Écouter les conversations des autres d’une oreille attentive, l’air désintéressé, était probablement ce que j’aimais le plus au monde. Après le scotch bien vieilli, les nuits sans fin dans des draps d’amour pour le vice, la télé-réalité culinaire bitchy & ma mère, complètement wasted au rosé trop sucré. L’expression de rien, mes doigts qui tapotent sur l'accoudoir de l'ascenseur menant vers l’étage tout en haut, le bar avec vue sur la ville et toit à découvert pour apprécier les étoiles. Et eux, ils se disputaient. Eux, ils se criaient dessus parce qu’elle avait allumé son patron à leur dernier apéro, parce qu’il ne la touchait plus depuis des semaines. Elle lui reprochait qu’il ne remarquait jamais quand elle faisait un effort, il râlait en lui disant que peu importe ce qu’il avançait, elle trouverait un mot à dire. Elle avait essayé à un moment, de prendre une voix plus basse, de se contenir parce qu’avoir un public pour assister à une énième scène de ménage lui plaisait plus ou moins. Mais ce que je jugeais être la troisième dispute du soir entre celle dans le hall d’entrée avant de quitter leur appart’, et celle dans le taxi à faire des messes basses et rétorquer avec des regards noirs, était suffisamment salée pour qu'elle s'en balance. La fille est trop agressive, après avoir probablement passé tout son temps dans leur relation à faire comme si, à battre des cils, à reprocher entre ses lèvres, accuser réception en accumulant à la perfection. Le mec est trop naïf, à croire qu’elle va lâcher le morceau s’il se la boucle, s’il la laisse faire, s’il lui lègue tout l’espace dont elle a besoin pour faire son chaos, pour remuer ciel et terre et cabine de métal qui mine de rien gigote un peu plus qu’à l’habitude tout au long de l'ascension. Y’a bien d’autres gens qui assistent à la scène avec moi, et tous y vont de leur propre tête d’ignorants, alors qu’on sait très bien aux sourires en coin et aux coups d’oeil à la dérobée qu’ils jugent tous, qu’ils se croient tous meilleurs, qu’ils pensent tous avoir la solution, connaître tous les éléments, pouvoir se permettre de donner leur avis, qui évidemment est la vérité absolue à leurs yeux. Ils jugent tous, et moi encore plus. J’ai l’excuse parfaite, le boulot à la clé qui m’autorise à avoir les tympans aguerris, les méninges qui enregistrent. Le tintement de la cage d'ascenseur annonce notre étage, et voilà que les portes s'ouvrent, que le couple file à droite alors que je pars vers la gauche, non sans leur dédier un dernier regard même pas compatissant - tout juste amusé. Ils étaient tellement pareils à tout le monde, au fond. « T'as pas trop attendu? » en voilà une qui se différencie, qui est cool avec son caractère piquant, sa langue qui claque. Gaïa est déjà installée au comptoir lorsque je la rejoins, me faufile à la dernière place libre à ses côtés, tout sourire. « On a déjà fait mieux, comme compagnie. » et la seconde d’après je fais le ménage, Ariane particulièrement en forme ce soir, un rictus à peine plus blasé que d’habitude qui se dédie au trio de mecs dans l’angle de l'italienne, qui sont posés là depuis je ne sais combien de temps à lorgner sur elle, et maintenant sur moi. S’ils n’ont rien fait comme move, s’ils restent là à déshabiller du regard sans la moindre once de possibilité qu’on ait un potentiel de cocktail gratuit en échange, ça le fera pas. « Salut. Et au revoir, surtout. » les banalités terminés, la trinité des inutiles qui part butiner vers d’autres pâturages, je reporte mon attention sur mon amie, et sur son verre, mon absence de. « Scotch, double, sans glace. De la bouteille, là, du fond. » le tout semble un peu trop pratiqué, un peu trop chirurgical même, chaque mot à sa place et le barman qui hoche de la tête un sourire mutin qui se dessine sur ses lèvres, part à la chasse de la fameuse cuvée désirée. Il me connaît lui, pour être presque toujours là quand on passe ici prendre un verre après le boulot. GQ étant à quelques minutes à pied à peine, c’est devenu le quartier général du team à force. Et il en a vu des plus agressives de ma part des demandes. Là, c’est qu’un jeudi soir comme un autre. « Je serais arrivée plus tôt si j’avais pas eu à négocier l’heure pour rentrer au coloc. Depuis qu’il se chope une étudiante, il se la joue lover au possible c’est d’un chiant. » finissant par tourner mon tabouret vers la brune, je reprends la conversation au fil de ce qui remonte, justifiant au passage le retard sponsored by Vitto, lui qui a décidé de se tâter à la relation de couple avec une blondasse nunuche comme pas deux. Il m’étonnera toujours au quotidien le petit ; et pas nécessairement dans le bon sens. Mais leurs joutes de minoucheries sont pas mal toujours marrantes à regarder - et je suis persuadée qu’un jour je pourrai lui soutirer de quoi le faire chanter avec tout le matériel dégoulinant d’eau-de-rose auquel j’assiste dans les coulisses. « Du coup, si je trouve candidat potable, je vais éviter son râlage habituel en rentrant pas dormir. » Tad occupé à j’sais plus trop quoi, le terrain de jeu était donc ouvert pour ce soir. Pourtant, j’étais pas non plus désespérée au point de me jeter au cou de qui que ce soit, juste pour ça. Presque gamine, presqu’enfantine sur la fin, je bats des cils vers Gaïa, proposant une autre option qui pourrait tout de même être plutôt cool, également. « Autrement, la formule nuit blanche avec toi me va tout autant, sinon plus. »
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Une bonne soirée en perspective. Voilà ce que m’a immédiatement inspiré le message d’Ariane, quand je l’ai reçu il y a une heure. Comment penser autre chose quand on connait le caractère de feu de la « love doctor »? Quand mon téléphone a vibré, je venais tout juste d’arriver chez moi, mon sac volant rapidement jusqu’au canapé, ayant déjà quitté mes escarpins, délaissés dans l’entrée. Je n’ai pas hésité ne serait-ce qu’une demi-seconde, filant me doucher rapidement, et fouillant dans mon placard pour trouver autre chose à me mettre que ce que je portais en journée. Une demi-heure plus tard, je suis dans un ascenseur qui file vers le dernier étage, vers ce bar que m’a indiqué Ariane, et qui apparement donne sur toute la ville. Je ne connaissais pas du tout, ce qui n’est pas vraiment étonnant quand on sait que je n’ai pas encore fait le tour de la ville, mais si Ariane a proposé l’endroit c’est qu’il doit valoir le coup. Et en effet, quand les portes de métal s’ouvrent devant moi, je me dis que la rouquine a décidément très bon goût, quelle que soit la catégorie. J’avance dans la grande pièce, les yeux rivés au plafond découvert, le bâtiment étant assez grand pour qu’on puisse voir des étoiles, échappant de peu à la pollution lumineuse. Je vais tranquillement m’assoir au bar, profitant du fait qu’il n’y a pas encore trop de monde. En me voyant arriver, le barman pose le verre qu’il était en train d’essuyer. Il est plutôt pas mal. Je lui souris. « Un whisky, pur. Irlandais, de préférence. » Il a l’air un peu surpris, mais ne fait aucun commentaire, disparaissant un instant pour aller chercher une bouteille. Quand il pose le verre devant moi, je le remercie d’un signe de tête. L’ambiance est sympa, le décor est posé. Il ne manque plus qu’une personne au tableau. N’ayant pas de montre, et céder à la flemme de sortir mon téléphone, sûrement perdu quelque part au fond de mon sac, j’interpelle à nouveau le barman. « Vous avez l’heure? » Il jette un coup d’oeil à sa montre et me répond, et j’ai à peine le temps de le remercier qu’il s’est déjà envolé pour servir d’autres clients. Bon, il semble qu’Ariane a un peu de retard, mais ce n’est pas bien grave. 