Tu avais toujours été le premier à pousser les adolescents qui restaient chez toi à se lancer dans des activités extrascolaires. Tu considérais que chacun avait une passion ou du moins l’envie d’en apprendre plus sur quelque chose et tu voulais pousser les adolescents dans cette direction car personne ne peut se réaliser seulement à travers des résultats scolaires. Le plus souvent, c’était vers le sport qu’ils finissaient par se tourner et tu ne comptes plus le nombre de fois où tu étais allé encourager un de tes pensionnaires en criant de toutes tes forces dans les tribunes. Ce rôle que tu avais demandé et qu’on t’avait confié, tu ne le prenais pas à la légère, loin de là. Tu hébergeais trois adolescents aujourd’hui et le premier avait déjà trouvé ce dans quoi il désirait se lancer. Ce n’était pas le cas pour les deux autres. Pour Elio, c’était trop tôt pour en discuter, pour l’instant tu devais l’apprivoiser, apprendre à le connaître, l’aider à s’adapter à cette nouvelle vie qu’on lui imposait. Tu sentais qu’il allait être difficile mais tu n’as pas peur du challenge, tu y es habitué. C’est Julia qui est venue te voir quelques jours plus tôt, un prospectus à la main, la tête baissée. Cela faisait quelques mois que Julia habitait chez toi et étant la seule fille, tu savais que ce n’était pas simple tous les jours pour elle mais tu essayais de faire au mieux. « Je … j’ai trouvé ce que je voulais faire. » Tu étais en train de préparer le repas quand elle t’approcha à ce sujet. Lui souriant tu lui dis : « Je t’écoute. » Elle s’assit sur le siège haut en face de toi avant de te dire : « Je faisais de la danse il y a longtemps mais j’ai dû arrêter et … Une fille dans ma classe va dans ce studio et la prof est une ancienne de Broadway. » Tu regardes Julia et après t’être essuyé les mains, tu attrapes le prospectus qu’elle te tend étonné. Qu’est-ce qu’une ancienne de Broadway peut bien pouvoir faire à Brisbane à donner des cours dans un studio de danse de Logan City ? Tu n’en sais rien mais si c’est ce que Julia veut faire, pourquoi pas ? « Si c’est ce que tu veux faire, je leur passerai un coup de fil demain. » Lui dis-tu. Mais la jeune adolescente ne semblait pas encore tout à fait à l’aise. « Je … Les prix, tu devrais regarder les prix avant. » Dit-elle avant de s’éclipser dans sa chambre. L’argent était toujours un sujet difficile avec les adolescents que tu accueillais. Ils n’avaient rien. Certains travaillaient à mi-temps après les cours pour se faire de l’argent mais d’autres ne pouvaient pas ou ne voulaient pas encore. Toi, tu voulais qu’ils n’aient pas à se préoccuper de ça pour l’instant, ils auront assez de problèmes de ce genre dès qu’ils auront passé le cap des dix-huit ans.

Voilà comment tu te retrouvais devant le studio de danse quelques jours plus tard. Tu avais appelé pour savoir si Julia pouvait se joindre au cours et on t’avait orienté avec plaisir vers le cours approprié. Tu étais reconnaissant que le studio ne soit pas très loin de la maison car tu ne pourras pas toujours jouer le chauffeur, tu auras des urgences ailleurs de temps en temps. Une fois à l’intérieur, l’accueil est très chaleureux et on vous indique le chemin à suivre pour arriver dans la bonne salle. Vous êtes en avance, trop peut-être mais tu préférais ça à un retard qui ferait mauvaise impression. La salle est vide alors tu discutes avec Julia et puis la porte s’ouvre et une demoiselle fait son entrée. Dans son monde, elle ne semblait pas vous avoir remarquée. Tu décidais donc de l’interpeler : « Excusez-moi, vous êtes bien mademoiselle Fairchild ? » Lui demandas-tu en t’avançant un petit peu. Ce nom résonnait étrangement à tes oreilles mais tu ne savais pas pourquoi il te disait quelque chose. Tu décidais d’oublier ce détail. Quand elle eut répondu à l’affirmative, tu lui dis : « Je vous emmène une nouvelle élève, Julia. Elle a insisté pour suivre votre cours. » Lui dis-tu en montrant Julia qui essayait de se faire toute petite pour l’occasion. Alors que la jeune femme te répondait, tu posais ton regard plus longuement sur ton visage mais tu n’arrivais pas à mettre le doigt sur le détail qui te dérangeait. Non, tu n’avais jamais vu cette jeune femme et pourtant, ce nom et ces yeux te disaient quelque chose.

