Il y avait un seul frère qui a manqué à l’appel lors de notre sorti au stade : Samuel. Le premier à naître après moi. Et peut-être celui avec qui je m’entends le moins bien. Je l’aime, certes, il est mon frère et le restera aussi, mais j’ai toujours sentie cette jalousie qui émanait de lui lorsqu’on était ensemble. Sans doute est-ce parce que papa était du genre à d’avantage me soutenir moi ? Je n’en sais rien. De toute manière, c’est du passé. Je pense –ou du moins je l’espère – que la jalousie qu’il ressent n’est plus aussi forte qu’avant. Enfin, nous avons tous les deux grandis et sommes maintenant adultes qui savent mettre leur rancœur, jalousie et fierté de côté le temps de passer une sympathique soirée.
Et c’est bien ce que je compte faire aujourd’hui. Sam n’ayant pas put se libérer pour voir le match avec nous autre, je lui ais promis que je trouverais un moyen pour qu’on se voit. Et j’y suis parvenu. Nous avons convenu de nous retrouver dans un irish pub au centre ville. Je m’y rends avec ma propre voiture étant donné que je devais encore faire quelque chose et que passer chercher mon frère m’aurait fait faire un détour. Enfin c’est tant mieux, comme ça aucun de nous ne peut se bourrer la gueule et on pourra avoir une bonne discussion comme il se doit.
Je me gare sur un parking non loin puis m’extirpe de ma voiture. Je la ferme à clef, vérifie que j’ai bien mon porte feuille et mon portable, puis traverse le parking et me dirige vers le « guiness » notre bar fétiche à Samuel et moi. Je m’arrête un peu plus loin à côté de la porte d’entrée et attend donc la venue de mon frère. Le connaissant, il aura sans doute un peu de retard.
C’était les doses de travail sous lesquelles il étaient enseveli qui empêchaient Samuel de sortir comme il le désirait quand il le désirait, toujours plus de papiers s’amassaient sur son bureau et il avait des délais à respecter impérativement qui, eux, ne souffriraient d’aucune excuse pour expliquer leur retard. C’est pourquoi lorsque son aîné, le seul, Thomas, lui avait proposé de le rejoindre lui et ses deux autres frères pour aller boire un verre (ou plutôt plusieurs) en ville tout en regardant le match (allez savoir quoi est un prétexte pour quoi) il s’était vu contraint de décliner l’offre et était resté à son bureau jusqu’à assez tard le soir pour finir son travail en retard. Ou plutôt en rab, il ne savait plus trop. Etait-ce lui qui se faisait plus lent ou sa quantité de travail à faire qui ne cessait de grimper en flèche jour par jour, augmentant chaque fois un peu plus sa pile de dossiers déjà assez haute comme ça ? Physiquement, c’était tout simplement intenable comme rythme et il s’épuisait à la tâche. Pour un travail qu’il n’aimait même pas spécialement en prime.
Il soupira, tout en exerçant une poussée soudaine sur le bureau devant lui afin de dégager rapidement sa chaise à roulette de son espace de travail. Une fois encore il était le dernier dans les bureaux, et encore il les quittait bien plus tôt qu’il n’en avait pris l’habitude ces derniers temps. Cette fois malheureusement il ne pouvait s’y éterniser car Thomas, afin de rattraper le fait qu’ils n’aient pas pu se voir la veille, lui avait proposé qu’ils se retrouvent dans l’un des pubs irlandais où ils avaient eu l’habitude d’aller. Et au final, il était incapable de savoir s’il était content de revoir son frère après tout ce temps qu’il avait passé au large ou non. En réalité s’il avait décliné l’invitation de la veille ce n’était pas uniquement à cause de son travail, mais également parce que depuis quelques temps il ne se sentait plus trop à l’aise en société, ses pensées avaient tendance à trop divaguer -du moins, plus qu’elles ne l’avaient jamais fait- et cela le rendait encore plus anxieux socialement qu’il avait pu l’être lors de périodes où il allait particulièrement mal. Envers sa femme et sa famille surtout... C’était pour cela qu’il rentrait si tard le soir, parce qu’il préférait s’assurer que Liv était déjà endormie avant qu’il n’arrive chez lui et jusque-là avait réussi à passer entre les mailles des réunions familiales. C’était sans compter sur Thomas.
Thomas... Ha, décidément ses sentiments à son égard étaient très mitigés. Le grand-frère duquel il n’avait jamais réussi à s’extirper de son ombre, celui qui depuis tout petit ravissait son père au moindre de ses pas. Eut-il été de travers qu’il l’aurait tout de même félicité. Samuel avait toujours été jaloux de lui pour cela, pour cette reconnaissance qu’il lisait dans les yeux de son paternel à chaque fois qu’il posait son regard sur son frère, et de cette absence de tout lorsqu’il le regardait, lui, le raté de la famille...
Finalement il se gara à quelques pâtés de maisons du pub et, à peine mit-il un pied sur le trottoir qu’il s’alluma une cigarette. Ce ne serait que la énième de la journée après tout. D’une allure assez calme et tranquille, presque lente, il commença à se diriger vers le lieu de rendez-vous. Il n’avait pas besoin de regarder sa montre, il savait d’office qu’il était en retard, comme souvent d’ailleurs. Les désavantages de la distraction. Et d’avoir la tête bouillonnante de questions, de problèmes et de... De choses dont il préférait même ne pas penser. Comme à la nouvelle raison de ses exercices à la salle de musculation encore plus réguliers... Non, vraiment, il valait mieux oublier totalement ce sujet.
Finalement il aperçut Thomas, le fier Thomas, qui se tenait devant la porte d’entrée visiblement à l’attendre. Une fois près de lui il jeta son mégot sur la chaussée puis se plaça face à lui, un léger sourire étirant un coin de ses lèvres. Après tout, si ses sentiments étaient mitigés envers son frère il restait tout de même content de le revoir. Il le salua, de son salut toujours aussi simple, toujours aussi sobre. Toujours la même manière de ne pas trop savoir comment s’exprimer avec les gens, fussent-ils de sa famille.
