Le calme de la salle jurait avec l’ambiance animée qu’elle arborait une poignée de minutes plus tôt à peine, conversations en acouphène que j’entendrais encore résonner à mon oreille si je fermais les yeux, si je portais attention. Au fond ne restaient que Tad et Hassan, qui discutaient probablement du fait que pas une seule fois depuis leur arrivée tardive je n’avais eu de crise de panique, de poussée d’angoisse, de stress nocif qui m’aurait amenée à me recroqueviller en petite boule dans un coin reculé de la salle. Une fois le premier tableau vendu, une fois la visite de Jamie qui avait forcé avec galanterie mesurée que je quitte le placard à balai, nouvelle cachette de fortune, le reste de la soirée était allé sans heurts, pour la simple et unique raison qu’il y avait eu un déclic. Je m'étais souvenue de cette fillette-là, celle qui multipliait les cahiers et les crayons en bord de rivière. C’était ce que je voulais faire depuis gamine. C’était mon rêve, mon aspiration première, ce pourquoi je n’avais pas dormi presque sept jours en ligne avant mon entrevue d’entrée potentielle à l’Académie, et un autre sept jours ensuite lorsqu’on m’avait confirmé que j’avais bien ma place parmi la cohorte de 2007. « T’es certaine? » que je demande tout de même, par politesse, à Dannie qui est toujours dans les parages le temps de s’assurer que la salle est dans un état convenable, et que les derniers invités de sa liste sont bien sur le départ. « Oui, absolument. Restez un peu, prenez le temps de vous poser. C’est cadeau. » la rouquine qui lève un regard brillant dans ma direction, sourire en coin qui ne quitte jamais vraiment ses lèvres. Elle savait bien tout ce que ce soir signifiait pour moi, elle savait bien, pour m’avoir cernée à la perfection après quelques passages à mes workshops, que tout ça, c’était le début d’une grande, d’une belle, d’une angoissante mais oh combien merveilleuse aventure pour moi. C’était Dannie qui avait tout orchestré, réservé une salle dans sa galerie pour y afficher mes tableaux le temps d’une soirée. Elle avait encouragé l’exposition, proposé ses idées, écouté les miennes. Elle était passée à l’atelier un nombre incalculable de fois, jaugeant de mon travail avec cette mine concentrée qu’elle arborait parfois, troquant son air jovial habituel qu’on lui connaissait avec candeur. « Tu es satisfaite? » la silhouette penchée derrière la station d’accueil, elle finalise de rapatrier le guestbook et autres détails, ranger les derniers items qui annonçaient mon vernissage, pour que demain matin la seule trace restante soit les quelques canevas savamment placés aux murs de la pièce adjacente, signés de ma main incertaine, mais tellement passionnée. « J’ai pas encore assimilé tout ce qui s’est passé ce soir, en fait. » et je réponds le plus honnêtement du monde, toujours un peu plus perdue face au fait qu’on voit de la valeur dans ce que je peux bien imaginer. Mains dans les poches, regard qui vogue le long de la galerie, je sais bien qu’elle comprend, je sais bien que l’artiste en elle capte absolument ce que l’artiste en moi veut dire, sans ingratitude aucune. Juste, un premier vernissage, c’est beaucoup, c’est gros, c’est immense, et c’est ma vie, désormais. « Raison de plus pour profiter de la salle encore un peu. » et elle rigole Dannie, elle attrape sa veste, son sac, dépose à la va vite un baiser sur ma joue avant de disparaître dans la nuit, laissant dans son sillage une Ginny encore bien perplexe face à la suite des choses. Un jour à la fois, n’est-ce pas? L’instant d’après, j’arrive à la hauteur de mes amis, duo qui était partie prenante de ma vie, le premier depuis toujours, le deuxième depuis récemment - mais qui valaient tout aussi cher l’un que l’autre à mes yeux. On dit que la vie nous envoie toujours les gens dont on a besoin au moment où on en a besoin, et Tad et Hassan en étaient le parfait exemple. « J’ai volé ça derrière. » pas besoin de faire de dessin, ils voient tous les deux que je tiens à mal un plateau de canapés lâchement abandonné en cuisine. Le truc est recouvert de bouchées variées, une bonne moitié que je n’ai pas eues l’impression de voir durant la soirée tellement mon attention était diffusée ailleurs. « Alors, ça y est? » le temps que les garçons s’avancent le nez vers mes offrandes alimentaires, j’en profite pour me poser à même le sol, dos appuyé sur le mur porteur, et prunelles qui dérivent directement vers le chemin qu’empruntaient les invités de ce soir pour se diriger vers mes oeuvres. « Je peux dire que je suis une adulte, là, avec une vraie carrière? » et c’est ma mine enfantine par excellence que je lève dans leur direction, la question qui se veut comique, l’interprétation que m’arrache un frisson, subtil mais glacial, le long de chacune de mes vertèbres.
Si la première moitié de la soirée Tad et Hassan avaient fait leur possible pour paraître studieux, voguant de toile en toile pour les observer chacune avec intérêt tandis que Ginny s’occupait à serrer des mains, rougir à chaque compliment qu’on lui faisait et trouver quelques acquéreurs pour certaines de ses œuvres, la seconde avait été plus riche en bavardages et en amuses bouches récupérés ça et là lorsqu’un plateau passait par miracle à proximité. Pour être entièrement honnête Hassan n’était pas toujours réceptif à l’art, ou du moins pas à toutes ses formes, et si certaines des toiles de la peintre attiraient son attention et ravissaient son œil de par leur esthétisme, il n’avait pas forcément le réflexe de chercher plus loin pour comprendre ce qui se cachaient derrière les jolies couleurs et l’ensemble harmonieux, contrairement à d’autres qu’il avait entendu débattre ou s’extasier devant certains tableaux. Mais peu importait au fond, il n’était pas tant là pour admirer les œuvres que par soutien pour leur créatrice, et il osait espérer qu’elle saurait lui pardonner son manque d'esprit critique lorsqu’il était question de peinture. Joanne ne sera pas là, lui avait assuré Ginny en sachant pertinemment qu’il songerait au moins à cette question même sans oser la poser, et si il se serait probablement fait violence dans le cas contraire au prétexte que Joanne ne valait pas qu’il sacrifie son soutien à une amie, de savoir qu’elle ne serait pas là lui avait évité l’estomac noué qui l’aurait suivi toute la journée à l’idée de tomber sur son ex-femme. Malgré tout un brin circonspect lorsqu’il avait reconnu la silhouette de Jamie – seul – au milieu de la foule, le professeur avait préféré tourner les talons pour s’éviter des salutations gênantes, et n’y avait plus prêté attention ensuite.
