Les réunions d’anciens élèves étaient pour beaucoup une réelle perte de temps, un moment embarrassant et ennuyeux qu’il fallait à tout prix éviter. Greta, en tant qu’ancienne déléguée de classe se devait de venir faire une apparition à l'événement. À maintenant vingt-huit ans, Greta était une auteure accomplie et sa confiance en elle lui servirait pendant ce moment de gloire académique retrouvée. Évidemment, cette gloire ne l’avait jamais vraiment quittée. Vêtue d’une robe blanche, les cheveux tirés en une queue de cheval basse, laissant apercevoir des boucles d’oreilles éclatantes, Greta s'avançait vers la salle où allait se dérouler la réunion. Le bruit de ses talons résonnait dans le hall de son ancien lycée et la jeune femme se sentait à sa place. C’était comme si elle possédait le lieu. En venant ici, la jolie blonde s’attendait à revoir d’anciennes amies, ou de vagues connaissances. À revoir des visages familiers et agréables. Elle s’attendait à tout sauf à revoir Maze Crawley, cheerleader wanna be, recalée aux sélections. « Tiens, Crawley. Venir ici alors que tout le monde te détestait au lycée, quel culot » elle y allait un peu fort mais c’était viscérale, Greta haïssait Maze et lui en avait fait baver au lycée. De ce qu’elle avait entendu, pourtant, Maze résidait elle aussi à Brisbane, comme si elle avait suivi Greta. Mais qu’elle se soit déplacée jusqu’ici à Londres pour cette réunion l’étonnait vraiment. « Je n’ai clairement pas fait tout ce chemin pour m’attarder sur ta personne, alors qu’est ce que tu me veux ? »Plantée devant elle, cette idiote de Maze ne semblait pas vouloir partir. Si la puberté avait été généreuse avec elle, la jeune femme n’en demeurait pas moins très loin des standards de beauté et la façon dont elle s’habillait fit grimacer Greta. Visiblement, la brune ne semblait pas plus enthousiaste qu’elle a l'idée de ces retrouvailles mais si cela n’avait tenu qu'à Greta, la conversation n’aurait même pas eu lieu.
Maze se demandait encore ce qu’elle faisait là. Elle avait beau être parfaitement heureuse dans son job aujourd’hui, elle ne gardait pas un bon souvenir de ses études pour autant, particulièrement pas de sa période lycéenne. Les clans qui ressemblaient davantage à des castes, les règles à respecter, les personnes qui se prenaient pour la Reine d’Angleterre entourée de sa cour...très peu pour elle. Mais voilà, elle était rentrée sur Londres pour quelques jours histoire de voir sa famille et avait reçu cette invitation pour une réunion d’anciens élèves. Après mûre réflexion, elle avait finalement décidé de s’y rendre pensant recroiser certains de ses anciens amis, mais espérant surtout pouvoir étaler son succès à la face d’anciens rivaux. Ou plutôt d’anciennes rivales...comme celle qui venait justement de faire son apparition devant elle. Ah, Greta Jones n’avait pas changé. Toujours aussi précieuse et imbue d’elle-même. La caricature de la pom pom girl imbuvable, la quintessence de la peste à qui vous ne vouliez pas avoir affaire. D’ailleurs, si Maze l’avait repérée plus tôt, elle aurait probablement passé son chemin. Mais visiblement, Greta ne voyait pas les choses de la même manière. "Princesse Jones, ça va les chevilles ? Toujours aussi enflées apparemment." Visiblement, leurs réparties n’avaient pas beaucoup évolué depuis le lycée. "Je ne te veux rien du tout...je te rappelle que c’est toi qui m’as adressé la parole. Alzheimer, ça peut se déclarer à quel âge dis donc ? Tu devrais penser à consulter, c’est inquiétant." Maze lui avait jeté cette réplique sur un ton plus que froid et en lui lançant un regard à la limite du dégoût. La Jones pensait-elle encore pouvoir impressionner qui que ce soit à 28 ans ? Tout le monde avait grandi, elle n’était plus la reine du bal mais elle semblait pourtant encore bien perdue au milieu de ses guerres de bac à sable. "Félicitations pour ton dernier torchon au fait. J’ai entendu dire qu’il s’était pas mal vendu. Il faut croire que l’histoire vraie d’une blondasse larguée et désespérée passionne le petit peuple. Bravo. Comment va Charlie au fait ?" Maze savait parfaitement que Greta apprécierait cette pique à sa juste valeur.
