Un sourcil arqué pour signifier la curiosité qu’elle ressentait dans l’attente de la réponse de Wren, et un sourire en coin trahissait sournoisement tout l’amusement que cette situation lui procurait. Si leurs propos étaient loin d’être enfantins, Maze avait pourtant l’impression de s’amuser comme une véritable gamine. Son regard alla se poser le temps de quelques secondes sur les lèvres du jeune homme. Lèvres qu’il était justement en train de mordre tout en prenant faussement le temps de la réflexion pour répondre à sa dernière question. Ce petit geste pourtant anodin suffisait à la déstabiliser. Plus les minutes s’écoulaient et plus elle avait l’impression que tous ses sens étaient en éveil, à l’affut du moindre mouvement qui pourrait se jouer en face d’elle, et complètement séduite par chacun d’entre eux. Elle secoua toutefois doucement la tête de gauche à droite comme pour se ressaisir. Elle était décontenancée mais n’avait pas envie de le laisser paraître si facilement pour autant. Maze avait l’impression que tous deux s’étaient lancés dans un jeu endiablé du chat et de la souris ce soir-là, revêtant chacun leur tour les deux rôles. Son sourire s’étira un peu plus alors que Wren développait tout naturellement sa réponse, comme elle le lui avait d'ailleurs demandé. Son naturel et sa désinvolture lui plaisaient tout particulièrement. La messe était dite avec cette réponse, elle n’avait rien à ajouter si ce n’était un léger hochement de tête dont elle ne se rendit même pas compte qui confirmait les propos qu’il avait tenus. Il ne faisait aucun doute qu’ils étaient certainement capables de se divertir mutuellement et ce quel que soit l’endroit où ils se trouvaient. Comme dans l’arrière salle d’un restaurant par exemple. Maze ne pouvait s’empêcher de se demander à quel moment cette soirée qui devait être un simple dîner avait complètement basculé pour faire place à cette surprise qu’elle n’aurait jamais imaginée, et ce malgré son imagination débordante. Sortant de ses réflexions, elle reposa son regard sur Wren et répondit à son interrogation par un sourire taquin. « Pour être parfaitement honnête, si Thor et toi étiez dans la même pièce, je ne sais pas très bien au bras duquel je repartirais. Je veux dire…Thor quand même…C’est le moment de t’avouer que c’est un peu mon idéal masculin ? Après Donatello, bien évidemment… » Maze n’était pas du genre à faire des compliments ouvertement ni facilement. Elle avait cette peur irrationnelle et disproportionnée de voir ses propos mal interprétés ou pire, que la personne en face d’elle ait instantanément les chevilles qui enflent à la suite de cela. Toutefois, elle avait l’intime conviction que Wren n’était pas un homme à réagir de la sorte, et c’est pour cette raison qu’elle se permit de se faire plus honnête après la plaisanterie qu’elle venait de glisser dans la conversation. « La vérité ? Un grand suédois aux yeux clairs, avec un regard envoutant et un charme indéniable…Thor a du souci à se faire. » Elle le fixa quelques secondes le plus sérieusement du monde, prenant le temps d’observer chacun des traits de son visage, chaque petite ride d’expression qui s’y formait quand il parlait, quand il plaisantait. « Je suis vraiment heureuse de passer cette soirée avec toi Wren. » Les mots lui avaient échappé comme un besoin irrépressible de lui faire savoir ce qu’elle ressentait à cet instant précis, en sa compagnie. Un sentiment de plénitude l’envahissait petit à petit alors qu’elle se laissait bercer par les caresses du jeune homme. Tout cela ne faisait que renforcer son envie de rester le plus longtemps possible dans leur bulle, éloignés du monde réel, de son tumulte et des gens stressés qui l’habitaient et lui prenaient bien souvent toute son énergie. Ici elle se sentait au calme, bien. Simplement bien. Son entourage et ses collègues remarqueraient-ils vraiment son absence s’ils décidaient tous deux de rester là et de ne plus jamais remettre un pied dans la réalité ? Elle aurait donné cher pour que la solution soit aussi simple. Mais pour le moment elle avait choisi de profiter de la soirée et de l’instant présent. Quittant doucement son attitude posée, Maze avait subrepticement enfilé le costume des plus célèbres James Bond Girls. Joueuse et un brin provocatrice, elle s’amusait de sentir Wren quelque peu chamboulé par son attitude. Elle qui avait tant besoin de tout contrôler appréciait de pouvoir prendre le dessus un instant. Mais elle ne se leurrait pas et savait pertinemment que la situation ne durerait pas. Elle avait beau se donner l’air sûre d’elle, le jeune homme la chamboulait tout autant et c’était dans l’urgence qu’elle avait fini par l’embrasser, poussée par ce besoin impérieux d’être à son contact et de recréer le moment fugace qu’ils avaient vécu sur son canapé. Comme un aimant, elle se sentait attirée par Wren et sa volonté commençait à laisser ses envies prendre le pas, encouragée par ses gestes. Elle se sentit instantanément frissonner lorsqu’il posa sa main sur sa cuisse et se laissa guider jusqu’à être assise à califourchon sur ses jambes, se rapprochant encore un peu plus de lui, sans quitter ses lèvres jusqu’à ce qu’il ne prenne la parole. Ça n’est qu’alors qu’elle réalisa qu’elle s’était laissée prendre à son propre jeu et que son cœur battait à présent à tout rompre dans sa poitrine. Elle se laissa aller une nouvelle fois au contact de sa peau sur son visage, fermant les yeux, un souffle discontinu s’échappant de ses lèvres et trahissant son bouleversement. Elle se cambra légèrement lorsque sa main glissa dans le bas de son dos alors qu’un délicieux frisson parcourait sa colonne vertébrale. Le moindre geste qu’il faisait, la moindre parole qu’il prononçait provoquait une réaction immédiate en elle. Elle rouvrit les yeux pour plonger son regard dans le sien avant d’aller déposer un baiser sur ses lèvres. « C’est réciproque. J’ai l’impression qu’il m’est absolument impossible de me tenir à carreau en ta présence. Et ce depuis que tu as fait ton entrée dans mon appartement. » Elle lui adressa un sourire doux et attendri avant de resserrer délicatement ses jambes autour de son buste et l’étreindre davantage encore. Puis, doucement, elle alla enfouir son visage dans le cou du jeune homme. Elle resta silencieuse quelques secondes avant de laisser une nouvelle fois libre court à ses pensées : « Je n’arrive pas à croire à quel point le destin fait bien les choses quelques fois… » Et c’était vrai. Jamais elle n’aurait pu imaginer se retrouver dans cette situation précise en ayant simplement manqué de mettre le feu à son immeuble. Le destin faisait vraiment bien les choses.
