Tess descendait son escalier. Les fenêtres ouvertes de sa maison, le vent chaud de l'été pénétrait entre les murs de la maison familiale. La jolie métisse alla à la cuisine, ouvrit son frigo et se servit un peu de la limonade qu'elle avait préparé un petit peu plus tôt. Levant la tête vers la pendule accrochée au mur, Tess surveillait l'heure. D'ici peu, Greta allait arriver. Tess était contente d'avoir une amie comme Greta. Greta était partie de Londres bien avant le décès de la mère de Tess, les deux jeunes femmes avaient gardé contact par mail, ainsi que sur les réseaux sociaux. Tess avait été heureuse de voir le succès de son amie, ainsi que son émancipation auprès de ses parents. Alors évidemment, quand a mère quitta ce monde et qu'elle du rentrer au pays, Tess était heureuse de pouvoir y retrouver une amie. Londres lui manquait beaucoup en ce moment, alors pouvoir retrouver des têtes londoniennes qu'elle appréciait autant, bien évidemment que ça lui mettait du baume au cœur. La jeune femme rangea sa limonade et ferma son frigo, prenant son verre, elle se dirigea vers la terrasse de l'autre côté de la maison. La musique diffusée par sa chaîne hifi, du salon, envahissait l'espace, donnant une ambiance chaude à cette après-midi. Tess s'installa à la table de son salon de jardin et posant ses pieds nus sur la table, s'installa de façon décontractée sur son siège, sa limonade à la main, profitant de l'éclat du soleil. C'était une bonne journée, comme elle les aimait. Après quelques minutes, la sonnette retentie, faisant sauter son cœur dans sa poitrine. Elle se leva et traversa sa maison pour aller ouvrir à Greta. La jeune femme blonde lui sourit et très vite, Tess lança « Greta !! » avant de la prendre dans ses bras pour lui faire un chaleureux calin. Quel bonheur de la voir, cette fille était un vrai petit rayon de soleil, toute douce, toute souriante et puis surtout, avec son accent anglais... Tess l'adorait, vraiment. La jeune femme se recula un peu pour la faire entrer chez elle « viens entre ! » lui indiqua t-elle alors. La métisse referma la porte derrière son amie et lança « tu vas bien ? » avant de se diriger vers la cuisine. Elle ouvrit un placard, en sortit un verre assez grand et puis ouvrit le frigo pour prendre sa préparation de limonade faite maison à l'intérieur. « On va se poser sur la terrasse, ça te dit ? » proposa t-elle alors. Guidant son amie à travers la maison, la métisse en profita pour baisser le son de sa chaîne hifi avant de retrouver la terrasse qu'elle avait quitté un petit peu plus tôt. Elle posa le verre de Greta dessus, ainsi que le pichet et puis invita la jolie blonde à prendre place « vas-y installe toi ! » L'australienne retrouva son siège, s'asseyant dessus tout en replaçant ses cheveux tressés derrière sa nuque. Elle était vraiment contente de voir son amie chez elle, ici, en Australie. Les deux amies passaient beaucoup de temps ensemble depuis leurs retours respectifs en Australie. La jolie londonienne avait demandé à passer chez Tess aujourd'hui, afin de lui parler de quelque chose. Bien évidemment, ça intriguait la jeune femme. De quoi voulait-elle donc lui parler ? Etait-ce grave ? Important ? Elle n'en savait rien, elle n'avait même pas une petite piste à se mettre sous la dent, mais la jeune femme n'avait pas de crainte.

J'entamais ma quatrième année à Brisbane et le temps filait à toute vitesse. J'aurais pu croire que loin de ma vie mouvementée, loin des projecteurs et de la vie folle de mes parents tout se serait calmé et que la lente avancée de mes écrits m'aurait donné l'impression que le temps ralentissait mais non. Tout était toujours aussi rapide et il était donc parfois bon pour moi de prendre le temps et de profiter même si je ne m'en laissais que rarement l'occasion. En fin d'année 2016, lors de ma deuxième année à Brisbane, je m'étais habituée à ne plus avoir le même train de vie et le même statut social. J'avais toujours l'argent et les belles choses, mais j'étais bien moins entourée qu'avant. Mais, la fin d'année 2016 fut également marquée par un message tout bête, un message gorgé de tristesse mais, paradoxalement, de beaucoup d'espoir pour moi. Mauvaise nouvelle, coup dur, je serai à Brisbane bientôt.. Quand j'avais retrouvé Tess, mon incroyable sourire s'était vite assombri et avait laissé place à une épaule accueillante où elle avait pu pleurer. Même si elle était plus vieille que moi de quelques années, elle n'en demeurait pas moi fragile et qui ne le serait pas dans telle situation ? « tu vas bien ? » « Je vais toujours bien quand je viens te voir ! ». Cela faisait environ une année que nous nous étions retrouvées ici et j'aimais beaucoup ces petits moments. Malgré nos visites régulières, je n'avais pourtant jamais réalisé à quel point le talent de mon amie pourrait m'être utile. Elle illustratrice et moi auteur, le lien était pourtant assez rapide. Plusieurs semaines à fixer une page blanche et à ne trouver d'inspiration nul part avaient eu raison de moi, il me fallait une idée nouvelle. « vas-y installe toi ! » J'avais à peine prêté attention aux autres phrases de Tess, j'étais bien trop concentrée sur ce que je voulais dire et je n'avais pas attendu plus longtemps qu'une gorgée de limonade pour lui expliquer mon plan. « Tess. Tes dessins associés à mon livre, ça te parle ? » Je pense honnêtement que mes yeux brillaient à la prononciation de cette idée que je trouvais brillante. Tess pouvait illustrer la couverture de mon livre mais je voulais encore plus et je me demandais si mon amie réussirait à lire dans mes pensées. J'espérais déjà que celle-ci serait enthousiaste à l'idée de collaborer avec moi. Depuis leur connaissance il y'a de ça un bon nombre d'années, quand j'avais 20 ans et Tess 23, j'avais vu l'enthousiasme et la fraîcheur de mon amie s'assombrir doucement. Evidemment, pour moi, elle restait la même car je savais et que mes amies étaient bien trop chers à mes yeux pour qu'il en soit autrement. Les amis qui n'était pas là pour la gloire ou l'argent se faisait rare à Londres, d'où mon départ, et dans le peu de personnes sincères on retrouvait Tess et j'étais plus qu'heureuse de l'avoir avec moi à Brisbane et de – peut-être – collaborer avec elle.