« Thomas. »
Dernière édition par Samuel Beauregard le Ven 26 Juin 2015 - 21:01, édité 2 fois
Debout devant le pub irlandais choisi par mes soins et accepté par ceux de mon frère, j'attends ce dernier. Je le connais, il va arriver en retard. Il est toujours en retard. Peu importe l'importance du moment, il trouvera toujours un moyen de ne pas arriver à l'heure. Et le pire dans tout ça? Il aura toujours une bonne excuse. Enfin bonne … tout est relatif, bien évidement. Mais je ne ferais aucun commentaire sur sa ponctualité. Ça fait plus de 4 mois qu'on ne s'est plus vu, il n'a pas put venir à la soirée que j'ai faite avec Ezra et James, donc je ne vais pas me plaindre. Aujourd'hui, nous ne prendrons pas la tête. C'est décidé. Peu importe ce qui arrivera, nous boirrons plutôt plus au lieu de commencer un débas costaud sur un thème aussi futil qu'inutil. C'est ça notre spécialité: se prendre la tête sur des choses totalement invraisemblable. Enfin.
Au final, il est assez rapide à arriver, ce qui m'étonne clairement. Lorsque je le vois s'avancer vers moi, je range mon portable et me redresse, me poussant du mur. Il s'arrête devant moi, le toise du regard puis prononce simplement mon prénom en guise de bonjour. J'arque un sourcil. Je connais son malaise , je sais qu'il n'est pas totalement à l'aise avec les gens, mais mon dieu, je suis son frère quand même! Je roule des yeux et soupire théàtralement « Cache ta joie de me voir, frérot!» m'exclamais-je avant de le prendre dans mes bras, le serrant furtivement contre moi en une accolade fraternelle. En le relâchant je lui offre un large sourire « ça va? T'es près? Ça va être cool, y a de la musique live aujourd'hui. Apparement, le groupe vient vraiment d'irlande » je me dirige vers l'entrée et hausse les épaules en levant les mains, innocent « Enfin, je dis ça, je dis rien, hein. Après, il peuvent très bien avoir simplement des origine irlandaise mais … on s'en fout à la limite, hein»
J'entre dans le bar et tien la porte à mon frère avant d'indiquer une table un peu plus loin dans la salle. Je dis Samuel de s'y installer avant d'aller directement au comptoire. Là je commande deux Guiness, les payes directement puis vais rejoindre mon frère. « Eh voilà, foncée, comme tu les aimes » souriais-je en déposant la pinte sur la table devant Samuel. Je m'assois ensuite, enlève ma veste et remonte les manches de ma chemise et, sourire éternel sur les lèvres, je regarde mon frère. Longuement, silencieux, avant de lever mon verre « à la notre!» disais-je joyeusement, espérant le contaminé un peu avec ma bonne humeur.
Il était vrai que faire le premier pas dans une discussion n'était très clairement pas son truc. La plupart du temps, soit il disait une connerie plus grosse que lui et alors il parvenait à accomplir l'exploit de créer un froid à un conversation qui n'était même pas encore vraiment commencée soit, comme là, son malaise plus qu'évident alors qu'il n'y avait aucune raison qu'il y en ait dérangeait son interlocuteur. Heureusement pour lui Thomas était habitué à son comportement distant et ne lui en tenait plus trop rigueur (du moins lui semblait-il que c'était le cas), mais cela ne l'empêchait pas de se sentir lui-même mal de ne pas savoir comment se conduire... cercle vicieux quand tu nous tiens. Mais heureusement la bonne humeur de son frère se transmettait vite, et même s'il ne lui répondit pas, il lui rendit son étreinte. Après tout malgré tout ce qui avait bien pu se passer entre Thomas et lui et les quelques rancoeurs qu'il pouvait avoir à son égard, il restait son frère et après plusieurs mois sans le revoir il était content qu'ils aient pu se retrouver ce soir.
"Toi et ta passion pour les pays du nord !" Lui répondit-il en riant après qu'il ait déblatéré sur les prétendues origines du groupe. Pour preuve ultime de son amour du nord, il avait même ramené une scandinave pour femme après l'un de ses nombreux voyages...
Samuel le suivit ensuite jusque dans le pub, amusé par ce que son aîné lui racontait. Effectivement, le lieu était déjà bien animé en ce début de soirée par un groupe aux sonorités très folkloriques et celtiques à la fois qui comptait déjà parmi les soiffards du bar un public bien éméché -autrement dit, bien dans l'ambiance d'un groupe pareil.
"Vu leur accent, je pense que la théorie de l'Irlande se tient plutôt bien ouais !"
Cria-t-il à moitié afin de recouvrir les bruits alentours de sa voix pour que son frère ait une chance de l'entendre tandis qu'ils se dirigeaient vers le bar. De là, Samuel bifurqua pour rejoindre la table disponible où il lui avait dit de l'attendre. Et une jolie pinte de Guinness vint le rejoindre peu de temps après, ce pour quoi il remercia son aîné agrémenté d'un de ses habituels légers sourires.
« A la notre ! »
Le visage impassible il fixa son frère quelques secondes, visiblement hésitant sur quoi faire jusqu'à ce qu'un sourire de plus en plus large ne vienne étirer son visage tandis qu'il levait son verre à son tour. Il était moins expansif, un peu moins jovial derrière son sourire également, cependant il ne lâchait pas son frère du regard.
"A la notre."
Finalement il déglutit quelques gorgées bien méritées de sa bière, lâchant un petit son de satisfaction tout en la reposant sur la table en bois.
"Alors raconte-moi, qu'est-ce que t'es devenu ces derniers mois ?"