Les instants étaient fugaces mais les souvenirs, eux, immortels. Wren n'avait jamais pu tester cet adage en réalité parce qu'il n'avait jamais vraiment vécu de moments inoubliables, en tout cas, pas dans le bon sens du terme. Evidemment, il pensait souvent à la tragédie familiale qu'il avait vécu, les souvenirs le hantaient depuis plus de dix ans mais on ne pouvait pas dire qu'il pourrait en conserver un quelconque sourire en y repensant. Rien de tout ce qu'il avait pu vivre jusque là ne méritait son sourire, c'était peut être pour cette raison que Doherty paraissait toujours si froid en la présence d'autrui. Il avait gardé cette impression que le monde n'avait rien d'autre à lui offrir que les pires sévices alors, il se méfiait de tout, constamment. Au final, vivait-il réellement? C'était une question légitime en vue de son train de vie depuis de nombreuses années. Si, auparavant, le jeune homme était un dealer de quartier sans avenir, Wren avait réussi à inverser la tendance en s'engageant en tant que pompier... Mais avait-il construit quoique ce fut d'autre durant ce laps de temps? Pas le moins du monde. Il passait le plus clair de son temps à choyer sa mère d'attentions pour qu'elle n'essaye pas de se tuer dès qu'il avait le dos tourné et en dehors de cela, c'était la vie dans les bars qui l'accaparait. Rien de bien tumultueux à raconter à ce niveau non plus parce que Wren avait toujours la tête ailleurs, préoccupé par son frère et ses frasques, sa soeur et ses absences, sa mère et sa dépression. Au bout du compte, son existence se réduisait à cela: braver les flammes en l'honneur d'une tragédie qui l'avait brisé, tenter de garder sa famille en un seul morceau et s'épuiser dans un verre de whisky pour finir ses harassantes journées. Au milieu de tout cela, le bonheur n'avait que peu de place et les instants ne se marquaient pas tellement de nombreux sourires, rien d'impérissable dans tous les cas. Peut être que cette fois, Wren vivait quelque chose de différent: le monde avait l'air de lui lancer un signe ce soir là. Depuis sa rencontre avec Maze en fait, le décor avait l'air de changer de couleurs. Tout lui semblait plus avenant, plus chaud. C'était à le rendre complètement fou, s'il ne l'était pas déjà auparavant mais cette femme avait un impact clair sur ses humeurs. Ce matin là, Doherty avait été impatient de le retrouver quoiqu'un peu stressé par l'idée de vivre un rendez-vous après tout ce temps. Le suédois n'était jamais angoissé, jamais, c'était le flegme légendaire de sa famille qui s'exprimait habituellement mais cette fois, il avait ressenti un léger noeud au fond de son corps en s'imaginant que ce moment avec Maze pouvait avoir tout un tas de conséquences selon la manière dont il le gérait. A priori, il s'en sortait bien puisque Crawley n'avait pas encore fui, s'amusant même plus qu'autre chose avec cette partie de Let's dance et autres célébrations dignes de leur adolescence. Wren n'avait pas eu la temps de la vivre cela dit, alors ce n'était pas plus mal que quelqu'un d'aussi dynamique que Maze en soit l'instigatrice. Il arrivait enfin à se détacher de ses problèmes, à oublier le temps d'une soirée qu'il avait une tonne de responsabilités sur les épaules. Il pouvait être un gamin fan des Tortues Ninja, un idiot qui jouait aux amoureux transis face à sa belle... Et il devait se l'avouer, il adorait ce nouveau rôle. Surpris, le pompier ne pouvait que l'être, lui qui était très loin de l'image du sentimental de base, ne vivant ses histoires d'amour que par procuration en écoutant les récits de Kane à la caserne. Il ne faisait pas grand cas des affaires amoureuses en règle générale, préférant largement les amours d'un soir plutôt qu'un engagement quelconque sur le long terme. Il n'avait le temps de rien... Enfin, tout cela, c'était surtout une bonne excuse pour éloigner les gens qui seraient hypothétiquement intéressés par sa carcasse.
Le tout semblait encore surréaliste au moment où Maze osait le comparer à un dieu nordique dont on vantait les mérites dans les franchises Marvel. Wren était très loin de l'image du super héros: à lui seul, il devait dépasser le records de blâmes distribués dans l'histoire du reste de la caserne. Il faisait son travail avec volonté mais il avait une conscience de tête brûlée notoire et personne n'était certain que l'histoire se terminerait bien pour lui. Quelque part, c'était sûrement le genre de fins qu'il cherchait, jusqu'à maintenant. Là, à cet instant précis, il regardait Maze avec un large sourire aux lèvres, comme hypnotisé par les quelques paroles qu'elle pouvait laisser échapper. "Tous ces compliments Maze... Me laisser sous entendre que je pourrais te ramener à mon bras en lieu et place de Thor, je sais pas si tu te rends compte de la portée de tes mots. Je pourrais effectivement avoir envie de réaliser cet exploit, tu vois... Enfin, ça, c'est si Donatello se ramène pas avant pour te subtiliser à moi, tout est encore possible." Il lui fit un clin d'oeil, son rire cristallin éclatant dans la pièce vide autour d'eux. Le moment était intime, aussi intime que la suite du discours de Maze, spontanée comme à son habitude et diablement belle, à nouveau. Il passait un merveilleux moment lui aussi, même si les mots ne s'échappaient pas de ses cordes vocales... Wren n'avait pas besoin de cela puisque ses yeux le suggérèrent à la place, ceux-ci se perdant sur les traits de Maze la radieuse. La suite n'avait pas été maîtrisé, comme tant de choses entre eux depuis leur rencontre. Ils s'étaient hurlés dessus dans une salle de bain de dix mètres carrés et désormais, ils en étaient à s'embrasser après une chorégraphie de danse ratée mais ô combien sportive. Doherty avait cherché ce rapprochement, s'autorisant à caresser des parties du corps de Crawley qu'il n'avait même pas osés regarder jusque là. Il la sentait frissonner et son palpitant tremblait contre le sien puisqu'elle s'était rapprochée encore plus après un ultime baiser. Ses mains sur sa joue, ses yeux la dévorant comme si elle était un ciel étoilé, Wren n'aurait su dire s'il était encore sur terre ou bien propulsé dans le plus beau des paradis. Elle se cala contre lui et le jeune suédois caressa la peau de son dos avec délicatesse, respirant tant bien que mal contre le cou de la belle brune. "Vraiment? Et qu'est ce que tu vas faire ensuite alors si t'es incapable de te tenir à carreau avec moi? T'éveilles ma curiosité, je dois te le dire..." Il n'aurait pas pu être plus sérieux qu'à cet instant précis, peut être parce que la notion de destin qu'exprimait Maze, il la partageait plus que jamais, et c'était quelque chose d'unique pour lui. "Peut être que le destin est pas si sadique que ça, c'est vrai... Du coup, qu'est ce qu'on va faire, Maze? Où est-ce que ça nous mène tout ça? Parce que j'ai bien du mal à envisager de te laisser quitter mes bras pour le moment..." Pourtant, ils allaient bien devoir envisager un départ du restaurant. Le moment finirait par s'en aller, se mouvant en un immortel souvenir. L'avenir, cela dit, n'était pas encore décidé et le suédois n'avait aucune idée de ce qui allait advenir de cette relation des plus intenses. Il attendait que la brune lui fournisse une réponse, quand lui déposa un baiser au creux de son cou, irrémédiablement attisé par sa présence.