La jolie blonde prit place autour de la table installée dehors, derrière la maison, face au jardin. A peine fut-elle installée, que Tess lui servit à boire, en bonne hôte qu'elle était. Greta semblait ailleurs, un peu perdue dans ses pensées, elle avait tracé jusqu'à la terrasse et regardait Tess avec son regard de « j'ai quelque chose à te dire » agrémenté de son petit sourire malicieux que la métisse connaissait si bien. Tess s'installa en souriant, amusée du comportement de son amie. Une fois les jambes croisées et son verre de limonade à la main, la jeune femme le leva pour y boire une gorgée alors que Greta prit la parole. A entendre la phrase de son amie, Tess cru s'étouffer avec sa gorgée et ferma les yeux avant de l'avaler, plutôt que de tout recracher sous la surprise. « Hein ? » de quoi parlait-elle au juste. Associer ses romans à ses dessins ? Où est-ce qu'elle voulait en venir ? Tess fronça les sourcils, posant son verre sur la table « comment ça ? » demanda t-elle afin d'obtenir plus d'explication. Dans sa tête, elle ne comprenait pas vraiment tout, est-ce que Greta lui proposait de dessiner la couverture de son prochain livre ? Parce que si c'était le cas, c'était une occasion géniale ! Tess avait toujours eu envie de faire « autre chose » que des illustrations dans le journal, des affiches de festivals et des expositions régionales. Avec cette collaboration, les dessins de Tess prendraient un virage nouveau, une direction dans laquelle elle ne se serait pas vue mais qui... mais qui lui donnait assez envie. Enfin... si elles parlaient bien de la même chose, et puis... attendez, Tess se perd dans ses pensées et ses milles questions. « Tu voudrais qu'on allie nos deux univers... dans un projet nouveau, c'est ça ? » de ce que lui disait Greta ça n'avait pas trop à voir avec les couvertures de livres. Non, elle parlait d'autre chose, d'un nouveau projet. D'une alliance entre amies, entre associées, entre deux professionnelles. Tess écouta son amie s'expliquer, afin d'éclairer sa lanterne. Et au fur et à mesure que la jolie blonde exposait son idée, les yeux de Tess se mirent à briller. Quand son amie eu fini, la jolie métisse reprit la parole « t'es sérieuse là ? » avant de porter ses mains contre sa bouche, pour cacher à la fois sa surprise et son émotion. « Mais tu crois que ton éditeur sera d'accord ? Et ta maison d'édition ils en pensent quoi ? » s'inquiéta l'australienne. « Je... je n'ai jamais fait de bande-dessinée à vrai dire... ou juste des trucs comme ça, vite fait... ça serait ça en fait, une bande-dessinée, hein ? » demanda t-elle en guise de détail. En vérité, la jolie métisse était sous le choc de la nouvelle. Le choc, parce qu'une occasion comme celle-ci, en fait, elle l'avait attendu pendant longtemps, sans que ça ne vienne... et là, Greta arrivait et lui proposait ça... c'était une occasion en or. Tess était sous le choc, parce que jamais elle n'aurai pu penser que cela arriverait un jour et surtout, est-ce qu'elle serait à la hauteur ? Est-ce que son coup de crayon allait vraiment séduire la maison d'édition de Greta ? Est-ce que les gens seraient emballés par le projet ? Est-ce qu'elle allait être à la hauteur ? Elle connaissait le talent de son amie, elle avait lu ses livres, bien évidemment que oui. Elle ne voulait pas... la décevoir, et ne pas être à la hauteur de son talent et de sa renommée. En vrai, Tess était sous le choc de la nouvelle, elle avait peur que tout cela ne soit pas réel, que ça soit une simple idée. Attendez, c'était vraiment du sérieux ?

