Le sms de ma sœur est arrivé un peu comme un cheveux sur la soupe. Sans réellement savoir pourquoi, j'ai senti que ce message n'était pas anodin et que j'étais obligé d'être là, à cette réunion familiale. Sauf que ça tombe assez mal. Arthur est malade depuis quelques jours, rien de grave, un simple rhume qui s'est un peu aggravé cette nuit, la fièvre étant montée assez rapidement. J'ai été obligé de calmer les deux, mon fils et mon fiancé, qui était sur le point de sauter dans la voiture et ramener le petit à l'hôpital. J'ai, certes, décidé, de ne pas intervenir à contre courant dans l'éducation d'Arthur, mais là je n'ai pas pu m'en empêcher. Le petit n'est pas assez malade pour aller s'embêter aux urgences. J'ai été obligé de promettre à Myrddin que si ça ne va pas mieux j'irais le conduire moi-même le lendemain. Et qui c'est qui a bien meilleure mine ce matin ? Arthur, bien sûr. Je suis quand même resté à la maison. Toutefois, n'ayant dormi qu'une petite partie de la nuit, j'ai décidé de faire la sieste en même temps qu'Arthur et me suis endormi très rapidement avec mon fils sur moi qui est beaucoup plus calme lorsqu'il me prend comme matelas.

C'est ce même petit qui m'a réveillé lorsque ses petits doigts ont réussi a attraper mes cheveux et que ses genoux se sont mit à écraser mon nez. Même si ce n'est pas ce qu'il y a de plus agréable, j'avoue que cette façon d'être réveiller est assez plaisante. Je suis donc rester encore quelques minutes de plus, allongé dans le lit, à jouer avec Arthur, avant de descendre dans la cuisine avec lui. Je l'installe sur le plan de travail pendant que je prépare quelques crêpes pour le goûter et les manges avec lui en attendant son autre père qui ne devrait pas tarder à arriver. Et heureusement que je ne me suis pas tromper car même pas une heure plus tard, la porte s'ouvre sur Myrddin qui semble totalement heureux, serein et carrément soulagé que son fils se porte bien mieux que cette nuit. Je prends encore un café avec lui avant d'aller me préparer.

Sous la douche je me sens tellement déphasé que je suis presque tenté à appelé ma sœur pour annulé ma venue, mais je ne peux pas m'y résoudre. Ma petite voix, ce truc qu'on appelle conscience, ne cesse d'hurler que c'est un truc important, que je m'en voudrais horriblement de ne pas venir et surtout que je risque de rater quelque chose qui va changer énormément. Alors je me donne un coup de pied au cul et m'habille. Un coup d'oeil à mon reflet avant de sortir de la salle de bain, je me dis que je devrais peut-être me raser de nouveau. Wesley trouve que ça me donne l'air d'un SDF mais Myrddin l'adore, ce genre de barbe un peu fournie et pas forcément bien taillée. Du coup, pour l'instant j'ai décidé de la laisser telle quelle, jusqu'à ce que même mes frères et ma sœur ne pourront me voir.

 « Chéri ? J'y vais !» lançais en attrapant mon casque de vélo  «Ne m'attends pas, ok ? Je risque de rentrer assez tardivement » reprenais-je en retournant dans le salon  « Si y a un quelconque souci, je suis joignable, ok ?» me penchant vers lui, je l'embrasse et vais ébouriffer les cheveux d'Arthur qui se met à rigoler joyeusement.

Souriant, amusé, je me détourne, épaule mon sac à dos dans lequel j'ai mit une bouteille de vin, sors de l'appartement, attrape mon vélo, l'enfourche après avoir attacher mon casque et commence à rouler vers le loft de ma sœur. Je gare mon vélo derrière le bâtiment, le sécurise puis me dirige vers la porte où j'annonce ma présence en toquant deux fois rapidement. J'entre alors sans attendre une quelconque réponse et ouvre la bouche pour parler, mais Kate me saute déjà dessus pour me prendre dans ses bras, soufflant que je suis le premier.  «ça t'étonnes pas j'espère, hein » rayais-je, amusé, en la serrant contre moi avant de la relâcher et me reculer d'un demi pas.  « ça fait du bien de t'avoir de te savoir en ville» dis-je avec un large sourire avant d'aller lui ébouriffer les cheveux en passant à côté d'elle  «T'as beaucoup de chose à nous raconter je suppose. Ça a été ta mission ? » demandais-je en me dirigeant vers la partie cuisine où je pose mon sac à dos sur la table basse pour en sortir la bouteille de vin.