5 minutes, on ne va pas en faire un drame. Je bois une gorgée, lentement, savourant les arômes du liquide qui incendie ma gorge. Et du coin de l’oeil, je vois arriver un groupe de trois mecs qui viennent s’installer à un siège à peine, dans l’angle du comptoir, et qui me dévisagent presque immédiatement. À un tel point que ça en devient gênant, au bout d’un moment. Mais je décide de les ignorer, prétextant que les ignorer serait leur donner plus d’importance qu’ils n’en méritent. D’autres gens arrivent, et bientôt, il ne reste plus qu’une seule place de libre, à ma gauche. Tout ce que j’espère, c’est qu’un lourdingue ne prendra pas le siège vide pour une invitation. Le temps passe, et les trois mousquetaires sont toujours là, à me lorgner sévèrement dessus. Et toujours aucun signe de vie de la part d’Ariane. Attrapant mon sac qui jusqu’à maintenant reposait sous mon siège, je me mets à farfouiller dedans, cherchant mon téléphone. Si elle a été retenue, peut-être que mon amie rousse m’a envoyé un message. Retenant un cri de victoire quand je finis par mettre la main sur l’objet convoité, je soupire en voyant qu’il n’y a aucun nouveau message affiché, et qu’il n’y a plus qu’à prendre son mal en patience. Et soudain, quelqu’un s’assoit à côté de moi, et je m’aperçois avec soulagement que ce n’est pas un vieux pervers mais Ariane, un grand sourire sur les lèvres. Enfin! « T'as pas trop attendu? » Je secoue la tête, bois une nouvelle gorgée de whisky. « Je vais pas te mentir, ça fait un moment que je suis là. Mais je t’en veux pas, j’avais de la compagnie. » Je lui montre d’un geste les trois mecs entassés dans le coin, qu’elle avait sûrement déjà remarqués. « On a déjà fait mieux, comme compagnie. » Je hoche la tête, comment ne pas acquiescer. Maintenant, c’est elle qui lorgne sur eux. Et si moi j’avais décidé de les ignorer, je sais parfaitement que la technique d’Ariane vis à vis d’eux sera plus… Direct. Amusée, je la regarde s’adresser à eux. « Salut. Et au revoir, surtout. » Il ne faut pas leur répéter deux fois, et ça, c’est tout à leur honneur. Ils filent sans demander leur reste, fuyant pour se terrer autre part, sûrement dans un recoin sombre où ils pourront espionner d’autres gens. Apparement satisfaite du résultat qu’elle a obtenu, mon amie se retourne vers moi, et son regard glisse jusqu’à tomber sur mon verre. « Scotch, double, sans glace. De la bouteille, là, du fond. » Le barman, revenu vers nous, hoche la tête avec un sourire et disparaît rapidement, afin de pouvoir satisfaire la demande très précise de sa cliente rousse. « Maintenant que tu as commandé, je te laisse 15 secondes pour m’expliquer ce qui a bien pu te mettre en retard à ce point. » Je plaisante bien sûr, je ne lui en veux pas le moins du monde. Il arrive à tout le monde d’être en retard, moi la première. Mais je suis bien curieuse d’entendre ses explications. « Je serais arrivée plus tôt si j’avais pas eu à négocier l’heure pour rentrer au coloc. Depuis qu’il se chope une étudiante, il se la joue lover au possible c’est d’un chiant. » Elle fait tourner son tabouret pour se retrouver face à moi, et, sans lâcher mon verre, je l’imite. J’ai un sourire en coin. Leur relation m’amuse beaucoup. « Vu la façon dont tu me parles de lui d’habitude, je pensais pas que c’était son genre… » À vrai dire, elle ne m’en a pas parlé tant que ça, et je ne sais même pas à quoi il ressemble, ni comment il s’appelle. Mais le peu que j’en sais ne m’aurait pas fait parier sur un coureur d’étudiantes. « Du coup, si je trouve candidat potable, je vais éviter son râlage habituel en rentrant pas dormir. » C’est peut être la meilleure solution, et c’est certainement ce que moi je ferais si j’étais dans son cas. Après avoir savouré une nouvelle gorgée du liquide ambrée, avant d’objecter. « Je te rappelle que j’ai un appart, si de temps en temps tu veux éviter les instants love de ton coloc et de sa greluche. Ouvert au squattage en cas de nécessité absolue. » Je lui souris. Mais dans tous les cas, si elle veut découcher en compagnie d’un beau mec, c’est pas moi qui vais l’en empêcher. Avec un regard espiègle, elle se penche un peu vers moi. « Autrement, la formule nuit blanche avec toi me va tout autant, sinon plus. » Je lui adresse un sourire en coin. « Ah oui? Tu as quelque chose en tête? » Le barman revient, la demande d’Ariane dans les mains. Au regard qu’il lui lance, il doit la voir assez souvent ici. Une habituée sûrement. J’ai bientôt fini mon verre, mais je pense que je vais attendre que mon amie ait avancé le sien pour en prendre un autre. Je l’observe apprécier sa boisson, qui apparement a bien été préparée. « Tu sais que tu peux aussi négocier pour que lui aille dormir chez l’étudiante, et que tu puisse tranquillement dormir chez toi? Ou ramener quelqu'un » Après tout, pourquoi est-ce qu’il aurait la priorité sur leur appartement? J’ai un petit rire.
Gaïa était le genre de personne que j’estimais, le plus honnêtement du monde. La femme forte qui n’a pas besoin de mec, qui n’a besoin de personne. Elle a le dos bien droit, le visage impassible, le regard acéré quand je finis par arriver à sa hauteur, et sans ménagement aucun dégager le trio de lourdauds qui pensent lui arriver à la cheville. D’un battement de cil et du revers de ma langue acerbe, ils s’envolent vers de nouveaux horizons et je commande de quoi satisfaire mes papilles gustatives ; tout semble augurer une bonne soirée. Jusqu’à ce que je fasse état de la situation coloc, jusqu’à ce que Vitto arrive sur le sujet par ma faute, et que je roule des yeux quand Gaïa tente de cerner le genre de concubine prédestinée de l’italien. Le dude avait qu’un genre et c’était celui qui était surmonté de deux jambes et d’une poitrine. Le reste, il y allait pas dans la finesse à en juger par la pimbêche que je devais me coltiner maintenant qu’il lui avait ouvert les portes de notre demeure. « Il doit avoir besoin de se prouver un truc. J’aurais dit qu’il copie sur elle pour avoir de bonnes notes, mais la nana, c’est une cancre en puissance. Quand tu l’écoutes, t’as les tympans qui grillent. » en bon macho typique, c’était le seul raisonnement logique que je voyais remonter. Parce que s’il avait juste voulu passer ses pulsions d'animal en rut, me demander gentiment aurait pu suffire et je me serais sacrifiée avec joie. Mais là, son autre blonde, j’y tenais pas plus que ça. « Je réfléchis encore à un setup pour filmer leurs ébats et vendre ça sur le web ; mais comme il s’est dégoté une Mary Sue je pense pas que leurs missionnaires me rapportent gros. » le plan est simple, le plan est clair. Si en plus ce genre de manigance pouvait payer une partie de mon loyer et mes quelques dettes de voyage, c’était encore mieux. L’onglet ouvert dans ma tête, et les caméras que je m’imaginais déjà disposer aux quatre coins de l’appartement ; ça devrait ultimement le faire. Le jeune femme qui d’un sourire me rappelle que si j’ai besoin, y’a asile que je peux aller gratter chez elle. Sachant qu’avant Vitto, j’avais passé bon nombre de mois à squatter chez Nadia et que ça avait été autant fun pour la proximité avec ma BFF que difficile à assumer à presque 30 ans à vivre entre des boîtes sans chez soi fixe, l’offre de Gaïa ne reste pas qu'en aparté. Passer la nuit chez elle serait l’une des options de secours les plus confortables que je pourrais trouver, en vrai. « Tu sais tellement comment me parler, c’en est presque alarmant. » un clin d’oeil plus tard, je trempe mes lèvres dans le scotch servi à mon intention, le coeur heureux.
Avant que je me tâte à proposer un plan et un autre à la journaliste, elle s’assure de me souligner que Vitto n’a pas la mainmise sur l’appartement qu’on partage - et qu’on paie - à deux. « C’est plus fun de le faire râler un brin, et de gâcher sa soirée en rentrant bruyamment. » que je rigole, mauvaise, narquoise. La vérité, c’est que plus je pouvais faire chier l’italien au quotidien, mieux je me sentais. Autant ne pas me retirer ce genre de munitions trop vite non plus. Jouer à la coloc passée maître dans l’art de geindre, ça faisait un tabac pour lui taper sur le système. « Je te dis, un jour faudra que tu viennes les voir à l'oeuvre. Que je sois pas la seule à vivre ça. » comme conclusion, mais surtout comme invitation. J’aurais un fun fou à observer leur couple peu probable avec Gaïa dans les parages, et j’en raffolais déjà. « Sinon pour en revenir à la nuit blanche… je me garde une part de surprises, tout de même. » la vérité, c’est que j’ai pas de plan précis, autre que de me sortir la tête du travail et du quotidien le temps de quelques heures. Avec GQ, le livre en rédaction, Sage qui tire pour voir quelques chapitres, Tad qui insiste pour aider à en rédiger un en particulier, j’ai l’impression de servir juste à écrire et à bosser depuis des semaines ; et le volet vie sociale et délurée de ma vie fait dangereusement défaut. Me replaçant sur mon siège et gobant une nouvelle gorgée d’alcool, je poursuis, le ton un peu plus chantant d’arborer la soirée avec légèreté. « En vrai, tant que je peux bien boire et bien discuter, la soirée peut s’éterniser jusqu’à la semaine prochaine que je me plaindrai pas. » mes épaules se haussent et je ne manque pas le regard en coin du barman qui prépare déjà les bouteilles pour remplir nos verres si la demande se fait pressante. « Et toi, t’as du croustillant un peu? Mis à part ton trio de fans de tout à l’heure, qui apparemment, décroche pas du tout. » pas que seulement parler de moi ne me convienne pas, ce serait mal me connaître, mais Gaïa avait toujours des histoires intéressantes à raconter. Et sinon, y'avait toujours le triptyque de douchebags qui revenait rôder aux alentours, soit pour commander, soir pour reluquer devant mon air fermé et à peine étonné.
