Neuf heures, tu peux enfin souffler. Les trois adolescents que tu héberges sont partis au lycée où tu l’espères ils vont passer la journée. Tu as bien conscience que pour deux d’entre eux, déménager à Logan City n’a pas été un ajustement facile car changer de quartier voulait dire changer de lycée. Ta bourse ayant grossi ces dernières années, en emménageant à Logan City, tu avais un peu augmenté le standing du quartier dans lequel tu accueillais ces jeunes et le lycée aussi était beaucoup mieux équiper. Le collège aussi très certainement mais tu n’avais aucun adolescent aussi jeune pour l’instant. Dans ton ancien quartier, un système s’était mis en place. Tu connaissais le proviseur et les différents professeurs et quand un de tes adolescents ne venait pas en classe, particulièrement quand ils arrivaient chez toi, on te contactait rapidement et on ne t’en voulait pas trop parce que tu faisais toujours du mieux que tu pouvais dans une situation qui n’avait rien de simple. Mais à Logan City, les regards remplis de reproches étaient nombreux peu importe où tu te trouvais. Tu ne pouvais donc qu’espérer que les trois adolescents résidant sous ton toit n’avaient pas décidé de sécher une fois que le bus les aurait déposés devant le lycée. Mais ça, tu ne le sauras pas de suite donc tu gèreras ce problème plus tard. Ouvrant ta boîte mail, tu vis que ton éditrice t’avait envoyé une nouvelle histoire à illustrer. La personne ayant pensé à l’histoire voulait que ce soit toi qui t’occupes des dessins. Ce qui était bien avec les livres pour enfants c’était qu’il ne fallait pas beaucoup de temps pour comprendre l’histoire, il suffisait que les idées viennent. Tu répondis à ton éditrice que tu préparerais une première planche pour dans quelques jours et si cela convenait à l’auteur, tu le rencontrerais pour parler de la suite.
Tu avais un petit rituel. A chaque projet qui te tombait entre les mains, tu essayais de te renouveler, de chercher de nouvelles sources d’inspiration et pour ça, tu te rendais au QAGOMA, un musée de Brisbane que tu avais l’habitude de fréquenter depuis plusieurs années. Tu l’avais visité peu de temps après être arrivé en ville et il t’avait fait forte impression mais c’était une époque où tu n’avais pas de temps à passer dans des musées, enchaînant un boulot après l’autre. Une fois que tu fus un peu plus posé, tu pris le temps d’y retourner et tu y faisais régulièrement un petit tour. N’ayant toujours pas reçu d’appel du lycée, tu pris ton portefeuille avant de quitter la maison. Tu préférais prendre les transports en commun, peu friand de devoir chercher une place de parking pour te garer. Tu attendis donc le bus, profitant de la chaleur de l’automne, toujours présente mais moins étouffante que celle que vous aviez connue cet été. Tu appréciais ces petits moments de détente où tu ne pouvais penser qu’à toi pour une fois. C’était plutôt rare finalement car il y avait toujours quelqu’un qui avait besoin de quelque chose. Tu avais toujours su que devenir famille d’accueil te demanderait beaucoup d’énergie mais il t’avait fallu du temps pour t’adapter à cette nouvelle vie, comme il faut du temps à tous les parents pour s’adapter à l’arrivée d’un enfant. Mais tu arrivais à te ménager des petites pauses ce qui à tes yeux était le plus important. Après une trentaine de minutes de transport, tu arrivais devant le musée dans lequel tu t’empressais d’entrer. Tu allais directement à l’accueil pour prendre le programme des expositions temporaires même si tu allais certainement aussi te promener encore une fois dans les expositions permanentes. Tu n’étais jamais sûr de réellement trouver une nouvelle source d’inspiration mais tu aimais les musées. Après avoir fait un premier tour dans ton exposition permanente préférée, tu pris un café à la cafétéria du musée que tu allais déguster sur la terrasse. Perdu dans tes pensées, essayant de visualiser ce que tu allais pouvoir dessiner, une voix que tu connaissais arriva à tes oreilles. Celles de Joanne, conservatrice au musée depuis un peu moins d’un an et que tu avais l’occasion de croiser régulièrement lors de tes visites. Elle ne t’avait pas vue car elle discutait vivement avec la personne à l’autre bout du fil. Tu décidais de te lever et de rentrer dans le musée pour ne pas la déranger mais alors que tu te levais, elle raccrocha brutalement et se retourna te prenant sur le fait. Théoriquement, tu n’avais rien fait de mal mais c’était certainement une conversation privée. « Bonjour Joanne je … Je prenais un café, désolé, je ne voulais pas surprendre ta conversation. » Tu n’étais pas quelqu’un d’intrusif car tu détestais quand on l’était avec toi. Tu n’aimais pas parler de certaines parties de ton passé et tu espérais ne jamais avoir à le faire. « Tu vas bien ? » Finis-tu par lui demander ne sachant pas par quoi d’autre enchaîner.
Un réveil quelque peu difficile. Les rayons de soleil qui passaient au travers des rideaux n'y changeait rien, Joanne était très bien sous sa couette, collée à son époux qui émergeait également. Mais, les appels de leur fils furent leur motivation pour sortir du lit. Jamie était allé cherché leur garçon, qui traînait avec eux le temps de la douche et de l'habillement. Il s'amusait souvent à grimper non sans difficulté sur le lit et les chiens finissaient toujours par le rejoindre pour jouer avec leur petit maître. Elle se perdait dans ses pensées lorsqu'elle regardait son époux. Ce dernier prenait beaucoup soin de lui et de son apparence, attentif au moindre détail. Ses choix en matière de costume étaient bien réfléchis. Il la faisait toujours autant fondre, quand il était en costume. A vrai dire, il pourrait mettre n'importe quoi qu'elle serait dans le même état. Et il était toujours aussi mal à l'aise dès qu'elle le complimentait et elle s'en amusait bien. Joanne pensait tout de même chacun de ses mots. Elle le trouvait beau, particulièrement séduisant, surtout avec ce petit sourire en coin. Après avoir passé les dents sur sa lèvre inférieure, elle ne s'était pas gênée pour l'embrasser longuement alors que le petit avait déjà filé dans le séjour, prêt à avoir son biberon du matin. Malgré les réclamations de Daniel, elle prenait le temps avec son mari, avant de reprendre la routine matinale. Ensuite, la journée de travail commençait. Joanne avait commencé à visiter quelques galeries et rendu visite à quelques collectionneurs enclins à partager leurs biens avec le grand public. Elle désirait plus que tout étoffer la galerie dont elle était responsable. De plus vieilles oeuvres, des mouvements artistiques plus anciens. Certes, il s'agissait d'un musée principalement dédié à l'art moderne et contemporain, mais cela n'avait pas empêché à la direction de dédier toute une galerie à l'art historique internationale. On y trouvait bien une oeuvre de la Renaissance Italienne là-bas, pour le plus grand bonheur de la jeune femme. Si elle avait d'ailleurs l'occasion de trouver une autre oeuvre de la même période, elle n'en serait plus que ravie. Cela lui permettrait de voir autre chose que l'exposition temporaire en cours, trouvant les oeuvres de Patricia Piccinini plus angoissantes qu'autre chose. Elle avait juste fait un tour, pour le principe, pour dire qu'elle l'avait vu. Mais ce n'était clairement pas sa tasse de thé. Elle était particulièrement surprise de voir sa mère appeler alors qu'elle était au travail. Fronçant les sourcils, Joanne décrocha et se dirigea vers l'extérieur afin d'assurer le calme et le silence dans les galeries, mais aussi pour que personne ne puisse entendre sa conversation. Après s'être saluées et avoir échangé quelques mots, Jane arrivait enfin à la raison principale de son appel. "Je me suis dit que tu pourrais passer à la maison, pour discuter avec ton père..." dit-elle d'un ton hésitant. On sentait dans sa voix que sa mère vivait assez mal ce conflit. "Certainement pas." rétorqua Joanne, les lèvres pincées. "Joanne, fais un effort, s'il te plaît." Sa mère gardait un ton infiniment doux au bout du fil. "Un effort ? Lui n'en a fait aucun, Maman. Il s'est comporté de façon exécrable avec Jamie, il ne lui a jamais accordé aucune chance, il n'a jamais voulu apprendre à le connaître et il n'acceptera certainement jamais mon mariage, et c'est moi qui devrais faire un effort ? Il campe sur sa position et je ne vais certainement pas me plier en quatre pour lui, alors que lui ne veut pas le faire pour moi. Ne pas accepter ce mariage, c'est ne pas accepter que je sois heureuse." Jane avait été informée de sa dernière fausse-couche, une semaine après que cela soit arrivé. Joanne tenait à gérer dans un premier temps son propre traumatisme, mais aussi surtout celui de Jamie. C'était la première fois qu'il était témoin d'une de ses fausse-couches et cela allait certainement être une image gravé à jamais dans sa mémoire. "Cette situation me touche autant qu'à toi, tu sais. Mais s'il veut qu'on en parle, ce choix doit venir de lui, et parce que tu l'as forcée. Et je ne viendrai certainement pas vers lui, ce n'est pas nécessaire de me le suggérer à chaque fois qu'on se parle." dit-elle avec agacement. Joanne n'était pas totalement fermée à une éventuelle réconciliation avec son père, mais la démarche et la volonté de le faire devait venir de ce dernier. Elle était toujours très en colère contre lui, le pardon sera particulièrement difficile à donner. Elle ne voulait pas qu'une personne apportant avec elle une ambiance aussi délétère soit proche de sa famille. Jane, sa mère, voulait certainement bien faire, en prenant le rôle de la médiatrice, mais c'était quelque chose que Joanne ne voulait pas. Ce n'était pas à elle de réparer les pots cassés, c'était à son père d'assumer la moindre de ses paroles, la moindre de ses pensées. Et pour ça, il y avait encore beaucoup de chemin à faire. Cette conversation au téléphone avait particulièrement tendu la petite blonde. Elle qui n'aimait pas être en colère, ni irritée. En se retournant, elle reconnut immédiatement Casey, qui avait certainement entendu une bonne partie de cette conversation. Joanne ne l'avait pas entendu arriver, certainement bien trop concentrée à tenter de garder un petit peu son calme. "Bonjour." répondit-elle, alors bien gênée qu'il fusse témoin de cet appel téléphonique. "Ce n'est pas grave, cet endroit n'était pas idéal pour ce genre conversation, j'aurais peut-être mieux fait d'être dans mon bureau." répondit-elle avec un rire nerveux. Afin de se calmer, la petite blonde prit une profonde inspiration, les yeux fermés. Il a toujours été difficile pour elle de dissimuler ses émotions. Il était en revanche plus compliqué de savoir tout ce qui pouvait se passer dans sa tête. Casey semblait se faire du soucis pour elle. "Oui, oui, ça va." lui assura-t-elle en souriant. "C'est juste... des histoire de famille. Je suppose qu'on en a tous." Des petites tensions, des prises de tête temporaires. Casey était un habitué du musée, il y venait régulièrement. Un de ces visages familiers que la jeune femme croisait. Ils se connaissaient sans vraiment se connaître. Ils avaient déjà eu l'occasion de se présenter, d'échanger quelques mots. "Je suis désolée, je ne voulais pas que tu sois témoin de ce genre de choses. Je sais combien ça peut mettre mal à l'aise." s'excusa-t-elle. L'air navré, elle força un sourire. Oui, elle allait bien, elle allait s'en remettre. "Et toi, tu vas bien ?" finit-elle par lui demander. "Tu voulais jeter un oeil aux expositions temporaires ?" Quoi qu'il en avait certainement déjà l'occasion les fois précédentes. "L'employée du musée qui est en moi te dirait de ne pas rater ça, mais le vrai moi ne te le recommanderait pas. Je trouve que les oeuvres de Piccinini sont particulièrement... flippantes. Enfin, personnellement, ça me met mal à l'aise." dit-elle dans un rire. Et le fait que les cheveux de ses sculptures soient de véritables cheveux humains n'aidaient pas vraiment. "J'ai juste fait une fois le tour pour dire que, mais depuis, j'évite cette galerie du mieux que je peux. Je préfère largement rester avec mes vieux tableaux."