J'avais déjà vu plusieurs dessins de Tess et je me sentais déjà chanceuse d'en avoir eu la possibilité. Je ne parle pas des illustrations qu'elle faisait pour le journal, mais de dessins personnels, d'oeuvres qui sortaient de ses tripes. Connaissant son caractère et sa façon d'être, je n'avais pas été surprise que cette fille soit capable de créer de telles merveilles. Elle était douée, et sa reaction m'étonnait. Pour moi, elle était l'artiste qui allait m'aider à me faire un nom et non l'inverse. Ses dessins allaient clairement apporter une plus-value à mes écrits que je ne trouvais pas si bons qu'avant. « t'es sérieuse là ? » Je n'avais pas pu m'empêcher de rire. Mon amie était tellement drôle dans son comportement, et, surtout, encore une fois, je trouvais ça très étrange qu'elle ne reconnaisse pas son talent. Et puis, si en Angleterre j'étais reconnue, ici, je n'étais personne. J'étais donc plus que sérieuse, je croyais vraiment en cette idée nouvelle. « Mais tu crois que ton éditeur sera d'accord ? Et ta maison d'édition ils en pensent quoi ? » Oups. Je n'avais peut être jamais évoqué ce sujet avec mon amie mais mon éditeur était resté en Angleterre et n'avait pas souhaité suivre ma carrière en Australie. Plein de jeunes talents anglais apparaissaient et en arrivant ici, je savais que j'allais devoir tout recommencer à zéro et cela signifiait commencer par trouver un éditeur. « Faut vraiment que t'arrêtes d'être modeste, tes dessins sont parfaits. En plus, je dois te dire que je ne suis personne ici. A Londres mon livre est un des plus connus en ce moment mais apparemment, il n'a pas traversé les océans. » Je souriais en parlant parce que cette idée ne me dérangeait pas. Je le répétais assez mais j'étais venue ici pour retrouver ma notoriété de Londres, mais pas celle ombragée par celle de mes parents. « Je n'ai pas d'éditeur ici, je recommande à zéro, en fait... Mon éditrice de Londres m'a gentiment expliqué qu'elle préférait se consacrer aux talents locaux. En gros,loin de mes parents, je ne suis vraiment plus personne ! Il faut que je retrouve un bon éditeur, mais vu que mon projet avance lentement, je ne m'inquiète pas pour l'instant. » Parfois, je m'inquiétais. Puis je me souvenais que n'avais pas peur des challenges. « Je... je n'ai jamais fait de bande-dessinée à vrai dire... ou juste des trucs comme ça, vite fait... ça serait ça en fait, une bande-dessinée, hein ? » Ce n'était pas vraiment ce à quoi je pensais puisque je n'avais moi non plus jamais fait de bande dessinée. Ce genre ne collait pas vraiment avec mes histoires d'amour à l'eau de rose. J'avais pensé à un tout nouveau style d'écriture pour moi, une idée qui avait sûrement déjà été prise mais que je voulais utiliser. Un roman avec des illustrations à chaque chapitre, qui aideraient le lecteur à réellement se projeter. Tess avait ce donc de pouvoir dessiner tout ce que mon esprit ne savait qu'écrire. Si elle lisait mon roman – ou plutôt le début – j'étais persuadée que tout se dessinerait dans son esprit sans aucun soucis et qu'elle donnerait vie à mes personnages, aux lieux et aux paysages évoqués. « Je pensais plutôt à un roman illustré, tu vois ? Les BD, ça colle pas vraiment à mon style »J'attendais l'avis de mon amie avec impatience, espérant qu'elle visualiserait mon projet. Qui sait, l'idée de la BD pouvait être mis de côté jusqu'à la prochaine fois.

Son amie commença à la rassurer, la complimentant sur ses dessins. Tess était toujours un peu gênée de ce genre de remarques, puisqu'elle ne savait pas encore faire la différence entre les gentilles paroles amicales et les remarques vraiment constructives. Pour elle, Greta était gentille, tout simplement, mais bon... l'idée de s'associer avec elle dans un projet professionnel, ce n'était pas rien. Greta ne se lancerait jamais avec quelqu'un dans lequel elle ne croit pas. Et c'était ça qui confortait un peu la jolie métisse. Son amie était sincère et elle se devait de la croire. La jeune trentenaire prit son verre qu'elle apporta à ses lèvres, cette limonade était décidément bien bonne et rafraîchissante en cet après-midi d'été. Cependant, lorsque la londonienne lui expliqua sa séparation avec son éditeur, la jolie métisse fit une moue dérangée. Ce n'était pas vraiment cool, comment est-ce que Greta vivait ce nouveau départ à zéro ? Est-ce qu'elle avait peur ? Est-ce qu'elle était contente ? La brunette lança alors à son amie « tu es quelqu'un même sans éditeur, et ses tes parents, crois-moi » sourit-elle doucement. Après tout, n'avait-ce pas été son cas à elle ? Tess s'était découverte principalement à Londres, loin de sa mère et puis lorsque celle-ci était décédée, elle s'était lancée activement dans la vie. De son point de vue, c'est quand tu es véritablement seule que tu avances le mieux. Pas plus vite, pas en faisant de grandes choses gigantesques, mais bien dans des événements concrets, durables, qui te rendent personnellement heureux. Elle en était convaincue. Seulement voilà, elle se revoyait ici même, au décès de sa mère. La solitude fait peur, elle angoisse, elle ressemble à des boulets qu'on se traîne aux pieds et qui nous empêchent d'avancer, mais pour Tess, avec le temps, elle avait fini par faire de ces boulets, une véritable force. « Tu te sens comment par rapport à tout ça, tu... tu aimerais te lancer dans quel type de projet ? » demanda alors Tess. Son amie lui répondit qu'il ne s'agirait pas d'une bande-dessinée, mais plutôt d'un roman illustré. Tess hochait la tête « genre quelques illustrations par-ci, par-là, c'est ça ? » confirma t-elle auprès de son amie. Comprenant l'idée, la jolie métisse sourit et continua à discuter « je trouve ça plus sympa... en fait, ça serait même hyper moderne, parce que ça rappelle un peu tout l'univers des blogs et tout ça, tu vois ? » Posant son verre sur la table, elle attrapa son paquet de clopes dont elle en sortit une pour coincer entre ses lèvres. Attrapant son briquet au passage, elle alluma le bout de sa cigarette et recracha la fumée sur le côté. « J'aime beaucoup cette idée, mais du coup, ton livre va parler d'amour, c'est bien ça ? » rigola t-elle enfin. Ouais, parce que l'amour, clairement, Tess ne savait pas ce que c'était. Elle n'en avait même aucune idée. Elle ne savait pas ce que c'était, comment on est quand on est amoureux, quand on est triste, quand on a peur de perdre l'autre. Elle ne savait pas non plus à quoi ça ressemblait un couple, ni même ce qu'il doit traverser au quotidien. Mais pour ça, Greta serait là. Avec son roman, elle écrirait tout ça, les sentiments, les aspirations, les craintes, les troubles, les angoisses, les joies, les peines et avec toute cette matière, Tess parviendrait à dessiner quelque chose. Après tout, le travail d'illustration était un vrai travail de recherche, elle l'avait vécu très récemment avec Raphaël et l'Opéra de Brisbane. Tess se voyait déjà traîner en ville, ou dans les restaurants, pour espionner un peu les couples autour, afin de les étudier tels des animaux captifs d'une relation amoureuse. Elle sourit « en vrai meuf... j'crois que j'ai b'soin d'un projet comme ça et surtout, l'idée de le faire avec une vraie amie... j'en suis » lança t-elle en souriant de toutes ses dents, assise au fond de son fauteuil, les yeux rivés sur la jolie blonde.

