La journée du dimanche se terminait lentement, et Ida avait passé beaucoup de temps avec ses enfants au cours de la semaine. Non seulement elle avait réussi à réduire ses activités les semaines où elle voyait ses enfants, mais en plus elle était parvenue à se dégager du temps libre afin de profiter d’eux un maximum. Ida avait la chance d’exercer une profession qui lui permettait d’organiser son emploi du temps comme elle le souhaitait, et c’était une excellente chose quand on se retrouvait au milieu d’un divorce un peu du jour au lendemain, sans trop s’y attendre. Bien sûr, elle savait pertinemment que son mariage battait de l’aile à l’époque, mais elle n’imaginait pas que ça soit à ce point-là, et quand elle avait surpris son mari avec son amant, tout son univers s’était effondré. Elle avait eu l’impression de suffoquer, mais rapidement, elle avait repris le dessus pour ses enfants, pour Alexander et Clara. Et aujourd’hui, en voyant comment son fils réagissait, la jolie blonde commençait à se dire qu’il était grand temps d’enterrer la hache de guerre, de tenter de faire quelque chose pour montrer à Alexander que tout le monde avançait, et qu’il devait en faire de même, car du haut de ses huit ans, il était hors de question qu’elle le laisse détester son père éternellement.
Mais le plus dur pour Ida, ce n’était pas d’arrêter de détester son ex-mari, mais plutôt d’arrêter de détester le compagnon de celui-ci, celui qui avait été son amant avant leur mariage, pendant leur mariage, et qui était aujourd’hui son fiancé, d’après ce que les enfants lui avaient raconté. La scandinave ne voyait pas cette relation d’un bon œil, mais il fallait croire que Thomas était heureux puisqu’il avait accepté la double paternité du petit Arthur, et qu’il s’était fiancé à Myrddin. Une situation étrange à laquelle elle s’acclimatait difficilement. Alors que les enfants étaient en train de jouer dans la chambre de la petite Clara, Alexander débarqua dans le salon. Ida était occupée dans la cuisine, en train de se préparer un thé. Alex déclara soudainement qu’il était « hors de question qu’il aille chez son père pour le regarder jouer la maman avec un gosse qui n’était pas le sien ». Ida réagit tout de suite en reprochant à Alexander son vocabulaire et en lui disant qu’il devait aller chez son père et qu’il était temps pour lui d’oublier ce que son père avait fait. Depuis plusieurs jours, elle essayait de le convaincre qu’elle était heureuse ainsi et que son père l’était aussi, mais que ça ne l’empêcherait jamais d’être un bon père pour eux, mais rien n’y faisait. Heureusement, Carla n’était pas encore en âge de comprendre ou de faire des reproches à son paternel. Alors que la discussion venait de cesser, des coups se firent entendre à la porte. C’était sans doute Thomas qui venait les chercher.
Les enfants, dépêchez-vous de préparer vos affaires, papa est là !
Un grognement significatif suivit Alexander dans sa chambre, alors que Carla venait de pousser un cri de bonheur. Ida sourit en se rendant compte qu’une nouvelle fois, sa fille était le véritable petit rayon de soleil de la maison. Ida se dépêcha d’ouvrir la porte pour tomber face à… Myrddin. C’était la surprise de la soirée pour le coup… Après un bref moment de surprise, la jeune femme se reprit et accueillit le fiancé de son ex-mari.
Désolée, je suis surprise de te voir là. Bonjour.
Son « bonjour » était sans doute un peu froid, mais on ne pouvait pas s’attendre à ce qu’Ida soit des plus chaleureuses avec lui. Tournant la tête dans la direction de l’intérieur de la maison, elle réalisa que les enfants n’étaient pas du tout prêts et elle réfléchit rapidement avant de proposer :
Euh… les enfants ne sont pas du tout prêts. Alex a encore fait des siennes. Tu veux… J’étais en train de faire du thé. Tu en veux ?
Ida ne savait pas pourquoi elle venait de dire ça, mais elle l’avait dit, c’était certain. Peut-être une erreur, elle le saurait rapidement.
Je regrette presque d’avoir accepté, mais il n’y avait pas d’autres solutions possibles. Thomas a eu un empêchement de dernière minute, il m’a appelé un poil stressé pour me demander d’aller chercher les enfants. Chez son ex-femme. Dimanche soir, notre tour est venu de prendre Alex et Clara pour une nouvelle semaine avec nous. Rien qui ne me dérange. Mais devoir aller, seul, chez Ida, pour les récupérer me met bien mal à l’aise. Cependant, pas d’autres choix devant nous, alors j’ai obtempéré. Aux alentours de l’heure prévue, je me rends donc jusqu’au quartier de Logan City dès que je sors du théâtre (j’aidais à une représentation d’après-midi), puis devant le numéro 27. Je ne vois jamais l’ex-femme de Thomas d’ordinaire, à peine lorsqu’elle dépose ou vient chercher les enfants, ça arrive, mais en aucun cas je ne me suis retrouvé seul avec elle depuis très longtemps. Grâce aux petits, elle sait que nous sommes fiancés, et cette pensée me met aussi mal à l’aise, car je n’ai aucune idée de comment me comporter face à elle. La détester n’est plus à l’ordre du jour, même si j’ai toujours cette antipathie, cette jalousie intrinsèque alors qu’elle a vécu près de dix années avec l’homme de ma vie, et lui a donné deux beaux enfants. Maintenant, nous sommes tout deux adultes, nous pouvons bien faire comme si cela nous était passé ; inutile de ressasser le passé, les erreurs, de toute façon vivre sans Tom m’aurait été impossible, je me serais battu.
Soit. Alors que je chemine vers le seuil de la maison, je ne peux m’empêcher de faire tourner l’anneau de fiançailles autour de mon doigt, espérant y trouver le calme de Tom pour affronter ce moment. Et priant pour que tout se passe très vite, que je n’ai qu’à récupérer les deux enfants et partir. Cependant, cela ne se passe pas comme prévu. Devant la porte, je souffle un coup avant de frapper de façon à me faire entendre. Peu de temps après, je perçois les pas qui s’approchent tombe comme prévu sur le visage surpris d’Ida, qui ne devait absolument pas m’attendre. C’est toujours le rôle de Thomas, qui prend très à cœur le fait d’être présent pour ses enfants – à ce sujet-là aussi... J’appréhende la réaction d’Alexander. Depuis le divorce et la prononciation de la garde partagée, seulement une fois n’a-t-il pu être présent ; mais j’avais alors accueilli les enfants à l’appartement, amenés par la danoise. En aucun cas comparable avec ce soir. Je laisse la blonde se reprendre d’ailleurs, seulement quelques secondes suffisent pour qu’elle explique son étonnement légitime et lui souhaite le bonjour. D’un ton froid et peu engageant, ce qui ne me froisse absolument pas. A cela j’étais préparé.
— Bonjour Ida, répondis-je, sans tellement plus de chaleur dans la voix. Mon expression doit se décomposer un peu lorsqu’elle me dit que les enfants ne sont pas prêts du tout, et j’hoche furtivement la tête, avant d’hésiter grandement à sa proposition. Surpris à mon tour. Elle m’offre de prendre le thé, en attendant Alexander et Clara. Ce qui est, soit dit en passant, relativement normal, je ne vais pas attendre sous le porche. Je.. oui, pourquoi pas, avec plaisir, répondis-je, peu sûr de ce qui découlera de cette réponse.
