| rencontre du passé ft. anwar |
| | (#)Ven 4 Mai 2018 - 4:34 | |
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RENCONTRE DU PASSE Ce soir, une soirée est organisée dans le centre-ville de Brisbane. Comme chaque année, les habitants de la ville se retrouvent au cœur de leur cité, installés sur de larges tables, pour discuter, échanger, se rencontrer et dîner tous ensemble. Un marché existe, dans les rues piétonnes, et des grillades sont proposées. C'est un rendez-vous, qui chaque année réunit des centaines de personnes, qu'ils soient d'ici ou d'ailleurs ; et tous les ans, Tess y va, en général avec Anwar ou Leena. Cette année, c'est avec son meilleur ami que la jolie métisse a décidé de s'y rendre, puisque Leena avait malheureusement trop de commandes en retard sur sa boutique. Comme d'habitude, la métisse avait la musique à fond à l'intérieur de chez elle. En ce moment, depuis l'arrestation de Nick, elle s'était mise à écouter des musiques... de drogués. En l'occurrence en ce moment, c'était edge de Rezz qui passait en boucle, à fond, chez elle. La jeune femme avait augmenté sa consommation de drogue, toujours sur des drogues plus ou moins légères, mais elle savait qu'elle ne pouvait pas en parler à ses amis. Leena avait du mal à la savoir consommer de genres de trucs, et Anwar... c'était justement son boulot que de réprimer les gens comme elle. Mais Tess s'en fichait, clairement. Anwar aurait le droit de l'arrêter, elle ne protesterait pas. Depuis l'arrestation de Nick, la jeune femme sombrait. Elle avait beaucoup de mal à tenir la tête hors de l'eau. Avec Leena, les deux jeunes femmes avaient été voir la police. Cette dernière leur avait dit que rien n'était plus possible en ce qui concernait son viol. C'était trop tard. Ayant apprit ça, Nick lui avait donné un nom, une personne à contacter, à trouver. Il s'agissait de Grimes. Selon lui, il pourrait lui venir en aide. Tess ne se sentait pas vraiment en sécurité depuis le départ de Nick et la plupart des gens qui la cotoyaient prenait ça pour une forme de paranoïa. Se retrouver à vivre seule dans cette maison, à remuer le passé, bien sûr que oui ça refaisait vivre des angoisses qu'elle avait pensé éteintes. Dès lors, la jeune femme fumait énormément afin de trouver le sommeil, ou même d'oublier un peu sa peine. D'ailleurs, elle était en train de fumer alors qu'elle essayait de s'appliquer de l'eyes-liner. Peu satisfaite du résultat, elle ne chercha pas plus loin. Sa large robe hippie, légère, s'envolait à chacun de ses pas alors qu'elle enfilait des chaussures simples à ses pieds. D'ici peu de temps, Anwar allait débarquer. Ils devaient partir d'ici pour rejoindre le centre-ville de Brisbane en voiture ensemble. La jeune femme était en train de ranger son foutoir dans le salon, tout en dansant sur sa musique toujours à fond, quand finalement Anwar fit son apparition dans son salon. Il avait du frapper et avec le niveau sonore, elle n'avait tout simplement rien entendu. Surprise, mais contente de voir son ami d'enfance, la jolie métisse souriait tout en s'approchant de lui doucement, en dansant toujours. Elle lui fit un léger calin, sachant que ses mots ne seraient pas entendus de toutes façons, et puis se décolla pour éteindre sa chaine hifi. Se retrouvant dans le silence, elle sourit à son ami et lui demanda « ça va ? J'espère que t'es en forme ! » parce que oui, ce soir, c'était la première fois que Tess sortait depuis l'arrestation de Nick. Elle avait fuit les soirées, les bars, des apéros entre amis depuis plusieurs semaines et là, il était grand temps de retrouver goût à la vie sociale. Et avec qui de mieux que son meilleur ami d'enfance pour ça ? « Tarek vient ou pas ? » demanda t-elle alors à propos de son filleul. Tess ne savait pas trop s'il était présent à Brisbane en ce moment ou non, mais à la rigueur, il préférerait sortir avec ses potes plutôt qu'avec eux.
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| | | | (#)Jeu 31 Mai 2018 - 9:04 | |
| « Non, c’est hors de question. » Refermant le lave-vaisselle avec brusquerie, il avait quitté la cuisine en espérant couper court à la conversation. « Comme si tu étais à l’étroit ici. » Le suivant jusqu’au salon, elle avait ignoré les jacasseries d’Ibis, observant sur son perchoir. « Oh mais ce n’est pas une question de place. Je refuse simplement que tu vives ici. » Et il lui trouvait déjà un culot monumental d’oser lui poser la question, comme si cet appartement était un moulin ou un hôtel. « Ça ne semblait pas te poser de problème, samedi soir. » Son cynisme à elle s’était heurté à son agacement à lui, et piqué au vif il avait sifflé un « Ne commence pas. » entre ses dents, agacé qu’elle utilise ce moment d’égarement commun pour tenter de prouver son point de vue. « Je vais devenir folle si je reste chez mes parents, tu sais à quel point c’est difficile de trouver un appartement décent quand on est seul, dans cette ville ? » Occupé à rentrer Ibis dans sa cage, et tournant jusque-là le dos à sa future-ex-femme, il avait fait volte-face en haussant le ton, perdant patience « Vraiment, c’est à moi que tu demandes ça ? Et trouver un appartement seul avec un ado, tu penses que ça s’est fait les doigts dans le nez ? » Bien sûr que non, il avait fait des pieds et des mains pour obtenir ce duplex, et en grande partie parce qu’il était dans un état déplorable lorsqu’il l’avait acheté. Des travaux que Madame ne serait probablement pas prête à entreprendre, puisqu’elle repartirait probablement sous peu pour Pétaouchnock ou Dieu sait où. « Sérieux, vous êtes encore en train de vous engueuler ? » De toute évidence, et pris dans leur querelle ils n’avaient même pas attendu leur fils sortir de la salle de bain « On ne s’engueule pas, on discute. » Lançant un regard qui valait tous les « Really ? » du monde à son père, Tarek avait levé les yeux au ciel tandis qu’Anwar récupérait son blouson sur le dossier du canapé et ses clefs de voiture sur la commode. « J’y vais, Tess va m’attendre. » Et cette fois-ci c’était à la mère de Tarek de lever les yeux au ciel ; A l’évidence leur fils s’était bien gardé de lui préciser pour quelle raison son père n’était pas libre pour passer la soirée avec eux. « Tu l’embrasses de ma part ? J’essayerai de l’appeler dans la semaine. » Acquiesçant d’un signe de tête, le policier avait vérifié machinalement qu’il avait à la fois son téléphone portable dans sa poche de son jean et sa montre à son poignet, et finalement quitté l’appartement en lançant un « Profitez bien de votre soirée. » à la volée, bien que beaucoup plus adressé à Tarek qu’à sa femme. Le trajet jusqu’à Samsonvale effectué en un temps record, à l’image de la conduite « sportive » d’Anwar, ce dernier s’était garé devant la maison des Turner sans s’étonner outre mesure de la musique qui s’en échappait et dont on pouvait profiter jusque depuis la rue. Dans un monde idéal il serait arrivé en avance et aurait pris le temps de passer dire bonjour – éventuellement boire un thé – avec son oncle et sa tante, mais si les relations avec cette dernière s’étaient apaisées au fil des années pour son grand soulagement, celles qu’il entretenait avec son oncle restaient un peu difficiles, et s’ils arrivaient à prendre sur eux lors de dîners familiaux organisés à l’avance ils n’en étaient pas encore à savoir comment agir l’un avec l’autre s’ils se retrouvaient de manière fortuite dans la même pièce. Une question réciproque d’egos, selon Lili, mais Anwar préfèrerait bien avaler sa langue que de confirmer ces dires. Frappant une première fois à la porte, puis une seconde fois de façon un peu plus prononcée, il avait fini par s’octroyer la permission de rentrer, certain qu’avec la musique il pourrait bien rester sur le perron et frapper pendant vingt minutes que Tess ne l’aurait toujours pas entendue. Trouvant la jeune femme au salon, il avait pris sur lui de laisser son côté flic de côté pour ne pas relever l’odeur d’herbe qui enfumait la pièce, et l’avait serrée un court instant dans ses bras après avoir déposé un rapide baiser sur son front. Pas mécontent de la voir éteindre la musique – dieu sait que cela le changeait des morceaux de classique qui passaient en boucle au-dessus de sa chambre lorsque Tarek ou l’un des locataires du second étage du loft s’y exerçaient – il avait acquiescé à son « Ça va ? J'espère que t'es en forme ! » et décoché un sourire en décidant de remiser au fond de sa tête les mauvaises ondes que son ex-femme avait distillé chez lui un peu plus tôt. « Toujours, en plus ça fait une éternité qu’on n’est pas sortis tous les deux. » Et le timing faisait qu’ils en avaient probablement autant besoin l’un que l’autre, une soirée pour décompresser, rattraper un peu de la montagne de temps perdus tous les deux, et s’aérer l’esprit plus généralement. « Tarek vient ou pas ? » lui avait finalement demandé la jeune femme, tandis qu’Anwar s’adossait à l’encablure de la porte et croisait les bras. « Non, il passe la soirée avec sa mère. Elle est rentrée d’Afghanistan y’a huit jours. » et une partie de lui avait presque hâte qu’elle reparte tant le simple fait de la savoir à Brisbane lui mettait une pression monumentale sur les épaules. L’autre partie de lui espérait toujours un peu qu’elle se décide enfin à ne plus jamais repartir, mais il avait fini par cesser d’espérer après cela … Il n’y avait plus rien à sauver de leur mariage, au fond, qu’elle soit là ou à des milliers de kilomètres n’y changeait plus rien. « Mais il t’embrasse, il m’a dit qu’il essayerait de t’appeler dans la semaine. » avait-il finalement ajouté en esquissant un sourire, pour en revenir à son fils. La voyant donner un dernier coup dans les coussins d canapé, et ayant remarqué qu’elle était déjà maquillée et semble-t-il habillée pour sortir, il avait repris « T’es prête à y aller ? » tout en faisant tourner ses clefs de voiture autour de ses doigts avec habitude.