Lorsque j'explique la programmation muscicale du bar à mon frère, je m'emmêle un peu les pinceaux. Est-ce parce que je ne me sens pas à 100% à l'aise avec Samuel? Surement. En fait, avec lui je crois que je suis le moins … naturel. Avec Ezra et James je me lâche bien plus lorsque je parle. Souvent je ne réfléchis pas lors de mes paroles car je sais que mes frères ne le prendront pas mal. Avec Samuel, pourtant, c'est autre chose. Il est autrement plus sensible que James et Ezra et c'est avec lui que j'ai eu le plus de différence lors de notre enfance. Mais peu importe. Avec l'âge nous avons apprit à nous supporter et nous pouvons maintennat sans problème passer plusieurs heures ensemble lors d'une soirée comme celle-ci, par exemple.
Ainsi donc, quand mon frère arrive, je le prend furtivement dans mes bras puis lui fait signe de me suivre. Il entre derrière moi en soulignant ma passion pour les pays du nord. Je rigole doucement. «Avec une femme Norvégienne on est obligé d'aimer le nord, tu sais » je me tourne vers lui avec un large sourire « Non mais ouais, t'as raison, j'ai toujours aimé le nord. Et pourtant je ne me verrais tellement pas y habité. Trop froid. On est bien en Australie je trouve»
Mon frère va ensuite s'installer à une table et je l'y rejoint avec deux pintes de Guiness. Ça, c'est un truc entre nous. Je crois qu'aucun autre de mes frère n'aime autant cette bière là comme nous. Bon après, je ne leur ait jamais réellement demander leur marque de bière préférée. Bref. Nous trinquons à la nôtre. Je prends une longue gorgé de ma boisson et repose la pinte sur la table avec un soupire de bien être. Lorsque mon frère reprend la parole, je me tourne vers lui et l'écoute. Il souhaite savoir ce que je suis devenu ces derniers mois.
« Malade » haussais-je les épaules avec un sourire « Je crois qu'en ces 4 mois me suis taper autant de grosses et brutales tempêtes que de toute ma carrière » je secoue doucement la tête «La pire était celle qu'on s'est prit dans la gueule à 4 jours avant d'accoster à Sydney. Y a tout le monde, vraiment tout le monde sans exception, même le capitain, qui était malade. Moi aussi, alors que je n'ai jamais été malade. Du moins, pas comme ça en tout cas. » je souris doucement « J'me suis même casser la gueule dans les escaliers, si tu veux savoir » j'hausse les épaules puis reprends une gorgé «Mais sinon, c'était pas mal. On était 2 mois à Buenos Aires et 2 mois sur l'île Maurice. C'était magnifique » je joue un peu avec ma pinte entre mes mains « J'me suis tenté au Tanguo. Tu t'imagines?» continuais-je en rigolant « Autant te dire que ce fut un sacré carnage » je secoue doucement la tête, amusé. Au moins, avec mes collègues on aura bien rigolé ce jour là.
Malade. Malade ! Le fier Amiral Beauregard de la US Navy avait été malade lors d'un trajet en mer ? Qu'importait ses explications, son cadet partit presque immédiatement dans un fou rire pour le moins inhabituel de sa part. Ce n'était pas réellement à cause de mauvais sentiments -malgré tout ce qui pouvait séparer les deux hommes- mais simplement par moquerie fraternelle... Pourquoi se priver de se moquer ou d'embêter son grand frère lorsqu'on peut se le permettre, hein ? Surtout que là il lui servait sur un véritable plateau d'argent !
"Ca frangin, 'faut croire que c'est que tu commences à te faire vieux..." commença-t-il, un sourire très franchement joueur aux lèvres, une fois que Thomas lui eut fait le compte-rendu de ses mésaventures. "Fais gaffe hein, si tu continues de te casser la gueule comme ça de partout tu risques de finir sur un fauteil roulant plus tôt que prévu, et pour naviguer ça risque de te poser de sérieux problèmes..."
Portant sa pintes à ses lèvres, elle lui permit -outre de se désaltérer- de cacher son air amusé qui ne cessait de grandir à mesure qu'il retournait contre son frère ce qu'il venait de lui raconter. C'était une habitude (bonne ou mauvaise, tout dépend des jours) qu'il avait pris en grandissant et qui avait souvent été l'élément déclencheur de bon nombre de ses disputes avec son aîné, comme la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Pas qu'il cherchât à être véritablement blessant dans ces moments-là mais si la plupart du temps son ton restait simplement taquin il pouvait être un peu plus acerbe que d'ordinaire. Pourquoi il avait pris cette habitude en revanche... Sûrement était-ce en grande partie dû à la tension qu'il y avait presque toujours eu entre eux deux, eux les aînés de la fratrie Beauregard, et de cette espèce de jalousie qu'il avait longtemps développée à l'égard de Thomas... alors sûrement était-ce une certaine manière de compenser cela. A la façon d'un vilain petit canard.
« J'me suis tenté au Tanguo. Tu t'imagines ? Autant te dire que ce fut un sacré carnage. »
Samuel haussa un sourcil étonné à cette "révélation", l'air quelque peu dubitatif. L'image de son frère en train de danser un tango langoureux avec un autre marin lui vint brièvement à l'esprit et il préféra l'en chasser presque aussitôt avant qu'elle ne dégénère -quoi qu'amusé par cette idée.
"Ca, je veux bien te croire sur parole ouais." Il rit légèrement tandis que l'image de son frère et du marin lui revint en mémoire, puis reprit quelques gorgée de sa bière. "Et je suis bien curieux de savoir quelle folie t'a pris pour accepter de faire ça ? Fais attention, si tu dis ça à Ida elle risque de penser qu'on t'a échangé en cours de route... Ah, mais c'est peut-être ça ? Tu t'es fait piquer par une bête locale ? La tangorite peut-être, la bêbête qui donne la fièvre du samedi soir... version danse de salon ?"