Installé sur la terrasse du musée, en train de faire une pause entre deux expositions, tu n’avais pas pensé surprendre quiconque dans une conversation privée pour la simple et bonne raison que tu venais toujours visiter le musée en pleine journée quand il n’y avait que quelques touristes curieux et pas tous les habitants de Brisbane qui avaient décidé de se faire une sortie musée. Mais bien entendu, il avait fallu que tu surprennes Joanne dans une conversation qu’elle semblait avoir avec sa mère au sujet de son père. Tu sentis ton cœur se serrer alors que tu réalisais qui étaient les interlocuteurs de la jeune femme. Tu ne considérais plus que tu avais eu famille et ça depuis longtemps. Tu avais des donneurs de sperme et d’ovule qui t’avaient élevé un temps avant de te jeter dehors comme un malpropre et sans jamais chercher à te retrouver. Tu ne pouvais pas appeler ces gens tes parents. Tu t’entends encore les appeler papa et maman dans tes souvenirs mais ces souvenirs sont lointains et tu ne les reconnaîtrais pas dans une foule de personnes aujourd’hui. Non, tu n’avais pas de famille et c’était bien mieux comme cela. Personne à décevoir, personne à épater. Par contre, tu étais devenu la famille de beaucoup de jeunes au fil des années grâce au système de famille d’accueil. Tu aurais aimé pouvoir accueillir des enfants également mais ce n’était pas possible et tu avais déjà bien assez à faire avec tes adolescents. Ils étaient un peu tous les enfants que tu n’auras jamais. Tu aimais penser qu’un jour tu auras des enfants, adoptés ou pas n’importe quel autre biais mais personne ne confie des enfants à un homme homosexuel qui vie seul. Malgré les progrès de l’acceptation des homosexuels dans la société, personne n’en est encore là. Tu écoutais sans le vouloir Joanne parler à sa mère ou plutôt s’énerver contre sa mère. Tu appris dans cette conversation que la jolie blonde s’était mariée et cela te fit sourire. Tu ne connaissais pas très bien Joanne mais de ce que tu connaissais d’elle, c’était une femme douce et toujours prête à rendre service et une vraie passionnée d’art, elle méritait d’être heureuse. Tu espérais vraiment que son père finirait par accepter son mariage parce que tu ne souhaitais à personne de finir dans la même situation que toi. Le grand paradoxe de ta vie résidait dans le fait que tu poussais souvent les gens à pardonner à leur famille alors que tu serais incapable de pardonner à la tienne. Mais ils ne te le demanderont jamais donc ce n’était pas important. Tu tenais cependant à ce que ces personnes ne se laissent pas avoir non plus. Joanne avait raison de tenir tête à son père. S’il voulait que les choses s’arrangent, qu’il fasse le premier pas. Pourquoi ce serait toujours aux enfants de se faire pardonner alors que ce sont les adultes qui déconnent ? Tu ne comprends pas toujours comment fonctionne le monde pour la génération de tes parents mais tu préfères ne pas y penser. Malheureusement pour toi, il est impossible de quitter cette terrasse sans que Joanne remarque que tu étais là depuis le début et que tu avais surpris, sans le vouloir, sa conversation avec sa mère. Elle semblait agitée après cette dernière et quand elle posa son regard sur toi, après t’être excusé, tu ne pus t’empêcher de lui demander si elle allait bien. « Bonjour. Ce n'est pas grave, cet endroit n'était pas idéal pour ce genre conversation, j'aurais peut-être mieux fait d'être dans mon bureau. » Et pourtant elle était venue ici. Tu pouvais comprendre qu’elle ait besoin d’espace et d’air pour faire face à cette conversation et puis si tu n’avais pas été là, la terrasse aurait été déserte comme elle doit l’être la plupart du temps en semaine, au milieu de la matinée. « Avoir ce genre de conversation en plein air a ses avantages, on respire mieux. » Lui dis-tu avec un sourire en coin sur les lèvres pour la taquiner. Tu n’étais pas quelqu’un d’intrusif, tu ne voulais pas qu’elle pense que tu la jugeais quant au contenu de cette conversation. « Oui, oui, ça va. C'est juste... des histoire de famille. Je suppose qu'on en a tous. Je suis désolée, je ne voulais pas que tu sois témoin de ce genre de choses. Je sais combien ça peut mettre mal à l'aise. » Ah … Tu aimerais avoir des histoires familiales de ce genre. Celles qu’il est possible d’arranger, celles qui ne sont que temporaires et qui après quelques temps passé loin de l’autre finissent par s’arranger toutes seules car l’amour familial est plus fort que tout. Tu ne savais pas qui avait inventé une connerie pareille mais tes parents n’ont eu aucun mal à te mettre dehors et n’ont jamais cherché à revenir en arrière, amoure familial ou non. « Ca va s’arranger. Je suis certain que ton père est juste inquiet plus qu’autre chose. Mais tu as raison de le laisser faire le premier pas si c’est ce que tu penses être le plus juste. » Lui dis-tu avant d’ajouter : « Et félicitations. Pour le mariage je veux dire. » Ajoutas-tu pour clarifier. Tu ne savais pas que Joanne était en couple quand tu l’avais rencontrée, tu ne savais rien de Joanne à part sa passion pour l’art. Et ne t’intéressant pas de cette manière à la gente féminine, tu ne demandais pas. « Et toi, tu vas bien ? Tu voulais jeter un oeil aux expositions temporaires ? » Tu venais trop souvent pour faire croire à Joanne que tu venais simplement voir les expositions permanentes. Tu y faisais toujours un tour parce qu’il y avait toujours la possibilité que tu aies loupé quelque chose mais tu aimais te balader dans les expositions temporaires même si tout ne te plaisait pas. « Je vais bien. Je fais une pause pendant que mes pensionnaires sont au lycée. J’espère d’ailleurs qu’ils y sont mais la sonnerie associée au proviseur du lycée n’a pas encore retentit, je croise les doigts. » Tu rencontrais rapidement les proviseurs d’établissement et celui du lycée de Logan City n’était pas une exception. Sauf que contrairement à celui du lycée de Toowong, il ne semblait pas t’accorder beaucoup de crédit. « Je suis venu à la recherche d’inspiration. Un autre veut que j’illustre son livre, je dois produire une première planche pour dans quelques jours. » Dis-tu à Joanne à qui tu avais confié il y a un moment ton métier. « L'employée du musée qui est en moi te dirait de ne pas rater ça, mais le vrai moi ne te le recommanderait pas. Je trouve que les oeuvres de Piccinini sont particulièrement... flippantes. Enfin, personnellement, ça me met mal à l'aise. J'ai juste fait une fois le tour pour dire que, mais depuis, j'évite cette galerie du mieux que je peux. Je préfère largement rester avec mes vieux tableaux. » Tu ne pus t’empêcher de laisser un petit sourire apparaître sur ton visage à ces paroles. Le peu que tu avais vu des œuvres sur les prospectus ne te semblait pas très prometteur mais tu allais certainement aller y faire un tour, par curiosité. « Ce que j’ai vu sur les prospectus ne m’inspire pas confiance et si ça ne t’a pas plu, je n’ai pas réellement de doutes que je vais détester mais j’irai y jeter un coup d’œil par curiosité. Ma créativité a besoin d’un nouveau souffle et qui sait ? Je trouverais peut-être un trait, un coup de peinture qui m’intéressera. » Lui dis-tu en haussant les épaules. « Je t’offre un café ? » Lui proposas-tu.
