Sous la pluie, sous le vent, mon cœur s’agite, est-ce que t’entends ? Sous la pluie, au fil du temps, mon corps s’épuise, est-ce que tu sens ?

Bien que je refusais de me l'avouer, la réaction d'Itziar face à mon geste la menant dans les bras de Sage me contrariait. La culpabilité s'immisçait sournoisement en mon être, rangeant savamment mon humeur volontaire. De toute évidence, l'espagnole avait guère apprécié mon initiative et notre quatuor se vit divisé aussi rapidement qu'il s'était créé. Je faisais part à Sage de mon sentiment de surprise quant à la finalité de la danse qu'elle avait entrepris avec la barmaid et le fait que mon interlocutrice rejoigne ma pensée me réconfortait. Je jetais un coup d’œil à l'étudiante et mon voisin qui étaient tous les deux très tactiles sur la piste de danse. La scène m'arracha un léger sourire amusé, bien que je découvrais aussi une facette de la jeune femme que j'ignorais jusqu'alors. Si elle s'était vite dérobée de l'emprise de Sage, avec Andy, la jeune adulte n'inspirait aucune gêne. Itziar devait composer le genre d'individus qui me surprendrait toujours.

J'attirais mon attention sur la Daniels, déterminé à ne pas me miner toute la soirée sur le cas de l'espagnole qui de son côté profitait très bien du corps du colombien. Je sollicitais la créativité de mon amie pour qu'elle me fasse vivre de nouvelles expériences, ce que je recherchais. J'avais besoin de folie, de poser des actes qui ne me ressemblaient pas. Je nécessitais de me désintoxiquer de toutes ces responsabilités, tous ces principes, toutes ces règles de bonne conduite qui finalement, m'avaient rendu horriblement malheureux. Cependant, Sage n'était pas très réactive, si bien que je mettais sur le tapis mon absence de plusieurs semaines.

La trentenaire se rapprocha de moi, posant une interrogation à laquelle je n'avais sincèrement aucune envie de me pencher longuement. M'étais-je assez puni pour l'acte que j'avais posé ? Je pensais que non. Sage devait-elle m'infliger une sentence ? Elle en aurait la légitimité. Je haussais les épaules et jetais un nouveau coup d’œil vers Itziar, afin de m'assurer qu'elle allait toujours bien. La danse de son corps contre celui d'Andy me déclarait que le duo était en symbiose. Puis, la langue de Sage contre ma joue me ramena à ma conversation avec cette première. Je l'accompagnais dans son éclat de rire, ne m'attendant vraiment pas à ça et n'étant encore une fois pas déçu de la part de l'américaine qui dégotait toujours un procédé pour me déstabiliser. Je l'entendais m'exposer son idée de défi qui composait grosso modo à draguer des filles en leur léchant le visage et en leur priant de me filer leur numéro de téléphone. J'allais rétorquer à Sage que je voulais un gage qui n'impliquait que moi, que c'était ma propre personne qui désirait vivre quelque chose de différent et non faire vivre quelque chose de déjanté à qui que ce soit, mais la Daniels me poussait déjà dans la foule, comme si elle avait d'autres ambitions en tête pour lesquelles ma compagnie n'était pas requise. Je traversais ainsi les vagues de clients, me faisant arrêter quelque fois sur ma route par des jeunes gens beaucoup trop allumés. Je m'orientais vers la sortie de la boîte de nuit, dans l'optique de prendre un peu l'air et peut-être fumer une cigarette à l'extérieur, jusqu'à ce que je tombe sur un collègue. J'hésitais à tourner les talons mais de toute évidence, ce dernier m'avait déjà repéré et promptement, il me versait un monologue incohérent qui finit par s'orienter vers la drogue qu'il avait ingéré en début de soirée. Il me présentait les cachets et beaucoup trop envieux, je n'hésitais pas à en prendre dès qu'il m'en offrait.  

Depuis qu'il avait disparu de la surface de la Terre, Sage avait légèrement déprimé. Pas réellement mais il y avait eu des soirs où elle avait regardé son écran de téléphone en se demandant pourquoi il ne répondait pas à l'injonctive qui avait été donnée. D'habitude, il ne se faisait pas désirer. Elle avait laissé passer deux fois. Mais lorsqu'elle fut ignorée la troisième, elle arrêta de lui écrire. De toute évidence, il n'était plus disponible pour leurs fêtes décalées. Et ce soir-ci, quand elle avait vu le nom d'Isaac apparaître là comme par magie, dans sa boîte de messagerie, son coeur avait bondi. Etait-ce une erreur? Elle avait ouvert le texto en quatrième vitesse et elle sentit vraiment son coeur manquer un battement en découvrant qu'il lui proposait de sortir. Comme si de rien n'était. C'était ainsi qu'ils avaient décidé de la jouer. Elle ne savait pas pourquoi il s'était éclipsé mais une chose était sûre, s'il voudrait en parler, il le ferait. Elle ne provoquerait rien. Là, elle se contenterait juste de revoir son ami et de profiter de sa compagnie qui lui avait tant manquée.

Il avait demandé un défi et elle lui en servit un sur un plateau d'argent. C'était toujours spontané. La première idée qui lui passa par la tête fut celle qu'elle livra au beau brun qui cherchait à se divertir. Il ne lui fallut pas plus d'une fraction de seconde pour comprendre que cela ne l'enchantait pas. Trop compliqué pour son retour d'entre les morts? Sage considérait qu'il ne fallait pas lésiner avant de se remettre en selle. Il n'y avait jamais de bon ou mauvais moment. Il y avait juste des personnes qui saisissaient leur chance et d'autres qui passaient à côté. Malgré les réticences d'Isy, elle le poussa dans la foule, en espérant qu'il se relâcherait comme au bon vieux temps. Mais elle le vit déambuler entre les gens sans s'arrêter. Il était bizarre. Elle aurait voulu le suivre et regarder le spectacle qu'elle espérait qu'il donnerait mais il disparut au bout d'un court moment et elle avait la flemme de se lever pour aller le chercher. Au lieu de cela, elle se laissa traîner sur la piste de danse par un inconnu au teint hâlé dont le bleu des yeux faisait fureur. Fort proche des deux hispaniques, elle jeta un regard à Itzi et lui sourit avec gentillesse quand les deux couples de danseurs se croisèrent. Néanmoins elle n'était pas aussi ouverte à ce que son partenaire la caresse... Bien qu'elle n'était pas prude, Sage préférait garder ce genre d'avance aux lieux plus privés. Par contre, elle ne se gênait jamais pour danser de manière lascive et suggestive. Et elle venait d'entamer une descente vers le sol quand elle aperçut entre les silhouettes, le visage d'Isy. Son regard presque perdu, cet air qu'elle ne lui connaissait pas, cela la troubla. Et elle fit une chose qu'elle ne faisait jamais, elle quitta son partenaire pour aller rejoindre son ami. Arrivée près de lui, elle vit un autre homme s'éloigner d'eux et elle saisit la main d'Isaac avec fermeté. "Tu as donc décidé de lécher la joue de notre ami Extasy ce soir?" Elle était tout bonnement étonnée. C'était assez fort comme dose et surtout, ce n'était pas le genre d'Isy de se faire fournir tout seul. D'habitude, c'était elle la voix de la déraison. "Et moi qui pensais que tu préférerais lécher de l' LSD." lui dit-elle bien consciente du sous-entendu. Elle ne savait pas trop ce qu'elle fabriquait mais elle se demandait ce que lui faisait aussi. Et sa manière d'aborder les choses était toujours la même : elle provoquait. Ils étaient loin de leurs amis mais elle avait oublié toute notion de "groupe" en ce moment. Isy l'intriguait, son comportement était inhabituel et bien qu'elle n'était pas curieuse de nature, elle tenait suffisamment à lui que pour ne pas être non plus aussi indifférente qu'elle le laissait paraître en surface. "Viens danser Isy, t'as besoin de relâcher la pression!" Elle se comportait comme si de rien n'était, avait saisi son poignet, celui qui enserrait les petites pastilles au goût d'extase. "A moins que tu n'aies autre chose en tête?" Provocation à nouveau. Voulait-il se défoncer maintenant? Voulait-il autre chose? Sage lui laissait rarement le choix. Pourquoi le faire ce soir? Une faiblesse passagère, une folie due à une inquiétude qu'elle ne comprenait pas. Peut-être le connaissait-elle trop bien et peut-être que ces mois d'absence n'avaient rien détruit entre eux... au contraire, peut-être se sentait-elle encore plus proche de cette âme qu'elle avait toujours su être en peine.

