre. Tout ce qui lui manquait était une clé -de sol, peut-être. Une pointe de déception la gagna quand Kane lui apprit que son père était musicien, et qu'il n’avait donc jamais eu à développer cette fibre qui était, chez lui, une part d’inné. Elle, tout ce que ses parents lui avaient jamais appris, était noté noir sur blanc dans la Bible. Tout ce qu'elle avait d’inné était une véritable encyclopédie à versets ancrée dans son crâne, juste à côté de son code de carte bleue et de sécurité sociale. Kelly afficha néanmoins un sourire, elle ne pouvait se plaindre que sa curiosité soit satisfaite avec autant d'honnêteté de la part de Kane, et elle trouvait à la fois adorable et cliché que ses chansons référent à ses filles -mais pas des femmes, des filles, et elle trouvait la nuance importante. “C’est déjà bien, je trouve.” Quatre chansons, cela était déjà quatre fois plus que ce qu'elle avait jamais écrit ; compteur à zéro pour Lee et son absence totale d'inspiration quelconque. L'un des amis du jeune pompier vint emprunter sa guitare afin de passer à son tour sur la petite scène. Le sourire de Kelly se fit poli et plastique en sa présence, afin de toujours faire bonne figure. Et quand il partit, aussi vite qu'il était arrivé, elle tenta une nouvelle gorgée de bière, moins laborieuse que la précédente. Elle grimaçait malgré tout, non seulement à cause de la force du houblon, mais aussi en entendant la question taquine de Kane. “Oh non. Non, non, non. Tu ne veux pas entendre ça. Le cri d'un chat écrasé par un trois tonnes sur fond d'orchestre de craies et fourchettes sur ardoises est plus gracieux que ma voix quand je chante. Je t'assure. Ma douche en est témoin.” Et Chad. Il n'était pas question que qui que ce soit d'autre ne le soit, encore moins une foule d'inconnus. Les premiers accords provenant de la scène attirèrent son attention et Kelly posa son regard sur l'ami du jeune homme. Elle trouvait fascinante la dextérité nécessaire afin d'être capable de non seulement dissocier ses deux mains, mais aussi chaque doigt de chaque main. Leurs mouvements quasiment tentaculaires formaient des mélodies, et ce fait là était également une étrangeté. “Mais…” Elle eut une idée. D'une manière obscure, l'esprit de Lee avait fait un plus un, afin d'en arriver à la conclusion ; “Tu m'apprendrais ? La guitare, je veux dire. Le chant, c'est sans espoir. Mais la guitare… je sais pas, je me dis que ça pourrait être sympa.” Elle haussa les épaules. “Je t'en voudrais pas si tu refuses.”
Elle avoue avoir le même problème que moi concernant les rougissements et ça me fait sourire bien trop largement. Elle me comprend ! Elle fait parti de cette partie de la population qui devient écarlate en un rien de temps. Certainement trop sensible. Je n’ai donc aucun doute sur sa compréhension de mon petit récit. Quand elle gonfle les joues et qu’elle se met à loucher, je peux pas m’empêcher de rire. Il me semble bien pouvoir distinguer quelques rougeurs sur ses joues à la suite, mais je ne fais aucune remarques à ce propos. Pas envie de les faire empirer. Je sais ce que c’est. Alors laissons passer ça inaperçu.
Ma proposition de boire une gorgée dans le verre d’un ami ne lui plaît pas des masses. C’est vrai que c’est pas le plus hygiénique, mais je ne vois pas de soucis de mon côté. Sûrement pour ça que je suis pas souvent malade, parce que je traine trop près des microbes des autres. Mon corps s’est habitué. C’est pas plus mal au fond.
Quatre chansons, c’est déjà bien. Oui, je suis bien d’accord. Je suis bien trop fier de ces chansons. Elles viennent au compte goutte, en fonction de mon inspiration et de mes rencontres. Je ne sais pas comment ils font ceux dont c’est le métier. Ecrire à la demande comme ça. Faut vraiment avoir un don ou quelque chose de plus.