Ce nouveau départ, seule, sans repère, c’était moi qui l’avait voulu. Quand Tess avait évoqué le sujet de la maison d’édition et que j’avais répondu que désormais, j’étais seule, ce n’était pas pour me plaindre ni pour trouver du réconfort. Je vivais exactement ce que j’avais décidé de vivre et j’étais plutôt contente. Je n’avais aucun problème d’argent juste une immense soif de réussir par mes propres moyens. Les mots de mon amie m’avaient fait sourire, c’était bon de savoir que des personnes croyaient en nous et savaient ce que nous valions. J’avais été trop habituée à côtoyer des personnes qui ne m’accordaient de la valeur uniquement à cause de mon lien de parenté. Cette fois, je me sentais réellement soutenue.  “T’es gentille, j’accepte le compliment alors toi, tu ferais bien de commencer à accepter les miens quand je te dis que tu es une super illustratrice !” L’impression d’être soutenue se confirmait au fur et à mesure où Tess parlait car je voyais qu’elle comprenait l’idée et surtout, qu’elle marchait dedans à 100%.  “T’as tout compris, je pense que l’univers de la littérature à besoin d’un peu de nouveauté. C’est sûr que je serai pas la première ni la dernière à faire ça mais j’ai envie de tenter. Je suis nouvelle ici, je peux me refaire un style, et si le livre se lance jusqu’en Angleterre, on verra si mes anciens lecteurs apprécient!” Je n’étais pas sûre en arrivant ici qu’elle accepterait mais j’étais rassurée en entendant ses paroles. Je sirotais ma limonade, un délice, et me détendais alors que la situation avançait doucement. J’étais enthousiaste et, sans même m’en rendre compte, imaginais déjà mon livre connaître du succès. Après tout, pourquoi pas.  La terrasse de Tess était agréable et ce moment l’était également. Si je pouvais être une vraie businesswoman lorsque le besoin s’en faisait sentir, je pouvais également parler affaire en étant détendue. Ici, avec une amie et une limonade, mon ton et mon attitude étaient forcément bien différents que face à un éditeur. Pourtant, le professionnalisme était bien là. Il était bien là même si j’avais encore du mal à réellement définir où se dirigeait mon prochain roman - illustré, donc. Il parlerait forcément d’amour, mais je cherchais encore à pimenter tout cela. “Evidemment ça parlera d’amour, désolée, mais là, tu n’y échapperas pas! Par contre, là je vais rajouter un peu de fantastique. Ca va parler d’un garçon qui réalise les rêves de la fille dont il est amoureux depuis le lycée. C’est un peu bancal pour le moment je t’avoue, il faut que je bosse!” Je n’avançais pas beaucoup mais j’avais une vague idée de ce que je voulais. Me connaissant, l’histoire ne se terminerait probablement pas bien. J’étais pourtant quelqu’un de positive, mais accordais beaucoup plus d’intérêt aux oeuvres marquantes, et donc tristes, selon moi. J’avais acquiesé à la phrase de Tess qui disait avoir besoin d’un projet comme celui-ci. J’étais totalement d’accord. “Je pense aussi que j’en ai besoin, parce que là, si j’avance pas, je serai obligée de culpabiliser parce que tu seras derrière à attendre!” Les paroles de Tess étaient rassurantes et me rendaient heureuse. Je considérais moi aussi Tess comme une vraie amie mais nous ne l’étions rarement dit, toutes les deux plutôt discrètes.J’avais avancé mon verre vers celui de mon amie avec un air enjoué, prête à trinquer à notre toute nouvelle collaboration.