Au final je n'ai pas a attendre longtemps avant que la porte ne s'ouvre. En vrai, j'ai à peine le temps de rejoindre la cuisine et ouvrir mon sac à dos que la voix de James ne retentisse derrière nous. Je me redresse et sourit doucement, attendrit de voir mon frère serrer ma sœur très fortement dans ses bras. En temps normal j'aurais sans doute fait une remarque à la con, mais je me retiens et sors simplement la bouteille de vin avant de me diriger vers James pour l'enlacer chaleureusement à mon tour. Il en profite pour me demander comment se porte Arthur et j'hoche doucement la tête  « On a fait la sieste ensemble cet après midi, preuve qu'il n'a pas assez dormi cette nuit mais que du coup il se porte bien mieux. Il respire mieux et ses bronches sont un peu moins encombrées donc c'est très bien» expliquais-je avant de me tourner vers Kate qui semble inquiète quant à la santé de mon fils  «Ouais ouais t'inquiète pas » répondais-je  «Une bronchite, rien de bien grave. Juste un peu dérangeants. Il a fait une poussé de fièvre cette nuit, mais tout est rentré dans l'ordre » précisais-je en me dirigeant vers un des tabourets pour m'y installer.

J'attrape avec plaisir la bouteille que me tend ma sœur et l'ouvre, tandis qu'elle même s'installe et demande à James comment se portent Liviana et Mathis. Évidemment, elle retourne la même question à mon intention et j'hausse les épaules en jouant un peu avec ma bouteille  «Yep, il va bien. Un peu stressé pour le mariage. En vrai je crois que c'est mon stress qui commence à avoir des conséquences sur lui » répondais-je en rigolant doucement avant d'hausser les épaules, prenant une gorgé de ma bière.  «Mais il va très bien, oui » concluais-je, alors que mon éternel sourire amoureux s'affiche sur mon visage, comme à chaque fois que je parles de mon fiancé.

Je ne sors de mes pensées que lorsque le prénom de notre père tombe. Et, tandis que mon cœur accélère ses battements, une question me traverse l'esprit : pourquoi elle appelle notre père « David » et non « papa » … ? Je fronce un instant les sourcils puis réaffiche mon sourire lorsque Kate me dit de ne pas m'inquiéter, qu'elle ne l'a pas invité.  « Tant mieux» répondais-je d'un ton détaché en portant ma bouteille à ma bouche  « De toute manière il aurait fait demi tour avant même d'être entré dans ton appartement. Son radar à homosexuels se serait mis en route bien avant de me voir donc ...» j'hausse les épaules et reprends une gorgé de ma bière avant de me redresser en entendant la porte de la maison et des pas nonchalant dans le couloir  « Ah … ça doit être Sam ça...» pariais-je, reconnaissant assez facilement le bruit des pas de mes frères et ma sœur. A moins que ce ne soit qu'une carabistouille et qu'Ezra ait décidé de copier à la perfection les bruits de pas de son frère

Il ne faut pas plus que quelques mots de la part de Kate pour que James et moi-même dégainons nos portables remplis de photos de nos enfants et, chacun notre tour, montrons l'évolution de nos petits à notre sœur. J'en profite pour avoir des nouvelles de Mathis et ça me fait bien plaisir. Je me dis qu'il faudrait que je devrais kidnapper le petit un jour pour passer l'après midi avec lui. Mais pour l'instant on en est pas là. Je fini par ranger mon portable au moment où Sam arrive en traînant des pieds et soupirant. Je vais rapidement le saluer puis lui sort une bière.

Et au moment où je décapsule la bouteille, Kate s'approche de moi et, tirant les poils de ma barbe, demande si j'ai perdu un paris avec mes frères. Fronçant les sourcils, je tape sur la main de ma sœur et la fusille du regard avant de rouler des yeux lorsqu'elle s'en va se cacher derrière James.  « Le double de mon âge … non mais tu t'entends parler parfois ?» demandais-je, souriant amusé.  «Et puis j'aime bien ce style, et Myrddin aussi. Et non, tu rêves si tu crois que je vais me raser pour le mariage !  » ajoutais-je précipitamment  «Clara aussi, elle ne cesse de me dire qu'elle aime ma barbe. Je n'ai pas envie de faire de la peine à ma fille chérie » ajoutais-je en m'approchant de ma sœur  « Vas-y, touche, tu verras qu'elle est extrêmement douce !» la menaçais-je faussement en me penchant vers elle.

Je fini par me redresser lorsqu'Ezra débarque dans la pièce. Une fois tout le monde réuni, nous trinquons au retour de notre sœur et notre réunion broregard, avant d'aller nous installer dans le salon. Je m'installe sur un fauteuil en face de ma sœur et commence à discuter tranquillement avec Ezra, oubliant presque qu'en vrai c'est Kate qui nous a réuni parce qu'elle avait un truc à nous avouer. Mais c'est sans compter sur Sam qui fini par revenir sur le sujet initial et je vois bien, au blêmissement de ma sœur, que le sujet n'est pas évident pour elle. Tous les regards rivés sur elle n'aide sans doute pas à l'aveu, mais elle se lance finalement.

