Les allers, les retours. Le couloir qui pue le stress, les urgences, les civières qui roulent, les pleurs en fond sonore, le bip incessant des machines qui comble le reste. C'est une chorégraphie étudiée qui me donne le tournis, alors que je creuse une tranchée au sol, à force de marcher d’un sens et de l’autre. De vouloir toquer sur le bois vernis, juste au cas où elle ait changé d’idée, de poser ma main sur la poignée de la porte comme tant d’autres fois avant rien que pour la tourner, pour les voir, pour leur parler, entendre sa voix, la retrouver envers et contre tous, m’assurer qu’elle s’en sort, qu’elle tient bon. Y’a un moment où je me pose, où j’en peux plus, mes jambes comme des fourmilières, et je me force à arrêter, à m’appuyer sur le mur de la diagonale, respirer profondément le temps que ça passe. Mais ça passe pas. Ça bloque, l’air a du mal à entrer, les pensées pullulent, le coeur se serre. Ginny m’avait coupé de sa vie, Ginny avait appris par les parents tout le stratagème derrière notre départ pour Londres, derrière les fausses accusations que j’avais levées sur Ezra, et sa réaction qui avait été toute autre que celle relatée à l'époque quand je lui avais dit de laisser ma soeur tranquille. C’était maintenant silence radio. Et Noah qui luttait entre la vie et la mort plus encore qu’il ne l’avait jamais fait depuis l'annonce de sa maladie. Diagnostic de merde, stress constant et les médecins avaient cru bon le mettre sous coma artificiel le temps qu’il reprenne des forces, le temps qu’on s’achète un mois tout au plus, hypothéquer sa survie dans l'espoir d'un organe qui ne venait pas.
Je soupire, parce que je me fais chier. À être ici, à pas être près d’elle. À ruminer mes mauvaises décisions, mon envahissement, mes intentions honorables qui ont été balayées du revers de la main quand elle avait réalisé la supercherie et les mensonges dont elle avait fait la risée depuis presque de huit ans maintenant. La tête renvoyée par l’arrière, les rétines qui se brûlent à fixer le néon au-dessus comme une épée de Damocles, celui qui tique, celui qui flanche à toutes les cinq secondes ; parce que oui, à force, j’avais commencé à compter les intervalles. Qu’est-ce que je faisais encore ici, devant la 214? Qu’est-ce que j’espérais? Qu’elle sorte, que sa tête brune ébouriffée passe devant moi, m’ignore, me brise un peu plus le coeur? Qu’elle s’arrête à ma hauteur, m’écoute m’expliquer, oublie tout? Que Noah surgisse du fond de sa chambre en riant, son rire de gamin malicieux, de gamin joueur, avant de nous dévoiler le plus gros plot twist de la décennie, dire qu’il s’agit là d’une blague qu’il peaufine depuis des semaines? À d’autres.
Je jure, que je suis sur la pointe des pieds, que l'ascenseur dans l’angle me fait de l’oeil, et qu’une fraction de seconde trop tard, j’aurais mis les voiles. Mais, se passe maintenant sous mon regard aguerri ce que j’ai tant espéré, ce que j’ai tant souhaité, voulu au plus profond de mon âme. Un grincement fin, à peine audible, mais que j’aurais remarqué même à travers la plus bruyante des foules. Et ce n’est que lorsque je reconnais le visage de l’infirmier, d’Isaac, le type qui rôde avec bienveillance autour de ma famille depuis presque deux ans maintenant, que je réduis la distance entre nous avec empressement. Il referme la porte derrière lui, il sort de la chambre de Noah, Ginny est hors de portée, et j’ose. « Comment elle va? Comment ils vont? » ma voix le fera sûrement sursauter, et je ne pourrais pas m’en balancer plus dans l’instant. Mais, comme on m’a appris à être le moindrement civilisé, je renchéris. « J’m’excuse, j’devrais être plus poli, mais j’ai pas le goût de te mentir. » pas la peine de le brusquer non plus, si je souhaite qu’il crache le morceau, qu’il me donne mon fix, qu’il m’aide à passer à travers l’épreuve à distance en me filant quelques bribes d’information, peu importe ce à quoi j’ai droit, tant que ça les concerne. « On se parle plus depuis des semaines elle et moi ; et je veux pas lui imposer ma présence, surtout pas maintenant mais... » que je finis par expliquer, les mots qui s'envolent, la crainte qu'il me demande de détails, des explications, anticipant les questions. Il n’était pas aveugle, il m’avait déjà vu aux côtés de ma cadette. Il connaissait mon nom, ma place ici, il savait que d’ordinaire ce genre de supplications n’aurait pas eu lieu de frôler mes lèvres et pourtant, nous y voici. Doutant que Gin ait étalé ce volet de sa vie avec lui, j’y vais de maigres détails, suffisants pour justifier toutefois. « … mais voilà. Je suis là. » et penaud, et pitoyable, et pathétique. Les mains dans les poches, le regard qui le soutient, je fais preuve d’une patience légendaire, l’espoir qui fait vivre qu’ils disent. « Ça augure bien, ou mal? »
AVENGEDINCHAINS
Isaac Jensen
le coeur au bout des doigts
ÂGE : 34 ans (13.05.90) SURNOM : Isy STATUT : Penny est le soleil et l'amour de sa vie, l'évidence avec laquelle il écrit sa plus belle histoire et s'autorise à réaliser des rêves de bonheur (06.07.2021) MÉTIER : Infirmier au service des urgences, président de l'association Run for Judy, infirmier bénévole à la Croix Rouge et aux Flying Doctors, sapeur-pompier volontaire et surtout : papa comblé de Jude (13.09.2018), Maia (14.06.2022), Jack et Mila (01.08.2023) LOGEMENT : Penny et lui ont quitté Toowong en 2024 pour s'installer avec leurs enfants à Bayside et y créer leur cocon à l'image entière de leur amour POSTS : 28708 POINTS : 0
TW IN RP : dépression, anxiété, automutilation, idées suicidaires, tentative de suicide, mentions d'abandon d'enfant PETIT PLUS : Emménage à Brisbane en 2003 ∆ il exerce en qualité d'infirmier au st vincent's depuis 2006 puis est affecté aux urgences en 2013 ∆ une suite de blessures anéantit sa carrière de joueur de football australien en 2010 ∆ il attente à ses jours en mars 2018 et reprend le travail en septembre 2018 ∆ finaliste de ROA en 2020 ∆ il se soigne contre son anxio-dépression, après avoir longtemps refusé son diagnosticCODE COULEUR : Isy s'exprime en #9966ff ou slateblue RPs EN COURS :
« Chloe ? » Je referme la porte de mon domicile derrière moi et me déchausse. Mon regard balaye les pièces de l'étage inférieur, un coup d'oeil à la cuisine, un autre vers le salon. Un air interrogateur étire mes traits tandis que je range d'une impulsion de mon pied mes chaussures sur le tapis de l'entrée. Je fais le tour des pièces et finis par passer à l'étage supérieur. Ma petite amie a laissé quelques traces de sa présence dans la maison : la télévision est allumée, quelques commissions attendent sagement dans leur cabas d'être rangées dans les différents meubles de la cuisine. « Chloe, t'es là ? » Ça ne ressemble aucunement à la femme qui occupe mon cœur de quitter la maison avec des actions inachevées, à moins qu'une urgence ne l'ait sommée de quitter tout de suite la demeure. J'extirpe mon téléphone portable de la poche de mon pantalon et constate que je n'ai reçu aucun appel de sa part, ni message texte, cette hypothèse empruntant ainsi des airs d'improbables. Puis, je constate la porte de la salle de bain fermée. Je me fige quelques instants devant son bois, l'observation conduisant tristement au constat. Cette peine était devenue routinière, une sentence hebdomadaire qui lui détruisait le cœur et serrait inexorablement le mien. Je désirais tant que ce manège cesse, toutefois, mes paroles et mes gestes étaient emprisonnés dans le dérisoire contre la volonté de fer, teintant vers le besoin, de Chloe de devenir mère, et cette sensation d'échec qu'elle ressentait dès qu'un test de grossesse affichait un résultat catégoriquement négatif. Doucement, je toque à la porte. « Chloe, je peux entrer ? » Une poignée de silencieuses secondes me répliquent, une sombre crainte s'immisce en mon esprit. Finalement, je perçois du mouvement derrière la porte et la clenche se tourne, révélant un spectacle dont la misérable récurrence m'afflige. Son visage que je devinais inondé de ces larmes qu'elle a effacées à la va-vite, ce faux sourire si pâle qu'il en est poignant, le test de grossesse qui gît sur le carrelage, sombre témoin du rêve brisé. « Chloe... » Je l'attire au creux de mes bras dans une tendre étreinte consolatrice, désireux de lui dérober tout ce chagrin qui la persécute. Ma main glisse sur ses cheveux bruns bouclés et je dépose un baiser sur sa joue, la fraîcheur et l'humidité de celle-ci jurant contre mes lippes réconfortantes. Les secondes agonisent, défilent, je sens le tambour de son cœur martelant ma propre poitrine. Puis, les pleurs secouent ses épaules, contrôlent son frêle corps que je retiens contre le mien, couvant cet affligeant torrent de mon amour.
