"Les lunes changent, les soleils renaissent, les gens rentrent chez eux, ... mais les abîmes de ton âme restent."

Affalée sur le comptoir, Sage cuvait silencieusement. Elle avait passé son temps à danser et à venir faire le plein auprès de sa barmaid préférée. C'était assez drôle d'ailleurs car depuis qu'elle savait qu'Itziar était intéressée, Sage avait adopté un comportement assez différent. De l'extérieur rien n'était perceptible. Mais intérieurement, elle savait qu'elle jouait avec le feu et surtout avec le coeur de la jolie espagnole. Etait-elle cruelle? Elle ne se pensait pas réellement méchante. Car jamais elle ne laissait d'espoir à la blonde. Si elle la titillait subtilement sans laisser transparaître qu'elle connaissait son penchant pour elle, elle lui montrait tout aussi clairement son propre intérêt pour la gent masculine.

Ainsi affaissée, Sage respirait l'air ambiant avec difficulté. Elle était fort proche du coma éthylique et c'était logique quand on savait le nombre de fois qu'elle avait demandé à être resservie. Mais contrairement au commun des mortels qui était totalement déchirés quand ils s'approchaient de la mort, ou totalement inertes... Sage était docile mais stable. Elle avait presque l'air humaine dans ces cas-là. Elle savait qu'elle frôlait la mort de près et elle adorait ça. Ce danger, cette forme d'incertitude quant au lendemain à venir. Itziar rangeait la vaisselle cassée et Sage soupira "Itzi, Itzi, Itzi..." Elle ne dit rien de plus, juste son surnom à trois reprises comme une incantation faite à une grande déesse qu'on gronde légèrement de ne pas comprendre notre mal-être. Elle releva la tête pour planter son regard brun dans celui d'Itziar et sourit en même temps. "Je devrais m'en aller maintenant je suppose." Le vide de l'endroit contrastait avec les habitudes de Sage. Elle n'entrait que dans les locaux bondés, ceux où elle pouvait rayonner et où elle pouvait chasser du mâle sans vergogne. Elle ne faisait jamais la fin des soirées tout simplement parce que d'usure elle repartait avec quelqu'un avant que l'on ne sonne l'heure de fin des festivités. Avec un éclair de malice dans le regard, elle demanda à la serveuse "Mais la question est : veux-tu que je m'en aille?" En vérité, elle avait besoin d'un moment pour récupérer sa capacité à marcher droit. Mais elle préférait imputer son temps de convalescence à l'envie d'Itziar de rester en sa compagnie. Ses yeux pétillaient tandis qu'elle détaillait toutes les réactions de sa comparse. Elle avait beau être ronde comme un baril, elle n'en perdait pas le nord.

Il est plus de 4h du matin. Josh a déjà quitté le navire, il a passé la serpillère dans le bar et nettoyé toutes les tables puis il est parti. Itziar a gentiment fait comprendre aux clients qui restaient qu'il était l'heure pour eux soit de rentrer chez eux, soit de décaler leur soirée en boite, car elle, elle comptait bien fermer le plus rapidement possible. Elle avait eu sa dose de travail pour la soirée et n'avait qu'une envie : rentrer chez elle et retrouver son lit. Par chance, le bar était vide, enfin à l'exception d'une seule personne : Sage. Sage qui n'avait pas l'air de vouloir quitter les lieux, d'ailleurs elle avait visiblement décidé que le comptoir du bar étaitl'endroit le plus confortable de la terre. Elle n'était pas endormie, mais c'était comme telle. Elle semblait avoir fait abstraction de tout bruit environnant et malgré le fait que la musique paraisse beaucoup plus forte, maintenant qu'il n'y avait plus le brouhaha des clients, ça ne semblait absolument pas déranger. Itziar devrait probablement lui dire de partir. C'est ce qu'elle aurait fait sans gène avec n'importe qui. Sauf que Sage n'était pas n'importe qui, non, Sage c'était la nana qui faisait perdre absolument tous ses moyens à la jeune espagnole qui n'arrivait honnêtement pas à expliquer comment cette femme pouvait avoir autant de pouvoir sur elle. Si elle avait pu, elle se serait mise des claques pour ça. Fantasmer sur une fille hétéro, c'est clairement une erreur de débutante et elle sait quand même mieux que ça. Pourtant, elle ne l'avait même pas vu venir. La première fois qu'elle avait croisé la jeune femme au bar, son coeur c'était emballé et elle avait su que c'était fini. Elle s'était fait une raison, elle savait parfaitement qu'il ne se passerait jamais rien, mais elle ne pouvait rien faire contre l'influence que Sage avait sur elle. La plupart du temps, elle restait sans mot. Sage a envie de passer derrière le bar se servir un verre ? Pas de problème. Elle veut monter sur le comptoir pour danser ? Pas de problème non plus. Itziar ne trouve jamais la force de lui dire quoi que ce soit. C'est malheureux, mais c'est vrai.

A croire que Sage lis dans ses pensées, au moment où elle s'apprête à l'interpeller, cette dernière l'appelle à plusieurs reprises. "Oui ?" demande t-elle, pas vraiment sûre de ce que la jeune femme va bien pouvoir lui dire dans son état d'ébriété plus qu'avancé. Est-ce qu'elle devrait s'en aller ? Oui ce serait préférable et fortement apprécié par Itziar qui d'un, pourrait fermer le bar et rentrer chez elle pour se coucher et de deux, ça lui éviterait très certainement aussi de passer pour une imbécile, amoureuse transie, appelez ça comme vous voulez. Itziar dirait juste imbécile, car elle a beau avoir un crush sur la jeune femme elle n'est pas non plus amoureuse d'elle, n'exagérons rien. Même si elle ne pouvait absolument pas nier le fait que lorsque Sage venait planter son regard dans le sien comme elle venait de le faire, ça avait le don de la déstabiliser et de lui faire perdre son latin. "Euh ben ... oui ... Le bar est fermé en fait." Ca malgré son état, elle était certainement au courant puisqu'il n'y avait plus personne dans le bar, ce n'était pas compliqué de faire le rapprochement. Elle ne voulait pas la contredire, comme si elle avait peur qu'elle se vexe. C'était idiot, elle le savait, mais c'était au-dessus d'elle. Itziar ne s'attend pas non plus à la question qui suit. Question qui lui semble sortie de nulle part. Pourquoi Sage pense qu'elle voudrait qu'elle reste, jusqu'à preuve du contraire elle n'est absolument pas au courant de ce que la jeune espagnole ressent pour elle. "Je ... Je m'en fiche." Parvient elle à dire. C'est faux cependant, mais à vrai dire elle est partagée. Partagée entre vouloir que la jeune femme reste pour passer du temps avec elle et vouloir qu'elle s'en aille, histoire qu'elle puisse souffler et que son coeur arrête de battre la chamade chaque fois que son regard se pose sur elle. Elle n'est vraiment pas fan de la situation c'est le moins que l'on puisse dire. "Pourquoi tu me poses cette question ?" elle se braque légèrement, bras croisés sur sa poitrine. Elle est sur la défensive, elle ne sait pas trop pourquoi, mais elle se sent vulnérable fasse à cette question. Est-ce que la jeune femme sait ? C'est bien la dernière chose qu'elle veuille. Elle est mal à l'aise et ça se voit, elle attrape le premier verre à sa portée et l'essuie avec un torchon, comme pour faire diversion et penser à ce qu'elle peut bien lui dire pour faire tourner la situation en sa faveur. C'est compliqué. "Tu veux que je t'appelle un taxi pour rentrer chez toi ?" Quelle meilleure solution que de la faire partir en fait ? "Après si tu veux rester je veux bien rester un tout petit peu plus longtemps, le temps que tu reprennes tes esprits." Non elle n'a pas envie de rester plus longtemps, mais qu'est ce qu'elle ne ferait pas pour ne pas contrarier Sage la déesse vivante.

"Les lunes changent, les soleils renaissent, les gens rentrent chez eux, ... mais les abîmes de ton âme restent."

Pourquoi Isy lui avait-il dit qu'Itziar en pinçait pour elle? Sage n'en savait rien. A vrai dire Isaac n'avait rien dit de tel. Mais à force d'essayer de la rapprocher de l'espagnole, Sage avait fini par capter quelque chose. C'était forcément quelque chose en rapport avec une quelconque attraction au vu de tous les à propos qu'il avait faits. Sage avait tenter d'en apprendre plus et il s'était contenté de sourire avec ce faciès qui en disait long. Au début, elle pensait qu'il cherchait juste à la faire tourner en bourrique. Elle l'avait même envoyé bouler en lui disant clairement qu'il était lourd avec ses conneries. Une femme pouvait être sympa avec une autre sans pour autant vouloir se la taper. Mais elle comprit assez vite qu'elle se voilait la face. Sage avait le don pour repérer quand elle plaisait à un homme. Si l'attirance d'Itziar lui avait échappé, c'était uniquement parce qu'elle n'y avait pas fait attention. Mais depuis qu'Isy en avait parlé, c'était devenu plus clair. La jeune blonde ne le montrait pas tant que ça non plus. Ceci dit, pour une chasseuse comme la Daniels, le doute s'était nettement amoindri. Et depuis, elle n'avait de cesse de montrer ses dents à celle qui semblait roucouler en la voyant. Ce qui était malsain, c'était que Sage appréciait Itziar. Etre aussi fourbe avec quelqu'un qu'elle ne détestait pas, ce n'était pas inhabituel mais c'était délicat car elle devait trouver un juste milieu entre son envie de la provoquer et son désir de ne pas trop la pousser à bout non plus. Car quand on joue avec les pieds de quelqu'un, il existe toujours un risque... c'est que le principal intéressé finisse par ne plus trouver cela drôle.

