J’aimais vraiment ce nouveau travail, ce vent de fraicheur et de légèreté. Même si travailler avec des personnes souffrantes, malades et qui parfois étaient condamnées pouvait être difficile, c’était bien différent de mon ancien travail où je côtoyais la misère chaque jour. A force, c’était vraiment pesant sur le quotidien. Je tentais de maintenir la tête haute, malgré les difficultés que je rencontrais dans ma vie privée et de tout faire pour que ça ne se voit pas au travail et j’avais cette impression de bien gérer les deux. Pour combien de temps, je l’ignorais mais j’allais tenir la barre aussi longtemps que possible.
Etre responsable des bénévoles avait plusieurs avantages : ils étaient assez bons dans ce qu’ils faisaient et ils étaient très motivés. Bon, parfois, ils nécessitaient peut être d’un peu de recadrage pour maintenir en vue qu’ils n’étaient pas copains copains avec les personnes accueillis ici mais ce n’était pas bien méchant.
Aujourd’hui, je travaillais sur un futur projet qui me tenait à cœur : mettre en place un atelier théâtre pour permettre aux personnes malades de se voir autrement que par la maladie justement. Leur permettre d’entrer dans des rôles sympa à jouer, de mettre en lumière leur talents. Ca partait d’une problématique qui m’était propre. Ce besoin de souffler, d’être dans la peau de quelqu’un d’autre. J’avais d’ailleurs été à la rencontre d’une troupe la semaine passée pour avoir quelques renseignements. Je n’ai pas forcément de grands talents d’actrice mais j’avais envie d’apprendre et puis, je trouvais que c’était un excellent moyen de s’évader. Puisque de toutes évidence, pour le moment, je devais mettre de côté mon projet de voyage… compromis par cette enquête que j’avais sur le dos notamment. Interdiction de quitter le territoire, même de m’éloigner ne serait-ce que de cent kilomètres de la ville… ca me pesait. Mais bon, là n’était pas le sujet.
J’étais concentrée sur ce projet quand, par miracle, une tête connue apparue dans mon bureau. Il s’excusa, il semblait surpris de me voir ici, tout comme je l’étais en réalité. « Myrddin ! » comme si, Dieu avait entendu mes pensées et qu’il l’avait mis ici, dans ce bureau. « je crois que vous ne pouvez pas mieux tomber ! enfin.. tu ! » on s’était accordé déjà pour se tutoyer la semaine passée. « entres ! »

Myrdinn cet ange tombé du ciel. Je l’avais tout de suite trouvé très sympathique. Et j’étais persuadé qu’il serait partant pour cette idée qui grandissait dans ma tête petit à petit. Je n’en avais parlé à personne ici, mais avant de me lancer, je voulais que tout soit très clair. Je pourrais ensuite présenter le projet à James, il ne pourrait pas refuser puisque tout sera très bien ficelé. Ce sont des petites astuces que j’avais appris sur le terrain. «  Bonjour Noa, je ne pensais pas que c’était la responsable des bénévoles, je suis juste passé chercher Thomas, on m’a dit que tu saurais où le trouver » Thomas ? Tiens, il connaissait donc Thomas aussi. «  et bien, oui ! » mais j’espérais qu’il avait un peu de temps à m’accorder avant de pouvoir aller le rejoindre. D’ailleurs… oui ? je n’etais pas si bien sûre de savoir où il se cachait. Mais, on finirait par le trouver ! Mais comme visiblement t’as besoin d’mon aide, je t’écoute. Ah ! génial. Je le laisse alors s’installer. J’étais assez contente de pouvoir lui parler de ce projet. « Bon, déjà, tu sais, je me suis entrainée depuis la semaine dernière, j’ai bien écouté tes conseils et je crois avoir pas mal progressé ! »  dis-je assez fiere de moi. « bon, je suis pas une grande actrice pour autant ! » bon, passons. Ce n’était pas le sujet le plus important. « D’après toi, quel genre de pièce on pourrait jouer avec les personnes malades d’ici ? Plutôt drôle ? Serieux ? Pas trop dramatique, j’aimerais vraiment que ça casse leur quotidien… mais en réalité, j’ignore dans quoi tu excelle, du moins, avec quels rôle, quel genre tu es le plus à l’aise ? » c’était peut-être par là qu’il fallait commencer d’ailleurs. « bon, en fait, je parle de tout ça, comme si c’était dans la boite ! Mais, je veux pas te prendre au piège. Tu as pu réfléchir à ma proposition ? Je ne peux rien te promettre mais je peux toujours demander des financements pour payer ta prestation, bien sûre ! » je serais tellement heureuse de pouvoir mettre ce projet en place, de faire en sorte que ces personnes malades puissent vraiment s’investir dans le théâtre. Pourquoi pas faire des représentations ensuite ? Devant des centaines de personnes, comme de vrais comédiens. Car oui, il ne s’agit pas uniquement d’apprendre des textes et les jouer sur un planché devant… une salle vide. Non, il faut des applaudissements, des compliments, des critiques ! Il faut donner vie à tout ça !