Mais je ne vais pas refuser, et attendre en la regardant dans le blanc des yeux, ou en faisant le piquet devant la porte en patientant. Autant boire un bon thé, cela aura au moins le mérite de me détendre un peu. J’entre donc à l’invitation de la belle blonde, ne sachant trop où me mettre. En silence, je la suis jusque dans la cuisine où elle se remet à la préparation de son thé, m’indiquant poliment de ne pas hésiter à m’assoir. Ce que je fais, ne me sentant pas plus à ma place. Pourtant, je suis bien mieux accueilli que je ne l’aurais pensé. Mais si les rôles étaient inversés, je n’aurais pas agi différemment. Une preuve sans doute que nous plaçons les embrouilles bien loin derrière le bonheur de notre famille. Je sais que cela affecterait Thomas si une réelle haine existait entre Isa et moi. Depuis le début c’est ainsi, j’ai dissimulé ces sentiments, ma jalousie ne transparaissant que dans mes gestes. Ça m’avait beaucoup affecté d’ailleurs, même physiquement. Période difficile avant la mise à jour de notre liaison, suivie d’une autre période tout aussi difficile de transition. Mais à présent, je n’ai guère plus de raisons de la haïr. Je la tolère dirons-nous, du mieux que je le peux. Les efforts des deux parties, c’est la clé. Bientôt, elle dépose une tasse devant moi. Je l’en remercie alors qu’elle s’en sert une et s’installe en face de moi.
— Tout.. euh, tout s’est bien passé cette semaine ? demandai-je, pour faire la discussion. Le small-talk n’est pas mon fort, encore moins face à une personne que je ne porte pas dans mon cœur. La situation est presque surréaliste. Moi, assit à la table de la cuisine, partageant un thé avec l’ex-femme de mon fiancé. C’est presque du délire. Et Alex ? C’était quoi le problème qui vous a mis en retard ? Pas un reproche pour ledit retard, loin de là, seulement j’essaie toujours de comprendre au mieux ce garçon aux réactions parfois violentes. Je m’inquiète pour lui, l’appréciant énormément. Cela serait mentir de dire que je ne place par Arthur en premier plan, mais il s’agit de mon sang, il n’a que moi et Thomas pour l’élever. C’est plus aisé avec Clara, du même âge que mon fils, mais Alexander a bien deux parents et je ne suis qu’une pièce en trop pour lui. J’essaie pourtant de m’attacher à lui autant qu’à sa sœur, mais il me repousse plus souvent qu’autre chose. Il t’a parlé de quelque chose ? osais-je, usant de généralité pour tenter d’en apprendre plus.
Ida était paumée dans cette situation et maintenant, elle en venait même à maudire Alexander de ne pas vouloir aller chez son père, d’avoir volontairement fait trainer les choses et de forcer sa mère à avoir une longue conversation avec Myrddin. Bien sûr, les événements étaient derrière elle maintenant mais ce n’était pas pour autant qu’elle souhaitait nouer un lien d’amitié avec l’homme qui avait fait capoter son mariage. Cependant, comme elle était une femme bien élevée et qu’elle refusait que le pauvre attende dehors ou dans sa voiture comme un malheureux, elle l’avait bien évidemment invité à entrer. Le faire entrer ici, c’était comme le faire entrer dans la forteresse qu’elle s’était construite depuis le divorce, cette maison était le souvenir de ses années de bonheur, mais c’était également devenu son havre de paix, l’endroit qu’elle partageait avec ses enfants, l’endroit dans lequel ils avaient grandi et elle avait tellement de souvenirs dans cette maison. Myrddin était comme un intrus, un étranger dans son bonheur, mais il faisait surtout partie intégrante de leurs vies à tous maintenant, car il vivait une semaine sur deux avec ses enfants, car il partageait la vie de son ex-mari, et qu’il le veuille ou non, Ida et Thomas auraient toujours un lien très fort, de par la présence de leurs enfants.
Alors qu’il répondait positivement à son invitation, la jeune femme l’invita donc à la suivre vers la cuisine, où elle était en train de se préparer un thé. Il s’agissait d’un simple thé à la menthe mais Ida avait toujours été férue de thé, bien davantage que de café, qu’elle trouvait trop fort, trop violent. Elle aimait les choses douces Ida. Elle continua donc la préparation de son thé tout en l’invitant à s’asseoir. Les premières secondes parurent une éternité, elle ne savait pas trop quoi lui dire, elle avait souvent espéré ne jamais se retrouver dans cette situation, mais elle avait toujours su que c’était inévitable, qu’un jour viendrait où Thomas ne pourrait pas venir chercher les enfants, et que ça serait son compagnon qui viendrait. Ce jour était arrivé. Au moins si ça devait se reproduire, ils seraient moins gênés. Quand finalement il prit la parole au moment où elle déposait sa tasse de thé devant lui, elle se sentit soulagée. Elle avait fait le premier pas de l’inviter, il faisait celui de débuter la conversation, échange de bons procédés.
Oh oui, impeccable. Nous sommes allés à la piscine avec Clara, elle a adoré ça. Alexander a demandé un skateboard pour faire comme les grands à l’école. Je n’étais pas trop pour au début mais visiblement, il aime assez. Je l’ai emmené au skate-park et j’ai acheté les protections. Il a ordre de ne l’utiliser que si un adulte est là pour surveiller. Jusque maintenant il a respecté les règles.
Alexander était devenu vraiment difficile à gérer, visiblement un petit peu moins chez elle mais c’était étonnant car il avait toujours été un petit garçon plein de vie, heureux, joyeux, qui souriait constamment, mais depuis le divorce, il était devenu renfrogné, ne souriait presque plus, il pouvait avoir des paroles très violentes et Ida n’était pas habituée à ça. Elle s’en voulait un peu de la tournure des choses mais ne savait pas comment gérer un gamin de huit ans avec un comportement pareil. Elle voulait qu’il redevienne son petit Alex mais à chaque fois qu’il revenait de chez son père, c’était la même chose, il fallait plusieurs jours pour qu’il retrouve un semblant de sourire. Quand Myrddin lui demanda la source du problème et du retard des enfants, Ida se sentit un peu mal pour lui. Elle ne le plaignait pas, mais être à sa place ne devait pas être simple. Elle avala une gorgée de son thé encore trop chaud, avant de répondre :
Oh les histoires habituelles, Alex n’a pas envie de bouger ou de faire quoi que ce soit, il veut rester coincé dans sa chambre. Tu sais, je suis désolée de son comportement. Ce n’est certainement pas simple à vivre pour toi. J’essaie de lui faire comprendre que tout le monde est plus heureux comme ça, qu’on doit tourner la page, avancer et que son père l’aimera toujours plus que tout, mais il semble blessé. Et je ne sais plus quoi faire. Mais je ne suis pas certaine que ça soit uniquement à cause du divorce.
Elle se dévoilait un peu trop à son gout, mais elle voulait que Myrddin comprenne, qu’il comprenne qu’elle ne montait pas Alex contre lui, loin de là. C’était un petit garçon blessé par le divorce de ses parents, il finirait par pardonner mais pour le moment, il était dans la rébellion et la colère. Et quand elle essayait de savoir ce qui n'allait pas, il ne lui parlait que du divorce, comme si c'était la seule cause de son mal-être. Mais plus elle y pensait, plus elle se disait qu'il devait y avoir autre chose. Quand il lui demanda si Alex avait parlé de quelque chose, Ida hésita, avant de répondre. Ils devaient s’entraider pour débloquer la situation.
Alex ne parle pas beaucoup, mais il y a une chose dont il m’a déjà parlé. Il a peur. Il a peur que ton fils prenne sa place et que Thomas l’aime plus que lui. Mais c'est la seule chose dont il parle, alors que je suis certaine que ce n'est qu'une infime partie du problème.
C’était légitime, Arthur faisant à présent pleinement partie de leurs vies à tous. Mais Ida savait parfaitement que jamais Thomas n’aimerait plus le fils d’un autre que ses propres enfants. Il adorait ses enfants, plus que tout. Et surtout, il était évident qu'autre chose perturbait l'enfant, mais quoi...