S’il y avait bien un endroit où tu ne pensais jamais mettre les pieds c’était dans un studio de danse. Tu n’avais rien contre la danse en soi mais c’était un art avec lequel tu n’avais jamais eu la moindre affinité. Tu avais pourtant travaillé dans quelques bars et vu des gens danser pendant des heures et des heures mais même si cela t’arrivait d’aller sur le danse floor, c’était plus pour rigoler qu’autre chose. Mais Julia voulait faire de la danse et tu n’allais pas l’en empêcher. Loin de toi cette idée absurde de vouloir imposer quoi que ce soit aux adolescents qui restaient avec toi. Tu savais que c’était déroutant pour eux parce qu’ils n’avaient pas l’habitude qu’on leur propose de faire des choses, qu’on les intègre dans un système familial mais c’était important pour toi de le faire et de leur faire comprendre qu’une fois partis, ils pouvaient compter sur ton soutien. Pas financier car tu ne roulais pas non plus sur l’or et tu devais aider d’autres adolescents mais un soutien moral et de réseau que tu n’hésitais pas à activer à la demande de tes anciens pensionnaires pour les aider à débuter. Tu étais bien conscient que famille d’accueil était un métier, une activité mal considérée dans la société et personne ne comprenait vraiment que tu te sois lancé dans cette aventure mais tu ne regrettes pas de l’avoir fait même si tu sais que cela te prive de certaines choses comme de pouvoir trouver quelqu’un pour combler ta solitude car accepter d’entrer dans ta vie voulait dire accepter d’entrer dans la vie de trois adolescents qui souvent, attiraient les problèmes. Des problèmes que tu avais appris à gérer avec le temps mais chaque adolescent était différent, il n’existait pas de recette miracle. Tu avais donc inscrit Julia dans ce studio de danse, celui où elle désirait prendre des cours et tu avais été surpris de la facilité de la chose. Elle avait essayé de te convaincre de ne pas l’accompagner mais elle commençait à te connaître désormais et savait que c’était peine perdue, du moins pour les premiers cours. Tu essayais de ne pas être trop pénible non plus même si tu avais tendance à jouer au papa poule de temps en temps, tu en avais bien conscience.

Alors que vous rentrez dans la salle où se déroulera le cours, une jeune femme ne tarde pas à apparaître et tu l’interpelles cherchant à savoir si elle est la fameuse miss Fairchild dont Julia t’a parlée et qui vient tout droit de Broadway. Elle est légèrement surprise de votre présence mais elle se reprend rapidement pour vous dire : « Oui, c'est bien moi. » Parfait ! Cela facilite ta tâche pour aujourd’hui. Tu ne tardes pas à lui présenter Julia qui même si elle n’a pas la langue dans sa poche et n’a pas peur de grand chose semble impressionnée de se trouver dans un tel lieu et devant une personne qui a réussi. C’est le plus difficile pour toi, de lui faire comprendre qu’elle aussi peu réussir. Ce n’est pas parce que ses parents n’ont pas su apprécier le trésor qu’ils avaient créé qu’elle est condamnée jusqu’à la fin de sa vie. « On m'a parlée de toi effectivement. Je te souhaite la bienvenue dans mon cours ! La porte en face t'emmène directement dans les vestiaires, tu peux t'y changer et y laisser tes affaires. C'est généralement ce que les autres élèves font. » Tu regardais les deux jeunes femmes interagir et tu ne pouvais nier qu’une partie de toi commençait à être un peu moins inquiet. Lily semblait être une personne naturelle et elle accueillait Julia à bras ouverts avec gentillesse et chaleur. Tu n’avais jamais rencontrés des gens importants mais des fois, ils ont pris la grosse tête et ce n’est pas ce dont Julia a besoin. Après un dernier regard vers toi, elle file dans les vestiaires où elle sera rapidement rejointe par d’autres filles de son groupe très certainement. Sans t’en rendre compte, tu t’étais mis à fixer Lily car en plus d’être naturelle et accessible, ses traits te disaient vaguement quelque chose sans que tu ne puisses mettre le doigt dessus. « J'ai quelque chose