Maze Crawley venait à peine de se remettre sur son chemin qu’elle l’agaçait déjà. Ses airs supérieurs, quand, finalement, elle était loin de l’être et sa façon de toujours tout savoir mieux que tout le monde étaient insupportables. Ils l’avaient toujours été et pour tout le monde. Clairement, la brune n’était pas la personnalité la plus appréciée à l’époque du lycée et les regards que jetaient certains des participants sur elle confirmaient cela. Les deux jeunes femmes avaient toujours été à l’opposé l’une de l’autre et les années de lycée qu’elles avaient passé ensemble - voire même en tant que partenaire de chimie - n’avaient pas suffi à leur faire se découvrir des points communs. « De toute façon, tu n’as aucun style et tout ce que tu dis me semble bien futile » Le style vestimentaire de Maze était une attaque facile, surtout lorsque l’on était fille de créateurs. Pourtant, même sans ce statut, s’habiller autrement que pour donner l’impression d’avoir fouillé son armoire dans le noir était à la portée de n’importe qui. Sauf de Maze Crawley. A son tour, et sans grande surprise, Crawley attaqua. Elle en était venue sur un terrain des plus faciles, encore plus que celui du style vestimentaire, qui consistait à critiquer la carrière de la jeune auteure. Greta n’avait pas ressenti la moindre colère, et était loin d’être blessée par les mots de son ancienne camarade de classe. Visiblement, celle-ci continuait à la jalouser et quand on voyait son état actuel, cela n’était pas étonnant. Greta ne portait même pas attention aux attaques infantiles de l’ancienne lycéenne qui en était visiblement restée à ce stade. « Un torchon ? Tu parles plutôt de ce que tu portes, non ?» Finalement, elle décida de continuer sur le même terrain que celui emprunté par la brune. Maze était pourtant loin d’être une fille moche, au contraire. Mais elle refusait visiblement de porter une quelconque attention à son style. Elle lui faisait un peu penser au personnage principal du film Elle est trop bien, ou un vilain petit canard ne réalise son potentiel qu’avec l’aide de ses amies ou d’un prince charmant. Maze ne bénéficierait de l’aide d’aucun des deux, puisque, comme Greta l'imaginait, la jeune femme devait être seule. « Tu n’es pas venue accompagnée ? Un peu de compagnie pour affronter cette journée aurait été une bonne idée. » Peu agréable à regarder - à cause de son style, Greta n’était pas un monstre et savait reconnaître les beaux visages même si ceux-ci étaient masqués par une affreuse coupe de cheveux - , inintéressante et pas très intelligente, Maze Crawley devait réellement connaître des difficultés dans la vie.
Greta Jones avait su mener son petit monde à la baguette lorsqu'elles étaient au lycée. Mais avait-elle jamais réalisé que cela fonctionnait uniquement parce que les gens avaient peur d'elle ? Peut-être était-ce une stratégie volontaire finalement, la jeune femme n'étant pas capable d'avoir de vrais amis comme tout le monde. Un caractère détestable, une capacité hors-norme à se montrer condescendante et imbue d'elle-même : qui donc aurait eu envie de se lier d'amitié avec elle ? Maze constatait aujourd'hui que sa façon de se comporter n'avait absolument pas changé. Et les gens qui l'entouraient devaient probablement résonner comme à l'époque du lycée : Greta était riche et connue, mieux valait être de son côté pour profiter de sa gloire éphémère. Mais Maze n'avait jamais été hypocrite et il était absolument inenvisageable qu'elle se comporte ainsi. Si elle ressentait un quelconque sentiment pour Greta actuellement, c'était surtout de la pitié. Elle ne put s'empêcher de sourire tout en levant les yeux au ciel à la remarque de son ennemie. "C'est tout ? Tu n'as pas mieux en stock que ça ? Excuse-moi, papa et maman ne m'ont pas choisi mes habits ce matin avant de partir." Contrairement à la blonde qu était définitivement une fille à papa, qui s'était construire grâce à ses parents et qui n'était absolument pas dérangée par le fait de profiter de leur notoriété pour briller en société. Imaginait-elle vraiment que son livre aurait eu un tel succès sans ses parents ? "Ça tombe bien que tu parles de ça. Justement, Charlie devait m'accompagner mais il a eu un empêchement de dernière minute. Par contre il se rattrape ce soir en m'emmenant boire un verre." Maze avait volontairement laissé planer le doute sur la relation qu'elle entretenait avec Charlie. Ils n'étaient qu'amis mais cela, Greta n'était pas obligée de le savoir. Charlie et Maze s'étaient toujours bien entendus et elle avait été aux premières loges pour suivre, non sans un plaisir certain, tout le drame qu'avait été la rupture entre Jones et le jeune homme. Il était facile d'attaquer la drama queen sur ce terrain là, et Maze n'avait pas l'intention de s'en priver. "Et toi alors Jones, je ne vois pas de prince charmant écervelé à ton bras non plus. Une nouvelle rupture à ajouter à ton actif ?" Il n'était pas très compliqué de suivre la vie amoureuse tumultueuse de Greta grâce aux tabloïds de la capitale. Ces derniers semblaient éprouver un plaisir malsain à raconter, numéro après numéro, quel était le dernier toy boy en date de la jeune femme. Non pas que cela intéressait Maze, mais si elle avait la possibilité d'en rajouter une couche, elle n'allait pas se gêner. Avec son caractère et son attitude, elle visualisait très mal Greta finir par se marier avec un jeune homme respectable et aimant. Non, il y avait un grand pourcentage de chances pour qu'elle finisse avec un jeune homme de bonne famille, ne s'intéressant absolument pas à elle et possiblement gay.