Elle n'a pas vraiment contrôlé sa réaction quand elle capte qu'il a couché avec Sage. C'était plutôt un automatisme, ça l'a fait tinter et puis en même temps ça la rend jalouse. Jalouse parce qu'elle, elle sait pertinemment qu'il ne se passera jamais rien entre elle et Sage malheureusement et ça pour son plus grand malheur, mais Andy n'y est pour rien et ce n'était pas non plus comme s'il savait qu'elle avait un crush sur Sage. En clair ce n'était pas la faute d'Andy. La faute de Sage, peut-être et encore. C'était la faute à pas de chance surtout. Il n'a pas l'air très chaud pour aller sauver Isaac et Itziar n'a pas forcément envie de se retrouver face à Sage une fois de plus. C'est vrai qu'ils sont venus ensemble. Isaac est capable de la gérer ou de gérer tout court d'ailleurs. Surtout que le bras d'Andy autour de sa taille la rapprochant de lui a le don de lui faire oublier ce qu'elle voulait faire finalement. "Oui t'as sûrement raison." Lui répond-elle. Et puis après tout, il était majeur et vacciné, il savait se débrouiller seul sans compter le fait qu'il l'avait poussée sur Sage quelques minutes plus tôt dans un moment de haute trahison, alors pourquoi irait elle lui venir en aide ? Surtout qu'en fait elle avait quand même encore envie de danse. Elle était venue là pour danser non ? C'était le plan qu'elle avait proposé à Andy, boire des verres et aller danser jusqu'au bout de la nuit. Elle comptait donc s'en tenir à ses mots. Quand il lui demande si elle n'a plus envie de danser elle passe ses bras autour du coup du jeune colombien. "Bien sûr que j'ai envie de danser. On est là pour ça non ?" Lui répond-elle, sourire aux lèvres. L'alcool aidant la jalousie qu'elle avait pu ressentir quelques secondes auparavant s'était dissipée et recommençait à se déhancher sur la musique qui se prêtait à merveille au coller serrer. Elle aperçut du coin de l'oeil Isaac et Sage qui s'étaient lancés sur la piste de danse à leur tour. Elle remarque que Sage n'avait pas mis longtemps à se trouver un partenaire de danse et le moins que l'on puisse dire c'est que niveau mec, elle avait bon gout. Elle avait bon gout, mais elle n'avait pas d'excellents goûts non plus. Bah oui, elle n'était pas intéressée ne serait-ce qu'un minimum par la jeune espagnole et ça ? Ca c'était une faute de gout. Du moins c'était comme ça qu'Itziar relativisait dirons-nous. Chacun son truc. Sage lui sourit et Itziar lui sourit en retour avant de reporter son attention sur Andy qui vient de descendre sa main sur ses fesses. Il lui demande si elle n'a pas envie d'autre chose et clairement la proposition est très alléchante, surtout quand il vient approcher ses lèvres de sa mâchoire. Elle ne peut s'empêcher de pencher légèrement la tête sur le côté, lui laissant libre accès à son cou. "Ca dépend..." Lui répond-elle, venant mettre une de ses mains sur la taille du colombien, pour le rapprocher un peu plus d'elle. "C'était pas mal de danser. Qu'est-ce que t'as de mieux à me proposer ?" Lui demande t-elle non sans deux ou trois idées derrière la tête. Bien vite oublié Sage et Isaac qui avaient disparu de la piste de danse aussi vite qu'ils y étaient apparus et cela sans même qu'elle ne s'en rende compte.

Bien sûr que t’as raison. Quelle question. Itziar se rapproche de toi, ayant enfin l’air de vouloir danser avec toute sa tête sur le sujet. Parce que oui, t’as bien vu qu’elle avait l’esprit ailleurs. Le sourire sur ses lèvres te fait sourire également. Parfait. Elle est dans le mood. Ca va certainement être le meilleur moment de la soirée. Faudrait juste que la musique reste bonne et par là, tu veux dire qu’il faut que tu connaisses les sons qui passent. Ou mieux. Que les morceaux te prennent au corps dès la première écoute. C’est rare, mais ça arrive. Surtout quand le DJ est bon. Tu sais pas trop pour ce soir, vous êtes surtout venu là parce que vous étiez à proximité.

Y’a Sage pas loin, tu la vois du coin de l’oeil mais ne lui accorde pas plus d’attention. T’as quand même bien vu que Isy n’est pas avec elle. Tu passes à la vitesse supérieure avec Itziar, attendant de voir ce dont elle a envie ce soir. Son cou t’es offert et tu vas y poser tes lèvres. Elle se colle un peu plus à toi et t’as bien l’impression qu’elle en veut. Elle souligne que danser c’était pas mal, ce qui est vrai. Tu passes un bon moment là, mais t’as toujours de la suite dans les idées. L’espagnole te demande ce que t’as d’autre à proposer et tu t’approches de son oreille, délaissant son cou. Ton regard accroche celui d’un gars sur la piste.

« Y’a un mec qui nous fixe. Je sais pas si c’est toi ou moi qu’il veut. »

Il est plutôt hot. Pas tout jeune. Un peu genre Josh Duhamel.

« Je crois que c’est toi. »

Parce qu’il mate clairement son corps. Apparemment que tu sois collé à elle ne lui met pas la puce à l’oreille sur le fait qu’elle puisse être déjà prise, ou du moins, occupée. Tu trouves ça excitant que ça ne l’arrête pas, même si concrètement, il n’a rien fait à part regarder.

« Peut être trop vieux pour toi par contre… »

Et d’un mouvement habile, tu la fais tourner avec toi pour qu’elle puisse avoir la vue sur le mec en question. Tu la regardes l’air de dire « Verdict? ».

Sous la pluie, sous le vent, mon cœur s’agite, est-ce que t’entends ? Sous la pluie, au fil du temps, mon corps s’épuise, est-ce que tu sens ?

Au fil de la conversation que mon collègue m'imposait, ou que j'ignorais rejeter par bienséance, je concluais que tout peine finissait par mériter salaire. En effet, après deux hochements de tête plus ou moins compréhensifs et un silence de spectateur exemplaire, l'homme avec lequel j'avais effectué plus d'un service au centre hospitalier où j'étais salarié me présenta discrètement un sachet contenant plusieurs types de cachets et pilules. M'en proposant du regard, il glissa quelques unes de ces clefs vers un état altéré dans la paume de ma main. Je contemplais quelques secondes les éléments sans doute interdits et manufacturés illicitement. En effet, ils n'avaient en aucun cas l'apparence des médicaments que je servais à mes patients, n'ayant même aucune marque d'appartenance à quelconque société.

Je refermais ma main sur mon butin alors que Sage me saisissait le poignet, empêchant ce premier de se perdre sur le sol. Je levais les yeux vers mon amie et lorgnais sur le départ de mon généreux donateur. "Tu as donc décidé de lécher la joue de notre ami Extasy ce soir?" Voilà un autre enseignement dont me prodiguait Sage. Nous n'avions jamais consommé ce genre de drogues ensemble, ou alors, je ne m'en souvenais pas. A ma connaissance, nous nous limitions à l'alcool et parfois, la trentenaire disposait d'un joint qu'elle daignait partager ou pas avec moi. Ça ne nous empêchait aucunement de nous amuser, de produire des folies ou d'oublier prodigieusement des moments issus de nos nuits agitées - pour nous dévoiler une fois le cœur calmé. Cependant, autant je réfléchissais, autant je me rendais compte que je n'avais jamais perçu Sage s'approcher de quelconque cachet de la sorte.