La vie sentimentale de Maze était-elle sur le point d’enfin ressembler à quelque chose ? Wren était-il sur le point de faire voler en éclats son côté cynique concernant le grand amour ? Maze avait beau adorer les comédies romantiques, les histoires à l’eau de rose qui ne pouvaient que bien se terminer, elle avait encore bien du mal à croire que tout cela était possible dans le monde réel. Elle avait une envie folle d’espérer qu’elle aussi aurait droit à son happy end, telles ses héroïnes préférées, mais les fantômes de ses relations passées lui bloquaient le chemin. A commencer par la toute première histoire d’amour qu’elle avait connue dont la séparation qui s’était avérée inévitable avait fini par lui briser le cœur. Il lui semblait que la tristesse qu’elle avait ressenti à l’époque refaisait encore sournoisement surface de temps à autre. Mais loin de se laisser abattre, Maze n’avait pas fermé son cœur à l’amour pour autant par la suite. Cependant, aucun de ses petits amis n’avaient réellement su se montrer à la hauteur de son premier amour, et nombre d’entre eux étaient partis avec perte et fracas. Elle ne niait pas qu’elle avait aussi sa part de responsabilité à jouer dans la plupart de ses ruptures. Mais en arrivant à Brisbane, elle avait finalement décidé de se concentrer sur son avenir professionnel avant tout. Elle n’avait pas besoin d’un homme pour la faire avancer et pour être heureuse. Son métier ne lui avait par ailleurs pas permis de se stabiliser sentimentalement, faisant entrer un grand nombre d’hommes de passage dans sa vie, les relations d’un soir se succédant à l’occasion. Si ses parents avaient eu la moindre idée de la manière dont Maze gérait sa vie personnelle, il ne faisait aucun doute qu’ils lui auraient immédiatement pris un billet de retour direction Londres. Elle avait beau leur répéter qu’elle était une grande fille capable de prendre ses propres décisions et d’assumer ses erreurs, elle comprenait aussi qu’elle resterait toujours un bébé pour eux. Aussi évitait-elle soigneusement de leur parler des hommes qui entraient et sortaient de sa vie assez rapidement. Pour l’instant, ce schéma de fonctionnement lui convenait parfaitement et lui évitait beaucoup de désagréments sentimentaux. Ou tout du moins, elle pensait que tout cela lui convenait. Mais depuis que Wren avait fait irruption dans son appartement, elle n’était plus certaine de ses convictions les plus profondes. Si elle essayait de se laisser porter sans se poser de questions, elle avait néanmoins l’impression qu’il détruisait doucement mais sûrement ses idées reçues sur les relations amoureuses, et toutes les barrières qu’elle s’était appliquée à ériger depuis son arrivée à Brisbane. Les yeux plongés dans ceux de Wren, un sourire aux lèvres, elle se sentait bien mais également totalement perdue. « Dans ce cas si tu as envie de réaliser cet…exploit… » Elle marqua une pause et eut un sourire en reprenant le mot que Wren avait choisi. Conquise depuis un certain temps, le fait qu’il puisse la ramener à son bras était bien moins un exploit qu’il ne le pensait. «…et si Donatello ne se montre effectivement pas, je pense que tu devrais te laisser guider par tes envies. » Tout comme elle se laissait guider par les siennes depuis le début de la soirée. Cela faisait un bien fou de pouvoir enfin agir de manière spontanée, sans vouloir sans cesse tout contrôler. Elle avait l’impression que ses actions et ses paroles n’en étaient que plus sincères encore. "Vraiment? Et qu'est ce que tu vas faire ensuite alors si t'es incapable de te tenir à carreau avec moi? T'éveilles ma curiosité, je dois te le dire..." Calée tout contre lui, profitant de la simplicité du moment, une expiration amusée lui échappa en entendant la dernière remarque de Wren. Elle se redressa doucement pour lui faire face et posta son visage à quelques centimètres du sien. « Mhhh…je ne sais pas… » Elle tourna la tête pour regarder au loin, prit un air sérieux et fit mine de réfléchir quelques instants comme s’il venait de lui poser la question la plus importante du monde. Puis, un sourire aux lèvres, elle reporta finalement son attention sur lui au bout de quelques secondes et replongea son regard dans le sien. Ce regard si envoûtant qui l’avait certainement conquise dès qu’il avait passé la porte de chez elle, chose qu’elle n’avouerait probablement jamais. Elle attrapa délicatement la nuque de Wren de sa main droite et alla déposer un baiser sur son front puis, lentement, un second sur l’arête de son nez. Sa main droite vint finalement attraper plus fermement le col de sa chemise pour l’attirer à elle alors qu’elle déposait un dernier baiser sur ses lèvres, terminant ce dernier en mordant doucement mais de manière joueuse la lèvre inférieure du jeune homme. Elle s’écarta quelque peu mais garda néanmoins leurs deux visages tout proches l’un de l’autre avant d’ajouter : « C’est plus clair là ?... » Un nouveau sourire amusé vint éclairer son visage. Sourire qui laissa rapidement la place à un air davantage songeur lorsque Wren formula à voix haute les questions qu’elle-même se posait sans trouver de réponses. Le baiser qu’il venait de déposer au creux de son cou ne l’aidait pas non plus à réfléchir très clairement à la situation. Que voulait-elle exactement ? Où cela allait-il les mener ? Difficile de le dire à l’avance. Difficile de savoir si les choses allaient bien se passer ; ils ne se connaissaient probablement pas suffisamment pour en être sûrs. Était-il raisonnable de tenter quelque chose avec un homme qu’elle n’avait vu que deux fois ? Rien n’avait été raisonnable depuis le début de leur rencontre, et pourtant tout semblait se dérouler de manière incroyablement naturelle et sans faux pas. Où était le piège ? Elle restait silencieuse face à toutes ces questions, elle ne savait pas quoi répondre à Wren. Son cœur lui criait de se lancer dans l’aventure, de tenter le coup. Son cerveau lui disait de se méfier pour ne pas être déçue une nouvelle fois. « On ne se connaît pas Wren. » La phrase pouvait sembler abrupte mais elle l’avait prononcée avec une infinie douceur. « Comment est-ce que tu m’envisages exactement ? Si c’est le temps d’un soir, je ne dis pas non. C’est la solution de facilité. » Elle marqua une nouvelle pause et passa délicatement son pouce sur les lèvres du jeune homme. Elle était incroyablement concentrée pour tenter de refréner les centaines de questions et d’incertitudes qui lui venaient à l’esprit et qui lui brûlaient les lèvres. « Mais j’ai très envie de t’envisager pour un peu plus que ça si je dois être totalement honnête avec toi. » Se livrer ainsi était incroyablement difficile, surtout pour elle qui était habituée à se montrer forte, ou tout du moins à essayer de faire croire qu’elle l’était en toute situation. En se révélant ainsi, elle avait l’étrange impression de mettre à nu toutes ses faiblesses face à Wren.