sur le visage ? Entre les dents ? » Tu baissais les yeux alors qu’elle se regardait dans le miroir derrière toi. « Non, non vous êtes parfaite. Enfin vous n’avez rien, je … » Tu avais toujours été assez maladroit, laissant ta bouche parler avant que tu ne te rendes compte de ce que tu pouvais dire. Il n’était pas marqué sur ton front que tu étais homosexuel donc Lily pourrait mal l’interpréter. « Je sais que je viens de vous rencontrer mais vous ressemblez vaguement à ma mère. Enfin je crois, je n’ai pas vu ma mère depuis près de vingt ans. » Dis-tu en haussant les épaules. Tu n’étais plus vraiment certain de le regretter aujourd’hui, tu avais fait ton choix et tu savais les sacrifices que t’auraient demandés ta famille. « C'est juste qu'il me faudra une autorisation parentale et un certificat du médecin comme quoi, tout va bien. De simples formalités. La personne que vous avez eu au téléphone, vous en a peut-être parlé d'ailleurs ?» Oui, en effet. La personne que tu avais eu au téléphone t’en avait parlé mais elle t’avait dit que vous vous en occuperiez quand Julia venait pour la première fois. Pas pour le médecin, ça c’était à vous de le faire mais tu avais déjà pris rendez-vous pour avoir le certificat rapidement. « J’ai pris rendez-vous chez le médecin pour le certificat et je peux vous signer l’autorisation mais en temps que tuteur, pas de parent. » Dis-tu à la jeune blonde en plongeant ton regard dans le sien. Le fait que tu sois famille d’accueil n’était pas vraiment quelque chose de bien reçu à Logan City. Tu en parlais librement avant, aujourd’hui tu hésitais, tu choisissais tes mots. « Je suis famille d’accueil pour des adolescents qui en ont besoin. Jusqu’à ce que Julia ait 18 ans je suis donc son tuteur légal. Je pense que c’est important que vous le sachiez. » Dis-tu avant d’ajouter : « Julia sera ravie que vous la traitiez comme les autres élèves, aucun traitement de faveur. » Dis-tu en plaisantant à la jeune femme mais tu ne plaisantais que moyennement. Car la discrimination positive avait des limites et ce que tes adolescents voulaient c’était d’être traités comme les autres.

En général, tu n’étais pas quelqu’un qui avait beaucoup de mal avec les relations sociales. Pourtant, entrer dans ce studio de danse et faire face à la professeur, c’était étrange pour toi. Tu n’arrivais pas à savoir ce qui te dérangeait exactement, ce qui te mettait mal à l’aise car la jeune femme devant toi était tout ce qu’il y avait de plus aimable, particulièrement avec Julia et c’était le plus important pour toi. Tu étais capable d’accepter toute la merde des gens tant qu’elle était dirigée vers toi et pas vers ces adolescents que tu considérais comme tes enfants, temporairement. Ils avaient déjà vécu assez de tragédies, ils n’avaient pas besoin d’être entourés par des adultes qui leur rappelait tous les jours leur passé. Tu laissais la jeune blonde accompagner Julia au vestiaire et quand elle revint, tu ne pus t’empêcher de la fixer. C’était plus fort que toi car tu avais l’impression de connaître ce visage. Tu mis longtemps à trouver qui elle te rappelait, trop longtemps sans doute. Mais tu n’avais pas vu ta mère depuis des années et tu ne savais pas si elle ressemblait toujours à la jeune blonde ou pas. L’image qui te restait d’elle cependant lui ressemblait et une fois que tu eus fait le lien, tu n’arrivais pas à te défaire de cette image. « J'espère que c'est un compliment. Comment s'appelle votre mère ? » Tu ne pus t’empêcher de sourire timidement à la jeune femme. Oui, c’était un compliment parce que ta mère avait été très belle. Tu lui avais porté beaucoup d’affection parce que c’était celle qui te comprenait le mieux. Mais elle n’avait pas levé le petit doigt quand ton père t’avait mis à la porte et c’est le genre de trahison que l’on n’oublie pas. « Ma mère était très belle. Vous l’êtes aussi bien entendu mais vous devez le savoir. » Vu la carrière que t’avait décrite Julia, la jeune femme devant toi devait se douter qu’elle était