"Et moi qui pensais que tu préférerais lécher de l' LSD." Un sourire étira mes lèvres, l'allusion ne tombant certainement pas dans l'oreille d'un sourd. Au contraire, elle invitait derechef quelques idées à germer dans mon esprit. Je me sentais ainsi mitigé entre le désir de retrouver la Daniels et celui d'expérimenter le mystère couvé dans mon poing. "Viens danser Isy, t'as besoin de relâcher la pression!" L'emprise de Sage sur mon bras persistait, si bien que je commençais à en tirer des déductions. Avait-elle une idée précise visant les pastilles que je détenais ? "A moins que tu n'aies autre chose en tête?" Totalement transparent, mes pupilles passèrent de ma main au minois de mon interlocutrice. J'ai plein de choses en tête, commentais-je, un sourire malicieux étirant mes lippes, mon regard s'égarant quelques instants sur les siennes. Tu veux partager ? Et je plantais mon regard dans celui de mon acolyte atypique. Je ressentais fermement le besoin ainsi que le désir de tenter cette expérience, tendant vers une volonté peut-être destructrice, ou répondant à mon audace bien trop aguichée par les shooters précédemment avalés. Je me fichais bien des conséquences comme des répercussions, je n'aspirais qu'à pénétrer un état assez inhibé pour chasser tous mes tracas et contrariétés, convier des expériences hors du commun - de mon commun - avec Sage comme alliée. Car ce soir, j’œuvrais pour m'amuser avec l'américaine, qui constituait l'unique personne avec qui j'avais envie - et j'osais - me soumettre à ce genre de festivités, bien que j'accepterai quiconque souhaitant prendre part à ce dessein. J'oublierai et me fichais bien de la mine que je me payerai demain matin. Je tournais doucement mon poignet entre ses doigts afin de me relâcher de la pression qu'elle y exerçait et ouvrais précautionneusement ma main sur l'offrande de la nuit. Je laissais à Sage quelques secondes de réflexion, ayant déjà décrété que je consommerais ce qu'elle déclinerait contre ma chaire.

Puis, lorsqu'une chanson que je connaissais assez pour l'avoir entendue plusieurs fois résonna dans l'enceinte de la boîte de nuit, je rappelais : Tu voulais danser, non ? Je glissais une main dans le dos de Sage, l'invitant à me suivre vers la piste de danse. Mon cœur martelait ma poitrine, d'excitation ou d'appréhension, je ne saurais le déterminer.

Décontenancée, c'était le cas de le dire, elle l'était. Celui qu'elle avait formé à la décadence était en train de prendre lui-même des initiatives... et... pas n'importe lesquelles! Isy n'y allait pas de main morte au vu de ce qui se trouvait dans sa paume. De l'extase en barre. Cela ne rappelait pas forcément de bons souvenirs à Sage. Cela la replongeait à l'Irak et à cette guerre où elle avait été prise en otage. Un soir alors que ses bourreaux la retenaient dans les sous-sols de leur campement, ils avaient eu pour idée de venir droguer les prisonniers. Elle était avec Freddy quand celui-ci fut tiré vers le mur opposé pour qu'on lui injecte une dose d'un liquide transparent dans les veines. Ses connaissances de la langue l'empêchaient de comprendre ce que les deux arabes se disaient. Mais elle redoutait qu'on vienne lui administrer le même sérum. Freddy était frigorifié et ses yeux envoyaient l'image d'un homme qui était parti loin. Il n'était pas très drôle à voir et cela finit par ennuyer les preneurs d'otages. Ils se tournèrent vers Sage qui s'était recroquevillée dans son coin. Bien qu'elle avait été de tout temps une grande fêtarde, jamais elle n'avait touché aux substances hallucinogènes. Les drogues douces oui, les dures, elle évitait. Mais là, elle n'avait aucunement eu le choix. Elle avait senti l'aiguille lui traverser la peau, le liquide parcourir ses veines et elle était quasiment certaine d'avoir perçu comment le sérum se mélangeait à son sang. Ca avait été une des pires expériences de sa vie. Car si intérieurement elle sentait une exaltation forte qui lui enserrait les entrailles, cela contrastait avec l'état intérieur de sa personne. Elle aurait donné n'importe quoi pour crier mais l'effet de cette drogue la faisait rire à la place. Sage donnait alors un spectacle intéressant à ses deux dealers qui la regardaient avec amusement. Le côté torturé de la jeune fille ne leur échappait pas. Elle se tordait pour ne pas ressentir cette joie procurée par le liquide et elle le sentait prendre le contrôle malgré elle. C'était inconscient, elle était trop mal que pour réussir à se laisser aller. Elle avait vécu cela comme un viol qui procurait du plaisir. Une sorte d'abomination de la nature qui nous marquait à vie.

Devant Isy qui semblait prêt à franchir un cap, celui se laisser bercer par la drogue qu'il tenait entre les doigts, Sage hésitait. Elle aimait le danger mais la drogue était une barrière qu'elle préférait franchir avec modération. Elle se souvenait encore de l'envie qui l'avait assaillie le lendemain de sa dose non voulue. Il lui avait fallu une semaine pour arrêter d'espérer à chaque fois qu'un de ses gardiens franchissait la porte de sa cellule. Pourtant elle espérait autant qu'elle redoutait. Il était même drôle de constater que même dans son malheur, elle avait toujours l'envie de s'en sortir, elle croyait que cela restait possible. C'était probablement cela qui l'avait aidée à se reconstruire un peu mieux que les autres. "J'ai plein de choses en tête." Ce sourire malicieux la laissait sans voix. Depuis quand était-il devenu aussi téméraire? Depuis quand jouait-il avec les sous-entendus. Une part de Sage, une part majoritaire, avait envie de jouer avec le feu. Elle ne l'avait jamais fait avec Isy, elle avait toujours respecté cette belle barrière amicale qui s'était dressée entre eux. Mais cette même barrière avait installé de l'affection aussi. Et maintenant, le désir de la folie combiné à l'affection déjà présente la laissait dubitative. C'était extrêmement tentant et en même temps... elle ne savait pas. Elle finit par céder au désir de la nouvelle expérience. Elle comprenait enfin l'exaltation que pouvait ressentir Isaac quand c'était elle qui le poussait dans ses retranchements car il venait tout juste de lui faire ça à elle. Elle saisit une de ces petites pilules du paradis et de l'enfer, la faisant tourner entre ses doigts avant de la poser sur sa langue. Et alors qu'elle se tournait pour regarder leurs camarades, le jeune homme avec qui elle dansait avant de rejoindre Isaac ici, la tapa dans le dos comme un vieux compagnon des docks le ferait à un autre moussaillon. Tellement fort qu'elle en toussa et recracha la pilule qui venait tout juste d'entrer en contact avec sa salive. Elle se retourna avec agacement vers les deux hommes qui n'avaient pas vu le médicament hallucinogène rouler au sol. Cela n'empêcha pas Sage de fusiller l'inconnu du regard. Celui-ci était probablement un peu jaloux qu'elle préfère la compagnie d'Isaac à la sienne. Il est vrai qu'il était sacrément bien roulé. Mais alors qu'elle s'apprêtait à enguirlander l'étranger et sa possessivité totalement déplacée, elle sentit la main d'Isy se glisser dans son dos.