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| | | | (#)Jeu 31 Mai 2018 - 17:26 | |
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Anwar avait l'air en forme, bien que fatigué. Le baiser qu'il lui avait déposé sur le front, avec l'étreinte qu'ils avaient eu en même temps, c'était peut-être pour lui quelque chose de mécanique en soi ; mais pour Tess, c'était un geste tendre que lui seul était autorisé, avec Tarek bien évidemment, à avoir envers elle. Son meilleur ami releva le fait que ça fasse longtemps qu'ils ne soient pas sortis tous les deux. Tess hocha la tête à son tour pour confirmer avant de dire « ouais, c'est inacceptable Monsieur Zehri, ça vous coûtera une pinte ! » Son rire envahit l'espace le temps d'un instant, alors qu'elle était en train de récupérer ses affaires dissimulées un peu partout dans son salon. Qu'il s'agisse de ses clefs de maison, son portable, ses clopes, son argent, elle fourra le tout dans son petit sac. Tess se rendit compte alors à ce moment là qu'il était seul et que son filleul n'était pas venu avec lui. Elle était un peu déçue, si elle n'était pas sorti avec Anwar depuis longtemps, il en était de même pour son fils. Et il grandissait tellement vite, c'était à peine croyable. Tess se sentait vieille à ses côtés, mais elle l'adorait ce gamin. Le temps des couches lui manquait, parfois. Anwar lui indiqua alors que sa mère était rentrée. Là dessus, elle se figea et se redressa lentement pour dire doucement « et ça se passe comment ? Elle fait toujours chier ? » d'un avis un peu curieux. Dans le fond, Tess n'était pas curieuse, mais elle était un peu protectrice envers ses meilleurs amis Leena et Anwar. C'était comme ça. La femme de son meilleur ami avait abandonné leur enfant et Anwar alors qu'il n'était qu'un enfant lui aussi. Tess se souvenait très bien de la galère que ça avait été pour son meilleur ami à cette époque et clairement, elle lui en voulait. Anwar n'était pas parfait, il avait parfois son caractère certes, ils étaient jeunes ok, mais rien ne justifiait qu'elle abandonne son fils. Son père avait fait ça quand elle avait eu cinq ans, et toute sa vie elle s'était demandée pourquoi. Mais au moins, elle avait fini par revenir, pas comme son père, non ? C'était une pourrie en repentir, peut-être ? Le joli policier de la brigade des stups lui avoua alors que Tare embrassait sa marraine et avait promit de l'appeler cette semaine. Le visage de Tess s'illumina. Elle l'adorait vraiment ce gosse. Bon, lui aussi il avait son caractère, et puis il était jeune. Il avait sa vie à mener, ses histoires à vivre, mais ça lui faisait toujours autant plaisir lorsqu'il passait la voir ici. Ou quand ils discutaient. Ce gamin, il faisait partie de sa famille, comme Anwar et Leena. « C'est bien, tu l'as bien élevé c'gamin » plaisanta t-elle alors « il prend soin des personnes âgées » vanna t-elle pour elle-même. Son rire envahit l'espace quelques secondes avant qu'elle ne mime une tristesse incroyable en braillant « j'me sens tellement vieille quand il est là » avant de pouffer de rire. Lorsque son meilleur ami lui demanda si elle était prête à partir, le regard de Tess balaya la pièce globalement, à la recherche de quelque chose qu'elle aurait pu oublier et puis lança en réfléchissant en même temps « j'crois que c'est bon ouais ! Let's go ! » lança t-elle avant de sortir de sa maison pour fermer la porte. Celle-ci avait toujours les stigmates de sa soirée étrange avec Lemmy. D'ailleurs Anwar n'était pas au courant de ça ! « Oh attends, j'ai oublié de te montrer un truc ! » lança t-elle en ouvrant de nouveau la porte de sa maison. Entraînant Anwar dans sa cuisine, il ne pu pas manquer les traces de brûlures sur les murs, encadrant la fenêtre. Tess sourit et lança très vite « oui y'a eu le feu, mais rien de grave » précisa t-elle avant de quitter la maison, la fermer, et grimper dans la voiture de son meilleur ami. « Je ne t'ai pas raconté cette histoire, je rentrais de chez Leena et j'suis montée me prendre un bain » commença t-elle avant qu'il allumait le contact. « Et là, j'vois un type débarquer dans ma salle de bain en me criant « y'a le feu dans ta cuisine sors de là » mec, j'ai eu tellement peur, j'ai cru que j'allais crever ! » rigola t-elle finalement. Elle s'arrêta dans son histoire, sans en raconter la fin « finalement le mec m'a sortit de là, les pompiers sont venu, les flics aussi et puis tout est bien qui fini bien » lança t-elle. « J'avais juste oublié ma bouilloire, c'est con, hein ? » Oui, c'est con. A cause d'une envie de thé, en quelques minutes, elle aurait pu tout perdre. Tout ce qu'elle a, c'est cette maison. Les derniers souvenirs de sa mère sont ici. Elle aurait tout perdu en quelques secondes seulement ? Non, ce n'était pas imaginable pour elle. La jeune femme arrêta de parler. Elle qui ne parlait jamais autant se sentait comme une vraie pipelette. Mais cette histoire était drôle, elle avait envie de lui raconter. Tess s'était bien évidemment attachée, parce qu'avec Anwar au volant, il valait mieux. Il roulait comme un porc, mais elle, elle adorait ça. En vérité, elle se souvint que lorsqu'ils étaient un peu plus jeunes, elle adorait grimper avec lui dans sa voiture, parce que la vitesse, il y avait quelque chose de fascinant avec cette dose d'adrénaline injectée. Une dope, c'en était une, réellement. « Et toi alors, le boulot, ta femme... ça va, pas trop dur ? » demanda t-elle, s'intéressant à la vie de son meilleur ami. La jeune femme l'écouta lui raconter les nouvelles du jour, avant de lui lança joyeuse « au fait, c'est quand le prochain concert des Street Cats ? » curieuse d'en être. Oui, maintenant, il fallait sortir, voir des gens, et ne pas avoir peur en permanence. Grimes le lui avait conseillé, et elle s'était braquée. Cet inconnu n'avait pas à lui dire quoi ni comment faire les choses. Ensuite, il y avait eu Lemmy, et lui... c'était étrange. Cet inconnu qui arrive dans sa salle de bain alors qu'elle est nue, qu'il lui dit qu'il y a le feu, qui lui sauve la vie, et qui passe une soirée avec elle, à boire, fumer, et surtout discuter. Cette soirée... elle avait été étrange, fascinante, mystérieuse et magique. Réellement, c'était le mot qui convenait le plus. Elle s'était comporté avec lui comme si elle avait été normale. Comme si sa peur des hommes n'existait plus, comme si son viol n'avait jamais eu lieu, comme si tout allait bien. Ce type avait un don pour effacer ses blessures. Et oui, pour elle, il s'agissait de magie. Seulement voilà, Lemmy lui avait mis du baume au cœur. Et quelque part, ça l'avait mis en confiance pour ce que Grimes lui avait dit : profiter sans devenir paranoïaque. Essayer de profiter de la vie, sans avoir cette boule au ventre envers son passé. Et elle y parvenait, grâce à cette soirée avec Lemmy qui l'avait mis en confiance. La jeune femme avait arrêté de psychoter, de voir son violeur partout, d'entendre des bruits, de se sentir surveillée. Peut-être depuis que Grimes avait accepté de l'aider, elle se sentait plus en sécurité ? Ou bien sa rencontre avec Lemmy avait éveillée plusieurs choses ? Elle n'en savait rien... mais ce soir, elle ne se serait jamais doutée de ce qui allait arriver. Jamais. Pour la première fois en quinze ans.