belle et qu’elle avait du charme. Le fait que tu ne ressentes aucune attraction pour la gente féminine te faisait regarder leur corps comme une œuvre d’art. Tu pouvais comprendre les hommes qui étaient attirés par les femmes, jamais ceux qui les voyaient comme des morceaux de viande à posséder le plus rapidement possible. « Elle s’appelle Martha Hanson, née Everdeen. » Dis-tu à la jeune femme. Cela faisait des années que tu n’avais pas prononcé ce nom et ton cœur se serra. Tu étais famille d’accueil, parler de ta famille semblait quelque chose que les gens attendaient de toi mais c’était plus difficile qu’ils ne l’imaginaient. Beaucoup plus difficile malheureusement … La professeur te demanda ensuite de lui fournir un certificat médical et de signer des papiers. Qu’elle pense que tu étais le père de Julia te fit sourire mais tu préférais éclaircir de suite la situation. Elle était gênée de son erreur mais elle ne pouvait pas deviner quelle était la situation. « Oh, désolée. Mais il n'y a aucun soucis. Le principal, c'est que j'ai l'autorisation de la personne qui l'a prend en charge. » Tu hoches la tête. Tu es habitué à signer toutes sortes d’autorisations et de papiers officiels. C’est souvent fastidieux mais nécessaire. Tu attrapes donc le papier que la jeune femme te tend pour le signer pendant le cours de Julia, tu le lui rendras en revenant la chercher. Tu en profitais pour expliquer la situation à la jeune femme et la prier de ne pas traiter Julia différemment parce qu’elle est en famille d’accueil. Cela semble logique pour toi mais pas pour tout le monde voilà pourquoi tu préfères le préciser. « C'est... très admirable ce que vous faites pour ces jeunes. Ça ne doit pas être facile tous les jours pour eux. Et ne vous en faites pas, je ne compte pas me comporter différemment juste parce qu'elle est nouvelle ou qu'elle n'a pas une vie aussi facile que les autres. Vous savez si elle a déjà fait de la danse par le passé ou c'est la toute première fois ? » C’est bien la première personne à Logan City qui te dit que ce que tu fais est admirable. Un sourire en coin se dessine sur ton visage. Est-ce que tu vas enfin tomber sur une personne avec un cœur qui ne regarde pas que son nombril ? Parce que pour l’instant, tu as du mal à comprendre tes nouveaux voisins. « Vous êtes la première dans ce quartier à trouver ça admirable. Pour l’instant on me reproche sans arrêt d’avoir amené de la vermine dans le quartier.  On vient d’emménager. » Dis-tu en soupirant. Tu te fiches de ce que pensent les gens mais tu viens d’acheter cette maison et tu n’as pas envie de devoir en partir parce que tes voisins te rendent la vie insupportable. « Elle m’a dit qu’elle en avait déjà fait mais sans plus de précision. Cela doit remonter à plusieurs années. Le mieux c’est que vous voyez avec elle. » Tu n’avais pas demandé plus de détails à Julia parce que tu attendais que tes pensionnaires viennent vers toi. Tu n’avais pas envie de la forcer à te confier quoi que ce soit, tu voulais qu’elle se sente à l’aise pour le faire et qu’elle le fasse d’elle-même. Rien que te demander de suivre ce cours était un énorme pas en avant. « Si... Je veux dire, si vous avez besoin de plus de temps pour régler les leçons ou de payer en plusieurs fois, c'est faisable. N'hésitez pas à m'en parler, je peux comprendre que ce n'est pas simple pour tout le monde. » Cette fois, tu es plus amusé qu’autre chose. La jeune femme répond au cliché qu’elle a des familles d’accueil et tu ne peux pas lui en vouloir. Te laisser cette possibilité, c’est te montrer qu’elle respectait ton choix de vie et qu’elle le soutenait en quelques sortes. « J’apprécie vraiment le geste et j’aurais certainement été soulagé de cette proposition quand j’ai commencé mais je gagne bien ma vie et c’est la première chose que Julia demande, j’aurais payé n’importe quel prix pour qu’elle suive ce cours. » Dis-tu le plus sincèrement du monde. « Mais merci, peu de personnes le proposent. » Tu en avais fait l’amère expérience.