Maléfique. Voila comment décrire Maze en un mot. Greta n’avait jamais été un modèle de vertue, mais quand elle faisait une erreur, au moins, elle l’assumait. Si elle avait pu à l’époque passer pour une vilaine sorcière auprès de ses camarades qui pouvaient être impressionés parce qu’elle vivait dans ce qui ressemblait à un château, elle n’en demeurait pas moins une fille comme les autres ayant pour carrosse une simple mini cooper à l’époque. Si l’événement devait normalement être une réussite et une occasion à la détente pour Greta, Maze arrivait à gâcher le moment même après tant d’années. « Ah tu ramasses mes miettes, c’est sympa. Il t’emmène voir un film, un disney ? Laisse moi réfléchir… Cendrillon ou la Belle et la Bête, auquel tu t’identifies le mieux ? Et fais attention, Charlie c’est le vilain petit canard de la famille. » Il aurait fallu plus qu’un génie ou qu’une bonne fée à la brune pour réussir à vexer la blonde, bien déterminée à ne pas la laisser gâcher encore plus ce moment. Clairement, savoir qu’elle pactisait avec l’ennemi ne lui faisait ni chaud ni froid. Si elle souhaitait se frotter à un snob comme Charlie alors qu’elle la traitait justement d’enfant pourrie gâtée, c’était son problème. « Un prince charmant ? Une princesse n’a pas besoin de ça pour briller » Si Maze et Greta avaient été amies, celle-ci aurait été Scar et Greta Mufasa, victime d’une trahison ou son amie aurait fréquenté son ex. « Mais à te voir, il semblerait que tu aies le syndrôme de Peter Pan, quand grandiras-tu Wendy ? Je suis peut-être habillée avec les créations de mes parents mais moi au moins j’ai réussi ma vie. Tu fais quoi toi, à part t’inventer une vie ? » Maze aux pays des merveilles ou comment redorer une vie plus que banale, qui l’obligeait visiblement à se renseigner sur la vie de Greta tout en continuant à la critiquer. Bien paradoxal. Si la brune se prenait pour l'héroïne du film Rebelle, elle allait très vite constater que Greta était indestructible. « Mon Dieu, s'il vous plaît, soyez indulgent et faites en sorte que Crawley sorte de ma vie à tout jamais ! » Greta avait associé sa parole à des mains jointes ensemble, et c'est sur cette prière qu'elle tourna les talons, prête à s'éloigner mais elle continua. « Que dis-tu de bouger de mon chemin et d’aller voir là-haut si j’y suis ? » Les deux jeunes femmes se détestaient mais prenaient visiblement un malin plaisir à rester là à se disputer alors que la soirée se déroulait sans accrochage et que l’ambiance était au beau fixe. Tel Timon et Pumba, sauf que là, aucune once d'amitié n'existait dans le duo. Greta n’avait pas encore prit le temps d’admirer le décor dont le thème était “sous l’océan”, trop occupée à répondre aux attaques de Cruella d’enfer. Pourtant, elle ne comptait pas s’attarder plus que ça sur sa personne.