 «Ouais eh bien la vie de fait pas de cadeau hein ! Le père noël n'existe pas dans la rue !» s'exclame Arnaud, à l'attention d'une jeune femme qui ne fait que se plaindre depuis le début de le début de la journée. Peu importe que ce soit la séance de relaxation et la séance de marche nordique, cette femme tape sur les nerfs de tous le monde. Et Arnaud a fini par péter les plombs. Il n'aurait jamais dû dire ça à elle, ni à aucune autre personne ici. Car oui, la vie n'a fait de cadeau à personne ici présent. Si les gens viennent suivre les séances, c'est car ils ont vaincu le cancer, qu'ils sont en rémission ou qu'ils ont envie de se détendre entre deux séances de chimio, mais aussi s'ils ont des proches atteint de la maladie qu'ils ont envie d'échanger avec des personnes qui vivent la même chose qu'eux.

Alors non, Arnaud n'a pas eu le droit de dire quoique ce soit de ce genre. Avec ses paroles, il en a choqué plus d'un et j'ai mit une bonne dizaine de minutes avant de pouvoir calmer les esprits échauffés des autres personnes présentes. J'ai ensuite prit Arnaud à part et je l'ai renvoyé au centre afin qu'il se calme et qu'il reprenne contenance. Et c'est ce qui m'a mit en retard. J'ai été obligé de gérer la séance de footing et renforcement musculaire à moi seul. Il doit être 12h15 quand je passe les portes du local de l'association après avoir dit au revoir aux participants.

M'essuyant la sueur de mon front, je me dirige vers les vestiaires où je prends une rapide douche histoire de me rafraîchir et c'est, les cheveux encore un peu humide, que je ressors dans le couloir. J'ai a peine fait quelques pas qu'un doux sourire étire mes lèvres. Là, à quelques mètres devant moi se trouve Myrddin. Passé la surprise de le voir, je m'avance discrètement de lui, faisant un discret signe à Noa de se taire.

Je m'immobilise et me penche en avant  «C'est un bel homme que voilà » murmurais-je à son oreille  «Vous attendez quelqu'un … ? » demandais-je lorsque mon fiancé se tourne vers moi. Je rigole doucement pose une main sur sa hanche, l'écoutant me dire qu'il voulait me faire la surprise et m'emmener manger ce midi. Je lance un coup d’œil sur ma montre, réfléchis rapidement puis hoche la tête  «je … j'ai encore un truc à faire. Ça me prendra 15-20 minutes, pas plus. J'te rejoins dans le hall, ok mon chéri ? » lui dis-je, souriant à son hochement de tête.  «A tout à l'heure alors » souriais-je en me penchant vers lui pour l'embrasser tendrement.

En me redressant, je pose mon regard sur Noa et lui fait un rapide clin d’œil. Ça ne fait pas longtemps qu'elle est bénévole ici, ce ne serait donc pas étonnant qu'elle ne soit pas encore au courant de ma relation avec Myrddin mais je viens de lui prouver que ce n'est pas une carabistouille. Après une dernière caresse sur l'épaule de mon fiancé, je m'en vais en sifflotant joyeusement. Fort heureusement, j'ai tu que je passerais les 20 prochaines minutes, ainsi que tout le reste de l'après midi avec Ida.