Le volume sonore proportionnel à la galerie qui se vidait peu à peu de ses occupants, Hassan respirant un peu, lui que le monde et la chaleur avaient poussé à faire sauter une deuxième bouton de sa chemise. Bientôt il n’était plus resté qu’eux, Tad et lui d’un côté, et Ginny de l’autre en compagnie de la propriétaire des lieux avec laquelle elle s’était entretenue un moment avant de disparaître au moment où la dénommée Dannie quittait les lieux. « Où est Ginny ? » s’était alors étonné Hassan maintenant qu’ils n’étaient plus que deux dans la pièce. Réapparaissant presque au même moment la jeune femme les avait justement rejoints, non sans annoncer presque fièrement « J’ai volé ça derrière. » en leur tendant un plat de petits fours épargnés par le flots d’affamés ayant gravité dans les environs toute la soirée. Terminant son verre de jus de soda – l’une des seules options sans alcool mise à disposition après que le jus de fruit ait été dévalisé en moins de deux – en une gorgée, il avait fait remarquer avec amusement « Tu sais précisément comment conquérir deux hommes à la fois. » parce que, qu’on se le dise, il n’y avait pas chemin plus court pour atteindre le cœur d’un homme qu’en passant par son estomac. Les laissant se servir dans le plateau et en faisant de même à son tour, Ginny avait poussé un soupir qu’on pouvait identifier comme soulagé avant de demander « Alors, ça y est ? Je peux dire que je suis une adulte, là, avec une vraie carrière ? » presque avec une pointe d’incertitude, presque avec timidité. Le sourire attendri face à une Ginny qui dansait son manque de confiance en elle d’un pied sur l’autre, encore un peu trop dans l’influence de ce qui l’avait fait se cacher tant de temps dans son atelier, il avait secoué la tête « Une vraie de vraie, et à la carrière plutôt prometteuse si j’en crois ces petites pastilles. » Et disant cela il avait désigné les pastilles violettes collées près de certains des cadres et indiquant que les tableaux avaient trouvé acquéreur.
D’ordinaire, il avait toujours une réplique à balancer. Une ânerie visant à amuser la galerie, mais là, aujourd’hui, Tad avait décidé de se la jouer sérieux. Et sérieux-sérieux, pas même dans le but de paraître snob comme il l’avait annoncé à Ginny quand elle lui avait tendu l’invitation, mais véritablement sérieux, du genre à se tenir droit, à ne pas s’empiffrer de gâteau et à bien ouvrir la porte aux dames qui viendrait à passer derrière lui. C’est un Tad comme on en voit très peu que l’on a ce soir et hormis quelques gloussements dès que quelqu’un donne un commentaire sur un sous-entendu sexuel que cacheraient les peintures de Ginny, on peut dire que la mission est accomplie. De quoi rendre fière Maman Tad si elle avait eu un intérêt à observer le travail de Ginny. Enfin, ça, c’était pendant un temps. Parce que forcément, à n’y rien comprendre, il avait essayé de copier sur le sérieux d’Hassan mais le perse ne pouvait pas le tirer bien longtemps vers le haut puisque lui-même était perdu dans ce monde. Si Tad était un artiste, il n’avait jamais rien saisi au figuratif et ceci avait amené le duo de choc à tenter picorer les assiettes tandis que la salle se vidait petit à petit et comptait moins de snob pour les observer de travers.
« Où est Ginny ? » finit par demander Hassan, récoltant de la part de Tad un simplement haussement d’épaule et une grimace, celle du mec qui n’a aucune idée de rien du tout et qui en serait presque à se demander où il est lui-même. Visiblement, la sauterie a l’air terminé.« J’ai volé ça derrière. » annonce une petite voix bien reconnaissable qui a pour effet immédiat de stopper leurs rires cabotin. Ginny est là, face à eux, avec un plateau d’offrande, apporté sûrement dans l’espoir pour se faire pardonner d’avoir été très peu présente ce soir-là. « Tu voles maintenant ? » demande t-il en saisissant un p’tit four qu’il engloutit dans sa bouche comme un bonbon, l’élégance dont il avait su faire preuve une heure plus tôt est totalement disparue. « Tu sais précisément comment conquérir deux hommes à la fois. » ajoute Hassan, se servant à son tour, libérant de ses paroles la culpabilité qu’avait ressenti Ginny, dans son expression qu’elle ne parle, il lui semble percevoir tout le stress de la soirée ui s’envole. « Alors, ça y est ? Je peux dire que je suis une adulte, là, avec une vraie carrière ? » Bah, sa mère à lui, elle dirait que c’est pas un boulot d’adulte de griffonner sur des toiles, que c’est pas plus une carrière mais c’est probablement pas ce que Ginny veut entendre alors, il laisse Hassan parler le premier. « Une vraie de vraie, et à la carrière plutôt prometteuse si j’en crois ces petites pastilles. » Il est vrai qu’elle avait eu son succès. Ce qui, il l’espère ne la rendra pas snob trop vite. « Il te reste plus qu’à te faire des p’tites cartes de visite et à te prendre pour Don Draper. » Qu’il ajoute, la bouche pleine, les miettes qui épargnent miraculeusement le visage de l’artiste dans leur envolée. Là, c’est sûr, c’est le relâchement total. « Et donc, t’en as pensé quoi de tout ça ? » Qu’il demande en indiquant d’une geste de la main la p’tite sauterie, parce que tout ça, c’est autant son monde à elle que le siens. « Tu t’es sentie bien, pas bien ? » Qu’il ajoute avant de demander plus franchement. « Puis, tu les as vendu cher ? J’attend de voir la tête de maman quand je lui dirais que j’ai eu raison de ne pas jeter mes vieux cahiers, tout tagué par tes soins. »
À la seconde où mes yeux se posent sur Tad et Hassan, je sais que je peux enfin être vraiment moi-même. Que la salle n’est plus remplie de conversations à alimenter, de regards à tenir. Plateau en main, je trottine jusqu’aux deux garçons le sourire qui n’en finit plus de s’agrandir, si soulagée qu’ils soient restés malgré mon traitement tout sauf généreux ce soir. « Tu sais précisément comment conquérir deux hommes à la fois. » secouant la tête de la négative, faussement peinée, j’attends qu’ils se servent avant d’ajouter, trop affligée pour l’être réellement. « Et pendant tout ce temps, je croyais bêtement que vous étiez déjà conquis. Quelle naïve j’ai pu être. » battant des cils, je doute à peine de l’amitié du duo envers moi, les ayant vus côtoyer ma vie dans les meilleurs moments comme dans les pires, et leurs estomacs qui ce soir méritent un traitement de faveur pour leur support devant toutes ces années de labeur. « Tu voles maintenant ? » Tad questionne, et j’éclate de rire, l’excuse déjà toute trouvée pour garder mon pedigree de jeune fille de bonne famille - aheum - le plus longtemps possible. « C’était ça ou les poubelles ; je le fais pour l’environnement. » j’arrive à libérer une main que je pose sur mon coeur, solennelle, les restes de sourire en coin qui finissent tout de même par trahir mon sérieux. Installée au sol, mes prunelles amusées suivent leurs doigts intéressés le temps qu’ils fassent une razzia dans la sélection restante de bouchées. Puis, c’est la réalisation, ou plutôt, je leur demande confirmation que tout ceci n’est pas seulement une lubie, que la soirée s’est bel et bien déroulée et qu’ils en ont été heureusement les témoins. « Une vraie de vraie, et à la carrière plutôt prometteuse si j’en crois ces petites pastilles. » la voix bienveillante d’Hassan m’arrache un long soupir de soulagement. « J’y crois pas encore, que des gens aient acheté trois de mes tableaux. » l’humilité que je ne feins pas, qui est absolument guidée par la surprise. « J’veux dire, des inconnus. Des gens que je n’ai jamais vus, qui sont venus ici, qui ont visité la galerie, se sont arrêtés devant un truc que j’ai imaginé, que j’ai coloré, que j’ai encadré. Et qu’ils l’ont acheté. » Tad qui s’amuse lui-même de la tournure sérieuse qu’a pris le vernissage. « Il te reste plus qu’à te faire des p’tites cartes de visite et à te prendre pour Don Draper. » d’un roulement d’yeux, je lui confirme que pour l’instant, ce qui s’apparente le plus à une carte d’affaires pour moi reste la peinture sous mes ongles et la grande porte de bois de l’atelier toujours ouverte à la volée pour les curieux qui veulent passer directement dans mon antre voir ce que je peux bien en faire. « Et donc, t’en as pensé quoi de tout ça ? » c’est là où je le reconnais. Le Tad du jardin d’enfant, le Tad qui grimpe par ma fenêtre, le Tad qui a assisté à mon enfance et à mon adolescence, et qui actuellement voit petite