Maze n'était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds et elle ne comptait définitivement pas laisser Greta avoir le dernier mot. C'était une question de principe. "J'ai cru comprendre que ces miettes là, t'aurais bien aimé pouvoir les garder. Dommage, mais je suis ravie de pouvoir en profiter à ta place effectivement. Le vilain petit canard a de belles choses à offrir." Si elle avait vraiment voulu pousser le vice, elle aurait très certainement ajouté un petit clin d'oeil ambigu à la fin de sa phrase...mais elle avait jugé que ses propos se suffisaient en eux-mêmes. Elle n'avait absolument aucun scrupule à mentir sur la relation qu'elle entretenait avec Charlie. La jeune femme était même certaine que cela le ferait rire une fois qu'elle lui raconterait cette histoire. Enfin peut-être. Ou peut-être pas du tout. De toutes façons, elle était bien trop avancée dans son mensonge à présent pour faire marche arrière. Voilà que la blonde lui demandait, bien qu'ironiquement, ce qu'elle faisait de sa vie et cela tombait bien puisque Maze avait un certain nombre de choses intéressantes à raconter de ce côté là. "C'est sympa de poser la question, je suis ravie de savoir que tu t'intéresses à quelqu'un d'autre que toi !" L'ironie était palpable. "Tu te souviens peut-être que j'ai toujours adoré le monde de l'événementiel, du divertissement, des concerts ? Non, quelle question, tu ne te souviens très certainement de rien me concernant...ni même de quoique ce soit concernant quelqu'un d'autre que toi en fait. Bref, après des études de Communication et une grande école de commerce dont je suis sortie major de promo, j'ai enchaîné plusieurs expériences significatives dans l'événementiel sur Londres. Tu vois tous les festivals auxquels tu te rends pour te montrer et finir bourrée ? J'ai participé à leur organisation. Et j'ai rapidement été reconnue dans le domaine parce que...c'est évident...je suis bonne dans ce que je fais ! Sans surprise, on m'a donc fait de nombreuses propositions d'emplois, et j'ai finalement accepté de travailler en tant que Chargée de projet événementiel dans un grand festival de Brisbane pour programmer des artistes internationaux. Sting, U2, Imagine Dragons, The Script, Madonna...ça te dit quelque chose ? J'ai leurs numéros de téléphone et celui de leurs agents maintenant. Et je les côtoie. Pas si mal pour quelqu'un qui s'invente une vie, non ? Et tiens toi bien....la meilleure, c'est que j'ai réussi à faire tout ça toute seule, sans l'aide de mes parents ! Qu'est-ce que c'est gratifiant de réussir sa vie grâce à son seul mérite et à ses compétences...mais bon, c'est quelque chose que tu dois avoir du mal à comprendre." Maze se doutait bien que Greta ne devait rien avoir à faire de tout son déballage très légèrement exagéré, mais à défaut de l'intéresser elle aura au moins réussi à lui faire perdre quelques minutes de son ô combien précieux temps. Maze sourit en coin en observant le petit numéro pathétique de son adversaire qui faisait mine de partir pour mieux revenir vers elle. "Je sais bien que tu ne peux plus te passer de moi Jones, arrête de te mentir."
Bla bla bla. Voilà tout ce qu’elle pouvait entendre, incapable de réellement s’attarder sur les mots prononcés par Maze ni de s’y intérésser. Comment aurait-elle pu s’intérésser à quelqu’un d’aussi antipathique ? C’était comme un chewing-gum collé sur une basket, impossible de s’en débarasser réellement. Quand Greta pensait enfin l’avoir mise à l’écart, voilà qu’elle se repointait devant elle. Si elle se souvenait qu’elle aimait le monde de l’événementiel ? Elle s’en fichait éperdument, tout ce qu’elle remarquait c’est que Crawley séchait souvent les cours pour se rendre à des concerts – inconcevable, donc, qu’elle ait réussi sa vie. Mais elle semblait heureuse, et vu l’indifférence de Greta pour sa personne, cela lui était bien égal. L’auteure ne la haïssait pas, ce serait lui accorder de l’importance. L’indifférence prônait, et ce encore plus alors que la jolie blonde inspectait sa manucure pendant que Maze Crawley s’enfonçait dans un monologue inutile. Puis vint la pique, l’énième attaque sur ses parents et leur statut social. Il fallait avouer que le sentiment d’avoir des lecteurs uniquement grâce à ses parents était ce qui blessait le plus la jeune femme, mais, trop fière, sa mine ne laissait rien paraître. Maze n’aurait pas cette satisfaction de l’avoir déstabilisé. « Wow, génial, magnifique. » commença-t-elle en applaudissant légèrement pour se moquer de la brune. « Sans l’aide de tes parents ? Sûrement car, comme environ 95% des gens, ils n’en ont rien à faire de toi ? Et Sting et compagnie sont probablement tous habillés et donc amis avec mes parents alors tu sais… » Peu impressionnée, Greta regardait autour d’elle, cherchant une échappatoire. Des personnes bien plus intéressantes s’agitaient autour du buffet et semblaient prises dans des discussions passionnantes, d’autres éclataient de rire. Greta n’était définitivement pas au meilleur endroit actuellement et sentait bien qu’elle gâchait ce moment de retrouvailles. « Oh je n’allais pas te laisser parler toute seule, je ne suis pas cruelle ! Quoique, tu sais ce qu’on dit, aucun pays ne s’est jamais élevé sans s’être purifié au feu de la souffrance. Je devrais appliquer cet adage à ta personne et te pourrir la vie pour de bon, mais non. » A quoi bon ? Souvent la tête dans les livres, plutôt cultivée, Greta avait choisi une citation de Gandhi pour répondre à Maze. Elle connaissait peut-être U2 mais moins Gandhi – écervelée qu’elle était. Combien de temps ce moment allait-il durer ? En regardant sa montre Greta avait été surprise de constater que cela ne faisait que quinze minutes qu’elle endurait cela. Les minutes avec Crawley paraissaient des heures.