Wren n'en menait pas large, la plupart du temps. Il faisait semblant, un véritable comédien qui s'évertuait à tenir son rôle, plutôt vainement qu'autre chose. Il n'était pas fait pour tout cela, pour le théâtre et les faux-semblants même s'il avait envie d'y croire parce que c'était plus simple ainsi. Après tout, le suédois avait passé sa vie entière à faire comme s'il ne ressentait rien du tout en fréquentant le reste de l'humanité et jusque là, le subterfuge avait plutôt bien marché. Il avait eu quelques amis, était resté proche de sa famille avant tout mais en dehors de cela, Wren avait fait tous les efforts possibles pour ne pas s'attacher. Tout ce qu'il avait toujours désiré, c'était rester seul et ne rien risquer d'autre avec ce coeur déjà meurtri par les actes infâmes de son géniteur. Pas question alors d'en rajouter avec des sentiments qui ne pourraient qu'envenimer une situation déjà bien incontrôlable pour le jeune homme. Les femmes, alors, n'avaient eu qu'une place de substitut éphémère dans cette vie rondement menée par la routine. Il n'avait jamais aimé les relations parce que Doherty savait pertinemment qu'il finissait par les gâcher. Enfin, il n'avait essayé qu'une fois, au lycée, peu de temps après l'incendie et la jeune femme en question avait fini à l'hôpital pour anorexie. Wren s'était toujours vu comme quelqu'un de toxique pour autrui, ses gènes irlandais l'empêchant d'être heureux de quelque façon que ce fut. C'était ainsi qu'il le voyait en tout cas, comme s'il était le poète maudit par excellence, celui qui ne devait s'approcher de personne sous peine de vivre les pires maux pour écrire les plus belles litanies en conséquence. Wren n'était de toute manière pas doué avec les mots: il parlait peu, ne disait jamais rien de valeur parce qu'il ne considérait pas sa parole comme quelque chose d'essentiel à la survie d'autrui. En soi, il attendait juste que le temps passe, que sa vie passe, sorte de punition qu'il s'infligeait à lui même pour un pêché qu'il n'avait même pas encore commis. Et s'il craquait? S'il succombait aux flammes? C'était la seule question qui persistait dans son crâne et à ce moment là, que pourrait-il faire pour préserver son entourage? Voilà ce qui le tourmentait puisqu'il ressemblait à son père plus qu'il n'était en mesure de l'accepter, plus qu'il n'était prêt à le faire subir à une autre femme après sa mère. Voilà pourquoi il était toujours resté dans la catégorie des salauds notoires, ceux qui s'amusaient le temps d'une nuit et qui disparaissaient avant le petit matin. Plus simple ainsi, plus pratique, moins douloureux. Wren s'était toujours senti prêt à vivre de la sorte jusqu'à la fin de ses jours, enfin, jusqu'à ce qu'il réalise que d'autres personnes autour de lui avaient baissé leurs gardes et n'en souffraient pas tellement. Il pensait à l'histoire de Kane, à sa relation avec Wendy, aux doutes que le suédois avait laissé entrer dans son crâne ces derniers jours. S'il n'avait pas rencontré Maze, il était évident que Wren ne serait pas dans cette incertitude constante de l'homme qui tombe face à plus fort que lui. C'était une évidence pourtant, Maze était en mesure de fracasser la moindre de ses barrières, aussi bien physiques que mentales et cela aurait dû l'effrayer. Cela aurait pu lui faire peur en tout cas avant qu'il ne se laisse totalement aller à leur jeu de joutes verbales constantes, à ces moments où ils avaient laissé les choses se construire naturellement, lèvres contre lèvres, doudoune à l'envers et autres rires dérisoires qui promettaient tant entre eux.
Quelques jours plus tard, ils en étaient là en tout cas, dans l'arrière salle de ce restaurant à se dévorer des yeux sans savoir quelle pourrait être l'issue de leur affaire. Wren aurait aimé connaître la réponse par avance mais le destin ne fonctionnait pas de cette manière, très loin de là même et il en avait bien évidemment conscience après tout ce qu'il avait vécu. Maze l'hypnotisait, elle l'ensorcelait, oui, elle le rendait fou. Et s'il avait voulu se détacher d'elle, par pur instinct de préservation, il n'aurait pas réellement réussi. L'exploit aurait été celui là en somme, de partir avant que la situation ne devienne incontrôlable, avant que son esprit ait dit totalement au revoir à tous ses vieux principes de poète maudit. Que pouvait-il y faire au fond? Pas grand chose parce que le corps de Maze était tout contre le sien, que ses mots résonnaient dans son cerveau et qu'il ne savait pas s'il serait capable de se refuser à une femme comme elle. Non, Doherty ne pouvait qu'en être fou, que la regarder avec ce sourire taquin, sentant qu'elle laissait échapper sa propre maîtrise également, même si ce n'était pas sans mentionner une autre tortue ninja au passage. Le sérieux ne pouvait pas être totalement là avec eux deux, ils ne s'étaient pas habitués à cela en tout cas, si on excluait les quelques minutes où ils s'étaient insultés de bêtises pour une histoire de fumée dans une casserole de pâtes. "C'est bon à savoir, ça. Je pense que je vais me laisser tenter, alors... Et commencer à croiser les doigts pour qu'une tortue ninja n'apparaisse pas dans les minutes à venir, évidemment." Il se mit à lui sourire le plus naturellement du monde, certain que les souvenirs de leur première soirée restaient bien vivaces entre eux, quoiqu'il arrive. Clairement, Maze était différente des autres: à aucun moment elle lui demandait de tout dire dès les premiers instants, elle ne lui forçait pas la main mais se jouait de lui plutôt, attisant son brasier intérieur. Qui pourrait survivre aux actes de la belle brune à ce moment là? Wren était espiègle bien sûr mais il sentit son coeur battre la chamade des baisers déposés par Crawley sur son front puis son nez avant qu'elle n'intercepte son regard azur. Wren ne dit rien, sentant juste le poing de Maze se resserrer sur sa chemise au moment où ses lèvres happèrent les siennes et le monde disparut instantanément autour de lui. Il se laissa porter par la frénésie de l'instant, le parfum de Maze comme seul guide dans ce décor enivrant. Il réussit à sortir de cette transe après avoir senti la jeune femme laisser échapper sa lèvre inférieure de la tourmente de ses désirs. "C'est légèrement plus clair là, je dirais... Merci de tous ces éclaircissements, Maze, je pense que je risque d'en demander d'autres s'ils sont toujours aussi... Explicites." Il souriait encore, sentant que le moment lui échappait totalement, les mots s'échappant de ses cordes vocales sans qu'il n'ait le temps d'analyser le flot de ses pensées. Wren sentit le trouble passer dans le corps de Maze également et il eut peur durant quelques secondes d'avoir gâché le seul véritable