Non vraiment, ça n'a pas été une bonne idée de venir chercher les enfants, mais comme il n'y avait pas d'autre solution j'ai pris sur moi. Et je ne sais pas ce qui m'a pris d'accepter l'invitation cependant, jamais je n'aurais cru que cela arriverait d'ailleurs. Ida est froide avec moi, au mieux, comme je suis avec elle, tous ces ressentiments et non-dits entre nous. Qu'elle me propose un thé en attendant que les enfants soient prêts est inédit et inattendu. Je me laisse donc guider jusqu’à la cuisine et je m’installe à table, peu à l'aise. Cette maison renferme beaucoup de choses, des souvenirs que ma sensibilité capte sans mal alors que j'imagine Thomas déambuler ici avec ses enfants, quelques années auparavant. Maintenant, c'est entièrement à Ida, puisqu’il lui a laissé pas mal de choses dans le divorce, ne considérant que ses biens personnels et par-dessus tous ses enfants. J'ai l’impression d'entrer un peu trop dans l’intimité de la danoise. J'essaie de ne pas m'attarder sur les photos et ce genre de choses, qui me remueraient l'estomac. Elle sera toujours de la partie, à cause des enfants, et je ne veux pas que Thomas ait à choisir pour satisfaire la jalousie stupide. Autant fermer les yeux, se calmer, se rappeler tout ce qu'on a parcouru, et sourire.
Mais surtout se rappeler de l’idée qu'il faut faire avec et autant que possible rester courtois. Et au moins, cela va apporter un certain dialogue, du moins je l’espère… C’est encore compliqué, et non recherché par elle ou moi, cependant le dialogue est nécessaire lorsqu'il est question d'Alexander, qui en fait baver à tout le monde. Il n'est pas question de faire copain-copine, de créer une amitié alors que je la vois comme la femme de trop, et qu'elle me voit comme la raison de son divorce. Je ne pense pas qu'un jour nous devenions des amis, loin de là. Cependant, concernant son fils aîné, il nous faut créer ne serait-ce qu'un terrain d'entente pour être efficace. C'est d'ailleurs ce qui me vient après une première question pour savoir comment s'est passé la semaine : qu'est-ce qui ne va pas avec Alexander aujourd’hui. Un début de conversation un peu vague, pour finalement rentrer dans le vif du sujet comme à mon habitude ; je ne traine jamais souvent en small-talk, néanmoins j'ai fait un pas vers elle à mon tour. Ma tasse de thé à la menthe à présent entre les mains, et Ida m’ayant rejoint, je me voyais mal rester silencieux, alors que les premières secondes sans un mot ont été terribles. Malaisantes au possible.
Mais le dialogue s'engage, elle est ravie de parler de ses enfants et de toutes les activités partagées avec eux. Elle a même acheté un skateboard à Alexander, il en avait envie, et jusqu’à présent il respecte la règle de n'en faire qu'en présence d'un adulte. Doucement, j'hoche la tête, marquant mon approbation et surtout mon écoute. Je pense que lui faire faire du sport est une bonne chose, mais rendue meilleure encore lorsque c'est lui qui décide. Être poussé par ses parents troublent parfois beaucoup un enfant, même si c’est pour son bien ou quoique ce soit. Taekwondo, rugby, surf, musique… N'importe quel sport, je pense, s'il n'est pas apprécié de l'enfant et voulu par lui, non seulement dans l’idée de lui faire faire de l’exercice et de le sortir de ses jeux Pokémon, pourrait amener à des blocages. Heureusement, Ida comme Tom sont de bons parents, je sais que sur ce point je ne peux pas mentir, même si certaines manières chez Thomas ne peuvent s'appliquer à Arthur. Là-dessus nous nous accordons de mieux en mieux, nous trouvons petit à petit notre équilibre.
— C’est bien… Je crois qu'il nous en avait déjà parlé… Thomas lui a dit de voir avec toi si je me souviens bien, avouais-je en réfléchissant.
Ça me disait effectivement quelque chose de parler de skateboard, je m’étais fait la réflexion que Clara aussi avait l'air de regarder avec intérêt les skaters lorsque Alexander les pointait du doigt. Un sport devenu épicène avec le temps ; on croise souvent des jeunes filles une planche à la main, et on en retrouve sûrement certaines sur une planche de surf. La glisse en tout genre est une activité nationale en Australie il me semble. Vient ensuite la partie plus spécifiquement sur le jeune garçon, qui n'a pas encore dix ans et fait autant de misère qu'un adolescent. Thomas pense qu’il pourrait être surdoué, il me l'a déjà évoqué, car l'enfant s'ennuie à l’école mais ses notes sont toujours aussi bonnes, et il réagit de façon trop adulte parfois. Avec le divorce, il est en recherche de limites, de repères, et surtout d'une place il me semble. Chez Ida, cela se passait un peu mieux, signe clair que le problème venait de Thomas ou de moi, ou même d'Arthur… Et je n’étais pas plus avancé. Parce que je l'ai connu avant bien sûr, il était tout autre, plus comme Clara à sourire autant qu'il le pouvait. Maintenant il avait grandi d'un coup, comme si la présence d'une petite-sœur et d'un petit-frère l'avait déstabilisé, un mélange de responsabilité sous des parents qui se séparent et d’inquiétude de se voir remplacer. Ida s’excuse de son comportement ce qui, malgré tout, me touche.
— Merci, soufflais-je doucement, les yeux baissés sur la fumée émanant de ma tasse de thé. Ce n’est pas de ta faute, chacun fait de son mieux mais.. il n’est pas facile à comprendre en effet...
Nous étions tous dans la même galère au final, avec comme seule perspective de voir grandir ces enfants heureux. Alexander était encore troublé par le divorce et ses conséquences. Un moment il a essayé de, en quelque sorte, remettre ses parents ensemble lorsque ceux-ci ne se parlaient plus, durant l’année compliquée de la procédure. Clara, encore trop jeune, ne comprenait, elle, que le bonheur. Alex a subi comme nous autres adultes les remous de la situation conflictuelle. Je soupire légèrement, avant de demander s’il lui a parler, à sa mère. Je me dis que peut-être... Je sais que cela sera désagréable, ma position est tout sauf évidente, pourtant ça n’est pas comme s’il m’en voulait. Enfin je ne crois pas, il voit bien que ma présence n’empêche absolument pas Tom de considérer ses enfants avant tout. Finalement, l'arrivée d'Arthur est ce qui a chamboulé le plus d'habitudes ; Ida me l’évoque d’ailleurs, racontant que la seule chose dont lui parle parfois son aîné est la peur de se voir remplacer par mon fils. J’esquisse un sourire presque attristé.
— C’est marrant, moi j’ai encore l’impression qu’il fait passer ses enfants avant Arthur... lâchais-je. Me dévoilant un peu trop sûrement, mais tant pis. Elle en a fait de même à peine avant. Il ne nous parle pas de ça... Mais il y a eu un incident à Noël je ne sais pas si Thomas t’en a parlé... Alex a poussé Arthur avant de l’insulter puis de s’enfermer dans sa chambre. La première fois où il a été violent. Il n’a pas recommencé depuis, il a des gestes parfois brusques et s’énerve dès qu’Arthur commence à peine à pleurer, mais n’est plus aussi violent. Je crois que ça en dit long... Je reprends une gorgée de thé. Je pense que c’est un mélange de tout ça, ça s’accumule entre le petit nouveau dans la vie de son père, devoir le partager, et il ne peut pas gérer, il est trop jeune c’est normal, mais j’ai l’impression qu’il essaye d’être plus grand qu’il ne l’est, en essayant de se débrouiller seul, en gardant ses problèmes pour lui... J’hausse les épaules, nouveau soupir. C’est un petit garçon merveilleux, il peut être adorable avec sa sœur. Il a gagné en maturité, certes. Il est plus avancé qu’un autre enfant de son âge, cependant il veut peut-être pousser trop loin cette avance et trop prendre sur ses épaules sans avoir les clés pour comprendre et gérer ses émotions complexes. Ida pense qu’il n’y a pas que ça pourtant, alors je me mets à y réfléchir. Tu crois que le fait que son père soit avec un autre homme pourrait jouer aussi ? J’en doute quand même, mais qui sait dans l’esprit d’un garçon... Je pense surtout, notamment, à l’école, aux dires des autres enfants qui peuvent être sévères et injustes.