Et ce qu'elle dit est choquant. Mais du genre vraiment. Elle a fait, comme tout le monde ici, des test pour Noah, mais, les résultats n'étant pas ce qu'elle espérait, elle a fait un test de paternité. Et même si elle ne dit rien de plus, la larme qui coule sur son visage décomposé, en dit long sur la suite de ses aveux. Au ralenti, je me penche en avant et dépose ma bière sur la table basse.  « Tu ...tu veux dire que ...» commençais-je avant de reprendre mes esprits  « Attend ! Comment c'est possible ?» demandais-je, lançant un coup d’œil vers mes frères  « Depuis quand tu le sais ? » reprenais-je, essayant de faire en sorte que mes paroles ne montrent aucune animositée ou reproche.

Demi-sœur. Ces mots résonnent comme un écho dans les oreilles de Thomas. C’est impossible que Kate ne soit que notre demi-sœur. Sara était une femme intègre, parfaite sous tous les points. Jamais, oh non jamais, elle n’aurait osé tromper David. Elle avait beaucoup trop de respect pour cet homme pour faire quoique ce soit de ce genre. Et pourtant … les faits sont là. D’après Kate, les preuves sont irréfutables. Mais à mes oreilles, les mots demi-sœur sonnent faux. Et pas seulement aux miens à en juger la réaction de James et Ezra. Ce dernier met bien plus de temps que nous autres à comprendre et c’est James qui est obligé d’être un peu plus direct dans sa déclaration afin que le plus jeune puisse savoir de quoi il retourne. James est dans le déni le plus total et je ne peux que trop bien le comprendre.

Retrouvant sa place dans le fauteuil, Kate ajoute quelques explications. Entre autre le fait qu’elle soit au courant depuis décembre. Ecarquillant les yeux sous la surprise, je trouve ses excuses –d’avoir gardé le secret pendant 5 mois- tout à fait idiotes. Cela  dit, il est vrai qu’elle est partie en mission assez rapidement après les fêtes, ce qui explique donc aussi ses silences un peu prolongé durant ces derniers mois. Alors que lorsqu’elle partait avant il ne passait pas deux ou trois jours, grand max, sans nouvelle de sa part, là il y avait régulièrement plusieurs semaines avant d’entendre à nouveau sa voix. Elle fini par se lever avec l’excuse d’avoir besoin d’un truc un peu plus fort –j’avoue que pour le coup je ne serais pas contre un whisky tant qu’à faire …- avant de se tourner vers nous pour nous annoncer que notre père est au courant et qu’il l’a très mauvaise d’avoir élever la fille d’un autre.

Mon regard s’assombrit brusquement alors que mes poings se forment et que mes sourcils se froncent. Le. Sale. Connard. Je me lève lentement tandis que Kate continue, disant qu’elle nous aime mais qu’elle comprendrait qu’on ait besoin de temps. Du temps pour quoi ? Pour savoir si on continue de l’accepter dans la famille ou si on la renie aussi ? Je sers les dents lorsque j’apprends que David ne veut plus rien entendre de celle qu’il a pensé être sa fille et m’avance vers elle. Mais c’est la dernière phrase qu’elle prononce qui me fait réellement réagir.

« ferme-là» lançais-je brusquement, sèchement, comme un ordre « si c’est pour dire des conneries comme ‘ce nom ne t’appartiens pas’ vaut mieux que tu taises, Kate » dis-je avec une douceur qui contraste fortement avec le ton utilisé juste avant « t’as partagé 30 ans de notre vie, c’est pas maintenant qu’on va te demander d’abandonner ce nom» reprenais-je en m’approchant d’elle « Et puis, de toute manière ce n’est pas un nom qui fait une famille» je pose une main sur l’épaule de ma sœur «je pense pouvoir parler au nom d’Ezra, James et Sam en disant que ça ne change absolument rien du tout à nos yeux » dis-je en lançant un coup d’œil vers mes frères «Je …»

Je me tais lorsqu’en me tournant vers ma sœur je vois son expression qui me crève le cœur. La voir là, devant moi, tellement démunie, tellement triste et ne sachant quoi faire, ça ne me laisse absolument pas indifférent. «Oh Kate… » soufflais-je alors que je viens l’enlacer avec mes deux bras pour l’attirer contre moi. Tout à coup, je retrouve en elle la petite sœur que j’ai longtemps protégé et non la soldate au courage et au sang froid qui ferait pâlir plus d’un de mes collègues pourtant dur à cuir. En vrai, j’ai un peu trop tendance à oublier que sous ces muscles se trouve en vrai le cœur d’une jeune femme sensible qui a grandit avec une figure maternelle…qui n’est en vrai qu’un pur mensonge. «Tu es et tu resteras notre sœur. Peu importe ce que pense David » concluais-je en secouant la tête. Rien que prononcer le nom de cet homme qui me déçoit une deuxième fois en si peu de temps, m’énerve. Et ça se sent sans doute autant dans mon étreinte qui se fait un peu plus étouffante que dans mon ton tranchant.