Joanne estimait s'être suffisamment pliée aux volontés de son père depuis son plus jeune âge. Certes, il avait appréhendé lorsqu'elle lui avait présenté Hassan la première fois. Son père avait toujours des premières impressions particulièrement dures et il en fallait beaucoup pour le convaincre. L'ex-mari de sa plus jeune fille avait réussi cet exploit. Mais Martin Prescott s'était montré bien plus dur envers Jamie, sans même lui laisser le bénéfice du doute, ne serait-ce qu'une petite chance pour montrer qui il était réellement, pour se prouver. Sa psychorigidité le laissait camper sur sa première impression, sur ce qu'il avait lu dans les journaux, se focalisant simplement sur les drames du couple qu'il formait avec Joanne plutôt que de se concentrer sur les belles choses. Martin avait un petit-fils dont il se privait de voir tant il préférait rester figer sur sa manière de penser, ne portant guère de crédit aux paroles de sa fille. Celle-ci, particulièrement blessée par cette attitude d'intransigeance, ne comptait plus faire de pas vers lui. C'en était fini. Jamie avait tenté d'agir, de faire comprendre au père que là n'était pas la meilleure solution pour espérer revoir un jour sa fille. Depuis, Joanne ne voulait plus entendre parler de lui. Casey fut donc le témoin de cet échange houleux entre sa mère et elle, et elle s'en sentait désolée. "C'est exactement ça." répondit-elle à ses propos avec un sourire timide, puis un rire plus nerveux qu'autre chose. "Aussi, je sais qu'il y a une ou deux collègues qui ont une passion pour écouter aux portes dès qu'ils entendent des voix s'élever." Pour agrémenter les prochains commérages. Seulement, Joanne avait le timbre de voix naturellement doux, elle ne parlait pas si fort que ça. Et il était extrêmement rare de l'entendre crier, ou même de la voir énervée. Elle n'avait pas des accès de colère comme l'on pouvait en voir ailleurs. Elle avait plutôt tendance à se canaliser et à prendre sur elle. Ce n'était pas naturel, pour elle, d'être en colère. Ce n'était aussi pas bien. "J'ignore si on peut vraiment qualifier ça d'inquiétude." dit-elle d'un air désolé. "C'est un homme ...de principes, qui a des valeurs. Mais il est, disons... peu flexible. Il voit les choses d'une certaine manière et si ça ne va pas dans son sens, alors rien ne va. Je me doute qu'il ne souhaite que le meilleur pour ses enfants, mais par ses décisions et sa vision des choses, je me suis sentie restreinte, bloquée." Elle baissa les yeux, restant un long moment songeuse. Son père avait un caractère particulièrement fort et n'avait pas la langue dans sa poche. "Et je pense que j'ai déjà bien fait assez pour lui faire plaisir, j'estime que c'est à son tour de faire un effort et de prendre sur lui pour accepter la situation telle qu'elle est actuellement." Il n'avait même pas pris le temps de connaître Jamie, d'en savoir un peu plus sur lui. A l'opposé, sa mère se montrait bien plus tolérante et ouverte – et elle craignait aussi surtout de, elle aussi, se mettre à dos sa propre fille. "Merci beaucoup." lui répondit-elle avec un sourire plus sincère. Les yeux de Joanne pétillaient instantanément lorsqu'elle repensait à son mariage. Elle ressentait une certaine excitation, mêlée à l'impatience d'organiser la cérémonie que Jamie lui avait juré de faire. Ses iris bleus se baissaient brièvement sur l'alliance qui décorait son annulaire, avant de regarder à nouveau son interlocuteur. Elle préférait passer à autre chose que de continuer à parler éternellement de son père – c'était le sujet épineux du moment. Il n'en fallait pas beaucoup pour que Casey embraye sur d'autres sujets de conversation. Joanne savait qu'il accueillait des adolescents, ce qui ne devait pas être une mince affaire tous les jours. Parfois, elle se demandait comment son propre fils serait à cette âge, et le jour où ce sera le cas, elle se dirait à quel point le temps était vite passé. Alors elle n'y songeait finalement pas tant que ça, profitant de chaque jour passé avec son plus précieux trésor. "Ca leur arrive, de sécher les cours ?" lui demanda-t-elle, bien soucieuse. "J'espère pour toi qu'ils y resteront toute la journée. Ca ne doit pas être facile à gérer, des adolescents, à cet âge là." Surtout lorsque l'on n'était pas véritablement leurs parents. Casy devait être doté d'une sacrée volonté pour imposer le règlement sous son toit et pour gérer tout type de crises. Joanne ne cachait pas son admiration vis-à-vis de cela, de tout ce qu'il faisait pour ces jeunes. "C'est vrai ? Un nouveau livre ?" s'émerveilla-t-elle, avec un large sourire. Au fil de leurs rencontres, Joanne avec découvert qu'il illustrait des livres pour enfants. Suite à quoi, elle s'était achetée quelques exemplaire, et Daniel, son fils, semblait beaucoup les apprécier. Il adorait les histoires de manière générale, il venait systématiquement en réclamer une avant d'aller dormir. "J'ai hâte de voir ce que tu vas dessiner." s'enthousiasma-t-elle. Quoi qu'elle préférait ne pas lui recommander l'exposition temporaire du moment, qui était pour elle, un véritable musée des horreurs. Elle en avait des frissons dans le dos tellement ces sculptures la mettaient mal à l'aise. "Ce n'est vraiment pas une bonne source d'inspiration pour tes futures illustrations." lui affirma-t-elle en secouant négativement la tête. "Mais il va y avoir une nouvelle exposition de photographies qui ouvrir d'ici quelques jours, qui s'intitule "We can be heroes". Des enfants du Warakurna photographiés avec des vêtements de superhéros. De beaux clichés pour montrer aux enfants qu'ils sont capables de surmonter leurs peurs. Et il y aura toute une série d'activités pour eux à côté. Ils pourront créer leur propre superhéros, des activités de collage pour créer le monstre qu'ils devront affronter, etc. J'aime beaucoup le principe, je pense que j'y emmènerai mon fils." Il n'avait que deux ans, mais Joanne saisissait la moindre opportunité du musée pour son éveil. Son lieu de travail mettait un point d'honneur sur les activités organisées pour les enfants. "J'ai pensé à toi lors de la réunion de présentation, je me suis dit que ça pourrait être une belle source d'inspiration pour toi et tes futures illustrations. Les oeuvres des enfants seront aussi exposés au fur et à mesure de leur création. Et puis, tu auras le temps de déambuler là-bas, ça dure jusqu'en octobre." lui expliqua-t-elle non sans entrain. Casey lui proposa ensuite de boire une boisson chaude. Son supérieur n'allait pas lui reprocher de prolonger un peu sa pause, surtout qu'il savait qu'elle n'avait pas arrêté depuis la fin de l'année précédente. "Volontiers, mais à condition que ce soit un chocolat chaud ou un thé." dit-elle avec un rire. Joanne n'aimait pas le café. Elle avait tenté d'y goûter, à différents âges, mais l'échec était cuisant à chaque fois. La petite blonde le laissait donc payer et le remercia chaleureusement dès qu'elle avait sa boisson chaude entre les mains. Désireux de profiter encore de quelques rayons de soleil automnaux, ils s'installaient sur des chaises dehors. "Ca doit être prenant, entre ton travail, et gérer tes pensionnaires." finit-elle par dire, bien songeuse. "Tu arrives quand même à trouver un peu de temps pour toi ?"
Curieux, tu l’avais toujours été mais pas non plus à l’extrême. Tu n’avais jamais eu besoin d’aller fouiller dans la vie de toutes les personnes qui t’entouraient pour en savoir le maximum sur elles. Tu respectais que les gens que tu rencontrais n’ais pas envie de se confier sur certains sujets, qu’ils gardent une partie de leur vie privée. Cela ne te dérangeait pas car tout le monde a ses démons. Joanne était donc en train de se disputer avec sa mère et cela te fit sourire. Tu aimerais dire que tu sais ce que sont les problèmes de famille mais ce n’est pas vrai. Parce que finalement, tu n’as jamais eu à affronter les problèmes de famille. Tout allait bien dans la tienne jusqu’au jour où tu leur as avoué que tu étais homosexuel. A partir de là, tu as été mis dehors ce qui fait que tu n’as jamais eu à gérer le genre de crise que Joanne semblait en train de traverser. Coincé sur la terrasse, il n’y avait pas moyen de ne pas entendre ce que la jeune femme disait à son interlocutrice et apparemment, cela concernait son mariage que son père était incapable d’accepter. La vérité c’était que tu aurais sans doute donné beaucoup pour pouvoir te quereller de cette manière avec tes parents mais cela n’avait jamais été une option pour toi. Tu avais bien conscience d’avoir eu une vie bien à part, un parcours dans lequel peu de personnes, voire aucune, ne pouvaient se retrouver parce que qui se retrouve mis à la porte à dix-sept ans sans un sou en poche ? Le fait que Joanne soit en train d’avoir cette conversation avec sa mère voulait dire que des deux côtés il y avait de l’amour et que des deux côtés on ne voulait pas couper les liens. Elles allaient donc devoir trouver un compromis même si ce dernier semblait concerner le père de Joanne. Quand la jeune femme remarqua ta présence, une fois le téléphone violemment raccroché, elle s’excusa que tu aies eu à entendre cette conversation mais tu pouvais comprendre qu’elle ait eu besoin de l’avoir en plein air car elle semblait étouffer sous la pression familiale. « C'est exactement ça. » Il est évident que Joanne est beaucoup moins calme qu’elle aimerait te le faire croire après cette conversation alors tu essais de trouver les bons mots, tu essais de dire ce qu’il faut pour la rassurer. Ta famille s’est brisée, tu n’as désormais plus personne sur qui compter de ce côté là et c’est un destin que tu ne souhaites à personne donc tu essais en général de convaincre les gens de ton entourage qu’une solution moins radicale que couper les liens pouvait exister. « J'ignore si on peut vraiment qualifier ça d'inquiétude. C'est un homme ...de principes, qui a des valeurs. Mais il est, disons... peu flexible. Il voit les choses d'une certaine manière et si ça ne va pas dans son sens, alors rien ne va. Je me doute qu'il ne souhaite que le meilleur pour ses enfants, mais par ses décisions et sa vision des choses, je me suis sentie restreinte, bloquée. Et je pense que j'ai déjà bien fait assez pour lui faire plaisir, j'estime que c'est à son tour de faire un effort et de prendre sur lui pour accepter la situation telle qu'elle est actuellement. » Ah … Un père peu flexible … Voilà quelque chose que tu ne connaissais que trop bien. Des fois, tu ne pouvais t’empêcher de te demander si ton père t’avait réellement aimé quand tu étais enfant pour pouvoir te mettre à la porte sans aucun doute, sans aucun regret. Tu t’étais souvent posé la question les premières années avant d’arrêter de te torturer mais tu avais fini par arriver à la conclusion que ton père aimait Dieu et les apparences plus qu’il n’aimait quoi que ce soit d’autre. « Je suis désolé que vous en soyez arrivés là. Laisse-lui un peu de temps, il finira par se rendre compte que tu es heureuse et que c’est tout ce qui compte. Ce serait bête de rompre tout contact à cause de ça. » Dis-tu en haussant les épaules. Joanne rayonnait de bonheur, c’était indéniable. Il suffisait de la voir pour s’en rendre compte. Ses yeux pétillaient dès qu’elle parlait de son mariage d’une manière plus ou moins éloignée et cela te fit sourire. Tu ne connaissais pas son conjoint mais c’était un homme chanceux. « Merci beaucoup. » La féliciter pour son mariage était la moindre des choses, c’était un geste de politesse que tu pouvais bien lui donner. Cela te fit penser à ton cas, au fait que tu n’avais pas eu la moindre relation un tant soit peu sérieuse depuis quelques années déjà. Mais tu avais fait un choix de vie en devenant famille d’accueil, une vie difficile à accepter pour beaucoup. C’est d’ailleurs de tes pensionnaires que tu parlais à Joanne en lui disant que tu profitais du calme de la journée pour venir chercher un peu d’inspiration. « Ca leur arrive, de sécher les cours ? J'espère pour toi qu'ils y resteront toute la journée. Ca ne doit pas être facile à gérer, des adolescents, à cet âge là. » Non, ce n’était pas facile à gérer. Car en plus d’être des adolescents, ils étaient persuadés d’être déjà des adultes et de n’avoir besoin de personne pour le aider à avancer. Il y avait un temps d’adaptation nécessaire quand ils arrivaient chez toi et puis parfois, de vieux démons venaient les hanter. « Ca leur arrive de moins en moins souvent. On a déménagé il y a quelques mois, le nouveau lycée