Grisée par ce geste tellement anodin pourtant, elle se laissa pousser sur la piste de danse. Elle se retrouva bien plus près de lui, de son corps, de son visage lorsqu'ils arrivèrent entre les gens qui se déhanchaient sur le son de la musique. Elle le regardait au fond des yeux tout en faisant onduler son corps. Elle cherchait à percevoir un changement mais cela n'était pas si rapide que cela non plus. Pourtant, pour le peu de temps qu'elle avait eu l'extasy dans sa bouche, elle l'avait déjà sentie se dissoudre sur sa langue. Et ça combiné avec les restes d'effet de son joint assez dosé de tout à l'heure la rendait déjà euphorique. Elle ne disait rien, elle regardait son ami droit dans les yeux et posa une main sur son torse lorsque la danse l'obligea à se rapprocher encore plus de lui. Elle avait mille questions qui lui tournaient en tête. Des "Tu vas bien?", "Qu'est-ce qui se passe?", "Qu'est-ce qu'on fait ici?", "Pourquoi?" qui tournaient et tournaient sans cesse jusqu'à ce qu'elle y mette fin toute seule. Entre eux, cela avait toujours été clair, de manière implicite oui mais clair quand même. Chacun gérait sa vie et le soir, quand ils se retrouvaient, ils mettaient tout ça de côté et s'amusaient ensemble. Alors elle posa son autre main dans le dos d'Isy et pencha son visage pour l'analyser d'aussi près qu'elle le pouvait. A chaque contact de leur peau, elle sentait comme tout son corps s'électrisait. Combien avait-elle pu assimiler de la pastille avant de la recracher? Elle n'en savait rien. Etait-ce la pastille ou Isaac qui lui faisait cet effet? Elle n'en savait toujours rien. Mais c'était exaltant. Elle n'avait plus ressenti ce sentiment de soulagement et de bien-être total avec quelqu'un depuis longtemps. Elle laissa vagabonder son regard au delà de l'épaule de son partenaire de danse et lui glissa à l'oreille "On n'est pas les meilleurs amis qui soient... On a planté nos amis. Je ne les vois même plus." Elle se redressa légèrement et afficha un de ces visages plein de sous-entendus qu'elle lui lançait parfois. Le genre de regard complice qu'ils avaient entre eux. Si eux ne les voyait plus, Itziar et Andy non plus ne pouvaient pas les voir. Ils étaient comme seuls. Seuls au milieu d'une foule d'inconnus, seuls avec leur petite dose d'extase qui commencerait à faire son chemin au travers des veines d'Isaac et du coeur de Sage. "T'es vraiment pas mal avec cet air de chien fou." lui dit-elle avec un sourire heureux. C'était pas ce qu'elle avait voulu dire, elle avait voulu lui dire qu'elle passait une soirée très agréable mais les mots n'avaient pas demandé le droit de sortir, ils l'avaient juste fait. Et sans qu'elle ne gère plus ce qu'elle faisait que ce qu'elle disait, elle passa sa main dans la nuque d'Isaac, forçant son visage à se rapprocher du sien et laissant leurs nez se caresser dangereusement tandis que leurs lèvres se frôlaient plus d'une fois. Elle sentait son souffle sur sa bouche, voyaient ses yeux de plus près que jamais et ne relâchait aucune de ses étreintes: ni celle de ses mains, ni celle de son corps, ni celle de son regard.

L'alcool, l'ambiance, la musique, la foule, un tout, qui lui fait rapidement oublié qu'il y a Sage pas bien loin au milieu de cette marée humaine. Elle n'y pense même plus. Elle est à 100% dans le mord pour danser maintenant. Elle est vraiment imprévisible comme fille et quand elle a quelques verres en trop dans le système, elle ne contrôle plus vraiment ses émotions, mais pour l'instant elle est dans le bon mood, il y a aucun doute là-dessus. Le DJ passe de la bonne musique, ou du moins à ses yeux c'est de la bonne musique, chacun est libre de penser ce qu'il veut. Elle ne connait pas toutes les chansons qu'il enchaîne, mais ça reste plus ou moins dans le même style, c'est entrainant et c'est tout ce qu'elle demande. Ca lui suffit pour se déhancher contre Andy. Elle a le rythme dans la peau et ça se voit. Elle est bourrée, elle ne sait pas trop ce qu'elle veut, elle dit à Andy que ce n'est pas mal de danser, mais en même temps elle ne serait pas contre plus non plus. Quand il lui dit qu'il y a un mec qui est en train de les fixer, ça l'interpelle. "Il est comment ?" lui demande t-elle. Oué, car c'est plutôt important comme détail dans ce contexte. "Beau gosse ou pas ?" question importante. S'il est moche, clairement elle ne va pas lui accorder la moindre attention, même torchée à ce stade elle a encore un peu d'amour propre. S'il était beau gosse en revanche, il y avait sûrement matière à s'amuser un petit peu. Ils étaient là pour ça en plus. Apparemment c'est elle qu'il veut d'après ce que lui dit le jeune colombien. "Ah oué ?" C'est toujours satisfaisant d'être dans le viseur de quelqu'un, c'est bon pour l'égo et ça Itziar apprécie pas mal. Il est peut-être vieux pour elle d'après ce que lui dit Andy. Pour le moment elle ne voit pas le mec donc elle se fit à ce qu'il lui dit, puisque lui, il est surement orienté de façon à avoir pleine vue dans sa direction. "C'est dommage." Lui dit elle ensuite. Elle avait une préférence pour les gens plus vieux qu'elle, après, il y avait tout de même des limites. "Tu lui donnes quel âge ?" C'était surement difficile à dire dans ce contexte, mais elle n'y avait même pas pensé en posant sa question. Elle allait cependant avoir une réponse à toutes ses questions de la manière la plus efficace qui soit puisque Andy décide de la faire tourner avec lui. Ils ont donc inversé leur place et elle peut observer la situation de cet angle. Elle repère le mec direct. En même temps, ce n'était pas bien compliqué puisqu'il n'était vraiment pas discret du tout et les regardait avec insistance. Le genre de mec qui matte et qui se fiche bien qu'on le prenne sur le fait accompli. Il ne détourne même pas les yeux quand son regard croise celui d'Itziar, au contraire il soutient son regard avec insistance. "Il est plutôt pas mal." Répond-elle a la question d'Andy. Enfin, il n'avait pas posé de question à proprement parler, mais c'était clairement ce que son regard avait voulu dire. Le mec était pas mal effectivement. Du moins pour ce que la jeune espagnole pouvait voir de cette distance, dans la pénombre et les yeux plus vraiment en face des trous à cause de l'alcool. Il n'était pas tout jeune non plus, un peu plus vieux que ce dont avait l'habitude Itziar, mais bon il avait vraiment pas mal pour le coup et donc elle serait bien allée voir d'un peu plus près. "On va le voir ?" demande t-elle a Andy. Car oué, il n'y a aucun moyen qu'elle aille voir ce mec seule. S'il s'avère qu'il est beau de loin, mais loin d'être beau, ou qu'il se montre trop insistant, elle veut une échappatoire et puis surtout ça pourrait être drôle. "Histoire de lui montrer un peu ce que c'est que la chaleur hispanique." Ajoute t-elle avec un clin d'oeil avant d'attraper Andy par la main et de se diriger vers le mec qui n'avait toujours pas bougé. Itziar n'hésite pas à se coller à lui pour son plus grand plaisir, se retrouvant prise en sandwich entre Andy et le mec qui ne tarde pas à venir poser une main sur sa hanche et se lancer dans ce corps à corps endiablé.

Elle est intéressée par le mec qui la mate. T’aimes bien ça. Parce que ça veut dire qu’elle n’est pas bloqué sur l’idée de pas finir sa soirée avec toi. Tout a l’air bien clair entre vous et c’est parfait. T’apprécies cette fille mais si tu commences à voir des signes comme quoi elle s’accroche, ça va pas le faire. Jusqu’à maintenant t’es tranquille. Tu peux continuer à t’amuser avec elle. Parce que c’est ce qu’elle est. Une pote pour passer des bons moments. T’en as plein des comme ça. Ok, elle sort légèrement du lot, c’est vrai. Sûrement pour ça que tu l’as vu pas mal ces dernières semaines. Tu te demandes si ça va durer, mais pour l’instant, tu profites de ces bons moments.

Tu hoches la tête pour lui dire oui, il est beau gosse. T’aurais certainement pas pris la peine de lui parler du mec s’il était pas attirant. L’âge peut être un soucis pour Itziar, c’est pour ça que tu le mets sur le tapis. Tu trouves ça super con de s’arrêter à un chiffre, mais si au final tu peux le baiser toi plutôt qu’elle, tu t’en fou. Sa perte.