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Une étudiante. Sérieusement? Me reculant au fond de mon siège, je fixe Ariane, toujours un sourire au coin des lèvres. Décidemment, de plus en plus drôle. « Il doit avoir besoin de se prouver un truc. J’aurais dit qu’il copie sur elle pour avoir de bonnes notes, mais la nana, c’est une cancre en puissance. Quand tu l’écoutes, t’as les tympans qui grillent. » Toujours face à la chroniqueuse, je grimace, et émet un bruit dégoûté. Je ne la connais pas le moins du monde mais la courte description me persuade que je ne m’entendrais pas du tout avec cette fille. Ce genre là m’agace en un temps record. « Je réfléchis encore à un setup pour filmer leurs ébats et vendre ça sur le web ; mais comme il s’est dégoté une Mary Sue je pense pas que leurs missionnaires me rapportent gros. » Ne trouvant rien à répondre sur le coup, je commence à rire. Ah oui, ça ce serait vraiment drôle, et je serais prête à payer cher pour voir la tête du coloc quand il s’en rendrait compte… « Qui sait, peut-être qu’il arrivera à la dévergonder un peu… » J’en profite pour lui signaler que si besoin, mon appartement est à son entière disposition. Je sais très bien que si j’étais, moi, dans son cas, j’apprécierais d’avoir quelque part où échapper à ce genre de visions. Du coin de l’oeil, alors que je bois une nouvelle gorgée d’alcool, je la vois me faire un clin d’oeil. « Tu sais tellement comment me parler, c’en est presque alarmant. » Je souris. « Ce qui est alarmant, c’est la vitesse à laquelle nos verres se vident ce soir. » Et avant qu’elle ne poursuive sur un autre sujet, je lui signale qu’ils habitent à deux, et que pour ça, il ne devrait pas avoir priorité sur l’appartement, même si c’est ce qu’il pense, à tort… « C’est plus fun de le faire râler un brin, et de gâcher sa soirée en rentrant bruyamment. » Et elle rigole, moqueuse, l’air un peu pincé. Au final, ça ne semble pas la déranger plus que ça, ce qui me laisse penser qu’elle prend un malin plaisir à bousiller les plans de son colocataire de temps en temps. « Je te dis, un jour faudra que tu viennes les voir à l'oeuvre. Que je sois pas la seule à vivre ça. » « Alors ça, tu n’auras pas à me le demander deux fois. Je ne raterais ce genre de spectacle pour rien au monde, en particulier si tu interviens… » Une bonne rigolade, et je pourrais enfin voir le coloc en vrai, sans avoir à imaginer ses réactions face aux répliques d’Ariane, pour une fois. Taquine, je vais même jusqu’à lui dire que je ramènerais du pop corn et une bouteille, si l’occasion se présente. « Sinon pour en revenir à la nuit blanche… je me garde une part de surprises, tout de même. » Je lève un sourcil, amusée. « J’ai hâte de voir ça. » Qu’elle ait vraiment une idée ou non, je sais que dans tous les cas, avec Ariane avec moi, je ne m’ennuierais pas un seul instant. Je la vois prendre une gorgée de son verre, constate qu’elle a déjà bien avancé. « En vrai, tant que je peux bien boire et bien discuter, la soirée peut s’éterniser jusqu’à la semaine prochaine que je me plaindrai pas. » Je suis son regard, et me focalise à mon tour sur le barman, de l’autre côté du comptoir, qui semble à l’affut, prêt à jongler avec ses bouteille à la moindre demande de clients. « Voyons déjà ce que la nuit nous réserve, on verra ensuite. » Après tout, on ne risque pas de manquer de choses à boire, et pour l’instant, jamais nous n’avons vécu de silence gênant, n’ayant rien à se dire. Alors oui, la soirée pourrait s’éterniser que l’ennui serait encore bien loin. « Et toi, t’as du croustillant un peu? Mis à part ton trio de fans de tout à l’heure, qui apparemment, décroche pas du tout. » Du croustillant… Du coin de l’oeil j’aperçois les trois abrutis de tout à l’heure qui se rapprochent de nouveau de notre côté, cherchant à se rapprocher du bar - ou des gens qui y sont installés, y compris nous. Je pensais que nos regards acerbes suffiraient à les dissuader, mais non. « Tu te souviens du gars dont je te parlais l’autre jour? Celui avec qui je suis… » J’hésite un instant, et grimace. En fait je ne sais plus vraiment où on en est. Même si on a apparemment dépassé le stade des hurlements, il m’en veut certainement encore, le contraire m’étonnerait… Je prends le temps de terminer mon verre avant de répondre. « ... En froid, si on peut dire. Eh bien figure-toi qu’il a débarqué chez moi l’autre soir. En pleine nuit. » Je l’observe, attendant de voir sa réaction, voir si c’est assez croustillant pour elle. Sinon, je trouverais bien autre chose pour la distraire. « Et pour tout te dire, j’étais même à moitié nue quand j’ai ouvert la porte. » Attirant l’attention du barman, je secoue mon verre devant son nez, avec un sourire. Il s’en empare, et me ressert la même chose, sans que j’aie à formuler la moindre phrase. Il repose le verre, de nouveau rempli, devant moi. « Grazie. » Il laisse traîner son regard avant de se retourner pour aller servir quelqu’un d’autre, à l’autre bout du comptoir. Levant mon verre, je regarde mon amie avant de prendre une première gorgée de ce nouveau verre.
À sa remarque sur le niveau de nos consommations qui baisse dangereusement, j’hausse le sourcil, aussi amusée qu’attentive à sa réponse. « Depuis quand ça nous dérange? » pas que Gaïa et moi étions de grandes alcooliques, mais une soirée bien arrosée en compagnie l’une de l’autre était toujours gage de réussite ; et ce soir ne ferait pas exception à la règle. J’avais la chance de plutôt bien tenir l’alcool, elle avait la classe de celle qui montre son ivresse seulement si elle le décide, et à moindre coût, on finissait toujours par recevoir quelques consommations gratuites à travers celles payées. Y’avait pire comme façon de gratter son budget, et honnêtement, je venais ici assez souvent qu’à force le barman se déciderait bien à me faire un prix d’amie. Tout était sous contrôle. Ce qui changeait d’à l’appart, comme je le mentionne à la belle. Vitto qui s’était mis en tête de s’essayer à la vie de couple, et même si je le ridiculisais ouvertement autant à sa tête qu’à celles de mes potes, n’en restait que toute cette histoire me faisait un bien beau sujet de conversation, et une porte si facile à ouvrir à la volée pour râler. Gaïa s’amuse de la dualité de mes réactions, j’hausse de l’épaule en planifiant déjà mon prochain méfait le sourire aux lèvres. « J’attendrai leur anniversaire ou un truc bien cliché. Apporte tes fesses, je m’occupe du reste, son et lumière, tout compris. » de savoir qu’elle sera à mes côtés rend le possible spectacle encore plus intéressant, maintenant que j’anticipe comment rendre le tout évidemment grandiose ; et pour atteindre un niveau d’énervement encore jamais touché pour mon coloc. Est-ce que je pourrais mêler Christian à tout ça, lui mettre une caméra sur son collier, l’envoyer à la chasse si Vitto décide de s’enfermer avec sa blondasse dans sa chambre à l’abri? Ça vaut la peine d’y réfléchir. Mes méninges s’activent pendant que les iris de mon amie dérivent au-delà du bar, se posant distraitement sur celui qui a pris nos commandes quelques minutes plus tôt, et qui prend les miennes depuis des mois. « Tu penses au menu? » le sous-entendu est flagrant, et l’expression maligne que j’exhibe ne fait que confirmer que je parle bien sûr de tout, sauf de ce que la cuisine peut encore nous servir à cette heure. Si elle a besoin de son numéro, faut juste me demander.
Pourtant, Gaïa ne perd pas de temps à flirter avec le barman. À l’instant où je lui demande ses nouvelles à elle question de catch up sur notre dernière conversation, mes yeux deviennent ronds de l’entendre raviver un sujet chaud. Littéralement. « Le hot italian de Rome avec des abs de feu? Vaguement. » et je bats des cils, sarcastique, l’image mentale imprimée à l'encre sèche que je m’étais faite à l’entendre me le décrire. Un type avec qui ça semblait s’être terminé en mode chaotique avec elle, qui s’était tiré de son entourage sans mot dire. Il semblait avoir laissé sa marque dans le quotidien de mon amie pour qu’elle en parle encore malgré les années qui étaient passées, mais j’avais rien rajouté de plus, beaucoup trop intéressée à l’entendre me parler du physique d’étalon de la bête ; les italiens et moi, vous savez. « That’s my girl. » que je laisse glisser sur mes lèvres retroussées d’amusement, lorsque Gaïa précise sa tenue grivoise le soir où il est supposément débarqué chez elle. D’autres questions remonteront plus tard parce que ma curiosité est attisée, mais avant ça, y’a une priorité qui vaut la peine d’être précisée. « Il a résisté? Ton sourire me confirme que non. » question rhétorique à laquelle je réponds dans la foulée. Bien sûr qu’il a cédé ; ils cèdent tous. L’italienne commande à nouveau, et d’un trait, je termine ce qui reste de scotch dans mon verre avant de poser le gobelet sur le comptoir au moment où on revient nous servir. « La même. Que je la rattrape un peu. » coup d’oeil complice, et on retourne au programme principal. « Mais sinon. » quand je vous disais que les questions logiques et concrètes suivraient. « Il est à Brisbane? Il est revenu quand? T’es ok? » parce que lui et sa musculature apparemment phénoménale c’est une chose, mais mon amie et son moral c’en est une autre.