Spoiler:

« Je suis à l’aise partout, ne t’inquiète pas pour moi, et le but c’est que ce soient les malades qui montent sur scène, je ne ferais qu’encadrer. » Je savais à la première seconde où j’avais vu Myrddin qu’on pourrait faire de grandes choses ensemble. J’apprécie réellement sa façon de voir les choses et c’est ce que je recherchais. Quelqu’un d’ouvert, qui soit capable d’accompagner des personnes qui ont une estime d’elle parfois très réduite et non pas quelqu’un qui pense avant tout à lui. « T’es vraiment l’ange tombé du ciel alors ! » dis-je en plaisantant ! J’allais prendre plaisir à monter ce projet avec lui, c’est sur.  « Oh non rassure-toi je ne veux rien, l’argent ira seulement au projet, pas à moi. Je n’accepterais rien en tout cas » encore mieux ! Par contre, j’étais gênée quand même. J’en parlerai à James pour savoir si on pouvait pas faire un petit geste. Si ce n’était pas pour lui, peut être pour le théâtre ? « Okay, on verra ça plus tard. » j’avais bien compris qu’il n’était pas la peine d’insister à ce moment là.  « Et oui j’y ai réfléchis, j’accepte bien sûr, je crois que d’autres de la compagnie seraient partant aussi. Plus on sera pour vous accompagner mieux ça sera, j’imagine que ton but est de monter une véritable pièce, quelque chose de présentable devant un public et de qualité, non ? » mon visage s’ouvrit de plus en plus, vraiment ravie d’entendre que d’autres membres de la troupe seraient partant. Je tapotais dans mes mains pour exprimer ma joie. « Genial ! » puis, mon regard se détourna sur Thomas. Tien, il tombait bien puisque Myrddin voulait le voir. Il entra dans le bureau et je fu assez surprise de la scène qui s’offrait devant moi. Myrddin et Thomas étaient donc ensemble ! Eh bien ! Je les laissais, me sentant presque de trop dans cette intimité, bien que réservée quand même.
Thomas n’avait fait qu’un passage furtif, ils se retrouveraient plus tard. Un sourire apparu sur mon visage. « je ne savais pas. » bon, en même temps, je n’étais pas obligée de savoir et puis, je ne connaissais pas la vie privée de tout le monde ici. Mon arrivée était encore un peu fraiche et en même temps, chacun était libre de vouloir la partager aussi. Nous avions tous nos petits jardins secrets. Le mien était en ce moment très très secret d’ailleurs. « Pardon, excuse-moi, on en était où ? » je me redressais sur ma chaise, en effet, nous n’étions pas là pour parler de nos vies sentimentales. « oui, désolée ! du coup. La pièce, comme tu dis, c’est pour monter un vrai projet avec représentation devant les proches, voir plus si c’est possible ! » et si en même temps, on pouvait aussi faire ça dans la salle de spectacle de la troupe… je dis wow ! Mais on en était pas encore là. « est ce que je peux t'offrir un café? » dis-je en me levant pour aller m'en préparer un. Je sortie une capsule nespresso d'un tiroir et la glissa dans la machine. C'était bien sympa d'avoir ça à disposition dans mon bureau. Une fois finis, je reviens vers le bureau pour le poser sur un coin mais je dérape et reverse la tasse encore bien chaude. Par chance, elle tombe directement par terre et s’ébouillante personne. « Quelle cruche!! »