***
Quelques heures plus tard, le minois de Ginny McGrath semble faire cruellement écho à celui que me suis évertué à éclairer avant que Chloe ne quitte la maison pour retrouver sa sœur. J'inspire profondément alors que la mère se penche sur son bambin plongé dans un coma artificiel, priant la destinée de lui offrir une chance à l'existence, profitant de son moment d’inattention pour me permettre d'invoquer vaillance. L'air de la chambre emplit totalement mes poumons et je chasse le volet personnel de ma vie en vue de me concentrer sur le professionnel. Les minutes défilent pendant lesquelles je discute sur un ton posé, compréhensif, à l'écoute. J'essaie de chasser les doutes à défaut de pouvoir taire les malheurs ou déguiser l'évidence. Je tente d'apporter ces quelques onces de réconfort contre l'immense monstre dramatique occupant cette chambre depuis des semaines maintenant. Je ne promets rien, mes termes sont toujours sélectionnés avec grand soin, teintés de flou que je nomme alternatives et possibilités. Tant qu'il y a de la vie... Mais surtout, Un jour à la fois. L'Homme ignore quelle nouvelle peut tomber l'heure suivante, même si je me garde bien de faire naître un espoir que le futur ne comblera peut-être pas. Plutôt, je prends soin de cette famille éclopée par le désarroi, que ce soit en offrant une oreille attentive, un café chaud avec quelques biscuits permettant au corps maternel de ne pas sombrer, ou quelconque procédé me traversant l'esprit. Je ne manque jamais de ressources. Durant chaque minute de présence, je suis l'infirmier qui accompagne et épaule, la force silencieuse et paisible sur laquelle l'on peut se reposer et se déverser.
Lorsque je referme la porte de la chambre 214, une voix rauque me fait sursauter. Je fronce les sourcils puis reconnais rapidement Matt McGrath. Parfois, je me perds à faire des rapprochements entre le frère et la sœur, retrouvant inexorablement des manières, des manies, des traits similaires. Aujourd'hui, l'identique me heurtant est l'inquiétude. Ils possèdent tous deux sur la scène de cette tragédie des places bien distinctes, pourtant, leur palpitant me semble saigner au même rythme. Il m'interroge sur leur état, ses yeux trahissant son intense besoin de savoir, d'accompagner, de soulager, de guérir. Je hoche la tête en signe de dénégation lorsqu'il s'excuse, reconnait devoir être plus poli mais avoue ne pas savoir se prêter aux règles de bienséance lors de ces instants critiques. « No worries mate. » Il continue, m'expose la situation, le silence dont il souffre, la séparation imposée qu'il déplore, son respect pour que cette distance invoquée soit perpétuée. Je ne quitte pas son regard, attentif, indulgent. La partie personnelle de mon être souhaite le persuader d'entrer dans cette chambre et de soutenir sa cadette dans le cauchemar qu'elle subit. J'ignore les raisons de la rupture entre les deux britanniques, cependant, je suis convaincu que s'unir devant l'obscure adversité de l'existence ne peut être regrettable. J'ai même à de nombreuses reprises observés des familles qui renouent, des proches qui pardonnent, pour mieux accueillir le drame. Néanmoins, je suis un infirmier et mon avis personnel n'a aucunement lieu d'être. Alors que Matt me questionne sur la luminosité du futur, je retiens un rictus, je demeure impassible. J'inspire à nouveau et fais signe de la tête au trentenaire de m'accompagner dans un endroit plus calme, et surtout, éloigné de sa sœur et de son neveu. La vérité est que je ne désire pas divulguer quelconque information concernant le dossier médical de Noah, même si son oncle me quémande et nécessite de découvrir certains points, même si d'une certaine manière, ce serait bénéfique, car il pourrait se préparer au pire. Toutefois, il m'était impossible de prévoir la réaction de Matt face à la brutalité des circonstances, le chagrin pouvant métamorphoser la plus douce personne. « C'est un cas sérieux, » commentais-je. Phrase bateau qui pour nous, personnels paramédicaux, signifie que le patient est entre la vie et la mort. Pour la famille, il inspire généralement l'espoir, tout en prévenant délicatement la probabilité d'une chute aux enfers. « Ça leur ferait du bien, de la compagnie. Je sais que tu veux respecter le souhait de Ginny, mais peut-être qu'elle aimerait te voir, au fond ? Peut-être qu'elle a besoin de son frère ? » Et toi, t'as besoin d'elle, manifestement. T'as besoin d'eux, t'as besoin de savoir. Je suis incapable de concevoir que l'on en veuille tant à quelqu'un que l'on refuse son soutien dans ces cruciaux morceaux d'existence. J'ai également conscience que je dépasse le cadre professionnel en suggérant à Matt de confronter sa sœur et je regrette derechef, imperceptiblement, mes propos, sans les enlever toutefois. « On fait tout ce qui est en notre pouvoir pour que la situation s'améliore. » Justine et moi avions passé d'innombrables heures à solliciter l'impossible. Elle au téléphone, priant l'arrivée d'une greffe spécifique pour un bonhomme qui ne demandait qu'à vivre. Moi dans mes livres et sur l'ordinateur, à chercher des cas de patients similaires et des alternatives vers sa guérison. On ne manquait franchement pas de ressources et sacrifier nos vies personnelles pour cette mère et son fils était devenu une évidence. Le devoir de verser des larmes ou crier à l'injustice nous enlaçait solidement, et peut-être y succombons nous à l'abri des regards, puisque devant nos patients, nous nous l'interdisions. Démontrer une peine, même en l'espace d'une seconde, résultait d'une absence de prise en charge des besoins des patients et de leurs accompagnateurs, et ce n'était ni dans la nature de Justine, ni dans la mienne, de nous autoriser ce manque d'altruisme.
Je jure, que j’entends sa voix de l’autre côté de la porte. Je jure que c’est elle, qui dans un murmure, répond à une interrogation et une autre, un « Oui, j’ai mangé. Promis. » qui me rappelle toutes ces fois où ce genre de promesse ne comptait pas, tous ces moments où je lui demandais si elle avait bravé le stress que Londres lui infligeait pour une bouchée, au moins une. Je le sens même, le sourire mauvais qui glisse sur mes lèvres, de savoir qu’elle ment effrontément à quiconque la questionne, que ce ton avec lequel elle affirme est 100% forcé, 100% d’apparences et uniquement de ça. À l'entendre comme avant, j’aurais éclaté de rire, j’aurais hoché de la tête, passé mon bras autour de ses épaules frêles, l’aurait ramenée près de moi avant de lui forcer une pomme entre les mains, une poignée de bâtonnets de carottes comme autant de drapeaux blancs. Mais ma place n’est plus à ses côtés, à m’assurer qu’elle ne sombre pas, à surveiller ses moindres faits et gestes contre un bonheur et une santé qui lui glissent entre les doigts parce qu’elle n’a clairement pas le moral, ni le coeur à ça. Ginny ne va pas, Ginny ne dort pas, Ginny se laisse crever, et pendant ce temps-là, je fais l’idiot à sauter à la gorge du premier infirmier venu, je joue dangereusement en le bombardant d’attaques et de tout ce qui me passe par la tête, l’espoir de le secouer assez pour qu’il me donne le plus petit et infime détail sur l’état de mon neveu, et sur celui de ma prunelle. « Je sais. » réponse rhétorique à sa propre affirmation qui l’était tout autant. Bien sûr, que c’est un cas sérieux, bien sûr que le fait qu’ils aient foutu Noah en coma forcé n’augure rien de bon, ni deux années derrière à lui faire passer toute une batterie de tests au fil des jours, des semaines. Aucun donneur potentiel, aucune chance que je puisse aider de ce côté-là, ni Edward, ni Gin, ni même l’autre raté qui lui sert de père biologique. Pourtant, plutôt que de ravaler ma rage d’injustice et ma hargne d’impuissance, c’est un rire nerveux qui s’échappe de mes lèvres, qui rétorque, mesquin, tout sauf volontairement toutefois. Mais mes nerfs menacent de lâcher, mon front perle, mon souffle halète. « C’est bien mal la connaître de penser qu’elle a besoin de quelque chose d'autre que de Noah qui s'en sorte. » comme si attaquer Isaac arrangerait quoi que ce soit, comme si lui filer vicieusement ne serait-ce qu’un milligramme de la pression qui affaisse mes épaules sera correct, justifié, justifiable. Son silence, notre isolement, le calme qui nous entoure et dont il fait preuve m’aide à descendre de mon emportement, à respirer un peu mieux, du moins, j’essaie.
« Qu’est-ce qu’on pourrait faire de plus? » et je rebondis, sur ce qu’il a dit. Parce que je sers à rien, parce que dans sa phrase, c’est le “on” qui me fait mal, c’est le “on” qui me confirme une nouvelle fois que depuis un mois et des poussières, je suis plus à l’horaire, plus au programme, plus d’aucune utilité, importance. Les relents de trouble qui font leur chemin à travers mes veines, mon sang, mes forces, mes tempes. Et j’insiste, et je dérange, et je suis pas du tout à ma place, et j’ai pas le droit de faire ça, pas à lui, pas à eux, mais je m’en balance. « Y’a toujours quelque chose qu’on peut faire de plus. » remettre en question la moindre action posée par l’équipe entourant Noah ne fait pas de sens, n’est pas louable, absolument pas. Ils se tuent au travail, il se tue lui-même, et je le sais avec évidence. Du temps où ma présence au chevet du garçon était encore autorisée, du temps où je pouvais assister en direct aux efforts de Justine, d’Isaac, des docteurs, de tout le monde, jamais je n’avais douté de leur bonne volonté, de leurs connaissances. Mais le temps presse, et ils le savent autant que moi. Le temps presse et Noah ne sera pas toujours là et honnêtement, j’ignore ce qu’il adviendra de Ginny s’il part trop vite, trop tôt. Le simple fait de l’imaginer seule face à tout ça, et peut-être face à la perte de sa seule raison de vivre, son unique, son tout, son fils, me fait manquer un battement cardiaque au profit d’une crise d’angoisse.
L’instant d’après, je lève les yeux vers un Isaac beaucoup plus calme que je ne pourrai jamais l’être. Vers son visage qu’il veut impassible, mais tout de même bienveillant. Merde, comment il y arrivait? Comment il passait le plus clair de son temps en situation d’urgence sans perdre pied, sans jamais laisser paraître le moindre mal? Je me doutais qu’il prenait sur lui, je savais pertinemment qu’il faisait tout en son pouvoir pour ne pas laisser voir la moindre faille question d’être stoïque quand plus aucun patient ne peut l’être, mais tout de même, j’en reste sidéré. « Et tu m’as pas répondu. » je soupire, glisse mes mains dans mes poches, soutient son regard un peu plus, parce que la suite vaut tout l’or du monde pour moi, et que je ne lâcherai pas le morceau aussi facilement. « Comment elle va? » prêt à tout, mon coeur se brise déjà avant d'entendre la suite.