Ginny devenir grande, toucher à ce rêve qu’elle caresse d’aussi loin qu’il est possible de remonter. « Que c’est beaucoup plus de poignées de main et de small talk que ce qu’on enseigne à l’Académie. » un rire supplémentaire, et je précise tout de même, le coeur léger, épaté. « Mais aussi que j’ai jamais été aussi fière de mes tableaux. » j’anticipe la réaction, laisse un rire ponctuer ma phrase. « Oui, vous pouvez dire que je suis irrécupérable. » donner une vie à mes peintures, les voir comme des entités, des personnes presque, c’était typique Ginny circa la première fois où elle a utilisé ses pinceaux et toutes les autres fois ensuite. « Tu t’es sentie bien, pas bien ? » et je souris, un peu plus. Mes iris qui passent de mes amis à la salle, des tableaux à leurs silhouettes rassurantes qui se sont rapprochées de moi. La réponse est là, toute tangible, si claire. Le rêve de la gamine, le projet d’une vie, et j’en vois enfin les esquisses qui se dessinent - le jeu de mots mental valait la mention. « Bien. Vraiment bien. » Cooper rattrape le tir la seconde suivante, aussi curieux qu’innocent. « Puis, tu les as vendu cher ? J’attend de voir la tête de maman quand je lui dirais que j’ai eu raison de ne pas jeter mes vieux cahiers, tout tagué par tes soins. » bien sûr que la mention de maman Tad me fait penser à mes propres parents et à ce qu'ils auraient pensé de ce soir ; eux que j’eclipse volontairement. Pas ce soir. « Tu les as encore, les carnets? » l’essentiel, c’est l’intérêt que le rouquin ravive en me parlent de fameux carnets remplis de ses compositions d’ados, où je gribouillais dès qu’il avait le dos tourné. « Dannie dirait “pas assez cher”, mais je pense que j'ai été juste. » j’hausse l’épaule, désabusée. Réalisant qu’ils ont assez entamé le plateau pour daigner y poser mon intérêt, je finis par attraper une bouchée, la première de la soirée je crois. « Ce n’est que mon premier vernissage, faut pas non plus que j’y aille trop fort. » je savais très bien où était ma place, j’étais tout à fait consciente que je ne faisais qu’entrer dans le domaine, que le milieu était ardu et difficile et quasi impénétrable, que mes frasques de ce soir ne me valaient pas tout de suite une place sur quelque podium que ce soit, mais… mais. Il fallait bien commencer à un endroit, et oh gosh que j’étais contente de débuter ici, avec eux. « Vous avez aimé votre soirée? Je suis désolée de ne pas avoir pu être plus avec vous deux… ça prend du temps, être une grande personne. » assez parlé de moi ; j’avais tout de même eu une soirée complète à le faire. Prenant le temps de les détailler, de voir les efforts vestimentaires mis, et la carrure qu’ils exhibaient tous deux, j’ajoute même, maligne. « Ça vous va bien d’ailleurs, le look sérieux. » Hassan que j'avais vu en mode rénovation tout l'été durant, Tad qui avait fait du coton confo son uniforme officiel depuis des millénaires, qu'ils aient aussi bien joué le jeu ce soir me remplit d'une fierté sans nom.
Semblant sortir de nulle part alors qu’il questionnait justement sur là où elle pouvait être, Ginny les avait rejoint les mains occupées par le plateau de petits fours vraisemblablement abandonné à l’arrière, et dont ni Tad ni Hassan ne se plaindraient d’avoir été désignés pour l’aider à en venir à bout. « C’était ça ou les poubelles ; je le fais pour l’environnement. » qu’elle avait pourtant juré solennellement, avant d’y accoler un rire amusé là où Cooper avait déjà la bouche pleine tandis que Jaafari avalait son propre-petit four en secouant la tête juste pour pouvoir affirmer du même ton « J’admire ton sens du sacrifice. » Mais au fond la jeune femme avait été tellement occupée durant toute la soirée qu’Hassan doutait qu’elle ait pu goûter à une seule des choses passées sur les plateaux ici et là. Des étoiles encore plein les yeux de voir que tout semblait s’être déroulé au mieux, Ginny s’était finalement fendue d’un « J’y crois pas encore, que des gens aient acheté trois de mes tableaux. J’veux dire, des inconnus. Des gens que je n’ai jamais vus, qui sont venus ici, qui ont visité la galerie, se sont arrêtés devant un truc que j’ai imaginé, que j’ai coloré, que j’ai encadré. Et qu’ils l’ont acheté. » oscillant entre étonnement et soulagement lorsque le brun avait pointé du doigt les pastilles accolées à côté des tableaux ayant trouvé un acquéreur, tandis que Tad la gratifiait de son côté d’un « Il te reste plus qu’à te faire des p’tites cartes de visite et à te prendre pour Don Draper. » taquin. Reprenant néanmoins un brin de sérieux il avait ajouté presque aussitôt « Et donc, t’en as pensé quoi de tout ça ? » et attentif Hassan cherchait sur le visage de Ginny les premiers indices d’une réponse à cette question. Sans surprise c’est avec la confiance en elle qui oscillait et la timidité n’étant jamais loin qu’elle avait confié « Que c’est beaucoup plus de poignées de main et de small talk que ce qu’on enseigne à l’Académie. Mais aussi que j’ai jamais été aussi fière de mes tableaux. » et comme si elle savait déjà ce qu’ils auraient à dire à ce sujet elle avait pris les devants d’ajouter, légère « Oui, vous pouvez dire que je suis irrécupérable. » Le sourire s’étirant sur les lèvres, le professeur n’avait alors pas pu s’empêcher de rétorquer « Tu es vraiment irrécupérable. » avec la fausse sévérité qui lui avait presque immédiatement arraché un rire, puis l’avait persuadé de reprendre plus posément « Mais il était temps, que tu en sois fière. » C’est que jusqu’à maintenant lui faire admettre sa propre valeur avait plutôt ressemblé à un chemin de croix. « Tu t’es sentie bien, pas bien ? Puis, tu les as vendus cher ? J’attends de voir la tête de maman quand je lui dirais que j’ai eu raison de ne pas jeter mes vieux cahiers, tout tagué par tes soins. » S’étonnant de ce dernier point d’un « Tu les as encore, les carnets ? » surpris – quand en réalité Hassan trouvait qu’il n’y avait là rien de bien étonnant, c’était du Tad tout craché – la jeune femme avait secoué la tête et fait état d’un peu de raisonnable au moment d’assurer « Dannie dirait “pas assez cher”, mais je pense que j'ai été juste. Ce n’est que mon premier vernissage, faut pas non plus que j’y aille trop fort. » et de confirmer ainsi silencieusement – et sans doute sans le vouloir – aux deux hommes que ce qu’elle voyait comme un bon prix devait déjà apparaître comme une vraie fortune, pour des gars comme eux qu’on n’entendrait jamais négocier ou ricaner de ne pas être à une virgule près comme un petit homme à la moustache fine et dessinée s’en était amusé près d’eux plus tôt dans la soirée. « Vous avez aimé votre soirée ? » s’était-elle par ailleurs inquiétée, avant de s’excuser platement « Je suis désolée de ne pas avoir pu être plus avec vous deux … ça prend du temps, être une grande personne. » Papillonnant des yeux avec amusement Hassan avait assuré, d’un signe de tête puis en prenant la parole « T’inquiètes Maman, le petit frère a été sage, je l’ai bien surveillé. » et si les cheveux n’avaient pas été un sujet de la plus haute importance aux yeux du brun, sans doute aurait-il même ponctué cela d’un ébouriffage en règle. Au lieu de ça il avait lancé à Tad un regard amusé quand Ginny reprenait, avec dans la voix un brin d'admiration « Ça vous va bien d’ailleurs, le look sérieux. » Il fallait bien que ce soit pour une occasion qui le méritait, d’ailleurs, car porter une chemise par de telles chaleurs estivales relevait de l’épreuve bien plus que du plaisir, et il n’y avait bien plus que pour coller aux standards télévisuels d’ABC qu’Hassan s’y pliait désormais. Les standards télévisuels et les occasions spéciales, donc. « C’est qu’on avait la pression, aussi, on ne voulait pas te faire honte devant les adultes. » avait-il alors décoché avec plaisanterie, avant de renchérir « Et puis faut croire que ce pantalon met le postérieur de Cooper en valeur, vu le nombre de fois où Dannie a louché dessus en passant. » en attrapant un nouveau petit four, l’air de rien. Laissant finalement son regard glisser d’un bout à l’autre de la pièce et de toiles qui en recouvraient les murs, il avait laissé passer quelques seconds avant de reprendre, curieux « Et donc, maintenant … la prochaine étape, c’est quoi ? » Si ce vernissage lui faisait office de pied à l’étrier, à quoi allait-elle s’atteler maintenant que la première étape s’était déroulée avec le succès escompté ?