« Surtout que je les modifie ici et là de temps en temps quand on me donne des conseils. Elles sont jamais vraiment terminée. »
Il y a toujours cette proposition de Jack d’enregistrer tout ça dans un studio. Je n’ai pas encore fait appel à ses talents pour me faire des versions professionnelles de mes chansons, mais ça sera chose faites dans un futur plus ou moins proche. Faut que je me prenne du temps. Ok faut surtout que je prenne le courage de contacter Jack avant tout. Je sais pas pourquoi mais j’ose pas trop. Ce type m’impressionne tellement. Et puis je sais pas si c’est payant son affaire… Faudrait que je lui demande.
En tout cas, fini le sujet de mes chansons, je n’ai pas envie de l’ennuyer, même si elle a l’air d’être intéressé, je me souviens que c’était pas tout à fait son truc la musique. Mais je lui propose quand même de venir chanter sur scène si par un grand hasard ça la branche. On sait jamais, peut être que les trois gorgées de bière qu’elle a pris auraient pu lui monter à la tête ? L’alcool c’est pas forcément bon mais on dira ce qu’on veut, on passe de sacrés moments grâce à ça des fois. Faire des choses qu’on aurait jamais osé. Je sais de quoi je parle. Kelly se dénigre énormément et je secoue la tête, toujours mon sourire aux lèvres.
« Je suis sûr que t’exagère. »
Mais je n’insisterai pas plus. Elle a l’air d’être très catégorique sur ses capacités à chanter. Je bois une gorgée de ma bière alors que je la vois hésitante. Je la regarde de manière interrogatrice, reposant mon verre sur la table. Elle veut que je lui apprenne la guitare, je m’y attendais pas à cette proposition.
« J’ai jamais donné de cours. Je sais pas si je serai un bon professeur… Mais on peut toujours essayer oui. Et je t’en voudrais pas si tu veux plus de moi comme prof après une seule leçon. »
Je reprends ses termes, un sourire aux lèvres. Je n’ai aucune idée de mes capacités à enseigner les vertus de cet instrument. Mon ami sur scène est enfin prêt à jouer, installé sur le tabouret.
« Cette chanson est pour mon pote Kane et la jolie demoiselle qui l’accompagne. »
Je tourne ma tête vers la scène et j’attends de voir quelle chanson il a choisi. Je roule les yeux quand je reconnais aux premières paroles et je me tourne vers Kelly.
« Ai-je besoin de préciser qu’il faut l’ignorer ? »
Ca me fait quand même doucement rire cette affaire. Il insiste bien sur les mots du refrain et je regarde mon pote qui n’a d’yeux que pour notre table pendant sa chanson. J’essaie d’ignorer sa prestation comme je l’ai si bien proposé et je me tourne vers Kelly pour reprendre la conversation alors que mes joues se font légèrement rosées à présent. Merci mec. Merci bien. Quand je pense que c’est avec ma propre guitare qu’il me fait cet affront.
« Donc ouais les cours de guitare, on peut essayer… »
A cause de mon trouble je peine à trouver les mots pour relancer la conversation. Je me répète. Alors je bois une gorgée de mon verre, même si c’est plutôt un shot de vodka qu’il me faudrait là.
« T’as une guitare ? Parce qu’il faut surtout s’entraîner un peu tous les jours pour que ça vienne. »
C’est comme ça que j’ai fait quand j’étais plus jeune. C’était mon passe temps, je dois l’avouer. Du coup j’ai pris le coup assez rapidement.