AVENGEDINCHAINS
Isaac Jensen
le coeur au bout des doigts
ÂGE : 34 ans (13.05.90) SURNOM : Isy STATUT : Penny est le soleil et l'amour de sa vie, l'évidence avec laquelle il écrit sa plus belle histoire et s'autorise à réaliser des rêves de bonheur (06.07.2021) MÉTIER : Infirmier au service des urgences, président de l'association Run for Judy, infirmier bénévole à la Croix Rouge et aux Flying Doctors, sapeur-pompier volontaire et surtout : papa comblé de Jude (13.09.2018), Maia (14.06.2022), Jack et Mila (01.08.2023) LOGEMENT : Penny et lui ont quitté Toowong en 2024 pour s'installer avec leurs enfants à Bayside et y créer leur cocon à l'image entière de leur amour POSTS : 28708 POINTS : 0
TW IN RP : dépression, anxiété, automutilation, idées suicidaires, tentative de suicide, mentions d'abandon d'enfant PETIT PLUS : Emménage à Brisbane en 2003 ∆ il exerce en qualité d'infirmier au st vincent's depuis 2006 puis est affecté aux urgences en 2013 ∆ une suite de blessures anéantit sa carrière de joueur de football australien en 2010 ∆ il attente à ses jours en mars 2018 et reprend le travail en septembre 2018 ∆ finaliste de ROA en 2020 ∆ il se soigne contre son anxio-dépression, après avoir longtemps refusé son diagnosticCODE COULEUR : Isy s'exprime en #9966ff ou slateblue RPs EN COURS :
L'énervement dont me témoigne Matt ne m'est pas étranger. J'ai depuis bon nombre d'années perdu le décompte des proches des patients dont la peine tétanisante, la colère toxique, le sentiment tumultueux d'injustice, les font insatiablement sortir de leurs gonds, les invitent à excommunier ces émotions si terribles en les recrachant tant bien que mal sur le personnel soignant ; des familles endeuillées m'accusant de n'avoir pas déployé les forces nécessaires en vue de sauver une âme condamnée ; des parents féroces, critiques et intolérants qui maltraitent sans cérémonie quelconque blouse blanche pour le moindre détail douteux et les tiennent responsable de chaque faille dans le système, chaque imprévu, chaque méandre de la destinée, comme si l'on dissimulait sous notre uniforme les pleins pouvoirs sur la vie et ses aléas. Cela fait des années que je n'encaisse plus ces médisances et les laisse couler sur ma personne pour ne jamais m'atteindre. Tout comme les insultes grossières que je réceptionne aux urgences des patients dont les facultés cognitives sont tristement atteintes. En cas de crise, l'humain se révèle cruel dans son ire, j'en ai entièrement conscience et le tolère au degré du verbal.
Les piques traversent les lippes du McGrath. Il rejette sans retenue mon invitation à renouer avec sa cadette, ce qui égoïstement me soulage parce que je n'aurais pas souhaité gérer une autre crise familiale en plus de subir le courroux de Justine m'affirmant que je me suis mêlé de ce qui me concernait uniquement. Plutôt, j'assure à mon interlocuteur que l'on met en oeuvre tous nos outils, use l'intégralité de nos connaissances, exploite l'exclusivité de nos répertoires, dans l'immodéré but d'améliorer la vie de ce garçonnet dont les années se comptent sur les doigts d'une seule main. « Y’a toujours quelque chose qu’on peut faire de plus. » Compréhensif plutôt que piqué, je soutiens le regard du trentenaire. Déni ou espérance, j'ignorais encore ce qui faisait vibrer ces termes. En désespoir de cause, il nous semble souvent possible de mouvoir des montagnes et les miracles paraissent plus réalisables. « A notre échelle, » prévins-je délicatement. Même si je n'ai pas dit mon dernier mot, même si je passerai à nouveau la soirée avec Justine à chercher d'autres remèdes ou un donneur compatible tout en m'assurant que Chloe tenait le coup à notre domicile, jamais je ne jouerai aux héros et engendrai un rôle qui n'était pas le mien. Je ne bafouerai pas des règles pouvant ricocher sur d'autres vies. Dans ce manège hospitalier, chaque âme dispose d'un rôle crucial qu'elle se doit d'honorer respectueusement et ce point, je le formulais à voix haute afin que Matt ne l'étouffe dans son impulsivité.
Les épaules de l'australien s'affaissent. Quelques secondes silencieuses viennent bercer ses angoisses tortionnaires. « Et tu m’as pas répondu. » Je pince imperceptiblement mes lèvres. Les informations, je les délivre soigneusement et à St Vincent's, je suis sans doute l'un des infirmiers les plus avares en termes de renseignements. « Comment elle va? » Mes yeux l'étudient quelques instants, mes mains s'enfoncent dans les poches de mon pantalon blanc et finalement, j'en extirpe quelques pièces de monnaie que j'enfonce dans la machine à café située derrière Matt. De toute évidence, bien que Ginny ne soit en aucun cas une patiente du centre hospitalier, je ne souhaite pas informer son aîné sur son état. Un premier café coule que je tends à ce frère, qui de toute manière, détient déjà la réponse à cette question à laquelle je ne pourrais que fabuler. « Tu connais ta sœur mieux que moi. Tu sais comment elle va. » Parce que devant nous, elle arbore un masque, elle joue aux faux-semblants. Je le sais, parce que tout le monde le fait, ici. La pédiatrie est un service théâtral, aucun individu au-delà de seize ans ne déroge au jeu du tout va bien. Devant ces petits êtres, la règle silencieuse sommant de ne jamais baisser les bras ni tomber règne. Je saisis le second café et me presse de boire une première gorgée, persuadé que les prochaines seront probablement ingurgitées froides et mon corps hurlant des prières sollicitant un apport d'énergie. Conscient de la détresse faisant bouillir le sang de mon interlocuteur, j'assure d'un ton à la fois rassurant et catégorique : « On fait attention à elle, okay ? On a conscience de devoir prendre soin de plus d'une personne dans cette chambre. » Je suis aussi l'aîné d'une fratrie et ne peux qu'imaginer ma réaction si l'une de mes sœurs devait affronter un fléau similaire. Une chose était sûre, j'aimerai entendre un soignant m'assurer garder un œil sur le patient et son accompagnant, ce dernier étant trop souvent délaissé par manque d'effectif, d'hardiesse ou de cœur.
Je retiens à peine le flot de paroles de piquer le long de ma langue, d’envoyer de l’acide dans la direction du brun qui n’a strictement rien demandé, mais qui m’a trouvé en toute malchance au détour d’un couloir. À l’intérieur, ça gruge, ça brûle, ça fait mal, c’est insupportable, et j’ai bien peur que rien ni personne n’aient les bons éléments et les bons mots pour calmer la rage qui se nourrit de mon inquiétude, qui la livre avec amertume à l’infirmier. « T’es pas censé être le dude qui rassure les gens, non? » et je fronce les sourcils quand il me confirme ce que je sais déjà, à savoir que Ginny ne va pas bien elle non plus. Si on nous faisait croire que le personnel était toujours hyper conciliant, confiant, solide, là, c’est un rire mauvais qui accompagne mes mots, qui m’empêche de trembler le temps d’une faible seconde, maintenant que tout ce qui me reste de forces passe sur des attaques non-fondées et de l’agressivité tout sauf méritée. Isaac a mal parlé, Isaac a été trop sincère, et même s’il m’entraîne à l’écart comme s’il anticipe ma crise, c’est pas dit que je resterai docile quand je sais que derrière la porte qui me répugne autant que me fascine ma soeur est en train de crever elle aussi à petit feu. Sous les belles paroles et sous les bonnes intentions se cachent aucunes actions concrètes, et c’est tout ce qu’il me faut pour vriller mes iris enragés dans ceux du jeune homme, attendre qu’il me renvoie la monnaie de ma pièce même si je mérite tout sauf ça, tout sauf qu’il m’accorde la moindre importance. « Faire attention, c’est pas suffisant. » je répète, j'insiste, j'ai à mal, comme s’il ne le savait pas. Le temps qu’il mette une pièce dans la machine, que l’installation gronde, qu’un gobelet bouillant se retrouve entre mes paumes, j’ai pléthores d’instants pour imaginer le pire, pour voir un avenir où Ginny laisse doucement s’envoler tout ce qu’elle a accumulé de barrières et de support durant les dernières années, où elle finira par céder sous la pression, sous la solitude, sous les attentions qui ne sont pas ciblées, pas suffisantes.
Mais, faut être constructif, là. Faut penser en mode solution, faut être concret, utile, vif d’esprit. Le sentiment d’urgence qui prend le relais une fois la première gorgée de café ingurgitée, je laisse une ride travailler mon front sous la réflexion à vitesse grand V. « Elle… elle est fragile. Elle le montre pas, mais elle est toujours à un fil de craquer. » à lui autant qu’à moi. Ginny c’était un roc devant les autres, les épaules toujours hautes, le visage impassible. Mais dans l’intimité, j’avais assisté à ses débandades, à ses doutes, à son ultime faiblesse, celle qu’elle avait gardée enfouie en elle jusqu’à ce qu’elle commette ce qui aurait pu être irréparable. Sans entrer dans les détails, c’est important pour moi de balayer aux yeux d’Isaac le bouclier de pacotille qu’elle a appris à se dresser comme une championne au fil des années, question d’éviter le pire. « Faut qu’elle mange. » puis, vient la to-do list, les lignes d’importance capitale les unes après les autres, comme si je lisais ma liste d’épicerie, comme si je lui faisais l’étendue d’une situation par points-clés. Pathétique, mais c’est tout ce qui me reste. « Faut qu’elle dorme, qu’elle sorte. Tu peux lui dire quand le jardin est libre, ça va la rassurer. » la langue me brûle et mes papilles se révoltent de l’eau infusée à l’amertume qui se trouve encore dans mon verre, mais je n’en fais pas fi, j’ai pas la force de jouer à la diva en plus du rôle que j'ai repris sans qu'on me l'ait donné, cédé, autorisé à nouveau. « Et ouais, elle mange pas quand elle est stressée. Faut qu'elle mange. Force un fruit ou j’sais pas, force un truc. » je m’en fiche de répéter, je m’en fiche qu’il sente que je le prenne pour un gamin, que j’ai pas confiance en sa définition de faire attention, whatever that means.