Il n’y avait qu’à voir l’exaltation dans les yeux de Ginny pour que Tad se dise qu’il était enfin temps qu’elle se lance dans le grand bain et à l’observer, il se sent fier de voir la façon dont elle parvient à se faire sa place dans ce monde, qui de premier abord ne semble pas autant être une seconde nature mais à y penser, y être marginale ne semble pas être une mauvaise chose pour ce cas précis. Il avait pris le temps d’observer toute la soirée le travail de son amie et s’il était resté dubitatif devant la majeure partie, les conversations où il avait laissé trainer son oreille allaient dans le sens de la jeune artiste. « C’était ça ou les poubelles ; je le fais pour l’environnement. » qu’elle réplique, poussant un peu son jeu d’actrice sur ses talents de militantes. D’être l’option autre que la poubelle ne perturbe néanmoins pas le garçon qui s’empresse d’enfouir dans sa bouche les petits fours, des fois qu’Hassan en viendrait à bout avant lui. Il faut dire qu’au moins, y’a de la bouffe. « J’y crois pas encore, que des gens aient acheté trois de mes tableaux. J’veux dire, des inconnus. Des gens que je n’ai jamais vus, qui sont venus ici, qui ont visité la galerie, se sont arrêtés devant un truc que j’ai imaginé, que j’ai coloré, que j’ai encadré. Et qu’ils l’ont acheté. » Il ne sait réellement quoi répondre face à l’étonnement de Ginny sur son propre succès. Il n’est pas réellement surpris, c’est après tout comme ça que le business marche et si une galerie a fini par l’afficher, c’est que ça allait être ça l’issue. Mais en échangeant les places, il finit par se dire qu’il serait peut-être un peu étonné aussi qu’un truc à lui marche et par conséquent, il comprend mieux mais s’il ne sait pas quoi répondre hormis qu’elle s’habituera et de lui demander ce qu’elle a pensé de cette première soirée de vernissage. « Que c’est beaucoup plus de poignées de main et de small talk que ce qu’on enseigne à l’Académie. Mais aussi que j’ai jamais été aussi fière de mes tableaux. » La réponse satisfaisante. L’impression donnée ne le surprend pas vraiment. Il a vraiment l’impression d’être tombé dans un endroit où le snobisme exacerbé est de marge, les conversations vont nulle part tant que l’on fait bonne impression. Une bonne chose qu’il eut été là avec Hassan parce qu’autrement il se serait senti très seul en plus de très con. « Oui, vous pouvez dire que je suis irrécupérable. » Qu’elle reprend sans leur laisser le temps de répondre. « Tu es vraiment irrécupérable. » rajoute Hassan, se donnant des airs de papa comme s’il pouvait quelque chose contre le bon tempérament de Ginny. « Mais il était temps, que tu en sois fière. » Qu’il nuance, alors que Tad se prend à se dire que dans un futur, Ginny en sera à signer des nappes de table comme Picasso pour payer ses cafés et que tout ce qu’elle aura fait risque de prendre de la valeur. Bon, c’est utopique mais Tad aime rêver. « Tu les as encore, les carnets ? » Qu’elle semble s’étonner alors qu’il aborder le sujet, ce qui le surprend parce que Tad n’est pas du genre à jeter tout et n’importe quoi et si justement Roselyne passe une bonne partie de son temps à râler derrière, c’est parce qu’à ses yeux ça ne m’érite que la poubelle. « Bien sûr, je ne jette rien. » Qu’il assume en haussant les épaules, il ne jetterait sûrement d’aussi bons souvenirs d’une période où il n’avait pas à se prendre la tête avec les questions d’adulte comme il le fait aujourd’hui, sa mère était dès lors sa seule source de terreur et c’était très bien comme ça. Mais parlant peu, parlant bien, il ne faut pas longtemps à Tad pour poser une question sur les transactions de la soirée. C’est sa curiosité de connaitre les prix du marché. « Dannie dirait “pas assez cher”, mais je pense que j'ai été juste. Ce n’est que mon premier vernissage, faut pas non plus que j’y aille trop fort. » Là, c’est à son tour d’être surpris. « Ah bon ? Je croyais que le but du jeu, c’était d’être celui avec les plus fortes prétentions, les plus grosses demandes et par conséquent, les plus gros cachets, vu que forcément, buzzfeed en fera un article qui attirera d’autres investisseurs et tout le tatouin. » Oui, il faut avouer que sa vision du métier est également très influencé parce qu’il en a appris dans how i met your mother, soi qu’un truc qui est pas cher peut se vendre cher deux ans plus tard. Il serait peut-être temps de commencer à jouer en bourse. « Vous avez aimé votre soirée ? » Qu’elle finit par demander, titillant le libre arbitre de Tad à l’occasion, ne sachant pas s’il doit lui faire plaisir en lui disant que oui, ou en étant honnête qu’il ne s’est jamais senti autant pas à sa place. « C’était correct. » Qu’il répond, comme d’un entre-deux afin de ne pas trop se mouiller. « Je suis désolée de ne pas avoir pu être plus avec vous deux … ça prend du temps, être une grande personne. » C’est son sourire qui s’élargit parce qu’il lui avait dit de ne pas se soucier d’eux, même s’il s’attendait à rien comprendre, il avait été hors de question qu’elle centre son attention sur eux, les enjeux sont bien trop important. « T’inquiètes Maman, le petit frère a été sage, je l’ai bien surveillé. » assure finalement Hassan, prenant l’air taquin sousun Tad qui prend la posture d’un gamin fier, jouant son rôle à fond avant d’ajouter « J’ai même pas vidé la coupelle de bonbon dans ma poche quand je suis passé aux toilettes. J’y ai pensé, mais je ne l’ai pas fait. » Et il le souligne parce que c’est typiquement le genre de comportement qu’il adopterait en faisant fi de ce que les gens en dirait mais étant donné que son comportement peut être préjudiciable pour Ginny, il se tient à carreaux. « Ça vous va bien d’ailleurs, le look sérieux. » Et ce serait probablement l’unique occasion dans laquelle elle le verrait affublé de la sorte. Tad avait acheté son costume pour sa remise de diplôme et ne l’avait plus remis depuis. Il avait été fier de constater qu’après quelques années dans le placard, il rentrait toujours correctement dedans. Une pensée qui le pousse à continuer sa gavage de petit four. « C’est qu’on avait la pression, aussi, on ne voulait pas te faire honte devant les adultes. » précise Hassan, alors que Tad reprend derrière. « On a aussi parié sur celui de nous deux qui ferait le plus classe et qui tiendrait plus longtemps sans desserrer la cravate. Je compte bien l’avoir à l’usure. » dit-il en toisant Hassan qui semblait, bien qu’il prétendrait le contraire, s’acclimater beaucoup mieux que lui de se truc qui serre la gorge tout en servant strictement à rien. « Et puis faut croire que ce pantalon met le postérieur de Cooper en valeur, vu le nombre de fois où Dannie a louché dessus en passant. » rajoute Hassan, amenant un sourire de fierté de Tad, comme sil n’était qu’un Don Juan. « J’avoue que, mon plan B si tu vendais pas ce soir, c’était d’aller lui faire de l’œil pour qu’elle s’active à pousser un peu le gens à la vente. Il faut bien que ma stature de Dieu grec serve à quelqu’un. » Qu’il avoue en soupirant, sans préciser que si l’arrière reste encore à agréable à regarder, il y’a un bide à bière en formation qui ne va pas tarder à gâcher ses plans. « Et donc, maintenant … la prochaine étape, c’est quoi ? » rajoute Hassan, les laissant tout ouïe à ce que Ginny puisse répondre.