leur a demandé un temps d’adaptation. » Tu préférais voir les choses ainsi. Tu mettais beaucoup d’énergie pour être un bon tuteur et tu espérais qu’en passant par chez toi, ces adolescents se rendaient comptent que le monde leur ouvrait les bras et ne les rejetait pas comme ils le pensaient si souvent. « C'est vrai ? Un nouveau livre ? J'ai hâte de voir ce que tu vas dessiner. » En général, cela étonnait les gens que tu sois dessinateur, encore plus de livres pour enfants. Mais cela avait enthousiasmé Joanne dès votre première rencontre certainement parce qu’elle avait un fils qui pouvait s’intéresser à ce genre d’ouvrage. Tu aimais ton métier et cela avait été une surprise pour toi car tu t’étais attendu à subir un métier toute ta vie. « Merci. J’espère que ce sera réussi, je n’ai encore jamais travaillé avec cet auteur. » C’était toujours un peu plus stressant que de travailler avec de nouveaux auteurs. Parce quand on travaille avec les mêmes, on commence à se connaître, à s’habituer les uns aux autres et c’est donc plus facile. Mais Joanne ne te conseillait pas de visiter l’exposition temporaire pour trouver de l’inspiration, par contre elle te conseilla une prochaine exposition. « Ce n'est vraiment pas une bonne source d'inspiration pour tes futures illustrations." lui affirma-t-elle en secouant négativement la tête. "Mais il va y avoir une nouvelle exposition de photographies qui ouvrir d'ici quelques jours, qui s'intitule "We can be heroes". Des enfants du Warakurna photographiés avec des vêtements de superhéros. De beaux clichés pour montrer aux enfants qu'ils sont capables de surmonter leurs peurs. Et il y aura toute une série d'activités pour eux à côté. Ils pourront créer leur propre superhéros, des activités de collage pour créer le monstre qu'ils devront affronter, etc. J'aime beaucoup le principe, je pense que j'y emmènerai mon fils. J'ai pensé à toi lors de la réunion de présentation, je me suis dit que ça pourrait être une belle source d'inspiration pour toi et tes futures illustrations. Les oeuvres des enfants seront aussi exposés au fur et à mesure de leur création. Et puis, tu auras le temps de déambuler là-bas, ça dure jusqu'en octobre. » Joanne avait raison, c’était une exposition qui allait grandement t’intéresser. Tu aimais toi aussi beaucoup le concept et si tu avais eu des enfants tu les y aurais amenés mais tu doutais que cela passionne tes pensionnaires. Peut-être que Julia voudra y faire un tour par curiosité mais ce sera à vérifier. Toi par contre tu es emballé par le concept et tu ne doutes pas que tu seras amené à passer d’autres journées au musée d’ici le mois d’octobre. « Il me tarde de voir ça ! C’est une idée géniale ! C’est aussi un excellent moyen de rendre le musée plus attrayant pour les enfants. » Lui dis-tu avec un clin d’œil. « Dommage que je n’ai que des adolescents qui trouvent les musées ringards. » Tu savais que c’était une période, que cette vision du musée serait amenée à changer mais pour l’instant, le musée c’était pour les vieux, ce n’était pas tendance. Tu proposais ensuite à Joanne de prendre une boisson avec toi pour continuer à discuter. Ce sera plus sympathique que de rester debout au milieu de la terrasse. Du moins si elle avait le temps. « Volontiers, mais à condition que ce soit un chocolat chaud ou un thé. » Vous alliez au comptoir où tu repris un café alors que Joanne commandait sa boisson. Tu payais le tout laissant Joanne te remercier et vous alliez vous installer une nouvelle fois à l’extérieur. Une fois installés, elle te demanda : « Ca doit être prenant, entre ton travail, et gérer tes pensionnaires. Tu arrives quand même à trouver un peu de temps pour toi ? » Tu soupires. C’était la grande question et celle que tu évitais de te poser, il fallait bien le dire. Le temps que tu t’accordais était bien mince et ne permettait pas de faire grand chose mais tu faisais au mieux. « M’accorder du temps n’est pas une priorité mais j’y arrive de temps en temps. J’ai la chance d’avoir sous mon toit des adolescents qui peuvent se prendre en charge si j’ai envie de m’absenter quelques heures un soir mais je le fais rarement. Les gens qui se lancent dans l’aventure d’être famille d’accueil le font à deux parce que c’est un choix de vie, un choix qu’il faudrait que j’impose à mon compagnon et peu sont prêts à ça. » Et tu ne leur en voulais pas mais tu avais conscience que cela t’empêchait de faire certaines choses.
Joanne n'arrivait plus à placer d'espoir en ce qui concernait son père. Leur dernière entrevue l’avait véritablement mise en colère, et ceux qui connaissaient la petite blonde savait bien qu'il fallait la pousser à bout pour la voir énervée. Elle estimait que ce n'était plus à elle de faire d'efforts, de tenter de l'inclure dans sa vie de famille. Elle en souffrait bien plus qu'elle ne voulait en montrer. Tout le monde en pâtissait finalement. Sa mère ne comptait pas baisser les bras, persévérante au possible. Aucune tentative n'était vaine à ses yeux, bien que cela finisse par exaspérer sa fille. Elles étaient habituellement très complices et sur la même longueur d'ondes. Jane était bien plus attachée à sa famille qu'aux valeurs qui faisaient que son époux reste campé sur sa position. Fichus principes. Casey tentait de la faire relativiser, de la convaincre de ne finalement pas être comme son père. Joanne pouvait être particulièrement bornée comme son paternel. La petite blonde esquissait un sourire reconnaissant à son interlocuteur. Il n’alimentait cette amertume déjà bien présente. Non, il ne cherchait qu'à l’apaiser. Joanne ignorait qu'il était coupé de sa famille, elle ne se doutait donc pas qu'il cherchait peut-être à faire ce qu'il n'avait pas su faire avec sa propre famille. “Il a tout le temps qu'il faut, si c'est ce dont il a véritablement besoin.” dit-elle en haussant les épaules. Joanne soupira. “Il a toujours été très protecteur et… Ça me rend tout aussi triste de constater qu'il n'est pas capable de voir combien je suis heureuse avec mon mari et avec notre fils.” Tristesse et colère. Un mélange qui ne faisait pas bon ménage, mais c'était les premières émotions qu'elle ressentait dès qu'elle pensait à son père. Elle n'aimait pas en parler parce qu'elle ne voulait pas que cela touche sa propre famille. Ils étaient enfin heureux et réunis et ne laisseraient personne compromettre ce bonheur là. “Il sait où me trouver lorsqu'il y aura réfléchi.” conclut-elle avec un rictus bien peu optimiste. Elle peinait à croire que son père puisse surpasser ses principes et valeurs. Il n'avait pas encore eu l'occasion de voir le visage rayonnant de sa fille lorsque ses yeux tombaient sur l'alliance qui décorait son doigt. La même expression que Casey avait l'opportunité de voir lorsqu'il la félicitait pour son mariage. Elle n'avait jusqu'ici jamais demandé si lui avait quelqu'un dans sa vie. Il n'avait jamais mentionné quelqu'un en particulier et c'était le genre de sujets qui pouvaient être très sensibles. Elle craignait bien trop de le blesser en abordant le sujet et ne voulait pas paraître indiscrète. Il semblait avoir trouvé son bonheur en hébergeant et en s'occupant d'adolescents. Cela ne devait pas être facile à gérer tous les jours, surtout que les jeunes avaient récemment changé d'établissement scolaire. “Ils vont finir par s’y faire. Ils vont se faire de nouveaux amis, trouver des activités durant leur temps libre.” Joanne ne les connaissait pas, mais elle se montrait très optimiste pour eux. “Et parfois, un peu de changement ne fait pas de mal. Nouveau départ, nouvelles initiatives et motivations. Ça pourrait leur être bénéfique.” Elle ne dissimulait absolument pas son enthousiasme lorsque Casey lui confiait qu'il devait faire des illustrations pour un nouveau livre pour enfants. Elle apportait un peu de son aide en lui conseillant (ou déconseillant) des expositions qui lui pourraient lui servir comme source d'inspiration. Joanne n’hésitait pas à partager son avis personnel, et lui conseillait vivement une exposition temporaire. Le brun en était tout aussi enthousiaste. Il était quelque peu dépité que les adolescents dont il avait la charge n’aient pas d'intérêt particulier pour les musées. “Les animateurs font des activités par tranche d’âge, tu sais.” lui dit-elle. “Je m'intéresse constamment à ce qu’ils préparent, et si jamais je repère quelque chose qui pourrait intéresser vos jeunes, je pourrais te tenir informer.” lui proposa-t-elle. “Peut-être qu'ils auront une révélation.” Un petit rire s'échappa de la bouche de la petite blonde. Elle faisait partie de cette toute petite minorité d'adolescents qui adoraient passer son temps libre au musée. Joanne était plutôt solitaire. Ses amis, elle pouvait les compter sur les doigts d'une seule main lorsqu'elle avait cet âge. Elle avait son petit monde, elle avait ses livres et les musées. C'était un ensemble qui lui convenait très bien à l'époque. “C’est en déambulant dans les musées à leur âge que j'ai su ce que je voulais faire comme métier.” Joanne adorerais voir d'autres adolescents se découvrir. Pas forcément dans un musée, pas forcément pour devenir pour devenir conservateur. Mais elle rêvait d'être témoin de ce genre de déclics lorsqu'ils trouvaient leur voie. Elle espérait que son propre fils trouve sa vocation, qu'il trouve un métier qu'il adorerait exercé, qu'ils trouvent les activités qui l'épanouissent. Elle ne voulait que le meilleur pour lui. Casey lui proposa de boire une boisson. Un prétexte pour Joanne de prolonger sa pause pendant quelques minutes supplémentaires. On ne lui en voudrait pas, elle avait travaillé d'arrache-pied ces derniers mois, elle méritait bien une pause un peu prolongée cette semaine-ci. On lui préparait donc un chocolat chaud et rien s’installait en compagnie du brun. Il s'ouvrait un peu plus à elle lorsqu'il reconnaissait n’accordait que très peu de temps pour lui. Immédiatement, Joanne se reconnaissait. Si Jamie ne la poussait pas à penser à elle, elle s’oublierait totalement pour lui et pour leur fils. On ne pouvait pas dire qu'elle s’était franchement améliorée, mais elle était bien moins dans cet extrême. Elle s’accordait parfois un peu de temps pour lire quelques chapitres de son livre. Joanne était une personne particulièrement ouverte d'esprit, aux antipodes de son père. C'est pourquoi Casey ne remarquera pas une seule expression de surprise ou stupéfaction lorsqu'il révélait indirectement sa sexualité. “Tu sais, si tu trouves une personne qui t’aime sincèrement, avoir cette responsabilité que de s'occuper de jeunes comme vous le faites sera un plaisir qu'il serait ravi de partager avec toi. Et je pense que cette même personne sera celle qui te poussera à prendre du temps pour toi. Crois-en mon expérience.” lui dit-elle avec encouragement. “Si je n'avais pas mon mari, je me consacrerai à mon fils à longueur de journée, sans répit. Et pour l'avoir fait pendant plusieurs mois, sans penser une seule seconde à moi, je peux te dire qu'au moment où l’on a une pause, on se rend compte combien cela peut être usant.” L'événement ayant arrêté ce rythme infernal était l'arrêt cardiaque de Jamie. Joanne tenait le coup, elle savait être particulièrement endurante s’il s'agissait de prendre soin d'autrui. “Ne t’épuise pas à la tâche.” lui dit-elle d'une voix douce et rassurante. Elle but une très fine gorgée de sa boisson et constata que c'était encore bien trop chaud pour elle. “Et tu trouveras cette perle rare.” Joanne est une très grande romantique. L’amour avec un grand A, la certitude de l'existence de son âme soeur, les coups de foudre. “Ça prend parfois du temps, mais le jeu en vaut la chandelle.” On ne pourra pas la faire changer d’avis là-dessus. Elle lui souriait, elle était optimiste pour lui. Ils avaient déjà échangé plusieurs fois, mais Joanne n'avait pas souvenir qu’ils aient déjà abordé des sujets aussi personnels. Elle était ravie d’en apprendre un peu plus sur lui. “Ça ne vous manque pas de trop, d'avoir une telle personne dans votre vie ?” lui demanda-t-elle avec une certaine timidité, craignant de commencer à marcher sur un terrain glissant. Elle supposait que s'occuper de ses pensionnaires devaient aider à combler ce vide. Quoiqu’elle connaissait des personnes qui préféraient rester seules. Elle pouvait le comprendre mais ce n'était pas quelque chose qu'elle pouvait appliquer sur sa propre vie. Elle avait besoin d'aimer et d'être aimée. Elle se demandait simplement dans quelle case le brun se rangeait.