Elle le trouve pas mal. Peut être qu’elle va le considérer pour passer un bon moment ce soir ? Tu sais pas. Elle veut aller le voir et ça te fait sourire. Elle veut jouer. Elle veut jouer à trois visiblement. Pourquoi pas. Ca peut être intéressant. Tu hoches la tête quand elle parle de chaleur hispanique. Tu penses à la danse, mais pas que. Y’a beaucoup de truc qui traverse ton esprit à cette simple phrase. Elle te tire par la main, tu te laisses entraîner. Elle se met à danser aussitôt avec le type, tu suis le mouvement. Elle se retrouve au milieu et tu fixes surtout le mec alors que t’es en train de danser tranquillement. Ton regard croise le sien et tu lui fais un sourire en coin qui sous entends pas mal de choses. T’es pas un saint et t’as plein de choses en tête là maintenant. Des choses qui prennent en compte votre présence à tous les trois. Y’a du contact entre vous. Il a une main sur Itziar et tu profites de ce rapprochement pour le toucher un peu sur le bras, voulant voir s’il accepte le geste. Il ne montre aucun signe de recul. Plutôt un bon début. Itziar dos à toi, tu niches ton nez dans son cou, continuant de la toucher sans aucune gêne. Le mec s’approche de l’oreille de Itziar et lui souffle quelques trucs.

« J’ai des daddy moves. Tu m’excuseras. »

T’as un peu l’impression d’être de trop. T’as pas envie de lui briser son coup alors tu te détaches doucement. Tu déposes un baiser sur la joue d’Itziar avant de lui souffler.

« Baise le pour moi. »

Et tu tentes une approche envers une fille asiatique qui est en train de danser juste à côté. Elle bouge bien et ça te fait déjà kiffer. Tu gardes un oeil sur Itziar et "Josh". Ils sont plutôt très hot ensemble et tu te dis que t'aimerais bien pouvoir les mater s'envoyer en l'air.

Sous la pluie, sous le vent, mon cœur s’agite, est-ce que t’entends ? Sous la pluie, au fil du temps, mon corps s’épuise, est-ce que tu sens ?

Ma main protégée de nos deux corps présente deux tickets directs vers un second état. Si Sage avait déjà expérimenté la drogue dure, jamais n'avais-je eu l'opportunité ou n'avais-je recherché de le faire. Néanmoins, ce soir, j'étais avide d'expériences nouvelles, nécessitais cruellement de rompre avec ma réalité, mon quotidien. L'alcool ne me suffisait plus, j'aspirais à recevoir une secousse violente sur ma vie et j'espérais pieusement que la pastille que me laissait Sage me promette ce dessein.

Le cachet se dissipa doucement sur ma langue. Je pinçais mes lèvres avec anticipation et impatience, le laissant soigneusement jouir de cette effervescence puis, ma main glissa dans le dos de Sage qui venait de subir l'amitié brutale de son précédent cavalier. Je l'attirais vers la piste de danse, lisant la même confusion dans ce regard que lorsque je l'avais invitée à me joindre dans le train de l'extase. Cette nuit, j'offrais quelques surprises. Je n'avais rien qui m'attendait chez moi, je me fichais bien de l'heure à laquelle je rentrais, je me fichais bien même de rentrer, mais ce dernier point, je me gardais de le confier à mes acolytes nocturnes. J'étais voué à la déchéance, la décadence, rien ne pouvait m'inhiber, mise à part la solitude ou quelconque pression de mes pairs.

Au rythme de la musique, le corps de la Daniels ondulait contre le mien. Mes mains suivaient ses courbes respectueusement et alors qu'elle remontait vers moi, son regard balayait les alentours et ses lèvres vinrent posséder mon ouïe. "On n'est pas les meilleurs amis qui soient... On a planté nos amis. Je ne les vois même plus." Sans raison évidente, un rire fila entre mes lèvres, avant que je ne rétorque : Ils sont partis les premiers. Après tout, Itziar avait décidé de quitter notre groupe après avoir absorbé plusieurs shooters. Puis, Andy avait décidé de rejoindre l'hispanique, armé de très bonnes raisons vu la parade qu'ils avaient offerte. Je croisais le regard empli de sous-entendus de mon interlocutrice et apposais mes mains sur ses hanches, enfermant notre duo, stabilisant notre ouvrage. "T'es vraiment pas mal avec cet air de chien fou." Je levais les sourcils, interrogateur. Chien fou ? C'est pas moi qui t'ait léchée, pourtant. Et ce sourire narquois qui apparaît de nouveau sur mes traits, fait briller davantage mon regard émeraude. La main chaude de Sage glisse derrière ma nuque, intimant le rapprochement de nos deux visages. Nos nez se frisent, puis se caressent. Nos souffles s'entremêlent, mes pupilles dilatées se plantent dans les siennes. Un simple mouvement séparent nos lèvres et en l'espace d'un instant assassin, je songe à l'australienne que j'aurais dû épouser, celle qui avait porté cet enfant renié au droit de vivre, au droit d'être connu de son père. Ses boucles remplacent la coiffure de Sage et je me mords la lèvre. Attends, priais-je le fantôme me faisant face et que je réfutais, une partie de ma conscience sachant que mon cœur malmené me jouait toutefois des tours. Je me dirige vers le bar, dans l'idée d'ajouter des soldats à ma lutte contre mon passé. Néanmoins, un couple me bloque le passage : Itziar et un homme plus âgé. Je stagne sur place, joue au voyeur l'espace de quelques instants égarés et retourne les talons vers Sage. Sans prévenir, mes lippes se collent aux siennes et sentant aucune réticence de sa part, le baiser volé initie une valse langoureuse. Ma bouche recueille le goût de la sienne et une force externe me force brutalement à rompre ce contact. J'effectue deux pas en arrière, en quête de mon équilibre et reconnais le même énergumène qui était venu chercher Sage avant que je ne la lui dérobe sur la piste de danse. Jalousie ? Mes yeux passent de l'inconnu à mon amie, l'invitant à faire un choix.

Les lumières de l'espoir s'éteignent dans nos yeux,
Les foudres de l'amour ne nous viennent pas des Dieux,
Toi et moi, ce n'est pas pour un mieux,
Toi et moi, c'est un nouvel enfer à deux.

"Extase, douce extase...me voilà", c'est ainsi que battait le coeur de Sage tandis qu'elle plongeait ses yeux dans le regard de celui qui n'était soudain plus Isy mais Isaac.


Elle lui avait proposé implicitement de passer un cap. Ce n'était pas dans ses habitudes de considérer que danser avec son meilleur ami était dangereux. Ils le faisaient si souvent qu'il n'y avait aucun mal à ça. Ils étaient des grands habitués des collés-serrés après tout... Peut-être y étaient-ils trop habitués? Peut-être cette habitude avait-elle tué la conscience de tout ce qu'il y avait de plus dans ces simples rapprochements entre eux? Voilà tant de questions auxquelles l'américaine ne saurait répondre ce soir-là. Elle n'avait pas avalé la pastille vertueuse mais elle en ressentait plein des effets. Et Isaac le soulignait parfaitement bien, si tous les deux se retrouvaient seuls, ce n'était pas entièrement leur faute. Sage aurait pu lui rétorquer qu'il aurait été tout à fait possible pour eux d'aller danser près de leurs amis. Mais elle préférait le laisser les déculpabiliser. Pour le moment, l'heure n'était pas aux excuses bidons. Mais où était donc l'heure? La notion du temps s'amincissait à chaque seconde qui passait. Tout semblait durer une éternité tant elle était dans la soif de le voir faire un nouveau pas dans cette voie de meneur. Il prenait les décisions et elle n'avait pas l'intention de lui voler ce plaisir. Mais s'il ne se lançait pas tout seul, elle ne pouvait que le provoquer encore et encore. Après tout, c'était lui qui avait commencé en suggérant qu'il était ouvert à des tonnes de choses ce soir. "Non, tu ne m'as pas léchée, c'est vrai." Son ton était lascif et en disait bien plus long. Elle ne faisait pas qu'un constat, elle laissait traîner un doute, une sorte d'invitation. C'était suffisamment ambigu pour qu'il comprenne le sous-entendu mais sans l'être de trop, laissant ainsi son imagination se poser des questions. Elle excellait dans l'art de tourner en bourrique les hommes. Et ce soir Isy n'y ferait pas exception car ce soir... il n'était plus le meilleur ami, il était un chien fou qui lui faisait énormément d'effet.