Et puis il rebut du liquide foncé que contenait sa pinte. Même lui trouvait ce qu'il venait de dire à la limite du ridicule, alors autant arrêter les frais ici.
Je n'aurais peut-être pas dû dire ça, non? J'aurais put omettre cette partie et ne pas préciser que j'ai été malade sur le bateau. Lorsque j'entends mon frère éclater de rire je soupire doucement. Il se fout de ma gueule ouvertement ce con. J'aurais pu m'en douter qu'on en arriverait là, sérieux. Mais je me contente de rouler des yeux et sourire, amusé lorsqu'il reprend la parole pour se moquer. Le début est marrant, le reste bien moins. J'arque un sourcil lorsqu'il parle de fauteuil roulant et soupire en prenant une gorgé de ma bière.
«parle pas de malheur, sérieux » soufflais-je en secouant la tête «Tu veux même pas imaginé à quel point je pourrais être excécrable si je me retrouvait en fauteuil roulant. Rappelle-toi quand j'avais 15 ans et quand je me suis faites cette entorse à la cheville. J'étais juste imbuvable. Encore pire que d'habitude. »
Pourtany, je n'avais pas mal. Je n'avais juste pas le droit d'appuyer sur le pied pendant 3 semaines. Ce n'est pas grand chose certes, mais ça a été assez pour réussir à me mettre mes frères à dos pendant plusieurs semaines. Je n'ose donc pas imaginer ce que ce serait si je me retrouve en fauteuil roulant du jour au lendemain. Le pire dans tout ça ne sera peut-être pas le fait que je ne puisse plus excercé mon travail, mais plutôt le fait que je ne puisse plus excercer correctement e rôle de mari ou de père de famille. Ce serait totalement horrible. Enfin, pour l'instant je suis bien vivant et surtout stable sur me deux pieds. Et ça ne va pas changer de si tôt.
Dans ma folie, je continue ensuite en disant que je me suis essayer au tango. Evidément, Samuel ne perd pas de temps pour me dire qu'il veut bien me croire que j'ai été totalement nul. Il continue ensuite dans sa lancée de connerie en disant qu'on m'a surement échangé pendant mon absence ou que je me suis fait piqué par la tangorite, une fameuse bestiole d'Argentine. Je le regarde quelques instants puis secoue la tête et roule des yeux
« T'es totalement con quand tu le veux, tu sais » souriais-je en reprenant une gorgé de ma bière « Mais non, c'était un pari qu'on a eu entre collègue. J'ai perdu et donc voilà, j'ai dus danser le tango avec une p'tite grand mère de Buenos Aires » je dévie le regard, mal à l'aise «elle était top cette mami, elle gérait à fond et moi ben … bref, on s'en fout » je prends une longue gorgé de ma bière « Et toi alors? Parle moi un peu de toi. T'as fais quoi pendant ces 4 mois là?»
Pris d'un éclat de rire, Samuel préféré reposer sur la table en bois vieilli son verre qu'il venait de porter à ses lèvres afin de ne pas risquer d'en perdre la moindre goutte dans un geste trop brusque. Oh oui, il se souvenait très bien de cette période et dieu qu'il avait pu haïr plus que jamais son frère pendant sa convalescence. Même s'il en riait avec le recul, ces trois semaines de repos forcé avaient été un véritable calvaire à supporter pour son cadet qui avait bien failli -lui pourtant si calme- lui mettre son poing dans la gueule à plusieurs reprises.
"Oh que oui, je m'en souviens bien t'as été plus chiant à supporter pendant cette trois semaines que tout le reste de l'année assemblée... c'est dire !" Il prit une mine songeuse pendant quelques instants, semblant méditer sur ce que venait du lui dire Thomas. "En fait je crois que je préfèrerais m'exiler à des kilomètres de là où tu te trouveras si un jour ça arrive. Peut-être que je t'enverrai une carte ou deux par an, pour le principe. Mais c'est tout. Ou alors c'est toi que j'enverrai loin... je t'imagine bien coincé sur ton fauteuil, enfermé dans un grand carton et livré par colis express à une adresse totalement prise au hasard. T'en penses quoi, l'idée te plait ?"
Pour peu, il lui aurait tiré la langue. Mais il se contenta de reprendre quelques gorgées de sa pinte qui cacha brièvement son sourire, ne cessant pas pour autant de fixer son frère du regard. Il savait qu'il jouait avec le feu en le provoquant de la sorte, après tout ses rapports avec lui avaient toujours été pour le moins... compliqués, mais il y trouvait tout de même une certaine forme d'amusement. Pas forcément toujours juste pour Thomas mais, après tout, n'est-ce pas le rôle du petit frère que d'embêter son aîné ? Surtout qu'avec ce qu'il lui racontait, c'était presque tendre le bâton pour se faire battre.
« T'es totalement con quand tu le veux, tu sais »
Il ne répondit pas mais se contenta de lever son verre en la direction du marin, presque fier. Mais il ne put empêcher son sourire de s'agrandir au fur et à mesure de ce que lui racontait Thomas. Oui, la clause du pari était la plus évidente mais il gardait toujours en tête cette image de lui et d'un de ses collègues dansant ensemble... c'était bien plus drôle. Même si l'idée de la mamie largement plus petite et frêle que lui passant son temps à l'engueuler parce que c'était un partenaire minable face à un Thomas tout confus avait de quoi faire rire aussi.
"J'vois que t'as pas perdu ton temps là-bas... Même marié tu n'as rien perdu de ton pouvoir de séduction, tu m'impressionnes frangin."