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Ce n’était pas la crainte de se trouver devant une audience qui maintenait Lee bien assise à sa chaise, car elle n’avait jamais ressenti le moindre trac à l’idée de prendre la parole en public ; mais c’était cette parfaite conscience, cette clarté avec laquelle elle savait et ne doutait pas une seule seconde que son chant serait l’équivalent d’une chorale de crécelles aux oreilles des pauvres innocents présents dans le bar, et même pour faire plaisir à Kane, elle ne pouvait décemment pas leur infliger ce supplice. Elle n’avait pas l’oreille musicale, et cela impliquait toutes les facettes du problème, comme cette totale inaptitude à saisir une note et la reproduire exactement avec ses cordes vocales ; pour elle, cela sonnait juste, pour les autres, chaque tentative reproduisait l’anarchie d’un chat sur le clavier d’un piano désaccordé. Alors son unique public était devenu son pommeau de douche depuis bien longtemps, et le monde s’en portait mieux ainsi. Kelly n’avait pas la moindre intention de prendre le micro juste afin de prouver ses dires à celui qui persistait à croire qu’elle se dénigrait gratuitement. “Absolument pas, et tu ne le sauras jamais, estime-toi chanceux.” Il n’insiste pas, cela n’aurait mené à rien de toute manière. La brune n’avait certainement pas assez bu pour être tentée par le défi, et d’ailleurs, elle ne buvait jamais trop. Modération était son plus grand allié, et jamais ne perdait-elle le contrôle de ses pensées liées à sa bouche, jamais n’endormissait-elle ses inhibitions au point de regretter faits et gestes le lendemain. Le vin était bien évidemment son alcool de prédilection, une boisson de dégustation avant tout pour cette connaisseuse, et sa tolérance était immense, si bien qu’il apparaissait au final tout bonnement impossible de la pousser au vice. Être celle qui servait de chauffeurs aux déchets de fin de soirée ne l’incitait pas le moins du monde à suivre le même chemin de toute manière. Cela faisait peut-être d’elle une rabat-joie, mais au moins, il n’existait aucune photo compromettante de ses exploits. Ce ne fut donc absolument pas le fruit de quelques malheureuses gorgées de bière, cette proposition qu’elle fit à Kane de lui enseigner la guitare. Sur le moment, cela lui parut comme une bonne idée, une merveilleuse idée, la meilleure de toutes les idées. Qu’importe si le jeune homme, lui, n’était pas certain de ses capacités de pédagogue ; Kelly avait un excellent pressentiment. “Je suis sûre que t’exagères.” dit-elle en reprenant ses propres mots avec un sourire malicieux. Elle n’était pas une élève difficile en soi. Désespérante d’incompétence, mais gonflée comme un ballon de bonne volonté. “Ça sera amusant, j'en suis certaine !” fit-elle en posant ses deux mains sur l’avant-bras de Kane et souriant à pleines dents, peut-être plus enthousiaste qu’elle ne devrait l’être pour si peu. La conversation interrompue par un souffle dans le microphone, tous les regards du bar se tournèrent vers la petite scène et tous entendirent la dédicace ô combien embarrassante de l’ami du pompier à son intention et à celle de Lee. Ils furent donc les suivants à accuser la brûlure de dizaines de paires d’yeux sur leurs nuques. “Ce n’est vraiment pas très… courtois.” murmura-t-elle en sentant ses pommettes virer vers cette teinte écarlate dont elle avait donné la description à Kane un peu plus tôt. Décidément, les hommes n'avaient rien de cavaliers en fer blanc. Elle voulut se cacher derrière sa pinte de bière et prit une gorgée qui lui secoua les papilles. Sur le conseil de Kane, elle fit au mieux afin d’ignorer l’autre jeune homme qui les taquinait et démarrait une chanson qu’elle ne connaissait toujours pas. Autant que faire se peut, Kelly reprit la conversation où ils l’avaient laissée, sentant son nouvel ami tout aussi embarrassé qu’elle. Sa gorge éclaircie afin de faire passer la pilule de ce moment de honte, et faisait fi de ses mains moites autour de sa Guiness, elle se focalisa sur les paroles de Kane qui lui conseillait d’acquérir une guitare afin de pratiquer régulièrement et ainsi apprendre plus rapidement. “Okay. Hm, non, je n’en ai pas, mais je peux en acheter une, selon ce que tu me conseilles.” Après tout, Lee n’était pas experte, loin de là, et ne savait même pas qu’il existait une différence pour les gauchers et les droitiers ; dans un moment d’étourderie, elle serait capable de ne pas acheter le bon modèle et d’avoir l’air bien sotte. “Tu verras, je serais l’élève la plus disciplinée et appliquée que tu auras jamais.” assura-t-elle à Kane, bien que cela ne signifiait pas qu’elle soit la plus douée. Néanmoins, la capacité à apprendre de l’australienne n’était plus à prouver, et un bon gros cerveau fort actif se cachait sous ces cheveux bruns ; malgré sa maladresse innée, elle assimilait vite, et surtout, sur la durée. Une fois qu’elle savait quelque chose, il était virtuellement impossible de le lui faire oublier. Ce qui avait ses avantages, et ses désavantages. “Quand est-ce qu’on commence ? La semaine prochaine ?” demanda-t-elle sans avoir peur de presser le pauvre pompier fraîchement embauché. Mais elle était excitée par cette idée, pour ne pas dire complètement euphorique, et mieux valait qu’elle obtienne ce qu’elle souhaitait rapidement avant que cela ne tourne à l’obsession.