Je suis complétement maladroite, c’était peut être parce que j’étais ravie que ce projet puisse prendre forme. Ravie que Myrddin et d’autres acteurs de sa troupe soient emballées. Alors j’en faisais n’importe quoi. Par chance, ce café de n’était pas écoulée sur Myrddin, ce n’était pas le moment de le faire fuir. Heureusement que la tasse n’était pas en porcelaine, si non, elle se serait brisée en mille morceaux. Il m’aida à nettoyer le café qui avait coulé partout par terre. Une fois que le sol était à nouveau sec, on pouvait reprendre là où on en était. « Ce n’est pas grave, j’peux me passer de café, mais ça me fait penser qu’une comédie serait mieux non ? » Non, je pouvais quand même lui en préparer un nouveau. Je m’exécutais alors. « Cette fois, j’vais faire attention, promis ! » dis-je avec un sourire un peu gêné. Je lui pose la tasse devant lui et on reprend. « Du coup, une comédie ? » pour moi, tout m’allait. « Je ne suis pas sûr qu’un vrai drame, une vraie tragédie, soit ce qu’il faut, mais sinon, ce que nous pouvons faire, ce serait lancer des espèces de votes. Proposer plusieurs textes, par exemple deux ou trois, de différents genres, et laisser les gens concernés décider. Sans savoir quels apprentis comédiens nous auront, ou combien sont volontaires, c’est assez difficile de décider quoi jouer… » je l’écoutais attentivement, on pouvait dire que je buvais ses paroles en réalité. Je ne pouvais que trouver ses idées géniales. « tu as raisons ! » je pris une feuille et un stylo pour ne pas en perdre une miette. « Je suis d’accord pour la comédie. Ils sont avant tout besoin de légèreté dans leur vie, de pouvoir déconnecter. Le Drama, les histoires tristes, ils en ont assez. Un peu d’évasion ne ferait pas de mal. Une migration vers la légèreté. » J’étais un peu d’humeur poète aujourd’hui. « Et ton idée de scénette, c’est assez cool. De toutes façons, j’imagine qu’ils ne sont pas très familiers avec le théâtre, enfin, j’en sais rien mais ça m’étonnerait que tous soient de grands acteurs, ils auront forcément besoin de petits exercices en premier lieu. Enfin on verra ça avec eux tu as raison. C’est avant tout leur spectacle. » il fallait bien que j’insiste sur ça. Le meilleur moyen d’impliquer des personnes dans un projet, c’est qu’il s’en saisisse, qu’il en soit totalement acteur, si on leur impose trop de choses, ils finissent par fuir, n’en comprenant pas l’intérêt. « En tout cas, je pourrais sûrement trouver une petite salle de théâtre pour nos quelques représentations, ça ne sera pas un gros soucis » j’attrapais le médiator qui se trouvait à côté de mon ordinateur pour avoir quelques choses dans mes mains. Ce petit bout de plastique était sur mon bureau depuis que j’avais pris la place, il appartenait sans doute à la personne que je remplaçais. Je le regardais quelques secondes pour ensuite répondre à Myrddin, une fois de plus, ce qu’il venait de me dire me mettait en joie. « Ce serait vraiment génial ! » je m’y voyais déjà à vrai dire.

« Ouais, des ateliers pour commencer ça serait pas mal, avant de rentrer dans le vif du sujet en choisissant une pièce. Ça permettrait de les familiariser comme tu dis, tout en les faisant participer au choix de ce qu'ils joueront. » Peu à peu, le film se faisait dans mon esprit, je commençais à savoir où on pourrait aller précisément, comment les séances pourraient se passer. D’abord de l’entrainement, des petits exercices pour pouvoir choisir une piste, quel genre de pièces ils allaient jouer. Puis, ca permettrait en même temps de repérer les talents, peut être que de grands acteurs se cachaient parmi les malades de l’association. Mais peut être aussi que d’autres auront bien plus de difficultés et que le travail à fournir sera bien plus important. « J’ai une idée ! » dis-je après ces quelques pensées. « enfin… bon, j’imagine que toutes les personnes qu’on accueille ici ne sont pas de grands acteurs… mais il y a un tas de potentiels à exploiter, j’en suis sûre ! Il faudra bien des costumes, des décors… donc, même ceux qui ne sont pas à l’aise à se montrer en public pourront quand même participer ! Les personnes de l’ombres comme on dit ! » je balançais ça comme ça. Ce serait un sacré projet à grande envergure du coup, si ca prenait, si ca se faisait vraiment, ce serait une grande fierté. Je n’avais plus qu’à contacter Leena pour savoir si ensuite, elle serait d’accord pour mettre ses talents de couturière au bénéfice de l’association. Ou d’autres couturiers d’ailleurs… enfin, bon. Avant de m’emballer, il fallait aussi que j’en parle à James et à tous les bénévoles qui forcément, s’ils accrochaient au projet, serait dans la boucle aussi. Je souriais en imaginant quelques-uns d’entre eux se prenant au jeux des exercices de jeux de scène.
« Ah sinon, il me faudrait tes coordonnées quand même, t'as une carte de visite ou un truc du genre ? On sera plus efficaces en se tenant au courant. » bien sur, je hochais la tête, ouvrit un tiroir et sortie ma belle carte de visite. « je les ai eu en début de semaine, t’as de la chance ! » j’en étais fière d’ailleurs. « Je ne vais pas te retenir plus longtemps, t’étais pas venu pour ça à la base ! Du coup, on pourra peut-être se fixer une réunion à l’avenir ? Pour faire ça bien ! puis, je dois en parler à mon boss ! et ensuite, tu pourras le rencontrer ! » histoire d’officialiser tout ça aussi !