Si jusque-là il avait été presque de bonne humeur et plein d'entrain pour emmerder son frère, le banal retournement de question pour savoir ce que lui était devenu avait quelque peu changé la donne, et avant de lui répondre il observa quelques secondes de réflexion intérieure, jouant avec la traînée humide que laissait la condensation de son verre sur le bois. Au milieu de son quotidien désespérément banal et de la menace constante du divorce qui pesait il y avait bien eu quelques petites choses inhabituelles. Une, surtout... une qu'il ne s'expliquait pas et refusait d'admettre alors en parler à Thomas ? Non, c'était hors de question. Pourtant, et assez ironiquement, bien que ce fut le frère avec lequel ses rapports avaient tendance à être les plus tendus c'était presque toujours à lui que, lors de sa jeunesse puis de son adolescence, il s'était confié lorsqu'il ne pouvait plus supporter de garder pour lui quelque tourment -sûrement était-ce dû au fait qu'il fut son aîné après tout. Avec l'âge cette sorte d'intimité entre eux deux avait été délaissée (surtout par Samuel qui parlait de moins en moins de ses problèmes à mesure qu'il grandissait), mais il en restait tout de même des bribes... parfois. C'était sûrement la raison pour laquelle, de la famille Beauregard, Thomas était celui qui arrivait le mieux à lui tirer les vers du nez lorsqu'il le voulait vraiment. Pourtant Cette question-là, jamais il n'en avait fait ne serait-ce la moindre allusion devant lui (ni devant personne d'ailleurs). Et il ne comptait pas commencer aujourd'hui.
Finalement il haussa les épaules, puis reporta son regard vers son frère avec le même air faussement détaché lorsqu'il devait parler de lui :
"Boh, pas grand chose. Rien d'aussi intéressant qu'un langoureux tango dansé avec une grand-mère en tout cas ! Je suis pas sorti de ma routine pendant ces quatre mois en fait, métro-boulot-dodo. Sauf que ce serait plus voiture que métro pour moi... Toujours autant de paperasse à remplir pour la banque, et à côté je continue d'aller à la salle de sport me détendre un peu quand j'en ai l'occasion. La routine quoi !"
La relation que j'entretien avec Samuel est toute particulière. D'un côté, nous sommes ceux qui se prennent le plus souvent la tête dans cette famille. Nos différents sont souvent très corsé, nos échangent de paroles aussi. A vrai dire, nous n'avons pas grand chose en commun. Voire carrément rien du tout. Mais, parce qu'il y a un mais, je suis celui vers qui Samuel se tourne lorsqu'il doit se confier à quelqu'un. Alors qu'il pourrait très bien aussi aller vers James ou Ezra avec qui il s'entends bien mieux que moi, il me choisi toujours moi s'il a un problème ou s'il a besoin de conseil. Peut-être est-ce parce que je suis l'ainé de la famille? Que j'ai donc plus de vécu et donc plus d'expérience? Je n'en sais trop rien. Tout ce que je sais c'est que ça me fait plaisir qu'il me choisisse moi et pas un autre de mes frères. Mais peu importe.
Pour l'instant nous en somme a nous remémorer des situations du passé. C'est Samuel qui a commencé en disant que si je continuais de tomber dans les escaliers -alors que ça ne m'est arrivé qu'une seule fois et c'était à cause du navire ...- je me retrouverais bien rapidement en fauteuil roulant. Je surenchéris que je serais totalement imbuvable à ce moment là car même les 3 semaines en béquille suite à une entorse à le cheville gauche était insupportable. Autant pour moi qui suis plus du genre actif que passif que pour le reste de ma famille qui s'est récolter pas mal de foudre pendant ces jours. Evidement, Samuel continue, disant qu'il préfèrerait s'exilé au bout du monde si un jour je devais être privé de mes jambes, avant de se reprendre et dire qu'il m'enverrais plutôt moi, dans un gros carton, vers une destination inconnue. Je soupire.
« Avec toi je me retrouverais en Sibérie, je le sens... tu mettras au moins quelques polaires et de plaid avec dans le carton, ok?» répondais-je en prenant une gorgé de ma bière avant de soupirer «Mais ça fait plaisir. Au moins maintenant je sais que je ne serais pas soutenu s'il devait m'arriver un quelconque accident grave ;... » je fais une moue triste et regarde Samuel avec un air sincèrement blessé, avant d'afficher un large sourire « Tant pis, au moins les inoüt me soutiendront, eux ! » je dévis le regard « Ou alors m'utiliserons pour appât pour un ours blanc … au choix»
Je rigole doucement. Dans le fond, je sais que Samuel serait un des premiers à venir me voir à l'hôpital. Je suis sûr que, malgré tout, il sera là pour moi. Lui et les autres. Je sais qu'ils me soutiendront comme ils pourront et que moi je m'en voudrais de ne pas pouvoir leur rendre la pareille. Mais pour l'instant, là n'est pas la question. Je lui parle ensuite du fait que je me suis essayer au Tango en Argentine et que j'ai du danser avec une grand mère. Evidement, Samuel ne peut pas se retenir de faire une remarque du genre que même marié je ne perds rien de mon pouvoir de séduction. Je roule des yeux et hausse les épaules.
«Tant qu'on séduit seulement sans touché ... » je souris, amusé « Non mais plus sérieusement, Ida sait que je suis fidel, je ne viendrais jamais sur l'idée d'aller voir ailleurs. Je n'ai même pas ENVIE d'aller voir ailleurs, si tu veux savoir» Ce qui est totalement vrai. Même si ce ne sont pas occasion qui manque, quand je pars en mer, je n'ai qu'une seule envie: revenir le plus vite possible pour prendre Ida dans mes bras.