Elle lui répondit que le bar était fermé et Sage haussa les épaules "C'est d'une évidence." Son ton était presque cassant, diminuant instantanément son interlocutrice. Mais elle se radoucit un peu lorsqu'il fut question de savoir si Itziar voulait qu'elle parte. C'était prétentieux de sa part mais c'était du Sage tout craché. La barmaid répondit qu'elle s'en fichait et Sage s'abstint de la regarder avec circonspection. Il ne fallait pas qu'elle éveille ses doutes non plus. Le charme du jeu était qu'il demeure inconnu. Mais Itziar aurait voulu savoir pourquoi elle posait pareille question. Elle avait brûlé une cartouche, il fallait maintenant être vigilante. "Parce que tout être normalement constitué paierait pour m'avoir en sa compagnie un peu plus longtemps!" elle hoqueta sur la fin de sa réponse mais parvint à lui faire un clin d'oeil plein d'humeur en finissant sa phrase. Elle venait de noyer le poisson avec sa fausse,arrogance habituelle.  

Les bras croisés sur la poitrine, Itziar avait analysé son amie. Mais Sage ne se faisait pas trop de mouron. Les doutes se dissiperaient avant d'avoir pu germer. Au lieu de continuer à interroger la brune, Itzi préféra se protéger en suggérant un taxi. "Si tu veux te débarrasser de moi, ok." Toujours ce sourire fourbe sur les lèvres. Elle regarda autour d'elle à la recherche d'un verre ou autre chose à se mettre sous la dent mais Itzi avait déjà tout rangé du comptoir. "Et si on rentrait chez toi plutôt? Ca me ferait trop bizarre de me réveiller dans mon lit après une cuite pareille. Puis comme ça, tu pourras rentrer te coucher." Elle prit son sac et l'enfila sur son épaule comme si Itziar avait déjà accepté. "Promis je serai sage, je ne te toucherai pas." Elle parlait naturellement cette fois, sans même prendre garde à ce qui sortait de sa bouche. "Puis en plus on pourra apprendre à se connaître comme ça. Paraît qu'il n'y a rien de plus liant qu'une nuit à deux sans sexe." Elle tituba jusqu'au bout du bar et rajouta sournoisement "Enfin, j'en sais rien parce qu'avec moi, ça finit toujours avec du sexe." Son rire s'envola tel un oiseau dans le local désormais vide. "Tu viens?"

Bien sûr que c'est une évidence que le bar est fermé, mais c'est tout ce qu'Itziar avait trouvé à dire sur le moment. Elle ne relève même pas le ton légèrement cassant de la jeune femme, chose qui ne serait pas passé avec quelqu'un d'autre. C'était là tout le problème d'Itziar avec Sage, elle était faible. Elle ne peut s'empêcher de rire quand l'américaine lui dit que n'importe qui paierait pour passer du temps en sa compagnie. Itziar ne pouvait pas la contredire, elle était plutôt d'accord avec elle en fait. Ca elle ne lui dirait pas, bien sûr. "Pourtant, on peut pas dire que tu sois d'une très grande compagnie dans cet état." lui rétorque t-elle, étonnée par son honnêteté.

Est-ce qu'elle essaye de se débarrasser d'elle ? Oui un petit peu, il fallait l'avouer. "J'ai jamais dit ça !" s'empresse t-elle de rétorquer. Non, s'il y a bien une chose qu'elle ne voulait pas (outre le fait que Sage découvre qu'elle en pinçait pour elle, bien sûr) c'est que Sage pense que la jeune espagnole voulait se débarrasser d'elle. C'était plutôt tout le contraire, mais pour son bien personnel, il était clair qu'il valait mieux que l'américain s'en aille. Pour son plaisir, en revanche, bien sûr qu'elle préfèrerait la voir rester. Ca par contre, elle se garderait bien de le lui dire, ce serait avouer des choses qu'elle ne comptait pas avouer demain. Des choses qu'au final elle ne comptait jamais avouer. Quand Sage lui dit qu'elles ont qu'à aller chez elle, Itziar est contente de ne pas être en train de boire sur le moment, car elle se serait étouffée à coup sûr. A défaut, son coeur s'arrête de battre l'espace d'un instant et c'est comme si on lui avait enlevé tout l'air qu'elle avait dans les poumons. Il n'y a d'ailleurs pas de doute quant au fait qu'elle a dû rougir en une seconde à cette proposition. "Je crois que t'as bu un verre de trop" Lui dit-elle. C'est son échappatoire, ou du moins, sa solution temporaire le temps de trouver quoi répondre. Pour gagner du temps elle remplit d'eau le verre qu'elle avait dans la main avant de le déposer devant Sage. "Bois ça." Lui dit elle et elle se surprend par la fermeté du ton qu'elle emploie. Elle sait qu'elle va devoir répondre, Sage ne la laissera pas s'en tirer comme ça, même avec quatre grammes dans le sang. "Euh ..." Elle se racle la gorge, premier essai : loupé. Dire qu'elle est prise de court serait peu dire. Elle n'a même pas encore réussi à formuler une quelconque réponse que Sage a déjà mis son sac sur son épaule, prête à partir. "Attend, attend." Bon pas forcément mieux, mais on avance. "T'es sérieuse ?" Il y a de quoi se poser la question. "Ca me dérange pas, mais t'es sûre que tu préfères pas rentrer chez toi ?" Un peu que ça la dérange pas. Ca pourrait être l'occasion d'avoir Sage dans son lit, enfin, en tout bien tout honneur, mais quand même. Sage, dans son lit. Elle était partagée entre la terreur et la joie face à cette idée. Elle ne devrait pas accepter. Elle le savait très bien, mais elle était comme une poupée de chiffon entre les mains de Sage et cette dernière pouvait faire de la jeune espagnole, absolument tout ce qu'elle voulait et ça incluait s'incruster dans son lit à quatre heure du matin, complètement torchée. Quand Sage dit qu'elle promet de ne pas la toucher, c'est une partie de son coeur qui se brise en mille morceaux, dans n'importe quelle autre situation elle aurait trouvé une réplique piquante à rétorquer. Avec Sage, rien ne lui vient et il n'y a rien de plus frustrant pour elle. Ce n'est pas elle. Elle n'est pas la fille qui se laisse impressionner si facilement, sauf ... par Sage. "Merci, je suis rassurée de le savoir." C'est nul, mais c'est tout ce qui lui vient, Sage la transforme en une autre personne, une inconnue qu'elle n'aime pas particulièrement. Elle se fit que ça finira bien par passer. "Tu me dis que tu me toucheras pas et après tu me dis qu'avec toi les nuits finissent toujours avec du sexe. Je sais pas quoi penser, clairement." Non, elle ne se fait pas de fausses idées, même si c'est plutôt dur. Heureusement que l'état de la jeune femme est là pour lui rappeler qu'elle n'est clairement pas en état et que ce qu'elle raconte est seulement l'alcool qui parle. Loin d'elle l'idée que Sage se joue d'elle. "T'as vraiment beaucoup trop bu je pense." Oué elle trouve ça utile de le préciser de nouveau. Sage insiste, elle veut y aller, elle n'a pas l'air de vouloir changer d'avis. Cette soirée semble donc avoir pris une drôle de tournure. "Ok ..." Finit elle par dire dans un soupir. "Tu peux venir chez moi." Elle a clairement lâché l'affaire, comme à chaque fois que Sage a quelque chose en tête. Là elle a bien envie de se mettre une grosse claque pour l'erreur monumentale qu'elle vient de faire. "Je te préviens, je suis crevée, donc tu jacasses pas pendant 3h ok ? Sinon j'appelle un taxi pour te renvoyer chez toi." Tout ça n'était que des mots, elle savait pertinemment que si Sage avait envie de faire la conversation, elle ferait la conversation avec elle et qu'elle ne la renverrait pas chez elle en taxi, Sage devait le savoir aussi, mais Itziar avait besoin de se convaincre. "Par contre, faut que je compte la caisse encore, donc rassied toi sur le tabouret." Oué, car malgré Sage, elle avait quand même un travail à terminer.

"Les lunes changent, les soleils renaissent, les gens rentrent chez eux, ... mais les abîmes de ton âme restent."

Elle savait qu'elle pouvait faire mal. A vrai dire, Sage était habituée à briser les hommes qui avaient la folie de s'attacher à elle. Elle avait même brisé un mariage. Elle n'était pas toujours fière d'elle mais elle aimait prétendre qu'elle n'avait que faire des sentiments des autres. Cela lui donnait une allure moins humaine, comme si elle était faite de marbre ou quelque chose comme ça. Elle avait un coeur de pierre. C'était ce que Robie avait dit d'elle lors du bal de promo. Trop occupée à penser à Charles qui n'était pas là, celui avec qui elle avait prévu de passer cette soirée-là, elle avait rendu dingue son cavalier. Il lui avait craché en partant qu'elle était de pierre, que son coeur avait été taillé dans la roche et que personne ne parviendrait jamais à le faire fondre. Cela l'avait marquée. Non pas parce que Robie était un gars bien, elle n'avait que faire de lui. Mais ses mots avaient été percutants. Depuis, quand cela allait mal, quand elle décollait de sur son nuage d'insensibilité pour un faible espoir, elle repensait à ces mots-là et se rappelait que ses désillusions n'en étaient pas. Elle était tout simplement de pierre donc à quoi bon se torturer avec des cas de conscience ou avec des espoirs inutiles?