Leurs visages s'étaient rapprochés, tout leur enjoignait d'aller plus loin. Pour une fois, elle ne culpabilisait pas d'avoir envie d'embrasser un homme car pour une fois, ce n'était pas une fuite de la réalité. Ici et maintenant, avec Isaac elle ressentait tout autre chose. C'était un instant qu'elle vivait pleinement. Car c'était lui et pas un abruti quelconque avec qui elle passerait un moment destiné à oublier ses peines antérieures. Elle avait conscience du fait que pour lui il s'agissait plus des effets de la petite Extasy mais elle s'en fichait. Depuis combien de temps dormait en elle cette envie de goûter les lèvres du Jensen? Elle n'en savait rien. Ce désir venait de s'éveiller comme après avoir dormi des années dans un vieux sarcophage souterrain et il était affamé. Mais au lieu d'aller au bout de ce baiser tant attendu, Isaac lui demanda d'attendre. Il avait l'air perdu et elle n'était pas assez ivre que pour ne pas remarquer qu'il semblait parler à quelqu'un d'autre qu'à elle. Elle connaissait des pans de son histoire mais pas assez que pour mettre le puzzle en place. Il avait disparu de la circulation locale pendant de bonnes semaines et bien qu'elle se soit inquiétée, elle savait qu'il n'était pas de son ressort de faire quoique ce soit. Tel était le deal: s'il voulait lui parler, il le faisait. Sinon, elle lui fichait la paix. Alors elle le laissa lui filer entre les doigts, se traînant jusqu'au bar où il s'arrêta pour mater Itziar et... ce n'était plus Andy près d'elle. Sage fut surprise. Ils avaient l'air de bien s'amuser pourtant. Elle le chercha des yeux et aperçut une petite asiatique dans ses bras. Pas si étonnant que ça, ça lui ressemblait encore assez bien de passer d'une nana à l'autre avant de rentrer chez lui. Mais elle reporta vite son attention sur Isaac qui regardait l'espagnole et sa nouvelle proie. Elle fut prise d'une légère teinte de jalousie. Il l'avait plantée là pour aller regarder Itziar? Elle appréciait la serveuse mais là... elle lui en voulait presque. C'était d'un puéril! Elle tourna son regard autour d'elle et repéra celui qu'elle avait planté plus tôt, lui adressant un léger sourire sans plus. Mais elle savait que cela suffirait à appâter la bête. Si Isaac la lâchait, elle ne voulait pas rester seule ainsi, elle aurait besoin de chasser toutes les idées noires qui traînaient dans sa tête encore plus que d'habitude. Mais la perspective de passer la nuit avec un homme la laissait froide. Elle détourna ses yeux de son ex-cavalier et sans s'y attendre se retrouva de nouveau face à face avec Isaac qui était revenu plus déterminé que jamais. Sans qu'elle n'ait le temps de comprendre ce qui se passait, le voilà qui déposait avec force ses lèvres sur les siennes et entamait une danse toute nouvelle pour leurs langues qui ne s'étaient jamais fréquentées d'aussi près. Sage avait d'abord été molle dans sa réponse car elle était surprise. Mais quand elle repris ses esprits, qu'elle comprit qu'Isy avait eu un moment d'égarement mais qu'il était revenu vers elle, elle ne chercha plus à savoir ce qui se passait dans sa tête et préféra s'adonner complètement à ce baiser. Doux mais fort, c'était exactement comme elle l'imaginait. Cependant, Isaac s'écarta d'elle à nouveau et elle s'apprêtait à pester comme une enfant gâtée à qui l'on retirait son doudou quand elle remarqua que ce n'était pas lui qui avait pris ses distances. Le brun qui avait dansé pendant un bref instant avec elle était revenu à la charge, ayant probablement interprété son regard précédent comme une invitation. Isaac ne disait rien, il se contentait de le regarder puis de la regarder elle comme pour lui laisser le choix. S'il fallait faire un choix, il était tout fait. Mais elle n'arrivait pas à se sortir de la tête qu'Isy ne cherchait pas à se rapprocher d'elle, que c'était Extasy qui les rapprochait. Et ne sachant si c'était elle qui poussait le coeur de la brune à s'emballer de la sorte ou si c'était Isaac et lui uniquement, elle hésitait à se lancer dans une aventure d'un soir avec lui. Ils ne l'avaient jamais fait car cela aurait pu être fatal pour leur amitié. De plus, ils l'avaient peut-être déjà fait.

Elle commençait à regretter que cette fichue pastille soit tombée au sol. Cela aurait été bien plus facile si elle avait complètement perdu le contrôle de ses pensées, si elle avait pu se laisser guider par autre chose. Elle fit volte-face et laissa les deux hommes à leur sort. Elle ne comptait pas choisir. Choisir c'était mettre un terme à un possibilité. Elle n'avait aucunement envie de l'autre. Mais elle ne connaissait pas les envies d'Isaac et elle ne voulait pas les provoquer. La drogue était là pour ça. C'était à lui de suivre les instincts qu'elle lui dictait en se propageant dans son sang. Elle retourna au bar et un barman mignon fit irruption quelques secondes plus tard, se précipitant pour la servir. "Trois shots" murmura-telle au creux de son oreille. Cela le fit frémir et elle savait qu'elle avait dû le chatouiller en lui parlant de si près. Il rapporta les shots et elle les aligna sur le comptoir sans se poser de question. Un. Celui-là c'était pour se lancer. Deux. Celui-là c'était pour le courage. Trois. Elle le sentit lui arracher la gorge et elle soupira en se retournant vers la piste de danse. Celui-là était pour Isy. Mais ils n'avaient pas encore fait suffisamment effet pour qu'elle se lance aussi vite à sa poursuite. Intérieurement, elle sentait sa tête lui crier que c'était mal de se laisser aller à ce désir. Il leur faudrait beaucoup de temps pour s'en remettre. Elle se lança sur la piste, rattachant le bas de son top par dessus son col, dénudant de la sorte son nombril et se laissa aller au son de la musique. Elle se laissait dériver par la mélodie entraînante, pas l'alcool qui tout doucement commençait à lui donner chaud et mal à la tête. Elle avait une endurance exceptionnelle mais ce soir elle avait déjà bien bu avant l'arrivée des autres. Les corps s'entrechoquaient entre plusieurs coups de hanches, elle sentait certaines fesses frôler les siennes et elle se perdait ainsi dans la foule jusqu'à croiser un regard qui l'immobilisa. Il n'était pas loin d'elle, il avait toujours cet air de chien fou et il était plus sexy que jamais. Elle ne bougeait plus et pourtant un jeune homme d'une vingtaine d'années s'était posté devant elle, tentant de la faire bouger avec lui. Mais elle regardait Isaac et uniquement lui. Parce qu'au final, ce soir, son choix elle l'avait fait à partir du moment où elle l'avait suivi pour le surprendre avec des cachets dans la main. Jamais elle ne partait à la poursuite de quelqu'un. Ce soir, sans qu'elle ne sache pourquoi, elle avait choisi Isy. Et c'était à lui de faire un choix. Le gamin dansait autour d'elle et elle baissa ses yeux vers lui avec cet air interrogatif qui envoyait du mépris à gogo. Il se le prit en pleine face et finit par décamper. Elle releva alors les yeux vers celui qu'elle considérait comme un ami.