moment de plénitude qu'il ait jamais connu. Il écouta les dires de Maze avec une extrême concentration, ses deux mains au sol pour s'offrir une stabilité physique qui lui manquait atrocement lorsqu'il était question de mental, à cet instant précis. Non, ils ne se connaissaient pas vraiment, outre ce doux fait qu'ils étaient attirés l'un par l'autre, sans savoir ce qui se cachait derrière cette façade d'humour naïf et débordant. Pourtant, ce petit quelque chose était bien trop intense pour être ignoré. Evidemment, le temps d'une nuit pourrait être la panacée, l'ataraxie la plus pure pour le suédois mais était-ce l'option qu'il allait choisir, oui, à nouveau, cette douce facilité? Il faillit hocher la tête parce qu'il pensait que c'était la solution à laquelle Maze allait succomber mais la fin de son discours indiquait quelque peu le contraire. "T'as raison, on est encore des étrangers l'un pour l'autre et c'est relativement simple comme ça. Ce sera encore certainement d'une grande facilité une simple nuit, toi et moi..." Il la regarda avec cette intensité dont lui seul avait le secret, ce fichu regard qui faisait succomber tant de femmes quand il en usait mais cette fois, il ne le faisait pas exprès, Wren ne voulait pas conquérir, il voulait juste vivre. "Et crois moi, j'ai toujours choisi cette voie là jusqu'ici. Ouais, parce que c'est simple, qu'on s'attache pas mais qu'on se fait plaisir tout de même mais..." Il s'arrêta, ses mains se posant à nouveau sur les joues de Maze, ses yeux se baladant sur ses doux traits qui l'attiraient tant. "J'ai bien aimé le fait que notre rencontre soit pas si simple, nous deux à se tuer verbalement dans une salle de bain avant de finir par jouer avec des doudounes... Je pense pas que je suis capable d'abandonner ça tout de suite, cette folie, cette spontanéité, ce que tu me pousses à faire, pas sans avoir essayé de voir plus loin qu'une simple nuit... Pour une fois dans ma vie." Il ne parlait que très peu de son passé sulfureux, d'habitude, il en était si fier, ce soir là, il le vivait comme un poison parce qu'il ne savait pas faire cela. Il ne savait pas faire plus qu'une nuit, il n'avait pas appris, il ne savait même pas s'il était capable d'aimer mais il caressa la joue de la brune face à lui toutefois, apeuré mais serein dans le même temps parce que c'était Maze et qu'il suffisait de se laisser porter. "Du coup, on peut tabler sur deux déjà, ça a pas l'air d'être ultra difficile à faire. Après, on pourra envisager de surenchérir, si bien sûr, aucun Donatello ne débarque entre temps." Il déposa un baiser sur l'arête de la mâchoire de Maze, sa main passant dans sa chevelure avant de continuer. "Enfin, ça, c'est si tu veux toujours rentrer avec moi bien sûr, sinon faudra revoir tout le plan..." Wren termina cette étrange diatribe par un sourire avant de venir voler un baiser à celle qui le faisait doucement sombrer dans la folie. Il s'y abandonna à nouveau, peu maître de lui même à ce moment là, sentant simplement le désir ardent transpercer ses veines, ses mains passant sur le corps de Maze alors qu'il oubliait tout. Wren oubliait qu'il était maudit, qu'il n'était pas fait pour cela, qu'il souffrirait... Il oubliait tout parce que c'était ce qu'il y avait de plus simple à faire en la présence de la somptueuse Maze Crawley.
Maze fit mine de balayer la pièce du regard, scrutant les coins et la porte avant de finalement reporter son attention sur Wren, un sourire à la fois attendri et conquis aux lèvres. « Pas de Donatello en vue. Je crois qu’il a abandonné. Il a compris qu’il ne faisait peut-être pas le poids après tout. » Après Thor, voilà qu’elle voulait bien renoncer à sa tortue ninja préférée, Maze mettait décidément tous ses principes à bat pour les beaux yeux de Wren. "C'est légèrement plus clair là, je dirais... Merci de tous ces éclaircissements, Maze, je pense que je risque d'en demander d'autres s'ils sont toujours aussi... Explicites." A quel moment réussissaient-ils à faire le grand écart entre des moments de complicité évidente et ceux bien plus séducteurs et moins innocents ? La brune était loin d’être une grande séductrice ; et pourtant elle se sentait comme pousser des ailes de ce côté-là dès qu’elle était en présence de Wren. Elle afficha un sourire mutin avant de répondre « Quand tu veux. » et elle déposa un nouveau baiser sur ses lèvres pour appuyer ses propos, juste avant que la conversation ne devienne plus sérieuse. Quand il s’agissait de parler de l’avenir, Maze ne savait jamais vraiment ce qu’il en était. Elle avait laissé entendre à Wren qu’elle saurait très bien se contenter d’une histoire d’une nuit si c’était ce qu’il recherchait. C’est ce qu’elle pensait. Ou tout du moins, c’est ce dont elle essayait de se persuader elle-même. « Ce sera encore certainement d'une grande facilité une simple nuit, toi et moi... » et s’est en sentant son estomac se tordre à ces mots qu’elle réalisa qu’elle se mentait probablement à elle-même et qu’une nuit avec le jeune homme n’était pas ce qu’elle recherchait. Pas seulement tout du moins. Pouvait-elle revenir en arrière ? Etait-il finalement pire de s’arrêter à cela pour qu’ils ne se revoient ensuite plus jamais, ou bien de mettre fin à toute cette histoire ici et maintenant pour éviter de souffrir. Alors que Wren expliquait qu’une simple nuit évitait de s’attacher, elle sentit sa respiration s’arrêter le temps de quelques secondes, dans l’attente du verdict final qui allait tomber. Elle acquiesçait sans réellement s’en rendre compte tout en se préparant psychologiquement à devoir garder la tête haute malgré la réponse qui l’attendait. Le souffle coupé au sens très littéral du terme et jusqu’à présent crispée, elle sentit ses épaules se détendre lorsqu’il déposa ses mains sur son visage. Mais ? Il y avait donc un mais. Pouvait-elle naïvement continuer d’espérer que quelque chose soit possible entre eux ? Elle l’écouta attentivement, sentant un nouveau sourire se dessiner sur ses lèvres lorsqu’il évoqua leur rencontre. Tout son corps se détendait progressivement, sa respiration avait repris son cours, elle ne quittait plus Wren des yeux alors qu’elle se laissait à nouveau aller à penser que leur histoire pouvait bel et bien donner quelque chose. Quelque chose de beau, de fort, et de fou aussi. Elle acquiesça lentement à sa proposition : « Deux…ok pour deux. » Elle se sentait doucement chavirer à chacun de ses contacts. Maze n’avait pas besoin de vin ce soir-là pour que l’ivresse s’empare d’elle ; il suffisait que Wren la touche le plus simplement du monde. Elle passa ses mains derrière sa nuque avant de répondre à son baiser avec fougue, confirmant une nouvelle fois qu’elle était bien