Avec Itzi, la question ne se posait même plus. Que cette dernière ait ou non des espoirs sérieux concernant Sage, elle s'en fichait. Il valait mieux qu'elle soit la même avec tout le monde si elle voulait pouvoir garder son cap. Alors jouer le jeu de la vilaine harpie même avec cette gentille demoiselle, c'était normal. "Je t'assure que je suis d'une excellente compagnie dans n'importe lequel de mes états." grommela-t-elle avec mauvaise humeur. Qu'Itziar remette en doute sa compagnie ne lui plaisait pas des masses. Et Sage ne se gêna donc pas pour inverser la tendance en répondant plus tard à Itzi qu'elle cherchait à se débarrasser d'elle. "Ouais ouais, c'est ce que tu dis mais tes actes prouvent le contraire. T'as chassé tout le monde, il ne reste plus que moi. Alors soit je suis la suivante..." Elle regardait autour d'elle puis vint poser ses yeux sur Itziar avec ce côté innocent qu'elle jouait trop bien "...soit tu voulais te retrouver seule avec moi." Elle la pointa du doigt en finissant sa phrase.

"Pas qu'un." fut la seule réponse de Sage lorsqu'elle entendit qu'on lui reprochait d'avoir bu un verre de trop. Elle regarda le verre d'eau posé devant elle et en essuya le contour du bout de son index. "Pfff." fit-elle après avoir reniflé la boisson et compris qu'il n'y avait dedans que de l'eau. Elle ne se fit pas prier cependant et avala le breuvage, bien consciente qu'elle devrait s'hydrater pour faire passer tout l'alcool ingurgité. Ce qui suivit fut nettement plus intéressant. Sage avait lancé une piste à explorer et Itziar était comme coincée. Cela arrivait de plus en plus souvent qu'elle ne sache quoi répondre aux petites taquineries de Sage. Mais après l'hésitation, elle ne put s'empêcher de demander si la brune était sérieuse. "Evidemment que je suis sérieuse!" Son regard était posé, calme et il scrutait chacun des mouvements de sa camarade. "Pourquoi est-ce que je préférerais rentrer chez moi?" Elle arqua un sourcil, feignant de ne pas comprendre la question. Quand on est alcoolisé, il est bien plus facile de jouer aux idiots que lorsqu'on est sobre. C'était ce que Sage aimait le plus. Une fois ivre, elle pouvait jouer tous les scénarios qu'elle voulait et demeurer crédible.

Alors qu'elle se préparait à partir, Sage sourit finement sous ses cheveux en entendant Itzi prétendre qu'elle était rassurée. Et la blonde finit par contredire ce qu'elle venait d'énoncer en s'offusquant de l'incohérence de Sage. "Pourquoi tu devrais penser quoique ce soit Itzi? Laisse-toi vivre et arrête de tout analyser!" Sage trouvait ça extrêmement drôle. C'était le rôle de sa vie. Elle secoua la tête en entendant la barmaid redire qu'elle avait trop bu. "C'est le métier qui veut que tu répètes sans cesse cette bêtise? J'ai bien bu oui mais je suis hyper cohérente et je sais ce que je dis, crois-moi." Elle venait de saisir le menton d'Itziar entre ses phalanges pour la contraindre à la regarder tandis qu'elle parlait. L'alcool excuserait ce geste intrusif. "Yeah!" Ce fut un petit cri de gloire qui fut rapidement rappelé à l'ordre. Mais Sage savait remettre tout ça à son avantage "Tracasse, je sais très bien me passer des mots." Son regard était suggestif à souhaits. Elle aurait dû arrêter de provoquer Itziar mais elle était bourrée à un point que cela lui était égal si cette dernière comprenait qu'elle-même avait compris. Pourtant, elle n'en était pas encore au point de vendre la mèche.

Esquissant une moue enfantine, Sage retomba sur son tabouret. Elle posa son visage dans sa paume tout en analysant Itzi qui faisait ses comptes. Elle se mit ensuite à tapoter sur le comptoir pour lui faire comprendre qu'elle s'ennuyait et la presser. Au bout d'une dizaine de minutes à lui casser les pieds, elle se leva et décreta "Bon, je vais chercher un taxi. Si t'es pas dehors dans cinq minutes, je rentre dormir chez le chauffeur tant pis." Elle partit sans se retourner mais en arrivant près de la porte elle cria "Il te reste quatre minutes maintenant!"  

Oui elle avait viré tout le monde du bar. Ou du moins elle avait viré les quelques personnes qui ne semblaient pas vouloir décoller. Oui elle n’avait pas viré Sage, mais est-ce que c’était parce qu’elle voulait qu’elle reste ? Oui et non. Elle considérait Sage comme une de ses amies maintenant. Une amie sur qui elle en pinçait grave, certes, mais une amie quand même. Elle n’était pas réputée pour mettre ses amis dehors après la fermeture ou du moins pas comme les autres clients. "Ça n’a rien à voir." Lui répond-elle et c’est vrai en partie. Elle n’a jamais viré Isaac, Andy ou même Lazarus du bar quand ils s’attardaient un peu trop. Après il est vrai qu’une part d’elle est contente que Sage ne soit pas encore partie et elle ne s’est pas non plus pressée pour la faire partir d’ailleurs. Est-ce qu’elle allait avouer ça à voix haute ? Bien sûr que non. Jamais. Même sous la torture. "T’es une amie !" Trouve t-elle important de préciser comme si elle avait quelque chose à prouver à Sage. Prouver qu’il n’y avait rien d’autre que ça. Même si en réalité, c’était elle-même qu’elle essayait de convaincre plus que l’américaine.

"J’analyse rien du tout je pose juste une question." Lui répond-elle. Nier ? Meilleure approche qu’elle ait réussi à trouver jusqu’à présent. C’était moche, pas de doute, mais là jeune espagnole n’avait pas trouvé mieux, il allait donc falloir se contenter de ça. Que ça lui plaise ou non. "Si tu le dis Sage, si tu le dis." Blasée ? Peut être un peu. Elle ne saurait même pas expliquer pourquoi. La situation en elle-même, sûrement. Le fait qu’elle se sente complètement idiote face à Sage aussi. Un tout en fait. "Et c’est pas le métier, c’est moi qui pense ça." Elle sait qu’elle a perdu d’avance. Qu’elle n’a aucune moyen de gagner contre Sage. Il n’y a rien à gagner d’ailleurs, là est tout le problème. Elle dégluti machinalement quand Sage lui attrape le menton, la forçant à la regarder dans les yeux. Itziar n’a pourtant qu’une envie sur le moment et c’est celle de fuir le regard de Sage. Malheureusement ce serait se saborder alors elle soutien le regard de la jeune femme, retenant sa respiration sans même s’en rendre compte. Cette femme est quand même encore plus belle de si près. Lorsque la jeune femme lui dit qu’elle n’a pas besoin de mot et qu’elle lui jette un regard des plus suggestifs, Itziar se demande bien comment se débarrasser de son crush pour Sage dans de telles conditions ? C’est juste impossible. À croire que Sage le fait exprès. Pourtant ça n’aurait aucun sens. Non ? Personne ne lui a dit, elle fait confiance à Isaac pour garder son secret à ce sujet. Elle ne lui a jamais vraiment avoué, mais il a deviné. Même si elle continue de nier dès qu’il remet le sujet sur la table. Elle sait qu’il sait et elle sait aussi qu’il ne dira rien. Du moins elle l’espère. "Ça c’est ce qu’on verra" Lui répond-elle avant d’ajouter. "Il va falloir faire mieux que ça déjà." Oui, car là on était plus sur du moulin à paroles qu’autre chose quand même.

Quand Sage lui lâche enfin le menton elle peut recommencer à respirer et reprendre ses esprits. Avec tout ça, la jeune espagnole en aurait presque oublié de faire les comptes, ce qui aurait pu s’avérer être problème de taille. Sage a l’air bien disposée à patienter au début puisqu’elle se repose sur le tabouret sans rien dire. Itziar pouvait donc compter sa caisse tranquillement, abstraction faite de la jeune femme qui la scrutait avec insistance ne manquant pas de lui faire louper un ou deux billets ici et là. Malheureusement le calme ne dura pas bien longtemps et Sage commençait à s’impatienter de nouveau. Pour le faire savoir à Itziar elle commença à tapoter sur le comptoir. "Sage." Soupire t-elle. "Tu m’expliques comment je suis censée compter si tu fais ça ?" Elle aurait pu rajouter quelque chose du genre « sachant que déjà tu me regarde et ça me perturbe » mais elle s’abstient, ça va de soi.  Elle fini par se lever et décréter qu’elle en a marre d’attendre. À la place elle va plutôt appeler un taxi et passer la nuit chez le chauffeur, lui laissant cinq minutes pour sortir. "SAGE !" Lui lance t-elle alors que la jeune femme est déjà en train de sortir du bar. "Putain ! Elle fait chier !" Lâche t-elle en espagnol. Avant de courir derrière elle pour aller la récupérer. Un peu pathétique, certes. Elle était quand même en train de courir après une nana qui ne voudrait jamais d’elle c’était donc assez ironique. "Sage arrêtes tes conneries s’il te plaît." Lui dit-elle une fois dehors "Tu vas pas dormir chez un chauffeur de taxi que tu connais même pas. C’est juste glauque." Contre toute attente c’était l’amie en elle qui parlait et non pas l’idiote avec un crush sur une hétéro qui ne voulait pas louper une occasion de passer du temps avec elle. "Maintenant reviens dans le bar j’en ai pas pour longtemps." Bon il fallait quand même qu’elle recompte sa caisse. Avec tout ça elle ne savait plus où elle s’était arrêtée. "Je t’offre une bière pour patienter si tu veux." Du chantage ? Un peu oui, surtout qu’une bière n’était peut-être pas la meilleure chose à lui faire boire à l’heure actuelle. Aux grands maux les grands remèdes comme on dit. "Allé plus vite tu rentres et plus vite on s’en va." Si ça, ça ne l’avait pas convaincue, qu’elle aille dormir chez un chauffeur de taxi, ce sera pas son problème si elle fini en morceaux dans une poubelle.