Le grand frère en moi est essoufflé, l’adulte se cherche, le mec, paumé, n’en peut plus. « J’suis ridicule. » que je finis par réaliser, de longues minutes de silence plus tard, comme un éclair de génie, comme un constat aussi difficile à avaler que la dernière lampée de café restante contre le carton détrempé que je jette à la poubelle dans l’angle. « J’ai pas à être là, j’ai pas à remettre en question ton boulot. » qu’il prenne ça comme des excuses ou non m’est bien égal, mais au moins, je lui aurai partagé ce qui me semble être un mea culpa décent face à la situation actuelle et à mon calme que j’ai perdu depuis ce qui me semble être encore plus long qu'une bonne décennie. « Juste… j’en peux plus de pas pouvoir les protéger. » et en travers de ma gorge, y’a ce dernier coup que je me donne à moi-même, ce revers salace et horrible et dégueulasse qui aurait facilement pu m’achever moi-même bien avant que Ginny cède malgré mes craintes et ma façon si innée de la sous-estimer en situation de crise. « De jamais avoir pu le faire. »
AVENGEDINCHAINS
Isaac Jensen
le coeur au bout des doigts
ÂGE : 34 ans (13.05.90) SURNOM : Isy STATUT : Penny est le soleil et l'amour de sa vie, l'évidence avec laquelle il écrit sa plus belle histoire et s'autorise à réaliser des rêves de bonheur (06.07.2021) MÉTIER : Infirmier au service des urgences, président de l'association Run for Judy, infirmier bénévole à la Croix Rouge et aux Flying Doctors, sapeur-pompier volontaire et surtout : papa comblé de Jude (13.09.2018), Maia (14.06.2022), Jack et Mila (01.08.2023) LOGEMENT : Penny et lui ont quitté Toowong en 2024 pour s'installer avec leurs enfants à Bayside et y créer leur cocon à l'image entière de leur amour POSTS : 28708 POINTS : 0
TW IN RP : dépression, anxiété, automutilation, idées suicidaires, tentative de suicide, mentions d'abandon d'enfant PETIT PLUS : Emménage à Brisbane en 2003 ∆ il exerce en qualité d'infirmier au st vincent's depuis 2006 puis est affecté aux urgences en 2013 ∆ une suite de blessures anéantit sa carrière de joueur de football australien en 2010 ∆ il attente à ses jours en mars 2018 et reprend le travail en septembre 2018 ∆ finaliste de ROA en 2020 ∆ il se soigne contre son anxio-dépression, après avoir longtemps refusé son diagnosticCODE COULEUR : Isy s'exprime en #9966ff ou slateblue RPs EN COURS :
« T’es pas censé être le dude qui rassure les gens, non? » Je retiens un sourire teinté de politesse et désolation, mon regard exposant toujours mon empathie, mes traits demeurant imperturbablement inchangés. Je n'ai jamais été expressif avec les accompagnants adultes des patients, en réalité, pour décrypter ce que j'estimais des circonstances, il fallait oser planter son regard dans le mien ; et cela, dans des situations poignantes, on détenait rarement la couardise de l'effectuer. Non, je ne suis pas censé être le dude qui rassure les gens, ai-je envie de lui répliquer. Ma tenue blanche ne s'apparente pas à une aube, je ne vends ni du rêve ni promotionne des miracles. Je rejette le pessimisme et prime les ondes positives, cependant, je ne m'aventure pas à fabuler. Quitte à froisser et déplaire, inquiéter et outrer, j'épouse la vérité constamment, sélectionnant précautionneusement mes termes : assez abstraits pour apporter une mauvaise nouvelle doucement, dotés de la justesse nécessaire à ne conduire aucune fausse interprétation.
Plutôt, je lui assure que l'on prend soin de sa cadette. Elle n'est pas la première mère isolée et brisée au chevet de sa chaire malade et fatalement, elle ne sera pas la dernière. J'ai conscience que Ginny est une femme exceptionnelle, unique, surtout aux yeux de son frère. Cependant, il n'en reste qu'elle est ultimement humaine et faillible. Ces deux caractéristiques, aucun de mes collègues ne les oublie. Je croise le regard courroucé de mon interlocuteur, la pression monte dangereusement en son être, je perçois son sang bouillir sauvagement dans ses veines, son cœur furibond marteler agressivement sa poitrine. J'esquisse sa peine, esquive ses foudres. Par un geste qui se définirait aisément comme un manque flagrant de respect, je glisse deux pièces de monnaie dans la machine à café derrière le trentenaire, usant de cet agissement pour briser ce lien d'ire direct qu'il me voue. Je glisse le premier gobelet dans ses mains et l'écoute patiemment me livrer ses inquiétudes. Si je pouvais facilement être vexé de l'ouïr me préciser comment prendre soin de quelqu'un, cette susceptibilité ne s'applique pas à moi. Je n'entends pas de possibles reproches ni un cru manque de confiance ; uniquement les dires d'un aîné alarmé forcé en quarantaine des proches originant son anxiété. Je hoche la tête en signe de dénégation alors qu'il reconnaît être arrogant de juger la qualité de mon travail, rejetant tout semblant de rancune ou de prise de tête. Puis, il certifie mon propre jugement : « Juste… j’en peux plus de pas pouvoir les protéger. »
Cette fois-ci, mon visage trahit des émotions. Mes lèvres, que je trempe derechef dans une dernière gorgée de café amer, se pincent. « Je lui montrerai le jardin et lui filerai les horaires stratégiques, » promis-je. Il est fort probable que la McGrath en ait connaissance, cependant, je dénicherai un procédé pour l'extirper hors de la chambre où combattait sans relâche son fils contre la Mort, en l'appâtant sans doute avec une forte dose de caféine et de sucre. « Il y a une infirmière sur ce sol qui est proche d'elle. Elle l'emmène souvent à un endroit dans le coin boire des milkshakes ou un truc du genre. » Je ne m'aventurais pas trop sur les détails, j'avais vite appris à ne pas me fier aveuglément au vocabulaire des femmes dans les scénarii sensibles. Souvent, un simple terme comme « milkshake » constitue un nom de code pour tout autre sémantique. Néanmoins, j'avais observé Ginny quitter l'hôpital avec Justine et quoi qu'elles fassent durant ces instants d'échappées à la réalité, l'artiste revenait toujours revigorée. « On veille à ce qu'elle mange et s’aère l'esprit, à ce qu'elle prenne soin d'elle. Elle sait qu'elle ne pourra plus s'occuper de Noah si elle tombe malade. » L'épée de Damoclès qui trône impérialement, effroyablement, au-dessus de la tête de la jeune mère et que l'on redoute tous s'effondrer un jour pour lui imposer une blessure fatale, incurable, inexorable. Un silence pieux s'impose entre nous, comme si nous étions tous deux épris par la vision du même désastre. Je chasse promptement ces éventualités pour risquer : « Y'a rien à faire pour que ça s'arrange entre vous ? » Je serais un piètre médiateur, mais j'étais prêt à œuvrer pour la réconciliation de deux membres d'une fratrie dont l'un tenait vraisemblablement à l'autre.
Il le sait clairement pas, il le verra probablement jamais, mais ça, ce petit détail, cette bribe de sa vie, ça me rassure. Et je me sens con, merde que je me déteste d’être autant intrusif, autant impliqué, autant alarmé. De pas être capable d'imaginer Ginny s’en sortir toute seule me cisaille, d’une de pas la considérer comme assez forte pour le faire, de deux de la considérer comme trop forte et donc, nécessitant tout sauf ma présence, plus aucun besoin pour anyways. « Ça, c’est clairement Gin. Elle a pas d’appétit, sauf quand y’a du dessert. » enserrant mes mains autour du gobelet de café bouillant, je me raccroche à ce qu’il me donne, à la conversation qu’il fait pudiquement, et aux éléments qu’il appose doucement pour m’aider à lâcher prise ; si seulement il savait. On tentait de me faire décrocher depuis des années, je me faisais violence depuis des semaines. Si elle m’avait demandé de sortir de sa vie, ses raisons je les niais au mieux, en sachant qu’en bout de ligne elle avait raison. Mais ça, ça me tuait de l’admettre. « Non. » Isaac peut pas rien faire, il peut pas rien dire, il peut même pas lui dévoiler qu’il m’a entraperçu ici. Mon ton est sec, catégorique, sans équivoque. Bien loin de la fausse pitié ou de la plaignardise forcée pour le convaincre d’insister alors que je céderai mollement après, je le ravise, inspire profondément. J’étais une cause de stress, j’étais le seul visuel, le seul point de raccord qu’elle avait avec 7 années qu’elle venait de perdre, et s’il pensait pouvoir recoller les morceaux, c’était bien naïf de sa part. Gin avait pas l’énergie de survivre face à moi, avait pas la force d’être présente pour Noah et d’arriver à me regarder en face, avait pas le temps à se consacrer à mes explications et à mes excuses quand son fils allait au plus mal. « Et encore moins en ce moment. J’devrais pas être là, si elle me voit, elle… oh, fuck. » m’interrompant direct, je file dans l’angle derrière les énièmes distributrices lorsque je vois la silhouette de ma soeur qui passe dans le couloir, traîne des pieds jusqu’à la salle de bain, la mine basse, les mains dans ses poches. Elle tire l’air de celle qui est perdue dans ses pensées, et je remercie le ciel qu’elle ait eu les yeux baissés sur le bout de ses baskets. Elle a pas pu me voir, comme j’ai pas pu la voir - et comme j'ai pas pu voir tout le monde qu’elle porte à bout de bras du haut de ses épaules frêles. Attendant qu’elle ressorte, je me cale encore plus dans ma cachette, surtout lorsqu’elle dérive à la hauteur de l’infirmier qui était secrètement occupé avec un autre McGrath la seconde suivante. Puis, penaud, et totalement assuré qu’elle n’est plus dans les parages ni même à distance, je sors de ma cachette le souffle à vif.