Pour toi la famille c’est fini. Il n’est pas question que tu remettes les pieds dans ton village pour essayer de voir si tes parents ont changé depuis toutes ces années car pour toi, quand on est capable de mettre son enfant à la porte à dix-sept ans et de lui bloquer ses comptes en banques quelques jours plus tard, on ne mérite pas que cet enfant revienne pour donner des nouvelles. Tu n’as plus mis les pieds à l’ouest du pays depuis bien longtemps et cela va rester ainsi. Par contre, tu es le premier à essayer de rabibocher les gens avec leurs familles quand c’est possible. Tu le fais parce que grandir, s’épanouir sans sa famille, c’est quelque chose que tu ne souhaites à personne. Et puis des fois, de petites choses prennent une dimension bien trop grande et en général, quand tu racontes ton histoire aux personnes en face de toi, elles sont rapidement capables de relativiser. Toutefois, tu n’es pas non plus partisan de l’idée de tout pardonner à sa famille rien que pour les garder près de soi. Si Joanne considère que son père a été trop loin, elle a tout à fait raison de le lui faire savoir. S’ils étaient proches et que son père veut retrouver cette proximité, il sera obligé de se remettre en question et après un certain temps, cela mènera sans doute à une discussion qui arrangera les choses. Tu restes persuadé que c’est une histoire de temps car chacun a besoin de mettre de l’eau dans son vin et cela finira par s’arranger. Ton optimisme sur les histoires de famille des autres surprend toujours beaucoup les gens mais tu fais parti de ceux qui croient profondément que quand un amour profond et sincère lie les membres d’une famille et qu’il existe une ouverture d’esprit et de la tolérance, tout peut finir par s’arranger. Dans la tienne, l’amour de Dieu était plus grand que l’amour de la progéniture et face à cette situation, à dix-sept ans, il n’y a pas grand chose à faire. « Il a tout le temps qu'il faut, si c'est ce dont il a véritablement besoin. Il a toujours été très protecteur et… Ça me rend tout aussi triste de constater qu'il n'est pas capable de voir combien je suis heureuse avec mon mari et avec notre fils. Il sait où me trouver lorsqu'il y aura réfléchi. » Tu hoches la tête. La déception est clairement perceptible dans les paroles de Joanne et tu n’as aucun mal à comprendre que son père l’ait réellement blessée. Cela arrive, les gens qui nous sont le plus proches sont ceux qui sont amenés à nous blesser le plus. Mais tu restes optimiste pour la jolie blonde car un père protecteur veut dire un père aimant. Le tient aurait sans doute préféré te voir mourir que de devoir faire face à la honte que tu lui avais causé et que tu lui causais sans doute toujours auprès des personnes se souvenant de ton existence. « Nos parents pensent toujours savoir ce qui est le mieux pour nous. Ce n’est pas facile d’accepter que des fois ils doivent nous faire confiance et nous laisser décider ce qui nous rend heureux. » Dis-tu à la jeune femme avant d’ajouter : « Mais la protection d’un père est liée à un amour profond et sincère. Je ne doute pas que vous allez finir par vous retrouver un jour ou l’autre. » Tu comprenais qu’elle soit dubitative car quand on est déçu et en colère on voit souvent les choses à court terme mais tu le pensais sincèrement. Après avoir félicité Joanne pour son mariage, elle te demanda de tes nouvelles et tu ne pus t’empêcher de faire une petite plaisanterie sur tes pensionnaires et le fait qu’ils séchaient les cours plus souvent que tu ne l’aimerais. Enfin surtout Elio car les deux autres semblaient s’être faits une raison dans ce nouveau quartier et même si ce n’était pas simple tous les jours, au moins ils suivaient les cours sans problème. « Ils vont finir par s’y faire. Ils vont se faire de nouveaux amis, trouver des activités durant leur temps libre. Et parfois, un peu de changement ne fait pas de mal. Nouveau départ, nouvelles initiatives et motivations. Ça pourrait leur être bénéfique. » Tu ne doutais pas que sur le long terme ils allaient s’habituer à ce nouveau quartier mais tu aurais préféré les faire emménager dans un quartier plus accueillant, un quartier plus compréhensif qui n’était pas sur leur dos au moindre faux pas. C’était épuisant de devoir gérer le voisinage pour essayer de les préserver au maximum. Ils avaient déjà passé une grande partie de leur vie à être rejetés, tu voulais que cela s’arrête. « Oh ils ont déjà commencé à s’adapter, ils y arriveront c’est certain. Je pensais les faire emménager dans un quartier familial sympa qui leur donnerait l’impression de faire parti d’une communauté. Il se trouve que le quartier est familial seulement pour les couples hétérosexuels avec deux enfants blancs. » Dis-tu en soupirant. Voilà le genre de manière de penser que tu fuyais depuis des années, elles te rappelaient trop tes parents. Mais il n’était pas question de déménager de nouveau, il allait falloir trouver une solution pour cohabiter. Joanne te parla ensuite des nouveautés du musée et de l’exposition qui n’allait pas tarder à faire son apparition et qui, d’après elle, allait beaucoup plus t’intéresser que celle qu’ils avaient actuellement. Tu ne doutais pas une seule seconde des bons conseils de Joanne et tu regrettais de ne pouvoir amener tes adolescents très souvent entre ces murs. « Les animateurs font des activités par tranche d’âge, tu sais. Je m'intéresse constamment à ce qu’ils préparent, et si jamais je repère quelque chose qui pourrait intéresser vos jeunes, je pourrais te tenir informer. Peut-être qu'ils auront une révélation. C’est en déambulant dans les musées à leur âge que j'ai su ce que je voulais faire comme métier. » Tu souris à cette idée. Tu n’avais aucun mal à imaginer Joanne en train de passer son temps libre dans les musées. Pour toi, c’était presque comme si elle était devenue une partie du musée. Quand tu venais et qu’elle n’était pas là, tu étais presque déçu. Mais tes pensionnaires n’étaient pas vraiment intéressés par ces choses-là et tu pouvais le comprendre. Toi non plus à leur âge tu ne courrais pas les musées. « Je ne dis pas non, je les amènes une fois de temps en temps, pour leur faire toucher du doigt cet univers. Ils n’y ont souvent jamais mis les pieds et ce n’est souvent pas le bon moment dans leur vie mais j’essaie. » Lui dis-tu avec un sourire. Tu ne réussissais pas toujours tout avec tes pensionnaires. Ta mission première était qu’ils prennent confiance en eux et qu’ils réussissent à l’école. Le reste c’était du bonus, s’ils restaient assez longtemps tu pouvais leur transmettre plus de choses dont tes passions si cela les intéressait. Mais tu étais partisan de l’idée qu’ils devaient chacun trouver leur passion, peu importe ce qu’elle était et tu les encourageais dans cette dernière. Joanne mis ensuite le doigt là où cela fait particulièrement mal. En effet, elle te demanda si tu avais quelqu’un dans ta vie et si tu prenais du temps pour toi. S’il t’arrivait de prendre du temps pour toi, trouver quelqu’un avec qui partager ta vie était une tâche beaucoup plus ardue. « Tu sais, si tu trouves une personne qui t’aime sincèrement, avoir cette responsabilité que de s'occuper de jeunes comme vous le faites sera un plaisir qu'il serait ravi de partager avec toi. Et je pense que cette même personne sera celle qui te poussera à prendre du temps pour toi. Crois-en mon expérience. Si je n'avais pas mon mari, je me consacrerai à mon fils à longueur de journée, sans répit. Et pour l'avoir fait pendant plusieurs mois, sans penser une seule seconde à moi, je peux te dire qu'au moment où l’on a une pause, on se rend compte combien cela peut être usant. Ne t’épuise pas à la tâche. Et tu trouveras cette perle rare. Ça prend parfois du temps, mais le jeu en vaut la chandelle. » Tu voulais bien croire Joanne et tu espérais sincèrement qu’une telle personne existait mais tu n’étais pas du genre à croire que tu avais une bonne étoile et que la chance allait te sourire. Non, tu doutais qu’une telle personne allait vraiment croiser ton chemin parce que même si le monde change, beaucoup d’homosexuels ne s’assument pas ou ne veulent pas la responsabilité d’avoir des enfants. Tu peux comprendre qu’ils ne veuillent pas assumer de telles responsabilités même si cela te fend souvent le cœur. Voilà pourquoi tu en as marre d’essayer. « Ça ne vous manque pas de trop, d'avoir une telle personne dans votre vie ? » C’était une question que l’on ne te posait pas souvent. Peut-être parce que les personnes à qui tu te confiais d’habitude connaissaient ton histoire et savaient donc qu’être seul et ne compter que sur toi était une habitude désormais. Joanne elle était entourée et protégée certainement depuis toujours alors la solitude devait être une crainte pour elle alors qu’elle était la norme pour toi. « J’aimerais avoir une telle personne dans ma vie mais cela va faire vingt ans que je ne peux compter sur personne à part moi-même alors je ne peux pas dire que cela me manque car je n’ai plus personne sur qui compter ou me reposer depuis longtemps. » Si tu tiens debout aujourd’hui c’est parce que tu n’as cessé de te battre. Toute ta vie aura été un combat et aujourd’hui, tu te bats pour que ces adolescents n’aient pas la même vie pourrie que toi. Tu espères qu’ils reviendront te voir, à un moment ou à un autre. C’est le cas de certains pour qui tu es devenu la famille qu’ils n’auront jamais et ça c’est ce qui te permet d’avancer. « J’aime beaucoup ton optimisme et j’aimerais croire qu’une telle personne existe mais pour l’instant je ne croise que des hommes dans le placard et d’autres voulant éviter les responsabilités. J’ai fait mon choix en connaissance de cause, je ne peux pas reprocher aux autres de ne pas avoir les mêmes envies que moi. » Lui dis-tu avec un petit sourire parce que tu ne voulais pas qu’elle te plaigne, tu n’étais pas à plaindre loin de là.