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| | | | (#)Mer 20 Juin 2018 - 7:39 | |
| C’était dans le fait de se sentir comme une cocotte-minute dès qu’elle était de retour en ville qu’Anwar sentait que cette parodie de mariage avait suffisamment durée, et qu’il était temps d’y mettre fin pour leur bien à elle et à lui. Personne n’avait jamais cru à cette union, surtout pas eux, et entre l’Irak, le Soudan, l’Afghanistan ce qu’il y aurait pu y avoir d’affection – à défaut d’amour – avait toujours gardé cet arrière-goût amer, le goût d’une solitude qu’Anwar avait plus souvent subie que choisie, tant dans sa vie d’époux que dans sa vie de père. Il était temps que tout cela trouve enfin une conclusion, que ces papiers qui attendaient leur signature depuis plus d'un an et demi soient enfin paraphés, et que les choses soient officielles … Mais pourtant elles traînaient toujours. Ce n’était jamais le bon moment, il y avait toujours autre chose à discuter, d'autres disputes à entériner, et ce soir-là encore ne serait pas le bon. La porte de l’appartement passée, pourtant, il avait rangé cela dans un coin de sa tête et s’était promis de ne pas laisser la mère de son fils parasiter ses pensées pour le reste de la soirée ; Il avait mieux à faire, et surtout Tess à aller retrouver. Le boulot grignotant toujours un peu plus sur sa vie privée depuis que Tarek vivait en internat, Annie réalisait que sa dernière soirée avec la jeune femme remontait à ce qui lui semblait être une éternité. Et bien que la situation soit de leur fait à tous les deux, le policier s’était promis de ne pas renouveler l’impair tandis qu’il se garait devant chez la jeune femme et se voyait gratifier d’un « Ouais, c'est inacceptable Monsieur Zehri, ça vous coûtera une pinte ! » lorsqu’il l’avait trouvée enveloppée par une musique assourdissante au salon. « Deal. » lui avait-il alors balancé avec un clin d’œil complice, avant qu’elle ne prenne des nouvelles de Tarek et ne s’enquière de sa présence éventuelle ce soir-là. « Et ça se passe comment ? Elle fait toujours chier ? » Haussant vaguement les épaules, le brun s’était comme souvent senti obligé d’arrondir les angles et de minimiser sa rancœur, ayant presque besoin des autres pour se rappeler que son épouse n’avait pas que de mauvais côtés. « Les périodes de réadaptation sont toujours un peu compliquées pour elle. Mais Tarek est heureux de la revoir, c’est le principal. » Et c’était tout ce qui comptait en définitive, à ses yeux, Anwar ayant toujours eu à cœur que ses problèmes de couple n’entachent en rien la relation entre le fils et la mère. Assurant en tout cas à Tess que son filleul l'appellerait dans les jours prochains, il avait récolté un « C'est bien, tu l'as bien élevé c'gamin, il prend soin des personnes âgées. J'me sens tellement vieille quand il est là. » qui lui avait arraché un éclat de rire et l’avait fait souffler « Ouais, m’en parle pas. » avant que la jeune femme ne termine de se préparer et ne donne le top départ. Fermant à clefs derrière lui, elle s’apprêtait à le suivre pour grimper en voiture lorsqu’elle avait eu un sursaut, et fait demi-tour en lançant « Oh attends, j'ai oublié de te montrer un truc ! » pour que le policier suive et la rejoigne à nouveau à l’intérieur. L’entraînant à la cuisine, elle l’avait laissé découvrir avec des yeux ronds les stigmates de ce qui ressemblait à un début d’incendie. « Oui y'a eu le feu, mais rien de grave. » Rien de grave ? l’avait-il alors questionné du regard, incrédule, tandis qu'elle l'entrainait à nouveau vers son véhicule. « Je ne t'ai pas raconté cette histoire, je rentrais de chez Leena et j'suis montée me prendre un bain. Et là, j'vois un type débarquer dans ma salle de bain en me criant « y'a le feu dans ta cuisine sors de là » mec, j'ai eu tellement peur, j'ai cru que j'allais crever ! » Et la tête que faisait Anwar à cet instant traduisait parfaitement le fait qu’elle avait de la chance qu’il n’apprenne cette histoire que maintenant, et qu’il soit au volant. « Finalement le mec m'a sortie de là, les pompiers sont venus, les flics aussi et puis tout est bien qui fini bien » avait-elle néanmoins conclu, avant de lui offrir le fin mot de l’histoire « J'avais juste oublié ma bouilloire, c'est con, hein ? » Sacrément con, en effet. Mais conscient qu’il ne gagnerait rien à lui faire la morale et que le mal était fait, Anwar avait simplement secoué la tête et admis dans un soupir « L’important c’est que tu n’aies rien et que la maison soit toujours debout. » Appuyant sur l’accélérateur lorsqu’ils avaient atteint l’embranchement du Freeway, il avait jeté un coup d’œil machinal dans le rétroviseur avant de reposer les yeux sur la route. La question somme toute banale qu'avait posé Tess ensuite « Et toi alors, le boulot, ta femme ... ça va, pas trop dur ? » avait pourtant ridé le front du policier avec souci, et dépassant un peu grossièrement la voiture devant lui en récoltant en klaxon auquel il avait répondu par un majeur levé à travers la vitre, Anwar avait réajusté sa casquette sur son crâne avant de répondre d’un ton évasif « Ça va, ouais. C'est un peu le boxon au bureau, on nous a collé une nouvelle recrue dans les pattes, pour le moment il brille pas par son sens de l’initiative, mais bon. » Le brun avait cependant conscience de manquer de patience avec lui simplement parce qu’il avait d’autres préoccupations en tête, et il tentait de prendre sur lui. « On a coffré une nana pour meurtre cette semaine, j'ai dû lui passer les menottes devant un môme de quatre ou cinq ans à peine. Parfois je déteste ce job. Je suis même pas sûr qu’elle soit coupable. » Mais il était policier, pas juge … ce n’était pas son boulot, de décider de la culpabilité d'autrui. Et contrairement à ce qu’il avançait il aimait son travail, profondément. C’était simplement la période qui le mettait sous pression, ce n’était ni la première ni la dernière fois … Comme d’avoir terminé son samedi soir dans le même lit que sa future-ex-épouse, erreur cent fois répétée sans qu’il n'ait semble-t-il toujours pas retenu la leçon, et sans qu’il ne sache si c’était d’avoir l’esprit ailleurs qui lui faisait faire ce genre de conneries ou si c’était de réitérer cette bêtise qui détraquait tout le reste. Sautant sur l’occasion de changer de sujet lorsque Tess avait demandé « Au fait, c'est quand le prochain concert des Street Cats ? » il avait vaguement secoué la tête et forcé le ton pour sembler plus enjoué au moment de répondre « Lou nous a dégoté un bar qui nous laisse sa scène le jeudi soir, j’te filerai l’adresse si tu veux passer faire un tour à l’occasion. On a une espèce de vieux hippie qui s’est greffé au groupe récemment, je jauge encore, mais y’a moyen que ça donne un bon truc. » Mais ce n’était pas de la faute du concerné de toute façon, Anwar était simplement comme ça, on ne gagnait ni son respect ni son intérêt total en un claquement de doigts, il fallait du temps et surtout il fallait faire ses preuves pour recevoir l’adoubement du grincheux en chef. « T’as mangé, au fait ? Sinon on peut s’arrêter grignoter un truc. » avait-il finalement demandé, tandis que ralentissant légèrement en entrant à nouveau en agglomération il se mettait en quête d’un endroit où se garer, toujours un véritable casse-tête en soirée dans ce quartier.
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| | | | (#)Ven 22 Juin 2018 - 20:46 | |
| La situation avec sa femme était compliquée. Tess avait été le témoin de toute l'histoire, ou presque, au cours des années. Elle se gardait bien d'avoir un avis véritablement tranché. Son meilleur ami était bien assez intelligent pour savoir ce qui était le mieux pour lui, ou son fils. Elle, elle était là au besoin, qu'il puisse s'agir de Tarek ou Anwar. La métisse se dit que tout cela devait être bien compliqué pour son filleul. Il devait être perdu, à chaque fois qu'elle rentre. Et en même temps, il devait tellement apprécier ces moments là. La jeune femme, assise dans la voiture de son meilleur ami, venait de lui montrer l'état de sa cuisine. A présent sur la route jusqu'à Brisbane, la jeune femme souriait doucement. Elle adorait être en voiture, c'était peut-être un truc con, mais elle, elle adorait ça. Les tresses au vent, la tête dans le courant d'air, la langue limite à pendre dans le vide, oui, elle adorait ça. Et puis en ce moment, ça allait bien pour elle. Tess ne s'était jamais sentie aussi bien d'ailleurs. Pour beaucoup, c'était l'effet Lemmy. Ce type avait un truc spécial. Et malgré leur dispute, malgré qu'ils soient presque inconnus l'un pour l'autre... il y avait ce truc. Ce truc qui ne fonctionnait qu'avec lui, et qui ne fonctionnait sur aucun autre garçon. Il avait ce petit truc que les autres n'avaient pas. Et Tess fondait littéralement face à ces deux océans bleus qui l'hypnotisait. Tess sourit, en repensant à leur course nocturne en voiture jusqu'à Mount Pleasant. Elle n'en parlerait pas Anwar parce qu'elle ne lui avait jamais parlé de tout ça. Il n'était pas au courant de son passé et comme depuis, elle n'avait jamais eu personne, elle n'avait jamais parlé de ce sujet avec lui et c'était ce qu'elle appréciait chez son meilleur ami. C'était le seul garçon avec lequel le cul n'était pas un sujet de conversation problématique. Anwar reprit la parole, précisant qu'elle avait de la chance que sa maison soit encore debout. Et oui, Tess hocha la tête en accord avec ce qu'il disait. Si Tess avait perdue la maison de sa mère... elle ne l'aurait pas supporté. Lorsqu'elle lui demanda des nouvelles et qu'il commença à parler de son travail, la jeune femme rigola, retenant ses tresses volant au vent. Une nouvelle recrue qui ne prend pas d'initiative. D'ailleurs en parlant de ça, est-ce qu'Anwar connaissait Grimes ? Est-ce qu'ils étaient au courant quand un gars de ce genre d'institution entrait sur le territoire ? Elle se posa furtivement la question, avant de passer à autre chose. Anwar parla d'une récente enquête. Tess sentit un frisson lui parcourir le dos. Elle oubliait trop facilement que son meilleur ami voyait des cadavres. C'était un truc ouf dans sa tête de « fille lambda ». Elle n'avait jamais vu quelqu'un mourir, ou être mort. Et clairement, elle espérait