Ida essayait de faire beaucoup de progrès, et même si la situation pouvait sembler tendue au début, il s’avérait que cela se détendait un peu à mesure que les mots traversaient les lèvres des deux ennemis. Ida avait bien trop souvent vu Myrddin comme un ennemi, mais aujourd’hui elle se rendait compte qu’il valait mieux le voir comme un allié, un allié dans l’éducation de ses enfants. C’était difficile de se dire qu’il passait autant de temps qu’elle avec Alex et Clara, mais il fallait bien avouer qu’il avait toujours su rester à sa place, qu’il s’était toujours débrouillé pour être là sans pour autant être trop envahissant, et elle lui en était reconnaissante, même si elle était incapable de le reconnaitre. La vérité, c’est que le fiancé de son ex-mari était parvenu à trouver une place de choix, suffisamment proche que pour pouvoir donner son opinion sur l’une ou l’autre décision relative à l’éducation des enfants, mais suffisamment éloignée que pour éviter de s’introduire trop souvent dans des décisions réellement importantes. Quand il lui avoua que Thomas et Alex avaient déjà eu une discussion par rapport au skateboard et que son ex-mari avait demandé à Alex de voir avec sa mère, ça la fit doucement sourire. Il ne voulait pas prendre de risques apparemment.
Je comprends… C’est un sport différent, on a tendance à craindre pour nos enfants. Mais il ne risque rien tant qu’il se protège correctement.
Ida avait tendance à protéger un peu trop ses enfants, et elle avait conscience qu’il fallait qu’elle lâche la bride de temps en temps mais Thomas et elle avaient toujours été très complémentaires de ce côté-là. Ils avaient le droit de faire certaines choses avec leur père et d’autres choses avec leur mère, dans les limites du raisonnable et du non-dangereux évidemment. Et tous les deux s’entendaient heureusement très bien là-dessus. Myrddin et Ida sirotaient maintenant leur thé, écoutant un instant le bruit de pas des enfants qui s’affairaient à préparer leurs sacs pour la semaine qu’ils allaient passer chez leur papa. Un moment qui était toujours attendu avec impatience mais pour le moment, Alex semblait réticent à la moindre activité qui le sortait un peu trop de son cocon, et cela avait bien sûr été remarqué chez son père aussi. La jeune femme s’excusa rapidement du comportement de son fils auprès de Myrddin, qui n’avait certainement rien demandé de ce genre de complications. Elle-même avait du mal à comprendre le comportement récent de son fils, mais pour le moment, elle ne trouvait pas de solutions.
Je sais que ce n’est qu’un enfant et qu’il a tendance à avoir un comportement changeant, mais depuis quelques temps je suis perdue effectivement.
Soufflant délicatement sur son thé, Ida se rendit compte qu’elle se dévoilait un peu trop à son gout, mais la confession n’était pas désagréable, et Myrddin semblait avoir une oreille attentive. Bien sûr qu’elle savait que lui et elle ne seraient jamais amis, il y avait une forme de concurrence et de jalousie qui seraient toujours là, mais au fond d’elle, elle se rendait compte que ce n’était pas quelqu’un de méchant. Dommage que ça soit le nouveau compagnon de son ex-mari, les choses auraient été tellement plus simples dans un autre univers. Quand Myrddin lui avoua avoir toujours l’impression que Thomas faisait passer ses enfants avant Arthur, Ida fronça légèrement les sourcils. Elle bu une gorgée de son thé avant de prendre la parole pour répondre, essayant d’être diplomate car elle se rendait compte que ce qu’elle allait dire pouvait être mal-interprété.
Tu ne crois pas que c’est normal qu’il mette l’accent sur ses propres enfants ? Et ce même s’il considère Arthur comme son fils, ne vois rien de mal dans ce que je te dis, je ne partage qu’un sentiment.
Elle ne voulait surtout pas qu’il se braque, surtout que pour la première fois de leur vie, ils partageaient une conversation franche, adulte, sans mauvais sentiments. Mais Ida trouvait normal que Thomas porte plus d’attention à ses enfants qu’au fils de Myrddin, qu’il venait de « reconnaitre » et qu’il élevait tout autant que ses propres enfants. Mais quand Myrddin commença à lui raconter l’incident avec Arthur, le sang de la blonde ne fit qu’un tour. Elle ne supportait pas la violence, et encore moins quand elle venait de son foyer. Personne ne lui avait raconté cet épisode, et elle en était attristée.
Je n’étais pas au courant de cet incident. J’aurais tout de suite réagi si j’en avais eu vent. Ce n’est pas un garçon violent, mais il essaie d’avoir cette place de « grand », même ici à la maison où il veut être « l’homme de maman ». Il n’est qu’un enfant mais je ne sais pas comment lui faire comprendre qu’il doit rester à sa place, il doit rester un enfant.
Perdue, c’était le mot, et pendant longtemps elle avait eu l’impression de ne pas être épaulée. Heureusement maintenant, elle savait qu’elle l’était, par Thomas et Myrddin. La dernière question de son ennemi la fit réfléchir. Bien sûr les enfants pouvaient être incroyablement cruels, mais ça se voyait de plus en plus des couples d’hommes ou de femmes. Après, ce n’était pas toujours compris par les familles très conservatrices de certains quartiers…
Je ne te cache pas que ça a dû être un problème pendant un moment. Les mots d’enfants peuvent être cinglants. Mais cela date de plus d’un an alors je crois que le problème est différent. Thomas me disait qu’Alex est très intelligent, peut-être que par rapport aux autres, il ne se sent pas à sa place, sans doute trop différent ? Quel est ton sentiment ?
Ida était curieuse de savoir si c’était un avis général ou si Thomas n’avait pas encore parlé de cette possibilité avec son compagnon. Il n’y avait rien de sûr, tout cela n’était que spéculations…
Alexander s'est donc mis au skateboard, tant qu'il respecte les règles de sécurité et se trouve sous la surveillance d'un adulte. Je crois me souvenir que Thomas lui avait dit de voir cela avec sa mère, il ne voulait pas être seul juge. Il sera d'accord avec les règles imposées par Ida en tout cas, c'est une femme censée, une bonne mère, et ça, personne ne peut le lui enlever. Mais je la connaissais aussi, des fois, dans un rôle un peu trop protecteur, Tom est parfois un peu plus permissif, en faisant confiance à ses enfants pour ne pas aller trop loin et remettre en question sa confiance. Ça marche assez bien. De mon côté, je dois dire que cela varie suivant la situation, mais comme je sais qu'Arthur est prudent de manière générale, je ne le couve pas tant que ça au final. Quoique je m'inquiète très vite au moindre souci, heureusement que Thomas est là pour me rassurer et me calmer, sinon j'aurais déjà un abonnement aux urgences pédiatriques. Quant à Clara et Alex, je ne prenais aucune décision importante, c'aurait été très déplacé. Mon rôle n'était pas celui d'un parent, pas tout à fait en tout cas, alors je préférais rester en retrait, simple pourvoyeur de conseils. De toute façon, j'étais souvent d'accord avec Tom (sauf sur certains détails à propos d'Arthur, mais autre histoire), ça arrangeait bien des choses.
C'était plus aisé avec Clara, trop petite pour comprendre tous les enjeux. En grandissant, elle considérerait Arthur comme son frère, j'en suis persuadé, tant ils passent de temps ensemble en raison de leur âge similaire. Tout est différent avec Alex, qui saisit beaucoup plus les nuances. Ça sera à lui de venir vers moi notamment, je fais mon possible pour être présent sans m'imposer, pour qu'il sache qu'il peut autant compter sur moi que sur son père ou ses oncles. Mais les problèmes sont multiples, et même Ida vient à s'en excuser, d'un léger sourire je balaie tout cela, estimant qu'elle n'y est pour rien. Elle subit autant que nous le caractère de plus en plus compliqué de son fils. D'ordinaire, il n'y a pas de soucis lorsqu'ils vont chez leur père, ou alors Tom ne me l'a jamais rapporté, mais aujourd'hui il n'a guère envie. Cause de ce retard, ils n'ont toujours pas préparé leurs affaires pour la semaine. Les pas du garçon sont perceptibles au-dessus de nous, et il parle sûrement parfois à sa sœur qui doit le suivre partout comme elle en a coutume.