Les parents qui pensent savoir ce qui est le mieux pour leurs enfants. Si on lançait Joanne dans cette conversation là, leur discussion pouvait durer beaucoup plus longtemps. Quoique, bien qu'étant victime de cette surprotection, ce n'était pas elle que ça exaspérait le plus. Ayant grandie dans cette atmosphère, elle ne se rendait pas compte de tout, et il y avait certaines choses qui lui semblaient être normales qui ne l'étaient absolument pas pour d'autres personnes lambda. Il s'agissait plus de personnes extérieures, qui connaissaient très bien la petite blonde, qui pouvaient constater l'impact que l'attitude quasi malsaine de ses parents sur la personnalité de la plus jeune des Prescott. Un frein considérable qui l'empêchait d'être véritablement elle-même. Mais Casey soulevait un point que la jeune femme avait tendance à oublier. Que si son père cherchait tant à la protéger, c'était uniquement par amour. Joanne venait à se demander ce dont elle était prête à faire lorsqu'il s'agissait de son fils, et elle se devait de reconnaître qu'elle était capable de tout pour lui. Peut-être que son père avait besoin de temps, pour constater de lui-même qu'elle était heureuse avec Jamie, qu'il prenait soin d'elle tout comme elle prenait soin de lui, qu'ils s'aimaient sincèrement. Jamie lui avait pourtant dit que c'était également une sécurité financière, ayant bien compris qu'il n'était pas immortel suite aux événements de l'année passée. Casey semblait si sûr de lui, lorsqu'il disait qu'il savait que son père et elle allaient finir par se réconcilier. Reprendre une relation plus saine, retrouver cette complicité. Elle espérait qu'il finisse par apprécier Jamie, qu'il apprenne enfin à mieux le connaître, à voir qu'il était un homme bon. Elle échangea avec son interlocuteur un léger sourire. Le seul moyen de savoir comment tout allait se terminer était d'attendre. Le sujet était donc clos. Ils continuaient de parler des pensionnaires de Casey. Gérer des adolescents n'était pas une mince affaire, mais le brun semblait bien s'en sortir. Dans tous les cas, les lycéens s'étaient apparemment déjà bien acclimatés à leur nouveau chez-eux et à leur nouveau lycée. Seulement, l'ambiance régnant à Logan City ne semblait pas convenir à Casey. Des discriminations, il y en avait partout. "J'y ai vécu, pendant un temps, à Logan City." avoua-t-elle avec un sourire gêné. "Après, je ne connaissais pas vraiment le voisinage pour savoir ce qu'ils pouvaient penser." Quoi que l'un d'eux avait fini par dénoncer Jamie. "Je sais que ça ne changera rien, mais je suis désolée si tu tu sens ainsi là-bas." dit-elle d'un air navré. Tout le monde n'était pas aussi ouvert d'esprit, bien malheureusement. Joanne se sentait mal lorsqu'elle savait qu'il y avait quelqu'un qu'elle connaissait qui vivait encore ce genre d'injustice. "Vous ne devez pas vous laisser abattre par ce qu'ils pensent. Ils devront bien s'y faire, et qui sait, vous parviendrez peut-être à faire changer certaines mentalités. Il va peut-être falloir du temps, et ils devront apprendre à vous connaître." dit-elle, optimiste, avec un sourire confiant et rassurant. "C'est quand même un joli quartier, et c'est calme. Vous finirez par vous y plaire,, j'en suis certaine." La proximité des parcs, la tranquillité. Tout n'était pas agglutiné, il y avait beaucoup de verdures. C'était un cadre idéal. Un cadre que Casey adorerait profiter avec quelqu'un d'autre. Une moitié avec qui partager son quotidien, autant les bonheurs que les petits tracas. Mais il semblerait qu'il n'ait pas pu encore rencontré son âme soeur. "Tu trouveras quelqu'un." lui assura-t-elle en posant une main amicale sur son épaule. "Et en attendant, dis-toi que tu peux compter sur moi. Si un jour tu as besoin de quoi que ce soit, tu peux compter sur moi." Une amie ne valait pas l'être aimé, ce n'était pas les mêmes rapports, les mêmes discussions, la même entente. Néanmoins, dans que Joanne pensait comprendre, Casey semblait vivre une vie plutôt solitaire, peu entouré, si ce n'est pas ces jeunes qu'il hébergeait. "Je sais être optimiste pour les autres, pour moi, un peu moins, j'avoue." reconnut-elle ensuite. "Ma mère m'a toujours dit que ça viendra lorsque ça voudra, et souvent, c'est lorsque l'on s'y attend le moins." Jamais Joanne n'aurait pu penser qu'à peine débarquée au Queensland University, elle tomberait sous le charme d'Hassann. Jamais n'aurait-elle cru retomber amoureuse après son divorce, et pourtant la voilà remariée, avec un enfant, et un très grand désir d'en avoir un deuxième. "Et tu te permets de sortir de temps en temps ? Ne serait-ce que de faire un tour en ville, ou même près de l'eau. Ca pourrait te ressourcer, te permettre de voir du monde. Enfin pour moi, je sais que dès que j'ai trop en tête, ou quand je suis contrariée, j'ai besoin de marcher, de me recentrer. Après mon divorce, ma soeur m'obligeait à sortir le soir, à aller boire un verre au lieu de m'isoler chez moi. Honnêtement, j'y allais uniquement pour lui faire plaisir et pour qu'elle me laisse ensuite un peu tranquille." dit-elle avec un rire nerveux. "Mais c'est comme ça que j'ai rencontré mon mari." Joanne ne préférait pas s'étendre et raconter ce qu'il s'était véritablement passé. Pour les plus curieux, ils préféraient raconter leur deuxième rencontre et faire croire que c'était la première. Ils gardaient tous les deux précieusement ce secret, les véritables circonstances, pour eux deux et cela les faisait toujours sourire. Ca les amusait plus qu'autre chose au final. "Il y a forcément quelqu'un qui a les mêms envies que vous, les mêmes désirs, et les mêmes valeurs. Et si ce n'est pas le cas, s'il vous aime véritablement, il les apprendra. Ne t'arrête pas sur le fait que ton choix de vie limite forcément l'éventail des possibilités. Je sais bien que tu le ressens de cette façon là, mais ne te laisse pas abattre. Tu es déjà doté d'une sacrée patience pour arriver à gérer des adolescents quotidiennement, alors tu en auras largement assez pour attendre ta moitié." Tous les parents ayant des enfants de cet âge disaient la même : les adolescents, ce n'est vraiment pas facile. Crise identitaire, questions existentiels, recherche d'autonomie et d'indépendance, ce n'était pas une mince affaire. "Et tu ne pourras pas me faire changer d'avis là-dessus. Je suis une très grande romantique pour l'âme et je crois fermement au fait qu'il y a forcément quelqu'un pour toi, peut-être même bien plus près que tu ne puisses le penser." Elle lui fit un clin d'oeil et but une gorgée de son chocolat chaud, qui était enfin à une température que son palais pouvait tolérer. D'ailleurs, boire de sa boisson lui donnait une idée. "Tu sais qu'on pourrait faire ? C'est qu'un soir, ou une après-midi si je parviens à me libérer, on aille se promener ensemble en ville. Ou à la plage, ou aller boire un verre quelque part. Je ne sais pas vraiment ce que tu aimes faire. Juste une fois, faire un peu ce dont tu as envie, t'aérer un peu l'esprit. On ne sera pas autant limité dans le temps que ça ne l'est aujourd'hui, et je me suis que ça pourrait être plutôt sympathique." Ils se connaissaient depuis quelques temps désormais, sans vraiment en savoir de trop. Mais en cette journée, il y avait eu bien des révélations sur l'un l'autre, de quoi un peu mieux se cerner et se comprendre. Joanne jugeait que c'était une bonne occasion pour se voir dans un autre cadre, et sympathiser davantage. Elle n'était pas le genre de personnes qui avait beaucoup d'amis, loin de là, mais elle avait pu faire quelques rencontres dernièrement. Ce qui lui avait permis de réaliser qu'elle avait bien besoin de personnes en dehors de son couple avec qui passer un peu de temps. Et elle avait l'impression que Casez avait également besoin un peu de ce temps là. "Si ça te dit, bien évidemment, je ne veux pas te forcer la main. Selon nos disponibilités respectives, nous nous trouverons bien un moment. Ou même entre midi et deux, si tu préfères. Et la prochaine fois, c'est moi qui paie le verre." Puisqu'il lui venait de payer le chocolat chaud. "Qu'en dis-tu ?" demanda-t-elle d'un air enjoué , avec un sourire ravi, bien enthousiaste de son idée depuis qu'elle l'avait énoncée.