Lorsque Greta commença a lui parler plus en détail de sa trame principale, Tess sourit. Une histoire d'amour ok, mais le côté un peu fantasque lui plaisait. En réalité, elle adorait même. Et puis tout de suite, elle ne pu s'empêcher de penser à Nick. Elle allait s'inspirer de lui, parce que son meilleur ami avait passé sa vie à lui faire plaisir et à tout faire pour réaliser ses rêves, un peu comme Leena. Ouais, elle allait s'inspirer de ses deux meilleurs amis pour pouvoir façonner un peu le personnage masculin, mais pour le personnage féminin, restait à voir comment Greta l'imaginait. « Tu les imagines comment tes personnages, naïfs, ou bien... ? » attendant les explications de son amie, la jeune australienne lui fit un signe avec son index pointé avant de quitter sa chaise. La jolie métisse alla dans sa maison, plus précisément au salon où se trouvait son carnet à croquis et quelques crayons. Elle les saisit avant de retourner à la terrasse où l'attendait toujours Greta. Reprenant sa place assise, la jeune trentenaire commença à griffonner rapidement quelques croquis très grossiers et rapides. La première idée qu'elle avait, c'était ces deux personnages clefs sur une mobylette, un peu sauvages, réservés et en même temps, avec une pointe d'excentricité. Des sourires, des yeux coulants de joie et d'excitation. Des vêtements s'envolant au vent, une mobylette qui n'avance pas vraiment et des éclats de rire. C'était la première image qu'elle avait en tête lorsque Greta lui parlait d'eux. Tout en dessinant, la jeune fille écoutait les conseils de son amie, sur la façon dont elle voyait ses propres personnages. En réalité, ce travail, elles allaient le faire à deux, en permanence. Parce que Tess ne pouvait aller dans une direction qui n'était pas celle que Greta imaginait. Elle allait être sa main, ses yeux, ajoutant son regard sur ce qu'elle pouvait imaginer dans sa tête. Amusée, la jolie métisse ne tarda pas à retourner son carnet pour le présenter à son amie, lui proposant alors cette première ébauche très rapide de ce qu'elle imaginait déjà. « C'est à quoi je pense quand tu me parles d'eux... » lança t-elle attendant une réaction de la part de la londonienne. « Pour le côté fantastique, tu imaginais un vrai univers à créer ou bien... ? » attendant des précisions, la jeune femme l'écoutait lui dire ses indications, tandis que son crayon reprenait la route du papier pour griffonner à nouveau quelque chose. Suivant ce que son amie lui disait, la jeune métisse essayait de calquer les instructions de la jolie blonde, tout en reprenant des codes, des expressions qu'elle revivait dans sa tête. Des scènes de la vie de tous les jours avec Nick, ou même Leena, leurs moments de rires, de déconnade, ou bien des conversations plus sérieuses, des instants clefs qui étaient gravés en elle. Parce que dessiner c'était ça. S'inspirer de la vie réelle, pour en créer une autre, parfois imaginée, parfois réaliste, parfois délurée. Attendant finalement que Greta termine, la jeune femme prit quelques minutes pour fignioler un nouveau croquis rapide avant de le lui présenter. « Un truc un peu comme ça ? » demanda t-elle pour confirmer si elle était dans la même voie que son amie. Attendant sa réaction, la trentenaire ne pu s'empêcher de dire « tu pourrais m'envoyer les premières ébauches de ton livre, histoire que je m'inspire de l'environnement, de l'ambiance et que j'te propose des trucs assez larges par rapport à l'univers, au style ? » Souriant à son amie, Tess se sentait vraiment enchantée par cette idée de collaboration. Posant alors son stylo près du carnet, elle s'empara de son verre pour en boire une grande lampée, enjouée.

"J'adore ce dessin par contre pour le coup, je voyais plus le mec avec des cheveux mi-longs, le genre surfeur brun et super beau gosse. Je veux un personnage qui fasse rêver mes futurs lecteurs, enfin si j'en ai..."  J'avais marqué une pause  "Tu vois il faut des personnages auxquels peuvent s'identifier les 16-25 ans, j'aime bien viser large pour la tranche d'âge." J'étais fascinée par la façon dont mon amie couchait sur le papier les moindres recoins de mon imagination. Je parlais et elle dessinait et notre duo semblait déjà fonctionner à la perfection. Je m'étais déplacée pour me mettre à ses côtés et pouvoir apprécier chaque détail et chaque étape des croquis de Tess. Ses tresses glissaient sur le papier au rythme de son crayon et j'étais comme hypnotisée. "Le fantastique ce serait plus dans le sens où le mec développe des supers pouvoirs, en gros il est comme porté par son amour et tout devient possible. Je te l'accorde, c'est très guimauve mais c'est là que je suis le plus à l'aise". Alors que je parlais, Tess souriait et griffonait en même temps des ébauches de dessins. Un garçon avec un immense sourire, une coupe de cheveux ébouriffée et un look décontracté mais recherché. Je souriais moi aussi parce que petit à petit, Stan, comme j'avais appelé mon personnage masculin principal, était en train de prendre vie. Ses dessins étaient réalistes et ils permettaient vraiment d'aider l'imagination. J'imaginais déjà le sourire de mes lecteurs en voyant les dessins au fil des pages, les aidant à se projeter. Je remuais la pulpe de ma limonade maison avec le bâton fait pour avec grand enthousiasme car j'étais en train de réaliser que les dessins de Tess m'aidait moi également à retrouver l'inspiration. J'étais plus motivée que jamais et je retrouvais goût à cette idée, à ce projet. Ses dessins rendaient tout cela plus concret. "En fait mon histoire va s'articuler sur un nombre défini de rêves que Stan va réaliser pour Ellie, je pense que du coup ce serait assez sympa de faire une illustration pour chaque rêve déjà. Au fait, tu penses quoi des prènoms des personnages?" J'avais demandé l'avie de Tess car il comptait, pas seulement car elle était mon amie mais également parce qu'elle était maintenant un membre à part entière de ce projet. Nos talents allaient s'associer et ce seront nos deux noms qui figureront sur la couverture du roman, elle-même illustrée par la belle. Je pris mon sac à main posé à côté de moi pour en sortir ma tablette qui contenait les premières ébauches de mon récit. "Tu peux déjà jeter un coup d'oeil là, il y a une présentation des personnages au début. Mais franchement, t'es pas loin de ce que j'ai imaginé avec tes dessins!" Le document ne contenait qu'une description des personnages et quelques chapitres mais pour débuter, cela suffisait. Nous n'allions de toute façon pas terminer ce projet en un après-midi, même si je devais admettre que nous avancions rapidement.