Rentrer dans ce studio et te retrouver devant une femme qui ressemblait à ta mère, c’était réellement perturbant. Tes parents ne faisaient plus parti de ta vie depuis presque vingt ans et pourtant, tu ne pouvais t’empêcher de penser à eux régulièrement. Cela faisait cinq ans que tu étais devenu famille d’accueil, cela faisait donc cinq ans que tu pensais à eux régulièrement. C’était un peu inconscient et tu aurais aimé pouvoir t’appuyer sur eux mais tu avais fait le deuil de ce genre de relation et désormais tu te contentais de ce que tu avais. Avec le temps tu avais réussi à t’entourer de personnes qui sont devenues ta famille et c’est le plus important. Devant l’air perplexe de la jeune femme devant toi, tu voulais la rassurer. Ta mère était très belle dans tes souvenirs. Tu ne savais pas ce qu’elle était devenue désormais mais quand tu grandissais elle était très belle. C’est donc sans gêne que tu avouais cela à la jeune femme lui faisant un compliment par la même occasion. N’étant pas attiré par les femmes, il n’était pas difficile pour toi de les complimenter sans arrière pensée, tu espérais que la jeune professeur ne penserait pas que tu es en train de lui faire du rentre dedans. « C'est gentil, ça fait toujours plaisir à entendre. » Tu finis par lui donner le nom de ta mère, un nom que tu n’avais pas prononcé depuis des années et qui t’écorcha presque la bouche. « Il ne me semble pas connaître, simple coïncidence. On dit que l'on a plusieurs sosies à travers le monde, je ne pensais pas que j'en aurais une à Brisbane. » Tu ne t’étais jamais réellement posé la question des sosies mais en effet, il y a tellement de personnes sur cette terre que des ressemblances ne peuvent qu’exister. Cela ne t’étonne pas que le nom de ta mère ne dise rien à la demoiselle. Après tout, ta famille ne vient pas de ce côté là du pays alors pourquoi aurait-elle entendu parler de ta mère ? « Vous ne risquez pas de la croiser, ma famille n’est pas d’ici. Je suppose que mes parents habitent toujours à Margaret River. C’est de l’autre côté du pays. » Dis-tu en haussant les épaules. Tu n’avais jamais remis les pieds dans le village de ton enfance et tu n’y remettras certainement jamais les pieds malgré tous les bons souvenirs que tu as eus à cet endroit. Tu avais aimé ce village mais malheureusement, ta vie avait pris un autre chemin. La jeune femme te demanda ensuite de signer des papiers et cela t’amusait de voir qu’elle te prenait pour le père de Julia. Tu l’étais, en quelques sortes mais tu préférais éclaircir ta situation auprès de la jolie blonde car tu ne voulais pas qu’il y ait de malentendus qui pourraient à termes blesser Julia. Quand elle se montra admirative de ta démarche, tu ne pus t’empêcher de lui faire remarquer que c’est bien la seule à Logan City qui le pensait. « Il y aura toujours des gens méchants et contre un peu de nouveautés et de style de vie différent. Ne les écoutez pas, ils finiront par se taire et continuer leur vie. » Tu fus amusé des paroles de la demoiselle. S’il y avait une personne qui savait à quel point ce qu’elle disait était vrai, c’était bien toi. Le qu’en dira-t-on était quelque chose dont tu te fichais royalement contrairement à ta famille à l’époque. Les apparences n’avaient jamais été importantes pour toi mais tu savais qu’elles l’étaient pour beaucoup, tellement que tu avais perdu l’une des personnes qui avait le plus compté dans ta vie. « Ne vous en faites pas. Je suis habitué à ce genre