« C’est pas le bon timing. Ça lui grugerait le peu qu’il lui reste que je sois là. » j’émerge, et devant Isaac et dans mes pensées aussi. Ma voix est basse, pas du tout fier de mes frasques, me justifiant comme je le peux tout de même. « Lui dit pas, que je suis venu. » ça va de soit, mais ça me fait du bien de l’entendre, de m’assurer que j’ai bien confirmé, et que je n’aurai rien à craindre d’avoir laissé la possibilité en suspens. Autorisant un silence à se glisser comme un ange entre nous deux, j’en profite pour terminer mon café, pour gratter un peu d’énergie, pour surtout lui éviter de perdre du temps avec moi alors que je ne suis probablement pas le type le plus sympa à qui discuter, surtout en temps de crise. Tant de questions qui me brûlent encore les lèvres, tant d’interrogations auxquelles je n’aurai jamais de réponse de sa part malgré mon insistance. Pourtant, y’a une idée qui germe, et j’ai mal déjà, de savoir qu’il a toutes les raisons de refuser. « Juste, je sais que c’est un long shot, mais. » buvant d’un trait la caféine restante, je jette le gobelet avant de revenir aux côtés du brun, plonger ma main dans la poche de mon hoodie, en sortir mon portefeuille et ultimement une des cartes d’affaires du DBD que Deklan me forçait toujours à traîner au cas où je rencontre des gens importants parce que je suis le patron du coup c’est sûr que je rencontre des gens importants. Duh. « Tu penses que tu pourrais me dire, juste une fois de temps en temps? Comment ils vont. » et de suite, je lève la paume, je m’excuse d’un geste, j’affiche mes couleurs et mes bonnes intentions. « Pas besoin de détails. Simplement un check up. Ça peut être en emoji c’est con, mais c’est au moins ça. » j’ai compris, le secret professionnel. J’ai compris aussi que pour que Gin s’en sorte indemne, fallait que je laisse du leste. J’en ai déduit ce que j’ai pu, et la simple alternative que je lui propose, même si désuète et dépourvue du moindre repose-l’âme reste également ma seule et unique option pour dormir sur mes deux oreilles ; ou du moins, pour dormir tout court.
AVENGEDINCHAINS
Isaac Jensen
le coeur au bout des doigts
ÂGE : 34 ans (13.05.90) SURNOM : Isy STATUT : Penny est le soleil et l'amour de sa vie, l'évidence avec laquelle il écrit sa plus belle histoire et s'autorise à réaliser des rêves de bonheur (06.07.2021) MÉTIER : Infirmier au service des urgences, président de l'association Run for Judy, infirmier bénévole à la Croix Rouge et aux Flying Doctors, sapeur-pompier volontaire et surtout : papa comblé de Jude (13.09.2018), Maia (14.06.2022), Jack et Mila (01.08.2023) LOGEMENT : Penny et lui ont quitté Toowong en 2024 pour s'installer avec leurs enfants à Bayside et y créer leur cocon à l'image entière de leur amour POSTS : 28708 POINTS : 0
TW IN RP : dépression, anxiété, automutilation, idées suicidaires, tentative de suicide, mentions d'abandon d'enfant PETIT PLUS : Emménage à Brisbane en 2003 ∆ il exerce en qualité d'infirmier au st vincent's depuis 2006 puis est affecté aux urgences en 2013 ∆ une suite de blessures anéantit sa carrière de joueur de football australien en 2010 ∆ il attente à ses jours en mars 2018 et reprend le travail en septembre 2018 ∆ finaliste de ROA en 2020 ∆ il se soigne contre son anxio-dépression, après avoir longtemps refusé son diagnosticCODE COULEUR : Isy s'exprime en #9966ff ou slateblue RPs EN COURS :
Le désarroi de Matt finit par me happer, avoir raison de moi. Ses mots de trop, ceux qui clament son désir essentiel d'invoquer le bien-être de sa sœur, pouvoir la protéger, l'aider, même à distance. Ses termes, qui me propulsent irrémédiablement dans un monde parallèle où Ginny est ma sœur et Noah un neveu ; où à l'image de mon interlocuteur, je me sectionne de son monde en agonisant de le voir dépérir.
Alors, les nuances de mes impératifs s'épousent, s'étreignent. Je sélectionne méticuleusement les quelques bribes d'informations que je consens, la raison me maudissant, à fournir au gérant. Je me console en m'assurant que ce que je dévoile peut être découvert par quiconque croiserait la McGrath au restaurant ou serait témoin de nos interactions avec cette dernière. Un fin sourire étire mes lèvres lorsque l'aîné me confirme cet amour éperdu pour le sucre que détient sa cadette, sourire qui disparaît lorsque, catégorique, autoritaire, l'homme m'informe que cette relation fraternelle est condamnée. Je n'insiste pas, je n'esquisse même pas la moindre contradiction, la plus infime part d'espoir. Plutôt, je laisse Matt continuer ses explications puis se dissimuler dans le décor dès qu'il aperçoit la silhouette de celle qu'il fuit autant qu'elle occupe ses pensées.
Pendant ce manège de passe-passe et disparition, je glisse une nouvelle pièce dans la machine à café qui régurgite son liquide acerbe dans un gobelet recyclable. J'ignore prodigieusement combien de cafés ai-je pu avalé aujourd'hui. Tout ce que je sais, c'est que dès que j'ai l'opportunité de m'en servir un, je m'y atèle soigneusement. J'ai le temps de boire une gorgée, méritant un Oscar dans mon soudain rôle de figurant au sein de cette mascarade, puis laisse Matt revenir vers moi, une fois que Ginny eût retrouvé sa place au chevet de sa progéniture. Il argumente, justifie son absence auprès des membres de sa famille. L'espace d'un instant, j'ose me questionner sur l'éventualité que Matt tente de se convaincre qu'il emprunte le juste comportement. « Lui dit pas, que je suis venu. » Je cille. Ce n'était nullement mon intention, je ne m'évertuais pas à parler d'Autrui à quiconque, préférant me focaliser sur mon interlocuteur et des sujets lui étant bien propres. Il formule une requête, extirpe d'une poche ce qui me semble être une carte de visite. Je la saisis, reconnais promptement le Death before Decaf. Je feigne un intérêt à prendre connaissance des diverses informations inscrites sur la carte pendant que Matt titille de nouveau mon éthique. Il semble saisir mon état d'esprit puisque d'un geste de la même, il appelle à l'apologie. J'inspire profondément, l'australien continuant, espérant même l'apparition d'un vulgaire emoji sur l'écran de son téléphone portable en guise de nouvelle, de lien et d'appartenance au drame se déroulant quelques mètres plus loin et l'assénant indéniablement. Je m'imaginais mal m'appliquer à cette pratique, toutefois. Comment étais-je censé reproduire la gravité de la situation en emojis ? Comment pouvais-je le renseigner par vulgaires messages textes de l'état critique de son neveu et de sa sœur ? « Je passerai te voir, » répondis-je en compromis. Puisque les paroles n'ont de trace que sur le cœur, contrairement aux envois électroniques qui perdurent dans leur royaume binaire. Puisque je ne pouvais pas impacter les gens sans m'assurer que les dommages soient gérés. Puisqu'il y a des sujets que j'estime ne pas pouvoir être abordés via une machine, même quand implorés par les vœux les plus désespérées et conciliants. « Et ça restera entre nous. » Que je t'ai vu et que je compte te revoir. Que je te verrai au nom de ces McGrath qui s'aiment de manière proscrite. Mon intonation rejoint l'indiscutable et impose ce secret, ce serment, à honorer à deux. Nous avions ici tous les deux exigence à masquer nos échanges. S'il jugeait impératif que Ginny ignore ses gravitations autour de son cercle de vie précaire, je refusais pour ma part qu'elle me découvre complice de divulgations d'informations, bien que j'estimais Matt en droit de connaître les grandes lignes de cette tragédie vu l'attention inébranlable qu'il portait à la jeune mère. Je considérais le frère légitime à ces nouvelles, cependant, je reconnaissais ne pas être autorisé à en confier la majeure partie - seulement, en trichant salement, faussement et périlleusement, la partie de l'iceberg visible des badauds et regards fortuits. Je glisse le pense-bête, alourdi de ma parole comme de ma conscience malmenées, dans la poche de mon haut blanc, parmi stylos et papiers froissés, couvé sous l'étiquette indiquant mon identité et ma profession. « Tu as besoin d'autre chose ? » je demande, à la fois naturellement et habituellement, pris de sympathie pour le trentenaire et mouvé de ma volonté à aider autant que possible. Quitte à me faire rire au nez, demander l'impossible, agresser, ignorer, comme il l'est d'usage plus que de raison.