Et vis-à-vis du comportement d'Alex, nous sommes tous plus ou moins perdus. Il cherche à jouer les grands, à prendre davantage de choses sur ses juvéniles épaules, mais il n'a pas la maturité pour. Et pourtant, il est déjà intelligent et éveillé. C'est un casse-tête pour nous trois, et se tirer dans les pattes n'est pas à l'ordre du jour. Bien que je n'ai aucune sympathie pour Ida, cette espèce de concurrence et de jalousie latente toujours entre nous, je la respecte pour son travail de mère. Je ne pourrais rien faire pour briser ce lien qui lui reste avec Tom à travers leurs enfants, et je ne le veux pas ; pour les petits cela serait désastreux, et c'est déjà assez compliqué comme ça. Par chance, nous sommes deux adultes, mettant nos différents de côtés pour se concentrer sur le bien-être des petits. Dans une autre vie nous aurions pu être amis mais elle a décidé de jeter son dévolu sur Thomas, pas de bol, il faut faire avec tout ce ressentiment à présent. Ils pouvaient au moins s'écouter, se confier l'un à l'autre dans la mesure du raisonnable, et cette discussion ne s'avère pas désagréable. Première vraie conversation sur le seul sujet qui les rassemble ; les enfants. Quand elle avoue qu'Alex a peur que Thomas le délaisse pour Arthur, je ne peux m'empêcher de lui dire que c'est plutôt l'inverse qui se produit, même si ça ne m'étonne guère que le concerné ne s'en rende pas compte. C'est une peur normale chez un enfant dans sa situation. Ida, pourtant, trouve cela normal que Thomas mette les enfants de son premier mariage en avant, heureusement elle fait preuve de tact.
— Justement, non, il ne devrait pas faire de différence du tout, ce n'est pas parce qu'Arthur ne partage pas son sang qu'il doit recevoir moins d'attention, qu'il doit passer au second plan. Alex et Clara ont une mère attentive à aimante en plus d'un père merveilleux, ils n'ont pas besoin de moi, mais Arthur n'a que nous deux comme parents. Si Thomas favorise les autres... Ca ne peut que mal tourner. Les yeux baissés sur ma tasse, je sais qu'elle va de toute façon privilégier ses enfants. C'est normal pour Ida. Mais pas de mon point de vue pour Tom. Je n'arrête pas de me répéter que si j'avais été une femme, et que j'avais donné à mon fiancé un enfant issu de sa propre chaire, il n'agirait pas ainsi, à privilégier en certaines circonstances Clara et Alex. Et ça me ronge bien plus que je le pensais. Arthur est tout autant son "propre" enfant que les deux autres, c'est un petit garçon qu'on élève ensemble, à deux, et je- Soupire. Détente. Calme. Mais je comprends très bien que ton avis ne va pas changer.
J'ai failli m'emporter, non contre elle, mais parce que ça me rappelle certaines conversations, surtout au début, où Thomas ne voyait pas le mal. J'esquisse un sourire, lui signifiant que ce sujet est plus ou moins clos et qu'elle n'est pas vraiment la personne avec qui je peux en discuter. Après tout, elle ne peut qu'être du côté de Tom. La tension est un peu revenue, mais en quelques gorgées de thé, j'essaie de me détendre de nouveau, et l'incident entre Arthur et Alex me revient en mémoire. Je juge judicieux d'en faire part à la mère. Les secrets n'étaient pas bons. Visiblement, elle n'avait pas été mise au courant et l'apprend à l'instant. J'hoche simplement la tête, car ses propos rejoignent mes pensées. Alex essaie d'être le grand trop vite, et elle est aussi démunie que nous sur la façon de lui faire comprendre qu'il doit rester à sa place. Après ce problème, je me souviens de la longue discussion qu'il avait eu avec son père, ça avait marché pour quelques jours, et puis j'avais essayé de le responsabiliser davantage vis-à-vis de son petit-frère, pour lui montrer que je lui faisais confiance pour qu'il s'occupe de lui aussi bien que de Clara.
— Je pense qu'il faut qu'il comprenne qu'il reste un enfant en effet, mais c'est le plus grand, de loin, peut-être que pour l'aider à trouver sa place il faut qu'il assume plus de responsabilités... pensais-je à voix haute, absolument pas certain de moi mais trouvant l'hypothèse pas si idiote que cela.
Encore une fois, c'est une question de dosage, et avec l'imprédictibilité d'Alex ça n'est pas une mince affaire. Personne ne détient la vérité ultime, on ne peut qu'avancer à tâtons. Heureusement nous sommes tous les trois ensemble dans cette galère, je n'accepterais pas moins que Tom ou Ida qu'Alexander soit malheureux et mal dans sa peau. Je demande d'ailleurs si le fait que son père soit en couple avec homme n'est pas une gêne encore vis-à-vis de ses copains d'école. Certes les mentalités changent, mais les enfants peuvent être particulièrement violents si leurs parents leur donnent idée que ça n'est pas normal. Peut-être au début, sûrement, qui sait exactement, mais ça a dû se passer car cela date déjà de plus d'un an. J'hausse les épaules, réfléchissant aux mots d'Ida, alors qu'elle continue en m'apprenant que Thomas disait de son aîné qu'il était très intelligent, et qu'il se sentait peut-être à part. Relevant mon regard sur elle, j'arque un sourcil.
— Surdoué ? Il m'en a déjà parlé oui. Je t'avoue que je ne sais pas, on aimerait tous que notre enfant soit particulier, différent, plus doué que les autres... Je me passe une main dans les cheveux, avant de soupirer légèrement. Je pense qu'Alex est en effet en avance, de quelque façon que ce soit, mais surtout qu'il a du mal avec ses émotions. Contrairement à Clara ou à Arthur, il garde énormément de choses en lui. Je pense qu'il ne sait pas les exprimer en fait. Il faudrait voir un spécialiste à ce niveau-là, on ne peut pas faire grand-chose sinon... Tu en penses quoi toi ? Et par rapport au fait qu'il se sente à l'écart à l'école impacte sa vie de famille ? Ca se tient, mais ça ne peut pas tout expliquer je pense. S'ennuyer à l'école, avoir des bonnes notes facilement, ça ne fait change pas autant un petit garçon auparavant tout aussi futé mais non moins joyeux et souriant.
Pour Ida, c’était compliqué de se montrer compréhensive quand Myrddin lui avouait que selon lui, Thomas devait accorder autant d’attention à ses propres enfants qu’au fils de son compagnon. Bien entendu qu’il devait s’occuper d’Arthur, mais de là à dire qu’il devait le mettre sur le même pied d’égalité que ses enfants à lui, ça allait un peu trop loin pour la scandinave. Le souci, c’est qu’Ida avait été élevée avec des valeurs familiales très traditionnelles. Pour elle, la famille c’était un noyau, un cocon, dans lequel on ne pouvait faire entrer personne. Elle n’imaginait pas, si elle devait un jour refaire sa vie, faire entrer cette personne dans son quotidien avec les enfants comme Thomas pouvait le faire. C’était inconcevable pour elle que ce nouvel homme puisse avoir les mêmes droits, les mêmes privilèges que le père de ses enfants. Cependant, en entendant les explications de Myrddin, elle comprenait un peu mieux ce qu’il voulait dire. En effet, Alexander et Clara avaient la chance d’avoir une maman alors qu’Arthur n’avait, à la base, que son père. Aujourd’hui, Thomas pouvait jouer le rôle d’un second parent de substitution, mais il ne serait jamais son parent. Ne voulant certainement pas paraitre grossière alors que les choses avaient l’air de se calmer un peu entre eux, la blonde se contenta de lui répondre :
Je comprends ton point de vue. Dans ma culture, c’est assez difficile de faire entrer une personne extérieure dans la vie de jeunes enfants, et je crois qu’on ne sera jamais à cent pour cent d’accord sur ce sujet. Mais je comprends ce que tu veux dire.