Je retourne la question à mon frère, voulant savoir ce qui lui a fait pendant ces 4 mois qu'on ne s'est pas vu. Il me répond, nonchalant, que sa vie n'a rien de particulièrement excitant. Que ses 4 mois se sont résumé à manger, dormir boulot et parfois quelques visite au club de gym pour se détendre. J'hoche la tête, attentif, puis hausse les épaules et prend une gorgé de sa bière « Le métier de banquier n'est pas ce qu'il y a de plus intéressant non plus; Du moins, en ce qui me concerne moi. Je ne pourrais jamais faire un métier qui me force à rester assit là, derrière un bureau toute la journée. Si j'avais fait ce genre de métier là, tu me supporterais encore moins, tu sais » je reprend ma bière en main et la finie d'une traite.
A la remarque de son frère, Samuel lâcha un rire en l’imaginant dans un fauteuil roulant, avec un plaid de papy sur les genoux et tremblant de la tête aux pieds au milieu d’un décor désertique empli de la blancheur de la glace et de la neige, un simple carton assez grand pour l’y contenir brisant la monotonie du paysage. Ah, et pourquoi pas un ours polaire dans le fond aussi, en train de pourchasser des pingouins bien sûr.
« Je pensais pas que tu m’imaginais si cruel ! Non, je suis un gentil petit frère quand même, je viserais plutôt un endroit chaud. Pourquoi pas une forêt tropicale à la limite ? Je t’imagine bien Mowgli des temps modernes confortablement installé dans son fauteuil, à charmer des serpents avec panier en osier fait main et flûte rustique. »
En vrai, l’idée était parfaitement saugrenue. Et puis, imaginer Thomas loin de la mer dont il était tant épris ? C’était deux choses indissociables, l’un allait forcément avec l’autre… et mieux valait ne pas s’essayer à imaginer sa détresse s’il ne pouvait plus mettre les pieds sur un bateau. De toute manière il était en parfaite santé et c’était bien tout ce qui comptait, le reste n’était qu’affabulations et taquineries entre frères. Ceux avec les relations les plus "instables" de la famille certes, et qu’ils soient les aînés de la fratrie y jouait sans doute un grand rôle, mais ainsi allaient les choses. Dans le fond, cette tension qui existait entre eux deux était aussi ce qui les rendait si proches sous certains aspects. Continuant sur le sujet du tango, Thomas lui certifia être fidèle à Ida et ne même pas avoir l’envie de la tromper. Sur ce point, Samuel le croyait sur parole et le savait même avant qu’il ait eu besoin de le lui dire. Il y avait quelque chose de très fort entre son frère et sa femme, quelque chose qu’il n’y avait jamais eu dans son propre mariage et sur lequel il était quelque peu jaloux, ce sentiment-là lui semblant tout bonnement inaccessible. Après avoir repris quelques gorgées de sa bière, Samuel lui répondit en souriant légèrement, laissant pour cette fois de côté son plaisir à embêter son frère :
« Tu n’as pas besoin de te justifier là-dessus tu sais. C’est évident que tu ne tromperas jamais Ida, il suffit de vous voir ensemble pour le savoir. »
Ensuite, Thomas, lui fit part de ses sentiments par rapport au métier de banquier et, sans trop de surprise, c’était une voie qui ne l’intéressait pas le moins du monde et clairement pas faite pour lui. Mais Samuel n’aimait pas non plus son emploi, plus une voie de secours qu’une réelle vocation. Il aimait les chiffres et était à l’aise avec bien sûr, mais pas de cette manière-là. S’occuper de comptes bancaires et aider les gens à investir au mieux n’était clairement pas quelque chose de passionnant à son goût. Tout en commençant de parler il haussa les épaules, jouant avec la bière entre ses mains :
« C’est une habitude à prendre. J’étais parti pour être derrière un bureau de toute manière et ça ne me dérange pas, j’espérais juste que ce soit d’une autre manière. Je trouve pas non plus que c’est le métier le plus passionnant au monde, mais jusque-là j’ai rien trouvé de mieux. Au moins, ça paie le loyer. Et, d’une certaine façon, je m’y suis fait à mon poste à la banque… Et à mes heures interminables aussi. » Ajouta-t-il avec une pointe de sarcasme dans la voix.
Notre discussion prend une tournure qui ne me plait guère. Certes, je sais bien que tout ce que mon frère me dit n'est pas réel et que jamais il ne le ferait. Je suis même persuadé à 100% que plus jamais je n'aurais à me servir de béquilles ou que je serais immobilisé ne serait qu'une semaine. Mais rienq ue le fait de seulement y penser me met mal à l'aise. D'autant plus lorsque Samuel me dit qu'il m'abandonnerais si ça devait arriver. Tout ça est dit sur le ton léger de l'humour je sais, mais dans le fond ça me fait quand même flipper. Gros stressé de la vie que je suis. Enfin, je ne laisse rien paraître et éclate même de rire lorsque Sam m'avoue avoir la bonté d'au moins m'envoyer dans un endroit chaud. La forêt amazonienne, éventuellement.
« Et me privé définitivement de la mer que j'aime tant? » demandais avec une moue triste et suppliante « T'es vraiment ignoble, tu sais» je fini par sourire, amusé et reprends une longue gorgé de ma bière « M'enfin, à choisir, je préfère encore la forêt amazonienne, ça ressemble peut-être un peu plus au climat Australien » j'hausse les épaules et tourne un instant mon regard vers le groupe de musique.
Je bouge un peu ma tête en fonction du rythme de la musique puis reporte mon attention sur Samuel et lui avoue que j'ai dansé un tango à Buenos Aires quand j'y étais affecté pendant mes quatre derniers mois en mer. Il rigole et me dit que même marier je reste charmeur. Je souris et ne peux m'empêcher de me justifier ce qu'il ne comprends pas totalement étant donné que pour lui je n'ai pas besoin de ce faire, car Ida et moi formons un magnifique couple. Je souris, quelque peu touché par ces paroles. Je sais bien qu'Ida et moi sommes un couple qui pourrait en rendre jaloux plus d'un. Nous avons cette complicité que ne passède pas tout le monde et que je compte bien garder et surtout entretenir jusqu'à la fin de ma vie. Je sais bien qu'un grand discous là-dessus serait déplacé de ma part, alors je me contente de sourire en haussant les épaules «Merci » voilà. Le seul mot que je dis à mon frère. Et il est totalement sincère.