Je détestais ça. Je détestais devoir m’imposer, je détestais devoir le supplier. Je détestais pas savoir ce qui se trame derrière la porte où se cachait ma soeur et mon neveu, je détestais être impuissant et être inutile, être illogique et être insistant. Je détestais la situation presqu’autant que je me détestais moi-même, et entre les mains moites, les regards fuyants, les soupirs tendus et les rires malhabiles, malhonnêtes, il ne me restait rien. Plus une trace de famille, plus une trace de potes, plus une trace d’un moindre visage familier, sauf le sien. Et je sais bien, que je l’emmerde. Je sais bien qu’il fait l’effort de choisir ses mots, de prendre des pauses nécessaires, de ne pas en rajouter quand moi-même je perds pied. Je sais bien qu’il joue à celui qui est le plus correct, le plus professionnel, et que je viens simplement faire chier sa mise en scène, venir casser son masque immuable. Il me dira rien. Isaac me dira rien, ni sur Noah, ni sur Ginny, ni sur quoi que ce soit les concernant. Il n’a pas de temps à perdre avec nos querelles, il n’a pas d’affaire à s’y mettre le nez et il ne le fera pas, tout dans ses gestes me le suggère. Je suis allé trop loin, et je grogne, et je grommelle, et je rage, bouille. Y’a une boule de chaleur qui naît dans mon ventre, de celles acides, douloureuses, volcaniques. Ça me rappelle Londres et les cuites jusqu’à pas d’heures. Ça me rappelle les bars à écumer et les ruelles derrière pour aller vider la bille qui me reste en travers d’un énième verre de whisky à arrière-goût de culpabilité. Ça me rappelle Charlie et Edward qui s’alternaient l’un l’autre pour me ramener à la maison en un morceau, et les lendemains à cuver mon mal-être en espérant que mes cadettes n’y voient que du feu, et que ma déprime passe à travers les leurs. Petit, petit joueur. Dépité, mais incapable de puiser des forces supplémentaires pour me mettre à genoux, pour insister, pour me ridiculiser, c’est tout dit que j’hoche de la tête lorsqu’il parle, et que je m’étouffe dans mon élan la seconde d’après. « Je passerai te voir, et ça restera entre nous. » je jure, qu’une décharge électrique passe dans tout mon corps. Que j’ai mal au coeur autant qu’il manque un battement, insensible. Que je me retiens de m’écrouler, autant que mes pieds s’ancrent dans le sol, incapables de bouger d’un millimètre. « Merci. C’est tout ce que je voulais entendre. » dans un souffle, et je le manque. Isaac qui, d’une phrase, a calmé mon angoisse, réveillé mon inertie. À partir de maintenant, il peut bien m'avoir menti, au moins je me raccrocherai à l’espoir d’un jour voir son visage passer la porte du café. Qu’un jour, je saurai s’ils vont bien - ou pas. Mais surtout, que j'ai la possibilité, même infime, de savoir. « J’t’en demande déjà beaucoup. » à sa proposition d’aider sur d’autres fronts, je me retiens, je me garde, je proscris. Et, chassant les sueurs froides qui glissent le long de ma colonne d’avoir infligé à ma tête de connard et à ma culpabilité de salaud une nouvelle montagne russe, j’opte pour l’humour de merde, l’humour tout court, l’humour pour seule excuse. « T’aurais pas un rein en santé à donner, sinon? »
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À l’autre bout du fil, je reconnais la voix d’Isaac qui vient à peine de décrocher, à qui je ne me targue pas des salutations et autres banalités. Parce qu’on n’a pas le temps, parce qu’on doit faire vite, parce que la décision qu’on a prise est lourde en conséquence et surtout, parce que le compte à rebours est officiellement enclenché. « Il arrive à Perth demain. » le cousin et son grand coeur, le cousin et sa folie, le cousin et le cadeau d’une existence entière qu’il est prêt à faire passer de sa vie à celle de Noah. Tout s’est précipité, tout été calculé, réglé au quart de tour. Et maintenant, ne reste plus qu’à agir, qu’à espérer, qu’à prendre pour acquis les quelques résultats positifs - les seuls jusqu’à maintenant - qui suffiront à ce que Levi puisse donner un rein à Noah. Qu’il lui offre avec ça une deuxième chance. « Isaac, t’es sûr que tu veux faire ça? Y’a pas de mal à reculer, y’a pas de mal à douter, c’est naturel, c’est humain. » incapable de cerner son expression à travers le combiné, incapable de savoir si, comme moi, il doute. Si, comme moi, il croit qu’on est allés trop loin, qu’on avait pas le droit, que j’avais pas le droit de jouer dans le dos de ma soeur à nouveau. De lui cacher tout ça, de jouer des ficelles, de manipuler, marionnettes qui ont un vrai bon but, une vraie bonne intention, mais on a bien vu le mal que ça a fait précédemment. Et je le veux de tout mon coeur. Mais au final, ma voix se brise, mes sourcils se froncent, mon regard se perd sur mon reflet dans le miroir, et tout ce qui me reste, c’est Gin qui me chasse de sa vie, c’est Gin qui me dit ne plus vouloir de mon aide, c’est Gin à qui j’impose un choix, à nouveau, à qui j’ai pas été foutu de tenir ma promesse, et de lui laisser de l’air, et de ne plus me mêler de ce qui la regarde, et moi plus du tout.
« On fait la bonne chose, hen? De pas lui dire? » et si oui, pourquoi est-ce que j’ai si mal, et pourquoi est-ce que j’ai si peur?
AVENGEDINCHAINS
Isaac Jensen
le coeur au bout des doigts
ÂGE : 34 ans (13.05.90) SURNOM : Isy STATUT : Penny est le soleil et l'amour de sa vie, l'évidence avec laquelle il écrit sa plus belle histoire et s'autorise à réaliser des rêves de bonheur (06.07.2021) MÉTIER : Infirmier au service des urgences, président de l'association Run for Judy, infirmier bénévole à la Croix Rouge et aux Flying Doctors, sapeur-pompier volontaire et surtout : papa comblé de Jude (13.09.2018), Maia (14.06.2022), Jack et Mila (01.08.2023) LOGEMENT : Penny et lui ont quitté Toowong en 2024 pour s'installer avec leurs enfants à Bayside et y créer leur cocon à l'image entière de leur amour POSTS : 28708 POINTS : 0
TW IN RP : dépression, anxiété, automutilation, idées suicidaires, tentative de suicide, mentions d'abandon d'enfant PETIT PLUS : Emménage à Brisbane en 2003 ∆ il exerce en qualité d'infirmier au st vincent's depuis 2006 puis est affecté aux urgences en 2013 ∆ une suite de blessures anéantit sa carrière de joueur de football australien en 2010 ∆ il attente à ses jours en mars 2018 et reprend le travail en septembre 2018 ∆ finaliste de ROA en 2020 ∆ il se soigne contre son anxio-dépression, après avoir longtemps refusé son diagnosticCODE COULEUR : Isy s'exprime en #9966ff ou slateblue RPs EN COURS :
Sa détresse me heurte, son affection doublée de fraternité me happe. Violenté du mépris envers ma propre personne dont je m'accable déjà, je consens à dévoiler l'inavouable, à rompre mon devoir de soignant, à trahir toutes ces personnes qui me font confiance de part mon métier et comportement. Mon cœur se serre, je repousse brutalement le malaise, l'incertitude ; mes yeux se plantent dans celui du grand frère, scrute son visage à la recherche d'un masque. Matt se serait-il joué de moi ? Ai-je jugé le garçon correctement ? J'inspire profondément, me ravise de ne plus jouir réellement de la capacité de revenir en arrière, la carte de son café reposant dans la poche de mon habit d'infirmier telle une ancre au méfait, un dangereux sermon inviolable. Mon visage est impassible, il ne peut se fier qu'à la sémantique de ma promesse. Les sentiments, sensations, émotions, étouffées catégoriquement au fond de mon cœur, où bat encore un amour perdu, un espoir bafoué, des rêves annihilés. « J’t’en demande déjà beaucoup. » Je hoche de la tête à l'affirmative, le regard grave, le ton posé et n'autorisant aucun écart : « Tu m'as rien demandé et je ne t'ai rien dit. » Parce que le jeu commence déjà et les secrets sont scellés. Un silence plane pesamment. « T’aurais pas un rein en santé à donner, sinon? » Mes traits se déride vers un sourire en coin compatissant. Je tape son épaule amicalement et annonce : « A la prochaine, Matt. Prends soin de toi. »
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L'impression de réaliser un crime m'enlace de manière toxique. Dans une des allées fréquentées que par les patients fugitifs et les soignants étouffés par les sentiments ou la fumée de leur cigarette - outil populaire pour contrer ces écarts effarants - je perçois la voix du McGrath. Le manège s'est périlleusement accéléré, mon cœur semble en suspens, comme lorsqu'un se retrouve dans l'un de ces wagons des montagnes russes, surplombant un rail qui tombe drastiquement vers le sol avec ce qui nous semble être notre estomac et espérance de vie. « Il arrive à Perth demain. » Je ne réponds pas, les mains sur ce calepin malmené où je traîne mes mines d'informations. Des noms de médicaments, des abréviations, des formules, des pense-bêtes et dissimulés au sein de cette antisèche paramédicale, les codes vers la santé de Noah. « Isaac, t’es sûr que tu veux faire ça? Y’a pas de mal à reculer, y’a pas de mal à douter, c’est naturel, c’est humain. » Je suis désormais installé sur un carton où je soupçonne que le sans-abri que j'ai accueilli aux urgences quelques heures plus tôt s'est écroulé. « Oui, Matt. On recule pas. » Surtout pas maintenant. Pas maintenant que j'ai tout perdu et que le but pour quoi j'ai pris tant de risques est à quelques heures seulement. J'inspire profondément, mes coudes sur mes genoux. Je ressasse toutes ces pièces vers le délicat puzzle que nous avons dressé, signé des plumes McGrath et Jensen. Je songe à tous ces faux pas que j'ai effectués en dépit de mes croyances, de mes principes, de l'éthique. Méritais-je encore ma blouse blanche ? Je me sentais tel une fraude, un imposteur. Je me jugeais indigne de ma profession, de mes patients, de la confiance qu'on m'accorde alors que je m'efforce, le cœur au bout des doigts, de soigner et panser. Personne ne verrait l'ultime de mes actions qui est celle de rescaper un garçonnet. L'on accuserait essentiellement l'infirmier qui s'est pris pour plus fort que les médecins, plus grand que les règles, plus haut que ses engagements. « On fait la bonne chose, hen? De pas lui dire? » Je cille et articule, contenant cette panique et cette fureur que Matt se débine, que ce Levi que je ne connais ni d'Adam ni d’Ève oeuvre vers ma déchéance professionnelle. Puis-je être égoïste et penser à ma vocation lorsque je milite pour un petit patient ? Je console honteusement mes états d'âmes grâce à ce dernier. « On ne peut pas lui dire, Matt. » On y perdrait tous, à mon sens. Je finirais probablement devant un tribunal, Ginny n'accepterait pas que son aîné ait joué dans son dos. Oserais-je placer dans cette équation la déception coupée de la description de traître que j'aurais à arborer à perpétuité ? « Ginny l'accepterait jamais, ça lui ferait trop de mal. » Mes propos ressemblent à des menaces, mais ne prononce-je pas seulement la vérité ? Si la cadette découvrait ce qui se tramait dans les coulisses du drame de son fils, ne se sentirait-elle pas uniquement entourée de menteurs, manipulateurs et narcissiques ? Incapables de tenir la moindre promesse, l'un comme l'autre. Incompétents à la tâche de demeurer à leur place et laisser les méritants faire, le destin agir selon la norme, la règle des choses et de cette société tantôt toxique, tantôt bienfaitrice prôner.