Ida n’avait pas envie de le blesser ou de lui dire que ce qu’il faisait et comment la petite famille se comportait était une erreur. Pour elle, Arthur souffrirait peut-être, à un moment ou à un autre, de la situation. Elle savait à quel point les enfants pouvaient être méchants les uns avec les autres et un jour, il subirait peut-être les moqueries d’autres enfants, mais si tout se passait bien comme ça pour le moment, elle n’avait rien à redire. Ida sentait que le ton de Myrddin montait un peu. C’était normal, il défendait son enfant et pour le coup, elle ne pouvait que le comprendre. Elle-même ferait et dirait n’importe quoi pour défendre ses deux enfants, elle n’accepterait certainement pas qu’on dise la moindre parole négative à leur encontre, raison pour laquelle la situation d’Alex lui faisait autant de mal. Elle avait peur que Myrddin ne finisse par refuser le jeune garçon chez lui s’il continuait à mal se comporter.
Je ne veux surtout pas t’énerver. Je comprends réellement ton point de vue, je veux juste être certaine que mes enfants ne manqueront jamais de l’attention de leur père, mais pour le moment je ne m’inquiète pas à ce sujet.
La conversation dévia rapidement sur le sujet d’Alexander et de son comportement plus que douteux de ces derniers mois. Il semblait se sentir réellement mal dans sa peau, et lorsqu’elle avait vu Thomas, ils avaient discuté de la possibilité que leur fils soit surdoué. Cela n’avait jamais effleuré Ida mais c’était une possibilité qu’elle étudiait avec attention. Elle ne savait pas trop ce qu’elle devait en penser. Quoi qu’il en soit, Myrddin semblait lui aussi avoir une opinion, ce qui était normal puisqu’il avait lui aussi l’occasion de l’observer de manière régulière. Il semblait penser que le jeune garçon voulait se comporter comme un grand, et qu’une solution pourrait être de lui confier des responsabilités de son âge.
J’y ai pensé. Quand il est ici, il demande parfois à faire certaines tâches, en me disant qu’il n’est plus un bébé. Je suis assez d’accord avec ça, d’ailleurs je lui confie des petites tâches, et du coup il a l’impression d’être un grand. C’est parfois des choses très simples, comme m’aider avec la vaisselle. Cette semaine il a lavé la voiture avec moi et tu aurais dû voir son visage, il était vraiment heureux.
Ida eut un large sourire en repensant à ce moment partagé avec son fils, et elle ajouta ensuite :
Je ne sais pas si vous fonctionnez comme ça chez vous, mais peut-être qu’on pourrait mettre en place une sorte de cahier des charges, qui lui permettrait d’avoir des petites responsabilités et de sentir qu’il peut être utile à la maison ?
Elle ne savait pas du tout si c’était la véritable solution à leurs problèmes, mais en tous cas ça pouvait être un début de solution. Ca pouvait être le bon moyen de faire prendre conscience à Alex que certes, il était encore jeune, mais qu’il y avait déjà des choses qu’il pouvait faire à la maison et qui faisaient gagner du temps à papa et maman. Une sorte de prise de conscience de ses capacités et de ses responsabilités au sein de son foyer. Quand ils en vinrent à parler de cette idée qui avait traversé l’esprit de Thomas sur le côté surdoué de leur fils, Myrddin sembla perplexe, comme l’avait été Ida dans un premier temps. Elle avait encore du mal à croire que ça soit une possibilité mas pourquoi pas après tout ?
Pour tout te dire, j’en sais rien du tout. Je ne m’étais jamais posée la question avant, ça ne me semblait pas cohérent. Mais j’observe Alex depuis qu’on en a parlé et c’est vrai qu’il présente quelques signes. Nous devons rencontrer la maitresse pour voir ce qu’elle en pense, elle est la seule à le voir réellement au travail pendant une journée.
Rencontrer un spécialiste ne ferait sans doute pas de mal à Alex, il avait réellement un souci avec le contrôle de ses émotions, mais il n’y avait pas que ça, elle en demeurait persuadée.
J’ai déjà pensé à consulter un thérapeute, un psychologue pour enfants, quelqu’un qui saura sans doute l’aiguiller sur la meilleure façon de gérer ses émotions et les changements qu’il y a eu dans sa vie dernièrement.
Le divorce de ses parents, le fait que son père soit en couple avec un homme, la présence de Heller, Ida avait peur que ça fasse un peu trop pour le jeune garçon. Les enfants pouvaient être durs…
Evidemment qu'Ida ne verrait pas les choses ainsi. D'après elle, c'est parce qu'elle a été élevée avec des valeurs très traditionnelles venant de sa culture et qu'elle trouve difficile de "faire entrer une personne extérieure dans la vie de jeunes enfants". Je fronce les sourcils, ne comprenant pas vraiment sur quoi elle se base, mais j'avoue sans honte penser qu'elle veut encore une certaine exclusivité pour Thomas. Ce lien à travers les enfants. Ce que je respecte, et je ne veux pas que Tom ait à choisir, ou place Arthur en premier plan, mais étant mon compagnon, il est tout autant son père, lien du sang ou non. Nous sommes un foyer, une famille. L'égalité doit régner entre tous les enfants comme ceux d'une fratrie. Avant Arthur, j'avais déjà pensé quelque fois que nous pourrions adopter un jour, mais j'imagine que ça n'aurait pas été mieux s'il continuait de penser que le sang était plus fort que tout. Ce qui est absolument débile, un enfant on l'aime, on l'élève, on souhaite son bonheur et uniquement cela, c'est ce qui fait de nous un parent, peu importe s'il possède la moitié de notre patrimoine génétique. Sinon, à quoi bon, autant que je l'élève seul sans les problèmes causés par Alexander qui impactent tout le monde. Ça allait déjà être compliqué pour Arthur en grandissant, si en plus il était délaissé par son autre père, les choses allaient être pires.
— Tu crois qu'un enfant de plus enlève de l'amour pour les autres ? Tu aimes moins Alex depuis que tu as eu Clara ? Tu penses vraiment que les faire passer avant est la bonne solution parce que tu as peur qu'Arthur ait davantage d'attention ? Que tu le veuilles ou non, Thomas et moi formons à présent un foyer, vos enfants y ont leur place car, par extension, je suis leur beau-père, je veille aussi sur eux comme je veille sur Arthur, je ne vois pas pourquoi mon fils serait lésé par rapport à eux. Je soupire un coup. Enfin bref, on en reparlera quand tu auras refait ta vie, que tu auras d'autres enfants, ou que ton compagnon aura les siens, tu comprendras que ça ne se joue pas uniquement sur de la biologie.
Je bois mon thé presque trop sereinement alors que mon ton sec et franc m'amenait doucement sur la pente de la colère. J'espère bien expédier la suite, même si le sujet Alexander est très important. Et pour ça, pour peut-être arriver à trouver une solution pour améliorer la vie de ce petit gars qui ne mérite pas d'être malheureux. Je retrouve mon calme, au moins en apparence, même si j'ai envie que les petits se pointent rapidement pour que nous partions. Au moins, avec Ida, nous tombons d'accord sur le fait qu'il faut lui accorder petit à petit plus de responsabilité, pour lui montrer que nous le considérons comme le grand garçon qu'il est devenu. J'hoche la tête, en pensant en parler avec Thomas pour que nous accordions nos efforts là-dessus. Il se sent seul sûrement ne trouvant pas sa place, sans doute qu'en l'intégrant ainsi pleinement au quotidien et au fonctionnement de la maison, il aura l'impression de réellement être utile. Une partie du problème pourrait se régler petit à petit.
— Je pense que c'est une bonne idée oui, répondis-je quand elle parle de la mise en place d'un cahier des charges. Ca peut tout à faire se faire chez nous aussi.