Ça faisait un bien fou de retrouver le calme d’avant la tempête, le silence bienvenu. Mes deux amis à mes côtés, les vestiges du vernissage qui affichent au mur mes premiers pas dans un univers pour lequel je ne m’aurais jamais cru prête, mais qui m’a finalement fait une place envers et contre tout. « Tu es vraiment irrécupérable. » « Comme si ça vous étonnait. » à savoir que j’aimais d’amour mes tableaux. J’imagine que c’est ce qui arrive lorsqu’on passe tant d’années à réprimer à l’intérieur cette envie de peindre, pour finir par reprendre là où on avait laissé l’amour de sa vie, l’art, lui redonner une chance. « Mais il était temps, que tu en sois fière. » à Hassan, à son ton doux, à sa patience, je renvoie un sourire empli de reconnaissance. Il avait aidé à vider les quelques boîtes accumulées entre Londres et Brisbane, celles portant les vestiges de l’atelier que j’avais à Marylebone et qui m’avait dicté un si horrible souvenir en tête. Puis, un jour, après avoir vu tout mon matos accumulé dans un coin, il était arrivé à la maison, me surprenant à peindre à nouveau, pour moi, pas pour personne d’autre, pas pour aucun workshop. Que pour moi. « C’est un long processus, semblerait-il, que d’arriver à se qualifier d’artiste, de vraie de vrai. » un chemin rempli d’étapes et de découvertes et de remises en question, et une évolution qui vivait encore dans les vestiges que Tad avait gardés, mes vieux doodles d’adolescente qu’il avait récupérés sans penser à en faire autre chose que les conserver. « Bien sûr, je ne jette rien. » et c’était là l’un des motifs qui faisait que je l’aimais autant. Pas aussi nostalgique que moi face aux objets et autres reliques, Cooper accumulait sans vraiment trier ce que moi, je chérissais sans jamais oser faire disparaître. Différents motifs, même résultat. « Ah bon ? Je croyais que le but du jeu, c’était d’être celui avec les plus fortes prétentions, les plus grosses demandes et par conséquent, les plus gros cachets, vu que forcément, buzzfeed en fera un article qui attirera d’autres investisseurs et tout le tatouin. » je dénote tout de suite le fait que mon ami pique, qu’il passe à travers sa remarque désabusée une critique directe du truc, de l’événement, du milieu. Et je ne suis pas surprise, encore moins inquiète : il sait que je ne suis pas ce genre-là, il sait aussi que je n’ai rien à envie, à vouloir me la jouer cool kids comme ceux qu’il décrit du bout de sa vanne un brin piquante. « Dans ce cas, faudra que je trouve un autre moyen pour apparaître sur buzzfeed. Peut-être pour souligner les maquillages de super-héros de folie que je nous ferai tous à Halloween prochain? » la célébrité ne m’intéressait absolument pas, la peinture n’était pas un moyen pour moi de devenir riche bien au contraire, et le passage de Jamie ce soir ne confirmait que cela. J’étais pas dans ce domaine pour l’argent ni pour la popularité. J’avais choisi d’en faire mon métier parce que c’était l’évidence. « T’inquiètes Maman, le petit frère a été sage, je l’ai bien surveillé. » à ma mine inquiète, à mes interrogations sur leur retour face à une soirée où je n’ai pas pu du tout être près d’eux, Hassan s’amuse à jouer les adultes responsables le temps d’un sourire, d’une moquerie. « Ça m’embêterait de devoir le priver de dessert, alors qu’il y a une pâtisserie encore ouverte juste dans l’angle. » malicieuse, j’hausse le sourcil, les canapés déjà tous envolés et l'affiche illuminée du commerce que je vois se refléter sur le sol de la galerie. « C’est qu’on avait la pression, aussi, on ne voulait pas te faire honte devant les adultes. » Hassan renchérit. « On a aussi parié sur celui de nous deux qui ferait le plus classe et qui tiendrait plus longtemps sans desserrer la cravate. Je compte bien l’avoir à l’usure. » et Tad complète. Devant leurs explications, je laisse échapper un nouveau rire, de plus en plus à l’aise, de plus en plus naturelle. La robe, le maquillage, l’endroit, les gens pompeux, tout ça, ça commence à me glisser doucement sur la peau, à quitter ma silhouette au profit de retrouver la bonne vieille Ginny plus zen en la présence du duo. « Oh, je voulais vous dire d’ailleurs. » un flash, un eurêka, une illumination, et je me redresse, tourne sur moi-même, preuve à l’appui. « Même pas de tâche, ni de déchirure! » à savoir à quel point ma maladresse avait sali dizaine de mes vêtements, c’était un accomplissement en soi que je leur démontrais là. Ma parade effectuée, et ma fierté encore sauve - même si je sais très bien que d’avoir célébré ce genre de trucs ne m’apportera que du risque jusqu’au coucher - j’écoute maintenant ce que les garçons ont à dire sur l’organisatrice de la soirée. « Et puis faut croire que ce pantalon met le postérieur de Cooper en valeur, vu le nombre de fois où Dannie a louché dessus en passant. » intéressant, surtout sachant que Dannie était en couple avec une femme depuis presque dix ans, et qu’entre elles, c’était l’amour fou. Je me garde tout de même de dévoiler ce détail, pour ne pas briser les rêves d’un pauvre Tad qui baigne dans un ego surdimensionné pour la peine. « J’avoue que, mon plan B si tu vendais pas ce soir, c’était d’aller lui faire de l’œil pour qu’elle s’active à pousser un peu le gens à la vente. Il faut bien que ma stature de Dieu grec serve à quelqu’un. » « Non, vrai?! » connaissant mon ton faussement surpris, et largement exagéré, ils verront tout de suite le pot-aux-roses, ce qui risque d’être marrant comme tout. « Et donc, maintenant … la prochaine étape, c’est quoi ? » oula. On ne pouvait pas rester à blaguer sur le potentiel charme de Tad, et de comment Hassan jouait les pimps sans même s’en rendre compte? Non? « Ne pas oublier de fermer les lumières, en partant du fond de la galerie jusqu’à l’entrée. Et verrouiller l'antichambre. » toujours la réplique bien placée pour éviter de creuser trop loin, d’assumer trop vite. Mais face à eux, je ne peux pas juste m’esquiver aussi facilement. Ils demandent une suite sans rien dire, leurs regards s’en occupent tous seuls. « Dannie m’a proposé quelques autres projets, il y a une photographe aussi qui était là ce soir qui veut discuter d’une possible collaboration. » jouant nerveusement avec le plateau qui traîne à portée, je narre le résumé de l'activité passée de mon côté de la salle, les mettant au courant de tous les éléments auxquels je devrai faire face prochainement. « J’arrive pas à me sentir complètement à l’aise non plus, vu mes études qui n’ont jamais été complétées à l’Académie, et je... » et ça, c’est un gros morceau, un immense blocage. On y reviendra. « … je pense que j’ai dit oui à un autre vernissage à South Port aussi. Le dernier week-end d’août. Je suis pas certaine, c’était soit ça, soit oui pour sacrifier Noah au plus offrant. » malgré l’importance des propos, je trouve tout de même la force de rigoler un peu, de faire dans l’humour, de désamorcer mon coeur qui palpite de voir que justement, suite il y a. « Je veux pas être l’amie trop demandante mais... » toujours en suspens, j’attends d’avoir leur attention à tous les deux avant de poursuivre. « … si Noah n’est pas signé au prochain encan de la ville et que j’ai bien dit oui à un autre truc du genre, ça serait cool que vous veniez avec moi. On pourrait se la jouer façon roadtrip, arrêter dans des restos cools, se trouver un endroit bien où dormir. S’en faire un voyage, des vacances. » bien sûr, que je doute de leur présence. Pas de leur bonne foi, au contraire. Mais je ne forcerai jamais Tad à être dans un élément qui le répugne, et Hassan à gruger ses congés si dûment gagnés pour jouer à l’escorte. De ce fait, je les dédouane de suite. « Vous avoir eu dans le coin ce soir, ça m’a aidé à pas trop flipper. Mais je serais capable de gérer comme une grande pour le prochain, je pense. Du coup c’est vraiment que si vous avez envie. »