A chaque nouveau détail émanant de l'esprit et de l'imagination de Greta que la jolie blonde parvenait à décrire, Tess lui donnait forme sur le papier. De jeunes adultes, d'environ vingt ans. L'insouciance d'une génération, cet esprit libre, cette sensation que le monde est ouverte, disponible, accueillant, chaleureux. Cette envie de le découvrir, de partir à l'aventure, de le croquer à pleine dent, sans jamais se poser de questions. Tess arrivait à comprendre ce que Greta voulait, et ce qu'elle avait déjà pu imaginer pour ses personnages. Les cheveux plus longs ? En quelques coups de crayon, la jeune femme avait répondu à son souhait. L'attitude de Stan prenait forme, un grand gaillard assez maigre, pas le plus beau, mais qui avait un talent pour l'humour, pour être dans des situations caucasses, qui prêtent à rire. De cette façon, il parvient à tout rendre meilleur, même le pire. Ellie ne peut que rire à ses côtés, elle ne peut que tout accepter. Il est là, maladroit, peu sûr de lui, un peu fou-fou, excentrique dans une timidité rougissante. Ellie, elle est plutôt douce, populaire, elle ne se fout pas de l'image qu'elle renvoie au monde. Un peu gênée parfois par l'attitude de Stan, elle fini par y prendre goût. Peu à peu, elle en tombera amoureuse. C'est une évidence oui. Tess sourit, au fur et à mesure que son crayon griffonne les légers croquis qu'elle voit dans sa tête. Lorsque Greta parle d'un amour capable de donner des pouvoirs, de réaliser les rêves de la jeune femme, alors elle change. Tournant son papier pour pouvoir dessiner sur un coin vierge, la jeune femme dessine une rue. Une rue de nuit, donnant sur une large vue de la ville illuminée. Stan est là, les bras grands ouverts, et un esprit magique semble émaner de lui, tandis qu'Ellie, à la fois terrifiée et émerveillée, se tient là, à l'observer. On ne sait pas encore ce qu'il se passe, mais le visage expressif d'Ellie dévoile une note de curiosité à laquelle le lecteur va s'enticher lui aussi. Lorsque Greta lui explique le principe des rêves et du nombre limité pour chacun d'eux, Tess sourit. Oui, l'idée d'une page par rêve, c'est exactement ce à quoi elle pensait. L'idée lui plaît totalement, si bien qu'elle tourne son visage vers Greta, qui s'était approchée, et elle lui sourit en lui tapant son épaule, contre la sienne « ça va être vraiment génial Greta, j'ai trop hâte de m'y mettre » lança t-elle, toujours son crayon à la main. Une fois qu'elle avait envie de se mettre à dessiner, c'était dur de ne pas se plier à ce besoin, à cette envie. L'envie de dessiner, c'était tout un rituel. Parfois l'envie la quitte pendant des jours, des semaines, des mois. Parfois, elle dessine plusieurs dessins en une journée. C'est aléatoire, elle ne peut pas le contrôler, ni le prévoir. Mais tout ça, ça commence clairement à la passionner et elle a envie d'en savoir plus, de faire des ébauches, des croquis. Lorsque Greta lui parla de Stan et Ellie, Tess prit la tablette qu'elle lui donna. Croisant les jambes, posant la tablette dessus, elle commença à lire les descriptions qu'elle avait fait de ses personnages et lança en même temps qu'elle continuait de lire « c'est dingue, mais j'imaginais totalement Stan comme ça, un grand rêveur, un peu naïf, un peu excentrique, mais très maladroit, très timide, il donne l'impression d'être à l'aise alors que pas du tout... » rigola t-elle en passant ensuite à Ellie. Tess hocha la tête, ça correspondait aussi à l'idée qu'elle s'en était faîte. D'une fille qui se cherche, entre le superficielle qu'on impose à toute jeune femme et le naturel, qui est mis en avant par Stan et qui lui fait envie. Finalement, elle fit glisser son doigt sur l'écran de la tablette pour lire les premières lignes du chapitre. Hâtée par le récit, la jeune femme finit par se redresser et lancer « envoie moi ça plutôt, parce que si je me mets à lire maintenant, je ne vais plus m'arrêter » lança t-elle en lui rendant sa tablette. Tess adorait lire, et encore plus ce que Greta avait écrit, et encore plus si elle participait aussi à ce projet. Tess saisit sa limonade et en bu une bonne gorgée avant de poser le verre sur la table. « Ca va être génial meuf, j'ai tellement d'idées » rigola t-elle, excitée comme une adolescente avant son bal de promo. Greta lui demanda ce qu'elle pensait des prénoms, Tess lança aussitôt « j'adore, c'est simple, clair, ça passe partout et en même temps.. j'sais pas, ça leur donne un air cool, tu vois ce que je veux dire ? » rigola t-elle. « Vingt ans ça te va ? Ou bien... on fait ça à leur dernière année de lycée ? Comme si ce truc des rêves... c'était aussi dû à cette transition de « je passe de l'enfance à la vie adulte » ? » proposa t-elle alors.