de traitement que l’on m’a réservé toute ma vie. J’aurais aimé autre chose pour eux mais bon, cela passera. » Dis-tu en haussant les épaules. Les habitants de Logan City pouvaient dire ce qu’ils désiraient dans ton dos, tu avais acheté la maison, tu avais signé tous les bons papiers et tu maintenais ta maison dans un état parfait ce qui devait les frustrer car cela ne leur donnait aucune raison pour essayer de te mettre à la porte de ta propre maison. Tu te demandais souvent comment cela se faisait que tes voisins n’avaient rien de mieux à faire que de te causer des ennuis mais tu préférais ne pas trop y réfléchir. Quand la professeur te posa des question sur le niveau de danse de Julia, tu ne sus pas trop quoi lui répondre n’ayant pas réellement abordé ce sujet avec la jeune adolescente. « Pour le moment, elle est dans un cours de débutant, c'est leur première année. Je verrais ce qu'il en est et comment elle se débrouille. L'heure risque peut-être de changer mais je vous préviendrai. » Tu hoches dans un premier temps la tête parce que l’horaire t’importe peu. Ce n’est pas comme si Julia avait un emploi du temps de ministre après les cours vu qu’elle avait du mal à trouver des activités qui l’intéressaient pour l’instant au lycée donc cela ne sera pas un problème. Toi, tu veux juste que Julia s’éclate dans quelque chose et puisse profiter à fond de cette jeunesse dont on l’a déjà assez privée. « Je travaille de chez moi, je peux l’accompagner à n’importe quelle heure donc tenez-moi au courant et je m’arrangerai. » Quand tu t’étais lancé dans l’illustration de livres pour enfants, tu devais avouer que tu l’avais fait un peu aussi parce que c’était une activité qui te permettait de travailler de chez toi et d’être présent pour ces adolescents que tu hébergeais. C’était important pour toi de leur offrir un foyer mais pas que. Tu voulais que pendant les quelques mois ou années qu’ils passaient chez toi, ils puissent se sentir aimés, soutenus et accompagnés. Et cela te demandait du temps. Mais tu considérais avoir réussi quand des jeunes étant passés chez toi revenaient régulièrement te voir pour garder contact. La jeune blonde aborda ensuite le sujet du paiement de ses cours et tu trouvais cela vraiment adorable qu’elle te propose de payer en plusieurs fois mais tu doutes que cela soit nécessaire. « Il y a parfois des mois plus difficiles que d'autres, dû à des dépenses non prévues. Si jamais, vous téléphonez et il n'y aura pas de soucis. Je veux juste que vous sachiez que c'est possible et qu'il ne faut pas hésiter à m'en parler. » Tu hoches la tête face aux paroles de la jeune femme car tu es touché qu’elle le propose. Peu de gens le font, tu l’as bien remarqué quand tu avais commencé l’aventure et que tu n’avais pas les revenus que tu avais aujourd’hui. « Je n’hésiterai pas. » Lui dis-tu même si tu savais que cela ne serait pas nécessaire. Tu avais de quoi payer les cours de Julia, tu pouvais bien lui offrir ça. Un petit sourire sur les lèvres, tu dis à la jeune femme : « Quand Julia m’a dit que vous veniez de Broadway, j’avoue avoir eu une petite appréhension. Mais je pense que suivre votre cours lui fera le plus grand bien. » La jeune professeur avait l’air d’être une personne gentille, attentionnée et sensée. Elle sera très certainement un bon modèle pour Julia qui pourra également se faire des amis grâce à ce cours collectif. C’est souvent plus simple de se faire de bons amis en dehors des carcans du lycée.