On a l’air d’avoir chacun de grandes idées à propos de l’autre, alors qu’au fond, on ne se connait pas tant que ça. C’est plutôt drôle à vrai dire. Je veux bien la croire sur mes capacités à enseigner la guitare. J’aimerai bien que ce soit vrai, mais le résultat c’est que j’ai jamais été dans cette voie là. Je ne pourrais me juger seulement après avoir pratiquer cet exercice. Au boulot je suis plutôt doué pour former les gens. Enfin, à mon ancien boulot. En tant qu’ambulancier. J’en ai formé quelques uns au fil des ans et je dois dire que je me suis toujours un peu surpris par mes capacités à être patient et expliquer en temps et en heures les choses. Peut être que la guitare ça sera aussi simple ? A voir. Kelly est enthousiaste en tout cas et ça fait plaisir à voir. Un bon début, ça c’est sûr. Son contact sur moi me surprend un peu mais je ne montre aucun mouvement de recul. Ca ne me dérange pas. Ca prouve qu’elle est assez à l’aise avec moi pour se laisser aller à ce genre de chose.
Cette petite vague de bonne entente va certainement s’en aller le temps de la chanson de mon ami. Kelly ne le prend pas vraiment bien aux vues de ses dires. Oui. C’est pas courtois du tout. Je vois son teint qui vire au rouge et comme ça on est deux. Le pire c’est que je suis sûr que mon ami va prendre ça pour des signes encourageant. Comme s’il avait raison dans ses suppositions. Je trouverai bien de quoi lui rendre la monnaie de sa pièce à un moment ou un autre avant qu’il parte ce soir.
Ma future élève prend cette idée de cours de guitare au sérieux puisqu’elle envisage même d’en acheter une. Ah oui. Et bien tout de suite on passe au niveau au dessus dans ces cas là.
« Oh ouais okay. On peut trouver une guitare abordable et bien. »
Parce que je me doute qu’elle va pas y mettre 5000$. En tout cas je ne sais pas quel air était inscrit sur mon visage, mais elle surenchérit à propos de son implication dans cette affaire là. J’hoche la tête, je la prends au sérieux.
« Tu seras peut être même mon unique élève. »
Un sourire naît sur mes lèvres à cette remarque. Je la taquine très gentiment. Elle veut qu’on prévoit une première séance. Je fais une moue pensive.
« La semaine prochaine je suis de nuit. Donc n’importe quel jour en début d’après midi c’est bon pour moi. »
Je n’ai pas mes notes sous le nez, mais je ne crois pas avoir de trucs prévus, à part bosser. Donc juste quelques heures une après midi, ça se case facilement. Mon ami descend de scène et je plisse les yeux quand il nous passe devant avec son grand sourire de con. Il retourne à notre table, posant ma guitare dans un coin. Je reporte mon attention vers Kelly.
« Si tu veux tu me donnes ton budget et je t’en commande une pour notre première séance. »
Ca sera certainement mieux de commencer direct avec son instrument entre les mains. La pratique est plus intéressante que la théorie. Je ne compte pas faire de cours barbant. Je ferai comme j’ai appris.
« Après y’a les Ukulélés qui peuvent être bien sympa. J’en avais un et c’est vraiment cool. Plus pratique à transporter. Beaucoup moins cher aussi. »
Parce que le prix pourrait être un élément décisif pour moi, je me dis que peut être c’est aussi son cas. Donc garder le fun de jouer de la musique, mais avec un plus petit instrument, moins complexe, car moins de cordes et de surface. Je me vois complètement m’en offrir un nouveau juste pour lui apprendre comment y jouer.
« Tu peux en trouver des très bien pour 50$. »
Au cas où elle se demandait l’ordre de prix. Une nouvelle personne s’installe sur scène et elle annonce qu’elle va jouer des chansons originales de sa composition. Je garde une oreille attentive du coup. Je suis curieux de l’entendre.