Faire les cent pas dans l’appartement ne changeait rien, tourner dans tous les sens, y creuser une tranchée, m’arrêter pour jeter un coup d’oeil par la fenêtre, ignorer ce que j’y voyais par principe. Si l’attente est interminable entre les notes que me renvoie le combiné, entendre la voix d’Isaac à l’autre bout du fil est un véritable calvaire. Parce que tout devient encore plus concret que lorsque toute cette histoire n’était qu’un plan, qu’une idée, qu’un élément auquel on se rattachait en espérant que ça suffise à me fournir quelque chose pour garder la tête hors de l’eau. C’était pas fait encore, c’était pas marqué, c’était enclenché, mais tout pouvait toujours mal tourner. Dans le ton de l’infirmier, je tente de trouver une faiblesse. Je gratte chaque mot, chaque syllabe, j’attends et je suis patient, merde que je suis patient, je fais exprès d’allonger mes silences, de pas lui couper la parole, de rien précipiter. À la moindre hésitation, je rapplique, à son tout premier soupir, je crache, je demande, j’impose. Et s’il voulait reculer? Et si son éthique et toutes les belles règles dont il m’avait affublé au tout début reprenaient en importance, revenaient en vigueur? Et si c’était moi, plus tôt, qui craignait le pire, qui sentait l’étau se refermer, et tout ce qu’il apportait avec lui, mis à part ma suffocation instantanée? « Non, c’est pas ce que je voulais dire c’est juste... » et Isaac veut pas reculer, bien sûr qu’il veut pas. Il a tout à perdre dans l’histoire, il a tout à faire brûler, à se retrouver sans boulot, sans crédibilité. Les manigances qui lui pendent au bout du nez, que j’ai si égoïstement nourries, voyant ses points faibles, pressant dessus comme un hypocrite de service, prêt à tout pour sauver mon neveu, et ma soeur. « … je voulais simplement m’assurer que malgré tout, tu.. on... » j’en perds mes mots, j’en tremble, j’en rage. D’où Matt McGrath était un lâche? D’où il n’allait pas de l’avant, aussi impulsif et con et sanguin soit-il? D’où je me donnais le droit en dernière ligne de regarder par-dessus mon épaule, de penser ne serait-ce qu’une fraction de seconde faire marche arrière? Je respire longuement, laisse un silence de plomb se renvoyer de mon côté de la ville au sien. Je laisse mon souffle se calmer, mes poings se détendre. « On ne peut pas lui dire, Matt. Ginny l'accepterait jamais, ça lui ferait trop de mal. » et c’est là, où ça éclate à l’intérieur. Où la boule de feu que j’avais mis tant d’efforts, tant de temps, tant de violence à garder inatteignable, inflammable se fout bien de ma gueule, renchérit en puissance, en véhémence. « Me dis pas ça, Isaac. » que j’avertis, mauvais, rageur. Mes menaces font écho aux siennes, sa voix me file la hargne, la seule image qu’il me laisse me rappelle qu’il avait promis, de juste passer me voir, de juste venir prendre un café au DBD, discuter, partager l’info si besoin. Oh qu’il était venu. Oh, qu’il avait partagé l’info. Oh, qu’il avait mis les pieds directement dans le plan sans regarder à d’autres, et voilà qu’il cogne du revers, qu’il use des mots qu'il faut pas dire, qu’il me brise le coeur autant qu’il me l’élance. « Me dis pas que ma soeur aurait mal. » il sait à quel point Ginny était tout pour moi. Il sait à quel point j’étais a mess quand je suis allé à l’hôpital, comment j’en ai bavé, j’en ai désespéré pour elle, eux. Il sait que chaque seconde où je croyais qu’elle allait ne serait-ce qu’à peine moins bien que la minute d’avant, ma vie en devenait un enfer. Et il le précise, il sent le besoin d’ajouter la remarque? « Me dis pas que si elle l’apprend, ça brisera tout, pour toujours. » ça, il l’a pas dit, ça, je l’anticipe. Mais je le sais au fond, que c’est une très, très mauvaise idée. Que jamais elle ne me pardonnera. Que jamais ce sera une base pour une relation solide, pour reconstruire notre lien, pour la retrouver, pour la serrer à nouveau dans mes bras. User de Noah dans l’équation est horrible, user de Levi est inhumain. « Je fais ça pour elle, j’ai toujours tout fait pour elle. » t’as pas besoin de te justifier Matt, ça sert à rien. Tout est déjà foutu, t’as fichu ta dernière et unique chance en l’air. T’es qu’un idiot, t’es qu’un idiot depuis le début, et ça changera jamais. Sauf si. « On peut pas lui dire. Et on peut pas le faire non plus. » à la place d’être un idiot, tu seras un lâche. Tu seras un trouillard, tu auras la frousse de ta vie. T’en pleureras des nuits entières, mais au moins, là, tu comprendras à quel point tu l’as mérité qu'elle te déteste, qu'elle te sorte de sa vie.
AVENGEDINCHAINS
Isaac Jensen
le coeur au bout des doigts
ÂGE : 34 ans (13.05.90) SURNOM : Isy STATUT : Penny est le soleil et l'amour de sa vie, l'évidence avec laquelle il écrit sa plus belle histoire et s'autorise à réaliser des rêves de bonheur (06.07.2021) MÉTIER : Infirmier au service des urgences, président de l'association Run for Judy, infirmier bénévole à la Croix Rouge et aux Flying Doctors, sapeur-pompier volontaire et surtout : papa comblé de Jude (13.09.2018), Maia (14.06.2022), Jack et Mila (01.08.2023) LOGEMENT : Penny et lui ont quitté Toowong en 2024 pour s'installer avec leurs enfants à Bayside et y créer leur cocon à l'image entière de leur amour POSTS : 28708 POINTS : 0
TW IN RP : dépression, anxiété, automutilation, idées suicidaires, tentative de suicide, mentions d'abandon d'enfant PETIT PLUS : Emménage à Brisbane en 2003 ∆ il exerce en qualité d'infirmier au st vincent's depuis 2006 puis est affecté aux urgences en 2013 ∆ une suite de blessures anéantit sa carrière de joueur de football australien en 2010 ∆ il attente à ses jours en mars 2018 et reprend le travail en septembre 2018 ∆ finaliste de ROA en 2020 ∆ il se soigne contre son anxio-dépression, après avoir longtemps refusé son diagnosticCODE COULEUR : Isy s'exprime en #9966ff ou slateblue RPs EN COURS :
J'abhorre profondément cette situation, ces circonstances que j'ai moi-même invitées dans une stupidité déconcertante en fournissant à Matt les éléments tant désirés par son cœur qu'ils en paraissaient vitaux ; en dépit du fait que mes confidences interdites mettaient mon existence, mes sacrifices, ma réputation, ma vocation, en terrible péril. Je me méprise ardemment d'être si influençable, si faible. Où sont mes promesses, mon regard sur le juste, mon éthique, cette sainte trinité qui me permet chaque matin de pouvoir me regarder dans un miroir ? Comment les McGrath sont-ils parvenus à les réduire magistralement en fumée ? Comment ai-je pu sombrer dans ce piège assassin ?
Il hésite, écorche ses mots, ses sentiments. Je sens son courage filer en chute libre et bien vite, il m'est évident que tous mes risques sont vains. Que j'ai joué avec le feu pour n'obtenir aucun gain. Je plonge une main dans mes cheveux, défaitiste. Qu'avais-je à remporter, de toute manière ? J'avais agi par un altruisme désinvolte. Des patients, des mères esseulées, des frères rejetés, j'en traitais des dizaines par année. Pourquoi avais-je flanché ? Qu'étais-je devenu ? « … je voulais simplement m’assurer que malgré tout, tu.. on... » Je lève mes yeux au Ciel, maudissant toutes les coutures, toutes les failles, toutes les pulsions de mon être.