Par la suite, je viens à parler du métier de banquier qu'excerce mon frère et lui dit, sans étonnement de sa part, que ce n'est vraiment pas un métier que je pourrais faire moi-même. Il me que c'est simplement une habitude à prendre et que lui, de toute manière était parti pour faire un métier de bureau. J'hoche doucement la tête. C'est vrai que je ne l'imagine aucunement dans un métier d'action. L'armée et tout ça ce n'est pas pour Sam. Lui, ce qu'il a besoin, c'est un métier calme et stable. Pas le genre qui alie action et diversité, et dans lequel on risque bien souvent sa vie.
« Ouais, de toute manière, le loyer c'est le plus important » souriais-je en prenant une gorgé de ma bière « Et des heures interminables t'es pas le seul à en avoir » expliquais-je «Mais ça passe bien mieux quand tu aimes ton métiers » j'hausse les épaules et fini ma bière avant de me reculer contre le dossier de ma chaise «Et sinon, Liv, elle va bien? » voulais-je savoir.
Bien évidemment, au fil de la conversation peu à l'avantage de Thomas qu'ils avaient, ce dernier finit par traiter son frère d'enfoiré. Enfin, plus précisément il lui dit qu'il était ignoble, mais cela revenait à peu près au même au final. De toute manière, ils avaient toujours eu des attentions pas forcément très agréables l'un envers l'autre, sans toutefois se détester réellement. Ils ne se supportaient que de loin, mais étaient incapables d'avoir de mauvais sentiments l'un pour l'autre, ce qui ne pouvait pas être remis que sur leur lien de parenté. Le même sans coulait dans leurs veines, oui, mais ce n'était pas ce sang-là qui les empêchait de se haïr pour de vrai. Sans doute que cette sorte de "compétition" qui les opposait depuis leur plus jeune âge en était à l'origine, quelque chose que les deux aînés de la fratrie n'avaient jamais eu avec leurs cadets. Il se souvenait très bien de toutes ces heures passées ensemble à faire du surf, incapables de se départager pour de vrai puisque tous deux avaient à peu près le même niveau à ce sport, et ç'avait toujours été une très bonne raison pour déchaîner leurs colères et manquer de se battre à mort une fois de retour sur le sable… Samuel eut un léger sourire en se remémorant toutes ces fois où leur professeur avait cru qu'il les tuerait lui-même tellement ils étaient incontrôlables une fois dans cet état… ce qui arrivait presque à chaque cours. Enfin bon. Cette fois, Thomas s'était contenté de lui dire qu'il était vraiment ignoble, et à vrai dire lui-même ne pouvait pas nier ne pas l'avoir cherché tant il jouait avec son frère depuis qu'il l'avait rejoint au pub. Il leva son verre en sa direction, un léger rictus aux lèvres :
« Et merci du compliment ! »
Finit-il par dire en riant légèrement, avant de terminer ce qu'il lui restait de bière d'une traite.
« Tu vois, je suis pas tant un enfoiré que ça. Toi-même tu préfères mon idée à la tienne ! Tu vois Thomas, il faut pas toujours rejeter les idées de tes cadets comme ça, on en a parfois des meilleurs que toi, la preuve. »
Visiblement, il avait décidé de ne pas le lâcher de la soirée, son ton taquin. C'était tout de même étrange cette incapacité qu'il avait à être plus sincère et naturel avec Thomas. Comme s'il était obligé de se comporter de la sorte, sinon… sinon quoi d'ailleurs ? Sinon il risquait de découvrir trop facilement tous les troubles de Samuel ? Il les connaissait déjà. Enfin non, pas tous. Et pas précisément. Mais c'était sans aucun doute le mieux placé de la famille pour savoir à quel point la tête de Samuel était un véritable chantier en constante activité, mais un chantier dans le type « art plus contemporain que le contemporain ». Un joli bordel, autrement dit. Mais pire que tout, un bordel occupé par des hommes et non pas des femmes. Mouais. S'il avait pu tout simplement le débrancher, cela ferait bien longtemps qu'il s'en serait fait un véritable plaisir. Sûrement son mariage s'en porterait-il bien mieux, ainsi que ses relations avec ses proches. Si seulement les choses pouvaient être aussi simples…
En parlant de mariage, son frère venait justement de lui demander comment se portait le sien avec Liv. Pourquoi fallait-il qu'il remette le sujet sur la table à chaque fois ? Avaient-ils si peu de sujets de conversation qu'ils devaient se contenter de se poser toujours les mêmes questions chaque fois qu'ils se voyaient, même si cela faisait plusieurs mois ? De plus, il n'avait vraiment aucune envie d'aborder ce sujet-là, pas alors que plus que jamais son mariage était au bord de la rupture par sa faute. Parce qu'il n'était pas fichu de faire les choses convenablement et de savoir ce qu'il voulait. Son apparence prenant la forme de ses pensées, il eut soudainement un air bien plus distant, et tandis qu'il répondait à Thomas sa voix se fit bien plus froide et sèche :
« Qu'est-ce que ça peut bien te faire, où on en est ? Toujours au même point, comme à chaque fois que tu poses cette question. C'est-à-dire nul part. »
Samuel et moi avons toujours été en compétition. Je ne sais pas si c'est parce que nous somme les deux ainés de la famille mais peu importe ce que nous faisions, nous trouvions toujours un moyen de nous en mettre plein la gueule. Que ce soit en sport -surtout en surf- ou simplement oralement, aucun de nous voulait laisser l'autre prendre la main. Nous sommes des têtes de mûles et aucun de nous veut laisser l'autre gagner. Des mauvais perdant, nous? A peine. Enfin. Pour l'instant nous en sommes au stade 'j'me fou de ta gueule' et ça commence tout doucement à me courire sur le haricot. C'était bien sympas et limite marrant au début, mais Samuel s'évertue à continuer sur sa lancé. Je me tue à faire des références au fait qu'il devrait stopper en changeant de sujet, mais je crois qu'il préfère me voir crever.