incapable de se tenir à carreau en sa présence, se laissant emporter par la dynamique que son corps et son cœur avaient réussi à imposer à son cerveau. Mais n’était-ce pas une question de minutes avant que ce dernier ne prenne le dessus ? Reprenant son souffle, elle alla déposa délicatement son front contre celui de Wren : « Je veux toujours rentrer avec toi. Ça me paraît plutôt évident. » Elle sourit de manière amusée avant de détacher quelque peu son visage de celui du jeune homme pour observer ce regard qui la charmait tant. Alors qu’elle serait volontiers restée indéfiniment dans leur bulle d’insouciance et de bonheur pure et simple, elle sentit sa nature profonde reprendre le dessus sans qu’elle ne lui ait demandé quoi que ce soit. Control freak, stressée, angoissée, c’était tout ce que Maze essayait secrètement de cacher aux gens qu’elle côtoyait. Il fallait dire qu’elle savait plutôt bien donner le change au travail et à des personnes qui n’étaient pas particulièrement proches d’elle. En revanche, ses amis et sa famille avaient appris à la décrypter et à voir le désarroi dans son regard trahissant toutes les questions qui lui traversaient l’esprit. Et c’était justement ce désarroi qui venait de prendre le pas sur elle. Elle ne pouvait pas s’en empêcher, il fallait toujours qu’elle finisse par se compliquer la vie d’une manière ou d’une autre. Elle ouvrit la bouche pour laisser libre à cours à tous ses tracas mais aucun son ne sortit. Elle hésitait. Cela allait-il totalement gâcher le moment ? N’était-ce pas déjà fait finalement ? Son incapacité à profiter de l’instant présent venait-elle d’assombrir leur rendez-vous ? Elle se pinça les lèvres, hésitante, plongeant une nouvelle fois son regard dans celui de Wren comme si elle pouvait y trouver les réponses qu’elle cherchait. Et elle se décida finalement à lui faire part de ses inquiétudes. Quitte à casser l’ambiance, autant aller jusqu’au bout. « Qu’est-ce qu’il va se passer si tu découvres que…je suis absolument invivable ? Est-ce que tu savais que les hausses et les baisses de glycémie pouvaient agir sur l’humeur des diabétiques ? Il se peut très bien que je devienne une harpie d’une seconde à l’autre et sans préavis. Est-ce que t’as vraiment envie de supporter ça ? J’ai toujours géré mon diabète en solo jusqu’à présent, et j’ai pas envie de l’imposer à qui que ce soit. En plus j’ai tendance à me prendre la tête pour tout et n’importe quoi, à me poser des questions tout le temps…et je peux rapidement monter en pression sans raison. Tu vois la folle que tu as rencontrée la première fois ? Il y a de fortes chances pour qu’elle refasse un jour son apparition. Et si finalement on découvre qu’on n’a rien en commun ? Si ça se trouve tu vas finir déçu…et si… » Il fallait qu’elle marque une pause pour reprendre sa respiration au milieu de toutes ses questions. Elle avait plusieurs inquiétudes mais elle ne pensait pas non plus en avoir autant. Jamais elle ne se serait douté qu’un tel flot de paroles allait jaillir lorsqu’elle avait ouvert la bouche pour s’expliquer. D’angoissée elle venait de passer à dépitée. Si elle ne faisait pas fuir Wren avec tous ses questionnements…Était-il possible de remonter le temps d’une manière ou d’une autre pour qu’elle puisse cette fois-ci faire le choix de se taire et d’étouffer toutes ses craintes ? De ne pas céder à cette logorrhée ? A quel moment avait-elle décidé de revenir aussi brutalement dans la réalité ? Pourquoi fallait-il toujours qu’elle voit le verre à moitié vide ? Elle aurait très bien pu choisir de laisser faire les choses et de se poser toutes ces questions en temps voulu. Mais non, c’était un comportement bien trop commun et logique pour que Maze puisse l’adopter.
Que se passait-il exactement? Wren n'aurait certainement pas pu le définir, lui qui n'avait jamais eu d'expériences similaires. Des femmes, il en avait connu un certain nombre, toujours prêt à s'amuser pour oublier sa vie tortueuse et les éléments traumatisants qui la composaient mais il n'était jamais resté plus que quelques heures avec chacun d'entre elles. Wren était devenu un expert de la fuite au fil des années qui s'écoulaient. Il trouvait toujours un stratagème perfectionné pour s'en aller sans froisser la jeune femme qui lui avait accordé sa confiance le temps d'une soirée. Il n'était donc pas si sauvage qu'il en avait l'air, lui qui affichait son manque d'intérêt pour autrui en société. Au bout du compte, Wren était intensément humain, toujours prêt à sacrifier un petit bout de lui pour l'intérêt général. Avec les femmes, en tout cas, il était de ceux là. La preuve, il avait quitté la seule petite amie qu'il avait eu parce qu'il se savait être une mauvaise influence pour elle. Entre la drogue et les troubles mentaux, Doherty avait conscience qu'il n'avait pas le plus décent des comportements et en vue des problèmes psychiques qu'enchaînaient sa dulcinée d'antan, il avait préféré s'évaporer. Evidemment, il était passé pour un salaud en partant au moment où elle avait eu le plus besoin de lui mais avec du recul, on ne pouvait qu'avouer que le meilleur choix avait été fait à ce moment là. Wren n'avait jamais regretté en tout cas, ce n'était pas son genre de toute manière, de revenir sur ses actes quelques temps plus tard avec l'envie de vouloir tout reprendre à zéro. Lorsqu'il choisissait un chemin, il s'y tenait toujours et ce, peu importe les terribles conséquences que ce fait pouvait avoir. Ce qui était étonnant justement, à cet instant précis, c'était la décision qu'il semblait prendre en compagnie de Maze. Lui qui ne s'engageait plus depuis le lycée acceptait l'idée avec une certaine facilité depuis qu'il avait rencontré la belle brune. Il était comme hypnotisé par les quelques bêtises qu'elle pouvait débiter, ses traits enivrant l'invitant à plus encore s'il se laissait totalement aller. Non, Wren n'était pas prêt à la quitter et envisager ne pouvoir l'avoir à ses côtés qu'une unique nuit relevait de la folie la plus pure. Il n'était tout bonnement pas prêt à abandonner leur complicité, surtout pas aussi prématurément alors qu'il avait encore tant de choses à découvrir sur la jeune femme. C'était bel et bien le fond de l'affaire: Wren avait envie de tout vivre en compagnie de Crawley, sans rien garder de côté parce qu'elle l'intéressait au plus haut point depuis le jour où elle avait failli lui arracher la tête pour une histoire de casserole brûlée. Doherty se rappellerait probablement toujours du regard interloqué qu'elle lui avait lancé à ce moment là, il aurait pu en sourire si ses actes ne l'avaient pas tant excédé en vue de l'extrême imprudence dont elle avait fait preuve. Wren n'était pas un pompier