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Elle hausse les épaules à ma réflexion, avant de continuer sur sa lancée, avec un sourire machiavélique. « J’attendrai leur anniversaire ou un truc bien cliché. Apporte tes fesses, je m’occupe du reste, son et lumière, tout compris. » Le fait d’imaginer la scène me fait sourire. Ce serait grandiose, et j’ai bien l’intention d’être là si elle met son plan à exécution, et ce même si je ne connais pas le moins du monde son colocataire. Je secoue la tête. « Tu es diabolique… J’adore ça. » Vraiment. Ma vie à Brisbane est bien moins monotone depuis que la rousse y est entrée. Ça fait du bien d’avoir quelqu’un comme Ariane à mes côtés, c’est plaisant d’avoir quelqu’un qui met du piment dans ma vie, sans que ce soit quelqu’un avec qui je sois en froid. Je regarde distraitement le barman non loin d’ici, et mon amie le remarque, n’attendant qu’une demi-seconde avant de faire une remarque, une mimique amusée peinte sur son visage. « Tu penses au menu? » Je ris à son commentaire, avant d’en profiter pour boire une autre gorgée de mon verre, et de lancer un ultime regard à l’homme derrière le comptoir, comme pour clore le chapitre. Pour ce soir en tout cas. Je penche la tête sur le côté avant de répondre. « Menu qui me semble prometteur. Mais je ne me sens pas d’humeur à draguer le mec derrière le bar. » On ne s’y attarde pas beaucoup plus longtemps, puisque quand elle me demande des nouvelles, un sujet tout désigné s’affiche dans mon esprit en lettres de feu, et je me dépêche d’en faire part à Ariane, qui se montre tout de suite parfaitement attentive. Je lui parle donc de Vitto, j’évoque la soirée orageuse où il a débarqué chez moi, sans prévenir. « Le hot italian de Rome avec des abs de feu? Vaguement. » Je lui lance un regard en biais. Ah oui, vaguement? Je ne parierais pas là dessus… Surtout étant donné la rapide description qu’elle vient d’en faire… Lui faisant bien comprendre que son « vaguement » ne m’a pas convaincue le moins du monde, je continue ma petite histoire, sans oublier de préciser que, n’attendant pas de visite ce soir là, je n’avais pas ce qu’on pourrait appeler une tenue décente. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’anecdote amuse beaucoup mon amie. « That’s my girl. » Je ris. « Ne vas pas croire que c’était calculé, bien au contraire. » Non cette fois, j’étais bien loin de m’attendre à le voir chez moi. Et si on m’avait dit avant que ça n’arrive ce qui est finalement arrivé ce soir là, j’aurais certainement traité la personne d’aliénée. « Il a résisté? Ton sourire me confirme que non. » Je n’ai même pas le temps d’articuler un mot que déjà elle répond à sa propre question, la réponse lui semblant sans doute trop évidente, et inévitable, de son point de vue. Et pourtant. « En vérité, c’était compliqué. On a réussi à s’expliquer un minimum sans se crier dessus. Il a fini par me faire des avances, et ça m’a complètement déstabilisée. » C’est le moins qu’on puisse dire, ça m’a même paralysée pendant un petit laps de temps. Moi qui adore le contrôle, je l’avais bel et bien perdu. Et quand j’y repense, j’ai un peu honte de m’être laissée ébranler à ce point. Peut-être même encore plus parce que c’était face à lui. « Et crois-le ou non, c’est moi qui ai résisté. » Au début. La laisser méditer sur ce que je viens de lui avouer, je commande à notre ami barman un autre verre, ayant prit soin de vider le précédent un peu plus tôt. Et quand elle me voit faire, Ariane vide son verre cul sec, et profite que le barman se soit rapproché pour me servir pour lui demander à son tour un nouveau verre, histoire de « me rattraper un peu ». Et chacune un nouveau verre dans les mains, nous en sommes maintenant au même point. Un partout. Oeillade complice entre les deux, et je roule des yeux, un sourire amusé sur les lèvres. « Mais sinon. » Je tourne la tête vers mon amie rousse, qui vient de relancer la conversation. « Il est à Brisbane? Il est revenu quand? T’es ok? » Je soupire. « En fait, c’est moi qui l’ai suivi jusqu’ici. J’avais besoin de réponses urgentes, et je voulais l’avoir en face de moi. Je savais qu’il était à Brisbane… J’ai pris l’avion. » Je secoue la tête. Je lui ai couru après depuis Rome, avec pour projet de lui arracher des aveux, pour quelque chose dont il n’est en rien responsable, au final. Peu désireuse de m’attarder sur ça, je continue, en répondant à sa dernière question. « Je sais pas si je suis ok. Honnêtement après ce qu’il s’est passé, je sais plus vraiment où on en est. » Mais je sens que je ne tarderai pas à le savoir. La tête dans une main, je cherche autre chose à dire, mais malgré tous mes efforts, mon esprit reste vierge de toute phrase cohérente.
L’ambiance du Sixteen Antlers avait toujours ce petit quelque chose entre le pompeux et le chill qui me faisait apprécier autant l’endroit que le trouver prétentieux. La carte des cocktails étaient hyper exhaustive, des tarifs de folie et des noms douchy à souhait ; mais les verres étaient tous excellents. La clientèle hautaine était pour la plupart sortie des plus gros bureaux du quartier, portefeuille de plusieurs milliers de dollars qui circulaient en tenue griffées autour de nous, mais le staff était cool, marrant, pas chiant du tout. Une fois nos verres à nouveau servi et un coup d’oeil de plus échangé avec le barman qui, ma foi, ce soir est lui aussi in a good mood, c’est Gaïa qui s’occupe de me mettre au courant de ses dernières histoires croustillantes. Apparemment, le type dont elle avait vaguement effleuré le sujet une fois ou deux avec moi avait fini sur le pas de sa porte, et elle avait exhibé la marchandise en totale riposte. « Je l’ai jamais vu, et j’ai déjà chaud à t’entendre parler de lui. Alors je capte tout à fait la déstabilisation. » c’était pas du tout un secret que le dude semblait être tout un numéro tiré à la loterie du physique, et c’est sans gêne aucune que je me l’imagine bien mentalement, laissant à mon amie le temps de relater l’issue d’une soirée que je croyais déjà toute écrite et finalisée à même ses draps défaits. « Sérieux? » et je m’étonne, ne faisant même pas attention au niveau de ma voix, sourcil haussé et calée contre mon siège. Gaïa n’avait pas craqué apparemment, et j’entendais la pointe de fierté dans sa voix qui étire un long sourire le long de mes lèvres. « Ça a dû le rendre dingue. Bien fait. » une longue gorgée plus tard, et y’a quelque chose qui cloche dans son récit, ou du moins, dans les informations que j’ai déjà entendues au sujet de cette histoire. Pas que je gratte trop sur la vie privée de mes potes, j’étais là quand ils voulaient parler, et je me forçais pas vraiment à insister. Mais qu’elle ait quitté l’Italie pour lui - et pas juste pour un paquet d’autres raisons - semble tout d’un coup particulier et intense. Néanmoins, j’ai pas à juger son geste, pas l’envie de toute façon. « Oula. C’est qu’il doit être un super coup, au final. » ça me semble être une raison valable quoiqu'un brin exagérée, de traverser le globe pour une dernière et ultime séance de corps à corps qu’elle anticipait comme phénoménale, à le traiter de la sorte.
« Tu les as eues, tes réponses? » Gaïa laisse le truc en suspens, et je pars du principe que si elle a abordé le sujet, c’est qu’elle est à l’aise d’en dire un peu plus. « T’as eu ce que tu voulais? » j'ai pas besoin de savoir ce que c'est, juste si elle a gagné. Si elle n’a pas cédé dans ses bras, si elle est restée stoïque, I guess qu’il n’a pas eu le choix, non? La brune qui se questionne sur leur eux, et si d’emblée j’étais prête à lui dire que c’est jamais une bonne chose de ressasser le passé, je me ravise. Bien sûr que j’étais la pro du “faites ce que je dis et non ce que je fais”, rien qu’à voir comment depuis décembre dernier Tad et moi étions à nouveau ensemble, kind of. « J’suis pas trop du genre à rebrasser le passé tu sais, de base. » Clara assise à quelques places de là une poignée de semaines plus tôt lâcherait sûrement une toux blasée pour la peine. Du coup, je précise rapidement. « Mais depuis quelques mois avec mon ex, on a recommencé à se voir et honnêtement, c’est beaucoup moins lourd depuis qu’on a repensé la formule. » et j’étais honnête, le pire. Les disputes étaient plus tant d’actualité, les nuits étaient moins seules, la complicité qu’on entretenait depuis toujours avait repris sa place, c’était bon. Pas parfait, peut-être pas idéal sur le long terme, mais ça allait. « Parfois, c’est juste la relation que vous aviez avant qui était nulle, pas la paire que vous formiez. » elle sonne comme Bridget Jones la Ariane, et ça suffit à ce que je gobe une autre gorgée d’alcool bien fort bien brûlant avant de poursuivre. « Après, c’est une déformation professionnelle tout ça, tu m’excuseras. » nouveau sourire moqueur, nouveau battement de cils. Puis, y’a l’écran de son portable qui s’illumine sur le comptoir, et il ne m’en faut pas plus pour être à nouveau bien alerte. « C’est lui? On joue un peu? » parce que si c’est son italien qui la texte à cette heure, y’a matériel à s’amuser.