Ginny n’avait pas vraiment eu besoin de le dire pour que tous sachent pertinemment qu’elle n’avait pas entrepris toute cette histoire pour des questions d’argent. Pour autant qu’elle agisse de manière désintéressée ne voulait pas dire qu’elle ne pouvait pas prendre pleinement le crédit de ce qu’elle avait produit ; Ses tableaux représentaient des heures et des heures de travail, et chaque travail méritait salaire. Et pendant qu’elle tentait de mettre sur pieds cette nouvelle occupation d’adulte dans laquelle elle avait décidé de se lancer à corps perdu, Tad et Hassan avaient fait leur possible pour ne pas faire trop tâche dans le paysage, pour rester à proximité si besoin de soutien il y avait de la part de Ginny mais tout en lui laissant l’espace nécessaire pour s’épanouir dans ses attentes. Ils avaient tenté d’être sages, en somme. « Ça m’embêterait de devoir le priver de dessert, alors qu’il y a une pâtisserie encore ouverte juste dans l’angle. » Et voilà comment prouver que l’on savait motiver ses troupes, Hassan enfournant pour la peine son dernier petit four d’une seule bouchée. « On a aussi parié sur celui de nous deux qui ferait le plus classe et qui tiendrait plus longtemps sans desserrer la cravate. Je compte bien l’avoir à l’usure. » Souriant d’un air narquois, il avait pris le temps d’avaler ce qu’il avait dans la bouche avant de secouer la tête et prendre un ton résigné « Tu fais pas le poids, Cooper. J’ai eu des heures et des heures de galas pour Amnesty pour me faire la main. » Mais dieu bénissait la climatisation de la galerie d’art, leur permettant à l’un et à l’autre de tenir leur pari de manière à peu près supportable. « Oh, je voulais vous dire d’ailleurs. » que s’était alors exclamée Ginny avant de les gratifier d’un tour sur elle-même « Même pas de tâche, ni de déchirure ! » Jouant le jeu en répondant par un sifflement admiratif, Hassan n’avait malgré tout pas pu résister à l’envie de faire remarquer, l’air de rien « Mais c’est toi qui a mentionné la pâtisserie du coin de la rue … je continuerais à toucher du bois, si j’étais toi. » Sans doute trop heureux à l’idée que son postérieur ait été le centre de l’attention de quelqu’un au cours de la soirée, Tad paradait lui comme un coq de basse-cour « J’avoue que, mon plan B si tu vendais pas ce soir, c’était d’aller lui faire de l’œil pour qu’elle s’active à pousser un peu le gens à la vente. Il faut bien que ma stature de Dieu grec serve à quelqu’un. » et avait récolté de Ginny un « Non, vrai ?! » tandis qu'elle s’esclaffait, donnant l’impression de relâcher à chaque éclat de rire un peu plus de la pression accumulée sur ses épaules les jours et les semaines qui avaient précédé cette soirée.
Reste que pour elle il ne s’agissait que d’une première étape, du moins c’était ce que tout laissait transparaitre, avec en filigrane l’impression qu’elle donnait de ne pas vouloir s’arrêter en si bon chemin maintenant qu’elle avait pu voir par elle-même que cette soirée n’avait pas été l’échec cuisant que son cerveau angoissé lui avait sans doute vendu, dans ses heures d’angoisse les plus intenses. À savoir ce qui était prévu ensuite, la jeune femme avait amorcé un « Ne pas oublier de fermer les lumières, en partant du fond de la galerie jusqu’à l’entrée. Et verrouiller l'antichambre. » de fausse légèreté, dont le silence des deux hommes ne s’était pas contenté la poussant à ajouter, plus sérieuse « Dannie m’a proposé quelques autres projets, il y a une photographe aussi qui était là ce soir qui veut discuter d’une possible collaboration. » Une bonne nouvelle, à priori, mais mise en demi-teinte par le ton inquiet avec lequel elle avait repris « J’arrive pas à me sentir complètement à l’aise non plus, vu mes études qui n’ont jamais été complétées à l’Académie, et je ... je pense que j’ai dit oui à un autre vernissage à South Port aussi. Le dernier week-end d’août. Je suis pas certaine, c’était soit ça, soit oui pour sacrifier Noah au plus offrant. » Laissant échapper un léger rire, un peu aux dépends de ce pauvre Noah qui serait mieux à ne jamais apprendre que sur un malentendu sa mère l’aurait bien vendu contre quelques pinceaux de qualité supérieure, Hassan avait questionné de manière on ne peut plus rhétorique « Tad, t’as entendu quelqu’un se plaindre d’à quel point il était scandaleux que l’artiste qui expose ici n’ait même pas un diplôme pour le justifier ? » Bien sûr que non, Tad n’aurait rien entendu de tel, parce que personne n’avait eu l’audace ou le mauvais goût de faire un tel sous-entendu. « Et promis, si quelqu’un essaye de venir s’approprier Noah on t’aidera à organiser votre fuite vers un pays lointain. » Sourire bienveillant à l’appui, Hassan avait croisé les bras d’un air décidé, là où de nouveau hésitante Ginny semblait danser d’un pied sur l’autre avant de se décider à reprendre « Je veux pas être l’amie trop demandante mais ... si Noah n’est pas signé au prochain encan de la ville et que j’ai bien dit oui à un autre truc du genre, ça serait cool que vous veniez avec moi. On pourrait se la jouer façon roadtrip, arrêter dans des restos cools, se trouver un endroit bien où dormir. S’en faire un voyage, des vacances. » Et à peine la proposition faite, la voilà déjà qui nuançait, donnait une porte de sortie avec l’impression d’en demander trop, ou encore plus incongru de ne pas mériter « Vous avoir eu dans le coin ce soir, ça m’a aidé à pas trop flipper. Mais je serais capable de gérer comme une grande pour le prochain, je pense. Du coup c’est vraiment que si vous avez envie. » Tournant vers Tad un regard narquois, le professeur avait fait remarquer, amusé « C’est pas comme ça que je vais te prouver que les profs ne sont pas toujours en vacances, uh ? » Stéréotype qui avait la vie dure, mais qu’Hassan contournait plus ou moins en ayant désormais un second boulot à côté. « Mais moi si on me vend du resto et de la vue sur la mer, je suis toujours pour. Sauf si le futur Jaafari choisit ce week-end là pour pointer le bout de son nez, mais ça sera probablement avant. » Et si Olivia l’entendait sans doute menacerait-elle de lui jeter des tomates pour avoir osé sous-entendre qu’elle en aurait pour plus de temps que prévu à ne plus lasser ses chaussures ou voir les marches des escaliers. « T’es prêt à donner un second round au challenge de la cravate ? » qu’il avait finalement questionné Tad en papillonnant des yeux.