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Malgré le jeune importun à la guitare sur scène, Kelly devait admettre qu'elle appréciait sa soirée. Elle ne regrettait en rien sa venue et songeait même qu'elle aurait eu profondément tort de ne pas donner sa chance à cet endroit, à la proposition de Kane de passer à l'occasion, à lui aussi d'ailleurs. Serait-elle passée à côté d'une pinte imbuvable, d'un moment de gêne et de l'impression d'être fixée par toute la bande du jeune homme ? C'étaient des détails, même pour celle dont la perfection était un culte à part. Non, elle se serait privée d'un agréable moment en sa compagnie, peut-être un nouvel ami, une occasion de se dépasser un peu, sortir de cette zone de confort dans laquelle elle s'était encroutée bien longtemps. Elle aurait manqué ses chansons qui lui inspirèrent un projet qui la motivait hautement, et se pencher un peu plus sur la musique lui serait bénéfique, était-elle persuadée. Lee était absolument ravie que Kane accepte et se montre immédiatement de bons conseils. Elle en était convaincue ; leur partenariat, ce duo, lui permettrait d'explorer des aspects de ce monde, cette vie, laissés de côté depuis toujours, dépréciés. Tout ce qu'elle voulait découvrir, expérimenter, commencerait par là. Elle trouverait le frisson, l'étincelle, et ce n’était qu'un premier pas. Bien sûr, le petit pompier ne pouvait le comprendre, deviner le petit feu d'artifice dans sa tête. Il se montrait bien plus pragmatique que la brune, très concret, et elle appréciait tout autant. “J'adore toujours l'exclusivité .” fit-elle avec un petit sourire malicieux tandis qu'il confessait qu'il pourrait ne pas donner de cours à qui que ce soit d'autre. Cela ne lui avait peut-être jamais traversé l'esprit, et alors Lee se félicitait de lui avoir indiqué cette possibilité qu'il pourrait éventuellement poursuivre en parallèle de toutes ses autres activités, une fois qu'elle en aurait terminé. “Bien, parfait, lundi alors ?” suggéra-t-elle avec le même enthousiasme que depuis la première seconde où cette idée avait germé dans son crâne. Le plus vite serait le mieux, et Kelly avait l'avantage d'être maître de son emploi du temps ; il lui serait donc aisé de dégager tous les créneaux nécessaires afin d'apprendre vite et bien. N’ayant pas la moindre idée de la manière dont ce genre de choses fonctionnait, et n’ayant jamais touché à autre chose qu'une flûte à l'école comme Instrument de musique, elle pensait que tout sera facile. Elle avait des facilités, de toute manière, et si elle n’y arrivait pas, elle en saurait assez avec trois accords pour s'amuser à gratter les cordes pour elle-même. Mais il fallait que les choses soient efficaces, elle ne saurait dire pourquoi. Il y avait comme une urgence dans ce projet qui ne s'expliquait pas. Elle voulait savoir immédiatement, elle voulait pouvoir monter sur scène comme Kane d'ici la fin de la semaine, du mois, impatiente, naïve, et n'ayant pas peur du travail acharné. Elle l'épuiserait sûrement, Kane. La moue pensive, elle se mit à réfléchir au budget qu'il lui demandait afin de trouver la guitare adéquate. Mais combien cela coûtait, au juste ? Elle se reposait totalement sur l'expertise de Kane dans le choix du modèle. Néanmoins, son nez se fronça lorsqu'il évoqua la possibilité qu'elle se fournisse un instrument modèle réduit. “Personne ne me prendra jamais au sérieux si je dis que j'apprends le ukulélé. Non, il me faut une guitare .” Après tout l'idée n'était pas de ressembler au gros hawaïen de Somewhere over the rainbow, mais plutôt à… well, elle le saura le jour où elle aura des références. Bien sûr, il était facile de reconnaître Kelly dans ce genre de réflexion ; durant son apprentissage, il était évident qu'elle répéterait à qui voudrait l'entendre qu'elle s'était mise à la guitare, et à terme, elle jouerait devant ses amis et imposerait son petit quart d'heure de gloire bohème à la fin des dîners dont elle était l'hôte afin de se faire dire qu'elle avait tant progressé, à quel point elle jouait parfaitement, que l'on eût cru elle avait gratté une guitare toute sa vie. Et on en redemanderait, bien évidemment, comme d'une part de quiche ou de tarte au citron. Elle s'aimera un peu plus, et les autres aussi. Et tout sera parfait. “Disons trois cent dollars, finit-elle par trancher de manière parfaitement arbitraire. C'est tout mon budget shopping du mois qui y passe, mais il faut ce qu'il faut, n'est-ce pas ?” Elle haussa les épaules, dodelinant adorablement de la tête, battant des cils de biche, toujours souriante et les pommettes saillantes. Yolo, comme on dit sur les Internet.