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Quand je lui dis que j’ai résisté, sans préciser que j’ai cédé peu de temps après, je la vois qui s’étonne. À croire qu’elle n’imagine pas qu’on puisse résister à cette homme, qui lui donne chaud alors qu’elle ne le connaît même pas. « Sérieux? » Quelques personnes se retournent vers nous, l’air indigné, alors que la rousse se cale un peu plus dans son siège, un grand sourire sur les lèvres. « Ça a dû le rendre dingue. Bien fait. » Et quand elle boit une nouvelle gorgée de son verre, je baisse brièvement les yeux, et grommelle, assez peu fière d’avouer à mon amie que j’ai fini par craquer. « Oui j’ai résisté. Au début. » Et si je confesse ma faiblesse, je me retiens quand même d’ajouter que je n’ai pas protesté bien longtemps face à ses avances. Quand elle me demande s’il est à Brisbane, et que je lui avoue qu’en fait c’est moi qui l’ai suivi, pour une raison qui me paraissait bien assez importante, je l’observe attentivement, guettant sa réaction face à cette révélation. « Oula. C’est qu’il doit être un super coup, au final. » Et sa remarque me fait rire. Vraiment, et à tel point qu’encore une fois, on se retourne vers nous. Peu importe, il n’est pas bien compliqué d’oublier leur présence, eux qui me paraissent si insignifiants à cet instant précis. Quand je finis par me calmer, je bois une nouvelle gorgée d’alcool, avant de soupirer, regardant Ariane dans les yeux. « Tu n’imagines même pas… » Je lui fais un clin d’oeil, et bois à nouveau. La rousse enchaîne avec une question, cherchant naturellement à en savoir un peu plus. « Tu les as eues, tes réponses? T’as eu ce que tu voulais? » Je soupire à nouveau. « On peut dire ça. » Oui j’ai eu des réponses, mais il m’en manque encore certaines, d’autres questions s’étant rajoutées au fur et à mesure. Surtout, j’ai des choses à prouver. Je ne doute pas que je finirais par y arriver, mais pour le moment, je suis dans une impasse. Et je ne sais pas où j’en suis pour le moment. On verra bien. « J’suis pas trop du genre à rebrasser le passé tu sais, de base. » Elle me sort ça, d’un coup, et je relève la tête, les yeux ronds. Cette conversation prend un tournant intéressant. Soudainement très attentive, je ne dis rien, n’osant pas l’interrompre de peur qu’elle arrête l’instant confidences. « Mais depuis quelques mois avec mon ex, on a recommencé à se voir et honnêtement, c’est beaucoup moins lourd depuis qu’on a repensé la formule. » Je suis contente que ça aille mieux entre eux, si on peut dire. J’avais déjà entendue vaguement parler de leur relation. « Dans mon cas, je ne pense pas que simplement repenser la formule soit possible. Malheureusement. » Mais après tout, qui sait ce que l’avenir nous réserve. Dans tous les cas, ce n’est pas d’actualité pour l’instant. « Parfois, c’est juste la relation que vous aviez avant qui était nulle, pas la paire que vous formiez. » Je lève un sourcil, un brin moqueuse, alors qu’elle boit une nouvelle gorgée de sa boisson, après une moue espiègle et un battement de cils incontrôlable. On dirait presque un discours de psy, ce qu'elle me dit là. Presque. Secouant la tête, je l'imite et termine mon deuxième verre. « Après, c’est une déformation professionnelle tout ça, tu m’excuseras. » Sans blague. J’ai un rire léger. J’ai un rire léger, et du coin de l’oeil, je repère le barman, et lui fait un signe de la main, verre vide entre les doigts. Et alors qu’il s’approche pour me resservir une nouvelle fois, mon téléphone, posé sur le comptoir, vibre, l’écran s’illuminant subitement. Et si la lumière a attiré mon regard, elle a aussi attiré celui d’Ariane, qui semble d’un coup de nouveau sur le qui-vive. « C’est lui? On joue un peu? » Sa soudaine curiosité m’amuse beaucoup. Je remercie le barman qui vient de me resservir en le regardant à peine, ratant ainsi son air frustré, trop occupée à dévisager Ariane, qui semble se retenir de sauter dans tous les sens. « Ah, tu as envie de jouer? » Ça ne devrait pas me surprendre, d’autant plus après ce qui s’est déjà dit ce soir. Et l’idée ne me déplait pas non plus, bien au contraire. Je m’amuse un peu avec l’objet convoité, comme si j’hésitais. Mais je ne la fais pas languir bien longtemps. Avec un regard entendu, je lui tends le téléphone, sans même regarder qui essaye de me contacter à cette heure tardive. « Fais-toi plaisir… » On risque de bien s’amuser, et sûrement aux dépends de la personne qui a commis l’erreur de m’envoyer un message. Peut-être que c’est Vitto. Peut-être pas. Dans tous les cas, Ariane ne connaîtra pas son nom, puisque si c’est lui, ce qu’elle verra apparaître c’est un pseudo. Hot Italian, renommé comme cela sous les bons conseils de la rouquine. Au moment où elle va s’en emparer, je ramène l’objet vers moi. « Vas-y quand même doucement, au début. » Puis je fais glisser le téléphone sur le comptoir, vers elle. J’arrive à tenir à peu près trois secondes. Ensuite je soupire, et craque. « Bon allez, crache le morceau, qui a décidé de me harceler ce soir? »
Tout dans le discours de Gaïa suggère que cette histoire avec son ex la gruge autant qu’elle la fascine, l’excite. Y’a rien de vraiment étonnant là-dedans, compte tenu du fait que l’interdit était le genre de truc qui motivait 99% des gens à faire des choix déraisonnables, à poser les mauvaises décisions, à se faire du mal juste pour le plaisir de se brûler les ailes. Pourtant, quand mon amie laisse sous-entendre que y’a rien à faire pour eux, et que revoir la formule ou pas, ils sont foutus d’avance, j’hausse tout de même le sourcil réprobateur officiel. « T’as qu’à demander si tu veux que j’aille lui dire de dégager personnellement. » parce que je sais que ça peut être difficile voir même impossible pour elle de faire la coupure, de faire du ménage. Et moi, n’ayant absolument aucun référent et aucune attache pour le dude en question, je m'imagine bien débarquer chez lui avec mes grands sabots, jouer l’agressive, la folle à lier, la nana nocive et dangereuse, la meilleure amie possessive et j’en passe, juste pour bien bousiller toutes tentatives d’aller plus loin et de briser un peu trop le coeur de l’italienne à mon goût. Simple question de principe, de girl power. La soirée se poursuit sur une nouvelle tournée de verres, quelques haussements d’épaules de ma part, des questions par dizaine. Vivre par procuration la vie sentimentale trépidante de mon amie me procure une distraction comme une autre, et en bonne pote, elle y va même jusqu’à entrouvrir une possibilité de me permettre de jouer, de rigoler un peu, de pianoter sur son clavier à sa place. « Gaïa. Poser la question c’est y répondre. » et je bats des cils avec intérêt, une expression bien narquoise qui se dessine sur mon visage. La seconde d’après, voilà que la brune me laisse prendre possession de l’appareil et que tout sourire, je me cale dans mon siège, soupire d’aise.