ne jamais voir ça de sa vie. Et pour ça, elle avait clairement une putain d'estime pour le job d'Anwar, ou même les urgentistes, pompiers et autres métiers de cette veine là. « Mais malheureusement c'est ton taff » répondit Tess à la fin de son discours. « Tu n'as qu'à passer Juge sinon ? » proposa t-elle limite en rigolant, mais pas trop en fait. Après tout, si son taff ne lui plaisait plus, il pouvait peut-être évoluer, non ? Elle ignorait le processus, mais elle se dit que peut-être était-ce possible. Tess se sentait bien dans cette voiture, avec son meilleur pote. Ca faisait longtemps qu'ils n'avaient pas fait un truc ensemble, il ne manquait plus que Leena, mais elle n'était pas dispo tout de suite, peut-être les rejoindrait-elle plus tard ? La métisse s'intéressa au Street Cats, son meilleur pote lui en parla rapidement et elle ne pu s'empêcher de répondre « anh c'est super cool ! Jeudi tu dis ? Azy, ça devrait le faire ! Mais c'est cool pour la nouvelle recrue » s'enjailla t-elle. Ils finirent par arriver en ville, la vitesse du meilleur ami se régula au plus grand dame de la métisse. Il lui demanda si elle avait mangé, ce à quoi Tess répondit « tu sais très bien que mangé ou pas, si j'vois de la bouffe, j'aurai faim » rigola t-elle. Non mais en plus, elle n'avait pas mangé et puis surtout, elle avait fumé, donc la foncedalle allait pointer le bout de son nez à un moment donné. Il fallait donc la prévoir. Finalement, Anwar réussi à se trouver une place le long de la rue principale. Coup de chance, normalement c'est toujours blindé par ici. La trentenaire descendit de la voiture et alla payer l'horodateur. Beh c'était celui qui se faisait transporter qui payait, normal. La jeune femme, les lunettes de soleil sur le nez , commença à lever le nez pour observer les alentours « tu as faim de quoi ? » demanda t-elle en regardant ce qu'il y avait d'ouvert. « Ca te dit pas qu'on s'prenne un truc à emporter et qu'on mange dans un coin tranquille » genre le parc de la ville, ou la jetée ? Tess n'était pas une fana de restaurant, même si elle s’acclimatait à la foule, ça n'était pas encore trop ça. Attendant la réponse de son meilleur ami, Tess commença à entendre de la musique. A quelques rues d'ici, il y avait la fête organisée par la ville de Brisbane. Juste à côté du marché, il y avait une sorte de buvette, avec des grillades et puis une sorte d'orchestre. Tess avait vu ça du coin de l'oeil en tournant dans Brisbane ces derniers jours, et elle avait envie d'y aller, d'où l'invitation auprès d'Anwar d'y aller. La jeune femme lança « sinon au pire, y'a tout ce qu'il faut là-bas hein ? » proposa t-elle en se tournant dans la direction de la fête, sans la voir pour autant pour le moment. |
| | | | (#)Mar 3 Juil 2018 - 8:20 | |
| Il était déjà arrivé à Anwar de se tromper dans son travail, nul n’était infaillible et surtout pas lui, mais la majorité du temps il finissait par obtenir raison quant au fait d’avoir choisi de se fier à son instinct ; Et si l’arrestation de Noa Jacobs lui restait sur la conscience c’était précisément parce qu’il n’était pas convaincu de sa culpabilité. Il était même intimement convaincu de son innocence, mais ne possédait pas les preuves tangibles qui lui permettraient de le prouver … Et la jeune femme, quant à elle, n’y mettait pas beaucoup du sien pour cultiver son image d’innocence, à tel point que leur premier interrogatoire avait presque suffit à persuader le policier qu’elle était la coupable idéale. Mais coupable idéale ne voulait pas dire coupable tout court. « Mais malheureusement c'est ton taff. » lui avait en tout cas confirmé Tess avait fatalisme lorsqu’il avait mentionné ce dénouement qu’il n’assumait ni ne cautionnait. « Tu n'as qu'à passer Juge sinon ? » avait-elle alors proposé pour le chambrer, Anwar forçant le grincement de dents et la grimace dépitée au moment de répondre « Bweh, si un jour j’en arrive à être à ce point désespéré, je t’autorise à me secouer. » Mais la vérité que c’était que merci, mais non merci. Anwar était un homme de terrain, et surtout il était un homme de prévention plutôt qu’un homme de répression, et la différence majeure entre le juge et le policier se situait précisément dans la différence entre ces deux termes. Enfin, l’affaire Noa Jacbos lui resterait probablement au travers de la gorge encore un moment s’il n’était pas parvenu à s’en dépêtrer d’ici là, mais pour l’heure il n’y avait rien de plus qu’il puisse faire et il faisait ce métier depuis suffisamment longtemps désormais pour savoir qu’il devait se forcer à compartimenter les choses. Saisissant donc au vol la mention faite par la jeune femme des Street Cats et de leurs dernières nouvelles, il avait mentionné le dernier accord obtenu par Lou, brinquebalant et n’assurant rien de plus que quelques consommations gratuites après avoir sué sur scène, mais pour Anwar qui n’avait jamais rêvé de grandeurs et aspirait simplement à partager un peu de sa musique, c’était amplement satisfaisant, et suffisant. « Anh c'est super cool ! Jeudi tu dis ? Azy, ça devrait le faire ! Mais c'est cool pour la nouvelle recrue » s’était alors exclamée Tess, d’un enthousiasme qui avait fait plaisir au policier. Acquiesçant d’un signe de tête, il lui avait proposé « J’te texterai l’adresse exacte, alors. Là de tête je m’en rappelle pas. » Il n’était même plus certain que Lou lui ait précisé l’information, à vrai dire, leur conversation ayant rapidement été interrompue à ce moment-là par la susceptibilité et les démarrages au quart de tour habituels de la chanteuse. Trouvant finalement où se garer, Annie avait proposé à son amie de s’arrêter manger quelque chose, en premier lieu « Tu sais très bien que mangé ou pas, si j'vois de la bouffe, j'aurai faim. » lui avait-elle d’ailleurs assuré. « Tu as faim de quoi ? Ça te dit pas qu'on s'prenne un truc à emporter et qu'on mange dans un coin tranquille ? » Il avait haussé les épaules, il avait faim par principe alors il pouvait bien se mettre sous la dent n’importe quoi, cela ferait toujours l’affaire. Mais puisqu’elle avait suggéré « Sinon au pire, y'a tout ce qu'il faut là-bas hein ? » il devait bien admettre qu’une odeur en particulier était venue glisser sournoisement jusqu’à ses narines et accaparait seconde après seconde son attention. « Je crois bien que je tuerais pour un hot-dog végé. » Et nul doute qu’ils n’auraient aucun mal à trouver cela sur le chemin, avantage parmi une pléiade d’autre au fait de vivre en Australie, là où l’option végétarienne chère au cœur du brun se trouvait à tous les coins de rue. « Et du coup, Leena nous rejoins plus tard ou finalement elle était pas libre ? » Il avait laissé Tess gérer cette partie du programme, voir avec Leena si elle se libérait ou non, si elle avait autre chose de prévu ou non. Mais il y avait une éternité qu’il n’avait pas vu la jeune femme depuis son retour d’Angleterre, et chaque fois il se faisait la réflexion qu’il fallait qu’il prenne le temps de lui envoyer un message pour prendre de ses nouvelles et caser un moment pour lui offrir un verre. « Choisis ce qui te fait envie, c’est moi qui offre. » avait-il finalement ajouté, adressant un clin d’œil à la brune tandis qu’ils s’arrêtaient devant un stand de grillades proposant, entre autres choses, les fameux hot-dogs végétariens dont l’odeur avait hypnotisé Anwar.
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| | | | (#)Mer 4 Juil 2018 - 19:11 | |
| Son meilleur ami lui demanda ce qu'il en était de la venue de Leena pour ce soir, la jolie métisse lui répondit tout en jetant un coup d'oeil à sa montre, entourant son poignet « d'ici une heure j'crois que ça devrait l'faire, elle nous rejoindra ». En effet, la jolie petite brune avait quelques petites choses à régler avec son travail avant de les rejoindre, d'où le fait qu'Anwar et Tess soient tous les deux pour commencer. Le policier avait apparemment cruellement faim, et plus précisément d'un hot-dog végétarien, ce qui n'étonnait pas Tess étant donné qu'il était végétarien depuis plusieurs années maintenant. Ils venaient de traverser la route pour se rendre sur la place de Brisbane. C'était là, entre une fontaine jaillissante, les bars et boutiques ouvertes, que s'étaient dressés des stands à la fois de bouffe, de boissons locales, et d'une multitude d'autres petites choses. De grandes tables en bois cernées de bancs s'étendaient sur des mètres entiers ce qui donnait tout de suite une ambiance convivial et chaleureuse. Anwar s'était dirigé vers le stand qui proposait des hot-dog végétarien, la jeune femme avait fait quelques pas pour regarder à vue d'oeil -comme ça- ce qu'on lui proposait d'autre à manger. Il y avait des grillades, il y avait des salades de fruits, il y avait des frites bien grasses avec du cheddar coulant dessus... ok. Elle avait trouvé. « Moi j'pars par là-bas » annonça t-elle à Anwar en pointant du doigt la longue file d'attente qui se dessinait devant le stand des frites. Anwar allait très certainement avoir fini de manger avant qu'elle n'est pu commander, mais ce n'était pas très grave. La jolie métisse se mit dans la file d'attente pour attendre son tour. Pour patienter, elle levait le nez pour observer les gens, l'ambiance, les différents stands. C'était agréable, elle était sûre de passer une bonne soirée, tous les ingrédients étaient réunis. Et puis elle était vraiment ravie d'enfin passer une soirée avec son meilleur ami, surtout que Leena allait les rejoindre. Et dire qu'ils se connaissaient depuis tellement longtemps... presque depuis toute sa vie. Pour Leena, c'était le cas oui, elles avaient passées toutes leurs vies ensemble. Pour Anwar, ça avait prit plus de temps, vu qu'il n'était arrivé à Brisbane que vers ses sept ou huit ans, et qu'ils avaient une différence d'âge. Tess sourit, les souvenirs de leur enfance étaient tous de bons souvenirs. Mais il était vrai que se souvenir d'un Anwar enfant et immature était compliqué. Elle n'était pas sûre d'être capable de s'en souvenir. Sortant son portable de son sac, et suivant le rythme de la file d'attente, la jeune femme envoya quelques messages à sa meilleure amie. Finalement, Tess pu enfin passer commande et une fois sa cargaison sous le bras, elle s'empressa