Evidemment que la jeune femme en face de toi n’allait ni reconnaître le nom de ta mère ni celui de la bourgade dans laquelle tu avais grandi. Margaret River était une destination côtière prisée de l’autre côté du pays et avait son lot de touristes notamment pour le surf mais à Brisbane, personne n’avait entendu parler de cet endroit. Et c’était pour le mieux car en venant habiter à Brisbane, tu avais pu minimiser les chances de croiser des gens que tu connaissais dans ton enfance. Traverser le pays avait été ton obsession quand tu avais été mis à la porte de chez toi et c’était un choix que tu n’avais jamais regretté. Mais tu ne savais pas d’où venait la jeune femme en face de toi, d’une grande ville certainement, elle ne te donnait pas l’impression d’être une femme ayant grandie à la campagne. Mais qu’importe finalement, il est possible de trouver des sosies de tout chacun dans le monde d’aujourd’hui. « Il me semble avoir de la famille par là-bas. Mais ça fait des années que je ne les ai pas vu, je ne sais pas s'ils vivent toujours là-bas. » Tu étais surpris. De la famille à Margaret River ? Certainement que tu as dû les connaître à un moment donné. Il n’y a que 3700 habitants à Margaret River, enfin il y avait, tu ne sais pas combien il y en a désormais mais ce nombre a certainement augmenté. Comme toi, elle n’avait pas vu cette branche de la famille depuis très longtemps apparemment, assez pour qu’elle ne se souvienne pas de leur nom. « Peut-être nous sommes-nous croisés à l’époque où vous alliez les voir. C’est une très petite ville. » Lui dis-tu simplement sans en rajouter. Tu doutais que la famille à laquelle Lily fasse référence puisse être la tienne. Tu ne te souvenais que vaguement d’avoir rencontré des cousins ou cousines quelques fois dans ton enfance mais ce n’était qu’un vague souvenir dans ceux que tu préférais enterrer à jamais. Tu ne cherchais donc pas à poursuivre la conversation sur les souvenirs d’enfance et cette bourgade maudite. Non, mieux valait se concentrer sur Julia et tu confiais à la professeur que tu n’étais que le tuteur légal de l’adolescente ne faisant que jouer ton rôle de famille d’accueil. Un rôle qui n’avait pas été très bien accueilli dans le quartier où tu venais d’emménager. Cela devait être dû à ton homosexualité plus qu’au fait que tu sois famille d’accueil mais tu préférais ne pas t’attarder sur ce sujet non plus avec la jeune blonde au cas où son ouverture d’esprit n’aille pas plus loin. « Ils s'y feront avec le temps. Il faut juste un peu de patience et beaucoup d'ignorance. » Tu l’espérais … Tu avais des doutes mais tu ne pouvais qu’espérer que les habitants de ton quartier allaient s’y faire parce que tu ne comptais pas bouger. Tu te faisais surtout du souci au sujet de Kelly car cette femme pouvait être le diable personnifié mais il allait falloir que tu fasses avec et que tu trouves un moyen de contrer les attaques qui ne tarderont pas à venir car une chose est certaine, Kelly ne s’arrêtera pas tant qu’elle ne t’aura pas chassée du quartier et tu ne comptes pas quitter le quartier ce qui vous amenait à une situation sans issue. Tu aimerais pouvoir tout ignorer mais des fois, ce n’était juste pas possible. « Qui vivra verra n’est-ce pas ? » Finis-tu par dire à la jeune femme car il n’y avait pas grand chose à dire d’autre. Seul l’avenir vous révèlera qui de vous deux avait raison. La conversation dériva vers Julia et son expérience avec la danse. Malheureusement pour la jeune femme, tu n’avais pas beaucoup d’informations à lui fournir à ce sujet. Il faudra qu’elle en discute avec Julia et qu’elle la voit danser pour savoir si elle allait devoir la faire changer de groupe ou non. Tu la rassurais de suite sur le fait que tu n’avais pas de contraintes horaires pour la jeune adolescente, tu voulais simplement qu’elle s’éclate dans une activité extra-scolaire, c’était pour toi le plus important. Tu avouais ensuite à la demoiselle que tu avais eu quelques appréhensions à son sujet car après tout, une grande star de Broadway pouvait avoir pris la grosse tête. Cela sembla l’amuser plus qu’autre chose ce qui te rassura et te prouva encore une fois que Julia était au bon endroit. « Une appréhension à propos de quoi ? De moi ? Des cours ? Je vous avoue, les cours peuvent être intense. J'essaie de leur transmettre un maximum de ce que j'ai appris de mon expérience à Broadway. Mais lorsqu'ils débutent, j'y vais plus doucement. Je m'adapte en fonction de leur niveau et de leur facilité à avancer. Mais ne vous en faites pas, je suis sûre que ça va très bien se passer. » Tu hoches la tête, étrangement, tu n’en doutes pas. Alors que tu allais répondre, tu entends des pas dans le couloir et la porte s’ouvre pour laisser entrer d’autres adolescentes. Un sourire sur les lèvres, tu vis Julia sortir des vestiaires également. « Je vous fais confiance. » Lui dis-tu avant d’ajouter : « Je vais vous laisser. Nous vous apporterons le certificat le plus rapidement possible. Tenez-moi au courant pour l’horaire du cours. » Dis-tu avant de la saluer : « A tout à l’heure ! » Dis-tu à l’attention de la professeur et de Julia aussi qui semblait quelque peu anxieuse mais tu n’avais aucune crainte, elle était entre de bonnes mains.