Et je réfléchis déjà à ce que nous pourrions lui confier, en partant de ce qu'Ida lui fait faire ici. Ensuite nous parlons de Thomas qui voit en son fils un surdoué, ce qui expliquerait son ennui à l'école et pourtant ses bonnes notes, ainsi que d'autres paramètres. Pour avoir été dans son cas, c’est-à-dire, ayant des facilités certaines à apprendre et à ne pas avoir besoin d'heures entières de révisions pour avoir de bonnes notes, je reste un peu sceptique face çà cette explication. Mais je ne suis pas médecin ou psychologue et ce terme a un sens qui doit m'échapper en parti, alors je reste prudent. Si l'instinct de Thomas le pousse à se questionner en ce sens, c'est qu'il y a une raison. Ida aussi ne sait trop qu'en penser, mais elle reste ouverte. L'idée ne lui était jamais venue, mais à force d'observer Alex, elle a bien décelé quelques signes. Consulter la maîtresse, qui connait mieux que personne comment se déroulent ses journées en classe, est une bonne chose. Et puis un spécialiste, quelqu'un qui s'y connaît, qui pourra confirmer ou infirmer, nous orienter... Afin qu'on soit au mieux préparé pour aider Alex. Surtout, savoir quoi faire, car plus d'une fois aucun de nous ne sait comment s'y prendre. Il y avait aussi beaucoup de choses extérieures à prendre en compte. Et puis il avait un problème à exprimer ses émotions, comme je l'avais déjà remarqué, et Ida appuie en ce sens. En arrangeant cela aussi, ça devrait mieux rouler.
— Oui, ça ne peut pas faire de mal... En revanche à son âge il vaut mieux qu'il soit d'accord et ne pas trop le forcer, ça pourrait être contreproductif, rappelais-je avec une légère grimace. Même à plus de 25 ans, être forcé à voir un psy n'a pas été un bon souvenir. Enfant, ça peut faire plus de dégâts insoupçonnés. On en a vu un pour Arthur, on peut commencer par-là ? Enfin, Thomas en connait peut-être un autre, je ne sais pas.
Je fus un instant perdu dans mes pensées, et c'est alors que des petits pas se font entendre. Je tourne la tête à temps pour voir Clara débarquer dans la cuisine, tout bras dehors pour se jeter sur moi. Souriant, répondant à son propre sourire totalement heureux, je la soulève gentiment pour venir déposer un bisou sur sa joue alors qu'elle m'appelle Mi'ddin, comme à son habitude. Elle me questionne ensuite sur pourquoi son papa n'est pas là, où est Arthur, et si elle pourra dormir avec lui ce soir. Je la repose par terre, me penchant pour être plus à sa hauteur, et lui explique que son père a eu un empêchement, qu'Arthur sera bien là et qu'on verra pour cette nuit. Une pipelette. Heureusement je suis arrivé rapidement à comprendre son charabia de petite fille mais elle parle de mieux en mieux. Dans l'encadrement de la porte arrive alors Alex. Je relève le regard sur lui, souriant comme à mon habitude.
— Bonjour mon grand, ça va ? Il hoche furtivement et brièvement la tête. Vous êtes prêts ? Leur demandais-je ensuite, aux deux petits. J'ai assez passés de temps ici je crois.
La scandinave se rendait bien compte que jamais Myrddin et elle ne pourraient être parfaitement sur la même longueur d’ondes. Ils vivaient aujourd’hui des vies complètement différentes, il allait prochainement se marier avec l’homme qui avait partagé la vie d’Ida pendant dix ans, et il était évident que tout ça rendait les choses bien trop compliquées. Mais la trentenaire était bien décidée à essayer de rendre les choses le moins difficiles possible, en particulier pour les enfants. Alexander et Clara avaient besoin d’un foyer stable, chez leur mère, chez leur père, mais ils avaient également besoin que tout le monde s’entende autant que possible. Elle faisait de son mieux, et quand Myrddin reprit la parole pour lui expliquer à nouveau son point de vue, elle eut vraiment l’impression qu’il s’énervait. Ce n’était pas du tout ce qu’elle avait voulu, elle essayait simplement de lui faire comprendre qu’ils n’avaient peut-être pas le même point de vue. Mais il n’en demeurait pas moins que visiblement, Myrddin avait beaucoup d’affection pour ses enfants et il s’inquiétait sincèrement de ce qu’il pouvait leur arriver, alors peut-être qu’elle pouvait se montrer plus compréhensive.
Je ne voulais certainement pas t’énerver, je comprends ce que tu veux dire. Bien sûr que j’aime autant Alexander que Clara, ça n’a aucune importance de savoir qui est le premier ou le dernier. Je comprends mieux ton point de vue maintenant, et je pense que pour le bien-être de tout le monde, ils doivent tous les trois être considérés de la même façon. Je dis juste que je comprendrais que ça soit difficile à accepter pour Alex, simplement parce que c’est une nouvelle situation à laquelle il doit se faire. Mais je crois qu’il commence à s’y faire.
Ida comprit rapidement qu’il fallait mettre un terme à ce sujet de conversation, car visiblement il énervait particulièrement Myrddin et la première chose qu’elle ne voulait pas du tout, c’est que leur relation ne s’envenime à nouveau. Ils n’avaient pas besoin de ça, au contraire, ils avaient surtout besoin de trouver un terrain d’entente et de tout faire pour montrer qu’ils pouvaient être d’accord et faire ce qu’il fallait pour les enfants. C’était important pour elle que Clara, Alexander et même Arthur puissent vivre dans une certaine harmonie, et donc avec Thomas, elle et Myrddin s’entendant bien. Apparemment, trouver des responsabilités à Alex pouvait être un bon moyen de lui montrer qu’il pouvait être un grand, tout en restant le petit garçon qu’il était. Chez elle, ça commençait à plutôt bien marcher, et visiblement son beau-père était d’accord pour essayer.
Ca serait génial qu’on puisse accorder nos violons, ça donnera une impression d’équilibre entre les deux foyers.
Alexander était au centre de toutes leurs préoccupations, tellement qu’ils discutaient à présent des interrogations de Thomas au sujet d’un possible côté surdoué chez leur fils. Apparemment, Myrddin n’y croyait pas du tout, et il parvenait même à convaincre Ida qu’il devait y avoir quelque chose d’autre là-dessous. Mais le problème c’est qu’elle ne savait pas du tout quoi, et la scandinave n’aimait pas ignorer ce qui pouvait faire du mal à son fils. Elle écoutait les conseils et les idées du beau-père des enfants avec grand intérêt, avant de lui répondre à son tour, un certain enthousiasme sur le visage :
Oh je ne sais pas, mais tu pourrais donner le numéro à Thomas et éventuellement me l’envoyer ? Personnellement je ne connais personne de réellement spécialisé dans les enfants, alors je serais ravie d’avoir un nom de référence.
Tous les deux furent interrompus dans leur conversation par l’arrivée, ou plutôt le débarquement, de Clara. Elle n’avait peut-être que presque trois ans mais elle était un véritable rayon de soleil mêlé à une force de la nature. La petite fille fonça sur Myrddin et sauta dans ses bras en le harcelant de questions. Ida s’éclipsa deux secondes pour récupérer le sac de la petite fille, abandonné à l’entrée du salon, et elle le déposa dans l’entrée pour que Myrddin n’ait plus qu’à le prendre. Clara fut suivie par Alexander, qui resta dans l’entrebâillement de la porte.
Tu n’as rien oublié Alex ? Tu n’as pas oublié ton maillot de bain pour le cours de natation ?
Alexander était généralement du genre tête en l’air, et il n’était pas rare qu’il oublie la moitié des affaires dont il avait besoin. Elle préférait s’assurer que tout était dans le sac qu’il venait de déposer à côté de celui de sa sœur.
On n'allait certainement pas s'entendre, mais je ne pouvais m'empêcher d'être trop sec dans mes paroles, surtout parce qu'il s'agissait de mon fils et que je n'étais pas toujours réputé pour mon calme. Mon impulsivité s'est calmée cependant, avec la paternité et tout simplement l'âge, l'évolution personnelle, ce genre de conneries, cependant nos disputes avec Thomas sont toujours là ; je ne mâche jamais mes mots. Cependant, ce n'est pas le souhait d'Ida de m'énerver, ni le mien, d'autant qu'elle parait mieux comprendre mon point de vue alors que je fais une analogie avec un futur où elle aurait à avoir des enfants d'un autre homme ou à accepter les siens. Je suis d'accord avec le fait qu'Alex aura, et a, du mal à s'y faire, à accepter autant Arthur que sa petite-soeur, mais pour nous parents, il est impératif que tout le monde soit traité sur un pied d'égalité. Mais, de façon plus profonde, ils étaient déjà trop différents pour être d'accord sur tout, sans compter Thomas au milieu. Néanmoins les enfants comptaient bien davantage que leur propre personne. Il leur fallait un environnement stable et une entente entre les adultes pour que tout se passe au mieux.