de dire à son meilleur ami « bon, il nous faut du diluant pour faire passer tout ça, tu veux une bière ? » proposa t-elle. Elle avait cru voir quelques tireuses à bières pas très loin, et il semblait que la bière était locale. Ca avait aiguisé sa curiosité, si bien qu'elle mit dans les mains de son meilleur ami sa portion de frites coulant de cheddar et qu'elle lui lança « j'vais nous en prendre, va t'asseoir j'te rejoins ». Le service semblait bien plus rapide et fluide que pour les frites, et comme ça, Anwar allait pouvoir leur choper deux places assises sur les bancs installés dehors. La jeune femme se faufila dans la file d'attente et souriante, ne se préoccupait pas du reste. Il y avait du monde, mais il y avait une ambiance bienveillante, en tous cas, c'était ce qu'elle pensait encore à ce moment là. Très vite pourtant, une sensation désagréable se fit ressentir sur le ventre de la jeune femme. Elle sursauta presque et n'aurait pas perdu de temps à se retourner en temps normal, sauf que cette main glissante sur son ventre n'était pas celle d'un homme... ordinaire. Presque collé contre son dos, elle entendit sa voix murmurer à son oreille, dans un souffle qu'elle n'avait jamais pu oublier après toutes ces années « bonjour Tess ». Impossible de bouger, impossible de dire quoi que ce soit, impossible de crier. Son corps était là, sans être là. Lourd, incapable de bouger, il ne lui servait à rien, hormis de prison. Enchainée, enfermée dans son propre corps, la jeune femme ne pouvait rien faire. Son cœur battait la chamade. Il était là, juste derrière elle, c'était lui. Comme si elle était tétanisée, sous le choc, terrorisée, la jeune femme ne pouvait pas lui faire retirer sa main, elle ne pouvait pas s'éloigner de ce corps qu'elle sentait contre son dos et ses fesses. Il agissait encore comme s'il avait le contrôle sur elle, comme si elle était sa chose. « J'suis content de te voir » lui souffla t-il encore. Elle sentait son souffle si près de son visage, ça la dégoûtait, elle avait envie de crier, de pleurer, de partir en courant, mais elle ne pouvait pas bouger. D'ailleurs, c'était lui qui la faisait avancer dans la file, comme s'ils étaient un couple, caché par la foule, comme si tout était normal. Le visage de Tess s'était figé, entre la peur et l'abandon. Elle ne voulait pas croire qu'il était vraiment là. Est-ce que c'était comme avec Lemmy ? Les effets de la foule qui agissent sur elle comme un cri de panique ? Qu'elle pète les plombs, que son cerveau lui joue des tours ? La métisse ferma les yeux une seconde pour se rendre compte qu'elle avait encore plus peur ainsi, elle les ouvrit alors. Non, il était toujours derrière elle, sa main était toujours là. « J'ai bien reçu la visite de ton agent là, Grimes. Il a essayé d'être discret, mais je t'ai dit que je le saurai si tu faisais quelque chose ». Elle sentit à sa voix, à son souffle, qu'il était presque content de ça. Qu'il était même ravi. Tess eu un frisson qui lui traversa le corps tout entier, comme une décharge électrique. Elle se sentait en danger, elle se sentait fragile et vulnérable. Il pouvait faire ce qu'il voulait d'elle. « Tu n'aurai pas du faire ça » souffla t-il avant de laisser sa main glisser de nouveau sur son ventre. Elle retenu sa respiration, comme si elle était sous l'eau, que c'était pour sa survie. Et en quelques secondes, il n'était plus là. Sa présence, lourde et insoutenable derrière elle s'était envolée. Sa main s'était enfuie. Elle retrouva son souffle, comme lorsqu'on remonte à la surface, et elle ne tarda pas à regarder derrière elle. Croisant le regard de gens dans la foule qui l'observaient étrangement. Pourquoi ? Avait-elle l'air d'une folle ? Sans doute, elle devait forcément avoir ce sentiment de peur, de traumatisme qui venait de réapparaître sur son visage. Elle devait forcément avoir cet air perdu, cet air déboussolée. La jeune femme tourna sur elle-même pour essayer de retrouver son violeur, mais la foule était trop dense. Et les gens lui firent signe, c'était à elle de commander ses bières. Elle n'avait pas le temps. Perdue, à l'ouest, elle ne savait même plus pour quoi elle était ici. Elle était incohérente, mais elle réussit à prendre deux bières et à partir après avoir payé non sans difficultés. Anwar. Il fallait le retrouver, oui, mais elle ne pourrait pas faire semblant. C'était impossible. Ses mains tremblaient et elle regardait partout autour d'elle. Il était là, caché dans la foule, il allait revenir. C'était comme revenir quinze ans en arrière, se sentir de nouveau sous son joug. Tess fini par trouver Anwar assis à table, au lieu de s'installer face à lui, elle vint à ses côtés. Passant une jambe par dessus le banc, elle posa les bières. Que devait-elle faire ? Dire ? Elle était perdue. Elle ne pourrait pas lui mentir, parce qu'elle était trop sous le choc, que c'était trop grave. Mais lui dire la vérité maintenant... comment allait-il réagir ? Est-ce qu'elle allait le perdre ? Elle ne le pourrait pas. Elle trinqua avec lui, de sa main tremblante et très vite, elle se sortit une cigarette pour essayer de calmer ses nerfs. Sa voix se brisa lorsqu'elle lui lança « Annie... est-ce qu'un jour quelque chose pourrait faire qu'on n'soit plus amis ? » de bute en blanc, sans préliminaire. Oui, il devait bien voir qu'elle était bizarre. Et là clairement, Tess aurait voulu tout lui dire sans avoir peur de perdre son amitié. Il répondit à la question qu'elle lui avait posé et très vite, elle enchaîna « Annie faut qu'j'te dise quelque chose... faut pas que tu m'en veuilles, c'est juste qu'il vient de se passer quelque chose là tout de suite et que ça ne va pas du tout » tremblant nouveau, elle sentit que les sanglots allaient ressurgir dans sa voix et que non, ça n'allait pas du tout. |
| | | | (#)Mar 24 Juil 2018 - 7:19 | |
| Le temps filait à toute allure et parfois Anwar ne s’en rendait même plus compte ; Sans Tarek à la maison il n’y avait même plus vraiment de routine, et s’il était entièrement honnête avec lui-même le brun devait admettre qu’il se laissait un peu trop vivre. Sauter des repas, remettre le ménage au lendemain, découcher ou s’endormir devant la télévision, il n’y avait plus ni exemple à donner ni rôle de mari ou de père à jouer au quotidien, et parfois le policier avait la sensation de vivre à retardement ce qu’aurait dû être le début de sa vie d’adulte. Celle qu’il aurait dû avoir si le mariage ne s’était pas imposé à lui, à eux, les précipitant dans une vie à deux plus souvent subie que choisie. Un laisser-aller temporaire mais dans lequel il s’était malgré lui rendu coupable de délaisser certains proches, comme en réalisant qu’il avait attendu d’avoir besoin d’un service pour descendre voir Delilah, ou qu’il n’avait encore presque jamais pris le temps de voir Leena depuis son retour d’Angleterre. « D'ici une heure j'crois que ça devrait l'faire, elle nous rejoindra. » avait néanmoins assuré Tess à propos de cette dernière, après avoir jeté un coup d’œil à sa montre. Et si cela ne suffisait pas à dédouaner complètement Anwar de la situation, il était momentanément prêt à s’en satisfaire et à s’en contenter. Pour l’heure ils en étaient en tous cas arrivés à la décision de manger un bout, le brun particulièrement souhaitant gratifier son estomac d’un repas dont il avait déjà été privé le midi. Optant pour un hot-dog végétarien dont la seule odeur avait suffi à le mettre en appétit, il avait laissée Tess vaquer à sa propre faim en annonçant « Moi j'pars par là-bas. » et s’était de son côté mis en quête d’un endroit où ils pourraient s’installer dès le moment où ils avaient chacun été servi et où elle avait proposé d’aller leur chercher à boire. Trouvant non sans mal un endroit où se poser, et prenant soin de garder vacante la place à côté de lui pour que Tess puisse s’y faufiler à son retour, le brun en avait profité pour jeter un œil au SMS reçu pendant qu’il conduisait mais qu’il n’avait pas encore eu le temps de lire. L’échange entre sa cousine et lui l’occupant durant plusieurs minutes, il n’avait finalement relevé le nez de son écran qu’au moment où son amie était réapparue avec leurs bières « Lili t’embrasse. » avait-il alors fait savoir, un fin sourire aux lèvres, ne recevant pourtant aucune réponse tandis que Tess s’asseyait à côté de lui, les mains tremblant légèrement. « Tout va bien ? » Lui tendant son verre sans rien dire, elle avait sorti une cigarette presque à la seconde où il avait récupéré son verre et libéré une de ses mains, et finalement questionné à son tour « Annie ... est-ce qu'un jour quelque chose pourrait faire qu'on n'soit plus amis ? » Outre la question, le fait qu’elle n’ait pas de scrupules à allumer une cigarette devant lui alors qu’il en détestait l’odeur et qu’elle le savait avait interpelé Anwar, dont l’air s’était fait concerné. « Pourquoi tu me demandes ça ? Non bien sûr que non … » Mais semblant à peine avoir écouté la réponse, Tess avait enfin relevé les yeux vers lui et repris presque dans la foulée « Annie faut qu'j'te dise quelque chose ... faut pas que tu m'en veuilles, c'est juste qu'il vient de se passer quelque chose là tout de suite et que ça ne va pas du tout. » sans parvenir à masquer les trémolos dans sa voix. Reposant son verre sur la table en sentant l’angoisse le gagner, le policier avait froncé les sourcils et glissé un doigt sous le menton de la jeune femme pour lui faire relever la tête vers lui « Comment ça, qu’est-ce qui vient de se passer ? » Instinctivement son regard avait balayé autour de lui avec angoisse, comme en espérant trouver dans la foule autour d’eux une première réponse à sa question, mais il n’y avait rien vu de plus que la cohue compacte d’un soir de fête. L’estomac noué, il reposé les yeux sur Tess et attrapé l’une de ses mains avec inquiétude en voyant qu’elle tremblait toujours « Hey, parle-moi. Qu’est-ce qu’il y a ? » Le silence de Tess, combiné au fait qu’elle semblait avoir soudainement pâli, faisait cogner son cœur avec angoisse dans sa poitrine. « Tu te sens pas bien ? Tu veux qu’on bouge ? » Il supposait, cherchait à comprendre en attendant d’obtenir une explication, et n’ayant que faire de laisser leurs repas sur place si elle se sentait malade.