Tout était si simple que j’en venais à me demander pourquoi je mettais autant de temps à avancer sur ce projet. Ce moment passé chez Tess me faisait réaliser que, finalement, être seule et m’être éloignée de tout n’avait pas forcément été la meilleure des solutions. Je ne regrettais pas ma décision mais je voyais très clairement qu’il fallait que je m’entoure des bonnes personnes si je souhaitais avancer et mettre le point final à une seconde histoire tout aussi vendeuse que la première. Je détestais l’admettre mais mes histoires m’étaient liées. Dans la première, je racontais la descente aux enfers d’une fille s’étant retrouvée seule après avoir donné tout l’amour qu’elle possédait. C’était moi, à travers mon personnage, c’était mon coeur qui se brisait en morceaux que j’avais raconté. J’avais remonté la pente et je pense que ce roman avait été mon remède, il m’avait aidé et je le chérissais. Aujourd’hui, ma prise de conscience allait probablement être un moteur pour mon futur livre. Pour écrire, j’avais besoin de ressentir quelque chose et il semblerait que depuis ces trois années à Brisbane, j’avais été plutôt éteinte et vide de toute excitation. Je vivais et j’étais heureuse, j’avais des amis, mais je devais réellement m’intégrer. Assise dans le jardin de mon amie Tess, je sentais que je pouvais m’appuyer sur elle et cela comptait réellement. “Je dois avouer que tu es en train de me redonner toute la motivation pour écrire, j’avais un peu perdu l’inspiration voire carrément le goût pour boucler cette histoire mais là je n’ai qu’une envie c’est d’être ce soir, tranquille, seule, et écrire toute la nuit!” Plus la journée avançait, plus Tess semblait lire dans mes pensées. Mes personnages prenaient vie et je commençais à croire que mes descriptions et mon histoire n’étaient pas totalement mauvais. Si Tess réussissait à imaginer les personnages de la même façon que moi, c’était probablement qu’en écrivant ou juste en parlant de mon idée, j’avais moi-même réussi à les rendre réels. “Tu sais tu aurais vite fini de lire, je n’ai pas tant avancé que ça, après les deux premiers chapitres ce ne sont vraiment que des idées en vrac…” Ma voix ne cachait pas ma déception. Voilà ce que je ressentais, une déception envers moi-même. J’avais déjà été plus motivée et plus inspirée et il fallait que je retrouve cette imagination d’autrefois. Quoi de mieux pour se rebooster que d’entendre une proche amie dire que ce projet allait être génial, et de la voir s’enthousiasmer face aux simples prénoms des personnages. “En fait comme t’as pu le voir, le récit commence quand ils sont au lycée mais je pense qu’on va se concentrer sur leur vie de jeunes adultes, ça parlera plus à tout le monde. Par contre l’idée que tout ça débute comme une transition vers l’âge adulte j’y avais pas pensé mais c’est une super idée! En quittant l’adolescence, Stan développe des sortes de supers pouvoirs quoi!” Encore une fois, je retrouvais l’enthousiasme. J’avais pris le carnet à dessins de Tess et avais dessiné un stick man, la seule pathétique oeuvre d’art que je pouvais me permettre, et lui avais rajouté une cap. “J’aime bien l’idée que mon Stan devienne une sorte de super-héro”. J’avais légèrement ri en fixant mon dessin et en remuant ma limonade. Deux cerveaux valaient décidément mieux qu’un seul.

L’enthousiasme de Greta faisait plaisir à Tess. C’était gratifiant d’avoir un retour aussi positif sur ses dessins, ses croquis. De voir que non seulement ça plaît, mais surtout que ça correspond à ce que l’artiste avait imaginé. Elles semblaient parfaitement se comprendre et c’était autant important et jouissif pour l’une, que pour l’autre. La question de la phase de transition entre l’âge adolescent et l’âge adulte, qui permet alors à Stan de devenir un super-héros, par amour : c’était quelque chose de brillant oui. Tess sourit à son amie et lança « ça me donne envie de dessiner plein de trucs » rigola t-elle. Dans son esprit, elle imaginait même une bande-dessinée dérivée, peut-être comme un one-shot, peut-être pour après le livre, s’il fonctionne bien ? Des idées, des envies, des lubies de projets, de création, tout ça fleurissait en elle comme une véritable fosse à fleurs. S’épanouissant totalement dans son esprit, lui donnant envie de plus, de faire, de créer. C’était ça, c’était si simple, si naturel et c’était si bénéfique. « Tu veux qu’on parle de comment on va s’organiser ? » demanda t-elle une fois Greta assise à sa place. Tess laissa tomber son crayon de papier et son carnet, parce que sinon, elle allait dessiner encore et encore jusqu’à n’en plus pouvoir. Saisissant son verre, elle en bu une longue gorgée et attendit la réponse de son amie. « Ca pourrait être chouette que… je ne sais pas, imaginons le lundi matin tu m’envoie tes écrits, et que le dimanche suivant, je te montre mes dessins ? » proposa t-elle en haussant une épaule. A vrai dire, de mettre en commun leurs travaux à un intervalle si régulier, ça leur permettrait d’y voir plus clair et surtout, de voir dans quelle direction est-ce qu’elles vont. Savoir si elles vont dans la même direction, surtout. Et c’était important. N’ayant pas un local commun, elles devraient bosser chacune de leurs côtés… à moins que… « je ne sais pas comment tu écris… mais sinon, on peut se faire des sessions comme ça, où on travaille ensemble aussi ? » proposa t-elle. Après tout, sa maison est grande, elle a de la place et puis pour un projet comme celui-ci, il faudrait bien du temps de travail en commun aussi. Pour que ça sonne encore plus vrai, plus authentique. En tous cas, Tess était ravie de ce projet, de ce challenge, de ce nouveau défi, même pour elle. C’était gratifiant, vraiment. Elle avait hâte de faire des essais, de s’y mettre, de faire des ébauches, des croquis, des aquarelles. C’était un projet qui lui donnait réellement envie de s’investir et de faire naître quelque chose de concret, surtout qu’en plus c’était avec une amie et grâce à une amie. C’était encore plus beau.

HRP : Je te poste un petit message, j'espère que ça ira quand même? Je voulais absolument te répondre, mais comme je suis en vacances, je favorise des post plus courts. Je reprendrais les pavés à mon retour hihi