S'il y avait bien une qualité qu'on ne pouvait pas reconnaître à Maze, c'était la patience. Elle avait tendance à s'énerver assez facilement et le fait qu'elle ait gardé son calme aussi longtemps avec une Jones insupportable en face d'elle était déjà une chose remarquable. Mais elle se sentait perdre lentement patience. Allait-elle finir par craquer ? Très certainement. La question était plutôt : à quel moment allait-elle craquer ? Greta était en train de dénigrer le poste qu'elle occupait à coup d'arguments plus que lamentables. "Oui, encore une fois, on en revient à tes parents. Heureusement qu'ils sont là, sinon je ne sais pas où tu serais à l'heure actuelle. Merci parents chéris de me faire exister." Maze avait beaucoup de mal à supporter les gens qui avaient réussi leur vie grâce à l'argent des autres ou parce qu'ils étaient simplement tombés dans une bonne famille pleine aux as. N'avaient-ils aucun respect pour eux-mêmes ? Comment pouvaient-il se satisfaire d'une réussite professionnelle dont ils n'étaient pas à l'origine ? Cela la dépassait complètement. Maze leva les sourcils quand son adversaire se mit soudain à citer Gandhi. Pour qui se prenait-elle soudainement, d'où sortait cette citation ? La jeune femme la soupçonnait fortement d'avoir passé une bonne heure à retenir cette citation pour pouvoir l'utiliser l'air de rien en société ; c'était vraiment pathétique. Elle ne put retenir un sourire en coin plein d'ironie. "Tu sais quoi Jones ? Tu me gonfles. Tu veux retourner à l'époque du lycée et te comporter comme une petite princesse ? Très bien. Ça va me permettre de faire ce dont tout le monde rêvait à l'époque sans jamais oser le mettre en pratique." Sur ces mots, elle s'écarta quelques secondes pour s'approcher du buffet et s'emparer d'une carafe remplie d'eau et de quelques concombres et revint vers Greta. "Tu savais que les concombres étaient très bons pour la santé ? Dans de l'eau, ils permettent notamment de conserver le liquide frais tout en l'aromatisant par la même occasion. Ce super légume apporte aussi fibres et vitamines diverses et variées et pour la peau, ça fait des miracles ! Effectivement, tu as déjà dû l'entendre mais la peau du concombre s'utilise dans de nombreux traitements esthétiques grâce à sa concentration en acides caféique et ascorbique -tu chercheras ce mot dans le dictionnaire en rentrant chez tes parents- et de la vitamine C. Tout cela aide à entretenir la peau, à soulager les irritations et à réduire les inflammations. C'est un classique des SPA et il aide à combattre l'eczéma et le psoriasis. Mais ils te permettent aussi et surtout de garder un teint frais et naturel. Et vu ton teint fadasse et jaunâtre, je pense que tu as besoin d'une bonne cure de concombres. Ça tombe bien, je me porte justement volontaire pour t'aider, aux noms de tous nos anciens camarades du lycée." Sur cette tirade dramatique, Maze leva la carafe qu'elle tenait en main pour déverser tout son contenu au-dessus de la tête de Greta. Cet acte était déjà libérateur et agréable en soi, mais l'air surpris et outré de la blonde rendait tout cela encore plus jubilatoire.