Et là, c’est la panique. Elle veut tout voir, elle s’impatiente et je prends tout le temps du monde pour redresser ma nuque, remonter mes prunelles le long de son visage pour venir les plonger dans son regard. « Chill, ça va, j’dirai rien d’incriminant. » la partie de “je te laisse mon portable pour le reprendre et ensuite te le redonner” me fait marrer, un rire jaune toutefois, de réaliser que j’étais probablement pas dans meilleur état quand tout s’est terminé avec Tad. Encore heureux que ma fierté soit trop chiante et incapable de céder du terrain pour que je m’en rappelle tout en profondeur, ou même pour que j’ai la trouille que le tout se reproduise s’il advenait qu’on se voit plus éventuellement. « Au début. » et je précise, salace, prenant bien soin de dégager un brin mes mains de sa portée question d’être en sécurité et qu’elle ne s’immisce pas dans mon incruste. Puis, y’a évidemment la question qui remonte, la demande de confirmation à savoir qui j’ai au bout des doigts. « Ton étalon italien. » et je confirme, satisfaite, sachant très bien que le flot de sang qui s’accélère et le battement qu’elle va probablement manquer ne sont absolument pas justifiés puisque le nom affiché ne dit rien de tel. Pourtant, elle m’a dit que je pouvais jouer. J’ai juste pas précisé contre qui. « Apparemment, faut qu’il te parle, c’est urgent. » motivée par le fait qu’il faut vraiment que Gaïa relaxe face à tout ça, je poursuis mon méfait, jouant la comédie avec tant de justesse que c’en est presque alarmant de voir à quel point le mensonge est facile chez moi. « I mean, à cette heure. Bootycall. » en aparté, façon murmure, et un jeu de sourcils qui veut tout dire. Et c’est là où je pousse le truc trop loin probablement, assez pour que je doive me mordre, fort, l’intérieur de la joue pour ne pas pouffer de rire. D’une main, j’étire le col de mon t-shirt, et de l’autre, je glisse le portable à bonne hauteur, hauteur chaste pour tous ceux autour de nous, un peu moins pour le destinataire à qui je prépare une séance photo improvisée de mes dessous du jour. « Fais pas cette tête, c’est un joli nude bien mystérieux et de bon goût pour qu'il patiente le temps que tu finis ton verre avec ta bonne amie. » mais parce que je suis pas si vilaine non plus, le subterfuge viendra bien vite à sa fin, avant même que l’envoi ne soit complété, ou même entamé. « J’rigole. C’était pas lui. J’crois que c’est quelqu’un de ton boulot. » et je rends le téléphone à Gaïa, commandant deux shots pour faire passer son angoisse grimpante.
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Je soupire. Non, pour Vitto et moi, « repenser la formule » ne servirait pas à grand chose, du moins j’en suis persuadée. Du moins, ça ne pourrait pas fonctionner avant un bon moment, avant qu’il décide finalement, pas d’oublier mon erreur, mais de pardonner, de passer à autre chose. Chose à laquelle je ne crois pas vraiment. Est-ce que ce serait possible? Merde, je suis perdue. Quand je dis à Ariane que pour nous repenser la formule ne nous avancerait pas plus, elle hausse un sourcil. « T’as qu’à demander si tu veux que j’aille lui dire de dégager personnellement. » Et elle parvient à m’arracher un sourire, moi qui commençait à me morfondre, l’alcool amplifiant certaines émotions. Je sais que si un jour j’ai un problème dans ce style là, appeler mon amie pour un coup de main pourrait être une très bonne idée. Mais pas avec Vitto. « Je retiens la proposition. Mais pas besoin. Il ne se laisserait pas faire, même si tu te faisais passer pour une folle furieuse pyromane ou je ne sais pas qui d’autre. Et puis de toute façon, il était là le premier. » Je rigole, fais tourner mon verre, bois une gorgée, les yeux baissés. Bientôt, une nouvelle tournée de verre arrive, ce qui aide grandement à améliorer mon humeur. Beaucoup. Et mon téléphone vibre. Et je vois immédiatement la lueur joueuse dans les yeux de mon amie, facilement repérable, accompagnée par cette petite phrase, celle qui me demande qui c’est, et si on peut s’amuser un peu avec ça. Avec un sourire en coin, je fais mine de lui tendre le téléphone, lui demandant par la même occasion si elle est vraiment partante pour s’amuser, comme elle vient de le formuler. « Gaïa. Poser la question c’est y répondre. » Elle me regarde avec ses yeux de biche, l’air suppliant. Je l’aurais bien fait languir encore un petit peu, j’avoue, mais en vérité je ne tiens pas très longtemps avant de lui tendre l’appareil. Ce que, malgré moi, je regrette assez vite. S’il y a bien une chose que je déteste, c’est de ne plus avoir de contrôle sur les évènements. Alors je deviens nerveuse. Un petit peu. Et je m’agite, impatiente de savoir de qui il s’agit, et ce qu’il se passe dans la jolie petite tête d’Ariane. Et puérilement inquiète de ce qu’elle pourrait dire à la personne qui est toujours debout à cette heure. « Chill, ça va, j’dirai rien d’incriminant. » Je prends une longue inspiration, cherchant à retrouver mon calme. Ce que je réussis à faire assez rapidement. Je la crois quand elle me dit ça. « Bon. » Bon comme dans « bon, je te le laisse alors ». Je reprends mon verre, bien décidée à attendre patiemment -cette fois-, qu’elle décide de m’avouer ce qu’elle est en train de constater. Je bois une nouvelle gorgée. « Au début. » Je m’étrangle à son commentaire, et commence à rire quand je la vois qui s’éloigne légèrement, comme si elle craignait que je lui enlève son jouet, ce que j’aurais pu tenter, j’avoue. Mais au point où j’en suis, autant la laisser faire. Je m’excuserais plus tard auprès de la personne, si besoin. En attendant… Je fixe Ariane, en attendant qu’elle finisse par me répondre. « Ton étalon italien. » Je me force à l’indifférence, peu désireuse de lui faire étalage de ce qui se passe dans ma tête. J’ai soudainement chaud, et comme c’est quelque chose que je ne peux pas maîtriser, je prie pour qu’elle ne remarque rien. Je relève les yeux vers mon amie. « Et qu’est-ce qu’il dit? » « Apparemment, faut qu’il te parle, c’est urgent. » Je fronce les sourcils. Pas vraiment son genre d’envoyer ce genre de textos, j’aurais largement parié qu’il avait une préférence pour les face à face… Mais l’expression de la rouquine sème le doute. Je ne sais pas quoi lui répondre, alors elle continue. « I mean, à cette heure. Bootycall. » Je fixe Ariane, confuse, en proie à un soudain pic d’adrénaline. C’est vrai qu’à cette heure… Mais je trouve ça étrange. On ne s’est pas revus, ni même reparlé depuis la soirée d’orage. Rien. Je cherche quelque chose à lui dire, une protestation peut-être, mais je suis toujours incapable de dire quoique ce soit. Et ma nervosité augmente drastiquement quand je la vois prendre rapidement ses dessous en photo, mon téléphone dans le tee-shirt. Oh merde. « Fais pas cette tête, c’est un joli nude bien mystérieux et de bon goût pour qu'il patiente le temps que tu finis ton verre avec ta bonne amie. » Heureusement, elle ne parvient plus à garder son sérieux, son visage se fond d’un sourire quand elle me rend mon téléphone. « J’rigole. C’était pas lui. J’crois que c’est quelqu’un de ton boulot. » Pendant qu’elle commande autre chose à boire, je vérifie rapidement ses dires, et soupire quand je constate qu’elle s’est définitivement bien fichue du moi, et qu’elle a dû bien en profiter. C’est bien un message de quelqu’un du boulot, et pas un texto de Vittorio. « Et bien il attendra. Je ne vais pas penser au boulot ce soir alors que je suis avec ma bonne amie… » Me détournant d’Ariane pour me remettre face au comptoir, je prends mon visage entre les mains, expirant longuement, avant de commencer à rire. À rire vraiment. « Mi hai ingannata, lo sai? Et ça t’amuse en plus! » Je secoue la tête, mon visage fendu d’un sourire. Le serveur nous apporte des shots, très bonne idée venue d’Ariane. Au moins elle sait se faire pardonner… « Bien joué. » Il faudra que je trouve quelque chose pour lui rendre la pareille, je ne compte pas en rester là. Je m’empare d’un des deux shots, fais glisser l’autre vers elle, compte jusqu’à trois avant de le vider d’un trait. D’un geste, j’en demande deux autres, avant de reprendre, désireuse de changer de sujet. Et le seul qui me vient à l’esprit, là, tout de suite, c’est son coloc. Va savoir pourquoi. « Et sinon, quand est-ce que tu me le présente ce colocataire? Depuis le temps que tu m’en parles, j’aimerai bien mettre un visage sur le personnage… » Sérieusement, retour sur le coloc. Navrant.
L’ambiance prend de suite quelques degrés, maintenant que je m’active à rouler Gaïa comme jamais. J'accuse sa naïveté du soir sous l’effet de l’alcool dont le barman rempli son verre depuis que je suis arrivée - et me rassure en me disant qu’habituellement, elle avait nettement plus de vivacité d’esprit que maintenant. Mais le jeu est trop fun, les manigances me font tellement éclater de rire que je renchéris à chaque coup d’oeil en coin, à chaque question, à toutes ses interrogations que je balaie du revers, chantonnant, les joues rosies d’avoir trop ri à ses dépends. Et bien sûr que je ne bousille pas sa carrière toute entière en envoyant à son collègue un portrait détaillé de mon décolleté, quoi que l’envie ne manque pas. Elle a besoin de se secouer un peu l’italienne, elle a besoin de rire, de relâcher la pression, de faire abstraction du douchebag qui lui a volé son coeur sans adresse de retour. Mon boulot ce soir, c’est de la faire rigoler aux larmes, c’est de lui permettre d’oublier le souvenir langoureux d’une nuit de passion avec un amour déchu au profit de tout ce que la vie a de bon et de beau à offrir à une nana aussi cool qu’elle, à une Amazone dans son genre qui n’a besoin de personne pour faire rouler son monde de la façon dont elle le veut. « That’s my girl. Qu’ils marinent tous. » quand elle comprend le jeu et range son portable sans la moindre esquisse de réponse, j’hoche de la tête de la positive, applaudit même, voit les shots se poser sous nos yeux de plus en plus clairement alors que nos joues engourdissent sous les cocktails multipliés. « Tu me prends pour qui?! » trinquant à la sienne, à la mienne, à la nôtre et à personne d’autre, je bois mon verre cul sec sans même sourciller lorsque le poison brûle ma trachée, descend tout le long, va rejoindre ses potes d’inconscience et d'insouciance dans mon estomac.