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| | | | (#)Mar 24 Juil 2018 - 16:11 | |
| Quand Tess arriva auprès de son meilleur ami, elle n'était plus vraiment la même, ni même plus trop là. En réalité, c'était comme si elle était ailleurs, dans une version alternative, où son corps semblait pas vraiment contrôlable, ou son esprit semblaient mettre des barrières un peu partout. Son traumatisme avait été mis en cage pendant des années, et à cette voix, à ce contact, à cette rencontrer, c'était comme si son violeur en avait lui seul la clef. Libérant les démons dans le corps physique et psychique de la jolie Turner, cette dernière se retrouvait submergée, éteinte, écrasée. Alors oui, elle n'entendit pas vraiment ce que lui disait Anwar alors qu'elle arrivait à sa hauteur, et que non, elle ne se priva pas s'allumer une cigarette. Ses mains tremblaient, il fallait qu'elle se calme. Son meilleur ami n'était au courant de rien, de rien du tout. Comment pouvait-elle lui annoncer près de quinze ans après le drame ? Comment pouvait-elle se confier à lui, lui révéler qu'elle lui avait menti pendant quinze ans, alors que lui s'était toujours révélé sincère envers elle ? Et puis qu'allait-il penser de son choix, celui d'en faire la marraine de son fils ? Allait-il le regretter ? Est-ce que leur relation allait changer ? Toutes ces questions étaient en train de s'illuminer dans son esprit, en même temps. Cela provoquait un profond chaos, alors qu'elle était totalement terrifiée par ce qu'elle venait de vivre et dans quoi elle se retrouvait replongée. Quand elle lui demanda si quelque chose pourrait faire qu'ils ne soient plus amis, il répondit que non. Tess tira sur sa clope, de longues bouffées, avant de recracher la fumée nerveusement. Elle fixait sa bière et la mousse qui la recouvrait. Elle avait trop peur de relever les yeux et que son violeur soit là. Et s'il allait parler à Annie ? Et s'il lui racontait tout lui-même ? Son cœur battait la chamade, et Tess était complètement paniquée à l'intérieur. Seulement voilà, depuis sa crise de nerfs avec Lemmy, la jeune femme essayait réellement de prendre sur elle. Elle ne voulait pas refaire cette même crise d'angoisse et encore moins avec son meilleur ami, ignorant son histoire. Quand la jolie métisse parvint à lui avouer que ça n'allait pas du tout, à cause de quelque chose de récent, son meilleur ami posa sa bière. Tess tira sur sa clope et recracha aussi vite sa fumée, avant que l'un des doigts d'Annie ne vienne faire remonter son visage. Elle ne parvint pas à lever les yeux vers les siens, elle avait trop peur d'y voir quelque chose qui lui ferait du mal. Comme de la déception, de la honte, du dégoût. Il s'interrogea et très vite, observa les alentours. Tess ferma les yeux. Elle termina sa clope et lorsque son meilleur ami lui demanda si elle voulait bouger d'ici, elle hocha la tête. Passant ses jambes par dessus le banc, elle garda la main d'Annie dans la sienne et se laissa guider à travers la foule, la tête basse, comme une coupable que l'on emmènerait au piloris. La jeune femme suivait son meilleur ami sans trop savoir où est-ce qu'il allait l'emmener. Après quelques minutes de marche, ils arrivèrent à une promenade longeant une baie à l'eau turquoise. Il y avait quelques personnes qui se baladaient aussi, des bancs à disposition, mais tout était tout de même assez calme, sans non plus que ça soit désert. Tess ne lacha pas tout de suite la main de son meilleur ami. Une fois sa clope jeté dans un cendrier posé non loin, la jeune femme passa ses mains sur son visage et souffla. Elle savait qu'Annie était en train de s'inquiéter, et elle ne savait pas quoi lui dire pour que ça ne soit pas le cas. Il allait s'inquiéter, il allait être triste, il allait lui en vouloir, et il serait déçu. C'était un fait. Seulement Tess n'était pas prête à subir ça de sa part. Pourquoi ne rien lui avoir dit, alors qu'en plus, il était devenu policier ? Parce qu'à l'époque il avait d'autres chats à fouetter, que la vie n'était pas simple pour lui, et qu'il n'était pas encore flic à cette époque. Bref, passant ses mains sur son crâne, replaçant ses tresses en arrière, la jeune femme jeta un coup d'oeil à Annie. Il fallait qu'elle parle et maintenant. « Je... » commença t-elle. « C'est pas quelque chose de facile à dire... » précisa t-elle. La jeune femme alla s'asseoir sur le banc qui était libre, tout près. Passant une jambe sous ses fesses, et torturant ses doigts, elle fini par dire, le visage toujours aussi bas « Annie je sais que tu vas avoir de la peine... parce que je ne t'ai rien dit, mais j'veux que tu saches que c'était pas contre toi... à l'époque tu avais tes propres problèmes et moi... j'avais trop honte de toutes manières. Il n'y a que Leena qui soit au courant, maman ne l'a jamais su... » se justifia t-elle d'abord. Tess releva légèrement les yeux, assez pour voir l'eau turquoise devant elle. Fixant ça, elle fini par lui raconter son histoire. « Tu te souviens de mon quinzième anniversaire ? Tu... tu n'avais pas pu être là, parce que tu avais un truc de prévu... c'était en mars 1998, tu avais... vingt ans » contextualisa t-elle. Elle prit son temps, et fini par raconter ce qu'il s'était passé « maman avait invité des amis à elle, Leena n'avait pas pu être là dès le début de la journée non plus... il y avait surtout des voisins, des amis de maman, des collègues de travail et puis leurs enfants » elle prit une respiration et continua « un collègue de l'hôpital de maman m'a dit qu'il voulait m'offrir mon cadeau mais que c'était un secret, alors on est allé dans ma chambre pour... bref... tu as compris ? » s'arrêta t-elle alors en tournant sa tête vers son meilleur ami. Elle ne voulait pas raconter cette histoire, elle ne voulait pas raconter les détails, c'en était déjà trop pour elle. « Il... il l'a fait et puis quand il a eu fini, il m'a menacé de tuer maman si j'en parlais... » Tess essayait vraiment de garder ses larmes, mais sa voix tremblait et ses mains aussi. Elle se sentait terriblement mal à l'aise, honteuse, gênée, et tous les autres adjectifs de cette même trempe. « Il m'a dit qu'il le saurait si j'en parlais, même dans dix ans... et... et y'a pas longtemps... j'ai été voir la Police avec Leena pour... pour faire quelque chose » avoua t-elle. Oui, elle avait eu envie de ranger cette histoire judiciairement, légalement, que réellement quelque chose se passe pour cloturer cette page de sa vie qui restait ouverte après quinze ans. « Mais... ils m'ont dit que c'était trop tard, que le délai était passé et que maintenant... ils ne pouvaient rien y faire » avoua t-elle en regardant son meilleur ami. « Alors j'ai été voir quelqu'un... Un agent du FBI qui est à Brisbane pour quelques temps... C'est Nick qui m'avait donné son contact avant d'être emprisonné... » elle se repositionna un peu mieux sur le banc et continua « il m'a dit qu'il n'avait aucun pouvoir ici mais qu'il pourrait le surveiller » parce que oui, Tess connait son violeur. « Aux dernières nouvelles, il n'y avait rien de particulier... sauf que... j'viens de le croiser dans la foule, là » avoua t-elle sentant son corps trembler d'un coup, comme un frisson. L'idée qu'il ait pu se coller presque à elle, et lui parler d'aussi prêt la dégoutait. Elle se sentait sale, comme il y a quinze ans. Elle ferma les yeux et posa ses paumes sur ses yeux, essuyant les larmes avant qu'elles ne coulent vraiment sur ses joues. « Il m'a dit qu'il avait vu Grimes, qu'il savait que j'en avais parlé et il m'a menacé... » avoua t-elle en ne retenant plus ses larmes. C'était trop tard, il y avait trop d'émotions enfouies ou non qui revenaient à la surface.
HRP : Tu m'avais manqué Annie |
| | | | (#)Jeu 9 Aoû 2018 - 1:45 | |
| La Tess fébrile qui venait de s’asseoir à ses côtés n’avait rien à voir avec la Tess tout sourire qui l’avait quitté quelques minutes auparavant pour aller leur chercher des bières. Et bien que le brun n’ait pas la moindre idée de ce qui avait pu mettre son amie dans un tel état en un si court laps de temps, il la connaissait suffisamment pour avoir la certitude qu’elle ne perdrait pas ses moyens d'une telle façon si quelque chose de grave n’était pas arrivé. Incapable de lui faire clairement dire ce qui n’allait pas, néanmoins, le brun avait suggéré qu’ils aillent ailleurs et espérait ainsi la voir se calmer peu loin du bruit et de l’agitation de l'avenue piétonne dans laquelle ils s’étaient arrêtés. Embarquant un peu brusquement leurs repas même pas entamés dans les sacs en papier kraft qu’on leur avait donné avec, il avait gardé la main de la brune fermement dans la sienne et l’avait guidée avec aisance à travers les petites rues du quartier – qu’il connaissait sur le bout des doigts pour y travailler tous les jours – jusqu’à retrouver l’une des promenades longeant la Brisbane River. Malgré l’hiver et ses températures plus fraîches à la nuit tombée des badauds se promenaient çà et là, mais l’ambiance était bien plus calme et respirable que dans les rues festives, et les lampadaires qui se reflétaient dans l’eau terminaient de donner aux abords du fleuve un côté apaisant. Trouvant un banc libre sur lequel s’installer, Anwar avait laissé Tess s’asseoir la première, s’installant à son tour après lui avoir lâché la main. Sans trop savoir quoi dire ou quoi demander, il s’était contenté d’un silence auquel était venu pallier un regard tant plein de questionnement que d’inquiétude, auquel la jeune femme avait débuté d’une voix tremblante « Je ... C'est pas quelque chose de facile à dire ... » Repliant sa jambe, triturant ses doigts avec une angoisse palpable, elle avait attendu d’être sûre de ne plus croiser son regard pour reprendre « Annie je sais que tu vas avoir de la peine ... parce que je ne t'ai rien dit, mais j'veux que tu saches que c'était pas contre toi ... à l'époque tu avais tes propres problèmes et moi ... j'avais trop honte de toute manière. Il n'y a que Leena qui soit au courant, maman ne l'a jamais su ... » Et les explications finalement, au lieu de répondre à ses questions et de calmer son inquiétude, donnaient du grain à moudre pour entretenir l’un et l’autre et plongeaient Anwar dans un peu plus d’incompréhension. Des discours de ce genre il en avait déjà entendu, dans son métier on en entendait – trop – fréquemment, et malgré tout il continuait de vouloir se persuader qu’il faisait fausse route, qu’il était à côté de la plaque et que le cœur qui tambourinait dans sa poitrine s’emballait pour de mauvaises raisons. « Tu te souviens de mon quinzième anniversaire ? Tu ... tu