Dernière édition par Maze Crawley le Jeu 24 Mai 2018 - 8:06, édité 1 fois
L’événement était une réussite sans compter sur Maze et Greta et leur cinéma. Un écran géant projetait des documentaires scientifiques et au moment où Greta le regardait elle y lisait "nous sommes une espèce jeune, un singe technologiquement sophistiqué, bipède doté d'un cerveau, avec un impact planétaire et des aspirations extraterrestres". Etrange. Son attention s’était vite reportée sur Maze, même si Greta aurait pu trouver les citations de Tim White – selon ce qu’indiquait l’écran – plus passionnantes que la brune. Revenir à Londres était un bonheur pour Greta qui avait toujours adoré cette ville. Brisbane était tout aussi plaisante, mais différente. Il est rare d’aimer l’endroit où l’on nait mais la jeune femme trouvait que sa ville natale était la plus belle. La quitter avait donc été difficile même si ça avait été une décision mûrement réfléchie. « Tu crois vraiment que des milliers de gens s’embêteraient à lire mon histoire seulement pour mes parents ? C’est pas une autobiographie, sombre idiote. » La vie des Sighbury devait intéresser les gens et le livre se serait probablement encore mieux vendu s’ils en étaient le sujet principal mais ce n’était pas le cas. L’énième attaque de Crawley était injustifiée, même si elle correspondait à la pire crainte de Greta et à la raison pour laquelle elle avait quitté l’Angleterre pour se faire son propre nom dans un autre pays. Si Greta Sighbury était écrit en lettre dorées sur la couverture de son livre, cela ne justifiait pas la tonne de lecteurs et l’engouement autour de son histoire d’amour. C’était ses personnages et son récit qui avait séduit, elle le savait au fond d’elle-même. Greta s’était fait le pari à ce moment même de sortir son livre sous le nom de Jones au plus vite rien que pour que cette cruche brune ait le bec cloué. « Mais espèce de tarée ! Je m’en fous de tes histoires de concombres, est-ce que moi je te raconte que j’ai fait du biplan hier matin ? » Quand on se lève le matin, qu’on choisit sa tenue avec beaucoup de soin, qu’on se maquille et qu’on se coiffe, on a du mal à imaginer qu’une idiote d’ancienne camarade de classe viendra tout ruiner avec de l’eau aux concombres. Quelque chose de très anglais, d’ailleurs, que de glisser quelques rondelles de ce légume dans une carafe d’eau fraîche. Malheureusement, si cela pouvait avoir quelques vertus, ce n’est pas en se la recevant en pleine figure que Greta en sentirait les bienfaits. Rouge de colère et ne comptant pas être la seule à se ridiculiser durant l’événement, Greta lui lança une part de gâteau au chocolat en pleine figure, le met coulant dans les cheveux de Maze et sur sa tenue. A ce moment-là, les yeux des deux jeunes femmes s’étaient allumés d’une fureur rare et elles savaient pertinemment toutes les deux que cela pouvait partir en réel carnage. Malheureusement, elles avaient été coupées dans leur élan par le directeur actuel de l’école, ainsi que l’ancien, qui les regardaient avec un air réprobateur. Crawley venait de ridiculiser Greta non pas seulement devant les anciens élèves mais également devant les directeurs devant qui elle s’était toujours efforcée d’arborer une image de petite fille modèle. « Pardon M. Hackett, elle a commencé et je me suis emportée, on va nettoyer … Nettoie merde ! » Prenant une serviette pour essuyer l’eau par terre, Greta avait lancé la dernière phrase en direction de Maze qui ne semblait pas du tout culpabiliser de sa bêtise. Au contraire, elle semblait plus fière que jamais. Avait-elle conscience que son comportement enfantin n’allait aucunement lui attirer les faveurs des anciens élèves ? De toute façon, la période du lycée était finie et si Greta avait été populaire, ça n’avait pas été son cas à elle et il fallait qu’elle se fasse une raison.