« Oh, lui. » Gaïa relance le sujet du coloc et je cache à peine mon soupir. Vitto était un cas à part, et si 8 ans plus tôt j’avais pensé sensiblement la même chose de lui que ce que j’avais en tête actuellement, n’en restait que les quelques facettes encore mystérieuses autour de lui me faisaient quotidiennement râler. « Crois-moi, tu veux pas te mettre le nez là. » anticipant qu’elle soit comme toutes celles qui croisent son passage et le reluquent de la tête aux pieds, je poursuis mon exposé, non sans garder en tête qu’il semble trop beau pour être vrai, et qu’évidemment, il doit cacher quelque chose. « Bon, il est hot as hell, ça c’est évident. Mais si tu lui dis que je t’ai dit ça, tu meurs. Deal? » mes paupières papillonnent, non pas parce que le Giovinazzo est dans ma ligne de mire, mais bien parce que comme une gamine, je supporterais pas qu’il sache que j’ai articulé ce genre de commentaire sympathique envers sa petite personne. J’ai des principes. « Non mais voilà, il s’est mis en tête de lécher des amygdales en ce moment. » sinon quoi d’autre est-ce que je pourrais en dire? Gaïa s’ennuierait à mourir de savoir à quel point il se balade toujours en tenue d’Adam dans l’appartement. Ses goûts de merde en matière de musique - du rap italien, really dude? . Sa capacité à râler en permanence sur n’importe quel café de la ville, ce faisant qu’il arrivait à suivre le trajet pour s’y rendre déjà, sans se perdre. « Après, si ça fait passer ses études plus vite et sans le faire autant chier de recommencer du début, soit. » j’hausse les épaules, salue tout de même l’effort d’être en voie d’avoir son équivalence de diplôme et pouvoir se relancer dans son domaine e ici convenablement. « Je suis sûre que tu l’aimerais bien, en plus. Un romain qui bosse en droit, ça a tout du candidat que tu pourrais ramener à tes parents en mode bon parti. » l’idée germe entre la cinquième et la septième gorgée, et puis j’y pense, plus mon sourcil se hausse. « En vrai j’y ai jamais pensé, mais tu pourrais oublier ton ex avec lui tu sais. » qui a dit qu’une nuit torride avec Vitto n'était pas la solution à tous les problèmes dans ce bas monde? « Allez, dis oui! Blind date? » j'insiste, trop enthousiaste pour le potentiel de la chose, l'étincelle de mes yeux qui brille avec véhémence.
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Le bureau qui décide de m’emmerder à cette heure là, faut pas déconner. Ils attendront bien demain. Oui il y a le décalage horaire, mais si je m’arrange pour ne pas les appeler au milieu de la nuit, ils pourrait faire l’effort de le faire aussi. Après tout, je pourrais être en train de dormir profondément… Alors je décide sur l’instant de ne même pas regarder le contenu du message, et je range mon téléphone dans mon sac. « That’s my girl. Qu’ils marinent tous. » Sa remarque me fait sourire. Ça me donnerait presque l’impression qu’on est les maîtresses du monde, et que tout ne dépend que de notre volonté, et de la notre uniquement. Quand elle applaudit gaiment, je me dis que pour ce soir, il n’y a pas de mal à faire comme si. De nouveaux shots apparaissent devant nos yeux, comme par magie. On en profite pour trinquer à nouveau, prenant bien soin de ne pas faire attention aux quelques regards qui glissent sur nous de temps à autres. Des regards pour la plupart dérangés j’entends, nous sommes loin d’être discrètes… Une seconde plus tard, nos petits verres sont à nouveau vide -le contenu disparaît à une vitesse ce soir…!- et pour ne pas rester trop longtemps sur le tour qu’elle vient de me jouer, et qui m’a bien rendue nerveuse, je l’avoue, je change de sujet. Et va savoir pourquoi, le premier qui me vient en tête, c’est son colocataire. Elle soupire, et en voyant sa grimace, je me recule légèrement sur mon siège, un sourire amusé peint sur les lèvres. « Oh, lui. » J’ai bien envie d’en savoir plus sur ce fameux colocataire, qui semble parfois réussir à la faire tourner en bourrique, ce qu’elle lui rend parfaitement, je le sais. « Oui lui. Qu’est-ce que tu peux me dire de plus sur lui? Que je sache à quoi m’attendre si on met notre plan à exécution bientôt… » Rien qu’à l’idée de bousiller quelques plans dragues foireux, le colocataire d’Ariane, que je ne connais pas le moins du monde, dans le premier rôle, me voilà de nouveau de bonne humeur. « Crois-moi, tu veux pas te mettre le nez là. » Ah vraiment? Je ne dis rien et continue à l’observer avec insistance, comme pour l’encourager à en dire plus. Il est hors de question que je me contente de ça. « Bon, il est hot as hell, ça c’est évident. Mais si tu lui dis que je t’ai dit ça, tu meurs. Deal? » Avec ses yeux de biche, elle semble innocente, pendant une seconde. Mais je sais bien que quand elle veut, elle cache admirablement bien son jeu. « Oh t’inquiète pas pour ça, je ne dirais rien. Tu es bien trop terrifiante pour que je tente de lui confier quoique ce soit! Je tiens à ma vie… » Je ris, sincèrement. Dans tous les cas, je ne vois pas pourquoi j’irais confier à un parfait inconnu les ressentis de mon amie. Si elle veut tenter quelque chose avec lui un jour, je suis certaine qu’elle saura le lui faire comprendre, sans que j’aie besoin de m’en mêler. « Non mais voilà, il s’est mis en tête de lécher des amygdales en ce moment. Après, si ça fait passer ses études plus vite et sans le faire autant chier de recommencer du début, soit. » Elle hausse les épaules, et je l’imite. D’un côté, je le comprends. Si on peut gagner quelques années, en évitant de tout recommencer depuis le début… Et pour la méthode… Et bien chacun fait comme il souhaite, ce n’est pas moi qui irait lui faire la morale. « Chacun sa méthode… Après, il aurait pu prendre quelqu’un qui a la lumière à tous les étages, ça aurait été mieux. » J’ai du mal à me défaire de l’image que mon amie m’a donnée sur la « conquête » de son roommate, celle de la blonde écervelée. « Je suis sûre que tu l’aimerais bien, en plus. Un romain qui bosse en droit, ça a tout du candidat que tu pourrais ramener à tes parents en mode bon parti. » Je hausse un sourcil, intriguée. Inconsciemment, je ne peux pas m’empêcher de faire le rapprochement avec Vitto. Mais bon, faut pas exagérer, il n’y a pas qu’un seul romain qui bosse le droit, ça se saurait sinon. Je grimace à ses derniers mots. Elle ne sait pas à quel point elle a visé juste. Mes parents, qui n’attendent qu’une chose, que je ramène un fiancé à la maison, et qui s’empressent de me demander si j’ai quelqu’un dans ma vie à chaque fois que je daigne répondre au téléphone. Quand je leur répondrais enfin que oui, je pense que ma mère fera une syncope. « Ah tu sais, au point où j’en suis… Mes parents s’en fichent bien, la seule chose qu’ils attendent, c’est que je ramène quelqu’un… » S’en suit quelques minutes de silence, où nous reprenons nos verres, buvant lentement. Les yeux dans le vague, je laisse mon esprit dériver un instant vers Rome et les doux souvenirs que j’en ai… « En vrai j’y ai jamais pensé, mais tu pourrais oublier ton ex avec lui tu sais. » Surprise, je relève la tête vers Ariane. « C’est pas vraiment mon ex, tu sais. C’était purement sexuel. Un perfect match, tu vois… » Même s’il y avait de l’affection. On ne va pas se mentir, je l’appréciais bien Vitto. Mais pas un couple. Un partenaire avec qui passer du bon temps… Du très bon temps. Bref. Je secoue la tête. « Allez, dis oui! Blind date? » Elle insiste, avec un tel enthousiasme que je me dis que finalement ça pourrait être une bonne idée… Ses yeux brillent, on dirait une fillette de 4 ans devant le père Noël. « Qu’est ce qui te dit qu’il acceptera? Après tout, il a son étudiante à disposition non? » Mais j’avoue que l’idée me séduit de plus en plus. Qu’est ce que je risque de toute façon? Je peux très bien aller voir, et si il n’y a pas le moindre feeling, ciao! Et puis étant donnée que les goûts d’Ariane en matière de physique masculin sont plutôt sûrs… Ou alors, ne rien lui dire? J’ai un sourire en coin en imaginant la scène. Et le regard suppliant de mon amie met un terme à mon hésitation. « Bon, c’est d’accord. Mais je te préviens, s’il n’est pas aussi hot que ce que tu me dis, tu me le paieras… » Je finis mon verre, et le repose sur le comptoir avec un bruit mat. Dans quoi est-ce que je m’embarque encore… Je regarde mon amie, qui semble au comble de l’excitation. Peu importe. Si Ariane est dans le coup, ça ne peut être que drôle.