"Allez laisse-toi aller, oublie le temps, oublie le vent, respire juste un peu sans te prendre la tête. Mais ne t'oublie pas dans le tourbillon de ta désinvolture"

itziar partait avec un sérieux désavantage. Si elle ne savait pas que Sage était au courant, cela n'en restait pas moins vrai : Sage savait. Et quand on pense notre secret bien gardé, on ne se rend pas toujours compte des jeux que les autres mettent en place pour nous le faire sortir au grand jour. Même si Sage ne cherchait pas réellement cela. Elle voulait juste s'amuser en voyant Itzi galérer à trouver des réponses à des questions sournoises et pleines de doubles sens. Sage ne releva même pas le "T'es une amie!" car il n'était pas intéressant de jouer dessus. Au lieu de cela, elle préférait se concentrer sur le mode répétitif qu'avait cette prétendue amie d'éviter la conversation en lui rappelant qu'elle avait trop bu. "Une question fort personnelle quand même." Et voilà, elle retourne ses propres propos contre la malheureuse qui ne sait plus comment réagir. "Si ce n'était pas une analyse moralisatrice, c'était juste de la curiosité. Tu veux vraiment savoir si je suis bavarde quand je rentre coucher avec un mec?" Elle écarquillait les yeux en feignant d'être choquée par cet intérêt sur sa personne. Or tout le monde savait que Sage s'en fichait qu'on s'y intéresse. Bien qu'elle ait une sexualité épanouie et peu catholique, elle ne s'épanchait pas ouvertement dessus ceci dit. Elle préférait rester discrète dans le domaine. Coucher oui, en parler non. Par contre, ce qu'elle faisait très bien, c'était de sortir tout un tas de bêtises pour noyer le vrai dans le faux. Elle aimait jouer les filles sans vertu qui parlent de tout et en rajoutent même tellement qu'il devient impossible de les croire... à un tel point que l'on s'interroge si elles sont vraiment peu orthodoxes ou si tout est chiqué depuis le début.

"Mieux que ça? Tu veux rire!" Elle roula les yeux et reprit de plus belle "Je parle à peine là!" Elle le pensait vraiment. En règle générale, elle était beaucoup plus bavarde que ce soir- ou matin- là. Et d'ailleurs, à force d'impatience, elle avait fini par agacer Itzi qui le lui fit savoir. "Quoi?" Sourire innocent et regard de biche légèrement trahi par le mascara qui avait embué ses yeux.

Menaces en l'air ou non, elle s'exécutait toujours. Et une fois qu'elle avait annoncé qu'elle partait, rien ne pourrait la retenir. Pas même le fantôme de sa mère incarné. Elle était arrivée près de la route et elle vit Itziar sortir furibonde. Sage croisa les bras sur sa poitrine et l'écouta la moraliser. "D'où que c'est glauque?" elle regarda autour d'elle et siffla à sa manière américaine un taxi qui miraculeusement était dans leur zone. C'était tellement inespéré qu'on aurait pu croire que c'était le destin. "Rester pourquoi? Pour te regarder compter des billets? Non, merci." Elle se pencha pour regarder le compteur du taxi et indiqua au chauffeur qu'il fallait le remettre à zéro s'il voulait qu'elle rentre dans sa voiture. Itziar était au bout de sa vie. Elle lui proposa une bière alors qu'elle savait que Sage était déjà bien trop beurrée pour encore en ingurgiter une supplémentaire. Mais elle ne savait plus quoi faire pour la retenir. Elle insista et Sage analysa la situation. Elle pouvait capituler ou s'exécuter. Et une fois le problème ainsi posé, le doute n'était plus permis... Elle sourit à Itziar tout en ouvrant la porte du taxi et s'y installant. "Il en va de ma crédibilité ma belle, je ne peux pas revenir dans le bar avec toi..." Elle reclapa la porte avant qu'Itzi puisse répondre et ouvrant la fenêtre, finit son explication "... premièrement parce que rentrer dans des bars vides, c'est pas mon truc. Et deuxièmement parce que j'ai posé un ultimatum et tu as préféré choisir tes billets à ma compagnie ce soir." Elle fit une moue d'enfant gâtée totalement fausse mais suffisamment théâtrale pour exaspérer son interlocutrice. Elle tapa sur le dossier du chauffeur pour lui indiquer de démarrer.

[...]


Au bout du quatrième appel, elle finit par ouvrir les yeux. Comment était-elle rentrer chez elle? Elle n'en savait plus rien. Ah si, le chauffeur l'avait déposée. Elle cligna une fois, deux fois puis aperçut le "05h10" inscrit sur son réveil. Pourquoi son téléphone n'arrêtait-il pas de sonner? Elle tendit son bras pour l'intercepter avant de comprendre qu'il était dans sa pochette et que celle-ci était toujours attachée à son cou. Elle le fit glisser et découvrit le nom d'Itziar s'afficher dans la liste des appels en absence. La mémoire lui revenait. Elle avait planté son amie alors que celle-ci cherchait à être gentille avec elle. Pas cool Sage, pensa-t-elle avant de rire nerveusement. L'alcool lui donnait mal à la tête. Elle chercha rapidement dans son téléphone une adresse puis commanda un taxi. Dix minutes plus tard, elle sonnait au numéro indiqué dans son petit bloc-note pour téléphone portable. C'était le logement d'Itzi, elle était venue en personne pour lui dire qu'elle allait bien et s'excuser de son comportement. Ou peut-être était-ce juste parce qu'elle était claquée et que dans ces cas-là elle faisait pas mal de conneries? Elle resta plantée devant la porte, attendant que quelqu'un lui réponde.

Question personnelle ? Oui peut-être. Mais comme elle venait de lui dire non sans incertitude, elles étaient amies. Du moins Itziar la considérait comme une amie et il est normal de poser des questions personnelles à ses amies non ? Ou alors Sage ne la considère pas comme une amie. Si c'était ça, ça briserait très certainement le coeur de la jeune espagnole. Elle savait bien qu'elle ne pourrait jamais être plus qu'une amie pour l'américaine et elle se contentait très bien de ça. Enfin, ce n'était pas non plus comme si elle avait le choix, mais c'était toujours mieux que rien et donc elle prenait sans rechigner. Ou alors, Sage était tout bonnement en train de se payer sa tête, pour une raison ou une autre. D'ailleurs, c'était sûrement ça. Même si elles n'étaient pas amies, elle doutait fort que Sage rechigne à donner des détails de ce genre sur sa vie sexuelle. Elle avait eu l'occasion de l'observer à plusieurs reprises et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle était loin d'être prude. "J'ai jamais eu l'impression que ce genre de choses te dérangeais". Lui répond-elle. Il n'y a pas de jugement là-dedans, juste un constat. Un moyen de lui faire savoir qu'il ne fallait pas non plus la prendre pour une idiote. "Et non ça ne m'intéresse pas." parvient-elle a balbutier ensuite. Même si clairement, la réponse aurait été bien sûr que oui qu'elle voudrait savoir. L'avouer aurait sans doute mis la puce à l'oreille à Sage, ou alors elle cogite beaucoup trop, mais ça, il n'y avait absolument aucun moyen de le savoir. Et puis surtout elle n'était pas capable d'avouer ça à voix haute et surtout pas devant la principale intéressée.

Elle parlait à peine ? Si Itziar n'avait pas tendance à perdre tous ses moyens face à l'américaine elle aurait très certainement laissé échappé un éclat de rire. Si ça c'était parler à peine, elle ne voulait même pas voir à quoi cela ressemblait quand elle parlait beaucoup. "D'accord si tu le dis." Elle n'avait pas la force de la contredire, elle en était d'ailleurs incapable pour dire vrai et ce n'était pas seulement ce soir, c'était tout le temps. Elle lui aurait offert le petit jésus sans confession, non pas parce qu'elle était persuadée que tout ce qui sortait de la bouche de la brune était comme du pain béni, mais parce qu'elle ne semblait pas savoir comment faire. C'était juste plus fort qu'elle. Lorsque Sage l'agace elle ne réplique même pas préférant lever les yeux au ciel, espérant que ça change quelque chose. Elle n'avance en rien dans son comptage de caisse et donc elle n'a pas spécialement envie de continuer d'argumenter avec Sage. A part la ralentir encore plus, ça ne mènerait pas à grand-chose. Du moins pour elle. Sage aurait peut-être la satisfaction d'avoir obtenu à la fois raison, mais aussi le dernier mot.