n'avais pas pu être là, parce que tu avais un truc de prévu ... c'était en mars 2002, tu avais ... vingt ans. » Il ne se souvenait pas, non. Il s’étonnait parce que n’ayant pas souvenir d’avoir manqué d’autres anniversaires que ceux qu’elle avait passé en Europe, mais c’était tellement loin et sa vie était un tel chaos d’organisation à l’époque, et à cet instant précis il se foutait bien de se rappeler ce qu’il faisait le treize mars deux mille deux. « Maman avait invité des amis à elle … » Et doucement elle avait déroulé le fil des événements, Anwar trop abasourdi pour l’interrompre, trop en colère pour mettre de l’ordre dans ses pensées et dans le flot d’idées qui y parvenaient avec cacophonie, contrôlant à peine la nausée que lui provoquaient les images qui se formaient dans son crâne et auxquelles il aurait souhaité ne jamais penser. « […] que le délai était passé […] Un agent du FBI qui est à Brisbane […] Nick qui m'avait donné son contact … » Et c’était comme si la voix de Tess au fur et à mesure s’était transformée en bouillie informe de mauvaises décisions et de choix discutables, dont le policier ne parvenait plus à savoir si c’était son objectivité professionnelle qui parlait ou simplement la blessure égoïste d’avoir été mis à l’écart. Reste que si extérieurement il devait donner l’impression d’être impassible au fond de lui il bouillonnait, et lorsque Tess avait fini par lui avouer « Aux dernières nouvelles, il n'y avait rien de particulier ... sauf que ... j'viens de le croiser dans la foule, là. Il m'a dit qu'il avait vu Grimes, qu'il savait que j'en avais parlé et il m'a menacée ... » il avait bondit sur ses pieds avec virulence en regardant autour d'eux « Ce salopard est dans le coin ? » Est-ce qu’il les avait suivis depuis la rue ? Est-ce qu’il les avait suivis depuis chez Tess ? Non, Anwar était certain qu’il l'aurait remarqué si une voiture les suivait. La mâchoire presque aussi serrée que ses poings il s’était entendu vociférer « Si j’le trouve j’te jure que j’le … » Qu’il quoi ? Non. À cet instant précis le policier était presque aussi frustré que soulagé que son arme de service soit sous clef dans l’armurerie du commissariat, et non pas avec lui. Ce n’était pas une bonne idée, pas le moment de faire une connerie. Sans prendre le temps de peser ses mots ou de tourner sept fois sa langue dans sa bouche il avait enchaîné en se tournant à nouveau vers Tess « De toutes les solutions à ta disposition t’as décidé de t'en remettre à un mec que tu connais ni d’Eve ni d’Adam parce que Nick te l’a recommandé ? Tu te rends compte que c'est totalement inconscient ? » Et Nick était tellement un gage de fiabilité après tout, toujours du mauvais côté de la loi et clairement pas en taule pour avoir oublié de payer ses impôts ou attaché sa ceinture en voiture. Nick, bon sang. « Tu sais quoi de ce type ? Si ça se trouve il est autant agent du FBI que je suis poissonnier, qu’est-ce qui te prouve que c'est pas lui qui est allé te vendre à ce pourri ? » Ça en revanche, c’était totalement le genre de bonhommes susceptibles de faire partie de l’entourage de Nick, et Anwar commençait à regretter amèrement d’avoir fermé les yeux sur la sale influence du bonhomme sous prétexte qu'il comptait pour Tess. Nick était un nid à emmerdes, et il en payait le prix désormais. Un silence le glaçant quelques instants, le policier réalisait seulement là que son amie avait fondu en larmes et s’était maudit intérieurement d’avoir fait les choses dans le désordre et commencé par une leçon de morale dont elle n’avait assurément pas besoin dans l’immédiat. « Excuse-moi je … » Il avait laissé le flic s'exprimer avant l’ami, et il était un imbécile. Un imbécile à qui elle avait décidé de ne rien dire, ni à l’époque ni lorsqu’elle avait décidé d’aller voir la police, et en se conduisant comme il le faisait il était en train de lui donner raison. Retournant s'asseoir sur le banc, le cœur serré et l'estomac noué, il avait réitéré un « Excuse-moi. » aussi penaud que vain, et maladroitement essuyé quelques larmes sur les joues de Tess. « Tu veux que je te ramène chez toi ? Je peux prévenir Leena pour qu'elle nous rejoigne … » Elle avait sans doute plus besoin de Leena que de lui dans l’immédiat, pour tout un tas de raisons, et c’était la seule solution qu'il avait à proposer pour tenter de la calmer faute de pouvoir faire plus. « Il te fera rien, d'accord ? On le laissera pas s’en prendre à toi. » Il ne savait pas comment, il ne savait pas qui mettre dans ce On et il n'avait pas la moindre foutue idée de ce qui était en train de se passer, mais une chose était certaine il se faisait la promesse que ce type ne toucherait pas un cheveu de Tess sans que ce soit la dernière chose qu’il ait faite avant de rencontrer son créateur.
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| | | | (#)Jeu 9 Aoû 2018 - 3:06 | |
| Au fur et à mesure qu'elle lui racontait son histoire, le ventre de Tess s'entortillait de plus en plus. Elle ne se sentait pas tellement bien, à l'heure de son récit, puisqu'il s'agissait de souvenirs douloureux pour elle. Des épisodes de son passé qu'elle ne parvenait pas à accepter, pas à oublier non plus et qui encore aujourd'hui, venaient la torturer. Elle ne leva les yeux vers Annie qu'à la fin de son récit, et elle comprit. Elle comprit très vite qu'il était en colère, autant par ce qu'elle lui racontait, que par le fait sous-jacent qu'elle ne lui ai rien dit pendant ses quinze dernières années. Comment aurait-elle pu lui en vouloir de ressentir cette colère envers elle ? N'était-ce pas tout simplement ce qu'elle méritait dans le fond ? N'était-ce pas ce qu'elle méritait de subir pour le simple fait d'avoir trahis son meilleur ami ? Tess s'en voulait profondément de ne pas avoir su trouver le courage et les mots pour lui en parler à l'époque, surtout qu'il était flic, mais c'était justement la raison également, de son silence. Annie s'emporta très vite, voulant savoir s'il était toujours si près d'eux à l'heure actuelle. Tess ne pouvait pas lui répondre, les minutes avaient passées, il avait du fuir le centre de Brisbane après lui avoir fait peur, c'était tout à fait lui, à moins qu'il soit trop confiant en lui-même pour se douter du fait qu'elle en ait parlé à son meilleur ami ? La jeune femme ne savait pas quoi lui répondre. Si bien qu'elle baissa les yeux, le laissant alors l'engueuler. Il n'y avait rien de plus à dire sur ce qui était en train de se passer à ce moment-là. Tess laissait faire Anwar, parce qu'il avait raison. Elle était d'accord avec tout ce qu'il disait, et ce qu'il ne disait pas non plus. Mais après autant d'années d'amitié, elle avait apprit à entendre et comprendre ses silences. Il avait raison de dire qu'elle n'était qu'une inconsciente, à défaut d'autre chose. Il avait aussi raison lorsqu'il évoquait le cas de Grimes, après tout... que connaissait-elle de lui ? Elle n'avait même pas pensé à ça... et si Grimes n'était finalement pas de son côté ? Anwar avait raison et bien vite, Tess se sentit affreusement coupable, minable et honteuse. Coupable de ne rien avoir su lui dire pendant toutes ses années, d'avoir laissé sa peur de son violeur l'empêcher de lui en parler à lui, son meilleur ami ; minable de ne pas avoir su se poser les bonnes questions lorsqu'il avait été l'heure pour elle d'essayer de faire quelque chose, même quinze ans après ; honteuse de s'être laissée maltraitée par sa peur, par les menaces faîtes sur l'adolescente violée qu'elle avait été. Alors ne pouvant résister au discours plein de véracité de son meilleur ami, elle s'effondra, littéralement. Ses épaules s'abaissèrent et très vite, elle éclata en sanglots. Anwar avait raison. Elle avait été incapable de faire les bons choix, sa seule excuse était qu'à quinze ans, innocente comme elle l'avait été, elle n'avait pas eu les armes pour faire autrement. Qu'elle avait fait comme elle avait pu, et qu'elle s'était vu grandir avec tout ce bordel autour d'elle. Comme si elle s'était construit un château fort en carton dans l'urgence, et qu'elle avait essayé de ne pas prendre l'eau avec pendant quinze ans... Son meilleur ami vint s'asseoir à ses côtés, mais elle n'osait même pas lui répondre, ni même le regarder. Elle avait déjà honte de lui avoir raconté son histoire, de devoir lui raconter ce fait si intime, si violent, si douloureux pour elle. Qu'elle avait été ce genre de fille, de celles qui se font violer, et qui en plus, ne disent rien. Elle s'en voulait de lui avoir caché ça pendant si longtemps, en plus de l'horreur et de la honte de son histoire rendue publique, elle avait honte de son comportement envers lui. Alors quand il s'excusa, deux fois, elle ne pu s'empêcher de dire à travers ses sanglots « … j'te demande pardon Annie... » pour tout. Parce qu'elle n'avait pas prit les bonnes décisions et qu'aujourd'hui, elle en payait le prix, entraînant ses amis dans cette merde pas possible. « Je... je suis désolée d'être ce genre de fille... d'avoir été assez conne pour me laisser faire... » commença t-elle en essayant de sécher ses sanglots de ses maigres doigts. « Je suis désolée de ne pas t'en avoir parlé... mais tu avais Tarek... et j'avais trop peur de prendre le risque qu'il vous fasse du mal... j'en étais persuadée... je vivais avec cette peur constante qu'il s'en prenne à vous, ou à maman... » et si elle regrettait de ne rien avoir dit à son meilleur ami, elle espérait qu'il comprenne la torture que c'était pour elle, de se dire que jamais sa maman ne connaîtrait la vérité. « Je sais que c'est pas une excuse... j'ai... j'ai fait ce que j'ai pu... j'ai.. » elle éclata à nouveau en sanglots en essayant de finir sa phrase malgré tout « j'ai vraiment essayé d'faire c'que j'pouvais à l'époque... ». Mais la honte, la culpabilité, la peur et la tristesse étaient bien trop fortes pour elle. Les sanglots qui passaient au travers de son corps, étaient censés purger son esprit torturé, mais ce n'était pas le cas. Elle avait déçu son meilleur ami, la seule personne aussi proche d'elle qui l'avait toujours vu comme... normale. Avec son fils, ils étaient les deux seuls à être aussi proches d'elle que Leena, et à ne rien savoir, alors avec eux, elle avait cette impression d'être normale, de ne pas être jugée, de ne pas être vue comme une victime. Ce n'était pas contre Leena, mais bien souvent, elle s'excusait de dire certaines choses parce qu'elle savait que c'était maladroit envers son histoire. Et ce genre de petits détails... ça ne faisait que lui rappeler ce qu'elle était : une victime. « Quand j'étais à Londres, j'étais loin