Gaïa s’emporte sur les détails, gratte ce qu’elle peut, et elle espère que j’en ajoute à mon tour, que je vende ce que j’anticipe déjà être un match parfait - ou du moins, le genre de duo qui fera sensiblement du sens une fois les premières cambrures échangées. Le barman vient poser à notre intention un bol d’arachides et autres craquelins, j’y plonge la main dans la seconde en roulant des yeux alors que mon amie a droit à la menace du jour ; un truc typique, logique quand on traînait trop proche d’Ariane Parker. Y’avait pas de moment de répit sachant qu’à tout instant je me réservais le droit de griffer ou mordre pour défendre mon petit confort de chieuse exigeante. À force on s’y habitue à mon règne de terreur, je promets. Satisfaite que Gaïa décide de plier ses questions et de se ranger du bon côté de la force - la mienne - j’hoche de la tête de la définitive. « Bien, exactement ce que j’aime entendre de la bouche de mes plus proches amies. » j’entends le serveur étouffer un rire amusé derrière le comptoir d’où il continue de nous écouter d’une oreille trop attentive pour que les clients aux environs ne doutent pas de l’exactitude de leur commande. À ça, la journaliste poursuit en soulignant que Vitto aurait pu arrêter son choix de copine officielle sur un full on package, ce que je balaie en haussant des épaules, lasse du couple qu’ils forment, mais pas particulièrement gênée ou pas convaincue que mon coloc ne se fiche pas du reste tant que ses besoins primaux - et scolaires - soient remplis. « La vie est une suite d’injustices, que veux-tu. » elle a des boobs, elle est assez naïve pour être intéressante, pour moi, ça fait 1 + 1 assez facilement. Justifiant que mon coloc n’allait pas remonter la cote de ses boy toys à la vue de ses parents, là par contre, c’est un rire cristallin qui se casse sur mes lèvres, qui attire à nouveau les coups d’oeil curieux, l’espace d’une seconde avant que les conversations retournent à du small talk d’apéro bateau. « Autant t’assurer de pouvoir le reluquer par la bande, alors. » de suite, je pense à maman, Clara Parker la seule et l’unique, qui en a vu de toutes les couleurs avec les propres candidats que je m’amusais à amener à toutes les fêtes de famille, toujours à pousser les extrêmes au mieux question d’empêcher les tantes et bribes de famille lointaine de s’inquiéter du fait que je ne sois pas mariée et-ou mère avant mes 30 ans. L’interlude Tad avait sauvé la mise et grand-maman m’avait parlé de lui presque jusque sur son lit de mort tellement il lui avait tapé dans l’oeil, mais autrement, plus l’hurluberlu à mon bras aux réunions de famille était effrayant et décalé, mieux je me portais.
Gaïa confirme à mon étonnement à peine masqué que son ex, c’est qu’une histoire physique. Et pourtant, je me dis que c’est beaucoup de mal pour jouer avec lui, bien trop de temps gaspillé à tenter de l’oublier, tellement de soupirs, de sueurs froides et de remises en question pour une belle chute de rein et des baisers langoureux partout là où ça compte. « Girl, ce sont que des organes génitaux. Des types en mode perfect match, y’en a des tonnes. » ma voix claque, peut-être qu’elle manque un peu de chaleur, d’empathie, sachant qu’il y a presqu’un an maintenant, j’ai remis le couvert avec Cooper justement parce que des matchs parfaits, y’en a pas tant que ça. Volontairement hypocrite, je me garde de l’info, avale une nouvelle gorgée en ne comptant plus j’en suis à combien, hausse le sourcils avec intérêt. « Faut juste que tu peaufines tes techniques de recherche. » revenant au sujet principal et au fait qu’elle était retombée dans les bras d’un amour du passé pas si amour que ça - qu’elle justifie, que je crois à peine. Et c’est là où j’entre en jeu, où je me transforme en vraie application de dating vivante, et où je lui prouve qu’avec un peu de bonne volonté et des idées assez mal tournées, on arrive toujours à se trouver un étalon pouvant remplir toutes les clauses du contrat, même les petits caractères. « T’inquiètes, ça j’en fais mon affaire. » Vitto, refuser une soirée avec une chica? Vitto, ne pas jouer la carte du dragueur italien qu’il maîtrisait à la perfection, avec un potentiel de 99,9% de chances de conclure à la fin de la soirée s’il flash ses dents blanches, son accent suave et la bonne dose de musculature au moment opportun? À d’autres. Et voilà qu’elle accepte, ce qui ne m’étonne pas, mais me ravit amplement. Un grand sourire de vainqueur couronne mon visage, alors que je lève ce qui reste de mon verre à l’honneur de Gaïa. « Y’a quelqu’un ici qui a faim, hum. » et à ce stade, j’ignore si je parle de mon amie, ou du barman qui doucement nous glisse une serviette avec l’adresse de l’after party où il semble vouloir nous inviter pour terminer la soirée tout en beauté.
I stand here waiting for you to bang the gong to crash the critic saying: is it right or is it wrong?
luleaby
red flags & long nights
« Girl, ce sont que des organes génitaux. Des types en mode perfect match, y’en a des tonnes. Faut juste que tu peaufines tes techniques de recherche. » Je lui jette un regard en coin et soupire. Je n’arrive pas à savoir si elle pense réellement ce qu’elle dit, mais si c’est le cas il va peut-être falloir que je change d’approche… Ou que je revois mes critères à la baisse. Je grimace et imite mon amie qui vient de reprendre une gorgée. Une chose en amenant une autre, la voilà bientôt qui me propose un date avec son hot guy de colocataire, que je n’ai jamais vu de ma vie. J’hésite un peu, simplement pour cela, avant de me rappeler qu’Ariane a plutôt bon goût en général, et que de toute façon, je ne risque rien à tenter l’expérience. On ne sait jamais… Mais il reste la question de l’étudiante, que je pose à Ariane sans conviction, parce que je suis sûre de sa réponse. « T’inquiètes, ça j’en fais mon affaire. » Évidemment. « Je n’en doute pas. » Et j’abdique, enfin, au plus grand plaisir de mon amie qui sourit de toutes ses dents, ravie de son idée. Elle lève son verre avec un regard espiègle. Le barman s’approche un peu, en nous dévisageant, juste le temps de nous glisser une adresse, celle où va se dérouler la suite de la soirée, très certainement. « Y’a quelqu’un ici qui a faim, hum. » J’éclate de rire. Qu’elle parle de moi ou du barman, peut importe, mais le regard qu’il lui lance, un peu gêné tout en lui donnant raison la seconde d’après. Après lui avoir jeté un coup d’oeil rapide, je vide d’une traite ce qu’il restait dans mon verre et me lève. Je me penche légèrement vers Ariane, pour chuchoter à son oreille. « N’exagère pas tout de même. Je n’ai pas les crocs au point de sauter sur n’importe qui… Mais je suis curieuse. » Avec un sourire, je laisse un billet sur le comptoir, m’emparant au passage de la serviette gribouillée que le barman nous a laissé. Je l’observe attentivement, essayant de savoir si cette adresse me dit quelque chose, si c’est dans un quartier que je connais. Mais ça ne me dit rien. J’agite la serviette en papier sous les yeux de mon amie, toujours assise. « Qu’est-ce qu’on fait? On va jeter un oeil? » Si ça se trouve, ça va être de la folie. Ou peut-être pas. Dans un cas, comme dans l’autre, j’ai l’impression que la soirée ne fait que commencer. Et si cet after ne remplit pas ses promesses, on trouvera bien autre chose à faire. Je compte largement sur Ariane pour ça. Je récupère mon sac, en marmonnant, plus pour moi-même que pour mon amie. « De toute façon, on ne risque pas grand chose à aller voir… » Secouant la tête, j’attrape mon amie par le bras, bien décidée à l’entraîner à ma suite. Quand je sors du bâtiment, je suis toute seule, Ari sûrement quelque part derrière moi, à quelques mètres ou simplement dans mon dos, je ne sais pas. Je me perds un instant dans mes pensées, en regardant la rue éclairée qui s’étend devant nous. Puis je jette un oeil derrière moi pour vérifier si mon amie m’a bien suivie, et je la vois qui se rapproche. Bien. Calant mon pas sur le sien, je commence à errer, parce qu’en vérité, je ne sais toujours pas où cette soirée va se faire. Je secoue la tête. « Si on veux vraiment y aller, faudrait peut-être se renseigner sur l’adresse… Tu sais où sais? Sinon on peut aussi se trouver un autre bar sympa, avec du beau monde pour continuer la soirée… Ou même un autre endroit qu'un bar. » Et tout en attendant sa réponse, je continue à marcher, lentement, sans savoir où on va.