— Il finira par s'y faire oui, les liens comme ça ne se forment pas en un claquement de doigts, même si c'est mal parti. Je sais qu'Alex était adorable avant tout ça, il est encore ce petit garçon gentil et souriant, j'en suis persuadé, avouais-je en terminant ma tasse de thé sur une note pleine d'espoir.
Je pense qu'il doit se sentir en concurrence avec ce nouveau petit gars finalement, mais en lui montrant qu'il est l'aîné, qu'il a des responsabilités, envers lui-même, Clara, et Arthur, il comprendra que sa place nécessite d'autres attentes. J'ai confiance cependant, si on se débrouille bien, il sera un grand-frère parfait. Thomas dans sa fratrie en est par exemple le cas typique. Et son fils aîné est déjà en bonne voie avec Clara, ils se complètent les deux. C'est d'ailleurs très rapidement le sujet Alexander qui nous accapare. Il faut qu'il trouve sa place en effet, et nous tombons d'accord sur l'idée de lui confier des responsabilités, des tâches, en accordant nos deux foyers pour qu'il retrouve de la cohérence autant chez son père que chez sa mère. Et puis il est question aussi du fait qu'il est peut-être surdoué, mais pour cela il nous faut un diagnostic. Je reste perplexe mais après tout, pourquoi pas, l'instinct paternel existe aussi. Je suis persuadé que Thomas est déjà sur le coup, après un premier rendez-vous avec la maîtresse pour un autre avis, il dégainera le nom de spécialistes qu'il a sans doute chercher. De mon côté, à par le psy pour Arthur, je n'en connais d'autre. Mais tout cela se fera en temps voulu, Ida sera de toute façon totalement mise au courant.
— Thomas devrait tout de dire, sinon j'm'en charge moi-même, ne t'inquiète pas.
En tout cas, j'étais heureux que nos violons s'accordent, et j'espérais vraiment que tout ceci se passe au mieux. Ma place n'était pas évidente, mais je voulais autant le bonheur de Clara et d'Alex que de mon propre fils. Ça n'a pas été facile pour moi aussi de trouver cette place de beau-père, en étant présent mais pas trop. Mon souci a toujours été de m'imposer un peu plus, de ne pas être que ce type qui partage la vie de papa, mais un réel adulte prêt à soutenir les deux enfants. Beau-père. Non ce n'est pas facile tous les jours. Cependant Clara le rayon de soleil attitré de nos maisonnées me fait toujours oublier mes préoccupations d'adulte qui pense trop. Elle débarque aussi vite que ses petites jambes le lui permettent pour venir dans mes bras, heureuse de me revoir enfin. Je réponds avec un sourire à ses questions enfantines, remarquant du coin de l'œil Ida s'occupant des affaires délaissées de sa fille puis Alex, qui apparut à son tour. Mère poule, elle s'assura que son fils aussi n'ait rien oublié, tandis que je laissais Clara retourner au sol pour aller saluer son frère. Tout était donc en ordre, et je n'avais pas à m'éterniser plus que cela. Dans l'entrée, je m'occupe de récupérer les sacs des enfants. Une Clara sautillante et un Alexander traînant des pieds. Comme à chaque fois.
— Merci pour le thé, dis-je finalement en me tournant vers Ida. Cette gêne du début revenue. Comment agir avec l'ex-femme de mon futur mari... ? Dire bonjour et au revoir me laisse un sentiment de tension nerveuse dont je ne sais comment me débarrasser. Et merci pour.. et bien le reste, je dirais... soufflais-je avec moins d'assurance, mon regard glissant un instant sur les deux enfants. Je suis content de pouvoir m'entendre avec toi à leur sujet, en tout cas, ajoutais-je avec un léger sourire. J'ai toujours hâte de partir, mais il me paraissait nécessaire de le dire. Je m'énerve parfois, elle me tape des fois sur le système et notre passé est orageux, mais le bien-être des enfants passe avant tout.
Ida avait bon espoir que les choses finiraient forcément par s’arranger. Ses deux enfants étaient de véritables amours, et même si Alexander semblait passer par une phase assez difficile, pas vraiment adolescent mais plus complètement enfant, elle voulait croire que les choses se dirigeaient vers un mieux. Myrddin semblait lui aussi penser que c’était possible, bien qu’il faudrait du temps afin que tout le monde puisse s’habituer à la nouvelle situation. Bon certes, elle n’était plus si nouvelle que ça cette situation, mais rien n’empêchait cependant de penser que les enfants avaient toujours du mal à s’en accommoder. Soudainement, Ida se demandait comment Arthur vivait la situation de son côté, mais au final chaque enfant était différent et chaque enfant devait vivre une même situation à sa manière.
Oh moi aussi j’en suis persuadée, parfois j’ai encore des éclairs où je vois mon gentil petit garçon. Je sais qu’il reviendra, ce n’est qu’une question de temps, et de patience, même si je comprends qu’au quotidien, ça ne soit pas facile à gérer.
La scandinave avait plus de facilités parce qu’Alexander était son fils, qu’il était le fils adorable et souriant qu’il avait toujours été, parfois avec elle. Il leur arrivait de rire, de s’amuser, de courir au parc ou sur la plaine de jeux juste pour le plaisir, comme ça. Elle savait que son fils se cachait sous cette épaisse carapace comme pour se protéger de tout ce qui le blessait, de tout ce qui lui faisait peur ou de ce qu’il ne connaissait pas. Les enfants n’avaient généralement pas peur du changement mais dans ce cas précis, il s’avérait que son fils le vivait très mal. Mais ils commençaient tous à trouver des pistes afin de l’aider, et Ida était ravie de voir que le beau-père de son fils mettait lui aussi la main à la pâte.
D’accord, on se tient au courant alors, je suis contente de voir qu’on peut s’entendre pour le bien des enfants.
La jeune femme retrouva son sourire lorsqu’elle vit ses enfants apparaitre dans la pièce. Alexander n’avait toujours pas l’air heureux mais ça finirait par aller mieux, elle en était persuadée. C’était un petit garçon fort, courageux, et il allait pouvoir combattre ses démons de la meilleure manière qui soit, entouré de ceux qui l’aimaient. Clara serait toujours là pour apporter un peu de joie et de sourire dans le cœur et la vie des membres de sa famille. Tous les éléments étaient réunis pour que tout se passe au mieux dans les mois à venir, Ida le savait. Alors que Myrddin embarquait les sacs des enfants pour les conduire chez lui, il se tourna vers la blonde pour la remercier du thé et de la discussion.
Merci à toi. Et euh… si jamais tu as besoin de certains trucs pour Arthur. J’ai toutes les affaires d’Alex alors n’hésite pas. Je n’en fais plus grand-chose de toute façon.
Elle espérait qu’il ne le prenne pas mal, mais toutes ces affaires trainaient dans un coin du grenier et il était évident qu’elle n’en ferait plus rien. Et puis si elle pouvait rendre service, ça lui faisait plaisir. Bien sûr qu’ils avaient leurs différents et ça ne changerait probablement jamais, mais Ida voulait que les choses se passent pour un mieux. Elle posa les yeux sur ses enfants, les embrassa et les serra dans ses bras, avant de leur dire :
Passez une bonne semaine mes chéris. Je vous aime. A dimanche !
Elle sourit en se plaçant sur le pas de la porte d’entrée pour les regarder partir. Une nouvelle semaine sans eux commençait, et elle était bien décidée à trouver des solutions pour aider son fils pendant cette semaine.
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