Sage est imprévisible, c'est une nouvelle facette de sa personnalité qu'Itziar venait de découvrir en lui courant après jusque sur le trottoir devant le bar. Comme si elle était pas déjà assez à la bourre et qu'elle avait besoin d'aller dissuader l'américaine de se jeter dans les bras du premier chauffeur de taxi qui arrêtera sa voiture devant elle. Autant dire qu'elle avait au moins une bonne demie douzaine de raisons pouvant prouver que c'était une idée très glauque et très mauvaise. "Tu lis pas les faits divers ?" Lui répond-elle. Cette situation était tout droit sortie du dernier fait divers dramatique. La nana qui avait décidé de rentrer en taxi qui finalement n'est jamais rentrée chez elle et qu'on a retrouvée démembrée trois jours plus tard. Ou toute autre variante dans le genre. "Mais j'en ai pas pour longtemps." lui dit elle ensuite, tentant de la convaincre comme elle pouvait. "Si tu restes calme c'est vite fait c'est promis, je peux juste pas compter si tu parles en même temps." Elle essayait tant bien que mal de ne pas avoir l'air désespérée, mais c'était tant pour elle que pour la sécurité de Sage qu'elle ne voulait pas la voir monter dans ce taxi. Malheureusement il semblait que l'américaine avait déjà fait son choix depuis le début. Elle parlait de crédibilité, d'ultimatum et de choix. Ou du moins c'est ce qu'Itziar a retenu avant de la voir monter dans la taxi. "Sa..." trop tard. Elle était partie. "Elle est chiante p'tain." Dit-elle à voix haute avant de retourner dans le bar. Il n'y avait plus grand chose à faire à ce stade, à part bombarder l'américaine de sms et d'appels en espérant qu'elle daigne répondre pour vérifier qu'elle était en sécurité. Sans réponse.

[...]

Il était 5h passée, avec tout ça, elle venait à peine de rentrer chez elle, avait essayé de rappeler Sage une dernière fois, toujours sans réponse. Elle essayait aussi de se convaincre tant bien que mal qu'elle allait bien et qu'elle avait dû s'endormir aussi sec dans son lit vu l'état dans lequel elle était. Itziar venait de sortir de la douche quand la sonnette de la porte se fit entendre. "Et quoi maintenant ?" pensa t-elle. Qui avait l'audace de venir sonner si tôt. Elle se dépêcha d'aller ouvrir, ne voulant pas que la personne derrière la porte trouve le temps long et décide de sonner une nouvelle fois, ce qui ne manquerait pas de réveiller ses colocataires qui ne seraient absolument pas contents. "Sage ?" lâche t-elle la porte à peine ouverte. "Qu'est-ce que tu fous là ?" lui demande t-elle et elle est surprise par la froideur du ton qu'elle emploie sur le moment, mais elle n'avait vraiment pas apprécié de la voir partir comme ça du bar. "Ton chauffeur de taxi était pas à ton goût alors finalement t'as choisi l'autre option ?" continue t-elle. Un brin de jalousie dans la voix, elle croise les bras sur sa poitrine, sa position de défense par défaut. "Tu peux pas te pointer chez les gens à pas d'heure comme ça hein?" Jamais elle n'avait été aussi froide avec Sage et elle était aussi surprise de la facilité avec laquelle ça lui venait. A croire que la déception avait du bon parfois.

"Allez laisse-toi aller, oublie le temps, oublie le vent, respire juste un peu sans te prendre la tête. Mais ne t'oublie pas dans le tourbillon de ta désinvolture"

C'était normal de penser que cela ne la gênait pas. Qui aurait pu penser que cela la gênait quand on savait quel malin plaisir elle prenait à ramener des hommes chez elle? Pourtant, personne ne savait qu'elle n'était pas non plus une dépravée. Si elle couchait plus aisément que d'autres, elle ne le faisait pas avec n'importe qui non plus. Il fallait attirance physique et certitude que l'homme désiré soit propre et un tant soit peu digne de confiance. Elle ne serait pas sortie avec un gars qui avait l'air de vouloir la violer dans la ruelle prochaine. Mais elle savait que parmi les plus BCBG, on pouvait trouver des ordures de la pire espèce. "Tu ne me connais pas vraiment non plus." C'était un constat. Elle ne répondit plus rien au reste, elle commençait à fatiguer. D'ailleurs, elle n'était pas la seule, Itzi non plus n'argumenta pas plus en détails les dires de Sage. Et cette dernière était trop ivre pour lui chercher noise à cause de son ton condescendant. Par contre, elle n'avait pas perdu le nord et quand elle vit que la blonde n'en finissait plus dans ses comptes, ce qu'elle perdit... c'était patience. Elle se leva et partit malgré les supplications d'Itziar.

"Arrête de te donner du mal pour rien, je suis déjà partie." dit-elle en remontant la fenêtre du taxi. C'était surtout pour ne pas douter. Car l'histoire des faits divers aurait pu la faire changer d'avis. Heureusement, elle avait assez d'alcool dans le sang pour se donner le courage de partir. Mais ce qu'Itzi avait dit avait fait mouche et elle indiqua son adresse au chauffeur, espérant qu'il ne ferait pas de détours. Et elle se retrouva chez elle rapidement.

[...]

"Je suis venue..." Pourquoi était-elle là ? Elle n'en savait fichtre rien. Elle roula les yeux et s'appuya sur le chambranle de la porte pour ne pas perdre son équilibre. Elle réfléchit et finit par dire "Tu m'as sonnée." C'était pas vraiment une explication mais c'était tout ce qu'elle avait. Mais visiblement Itzi n'en était plus à se faire du mouron pour elle et était passée au stade "énervée". Sage secoua la tête et la prit de haut pour faire face au ton de son amie qui était limite méprisant "Oh arrête de me faire la morale, t'es pas ma mère." Elle ne demanda pas la permission et entra dans l'appartement de l'espagnole. "C'est ici que tu vis?" La réponse ne se fit pas attendre et elle sentit qu'elle outrepassait la mesure. Elle se laissa tomber dans un divan et coucha sa tête contre le dossier avant de lui répondre avec un petit sourire tout gentil "C'est toi qui m'a dit de venir chez toi quand t'aurais fini tes comptes." Elle battit des cils avec son air faussement innocent avant de lui dire "Je suis désolée, j'ai beaucoup bu et... Hé, mais c'est ta faute si j'ai beaucoup bu! C'est toi qui m'as servie!!" Elle était ravie de renverser la situation et souriait comme une enfant pleine de malice. "Tu veux vraiment me jeter à la rue?"

Elle n'avait rien pu dire, rien pu faire et elle s'était retrouvée sur le trottoir devant le bar regardant le taxi, dans lequel Sage était montée, s'éloigner dans la rue déserte à cette heure tardive. Elle s'était crue comme dans un film sur le moment et elle ne savait pas vraiment si ce qui venait de se produire était réel ou si elle était en train d'halluciner. Malheureusement pour elle, elle n'hallucinait pas et elle avait dû se faire à l'idée, qu'une fois de plus, Sage n'en avait fait qu'à sa tête. Une bière n'avait visiblement pas été assez pour la retenir. Elle s'était fait une raison, non sans se faire un sang d'encre pendant qu'elle comptait sa caisse, puis quand elle était en chemin pour rentrer chez elle et enfin quand elle était en train de prendre sa douche. Sage ne répondait ni à ses sms, ni à ses appels. Vu l'état dans lequel elle était quand elle était montée dans son taxi, il y avait de grandes chances qu'elle soit tout bonnement arrivée saine et sauve chez elle et n'ai pas eu la force de faire plus que se laisser tomber dans son lit et succomber dans les bras de Morphée. Itziar savait bien que dans 99% des scénarios, c'était ce qui était arrivé. Pourtant, elle ne pouvait pas chasser les mauvais scénarios de sa tête. Après tout, elle lui avait clairement dit qu'elle comptait rentre avec le chauffeur de taxi, il était plutôt difficile de faire plus clair quant aux intentions de l'américaine.

Elle s'était résignée et c'était donc pour ça qu'elle n'avait pas spécialement envie d'accueillir Sage chez elle les bras grands ouverts. Elle ne pouvait pas la manipuler comme ça, ni même lui faire faire ce qu'elle avait envie. Au bar, cela passait encore, c'était son lieu de travail, le client était roi, c'était acceptable, mais pas chez elle et surtout, pas à 5h du matin passées. "Oui je vois ça." Lui répond-elle quand Sage lui dit qu'elle était venue. Effectivement, n'importe qui avec des yeux aurait été capable de voir ça. Ca ne répondait donc pas vraiment à la question de la jeune espagnole qui voulait réellement savoir ce que son amie avait décidé de venir faire ici, à cette heure. "Je t'ai sonnée pour savoir si t'étais en sécurité, pas pour que tu débarques chez moi à 5h du matin comme ça sans y avoir été invitée." Ajoute t-elle à l'explication des plus bancales de Sage. Elle y était peut-être allée un peu fort, mais à cette heure, elle n'avait pas envie de rire, ni envie de perdre son temps. D'ailleurs elle se demandait même pourquoi elle avait ouvert la porte pour commencer. Elle aurait pu ne pas répondre, mais elle avait été trop curieuse, maintenant, il fallait assumer. "Je te fais pas la morale." Lui répond-elle agacée, avant de continuer "Mais franchement t'es allée trop loin." A croire qu'à 5h du matin et un peu énervée, elle pouvait tenir tête à Sage, elle pouvait dire ce qu'elle pensait, sans balbutier, sans rougir, sans laisser le crush qu'elle avait sur la jeune femme prendre le dessus. C'était un changement qui pour elle était plutôt agréable, car pour l'heure, elle ne voulait pas se laisser marcher sur les pieds.