pour rien et il avait clairement le sang chaud lorsqu'on venait le titiller. Sur ce coup là, Maze l'avait fait sortir de ses gonds avant de faire ressortir une facette de lui qui n'était jamais maîtresse habituellement. Il détestait faire preuve de vulnérabilité, c'était même plutôt l'inverse, le jeune homme se retrouvant toujours prêt à larguer les amarres pour s'éviter toute forme d'attachement. Avec Crawley, ses actions avaient indiqué toute autre chose puisqu'il lui avait proposé ce rendez-vous des plus chaleureux dans un restaurants, par dessus le marché. C'était tout à fait étonnant quand on prenait la mesure de ses expériences passées. Wren rencontrait des femmes dans les bars ou dans les clubs, au détour d'un verre ou d'un simple regard mystique et le tour était joué. Au petit matin, il était de retour dans son lit comme si rien ne s'était passé. Il avait eu cette capacité à effacer les moments quelconques pendant tellement longtemps qu'on ne pouvait qu'être effaré en le voyant si à l'aise dans une telle situation avec Maze. Pourtant, le suédois était totalement détendu en se comparant à un dieu nordique ou une tortue ninja, souriant à la brune au moment où elle insistait sur le fait qu'aucune tortue n'était en vue pour la subtiliser à lui. Il savait très bien quel était le sens caché de cette phrase, Maze lui indiquant ainsi qu'il n'avait aucune concurrence pour la fin de la soirée. Elle n'avait pas l'air d'être prête à abandonner leur histoire naissante, aussi farfelue qu'elle pouvait être en comparaison de celles que l'on pouvait voir dans les films. Heureusement, Wren n'était pas un spécialiste de cinémas, encore moins de comédies romantiques ce qui lui facilitait la tâche au moment de faire preuve de sincérité envers sa partenaire. Il n'avait aucun point de comparaison, voilà tout, ce qui lui permettait de n'avoir honte de rien, pas de cette partie de Let's dance ridicule ou bien du fait qu'ils étaient étendus au beau milieu de l'arrière salle d'un restaurant huppé. Wren ne pensait pas à tout cela au moment de soutenir le regard de Maze parce qu'il avait suggéré que sa façon de procéder pour argumenter était des plus excellentes. La dynamique restait intacte, c'était une évidence quand on les regardait évoluer sans tenir compte du décor ou du temps qui passait autour d'eux.
Wren, en tout cas, ne semblait pas s'en inquiéter et vu l'importance du présent, ce n'était pas plus mal. C'était lui qui s'était intéressé en premier aux questions d'avenir qui pouvaient exister entre eux. Il ne savait pas à ce moment là ce que Maze pourrait bien lui répondre, lui même étant choqué de son audace à ce sujet. Elle avait eu l'air ouverte à l'idée de passer un peu plus de temps en sa compagnie dans un futur proche et comme Wren était plutôt joueur, il avait fallu qu'il la fasse un peu mariner en guise de réponse. Il la sentit se tendre à ses côtés mais cela ne l'empêcha pas de continuer de plus belle, laissant transparaître son envie de n'avoir qu'une histoire éphémère avec la jeune femme. Le regard de Maze était dépitée, bien sûr mais Doherty fit semblant de ne pas l'avoir vu avant de changer radicalement le ton de la conversation. Non, il ne voulait pas que d'une nuit, il désirait plus que cela, lui le fuyard notoire, le haineux de toute forme d'amour depuis son adolescence. Il ne pouvait pas lui donner une date d'expiration, considérant que prendre les événements au jour le jour leur serait bien plus bénéfique que faire des plans sur la comète et Crawley semblait l'approuver, un soulagement pour lui. Wren s'extasia donc de la perspective de passer cette nuit avec sa jolie brune et même quelques autres après cela, une première pour quelqu'un d'aussi solitaire que le suédois. "Tant mieux alors, je me voyais vraiment pas tout seul chez moi après cette folle partie de Let's dance, j'aurais été frustré." Il sourit plus nettement après ces mots, suggérant ainsi qu'il aurait été bien plus frustré de la perdre aussi vite. Maze comptait tant déjà, sans qu'il n'ait pu lutter contre cette évidence des plus affolantes. A vrai dire, le pompier ne pouvait que se plonger dans son regard qui se transforma d'ailleurs en l'espace de quelques secondes. Son discours, ensuite, finit de l'angoisser. Maze était en proie à des centaines de questionnements, des doutes persistants qui n'avaient même pas traversé l'esprit de Wren pour être honnête. Il l'écouta sans l'interrompre, sentant que la rupture pouvait être proche s'il ne trouvait pas les bons mots en retour. Le jeune homme aurait aimé l'embrasser à nouveau pour calmer ses peurs, juste la porter plus nettement dans ses bras pour qu'elle oublie toutes ses interrogations mais il savait tout autant que la force de la parole valait souvent des milliards d'actes dans des situations aussi pressantes. "Eh, tu me fais quoi là? Pourquoi tu te fais autant de mal avec des hypothèses comme ça? Maze, je suis certainement plus invivable que toi... Tu te rappelles du rustre qu'a fracassé ta porte et est entré par effraction dans ta salle de bain pour une histoire de petite fumée? Je suis comme ça et toi, t'as peut être un sale caractère mais sans ça, tu m'aurais pas tapé dans l'oeil, mon côté masochiste qui ressort sûrement... Et ta glycémie, c'est pas un problème, tu sais. Je suis pompier, je peux gérer, je crois. T'as pas à avoir peur d'un futur hypothétique... On verra bien, non? T'as pas à avoir peur de ce qui adviendra parce que ni toi ni moi ne savons ce qui se passera... Profiter de ce qu'on a, là, maintenant, c'est le principal si tu veux mon avis. Et n'aie jamais peur de partager toutes tes questions, je trouverai toujours une réponse à te donner. Et crois moi, je suis pas déçu de ce que je vois, de ce que j'entends ou touche depuis tout à l'heure. Je veux juste être avec toi, Maze. Pas une pseudo Maze, la folle dans sa globalité. Est-ce que ça te va comme formule?" Wren partageait son regard vert océan à sa partenaire, sa main se baladant sur sa joue, se voulant rassurante après tout ce qui était en train de se dérouler. Le suédois ne contrôlait pas grand chose, c'était une évidence mais il restait sincère malgré tout, exprimant ses envies et ses besoins à ce moment là, sans rien contenir, pour une fois. "En plus, on a les Tortues Ninja en commun, de un. Let's Dance, de deux. L'amour des doudounes, de trois. De la bouffe aussi, de quatre. Et je crois pas me tromper en disant qu'on se plaît, donc ça fait cinq... La liste va s'allonger, Crawley." Il lui fit un clin d'oeil, maître de ses émotions, après tout ce temps, tous ces traumatismes, tous ces petits instants qui avaient fait naître un Wren fuyard, loin de lui à cet instant précis. Très loin même.