L’après-midi était déjà bien avancé et le carnet à dessins de Tess était déjà bien noirci, plusieurs pages déjà avait été utilisées pour les premières ébauches, pour griffoner ce qui deviendrait plus tard les héros de mon roman. Déjà plusieurs ratures aussi, car il semblait être réellement difficile d’obtenir un croquis parfait. Au fil des pages du carnets, j’avais une belle image du chemin parcouru en seulement quelques heures, mes personnes étaient devenus plus clair dans l’esprit de Tess, et, au fur et à mesure, nous étions toutes les deux arrivées à un dessin qui était plus que convenable. Les Stan & Ellie dessinés par Tess étaient encore mieux que ce que j’avais imaginé. « C’est pas moi qui vais t’arrêter, je crois qu’on tient vraiment le bon bout là ! ». Il m’était difficile d’imaginer, avant de venir ici, ce que tout cela allait donner. Nous avions beau nous adorer, il n’était pas totalement sûr que nos façons de voir les choses s’accordent, encore moins que Tess ait le culot de s’engager les yeux fermés dans ce projet. Après tout, si je la connaissais depuis maintenant un tas d’années, mon amie n’était pas obligée de me faire aveuglément confiance sur tous les points de vue. Pourtant, elle l’avait fait et je ne pouvais m’empêcher de me sentir valorisée. « Merci. Merci de croire en moi et d’accepter. J’ai toujours su que t’étais une vraie amie, mais tu m’étonneras toujours. En positif bien sûr ! Je sais que ça fait un peu guimauve mais je tenais à te le dire, parce que tu fonces tête baissée alors que, concrètement, pour l’instant, je ne suis sûre de rien, et pas sûre de t’apporter quoique ce soit. » Je souriais en la regardant, me sentant tout de même un peu gênée de parler de cette façon, à coeur ouvert. Il était tout de même important pour moi d’évoquer ma gratitude. J’avais cependant très vite enchaîné sur la suite de la conversation, ne souhaitant pas m’attarder sur le côté sentimental du moment. Tess devait de toute façon bien savoir à quel point elle comptait pour moi, surtout avec la façon avec laquelle je l’avais soutenue lors du drame de sa vie. En ayant été présente pour elle à ce moment là, des liens indéfectibles s’étaient crées et c’était loin d’être pour me déplaire. « Moi les deux me vont, je t’avoue que j’aurais du mal à rester concentrée si on bosse à deux, je te connais Turner, tu sais qu’à deux on peut partir totalement en vrille ! » A côté des moments les plus douloureux passés avec mon amie, je n’en oubliais pas moins le positif, qui était normalement bien plus présent dans sa personnalité. « Du coup on peut essayer de se voir régulièrement, c’est clair, et moi je suis plutôt d’accord pour t’envoyer mes textes le lundi pour qu’ensuite tu bosses dessus. Ca me fixera une deadline, ça me motivera encore plus à écrire. Je pense que là on pourra se caler un autre rendez-vous assez rapidement, t’en penses quoi ? Avec ce que je vais t’envoyer de déjà écrit, tu penses pouvoir me proposer quelque chose quand ? » La machine était clairement lancée. Le projet était loin de n’être qu’une parole en l’air et je voyais que Tess était tout aussi enthousiaste que moi et qu’elle n’avait pas accepté à la légère. Maintenant, je me devais d’assurer et de continuer à écrire, pour ne pas décevoir mon amie.

HJ:

Son amie lui demanda quand est-ce qu'elle serait prête à lui proposer ses premières idées, avec ce que Greta lui avait envoyé. Bien évidemment, elle parlait du texte qu'elle avait écrit bien avant cet après-midi là. Tess réfléchit quelques instants, elle minauda une petite moue avant de réponse « on peut s'dire dans un mois? » histoire d'être un peu large quand même. Ses premières idées lui étaient venues vite, c'était clair, mais il ne fallait pas oublier que Tess avait d'autres projets, comme celui des affiches pour l'Opéra de Brisbane surtout. Là encore, elle avait des délais à respecter et ce projet devait être bouclé pour bientôt. La jeune métisse attrapa son paquet de clope pour une sortir une et la glisser entre ses lèvres. Cherchant son briquet sur la table, Tess ne tarda pas à allumer sa cigarette et ajouter « après, si tu veux m'envoyer d'autres trucs, des infos, ou des idées tu m'envoies tout ça hein, on reste joignable bien sûr » sourit-elle. Elle ne voulait pas que Greta imagine qu'elle ne voulait pas bosser à ses côtés, mais la jolie blonde avait raison, ensemble, elles n'allaient pas avancer de la même façon. Et puis avec ce projet pour l'Opéra et la suite des événements qui seront à prévoir dans la vie de la demoiselle Turner, ce n'était pas du luxe que de se fixer une date plus longue que prévu. Lorsque son amie confirma, la jolie métisse sourit à nouveau et lui proposa de passer cet fin d'après-midi à profiter du soleil, sur cette terrasse. Tess ignorait encore à cet instant, que d'ici quelques jours à peine, sa vie allait rapidement changer. En effet, son colocataire Nick allait se faire arrêter par les flics, pour une vieille histoire. Il lui fera promettre la plus importante de ses promesses, et surtout, elle allait enfin devoir affronter son passé. Tess n'imaginait pas à cette seconde précisément, que sa vie allait changer radicalement, mais que ce projet là allait lui permettre de garder la tête hors de l'eau. De se recentrer sur des choses véritables, stables, qui vont lui apporter du soutien dans toute cette affaire. Les deux jeunes amies restèrent un long moment à cette table, installée sur la terrasse de la métisse. Le soleil se couchait lentement, sur le jardin de Turner. La fraîcheur s'installa doucement, tandis que la limonade fut aussi rare que de l'eau en plein désert. En début de soirée, les jeunes femmes se quittèrent, Greta devant rentrer sur Brisbane, elle ne voulait pas se retrouver dans les bouchons. Tess la raccompagna jusqu'à sa voiture, insistant sur le fait que ce projet l'emballait réellement et qu'elle se faisait une joie de partager ça avec elle. Après quelques embrassades, les deux amies se dirent au revoir, et Greta prit la route pour chez elle. Lorsque Tess rentra de nouveau chez elle, elle ne perdit pas de temps à aller lire sérieusement ce que Greta lui avait envoyé un peu plus tôt, se mettant déjà tranquillement au travail.

FIN