Enfin, elle n'eut pourtant pas la force de protester quand Sage s'invita dans la maison. Elle n'avait même pas le temps de dire ouf ou de s'en rendre compte que l'américaine avait passé le pas de la porte. "Si je suis là, c'est que je vis ici, oui." Lui répond-elle, l'agacement toujours présent dans sa voix. "Par contre, je vis pas seule, alors parle doucement s'il te plait, ça m'arrangerait que tu ne réveilles pas mes colocs'." Que Sage vienne la déranger elle, c'était une chose, qu'elle dérange ses colocataires en était une autre. Elle regarde Sage avec déconcentration quand cette dernière se laisse tomber sur un des canapés du salon. Visiblement elle ne risque pas de se débarrasser d'elle comme ça. Itziar se dirige vers elle et s'assoit sur le fauteuil en face de Sage. "Je t'ai proposé de venir quand t'étais au bar, cette invitation a été annulée automatiquement quand t'as décidé de monter dans ton taxi." Lui répond-elle. Il ne fallait la prendre pour une idiote non plus. Elle l'avait invitée ou du moins elle avait accepté l'auto invitation de Sage pour que cette dernière n'ait pas à rentrer chez elle avec 4g dans le sang, mais si son taxi l'avait conduite jusque chez elle, elle n'avait aucune raison d'être ici. C'était aussi simple que ça.

Malheureusement pour Itziar, Sage semblait savoir comment obtenir tout ce qu'elle voulait d'elle puisque l'agacement de la jeune espagnole ne semblait pas l'arrêter le moins du monde. Puisque après lui avoir servi son regard le plus innocent possible, battements de cils en prime, elle était maintenant en train de s'excuser et Itziar commençait à ne plus savoir quoi dire face à tout ça. D'ailleurs elle ne pu s'empêcher de rire quand Sage lui dit que si elle était dans cet état c'était à cause d'elle puisque c'était la blonde qui l'avait servie. Avant de lui dire qu'elle n'allait tout de même pas la jeter à la rue. "Tu m'énerves !" Lui lance t-elle avant de se lever et de se diriger vers le couloir. Bien sûr qu'elle n'allait pas la jeter dehors. Maintenant qu'elle était là, elle n'allait pas la renvoyer dans un autre taxi encore une fois, ça n'aurait eu aucun sens. Surtout que malgré son agacement certain, elle restait au fond d'elle contente que Sage ce soit pointée chez elle comme ça, même si elle ne l'avouerait pas. Elle revient dans le salon quelques minutes plus tard munie d'une couverture et d'un oreiller qu'elle lance à Sage. "Tiens t'as qu'à dormir là alors." Lui dit elle avec nonchalance. "Bonne nuit." Ajoute t-elle tout de même avant de tourner les talons et de se diriger vers sa chambre pour pouvoir enfin se jeter dans son lit.

"Allez laisse-toi aller, oublie le temps, oublie le vent, respire juste un peu sans te prendre la tête. Mais ne t'oublie pas dans le tourbillon de ta désinvolture"

Trop facile. Avec Itzi, c'était trop facile. Parce qu'elle avait le pouvoir complet. En règle générale, Sage refusait de coucher avec des hommes qui ne présentaient aucun défi. Et si Itziar avait été un homme, elle aurait probablement rechigné à coucher avec lui. Mais la différence était ailleurs. Sage n'était pas une éventuelle proie de la blonde, c'était son amie. Et elle savait très bien que son comportement envers elle était déloyal. Se jouer ainsi des sentiments d'une amie... En quoi cela différait-il d'une relation garçon-fille où l'un profitait de la situation qui lui était favorable? En rien. Mais pourtant, elle abusait de ses privilèges impunément. Car son statut d'hétérosexuelle face à une... bisexuelle? pansexuelle? Lesbienne? Sage ne savait même pas dans quelle catégorie Itzi se serait encadrée... mais son statut face à elle, la rendait plus discrète dans sa manière d'agir. Un gars qui profite du désir de sa pote, cela se voit directement. Mais une fille qui profite de l'attirance de son amie, c'est bien plus délicat à cerner.

"Mais tu m'avais invitée auparavant." Sage jouait les idiotes et battait des cils comme un faisan que l'on voulait découper. A vrai dire, elle ne savait même pas pourquoi elle s'était pointée ici. Probablement qu'une part d'elle était intriguée par la jolie espagnole qui répondait à chacun de ses caprices. Puis, maintenant, elle adorait de la voir s'emporter. C'était une facette qu'elle ne connaissait pas du tout. Et alors qu'elle se fait remonter les morales, Sage répond par un petit sourire admiratif lorsqu'elle entendit le ton d'Itzi monter. Elle n'expliqua pas de suite d'où lui venait son contentement. Elle préféra soupirer un petit "Je sais." qui n'avait pas l'air très coupable. Pourtant quelques minutes plus tard, elle s'excusa réellement auprès d'Itzi qui n'avait pas vu cela venir. Tout ce qui avait précédé n'avait été qu'engueulade indirecte. Sage avait voulu lui demander ce qui l'embêtait autant. Etait-ce qu'elle n'ait pas coopéré? Ou qu'elle se mette en danger? Itzi avait-elle des sentiments pour elle? Cette pensée traversa Sage et elle la repoussa d'emblée. Qu'elle puisse jouer avec les pieds d'une femme qui éprouvait réellement quelque chose pour elle c'était odieux. Alors il valait mieux refuser cette théorie. Itzi se préoccupait d'elle tout comme elle se serait préoccupée d'Isy.

Quand elle lui dit qu'elle l'énervait, Sage afficha un sourire triomphant. Elle venait de gagner la bataille, elle le savait. Et elle savait qu'elle gagnerait depuis le début. En vérité, c'était cette confiance ahurissante et agaçante qui lui donnait de la force et qui la faisait souvent avoir raison. La plupart des gens prenait peur au bout d'un moment et arrêtait ses conneries. Sage était attachante parce qu'elle ne cédait jamais. "Mais non, dis pas de bêtises, tu m'adores! " fut sa réponse ainsi qu'un large sourire. Elle attendit, le temps qu'Itzi revienne avec des couvertures et tout ce qu'il fallait pour qu'elle pionce dans le living. Roulant des yeux, Sage l'arrêta dans son chemin vers son dortoir en pleurnichant de sa voix de comédienne à deux sous "Tu vas vraiment me laisser ici?" Elle attendait une réaction puis enchaîna "Tes colocs vont se lever et me trouver ici. Qu'est-ce qu'ils vont penser? Que je suis la nana que t'as sautée et que t'as pas réussi à garder dans ton lit? Ou qu'au contraire, tu as voulu mais j'ai préféré dire non?" Sage s'était relevée en disant ces choses avec son ton blagueur. "Allez décontracte-toi, je blague. Mais j'aurais clairement préféré qu'on se fasse une pyjama party dans ta chambre. D'ailleurs tu sais, je peux rentrer chez moi si ça t'embête... je suis vraiment venue pour te rassurer et m'excuser." Elle devait réellement tenir à Itzi pour s'excuser de la sorte. Et cela c'était probablement parce qu'avec la blonde, elle n'avait jamais couché. Elle n'avait pas autant d'égards pour ceux qui étaient passés dans son lit.

L'avait elle invitée auparavant ? Itziar ne pu s'empêcher de lever un sourcil interrogateur vers la jeune femme à ce sujet. Est-ce qu'on pouvait réellement considérer que la jeune espagnole avait invité Sage chez elle ? C'était plutôt Sage qui s'était invitée et Itziar, avait accepté son sort, incapable de lui dire non. Est-ce que ça comptait donc comme une invitation ? Il y avait clairement moyen de débattre là-dessus, mais c'était bien la dernière chose qu'elle avait envie de faire maintenant. Elle avait déjà passé débattu avec l'américaine pour ne pas continuer plus longtemps. Elle la laisserait avoir le dernier mot à ce sujet, comme sur tous les autres en temps normal de toute façon. Elle n'était pas sûre de se rappeler une fois où Sage lui avait donné raison à elle dans une quelconque situation. C'était plutôt Itziar qui s'écrasait, ne pouvant pas maintenir le niveau de son amie. Ce n'était pas plaisant, mais c'était comme ça. Elle avait réussi à obtenir des excuses de sa part. Ce n'était pas énorme non plus, mais c'était déjà quelque chose et c'était plus que ce qu'elle avait jamais espéré obtenir de la part de Sage. Est-ce que ces excuses étaient sincères ? Ou était-ce seulement un moyen de l'amadouer ? Ca elle ne le saurait probablement jamais, mais les faits étaient là. Itziar avait finalement cédé. S'était levée et était partie chercher une couverture et un coussin pour Sage. Aussi étonnant que ça puisse lui paraitre, sur le moment elle n'était pas vraiment sûre de vouloir Sage dans son lit et puis la faire dormir sur le canapé, ça lui montrerait aussi qu'elle ne peut pas non plus faire d'elle tout ce qu'elle voulait. Elle acceptait qu'elle reste, elle n'allait pas la renvoyer chez elle dans un énième trajet en taxi parce que ce n'était pas ce que faisait les amies, mais c'était tout. Elle n'était pas décidée à faire plus que ça. Bien sûre qu'elle adorait la jeune femme, ça ne l'avait pas empêchée de lui donner la couverture et l'oreiller et de tourner les talons en direction de sa chambre sans hésiter une seule seconde.