de tout ça, pour moi tout était oublié... et puis... maman est partie... » expliqua t-elle encore à son meilleur ami. « Tout s'est effondré pour moi... » et il se souvenait très bien de cette période, et de comment elle avait été pendant plusieurs mois ensuite. « J'me suis raccrochée à toi et à Tarek... ça me faisait du bien de voir dans vos yeux que j'étais autre chose... que ça » lança t-elle en se désignant tel quel, comme une victime donc. « Et comment... comment j'aurai pu t'en parler à toi ? Tu es de la police... et ça fait quinze ans que... que je vis dans l'idée que ce taré va s'en prendre à ceux qui savent, que j'ai peur pour Leena, et que je sais que si on se loupe... il ne me loupera pas.... » et c'était la vérité. Et si Annie avait été au courant, qu'il avait voulu mener une enquête, qu'il avait voulu le coffrer et que finalement, ça ne se serait pas passé comme prévu ? Ce type, qu'aurait-il fait ? Il aurait pu s'en prendre à Leena, Annie, ou même Tarek et pour Tess, ce n'était pas du tout envisageable. « J'pensais que... que j'allais pouvoir vivre avec ça toute seule... » commença t-elle encore « et je sais que mes choix ne sont pas les meilleurs... » elle leva enfin ses yeux vers son meilleur ami « mais j'avais quinze ans, j'étais perdue, je ne comprenais même pas ce qu'il s'était passé Annie » elle essayait de se redresser, de faire face sur ce banc, face à lui. Elle avait terriblement peur qu'un fossé se creuse entre eux à ce moment là, pour toujours. « J'ai vécu la moitié de ma vie avec une boule au ventre de perdre mes proches si je tentais quoi que ce soit... tu aurai fait quoi toi ? » elle chercha son regard « tu peux critiquer mes choix, tu as raison... » elle posa sa main, presque timidement sur celle de son meilleur ami et elle soupira en baissant les yeux. Elle voulait lui expliquer, pour qu'il comprenne, pour essayer d'amoindrir sa colère et sa déception, mais au fond d'elle, elle savait que ça ne serait pas si simple. La voix tremblante, fébrile, elle fini par dire « et ça continue... » en quittant la main d'Annie pour passer ses mains sur son visage humide par ses propres larmes. « Ca ne sera jamais plus comme avant... » lança t-elle déjà pleine de regrets. Et ce n'était même pas à cause du viol, mais à cause d'elle et uniquement d'elle-même. Torturée par la douleur qu'elle s'infligeait envers elle-même, elle écouta son meilleur ami lui proposer de la ramener chez elle, et d'appeler Leena pour qu'elle les rejoigne. Tess ne savait pas quoi dire, ni quoi faire. Ce fut lorsque son meilleur ami lui dit qu'il ne lui ferait rien, parce qu'ils seraient là, que Tess sentit quelque chose se briser en elle. Les larmes envahirent de nouveau son visage et même si Annie n'aimait pas trop ça, et elle non plus, elle ne pu s'empêcher de venir contre lui, passant ses bras autour de ses épaules, comme une enfant. Pour Tess, Annie, Leena et Tarek étaient sa famille, en tous cas, ce qui s'en approchait le plus. Elle ne savait même pas vraiment ce que c'était, elle n'avait vécu qu'avec sa mère, qui bossait beaucoup, mais qui était aimante malgré tout. Seulement ce viol avait créé un fossé entre elles, qui les séparerait pour toujours, même au delà de la mort. Elle ne voulait pas vivre cela avec Annie et son filleul, elle ne pourrait pas supporter que ça arrive. Collée à son meilleur ami, après avoir entendu cette fameuse phrase, elle se sentit enfin, pour la première fois en plus de quinze ans, en sécurité. Ses yeux se fermèrent, et elle regretta de ne pas lui avoir dit avant, mais c'était à présent fait, et plus à faire. La seule chose qu'elle pu lui répondre fut « Annie pardonne moi » presque murmuré tout bas, comme une prière, une honteuse prière pleine de culpabilité. |
| | | | (#)Dim 2 Sep 2018 - 7:35 | |
| La première réaction lui était venue sans réfléchir, bête et méchante, délestée de tout le recul auquel il se serait forcé si la situation avait été autre, s’ils avaient été dans son bureau et si la personne en face de lui n’avait pas été la même. Mais c’était Tess qui se tenait là, sur le banc, les épaules tremblantes et des larmes roulant sur les joues … et cela remettait tout, absolument tout ce qu’Anwar croyait savoir et pensait gérer. Et malgré cela pourtant, pris au dépourvu et incapable de savoir comment raisonner autrement qu’en policier, il s’était laissé gagner par les considérations pratiques et les réflexions de flicard au lieu de se comporter simplement comme l’ami qu’il aurait dû être. « … j'te demande pardon Annie ... » s’excusait-elle pourtant entre deux sanglots alors qu’il se sentait comme le seul à être en tort. « Je ... je suis désolée d'être ce genre de fille ... d'avoir été assez conne pour me laisser faire ... Je suis désolée de ne pas t'en avoir parlé ... mais tu avais Tarek ... et j'avais trop peur de prendre le risque qu'il vous fasse du mal ... j'en étais persuadée ... je vivais avec cette peur constante qu'il s'en prenne à vous, ou à maman ... » Et Anwar de secouer la tête par automatisme, démuni face à la détresse de la jeune femme et en même temps incapable de trouver quoi dire, quoi faire pour parvenir à l’apaiser. « Je sais que c'est pas une excuse ... j'ai ... j'ai fait ce que j'ai pu ... j'ai ... j'ai vraiment essayé d'faire c'que j'pouvais à l'époque ... » Il aurait aimé lui dire qu’il savait, qu’il comprenait, mais la vérité c’est qu’il n’avait pas la moindre idée de ce qui avait pu passer par la tête de la gamine de quatorze ans qu’elle était à l’époque et ne pouvait même pas lui garantir qu’il lui aurait été d’un grand secours à ce moment-là. Lui aussi n’était qu’un môme après tout, un môme de dix-huit ans apprenant tant bien que mal à faire un père potable, pas armé pour aider Tess à affronter ses nouveaux démons et qui n’aurait pas eu plus de jugeote que celle de lui intimer d’aller voir la police ; La braquant probablement à l’occasion. « Quand j'étais à Londres, j'étais loin de tout ça, pour moi tout était oublié ... et puis ... maman est partie ... Tout s'est effondré pour moi ... J'me suis raccrochée à toi et à Tarek ... ça me faisait du bien de voir dans vos yeux que j'étais autre chose ... que ça. » Que ça ? Incertain le brun avait froncé les sourcils, sans oser pourtant l’interrompre pour poser la question, finalement tuée dans l’œuf par ce qui avait suivi et égratigné son cœur plus qu’il ne l’aurait voulu « Et comment ... comment j'aurai pu t'en parler à toi ? Tu es de la police ... et ça fait quinze ans que ... que je vis dans l'idée que ce taré va s'en prendre à ceux qui savent, que j'ai peur pour Leena, et que je sais que si on se loupe ... il ne me loupera pas ... » Parce que le Anwar de dix-huit ans n’aurait rien pu faire pour l’aider mais celui qui portait un badge oui, le Anwar policier aurait pu l’aider, pas à obtenir la justice que la prescription lui interdisait désormais, mais au moins à la sortir du mauvais pas dans lequel elle était. « C’est justement parce que je suis de la police que tu aurais dû m’en parler. » Plutôt qu’à ce type dont elle ne savait rien, cet inconnu dont elle n’avait pas la moindre garantie qu’il était de confiance et à qui malgré tout … Elle avait fait confiance. Plus confiance qu’à lui, son ami. Mais le mal était fait, les choix de Tess également, et le brun ne se sentait pas la force de lui asséner ce reproche supplémentaire pour le simple fait de se décharger … Et sans rien dire de plus il s’était contenté de déglutir et de secouer vaguement la tête, fuyant un instant le regard de la musicienne. « J'pensais que ... que j'allais pouvoir vivre avec ça toute seule ... et je sais que mes choix ne sont pas les meilleurs ... mais j'avais quinze ans, j'étais perdue, je ne comprenais même pas ce qu'il s'était passé Annie. J'ai vécu la moitié de ma vie avec une boule au ventre de perdre mes proches si je tentais quoi que ce soit ... tu aurais fait quoi toi ? » Pris au dépourvu, il avait relevé la tête et croisé à nouveau son regard sans savoir quoi répondre. Ce qu’il aurait fait à sa place ? Il n’en savait rien, parce qu’il ne se sentait pas capable de se mettre à sa place ou d’imaginer ce qui se passait dans sa tête ; C’eut été un affront que de tenter de le faire, au fond. « A quinze ans ? J’en sais rien … probablement la même chose que toi. » Mais avec quinze ans de plus en revanche ? Sans doute pas la même chose qu’elle, et c’était bien là ce qu’il lui reprochait sans oser se l’avouer. Le temps n’était pas aux reproches et malgré tout celui-là lui restait au travers de la gorge avec amertume. « Tu peux critiquer mes choix, tu as raison ... et ça continue ... Ça ne sera jamais plus comme avant ... » La main de Tess quittant la sienne il avait soudainement eu l’impression d’avoir froid, que la légère brise de la soirée s’était infiltré sous son blouson et dans sa nuque. Il n’avait pas le cœur à lui mentir pourtant, à lui promettre que rien ne changerait parce qu’elle avait raison : les choses ne seraient plus comme avant. Et sa lâcheté finalement de se laisser engourdir par la manière dont la jeune femme était venue se blottir contre lui, le prenant au dépourvu tant elle n’était d’ordinaire pas friande de ce genre de marques d’affection, mais le persuadant finalement de resserrer ses bras autour d’elle avec douceur et de la bercer comme on bercerait un enfant après un cauchemar. De lui promettre que rien n’arriverait, qu’elle n’avait rien à craindre et que tout irait bien dans un murmure même s’il n’avait rien de plus à lui offrir que sa parole en guise de garantie. « Annie pardonne-moi. » La gorge soudainement serrée, le policier n’avait pourtant pas été capable de formuler une réponse, la culpabilité se mêlant à l’amertume tandis que s’en suivait un long silence durant lequel il s’était contenté de caresser ses cheveux d’une main presque tremblante. « Allez viens, je te ramène chez toi. » avait-il alors simplement murmuré avec douceur, après plusieurs minutes d’en silence durant lequel Tess avait pu calmer ses sanglots et sécher – en partie – ses larmes. Toujours dans un coin de sa tête il y avait l’idée d’appeler Leena pour qu’elle les rejoigne là-bas, de la laisser gérer une situation qu’elle maitriserait mieux que lui et panser des plaies dont elle seule avait connaissance, pendant qu’il s’effacerait pour n’être que l’œil avisé et attentif veillant à ce que l’indésirable ne vienne pas rôder aux alentours. Ça il savait faire, ça il pouvait gérer.
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| | | | | | | | rencontre du passé ft. anwar |
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