Le sujet familial touchait à sa fin et c’était tant mieux. Tu n’avais pas envie de raconter à Joanne tes propres relations familiales. Les conseils que tu lui donnais, c’était des conseils que tu aurais aimé appliquer à ta propre vie mais ta famille était aujourd’hui constituée de personnes que tu avais eu la chance de rencontrer en vieillissant et que tu considérais aujourd’hui comme ta famille. Et tu n’étais pas prêt à accepter de leur part des reproches ou des commentaires sur ta vie. Tous connaissaient ton histoire et il ne leur avait sans doute pas traversé l’esprit de te déconseillé de te lancer dans ce projet de famille d’accueil. Tu avais été conscient dès le début que cela n’allait pas être facile car tu allais accueillir des adolescents et tu venais de commencer ton job de dessinateur mais tu avais eu besoin de te lancer dans ce projet et aujourd’hui, cinq ans plus tard, tu ne le regrettais pas une seule seconde. Ces adolescents étaient ta raison de vivre et d’avancer, ils te donnaient un but. En leur offrant un toit, tu leur offrais aussi ton soutien et ton affection et tu espérais changer le cours de leur vie, leur donner à voir des horizons moins noirs, moins catastrophiques. Tu n’y arrivais pas tout le temps mais quand c’était le cas, les voir évoluer c’était ta plus belle récompense. Emménager à Logan City avait été une nécessité car vous aviez tous eu besoin de plus d’espace mais tu t’étais dit que ce serait un changement qui ferait du bien et le quartier t’avait beaucoup plu à première vue. Le quartier te plaisait toujours autant, c’était tes voisins qui posaient problème. « J'y ai vécu, pendant un temps, à Logan City. Après, je ne connaissais pas vraiment le voisinage pour savoir ce qu'ils pouvaient penser. Je sais que ça ne changera rien, mais je suis désolée si tu tu sens ainsi là-bas. » Tu lui fis un petit sourire. Tu avais l’habitude d’être rejeté. Tu avais passé ta vie à être jeté par les uns et par les autres à commencer par tes parents. Mais c’était quelque chose que tu avais voulu éviter au maximum pour les adolescents que tu accueillais. Ils méritaient d’être accueillis comme tous les autres adolescents. Certes, ils faisaient des conneries de temps en temps qui passaient mal dans le quartier mais personne ne leur donnait une chance. C’était vraiment dépitant pour toi de voir ce spectacle mais tu n’avais pas vraiment le choix maintenant et tu ne doutais pas une seule seconde que Kelly allait continuer à monter le quartier contre toi comme elle te l’avait promis. « Vous ne devez pas vous laisser abattre par ce qu'ils pensent. Ils devront bien s'y faire, et qui sait, vous parviendrez peut-être à faire changer certaines mentalités. Il va peut-être falloir du temps, et ils devront apprendre à vous connaître C'est quand même un joli quartier, et c'est calme. Vous finirez par vous y plaire, j'en suis certaine. » Joanne semblait être optimiste en toutes choses. Tu espérais qu’elle avait raison mais tu doutais que les choses s’arrangent rapidement ou même un jour. Avec Kelly contre toi, tu étais sûr et certain que ta vie dans le quartier allait devenir encore plus compliquée qu’elle ne l’était déjà. Si cela ne te concernait qu’à toi, ça n’aurait pas d’importance mais tu devais penser à tes adolescents avant de penser à toi. « C’est un très joli quartier, c’est pour ça que j’y ai investi. Je ne compte pas déménager de nouveau ou me laisser chasser par mes voisins c’est juste que les adolescents que j’héberge n’ont connu que le rejet avant d’arriver chez moi, je voulais autre chose pour eux. » Dis-tu en haussant les épaules. Tu n’auras certainement jamais d’enfant et on te l’a fait remarquer à plusieurs reprises, ton instinct paternel est assez développé. Alors ces adolescents qui ont vécu quelque chose similaire à ton expérience, ce sont comme s’ils étaient tes propres enfants et ils passeront toujours en premier. Joanne te questionna ensuite sur ta vie amoureuse, chose que l’on n’avait pas fait depuis longtemps et qui t’amusa. Encore une fois, son optimisme te surprenait et venait clacher ton réalisme à la limite du pessimisme. « Tu trouveras quelqu'un. Et en attendant, dis-toi que tu peux compter sur moi. Si un jour tu as besoin de quoi que ce soit, tu peux compter sur moi. Je sais être optimiste pour les autres, pour moi, un peu moins, j'avoue. Ma mère m'a toujours dit que ça viendra lorsque ça voudra, et souvent, c'est lorsque l'on s'y attend le moins. » Etre optimiste pour les autres mais jamais pour soi, c’était facile. Mais Joanne était désormais mariée donc elle devait y avoir cru. Ce n’était pas que tu ne croyais pas pouvoir trouver quelqu’un, tu essayais toujours c’était simplement que c’était plus compliqué et que le fait que tu sois famille d’accueil n’arrangeait pas vraiment les choses. « Cela fait trente-cinq ans que j’attends, je peux bien continuer. » Dis-tu en haussant les épaules. « Mais merci pour ton optimisme et ton soutien. » Lui dis-tu sincèrement. Tu avais l’habitude d’être rejeté alors tu ne t’en formalisais plus vraiment désormais. Pour beaucoup, le rejet était mal vécu et toi aussi tu l’avais mal vécu au début mais plus aujourd’hui. On t’avait toujours préféré quelqu’un d’autre et c’était une réalité à laquelle tu avais fini par t’habituer. « Et tu te permets de sortir de temps en temps ? Ne serait-ce que de faire un tour en ville, ou même près de l'eau. Ca pourrait te ressourcer, te permettre de voir du monde. Enfin pour moi, je sais que dès que j'ai trop en tête, ou quand je suis contrariée, j'ai besoin de marcher, de me recentrer. Après mon divorce, ma soeur m'obligeait à sortir le soir, à aller boire un verre au lieu de m'isoler chez moi. Honnêtement, j'y allais uniquement pour lui faire plaisir et pour qu'elle me laisse ensuite un peu tranquille. Mais c'est comme ça que j'ai rencontré mon mari. Il y a forcément quelqu'un qui a les mêms envies que vous, les mêmes désirs, et les mêmes valeurs. Et si ce n'est pas le cas, s'il vous aime véritablement, il les apprendra. Ne t'arrête pas sur le fait que ton choix de vie limite forcément l'éventail des possibilités. Je sais bien que tu le ressens de cette façon là, mais ne te laisse pas abattre. Tu es déjà doté d'une sacrée patience pour arriver à gérer des adolescents quotidiennement, alors tu en auras largement assez pour attendre ta moitié. Et tu ne pourras pas me faire changer d'avis là-dessus. Je suis une très grande romantique pour l'âme et je crois fermement au fait qu'il y a forcément quelqu'un pour toi, peut-être même bien plus près que tu ne puisses le penser. » Tu appris grâce à cette petite tirade que Joanne avait donc déjà été mariée et qu’elle avait divorcée avant de se remarier. Peut-être que c’était pour ça que son père était réticent ? Enfin, tu seras la dernière personne à la juger. Mais cela te permet d’en savoir un peu plus sur la belle jeune femme blonde du musée. « L’avantage avec des adolescents c’est qu’ils peuvent se garder tout seuls. » Dis-tu avec un sourire en coin sur le visage. « Je sors de temps en temps avec des amis et je m’accorde du temps pour moi comme aujourd’hui par exemple. Mais cela reste difficile. La plupart des personnes homosexuelles ont encore du mal à l’assumer et après avoir vu l’homme que j’aimais se marier avec sa meilleure amie pour espérer échapper à sa condition, je préfère encore rester seul. » Dis-tu rempli d’amertume. Il y a certaines choses qui ne passent pas, mais alors pas du tout peu importe que cela se soit passé il y a plus de dix ans. « Et ceux qui l’assument cherchent à éviter toutes sortes de responsabilités. Ce n’est pas du pessimisme de ma part, c’est du réalisme. Mais je continue à chercher, je n’abandonne pas, j’ai juste perdu cette innocence et cette foi en l’autre que l’on peut avoir lors de toute nouvelle rencontre. » Dis-tu tranquillement. Les hétérosexuels avaient leurs propres problèmes quand ils rencontraient des gens mais ils n’avaient jamais celui de savoir s’ils devaient se cacher ou non car ils étaient dans la norme et cela ne posait pas de problèmes. « Tu sais qu'on pourrait faire ? C'est qu'un soir, ou une après-midi si je parviens à me libérer, on aille se promener ensemble en ville. Ou à la plage, ou aller boire un verre quelque part. Je ne sais pas vraiment ce que tu aimes faire. Juste une fois, faire un peu ce dont tu as envie, t'aérer un peu l'esprit. On ne sera pas autant limité dans le temps que ça ne l'est aujourd'hui, et je me suis que ça pourrait être plutôt sympathique. Si ça te dit, bien évidemment, je ne veux pas te forcer la main. Selon nos disponibilités respectives, nous nous trouverons bien un moment. Ou même entre midi et deux, si tu préfères. Et la prochaine fois, c'est moi qui paie le verre. Qu'en dis-tu ? » Tu souris à Joanne. C’était assez rare pour toi de rencontrer des gens qui étaient remplis de bonnes intentions et de gentillesse. En général c’était plutôt la haine, le ressentiment et le rejet que tu rencontrais mais tu avais eu la chance de tomber sur Joanne et peut-être venais-tu, sans le savoir, de te faire une amie, un soutien qui pourrait s’avérer inestimable. « Je suis partant à cent pourcent pour ton idée. C’est avec plaisir que je te suivrai dans une petite aventure qui nous permettra de nous ressourcer et de mieux nous connaître. C’est vraiment très gentil de proposer. » Tu avais besoin de faire des pauses de temps en temps alors pourquoi ne pas les faire avec Joanne ? « Tu n’as qu’à me donner ton numéro, je te donne le mien et quand tu es disponible envoie-moi un message pour que l’on puisse se voir. » Lui dis-tu parce qu’entre son travail, son fils et son mari, elle devait être elle aussi occupée.