Elle aurait dû s'en douter. Elle commençait à connaitre la jeune femme plutôt. Elle aurait dû savoir qu'elle n'allait sûrement pas en rester là. "Il te plait pas le canapé ?" Lui demande t-elle l'air de rien quand Sage l'interpelle et lui demande si elle compte la laisser dormir là. A priori, oui, c'était bien ce qu'elle avait l'intention de faire. La laisser sur le canapé et aller se coucher tranquillement dans son lit. Ce n'était visiblement ce que Sage voulait en revanche. Sage semblait cependant avoir des arguments de choix pour plaider sa cause et ne pas dormir sur le canapé comme la jeune espagnole l'avait prévu. Qu'est-ce qu'elle pouvait être relou des fois. Il n'y avait pas d'autre mot que celui-là. Relou. Ses arguments étaient complètement bancals en plus. Itziar se fichait bien de ce que ses colocs' pouvaient penser en se réveillant et en trouvant une nana inconnue endormie dans un des canapés du salon. C'était bien le dernier de ses soucis. Pourtant, la jeune femme avait une fois de plus tapé en plein dans le mil', comme si elle savait exactement quoi dire pour lui faire perdre tous ses moyens. Elle ne veut pourtant pas s'écraser et cherche le plus rapidement quelque chose à répondre à la jeune femme. Avec n'importe qui d'autre elle aurait répliqué quelque chose du tac au tac. Disant très certainement que personne ne lui disait non ou toute autre réplique dans le même style. En revanche, rien de la sorte ne lui venait en tête sur le moment. C'était l'effet Sage. "Je pense que c'est bien les dernières choses auxquelles ils penseraient en te voyant dans le canapé." Bon ce n'était pas terrible comme répartie. C'était mieux que rien, mais elle avait tellement mis de temps à répondre qu'il n'y avait pas photo quant au fait qu'elle avait été la chercher très loin celle-ci et pourtant, elle était tout bonnement décevante. Elle n'était pas non plus sûre qu'une pyjama party avec Sage soit l'idée la plus brillante du monde. Elle en avait fait des pyjama party quand elle était plus jeune, il y avait toujours quelqu'un pour lancer un action ou vérité destiné à faire dévoiler aux autres leurs secrets les mieux gardés. Mauvaise idée. Très mauvaise idée. "C'pas forcément l'heure pour une pyjama party." lui répond-elle. A cette heure-ci elle n'avait qu'une envie, dormir et Sage repoussait ses plans de minutes en minutes. "Tu vas pas me refaire le coup du taxi une deuxième fois quand même ?" ajoute t-elle pas du tout amusée. "Maintenant que t'es là, tu restes." Repartir n'avait aucun sens. Si elle ne comptait pas rester, pourquoi s'être déplacée ? Elle avait un téléphone portable comme 99% de la population australienne, elle n'avait qu'à téléphoner à Itziar ou à la limite, lui envoyer un sms pour lui dire qu'elle allait bien. Itziar n'avait vraiment pas envie de passer des heures à discuter avec Sage, elle n'en avait plus la patience non plus, alors après avoir pris quelques secondes pour réfléchir, pesant le pour et le contre, elle avait décidé de faire ce que tout parent fait quand il veut avoir la paix avec ses enfants, elle avait décidé de céder. "Ok ... Tu peux dormir dans mon lit." Finit elle par soupirer. Se mettant une claque mentale d'être aussi faible. "C'est par là." Ajoute t-elle se dirigeant vers sa chambre.

C'était surement une mauvaise idée, mais si ça signifiait qu'elle allait pouvoir la paix pour le reste de la nuit, pour elle c'était ce qu'il y avait de mieux. Une fois dans sa chambre elle rangea les affaires qui traînaient sur son lit. "Je dors à droite." lance t-elle à la jeune femme, lui faisant par la même occasion site qu'elle pouvait donc s'installer à gauche. Elle lâcha un petit soupir de soulagement en se glissant dans son lit, les heures passées debout à cavaler toute la soirée ayant eu raison de ses jambes et de son dos. Elle se tourne vers Sage. "La salle de bain est à gauche au fond du couloir." Lui indique t-elle avant de se retourner de l'autre côté et d'éteindre la lumière. "Bonne nuit." C'était un peu expéditif, mais ça avait déjà assez duré à son coup. Cette fois c'était la bonne, elle ne voyait pas ce qui pouvait manquer à la jeune femme. Elle allait donc pouvoir dormir maintenant. Elle avait eu ce qu'elle voulait et n'était plus sur le canapé, Itziar n'avait rien de plus à offrir.

"Allez laisse-toi aller, oublie le temps, oublie le vent, respire juste un peu sans te prendre la tête. Mais ne t'oublie pas dans le tourbillon de ta désinvolture"

La vérité, c'était que Sage aimait provoquer. Les hommes, les femmes... même les enfants. Il lui arrivait de regarder des bambins et de leur tirer la langue pour leur casser les pieds. Elle adorait le moment où leurs parents les surprenaient et les enguirlandaient pour leur grossièreté. Elle était plus fautive qu'eux mais personne n'aurait suspecté cette femme élégante d'avoir initié cet échange de grimaces. Et de la même manière, Sage aimait jouer avec les pieds de tous. C'est ainsi que plutôt que d'accepter une place dans un living plutôt coquet, elle préférait jouer à exaspérer sa malheureuse hôtesse. "Non! J'aime pas les canapés!" répondit-elle en battant des cils comme à son accoutumées. Elle lui sortit tout un laïus sur ce que penseraient ses colocs en la voyant là mais Itzi semblait ne pas s'en faire. Peut-être avait-elle l'habitude de laisser traîner ses conquêtes dans le salon? Cela intrigua Sage de l'imaginer aussi désinvolte. Elle n'en savait quasiment rien de cette nana et cela ne l'avait jamais dérangée jusqu'à ce matin. Parce que moins on en sait sur l'autre, plus il est difficile de le manipuler. Sa seule arme c'était cette faiblesse qu'elle avait pour Sage. C'était déjà une sacrée munition mais Sage avait un peu du mal à s'en servir étant donné qu'elle devait manoeuvrer avec tact et discrétion.

Elle avait refusé la pyjama party mais semblait ne pas vouloir la voir partir non plus. Son ton assez sévère quand il fut question de repartir en taxi fit mouche. Sage dévisagea Itziar avec bonhomie et répondit tranquillement "Relax, c'est pas une menace. Juste que si je suis de trop ici, je peux m'éclipser tout comme je suis venue." Elle comprenait pas pourquoi l'espagnole craignait tant qu'elle utilise les transports en commun. Avait-elle eu elle-même une sordide histoire dans un taxi? C'était bizarre quand même, elle n'avait jamais vu quelqu'un s'acharner autant contre l'idée de prendre le taxi. Ou alors était-elle frustrée de voir Sage partir à nouveau? Ou alors Sage était-elle en train d'amplifier de trop les événements à cause de l'alcool qui coulait encore dans son sang? Itziar était cependant catégorique et Sage n'avait donc plus le droit de partir. Elle releva sa main droite sur son front et imitant un soldat, répondit du tac-o-tac "Bien compris mon commandant!" Cela la fit pouffer car il y avait beaucoup d'ironie dans ce simple geste. Itziar n'était pas vraiment aux commandes avec Sage. C'était tout le contraire. Mais cette simple petite phrase soulignait un contraste frappant entre elles deux. Sage était au-dessus, gardait l'avantage tout simplement parce qu'elle se fichait des conséquences de ses actes. Et si elle dominait souvent ses semblables, c'était parce qu'elle n'était aucunement en demande. Certains hommes auraient pu la qualifier de facile. Or elle était tout sauf facile. Elle était juste sûre d'elle et si elle voulait quelque chose, elle ne se le refusait pas. Or le soir, ce qu'elle voulait, c'était de l'attention nocturne intensifiée. Pour oublier... les souvenirs d'une guerre qu'elle fuyait autant qu'elle pouvait.

"Ok." Elle se contrefichait du côté du lit qu'elle avait. Gauche, droite, haut, bas, dessus, ou même au sol, elle avait déjà tout fait. "Moui, espérons que je n'aurai pas besoin d'y aller." Elle sourit d'un air entendu. Quand elle pionçait pour de vrai, jamais elle n'avait besoin d'aller aux toilettes. Alors si elle se réveillait en pleine nuit et utilisait une salle de bains, c'était qu'elle était malade ou qu'elle cherchait des capotes. Mais avec Itziar, la deuxième option était exclue et même inutile de toute façon. Elle soupira un "bonne nuit" à son tour avant de se rouler sous la couette. Si Itziar n'avait pas été Itziar, Sage n'aurait pas hésité à la prendre dans ses bras. C'était son côté nounours affectueux quand elle était beurrée. Puis, elle aimait avoir une présence auprès d'elle plutôt que d'être froidement de son côté. Mais elle sentait qu'il y avait là une limite à ne pas franchir. Elle jouait avec les pieds de l'espagnole assez souvent mais ça...c'eut été cruel. C'était à croire que Sage avait de l'affection pour elle si elle ne voulait pas pousser le bouchon trop loin. Ou alors... elle était trop fatiguée comme pouvait le laisser comprendre sa respiration soudain devenue lourde.