Du moment où Hassan avait posé la fameuse question quant à ses ambitions. Tad avait eu l’impression que Ginny aurait cherché toute porte environnante pour se défiler si elle avait pu. L’avenir fait peur, certes. Mais pour autant, elle en a été privée pendant tellement longtemps qu’il semble naturel pour les deux garçons qu’elle ait encore d’autres projets derrière celui de ce premier vernissage. Maintenant que la machine est lancée, il ne reste qu’à savoir vers où elle se dirige. Cependant, il semblerait à la façon dont l’expression de son visage change que tout n’est pas encore gravé dans le marbre. « Ne pas oublier de fermer les lumières, en partant du fond de la galerie jusqu’à l’entrée. Et verrouiller l'antichambre. » Elle tente l’humour, ce qui ne fonctionne pas vraiment dans la mesure où ils sont tous les deux assez sérieux et qu’ils ont véritablement envie de savoir quelle suite elle imagine à ses activités. « Dannie m’a proposé quelques autres projets, il y a une photographe aussi qui était là ce soir qui veut discuter d’une possible collaboration. » Il parait perplexe, ce qu’elle annonce semble être une bonne nouvelle et pourtant, elle n’a pas l’air de se réjouir plus que ça. Il ne comprend même pas qu’elle ne soit pas déjà accourue leur annoncer la nouvelle. L’explication ne tarde pas à venir, ce qui va lui éviter de cogiter trop longtemps. « J’arrive pas à me sentir complètement à l’aise non plus, vu mes études qui n’ont jamais été complétées à l’Académie, et je... » Il hausse un sourcil. Etonné que ce soit l’absence d’un bout de papier qui semble la perturber autant. Ce qu’il comprend plutôt, c’est que les choses vont peut-être plus vite qu’elle ne s’y attendait. « … je pense que j’ai dit oui à un autre vernissage à South Port aussi. Le dernier week-end d’août. Je suis pas certaine, c’était soit ça, soit oui pour sacrifier Noah au plus offrant. » Il se contente de l’observer avec un sourire au coin, posant sa main sur sa tête pour lui mettre les cheveux en l’air, une façon à lui de la faire redescendre de ses inquiétudes, que certaines choses changent et que y’a pas à paniquer. « Tad, t’as entendu quelqu’un se plaindre d’à quel point il était scandaleux que l’artiste qui expose ici n’ait même pas un diplôme pour le justifier ? » demande soudainement Hassan, allégeant la situation, revenant à cet humour qui semble leur coller à la peau. « Non, c’est trop conformiste pour les gens du coin. » Il croise les bras, répondant d’une façon presque dédaigneuse dénonçant une attitude risible dont il a été témoin pendant la soirée. « Et promis, si quelqu’un essaye de venir s’approprier Noah on t’aidera à organiser votre fuite vers un pays lointain. » assure Hassan, avant que Tad ajoute avec beaucoup d’autodérision. « Ouais, parait que y’a de la place à Londres. » Parce que la vanne était trop facile. Néanmoins, il lâche un « Too soon ? » des fois que la blague ne tâche le rire de Ginny de jaune.
« Je veux pas être l’amie trop demandante mais... » Visiblement, la blague ne semble pas l’avoir éreintée. Les quatre oreilles sont ouvertes. « … si Noah n’est pas signé au prochain encan de la ville et que j’ai bien dit oui à un autre truc du genre, ça serait cool que vous veniez avec moi. On pourrait se la jouer façon roadtrip, arrêter dans des restos cools, se trouver un endroit bien où dormir. S’en faire un voyage, des vacances. » Bon, c’est là où il se dit/espère qu’à South Port, les gens sont beaucoup moins embourgeoisé que par ici parce qu’il ne se sent pas trop l’énergie de supporter encore des hipsters. Si la partie road trip vend du rêve, il doit admettre que c’est vraiment pas son genre ces petites sauteries là. « Vous avoir eu dans le coin ce soir, ça m’a aidé à pas trop flipper. Mais je serais capable de gérer comme une grande pour le prochain, je pense. Du coup c’est vraiment que si vous avez envie. » Et évidemment, dis comme ça, ça le prend un peu aux tripes et que bien sûr qu’il serait capable de mettre de côté sa propre zone de confort pour la soutenir comme il le faut. Et bon, Hassan semble partant. Peut-être que sa sagesse les aidera à se tenir mieux en société. « C’est pas comme ça que je vais te prouver que les profs ne sont pas toujours en vacances, uh ? » « Nope. » répond Tad, du tac au tac, parce que vanner les profs, ‘est une obligation morale. « Mais moi si on me vend du resto et de la vue sur la mer, je suis toujours pour. Sauf si le futur Jaafari choisit ce week-end là pour pointer le bout de son nez, mais ça sera probablement avant. » Présenté comme ça, il aurait presque l’air rabat joie à refuser et bon, Hassan l’a bien souligné, il y’a des restaurants à prévoir et la perspective de s’en mettre plein la panse ne le laisse pas de marbre. « Ah ? Tu t’es laissé convaincre que ce serait un petit ? » Qu’il demande, interrompant la conversation après avoir relevé le pronom utilisé par son ami. Tout comme lui, il était pour que sa belle-sœur ait une deuxième petite fille. « T’es prêt à donner un second round au challenge de la cravate ? » A savoir s’il est d’accord, oui ou non, pour ce second road trip. Il passe sa main sur sa nuque, pesant rapidement le pour et le contre en concluant que s’il a pu se tenir à carreau ce soir, il pourra le refaire. « D’accord, mais je ne promets pas qu’elle sera autour de mon cou. » La cravate. Parce que, faut pas abuser non plus. « Mais, t’es sûre que tu veux pas prendre Noah avec nous ? Ce serait cool de lui faire voir la mer, la vraie. » Oui, puis le petit constitue une source de diversion non négligeable. Il faut bien l’admettre et quitte à presque partir en vacance, autant l’emmener.