Le mec est plutôt hot, il faut dire ce qui est. Certes il est sans doute un peu plus vieux que les mecs vers qui elle va en général, mais à ce stade, elle s'en fiche un peu. Elle est là pour s'amuser, il est beau gosse. C'est tout ce qui compte sur le moment. Tant qu'il ne commence pas à être un peu creepy, il ne devrait pas y avoir de problème. Bon, certains auraient sûrement trouvé creepy qu'il s'intéresse à elle, mais franchement, c'est le 21è siècle, à un moment, il faut évoluer un petit peu non ? Itziar n'a donc pas hésité une seule seconde avant d'entrainer Andy avec elle pour aller danser avec cet inconnu, qui n'en resterait pas un pour très longtemps. Elle ne perd pas de temps pour aller se coller contre lui à peine arrivée. Elle verra plus tard pour les civilités, en boite les codes sont bien différents d'ailleurs, c'est ça qui rend les rencontres bien plus faciles. Ce n'est pas forcément glamour, mais ça ce n'est pas vraiment ce qui importe le plus dans un contexte comme celui-là où il y a fort à parier que toutes les parties ont bu plus d'un verre de trop. Elle et Andy on le rythme dans la peau, le mec, un peu moins. Ce n'est pas non plus rédhibitoire. Tout le monde ne sait pas danser. Ce n'est pas un problème, elle n'était pas forcément là pour participer à un concours de danse. Loin de là même. Elle était plutôt venue pour se frotter langoureusement contre celui ou celle qui aurait attiré son attention le premier et pour le coup, c'était ce mec-là. Josh, d'après ce qu'il lui dit à l'oreille. "Izzie." lui répond-elle, ne prenant même pas la peine de lui donner son prénom. Avec le bruit de la musique, il n'aurait rien compris et surtout il y avait de grandes chances qu'il l'ait oublié demain matin dans tous les cas. Pas besoin de se fatiguer et répéter quinze fois, pour rien au final. Est-ce qu'elle reverra ce mec après ce soir ? Non probablement pas, donc aucune raison de faire des présentations étendues.

Dans ce trio enflammé, il y a du contact, elle ne saurait même pas dire qui de Andy ou de Josh est en train de la toucher et ou. C'est loin de lui déplaire. Elle profite du moment et de la musique. Ses mains se baladent sur le corps de Josh, pour ce qu'elle touche, il a l'air plutôt bien foutu, le dad bod' ça a clairement pas l'air d'être un truc qu'il connait. Il est plutôt musclé. Ca compense bien pour ses moves pas forcément parfait. Il s'excuse pour ses daddy moves comme il dit. Ca la ferait presque rire au final, car elle s'en fiche comme de sa première culotte sur le moment. "T'en fais pas, j'ai vu pire." Lui répond-elle en toute honnêteté. Ce n'est même pas pour le flatter, mais même s'il n'a peut-être pas le rythme dans la peau, il ne se débrouille pas trop mal non plus. Pas besoin de s'excuser, surtout que vu la quantité d'alcool qu'elle avait ingéré un peu plus tôt dans la soirée, il y avait fort à parier qu'elle n'était pas forcément au top de ses moves non plus. Ils étaient donc moyens ensemble. C'était déjà mieux que rien. Elle ne sait pas trop si Andy s'est senti exclu, s'il a vu quelqu'un d'autre ou quoi, mais il vient lui déposer un bisous sur la joue avant de lui souffler de baiser le type pour lui. Ca la fait sourire et elle lui pince gentiment le côté avant qu'il s'en aille. Il lui avait déjà dit qu'il n'était pas trop plan à trois, ça avait peut-être un rapport. Enfin, elle n'avait pas franchement le temps de cogiter trop longtemps puisque le départ d'Andy avait rendu le mec tout de suite un peu plus entreprenant. La main qu'il avait posée sur sa taille s'était vite retrouvée sur ses fesses et il l'avait rapprochée un peu plus de lui. Il n'avait peut-être pas les meilleurs moves du monde, mais il savait ce qu'il voulait en tout cas. Itziar, elle, avait complètement oublié que ses amis étaient quelque part dans la boite, complètement emportée dans son coller serrer enflammé.

Cette asiat’ est carrément à ton goût. Elle bouge beaucoup trop bien, ça t’excite pas mal. Elle te touche pas mal et tu le lui rends bien. Vous dansez sensuellement au rythme des musiques. Ses lèvres t’effleurent à plusieurs reprises et tu te dis que tout ça ne laisse pas de surprise à la suite de la soirée. Ou du moins, tu l’espères. Parce que ouais, ça te chauffe pas mal tout ça.

T’as toujours un oeil sur Itziar à côté et avec le mec ils ont l’air de s’en donner à coeur joie aussi. T’es content de voir qu’au moins un de vous deux va pouvoir s’amuser avec ce beau gosse. Toi ce sera une fille pour ce soir. Sachant qu’elle bouge aussi bien sur le dancefloor, t’aimes bien t’imaginer qu’elle saura faire des choses avec ses hanches aussi quand vous serez tous les deux dénudé.

Les minutes filent et t’es toujours là avec l’asiat’, Tia de son petit nom ou surnom. Elle te l’a soufflé à l’oreille. T’as pas bu des masses ce soir, mais tu sens que t’es quand même dans un petit état d’euphorie. Peut être que la bonne musique qui passe y est pour quelque chose. Cette meuf qui te colle au corps depuis une demi heure aussi.

Tu proposes d’aller boire un verre mais elle préfère partir. Tu comprends par là qu’elle parle de vous deux et pas seulement elle. T’es opé. Tu passes pas loin de Itziar, glisse un bras dans son dos pour attirer son attention et tu lui glisses quelques mots à son oreille.

« Je file. On s’appelle. »

Et te voilà dehors avec Tia qui a apparemment encore envie de danser, même sans musique. Ca te fait kiffer, tu joues le jeu avec elle, dans la rue. Ca fini avec des baisers qui ne laissent pas trop place  au doute quant à ce que vous voulez tous les deux pour la suite…

Sous la pluie, sous le vent, mon cœur s’agite, est-ce que t’entends ? Sous la pluie, au fil du temps, mon corps s’épuise, est-ce que tu sens ?

L'appréhension s'évaporait, conviant la béatitude en son lieu. Un sentiment d'invulnérabilité me saisissait et accompagné de Sage, je me permettais de brûler ces ponts récalcitrants me ressassant sans arrêt les derniers drames de mon existence. La distance se réduisait dangereusement entre nous, jusqu'à ce que ma conscience, en un éclair, me joue sournoisement des tours et me prie de m'éloigner de ma partenaire de la soirée. Les méandres de la femme que j'avais le plus aimée au cours de ma vie secouait mon esprit, tiraillait mon estomac, de manière à ce que je balayais la boîte de nuit agitée des yeux, à la recherche d'une échappatoire. Je constatais le changement de cavalier d'Itziar et baladais mes pupilles d'un visage à un autre, mémorisais la diversités de traits et expressions, brouillant les pistes de ce que je peinais à considérer révolu : l'encre de Chloe encore fraîche sur ma chaire.

Je passais une main sur mon front et tournais promptement les talons pour rejoindre l'ancienne journaliste. Sans retenue ni cérémonie, n'obéissant plus qu'à mes désirs instantanés, mes lèvres se posèrent contre les siennes, ouvrant ensuite le bal vers une valse langoureuse. Cette dernière se fit interrompre par la jalousie d'un autre homme et tandis que la Daniels prenait connaissance de la situation, je la vis se dérober vers le bar, rejetant toute responsabilité de son apparent succès. Un fin sourire étira mes lippes, amusé de la situation autant que la brute qui nous avait séparés semblait vexée. Une poignée de secondes plus tard, le collègue qui m'avait offert un ticket direct vers l'épanouissement me déblatérait un véritable charabia dans mon oreille auquel j'étais inapte à en tirer le moindre sens. Conciliant, j'acquiesçais irrégulièrement, ma vue enregistrant néanmoins les scènes de mes camarades nocturnes : Andy quittant les lieux avec une jeune femme, Itziar aux prises avec un homme plus âgé aux gestes relevant d'une autre génération, Sage absorbant une nouvelle dose d'alcool. Pour ma part, bien qu'un sourire perpétuait sur mes lèvres, j'avais entièrement conscience du fait que si je fermais les yeux plus de quelques secondes ou m'asseyais quelque part, je risquais de sombrer misérablement dans les bras de Morphée. Je me tenais sur un fil, à mi-chemin entre la perte de conscience et celle de connaissance.