Ainsi donc je décide de ne plus lui répondre. Je bois simplement ma bière lorsqu'il me dit que je devrais parfois écouter mes cadets, le remercie rapidement lorsqu'il me complimente sur mon couple. Je lui rend donc assez rapidement la parole, souhaitant savoir comment ça se passe avec Liv. Et apparement, je viens de toucher LE point sensible.
Je sais bien que son couple bat de l'aile, que Liv et lui ne sont plus aussi heureux qu'avant que ça ne va pas fort entre eux. Mais bon, peut-être que depuis le temps ça c'est arranger? C'est justement pour ça que j'en pose la question. Sauf que Samuel ne semble vraiment pas d'humeur à me répondre. Au contraire. Il se braque, devient froid et limite agressif. Il me demande ce que ça peut me foutre comment se porte mon couple avant de préciser qu'ils en sont toujours au même point. Je roule des yeux.
« Eh ça m'étonnes pas hein » disais-je en finissant ma pinte « Tu lui dit aussi que tu l'enverrais en Antarctique si elle venait à avoir un accident? » j'arque un sourcil « J'ai comme l'impression que tu même avec Liv tu ne sais pas tenir une conversation normale. Si tu lui lance autant de pic que ce que tu m'as lancé à moi, ça ne m'étonnes pas que votre couple ne fonctionne plus comme avant et qu'elle en ait marre de toi »
C'aurait presque pu devenir un sport national entre les deux aînés Beauregard : lequel réussirait à faire exploser l'autre en premier ? En un mois, les fois où ils se voyaient étaient déjà assez rares mais celles qui se terminaient sans une engueulade l'étaient bien plus encore -quand le chiffre n'était pas simplement nul… et le pire dans cette histoire était sans aucun doute qu'aucun des deux n'avait la moindre idée de ce qui provoquait une telle rivalité entre eux deux. Enfin non, dire ça ce serait occulter la vérité que Samuel n'était pas capable d'admettre, tout en la connaissant parfaitement au plus profond de lui. Pourquoi ? Parce que Thomas, bien qui l'aimât comme ce frère qu'il l'était, était trop parfait. Cela l'agaçait. Partout il avait réussi ; dans son métier, son couple, ses relations avec sa famille -si l'on excluait Lizzie, mais le marin étant la fierté de leur père il ne pouvait en être autrement que cette rivalité entre eux deux. Et lui, son cadet d'à peine deux ans, s'était retrouvé perdu entre les mailles du filet à ne rien pouvoir faire face à un concurrent pareil. Un métier nullement satisfaisant -et qui, horreur !, n'étais pas en rapport avec l'armée-, une nature trop réservée dès que l'on abordait des sujets personnels… un couple dont il remettait de plus en plus souvent l'union en question, pourtant la seule chose de "bien" qu'il semblait avoir accompli. Même des enfants il n'était pas capable d'en avoir, du moins ne souhaitait pas en avoir pour l'instant, pas tant que son mariage était si instable. Quel serait l'intérêt de procréer si c'était pour que l'enfant ne connaisse jamais l'équilibre familial ? Alors lorsque Thomas lui avait posé l'éternelle question concernant Liv, il n'avait su retenir sa rancœur et son amertume. Pas dans les circonstances actuelles, alors que ses pensées étaient troublées par quelqu'un d'autre. Il avait pourtant fait de son possible pour les occulter et rester fidèle à la seule personne qu'il aurait jamais dû aimer, mais il lui était impossible de retenir pareils sentiments… comme pour rendre la chose encore plus compliquée, il avait fallu que ce soit pour un homme. Presque trente années à refouler une telle perversion et voilà qu'elle revenait au galop, ne lui laissant pas une seconde de répit.
Visiblement, le ton froid et distant de Samuel avait agacé son frère qui ne lui répondit pas d'une manière beaucoup plus agréable, lui balançant un semblant de vérité qu'il se ressassait bien trop souvent pour accepter sans broncher qu'un tiers le lui dise. En fait, pour être plus précis, ils ne parlaient pas, ou alors très peu. Le banquier fuyait la présence de sa femme tant qu'il le pouvait, et face à elle il ne savait plus que dire… parler de son travail, pour dire quoi ? La rengaine était toujours la même, emprisonné à jamais dans une routine infernale. Ou peut-être valait-il mieux qu'il lui ouvre son cœur et annonce à sa femme qu'en vérité il avait toujours été plus attiré par ces messieurs que ces dames et qu'il commençait à peine à appréhender l'idée ? Ha, ça, jamais. Cependant Thomas avait visé juste et là où ça fait mal, aussi remportait-il cette manche. En effet, bien que son cadet ne haussa pas la voix son visage se durcit plus que jamais et il siffla plus qu'autre chose sa réponse :
« Tout le monde ne peut pas avoir un mariage aussi idyllique que le tiens, désolé de te décevoir. Visiblement il n'y a pas assez de nuages pour supporter tous les couples. »
Sur ces mots il se leva tout en sortant un billet de son portefeuille, qu'il posa sur la table.
« La bière est pour moi. Passe une bonne soirée. »
Sur ces mots il tourna les talons puis s'en fut hors du pub, sans même chercher à savoir ce que serait la réaction de son frère. Sans doute resterait-il interdit quelques instants, puis hausserait les épaules, finirait sa bière et s'en retournerait auprès de sa famille.
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