Joanne n'avait plus de véritables raisons de traîner à Logan City. Il y avait Hassan, mais il ne lui avait pas adressé un mot depuis des mois. Il y avait Kelly, qui elle n'avait pas pu s'empêcher d'espionner sa conversation avec le brun, alors qu'elle lui avait assurée quelques temps plus tôt qu'elle n'était pas une voyeuse. Il y avait dans ce quartier autant de beaux souvenirs que de mauvais. Vivre dans ce quartier avait été une étape dans sa vie, et elle était particulièrement heureuse de se trouver désormais à Bayside. Mais Casey démarrait là-bas et il comptait bien y rester malgré les médisancces du voisinage. C'était avant tout un cadre idéal pour les jeunes qu'il hébergeait. La petite blonde était heureuse de voir qu'il ne se laissait pas abattre. A sa place, Joanne se serait très rapidement isolée, pourr finalement partir. Elle était admirative, pour de nombreuses raisons. Ce qui était peut-être le plus triste était à quel point il semblait habitué à ce genre d'attitude. Certes, on pouvait être particulièrement conservateur dans ce pays, mais c'était déroutant à quel point ils parvenaient à tolérer certains, et d'autres, absolument pas. Elle pensait à son père et elle ne saurait dire quel était son avis sur la question. Vu sa réaction par rapport à son mariage avec Jamie, elle ignorait quel était son point de vue sur ce genre de choses. Elle ne voulait pas supposer, elle ne voulait plus penser à lui pour le moment. Elle souriait à Casey avec encouragement. Que ce soit pour s'adapter à la vie du quartier où à trouver l'amour. Il y parviendrait, elle en était persuadée. "Je me dis que ça peut toujours aider, de se sentir un peu soutenu." répondit-elle. Il n'avait pas à continuer à se sentir seul et isolé parce qu'il l'avait toujours été. Peut-être qu'il était ensuite plus difficile d'accorder sa confiance à autrui, de croire aux bonnes intentions, qu'il y avait encore des personnes qu'il n'avait pas encore rencontré qui étaient prêtes à le soutenir. Après tout, après trente-cinq ans, Joanne avait fini par croiser son chemin. Les belles rencontres pouvaient se faire tout au long d'une vie, il n'était jamais trop tard pour quoi que ce soit. La jeune femme s'ouvrait un peu plus, révélant par ci et par là quelques éléments de sa propre vie. Il lui avait fallu beaucoup de temps pour être capable de parler de son divorce sans verser une larme. Et peut-être que le fait que Joanne en dise plus sur elle avait motivé Casey à révéler quelques éléments supplémentaires sur sa vie – et pas des moindres. Joanne avait beau être quelqu'un de réservée, cela ne l'empêchait pas d'être une femme particulièrement curieuse. Des dizaines de questions commençaient à lui brûler les lèvres concernant sa vie amoureuse. Mais elle ne voulait pas paraître insistante, indiscrète ou impolie. Et pourtant, il y avait tant à demander et tant à dire. "J'imagine que ça n'a pas du être une épreuve facile." dit-elle, pleine d'empathie. Joanne tentait tant bien que mal de ne pas poser ses quelques questions. Mais du coup, elle ne savait pas trop quoi dire, ni quoi faire. Il devait certainement avoir le coeur brisé, après une telle expérience. Elle comprenait pourquoi il ne voulait plus se faire d'illusions. "Et lui, il vous aimait ?" finit-elle par lui demander, sa curiosité ayant pris le dessus sur tout le reste. On disait souvent que l'on devait marier son meilleur ami. Qu'en plus de l'amour, il y ait cette complicité indéfectible. C'était ce qu'elle avait ressenti avec Hassan, et avec Jamie. Ce qui la laissait perplexe, c'était que Casey parle de l'heureuse élue comme la meilleure en premier lieu. Pas de "femme de sa vie", de "premier amour" ou autre terme romantique du genre. Non, c'était plus formel, c'était différent. Joanne avait l'impression qu'il y avait anguille sous roche, à moins qu'elle ne se faisait des idées. D'un côté, elle désirait tellement en savoir plus, tout en sachant que le temps lui était compté avant qu'elle ne doive retourner au travail. De l'autre, il y avait cette pudeur et cette crainte d'offenser qui la freinaient. Quoi qu'il en soit, elle était particulièrement ravie d'apprendre qu'il adorerait la revoir en dehors du musée. C'était avec beaucoup de joie qu'elle échangeait donc son numéro de téléphone avec l'illustrateur. "Ce serait plutôt en semaine. Je préfère consacrer mes weekends à ma famille. Mais j'ai toujours une pause entre midi et deux, ou après le travail. Nous ne manquons pas de créneaux non plus." Entre voir ces nouvelles connaissances, le travail, et sa recherche active pour une nouvelle acquisition pour le musée, Joanne avait un emploi du temps particulièrement chargé, mais elle était loin de s'en plaindre. Elle y trouvait largement son compte. "Ca sera une nouvelle occasion pour que tes ados se gèrent tout seuls." plaisanta-t-elle en faisant référence à sa conversation précédente. "Peut-être la semaine prochaine ? Il y a pas mal de petits restaurants à proximité, nous pourrions nous y retrouver pour le déjeuner, par exemple." suggéra-t-elle, tout en passant en revue son planning afin d'être sûre de ne rien oublier sur ce qu'elle avait prévue Mais c'était l'horaire qui lui convenait le plus, le soir, c'était bien souvent la course comme il fallait récupérer Daniel à la crèche dans l'espoir de dîner à une heure décente. Elle était certaine que le brun comprenait. Lui aussi avait de nombreux impératifs, avec les adolescents dont il avait la charge.
L’optimisme de Joanne te faisait sourire. Il te rappelait surtout celui dont Chad avait fait preuve quand tu l’avais croisé quelques semaines plus tôt alors que tu jardinais. Selon ses dires il fallait attendre que le quartier se calme et après l’accueil serait meilleur. Tu lui avais rit au nez car si Kelly habitait elle aussi à Logan City, tu savais que ce jour n’arriverait jamais. Mais il était loin le temps où tu étais un loup solitaire, où tu n’avais à te préoccuper que de ta petite personne. Tu n’étais pas prêt à l’avouer pour l’instant mais tu avais déjà songé à aller supplier Kelly de ne pas en faire trop car tu savais qu’elle en était capable. Et toi tu devais penser à tes pensionnaires avant tout et ils ne méritaient pas l’accueil qui leur était réservé, ils ne méritaient pas d’être détestés par le quartier juste parce que Kelly ne pouvait pas t’encadrer. La guerre était lancée et tu avais déjà ressenti certains effets voilà pourquoi tu étais prêt à mettre ta fierté et ton orgueil de côté pour qu’elle épargne ces jeunes qui n’avaient rien à voir du tout dans cette histoire. Tu doutais qu’elle t’écouterait mais cela valait le coup d’essayer n’est-ce pas ? « Je me dis que ça peut toujours aider, de se sentir un peu soutenu. » Elle avait raison. Avoir un peu de soutien, cela faisait du bien. Et malgré ce que tu disais, tu en avais parce que tu avais réussi à t’entourer d’amis et de personnes qui te poussaient à faire face à tes démons et à continuer dans la voie que tu avais choisie. Peut-être que Joanne pourra faire partie de ce cercle un jour mais il était encore trop tôt pour le dire. Voir Joanne essayer de te rendre optimisme sur le sujet de ta vie amoureuse t’amusait plus qu’autre chose car tu savais que tu n’étais pas prêt de trouver quelqu’un. Tu étais à des années lumières de trouver une personne prête à t’accepter avec des jeunes en difficulté sous ton toit. Mais tu avais fait la paix avec cette réalité dans les premières années où tu avais été famille d’accueil. Tu gardais l’espoir de trouver un jour cette personne dont Joanne parlait mais tu avais arrêté de te bercer d’illusions. Sans citer personne, tu racontais à Joanne ta plus grande déception amoureuse à ce jour, celle qui t’avait un peu blindé contre un certain type d’homosexuels. Tu ne pourras jamais être de nouveau avec une personne qui ne s’assume pas complètement. « J'imagine que ça n'a pas du être une épreuve facile. Et lui, il vous aimait ? » C’était une excellente question. Est-ce que Chad t’avait aimé ? Vous n’aviez jamais prononcé ces mots là à l’époque alors tu aimais penser que c’était le cas mais tu n’en savais rien. Certainement qu’il t’avait aimé à un certain niveau mais t’avait-il aimé complètement ? Le pouvait-il quand tu étais la piqure de rappel qu’il n’était pas aussi dans la norme et aussi parfait qu’il voulait le faire croire ? Tu n’en savais rien et tu préférais ne pas trop te torturer à ce sujet. C’était il y a plus de dix ans, cela ne changera rien aujourd’hui. « Peut-être, à sa façon. Mais il aimait plus les apparences et les qu’en dira-t-on. » Un amour qu’il partageait avec Kelly pour le coup. Il était temps de chasser Chad de ton esprit. L’avoir revu ne changeait strictement rien à la situation ni à votre relation. Tu espérais ne pas avoir à trop le croiser dans le quartier car même si dans ton cœur à toi il gardera toujours une place spéciale, tu refuses de redevenir l’amant que l’on cache dans un placard. Plus jamais ça. Joanne te propose que vous vous revoyez plus tard, certainement car elle a besoin de retourner travailler et c’est une proposition que tu acceptes sans hésiter. « Ce serait plutôt en semaine. Je préfère consacrer mes weekends à ma famille. Mais j'ai toujours une pause entre midi et deux, ou après le travail. Nous ne manquons pas de créneaux non plus. » Un petit sourire se dessine sur ton visage : « J’ai un emploi du temps plutôt flexible, c’est ce qui est bien avec mon métier. » Tu t’adapteras à l’emploi du temps de la jeune blonde en face de toi sans souci. C’était d’ailleurs très louable de sa part qu’elle garde du temps pour sa famille et tu ne seras pas celui qui l’en privera. « Ca sera une nouvelle occasion pour que tes ados se gèrent tout seuls. Peut-être la semaine prochaine ? Il y a pas mal de petits restaurants à proximité, nous pourrions nous y retrouver pour le déjeuner, par exemple. » Tu sors ton téléphone de ta poche et tu le tends déverrouillé à Joanne. « Entre ton numéro, on se tiendra au courant en fonction du jour qui nous arrangera le plus. » Dis-tu à la demoiselle. Tu la laissais entrer son numéro et s’envoyer un message avant de récupérer ton téléphone portable. Ta boisson terminée, tu te lèves en compagnie de Joanne avant de lui dire : « Merci d’avoir pris ta pause avec moi. Je te laisse retourner travailler avant que l’on ne te tape sur les doigts. Et on se tient au courant pour la semaine prochaine. » Lui dis-tu alors que vous arriviez dans le hall du musée. Après un dernier au revoir, tu pris la direction de la dernière exposition peu recommandée par Joanne. Il fallait bien que tu te fasses ta propre idée et tu avais encore un peu de temps à tuer.