A son réveil, Itzi n'était plus dans la chambre. Quelle heure était-il? Elle ne parvenait pas à voir au dehors car les rideaux étaient fermés. Jour ou nuit? Impossible à dire. Et crevée comme elle était, elle ne savait si elle avait dormi deux heures ou quinze. Elle marmonna quelque chose en cherchant ses pantoufle avant de se rappeler qu'elle n'était pas chez elle et que donc elle n'avait pas de pantoufles. Elle se regarda et réalisa qu'elle était en top et culotte... Qu'est-ce que... Où était-elle déjà? Pourquoi n'était-elle pas nue comme un ver? Elle se rappelait vaguement avoir retiré son pantalon pendant son sommeil car elle mourrait de chaud, effet secondaire de son imbibition à l'alcool. Et soudain, elle vit un vêtement dans la chambre qu'elle reconnut. "Itzi?" Sa voix s'éleva de son gosier, pleine de curiosité et d'incompréhension.

Elle n'aimait pas les canapés apparemment. Itziar se demandait si ce n'était pas de ne pas arriver à ses fins qu'elle n'appréciait pas vraiment. Elle ne fit aucune remarque cependant, elle n'avait qu'une envie et qu'un seul but à ce moment-là : aller se coucher. Alors, elle cède. Elle cède parce qu'elle est faible, il faut bien l'avouer, face à Sage elle est faible. Il n'y a pas d'autre mot. Sage aura le dernier mot une fois de plus, ça devrait lui faire plaisir et peut-être qu'au moins la jeune espagnole aurait la paix. Tout le monde devrait trouver son compte dans cette histoire, c'était donc ce qui importait le plus. Elle ne s'attarda pas trop sur du blabla une fois qu'elle avait cédé. Se dirigeant vers sa chambre, l'américaine sur les talons. Elle lui montre le lit, lui indique rapidement où sont les toilettes et se glisse dans son lit comme elle avait rêvé de le faire depuis déjà une bonne heure. Sage semble avoir compris qu'elle n'était plus trop d'humeur à discuter ou même plaisanter puisque Itziar la sent s'installer dans le lit à son tour, lui souhaitant une bonne nuit à son tour et aussi simplement que ça, le silence régnait dans la pièce. La jeune espagnole avait un peu de mal à le croire, si elle avait su qu'elle pourrait obtenir la paix en moins de cinq minutes de cette façon, elle aurait conduit la jeune femme vers sa chambre dès le départ. Ca lui aurait sûrement évité perte de temps et agacement. Elle notait ça dans un coin de sa tête au cas où une situation comparable se présentait dans un futur plus ou moins proche. Pour avoir la paix avec Sage (ou du moins avec une Sage ronde comme une queue de pelle), lui donner ce qu'elle veut sans histoire. C'était ça la clé du succès, pour cette fois du moins. Itziar ne met pas longtemps à s'endormir, ce qui est souvent le cas quand elle rentre d'une longue soirée de travail au bar. Elle finit toujours par tomber comme une masse et ce soir n'était pas une exception. Elle ne saurait donc dire si Sage en avait fait de même ou pas, mais en tout cas, la présence de l'américaine, contre toute attente, ne l'avait pas empêchée de dormir comme un bébé, comme tous les soirs.

Il est déjà midi passée quand elle se réveille et Sage est toujours dans les bras de Morphée, l'alcool qu'elle avait ingéré la veille n'y étant surement pas pour rien. La jeune espagnole décide de se lever, elle a des trucs à faire aujourd'hui, pas question de glander dans son lit toute la journée. Journée qui est déjà bien entamée qui plus est. Elle attrape son ordi sur le bureau puis se dirige vers la cuisine pour se faire un café en manger quelque chose, avant d'aller s'installer sur le canapé du salon où trônent toujours le coussin et la couverture qu'elle avait été chercher pour Sage. Elle va les ranger dans le placard avant d'aller s'asseoir sur le canapé, pieds sur la table base en face d'elle. Elle a des choses à préparer pour ses cours de la semaine et même si elle avait commencé hier après midi, elle était loin d'avoir fini. Le but de la journée étant donc de finir tout ça afin d'être tranquille pour le reste de la semaine. C'était en général comme ça qu'elle s'y prenait et qu'elle arrivait à concilier son travail au bar avec ses cours. En préparant tout le weekend. Ca faisait beaucoup d'un coup, mais c'était pour elle le plus efficace. Elle était en train de plancher sur des maths quand elle entendit Sage l'appeler de la chambre. "Quoi ???" réplique t-elle du salon, se décidant quand même à se lever pour aller voir quel était le problème. "Qu'est-ce qui se passe ?" demande t-elle à Sage une fois dans sa chambre. Elle ne sait pas trop ce que la jeune femme lui veut. Elle n'est pas du genre timide, donc elle était plutôt surprise qu'elle l'appelle plutôt que de faire sa petite vie tranquillement. "Il y a quelque chose qui va pas ?" Elle a peut-être besoin de quelque chose et ne voulait pas se risquer à tomber sur un de ses colocs ? Qui sait. "T'as cru que t'allais tomber sur ton chauffeur de taxi ?" Lui demande t-elle ensuite, se moquant un peu d'elle. Clairement ça lui aurait sûrement fait tout drôle de se retrouver chez un mec chelou qu'elle ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam. Il valait donc mieux pour elle qu'elle soit venue là plutôt qu'ailleurs. "Si tu veux il y a du café dans la cuisine." Elle ne savait même pas si l'américaine buvait du café, mais proposer était la moindre des politesses.

"Allez laisse-toi aller, oublie le temps, oublie le vent, respire juste un peu sans te prendre la tête. Mais ne t'oublie pas dans le tourbillon de ta désinvolture"

Elle n'était pas habituée à ce genre de réveil. Tout simplement parce que d'usure, Sage rentrait chez elle. La légende racontait qu'elle dormait partout et n'importe où mais en vérité elle découchait plus rarement que ce que l'on pouvait croire. Quand bien même elle finissait dans un lit étranger, la plupart du temps elle reprenait ses affaires et repartait sans laisser une trace derrière elle. Sauf que ce matin-là - matin? - elle n'était pas dans son lit et cela la préoccupa un instant avant de réaliser où elle était.Elle avait appelé Itzi sans vraiment réfléchir. Pourquoi était-elle seule dans sa chambre? Elle en entendit la voix agacée venant probablement du salon et Sage se redressa sur ses deux coudes, se demandant si elle devait lui parler en criant au travers de l'appartement. C'eut été peu poli, surtout sachant qu'Itziar ne vivait pas seule. Mais cette dernière fit irruption dans sa propre chambre et Sage la regarda avec ses yeux encore bouffis de sommeil. "Euh rien, je me demandais où t'étais." Elle ne comprenait pas trop quel mouche avait piqué son hôtesse. Que lui valait ce ton désagréable? Elle fouillait dans sa mémoire et certes, elle avait été un peu agaçante pendant la matinée, mais elle l'était toujours. Pourquoi était-elle différente maintenant? Un doute submergea Sage le temps d'une seconde. Et si...? Mais non. Cela était impossible. Lorsqu'elle était ivre, Sage était désinhibée mais pas idiote, elle ne faisait pas de réelles bêtises. Elle se contentait de faire des conneries qu'elle pourrait regretter mais rien qui pourrait la faire se maudire. Elle chassa donc la possibilité que la mauvaise humeur d'Itziar soit le résultat d'ébats entre elles deux. De plus, maintenant, ses souvenirs revenaient assez bien. C'était assez rare qu'elle se réveille un lendemain de soirée sans parvenir à se souvenir de ce qui s'était passé. Un de ces seuls moments où cela était arrivé c'était avec Isy... mais elle chassa cette autre pensée quand Itzi l'interrogea. Pourquoi n'irait-elle pas bien? Sage vit son reflet dans le miroir de la chambre et grimaça. "Nan, c'est juste ma tête du matin quand je cogite et que je suis perplexe et que je revois ma vie en un clignement d'oeil." Elle tenta un petit sourire et évita de jeter un coup d'oeil au miroir, il valait mieux ne pas voir ce que cela donnait. La question qui suivit laissa Sage dubitative. Itzi était-elle en train d'ironiser son invitée? Machiavélique. Esquissant un sourire plus sournois cette fois, la brune sortit du lit, se souciant fort peu de sa tenue légère qui ne comportait qu'une petite culotte et un top et cherchant où elle avait fait valser son jean la veille. "Non, ça c'était pour te casser les pieds. Jamais je ne rentre dormir chez un gars de la basse société." Elle lui adressa un regard entendu. Ce n'était pas exactement le motif qui la poussait à refuser une telle fin à ses soirées mais elle aimait provoquer.

Elle enfila son jean et rejoint l'espagnole dans la cuisine où l'attendait le café. Elle avait juste opiné du chef quand cette dernière lui en avait proposé. Maintenant, elle trouvait une cafetière bouillante qui l'attendait. Elle s'en servit une tasse et aperçut l'horloge mural qui indiquait midi passée. "Merde." dit-elle tout en remarquant le pot de sucre qu'on faisait glisser vers elle. "Merci." murmura-t-elle. Elle sortit son téléphone de sortie de sa poche et vit que la batterie était vide. "Double merde." renchérit-elle. Elle ne devrait pas s'éterniser. Mais elle aimait être ici, dans le confort de l'appartement de cette serveuse qu'elle ne connaissait pas tant que ça au final. C'était rentrer dans sa vie d'une manière inattendue. Cependant, elle sentait bien qu'elle n'était pas vraiment la bienvenue à traîner et elle chercha sa petite veste. "Je ne vais pas t'embêter plus longtemps. Je suis désolée si je t'ai embêtée hier soir. Je réalise que tout le monde n'a pas le même genre d'humour que moi et que parfois ça peut casser les pieds. Je pense que je me suis permis trop de familiarités avec toi." C'était une manière personnelle de la faire culpabiliser tout en faisant son mea culpa à sa manière.