À leur façon, les deux hommes entre lesquels j’alternais mes coups d’oeil attendris tenaient des places de choix dans ma vie, dans mon quotidien, dans tout ce que j’avais bien pu accomplir durant les derniers mois. Ils avaient été témoins de mes frasques, de mes doutes, de mes remontées lentes, mais constantes. Ils avaient été là pour m’aider à bâtir une nouvelle maison, un nouveau nid pour Noah et moi, pour nous aider à repartir à neuf, à avoir de bonnes, de meilleures bases. Tad et Hassan avaient répondu présents à chacune de mes demandes, aucun doute possible, aucune remontrance ajoutée. Mes silences n’avaient pas suffit à ce qu’ils doutent, mes malaises les avaient fait rire au mieux. Et ce soir avait été l’apogée, alors qu’en plus de leur réserver une poignée d’heures dans l’un des coins les plus pompeux de la ville, ils avaient dû se plier à un manège d’un quotidien, d’un public, d’un univers dans lequel moi-même je faisais mes premiers pas. Et malgré tout ça, ils souriaient. Ils blaguaient, ils se vannaient, ils étaient là, et ils ne bougeaient pas. « Tad, t’as entendu quelqu’un se plaindre d’à quel point il était scandaleux que l’artiste qui expose ici n’ait même pas un diplôme pour le justifier ? » « Non, c’est trop conformiste pour les gens du coin. » à leurs pointes de moquerie devant mes excuses, et toute ribambelle récurrente de craintes face à mon absence de diplôme, je me retrouve à rire plus qu’il ne faut, et à lâcher à travers suffisamment du stress accumulé pour respirer un brin plus facilement. « Ou alors ils ont tout étalé dans le guestbook et va falloir les stalker un à un sur Facebook question de leur envoyer des memes insultants en revanche. » ça en serait presque un rendez-vous hebdomadaire s’ils le voulaient, et le ton est tout aussi blagueur que doucement allégé, lâcher prise comme je peux. À la question qui provoque un frisson, que je tente d’esquiver d’une bien molle distraction, n’en reste qu’elle est mystérieuse pour moi, la suite. Qu’elle est effrayante, qu’elle est incertaine, et que je me sens beaucoup plus dans mon élément à ridiculiser la chose qu’à la prendre au sérieux. Il me faudrait dormir là-dessus, il me faudrait peser le pour et le contre, tourner la réflexion dans tous les sens possibles et inimaginables, pour finalement suivre mon instinct, ce qu’il me disait depuis le début. « Et promis, si quelqu’un essaye de venir s’approprier Noah on t’aidera à organiser votre fuite vers un pays lointain. » un coup d’oeil partagé avec Hassan me rassure, sachant que malgré mon passif, il serait là, ils seront là tous les deux. Always and forever. « Ouais, parait que y’a de la place à Londres. » Tad qui rebondit aussi fidèle à lui-même que ce à quoi je me serais attendu. Et bien sûr que j’y ai pensé - à l’Angleterre. « Too soon ? » je roule des yeux, heurte son épaule de la mienne, et rigole surtout. « Juste d’avoir dit le mot en L, ils ont déjà acheté le billet aller simple et re-décoré sa pouponnière. » parce que c’est derrière moi, c’est un autre chapitre, presque une vie entière loin et oubliée, enterrée, rangée si creux dans mon esprit qu’il m’apparaît ne plus du tout être la même personne, celle qui regardait l’île qui m’avait vue naître disparaître à travers les nuages, y’a 8 ans et des poussières.
Le prochain vernissage donc? Reprenant contenance, j’explique le plan, je m’attends à tout, je les dédouane du mieux que je peux. « C’est pas comme ça que je vais te prouver que les profs ne sont pas toujours en vacances, uh ? » « Nope. » mais c’était avant d’assister à leur complicité légendaire, et d’en faire le bienheureux dommage collatéral. « Mais moi si on me vend du resto et de la vue sur la mer, je suis toujours pour. Sauf si le futur Jaafari choisit ce week-end là pour pointer le bout de son nez, mais ça sera probablement avant. » Hassan situe bien des éléments importants, et si je m’attarde au fait qu’encore une fois, il se montre plus disponible pour ma petite personne que bien des gens au courant de ma vie, c’est un autre sujet qui semble faire tilter Tad. « Ah ? Tu t’es laissé convaincre que ce serait un petit ? » m’alliant à mon meilleur ami, j’hausse même le sourcil, maligne, renchérissant la bouche en coeur et la voix qui chante. « Faut me dire si tu as cédé sur le pari, que je garde des vêtements de naissance de Noah pour lui. » l’intention est bonne toutefois, presque honorable. Si on oublie le fait que Tad et moi pouffons dans nos joues gonflées d’hilarité générale et immature. Pourtant, c’est à mon tour de subir les foudres de leur fausse indécision et, bras croisés, j’assiste à la fin de leur plaidoyer l’oeil rieur. « T’es prêt à donner un second round au challenge de la cravate ? » et non, je n’insisterai pas une nouvelle fois pour leur dire à quel point jouer aux adultes sérieux leur allait bien. « D’accord, mais je ne promets pas qu’elle sera autour de mon cou. » « Sinon, le noeud pap’ a la cote chez les hipsters. » sur le même ton qu’aura usé Coop pendant toute la soirée, je conclus avec intérêt. « Mais, t’es sûre que tu veux pas prendre Noah avec nous ? Ce serait cool de lui faire voir la mer, la vraie. » et il ne perd pas le Nord, le parrain. Fallait dire qu’entre mon fils et le duo d’hommes qui ponctuaient nos journées ces derniers temps, y’avait une chimie, y'avait une amitié solide. Y’avait une relation qui me gardait émotive de la voir prendre son envol. Jusqu’à ce que l’un ou l’autre se moque d'être si attendrie par un aussi petit détail qu'un gamin vivre des trucs aussi normaux que n’importe quel enfant. « Si vous n’aviez pas suivi à Southport, je vous l’aurais laissé ici en garde partagée. Il risquerait trop de s’ennuyer pendant tout un week-end à observer des toiles et à jouer le même disque de politesse. » aka ce qu’ils ont fait eux-mêmes pendant une soirée entière pour mes beaux yeux et mes aspirations créatives. « Mais si vous venez, ça change la donne. » mon sourire trahit le fait que j’aurai une petite tête blonde hyperactive ce soir à la maison lorsqu’il réalisera le plan de match - et le roadtrip qui viendra avec. « Peut-être même que d’ici quelques années, ce sera ça notre vie. » initiant le pas, je passe derrière eux pour fermer les lumières un peu plus loin dans la salle, ramassant mon sac à travers. « Avec ma fortune d’artiste de renommée internationale, je vous paierai des salaires pour dénicher les meilleures pizzas et pour distraire mon héritier comme il se doit. » tout dans ma voix est sarcastique et cynique au possible, tout pour se moquer, tout qui semble encore si irréel. Et pourtant. « J’ai la trouille. » ça, c’est vrai. C’est dit une fois la clé tournée, et la brise de la soirée fraîche qui nous caresse les joues maintenant que se retrouve sur le trottoir illuminé. « Mais en même temps, je pense que je suis plus heureuse que je l’ai été depuis vraiment longtemps. » étrange constat ; et je sais pertinemment que ni l’un ni l’autre ne jugera. S’ils comprendront, c'est autre chose, mais leur dire me fait le plus grand bien. « C’est peut-être aussi juste la flûte de champagne que j’ai bu qui parle à ma place. » parce qu’elles ont bon dos après tout, les bulles.