Maze rigolait encore de sa vengeance de bas étage. Ça n'était clairement pas le genre de choses que des personnes âgées de 28 ans faisaient en général. A 14/15 ans, en pleine crise d'adolescence, pourquoi pas....mais à 28 ? Pourtant, la jeune femme ne regrettait nullement son geste et était même satisfaite de constater que plusieurs personnes autour d'elles rigolaient également. Elles voyaient bien dans leurs yeux qu'elles étaient ravies que le karma soit enfin retombé sur la reine Jones. Enfin le karma...avec un léger coup de main extérieur. Maze était tellement fière d'elle qu'elle ne réussit même pas à effacer le sourire de son visage devant les regards réprobateurs de leurs directeurs. A vrai dire, elle n'en avait pas grand chose à faire d'eux et de ce qu'ils pouvaient penser ; elle n'était plus au lycée de toutes façons et ils n'avaient plus leur mot à dire sur sa façon de se comporter. Elle n'avait jamais prêté attention au regard des autres, surtout pas quand cela risquait de lui apporter plus de pensées négatives qu'autre chose. En revanche, travaillant dans l'événementiel, elle avait déjà un peu plus de peine pour la personne qui avait organisé et scrupuleusement mis en place toute cette journée. Ce qu'elle appréciait beaucoup moins également, c'était les miettes de gâteaux emmêlées dans ses cheveux et partout sur ses vêtements dont elle n'arrivait pas à se défaire. A part encore plus étaler le gâteau sur ses vêtements, ce qu'elle était en train de faire ne servait pas à grand chose. La revanche de Greta était prévisible. Maze ne pensait évidemment pas s'en sortir indemne après ce qu'elle venait de lui faire subir mais, au stade où elle en était, elle était prête à endurer n'importe quel retour de bâton. "C'est elle qui a commencé, nianiania, très mâture l'écrivain à succès !" Elle venait de faire une très fidèle imitation de la voix stridente et énervante de Greta. Elle pouvait bien se comporter comme une ado immature de son côté puisque c'est comme ça que la blonde avait choisi de la décrire ; autant exploiter cela au maximum ! "Et t'as raison, je vais nettoyer, c'est demandé si gentiment après tout." Elle ne bougea évidemment pas d'un pouce. Son adversaire pensait-elle réellement pouvoir lui faire faire quoique ce soit en lui donnant des ordres ? C'était peine perdue, Maze n'avait pas l'intention de calmer le jeu. Au lieu de prendre ses responsabilités et de nettoyer le sol maintenant humide et plein de gâteaux, Maze attrapa une part de tarte et la jeta en direction de Greta. Mais, manque de chance, cette dernière leva la tête alors que la part se rapprochait dangereusement de son visage, et elle réussit à l'esquiver in extremis. La tarte continua néanmoins son petit bout de chemin et alla se loger directement sur le costume d'un ancien élève, éclaboussant par la même occasion les deux directeurs qui se trouvaient à proximité. La jeune femme ne se doutait pas un seul instant que son geste allait provoquer un véritable cataclysme. En effet, alors qu'elle s'apprêtait à s'excuser auprès de la cible qui avait malheureusement reçu un projectile qui ne lui était pas destiné, de la nourriture se mit à voler dans la salle. Maze ne distingua au début qu'une tranche de gâteaux passer ici ou là, mais très vite cela se transforma en une avalanche d'aliments solides et liquides volant à travers toute la salle : la bataille de nourriture était lancée. Visiblement, elle n'était pas la seule à agir comme une ado immature alors qu'elle en avait passé l'âge.
Maze n’était pas un labyrinthe sinon une véritable catastrophe ambulante. Tout ce qu’elle touchait de près ou de loin semblait se terminer en véritable fiasco et Greta peinait à croire que son ennemie numéro un soit réellement capable d’organiser un événement de A à Z sans que cela ne tourne au drame. Pauvres artistes, pauvres clients, pauvres spectateurs. « Tu arrives même à gâcher un événement que tu n’as pas organisé et tu oses me faire croire à ta réussite dans l’événementiel ? » La question se voulait rhétorique mais il y avait fort à parier que l’organisatrice allait rétorquer quelque chose, une réplique qui serait encore digne d’une gamine de huit ans. Les personnes qui manquaient de confiance en elles, comme Maze, avaient tendance à toujours vouloir avoir le dernier mot pour se prouver quelque chose. Greta s’en fichait, après tout, même en étant recouverte d’eau, elle restait plus digne que Maze. « Excuse-moi d’avoir un minimum de respect pour les organisateurs de cet événement. Tu sais, ceux que tu pourrais appeler collègue si tu n’étais pas qu’une petite gamine idiote. T’as vu ce que t’es en train de faire ? Tu me pompes l’air à me raconter ta vie sinistre