Elle propose lundi et j’hoche la tête aussitôt. Je sors mon téléphone portable pour le noter sur mon calendrier afin de ne pas oublier. Ce serait fâcheux. Surtout qu’elle a vraiment l’air emballé par tout ça.
« Vers 15h ce serait bien. »
On définit les dernier détails et voilà le rendez vous qui est pris dans mon agenda. Je repose mon téléphone sur la table. J’ai quelques notifications qui se sont affichés mais je les regarderai plus tard.
Kelly n’est pas enthousiaste à propos du ukulélé. C’est dommage, parce que moi ça m’a donné envie d’en prendre un de nouveau. Je verrai dans les jours qui viennent si je me laisse aller à cette pulsion. Je ne fais pas de remarque sur le commentaire de Kelly. Le ukulélé est un véritable instrument tout aussi sérieux qu’une guitare. Mais je vois ce qu’elle veut dire. Ce n’est pas le même standard. Si elle veut réellement impressionner, c’est sûr qu’une guitare sera plus crédible. Je me demande à qui elle veut montrer ses futurs talents. Elle doit forcément avoir des gens en tête. Des personnes de son entourage certainement.
« D’accord on reste sur la guitare. »
Puis s’en vient le sujet du prix à mettre dedans. Elle propose trois cent dollars. C’est carrément très correct, surtout pour une guitare de débutant. Voir Kelly si souriante c’est très contagieux. Surtout qu’il s’agit de musique. Je suis content de voir que ça évoque autant de bonne humeur chez elle. La dernière fois qu’on avait discuté tous les deux, elle avait l’air pas très emballé par le sujet, et ce soir, c’est le jour et la nuit. Je suis ravi de voir qu’elle commence à être piqué par le virus.
« Je pense que tu pourras même en garder un peu pour ton shopping. Je regarderai sur le net. Avec un budget comme ça tu auras une bonne guitare. »
Je marque une brève pause, je bois une gorgée de ma bière qui commence à être bien diminuée et je reprends.
« Si y’a le choix, tu préférerais quelle couleur ? »
C’est peut être qu’un détail, mais personnellement, je suis tombé amoureux de ma guitare surtout par son look. J’ai eu de la chance qu’elle sonne très bien. Faut dire que quand on tape dans de la marque, on est rarement déçu. La personne sur scène commence à jouer et je tends l’oreille pour voir de quoi il en retourne.
« J'aime quand les gens chantent leurs compositions. »
Je commente à Kelly. Je regarde la scène, donnant une grande partie de mon attention à cette fille avec sa guitare. Bien évidemment je n’ignorerai pas Kelly si jamais elle reprend la conversation, mais j’ose croire qu’elle aura saisit mon intérêt musical pour les quelques minutes qui arrivent. Les chansons originales, ça peut casser un peu l'ambiance, parce qu'on connait pas. Les gens peuvent vite se désintéresser, c'est pour ça que je veux montrer que moi, je suis à l'écoute. Parce que j'aimerai qu'on en fasse de même pour moi et mes chansons.
Après sa première chanson qui était vraiment remarquable, une chanson d’amour, comme bien souvent, elle donne son twitter username et je prends mon téléphone pour aller la suivre de ce pas. J’ai une liste spéciale pour les gens que je découvre grâce à leur musique. Une nouvelle chanson commence, je me focalise de nouveau sur ses paroles, ses mélodies et j’accroche plutôt très bien. Je prends une photo que je compte tweeter plus tard.
C’est sans honte aucune que je passe le reste de la soirée avec Kelly. Laissant mes potes de côté pour une fois. Je sais qu’ils ne m’en voudront pas le moins du monde, on aura tout le temps de se raconter nos vies à la prochaine soirée open mic. Je jette quand même des coups d’oeil régulier vers eux au cas où ils décident de partir, je n’ai pas envie de laisser ma guitare sans surveillance.
Je regarde Kelly réagir plus ou moins aux différentes chansons qui sont jouées ce soir. J’essaie de voir ce qui lui plairait plus d'apprendre à la guitare. Je suis déjà en train de réfléchir à ce qu’on pourrait bosser elle et moi. Je prends mon rôle de professeur au sérieux. Je lui ferai une petite sélection pour lundi.