Un classique envahit les murs de la boîte et des vagues de fêtards inhibés se créèrent. Des masses bras-dessus bras-dessous firent vibrer davantage le sol dans leurs bonds répétitifs et de temps à autres, je croisais le regard de la trentenaire. Le cœur martelant sauvagement ma poitrine, j'inspirais profondément une fois la chanson achevée et retrouvais mon chemin vers Sage. A sa hauteur, je questionnais : "Tu veux aller ailleurs ?" Je plantais mon regard dans le sien, les milliers d'alternatives pouvant prendre place à l'extérieur de l'établissement distrayant m'attirant insatiablement.

Les lumières de l'espoir s'éteignent dans nos yeux,
Les foudres de l'amour ne nous viennent pas des Dieux,
Toi et moi, ce n'est pas pour un mieux,
Toi et moi, c'est un nouvel enfer à deux.

Tout tournait dans sa tête. Avait-elle vraiment envie de faire un choix? Faire des choix, c'était forcément renoncer à quelque chose. Et ce qui la bloquait, c'était ce dilemme: renoncer à une éventualité avec Isy... ou s'y risquer mettre tout sur la table, prenant ainsi le danger de son côté et permettant au sort de tout lui enlever par la suite. Elle n'avait pas vu Andy partir, elle ne s'attardait pas sur Itzi et son beau mâle qui lui fredonnait des choses à l'oreille, elle était juste concentrée sur Isaac qui l'avait plantée 20 secondes plus tôt et qui maintenant lui avait imposé une décision qu'elle ne voulait pas prendre. Pourtant, quelques minutes plus tard, elle retombait à la case départ. Elle avait fui les deux hommes mais sans réellement se décrocher d'Isaac. C'eut été mentir que d'affirmer qu'elle ne le désirait pas ardemment. Car la pilule qui ne s'était pas suffisamment dissoute lui brûlait tout de même les lèvres, tout comme celles d'Isaac l'avaient fait quelques instants auparavant.

Devant lui, totalement désarmée face à cette prise d'initiative qui ne lui ressemblait pas, elle s'immobilise. "Pourtant tu l'as cherché ma belle." lui souffle une voix intérieure. Oui, depuis un moment, ce soir, elle a cherché à allumer celui qu'elle considère comme étant un de ses meilleurs amis. Et elle regrette un peu de l'avoir tant chauffé pour maintenant se demander si elle ne devrait pas se désister. "Je ne suis pas certaine que cela soit bien judicieux..." lui souffle-t-elle à l'oreille, hésitant encore sur la voie à prendre. Et alors qu'elle s'apprêtait à lui dire qu'il ferait mieux de proposer cela à une autre, alors qu'elle allait se fendre le coeur en le repoussant... deux mains enlacent son ventre par derrière. Une étreinte banale venant du quidam de tout à l'heure. Rien qui ne devrait la faire sortir de ses gongs mais son coeur s'arrête. Ce petit goût d'extase et ces mains sur son corps sans s'y attendre, cette pression inattendue sur son ventre, cela la propulse instantanément en Irak. Elle ressent l'haleine âcre de son preneur d'otage, revoit son sourire qu'elle ne pouvait qu'imaginer car il était derrière elle et ressent avec violence l'angoisse sucrée par la drogue qu'elle avait éprouvée à l'époque. Elle défait les mains du gars d'assez mauvaise humeur et s'enroule dans les bras d'Isaac. "Mais je n'ai pas envie d'être raisonnable ce soir..." Elle jette un coup d'oeil avec un regard noir vers celui qui l'a propulsée vers Isaac avant de finir par dire plus gentiment à son ami "...on va où tu veux, je te suis." Puisqu'il est d'humeur à jouer avec le feu, elle préfère le laisser décider de tout. Que cela ne soit pas de sa responsabilité s'ils déconnent grave. Qu'ils aillent casser des vitres dans un magasin ou qu'elle finisse nue dans son lit, elle ne veut pas y réfléchir. Elle prend sa main qu'elle dépose sur sa clavicule avant de pencher son cou tout en le regardant.

Elle s'éloigne un peu de lui et sans lui prendre la main s'éloigne, l'invitant d'un simple regard à la suivre hors de la boîte de nuit. Ils passent près d'Itzi et alors elle lui adresse un petit sourire avant de lui glisser à l'oreille de sorte qu'Isaac ne les entende pas "Amuse-toi bien, moi je ramène Isy chez lui." sous-entendant que c'est amical et rien d'autre. Parce qu'elle ne veut pas qu'il y ait de regards sur eux, elle ne veut pas qu'on se fasse des idées car ... au final, elle ne sait même pas si elle ne va pas juste prendre ses jambes à son cou. Elle regrette soudainement de ne pas avoir avalé l'extasy quand elle était dans sa bouche. Elle regarde autour d'elle à la recherche de Dylan, lui il a toujours quelque chose à refourguer mais non, elle ne voit personne. Une fois dehors, l'air frais lui frappe la joue avec force et elle se souvient qu'ici on n'est pas vraiment en phase estivale. Elle ne va pas pouvoir traîner pendant des heures en petite tenue de discothèque. Elle dévisage Isy avec insistance avant de venir près de lui, sans trop savoir ce qu'elle fait et pourquoi, et de l'embrasser lentement au coin des lèvres. C'est lascif et envoûtant. Elle se détache un peu de lui avant de lui dire "Allez chien fou, emmène-moi!"

La soirée a pris une tournure un peu différente que ce qu'Itziar avait imaginé pour le coup. Déjà elle n'avait pas prévu de croiser Isaac et Sage ce soir, ça avait déjà été une drôle de surprise, surtout pour ce qui est de cette dernière, mais soit. Brisbane et sa vie nocturne, avait toujours quelque chose d'inattendu à offrir. Elle ne s'attendait pas non plus à laisser Andy pour aller danser avec un mec ayant au moins quinze ans de plus qu'elle. Là encore, Brisbane et sa vie nocturne. Au final tout cela pouvait sembler un peu décousu, mais elle passait une bonne soirée, malgré l'épisode Sage, qui d'ailleurs était déjà oublié. Elle était dans son truc. La musique, Josh, l'ambiance. Franchement, pour le coup elle n'avait pas besoin de grand-chose pour profiter du moment.

C'est Andy le premier à quitter la boite, il s'approche d'elle et lui glisse un bras dans le dos pour attirer son attention, lui glissant à l'oreille qu'il s'en allait et qu'il l'appellerait. Pas de soucis. Elle a l'occasion de voir qu'il n'est pas seul d'ailleurs, c'est bon lui aussi va surement passer une bonne fin de soirée. Le contraire l'aurait d'ailleurs étonnée. Elle avait bien vite compris qu'il était du genre coureur comme mec, en même temps il avait une belle gueule, autant en profiter. En profiter, c'est visiblement aussi ce que Sage allait faire. Du moins c'est ce que la jeune espagnole en déduit quand l'américaine vient à son tour lui glisser quelques mots à l'oreille. Enfin elle lui dit simplement qu'elle le ramène chez lui, mais bon, Itziar n'est pas née de la dernière pluie et elle sait bien comment ce genre de choses finissent. Il n'y a donc plus qu'elle, seule rescapée de la team des fêtards du samedi soir. Josh a l'air toujours partant pour danser. Ce n'est pas le meilleur danseur, mais il fait de son mieux. Ca convient très bien à Itziar sur le moment. Ses mouvements à elle ne sont pas les meilleurs non plus ce soir, alors en soi, ils sont moyens tous les deux et c'est déjà pas mal.

Ils dansent encore un bon quart d'heure, jusqu'à ce que le DJ laisse sa place à un autre, beaucoup moins bon. Le mec a réussi à tuer l'ambiance en dix secondes de musique. Ils étaient dans une bonne vibe, maintenant on partirait presque sur un slow bien ringard. Pas forcément le genre de Itziar qui voit ça comme une opportunité de décaler la soirée ailleurs. "Tu veux aller ailleurs ?" demande t-elle à son partenaire d'un soir qui ne perd pas de temps avant d'acquiescer et de l'emmener vers la sortie.