et à essayer de m’impressionner avec U2 et Sting mais t’es même pas capable de respecter des gens qui font le même travail que toi – en mieux. Alors maintenant, essaye de rattraper le coup ! » Greta s’agaçait de plus en plus et ses paroles devenaient de plus en plus vaines alors qu’une bataille de nourriture générale était en train d’éclater. Il fallait avouer que Greta pouvait se comporter comme une diva, notamment quand sa première pensée à ce moment fut pour son ensemble Givenchy, spécialement acheté pour l’occasion. Si il s’avérait ruiné, Maze pourrait enchaîner les événements à organiser pour lui rembourser son bien, après tout, c’était entièrement de sa faute. Greta avait toujours vécu dans un monde sophistiqué et ça, elle ne pouvait pas l’enlever à Maze, sur ce point elle avait raison. Par contre, elle n’était pas une princesse ou quelqu’un de superficielle, la jeune femme s’efforçait juste de soigner son apparence tout en profitant de son statut – qui ne le ferait pas ? En tout cas, une chose était sûre, elle détestait se donner en spectacle ou se faire remarquer dans les lieux publics et le comportement de Maze était en train de l’exaspérer, aujourd’hui encore plus que lorsqu’elles fréquentaient la même école. « Je pense qu’on va s’arrêter là. Je ne tolère pas ça, et je refuse d’être mêlée à ce que tu as engendré… » Greta ne s’amusait plus de la situation et ne voyait pas d’un très bon œil ce qui se tramait. Habituée des œuvres caritatives, elle mettait en plus un point d’honneur à ne pas gaspiller la nourriture. Continuant à ranger le désastre tout en essayant maintenant de calmer le jeu, Greta réalisa bien vite que c’était devenu quasiment impossible. Les anciens élèves étaient tous, finalement, restés de bien grands enfants et la situation dans laquelle se retrouvait la blonde était bien complexe. S’abritant dans un coin en continuant de se confondre en excuse auprès des directeurs et organisateurs, Greta secouait la tête, spectatrice impuissante du résultat de la puérilité de Maze.
Maze observa Greta gesticuler et s'époumoner vainement, un large sourire aux lèvres. Visiblement, répliquer ne servait à rien avec elle puisque madame-je-sais-tout-mieux-que-tout-le-monde trouverait toujours quelque chose à redire de toutes façons. En revanche la regarder lentement s'énerver toute seule semblait bien plus distrayant; et c'était un spectacle tout à fait risible et à la limite jouissif pour Maze et pour tous les anciens élèves qui avaient été victimes de la blonde. En plus, moins elle lui répondait, plus Greta semblait s'énerver et monter en pression. "Si tu le dis." Elle avait déclaré cela d'un ton complètement neutre, pour bien montrer qu'elle se fichait d'elle et qu'elle n'avait strictement rien à faire de tout ce qu'elle venait de dire. Elle n'avait d'ailleurs écouté le petit speech de Greta que d'une oreille ; il était bien trop long et inintéressant -comme la plupart des choses qui sortaient de sa bouche d'ailleurs- pour qu'elle daigne y prêter plus d'attention que cela. Elle avait probablement passé 5 bonnes minutes à chercher le meilleur moyen de l'insulter ; Maze n'avait pas vraiment besoin d'entendre cela, ça n'était clairement pas constructif. Non, éviter les projectiles qui volaient autour d'elle lui semblait être une bien meilleure activité. Pourquoi restait-elle là finalement ? Elle avait vu son ennemie jurée, avait eu l'occasion de lui montrer ce qu'elle était devenue tout en échangeant quelques mots doux avec elle par ci par là, puis elle avait fini par déclencher une bataille géante de nourriture juste après avoir aspergé Greta d'eau aromatisée aux concombres. Sa journée avait donc été bien rentabilisée en un minimum de temps. Elle n'avait plus réellement de raisons de rester dans les parages. Elle décida donc se diriger vers la sortie, en lançant son plus magnifique sourire à Greta qui donnait définitivement l'impression de parler toute seule puisque Maze avait choisi de ne plus lui répondre depuis de longues minutes maintenant. A croire qu'elle ne l'avait pas réalisé ; en revanche les gens autour d'elle qui la regardaient de travers l'avaient bien compris, eux. En passant à côté de Greta, elle ne put s'empêcher une dernière provocation. Elle tapa à plusieurs reprises sur son épaule, déposant ainsi sur sa robe hors de prix des traces de crème fouettée qui était restée sur sa main. C'était un moyen parfait de voir ce que valait réellement son pressing, elle devrait l'en remercier. Sur ce dernier acte de rébellion, Maze quitta donc la pièce, non sans inviter quelques anciens camarades -que Greta n'avaient jamais pu supporter- à boire un verre pour fêter cette journée plus que mémorable.