Dans un dernier effort, ultime tentative, je lui rétorque la vérité cinglante. Si la pilule m'était indigeste, je savais pertinemment que Ginny, elle, la recracherait brutalement. Si une douloureuse colère teintée de déception s'immisce sournoisement en mon être et que je suis en capacité de la retenir pour le moment, l'artiste la ferait derechef exploser dans son environnement. Les Hommes divergent, diffèrent, mais sont aussi faits des mêmes fils. « Me dis pas ça, Isaac. » Son ire aguiche la mienne, la tension s'installe et fait bouillir mon sang. Assis sur un carton dans une des ruelles bordant mon lieu de travail, je fulmine intérieurement. Isaac. Le voilà qu'il se prend pour mon père, à m'ordonner que dire, que penser. Je ne perçois plus le frère en peine, l'aîné rejeté qui désire ardemment aider sa sœur et son neveu en difficultés, qui a besoin de renouer, que sa famille retrouve du bon sens, de l'union. Désormais, c'est un masque bien moins glorieux qu'arbore le McGrath sous mes pupilles : un masque égoïste. « Me dis pas que ma sœur aurait mal. » « Me dis pas que si elle l’apprend, ça brisera tout, pour toujours. » J'éloigne le téléphone de mon oreille, rescapant ce dégoût qui m'étreint pernicieusement, taisant ce désaccord davantage vers mes propres agissements que les paroles du brun, néanmoins. Car celles-ci, je ne peux les contrôler ni les prédire. Cependant, mes choix, j'aurais pu les poser, les élaborer, les réaliser judicieusement. Comment ai-je pu être si dupe, si irréfléchi ? « Je fais ça pour elle, j’ai toujours tout fait pour elle. » La sympathie t'est difficile. Tu entends, mais tu rejettes cette mélodie miséricordieuse. Matt peut bien agir dans l'optique d'aider sa cadette, il n'en demeure que sa volonté honorable est bafouée par les dommages qu'il impose. « On peut pas lui dire. Et on peut pas le faire non plus. » Le glas sonne, le couperet s'abat. J'inspire profondément, seules mes acouphènes persistent à mes oreilles les secondes suivantes. La fierté de l'avoir auguré est amère, acerbe. J'ai fauté, honteusement, prodigieusement, failli. Pour rien. Encore.
« On ne dit rien et on ne fait rien, alors, Matthew. » Mon irritation fait rage dans l'articulation de son prénom, faisant écho à la permission qu'il s'est donné plus tôt de me dicter ce qui me semblait être une leçon sur un ton impérial. Je me redresse, me mets en position debout, m'approche de la rue fréquentée, l'orgueil en feu, l'égo surdimensionné mais en vérité, la peur et la déception aux tripes. Je soupire, observe les voitures filer à vive allure, me ravise. Ma gorge est sèche et lorsque je fais rebondir mes pensées sur les derniers éléments de ma vie, celle-ci n'a plus des airs de pyramide mais de tour de Pise, de tour de Jenga menaçant de s'écrouler en puissance, en désastre. Je perds Chloe qui batifole, amourachée, avec un de mes collègues ; mais qui sait, dans une acide répartie, peut-être n'aurais-je plus le loisir de travailler avec lui. Peut-être n'aurais-je même plus à revoir Chloe, finissant à Laidley à cultiver des betteraves en guise de gagne-pain de secours.
« J'enlèverai jamais le fait que t'es un type bien et je sais que tu veux le bien de ta sœur. Mais t'as le pouvoir de faire des putains de dommages en voulant faire ton bien. » Je me pince les lèvres, regrette à peine mes paroles provocatrices de dispute téléphonique. N'y aurait-il que la vérité qui blesse ? Je reconnais sans difficulté aucune mes torts et me mords les doigts de m'être engagé sur ce fil tanguant vers une pure faillite de mon destin. J'offrais de moins en moins de valeur à mon existence, ayant le sentiment que tout s'écroulait en suivant une courbe exponentielle autour de moi, augurant la perte de l'amour de ma vie, visualisant mes rêves brisés, constatant mes projets bannis. Noa me répétait inlassablement que j'avais une tendance au pessimisme. Tristement, il s'avérait que je voyais seulement clair dans le jeu du destin. « On ne dit rien et on ne fait rien ; mais conseil d'ami, pour ce qu'il vaut, pour ce que je vaux à tes yeux : revois ta façon d'honorer les gens que t'aime. » Les sirènes d'ambulance retentissent, deviennent de plus en plus abrutissantes. Les gyrophares heurtent mes pupilles, chassent la brume qui débutait son installation. « Je dois y aller, y'a une urgence. » Je raccroche en pleine âme et conscience que frustrer l'homme qui peut me détruire est suicidaire mais aussi que par sa décision de stopper l'engrenage fou et par son silence, s'il le conserve ad vitam aeternam, il me sauve et me protège. En revanche, je m'en fiche souverainement dans la seconde, férocement irrité, et me précipite plutôt vers les urgences, laissant mes doutes, mes craintes et mon acidité à l'extérieur.
« On peut pas lui dire. Et on peut pas le faire non plus. » chaque muscle de mon corps a mal, le sang me monte à la tête. Chaque nerf claque, chaque pensée résonne. Chaque idée m’arrache un soupir, chaque mot articulé me fait l’effet d’être une décharge électrique. Et à l’intérieur, ça brûle, ça gèle, ça fond, ça explose. « On peut pas lui dire. Et on peut pas le faire non plus. » je revois toute la scène à l’envers, mes supplications, mes demandes, mes secrets. L’infirmier qui avait fini par céder, Levi qui avait accepté sans même y penser à deux fois. Je repense aux nuits blanches à calculer l’initiative, aux papiers à assembler, à l’organisation dans laquelle j’ai donné tout ce que je pouvais. Je repense aux semaines passées à penser égoïstement que Ginny serait heureuse, que Ginny comprendrait, que Ginny serait soulagée, qu’elle me referait une place dans sa vie, que je l’aurais méritée. Je repense aux motifs qui puent l’égo, à l’aspiration de redevenir un sauveur à ses yeux, d’être la raison de tout, d’être son héros, son seul et unique pilier. J’ai en travers de la gorge tout ce à quoi je renonce, à commencer par elle, à commencer par son amour, son estime, ma soeur qui me file entre les doigts maintenant que je ne le réalise que pour la première fois. « On peut pas lui dire. Et on peut pas le faire non plus. » et au final, c’est moi que je vois, tremblant, l’intérieur de la joue en sang de l’avoir trop mordu, la retenue forcée qui me ferait presque vomir, et mon reflet que j’évite comme la peste. Je me suis jamais autant détesté, je me suis jamais autant haï, j’ai jamais autant eu envie de me bousiller, que maintenant. Même encore aujourd’hui, je crains plus que la peste de ressentir ce sentiment à nouveau.
« J'enlèverai jamais le fait que t'es un type bien et je sais que tu veux le bien de ta sœur. Mais t'as le pouvoir de faire des putains de dommages en voulant faire ton bien. » « No shit, Sherlock. » que je crache plus pour moi que pour lui, vous l’aurez bien compris. Lui, il retournera à sa vie, lui il aura toujours sa famille, ses amis, ses valeurs sûres, son toit, sa carrière. Moi, moi j’ai rien. Moi j’ai un nom de famille qui m’a apporté la pression toute ma vie. Moi, j’ai été con sur toute la ligne, j’ai été idiot comme on s’en fait plus, j’ai été trop vite et trop mal, trop impulsif et trop naïf. Moi, j’ai plus rien. Un type bien, hen? Et mon rire s’étrangle dans ma gorge. Un type bien qui prive sa soeur de la liberté fondamentale de choisir. Un type bien qui noie ses remords et sa culpabilité dans l’alcool pendant que sa cadette s’imbibe aux cachets dans la salle de bain familiale. Un type bien qui est pas foutu de laisser vivre les autres, de leur léguer la liberté que lui, il prend pour eux et pour tout le monde. Un type bien qui a simplement envie de crever pour que tout ça finisse par s’arrêter. Mais qui évidemment est beaucoup trop lâche pour pousser le raisonnement jusqu’à l’acte. Si au moins il savait fait ça, le type bien, on en parlerait moins, on en parlerait pas.
« On ne dit rien et on ne fait rien ; mais conseil d'ami, pour ce qu'il vaut, pour ce que je vaux à tes yeux : revois ta façon d'honorer les gens que t'aime. » les gens que j’aime, y’en a plus. Je les ai chassés, je les mérite pas, je les ai jamais mérités. Les gens que j’aime ils m’ont fermé la porte au nez, ils m’ont foutu hors de la maison, ils sont débarqués au café en furie. Les gens que j’aime ils sont restés à Londres pour constater mon incompétence comme grand frère. Ils m’ont tourné le dos, tous et chacun, et aujourd’hui, c’est qu’une autre perte à ajouter au lot, c’est qu’une autre déception que je fournie, un autre raté que je personnifie. « Va pas là. » mais ça n’a plus le moindre sens, il s’en fout déjà. Isaac a tout simplement coupé tout contact, toute suite, et ma demande a été entendue du revers, sans la moindre possibilité de renchérir. J’ignore où il trouve à dire autre chose, essence cachée où il ne fait pas que me rire au nez, me raccrocher la ligne, me ranger dans la case des merdeux, de ceux qui réussissent rien, qui valent rien. Probablement que j’y étais déjà, et que ceci aurait pu me prouver, démontrer le contraire, sauver la mise. Probablement aussi que je ne comprendrai que trop tard que c’était la bonne chose à faire, et que c’est ce qui me permettra de vraiment couper les ponts avec Ginny, de vraiment la laisser tranquille, d’obéir à ses demandes. Parce qu’à partir du bruit d’ambulance que j’entends résonner en fond sonore, je sais que j’en vaut plus la peine. Je sais qu’à l’instar d’Ezra et ce que je me suis tu à lui répéter, je vaux pas mieux, si ce n’est pire. Je suis une raclure. Je suis nocif. Je suis rien. « Ouais, vaut mieux. » la tonalité sourde de l’appareil fait son temps, avant que le combiné se retrouve lancé à l’autre bout de la pièce. Et il tire les rideaux Matt, il a trop honte, il pleure toutes les larmes de son corps et encore, il croyait qu’il n’en restait plus.