Maze s’était déjà demandée à plusieurs reprises si elle n’avait pas une légère tendance bipolaire. Elle pouvait passer d’un état d’esprit à un autre très rapidement. Passer du verre à moitié plein au verre à moitié vide en un clin d’œil. Avoir confiance en elle et en l’avenir et se mettre soudainement à douter de tout avant de se remettre elle-même en question. A trop réfléchir, elle réussissait bien souvent à se gâcher de jolis moments. Toutefois, elle ne commençait à se poser des questions existentielles que dans des situations assez sérieuses, ou tout du moins qui comptaient à ses yeux. Sa famille et son travail étaient souvent la cause de ses principales préoccupations et de ses changements d’humeur. En revanche, ses relations amoureuses n’en avaient jamais véritablement fait partie, et ce pour deux raisons. D’une part, les derniers hommes qu’elle avait croisés n’avaient clairement pas comme objectif de rester dans sa vie bien longtemps, et cela lui convenait jusqu’à présent. Moins de problèmes, moins de questions à se poser, moins de prises de tête. La seconde raison était tout simplement qu’aucun de ses précédents petits amis n’avaient compté suffisamment à ses yeux pour que son anxiété et sa capacité à se poser des questions pour tout et n’importe quoi ne refassent surface. Évidemment, il lui était déjà arrivé d’éprouver de la rancœur et de la tristesse après des ruptures difficiles. Mais elle ne s’était jamais sentie paniquer au sujet du futur de ses quelques relations. Peut-être était-ce parce que Maze était trop jeune pour s’inquiéter de ce que l’avenir lui réservait à l’époque. Peut-être était-ce tout simplement parce qu’elle ne s’était jamais suffisamment attachée aux hommes de sa vie. Or ce soir-là, ce qui se passait était assez inexplicable pour elle. Jusqu’à présent, Wren avait réussi l’exploit de lui faire accepter le fait de ne rien contrôler, et elle avait plutôt bien su se laisser porter par le moment. Le fait qu’il la fasse languir et commence par sous-entendre qu’une seule nuit entre eux serait peut-être préférable avait clairement été le point de départ de ses interrogations. Elle qui s’était laissée aller à se confier à cœur ouvert avait presque immédiatement regretté sa décision. Pourtant, n’était-ce pas elle qui venait de dire qu’elle saurait se satisfaire d’une simple nuit passée en la compagnie du jeune homme ? Pourquoi s’était-elle alors sentie désemparée et déçue ? Ils avaient probablement à nouveau affaire à une belle contradiction de la jeune femme, digne de l’expression incroyablement cliché « Suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis ». Quoi que présentement, Maze était probablement prête à suivre Wren dans les deux cas. Et même s’il s’était finalement gentiment joué d’elle le temps de quelques secondes et avait fini par la rassurer sur la suite des événements, cela avait suffi à faire germer un nombre incalculable de questions et de doutes dans son esprit. La brune aurait donné cher pour pouvoir les effacer en un claquement de doigts, mais elle savait pertinemment que toutes ses questions auraient tourné en boucle dans sa tête, finissant définitivement de lui gâcher sa soirée. Mieux valait s’en défaire tout de suite pour savoir ce qu’il en était, quitte à faire fuir son prétendant. En tout cas, elle-même aurait très certainement pris ses jambes à son cou dans la situation inverse. Le monologue que Wren lui avait débité en début de soirée était bien loin du sien. Alors que celui du jeune homme respirait le positif et les bons présages pour la suite de leurs aventures, celui de Maze sentait davantage l’anxiété avec une touche de panique. Encore une chose qu’elle ne comprenait pas. Elle qui était tant capable de maîtriser ses émotions et son stress dans son travail se retrouvait soudain complètement prise au dépourvue et désarçonnée ce soir-là. Pourquoi ? Par quelle magie ? Alors que c’était précisément à ce moment-là qu’elle aurait souhaité plus que tout être maîtresse de ses émotions. Dans l’attente de la réponse de Wren, elle sentit une boule se former au creux de son ventre, sensation bien moins agréable que tout ce qu’elle avait pu ressentir lors de cette soirée jusqu’à maintenant. Mais le jeune homme réussit à trouver les mots justes, effaçant petit à petit et les uns après les autres tous les doutes qu’elle s’était inventés. Plongée dans son regard, elle se laissa happer par ses paroles et se sentit doucement convaincue que toutes ses questions n’avaient aucun sens et aucun fondement. Baissant finalement les yeux vers le sol, un fin sourire s’afficha sur ses lèvres lorsque Wren finit par la qualifier de folle. Mais de folle avec qui il voulait être. Elle n’avait pas à se montrer autrement ; elle pouvait être elle-même. Maze resta silencieuse, comme réfléchissant à tout ce qui venait de se dire. Lorsqu’il se mit à faire la liste des choses qu’ils avaient en commun, elle laissa échapper un léger rire avant de finalement replonger son regard dans le sien. Toujours silencieuse, elle resta ainsi quelques instants avant de finalement se libérer de la main du jeune homme qui se baladait toujours sur sa joue. Lentement, elle s’écarta de lui avant de se mettre debout. Qu’allait-elle faire exactement ? Le savait-elle elle-même ? Etait-il finalement temps pour elle de fuir lâchement avant que toutes cette situation ne devienne trop sérieuse et ne les mène tout deux à une sévère déception ? Maze semblait enfin avoir repris le contrôle de ses émotions et de toutes les idées contraires qui se battaient en duel dans sa tête. Il ne lui restait plus qu’à prendre une décision quant à l’avenir de la soirée et à l’avenir de leur relation. Elle qui peinait tant à faire des choix trouvait ce sujet un peu trop crucial à son goût. Mais pour l’une des premières fois de sa vie, elle était convaincue qu’elle ne regretterait pas la décision qu’elle prendrait ce soir-là, et ce quelle que soit l’issue d’une possible histoire entre eux à l’avenir. Elle inspira profondément avant de laisser apparaître un sourire sincère sur son visage. En guise de réponse à tout ce qui venait d’être dit, elle tendit simplement sa main en direction de Wren. Par ce geste, elle souhaitait à la fois l’aider à se remettre de bout, mais elle l’invitait aussi et surtout à poursuivre la soirée en sa compagnie.