Il devait être aux alentours de 18h lorsque Dean se gara devant le bel immeuble abordant le bar rooftop de la ville. C’était un endroit chic, connu pour être chef et convoité par les plus grandes personnalités de la ville. Inutile de dire que le jeune Irlandais avait très envie de se rendre à cet endroit à son habitude, mais encore plus lorsque le bar était réservé toute la nuit pour une soirée privée.
Aujourd’hui était, en effet, le jour où la maison d’édition Willowers avait décidé d’inviter les auteurs potentiellement susceptibles de répondre à leurs nouvelles attentes en termes de rentrée littéraire pour cette année 2018. Dean n’était pas, bien entendu, l’un de ces écrivains incompris qui viendraient présenter un quatrième tome d’une saga tordue mais bien pensée. Il ne venait qu’en toute modestie, dans l’ombre même, de l’un de ses clients. En effet, l’un des clients les plus fidèles de Dean Maguire était également le frère de l’un des invités. Ne pouvant se rendre personnellement à l’événement pour raisons médicales, il avait demandé de manière si convaincante à Dean de prendre sa place que le jeune Irlandais n’avait même pas compris comment il avait réussi à dire oui.
Le voilà alors en train de monter jusqu’au toit où se trouvait le bar, prêt à vendre les louanges du livre écrit par le frère de son client, Alexander Belpierre. Sur le chemin, il avait appelé ce client, fidèle ami, pour lui demander quelques informations concernant le bouquin : c’était un thriller, où l’on commençait par lire le milieu de l’histoire, pour mélanger le temps réel et les flashbacks, pour ensuite découvrir à la fin que le tueur de la ville n’était pas celui dont on pensait dès le départ. Pour Dean, cela semblait être le schéma classique et il ne savait pas comment défendre cela. Seulement, ce n’était pas réellement son rôle mais plutôt à celui d’Alexander, l’auteur du roman, de se défendre et de convaincre pour faire partie de la rentrée littéraire 2018.
Une fois sur le toit, il donna son nom sur la liste à l’entrée et déposa sa veste à l’un des membres du personnel. Ce que cet endroit pouvait être chic ! Avec l’événement qui s’annonçait, il l’était encore plus que d’habitude. Les quelques tables basses, habituellement posées au beau milieu du toit, avaient été remplacées par des tables hautes, autrement dit, des « mange-debout ». La soirée cocktail dont tout Australien pouvait rêver. Non loin du bar, il vit Alexander avec déjà un verre à la main. « Bonsoir, Dean ! Un petit verre pour te remercier d’être venu ! ». Dean aimait déjà cet homme, il parlait directement à son cœur en lui parlant d’alcool. Il accepta volontiers le verre de champagne et trinqua avec Alexander, aux futures prouesses de son roman bientôt publié par la maison d’édition.
« Mais tiens, c’est qui le phacochère que tu dois convaincre ce soir ? ». Alexander rit et lui répondit que c’était une belle jeune femme. Ces trois mots sonnaient comme les cloches de Notre-Dame aux oreilles de Dean. C’était parfait, il n’aurait même pas besoin de parler de justice ni de loi pour convaincre la personne, il n’avait qu’à jouer de son charme pour permettre à Alexander de décrocher une place dans cette fichue rentrée littéraire et, surtout, pour permettre à son frère de rester client chez eux. Quel défi ! « Et où est cette belle jeune femme ? ».
Et là, ce fut le drame. Au moment où Alexander pointa le doigt en direction de la dame en question, le cœur de Dean manqua d’un bond et il dut se faire violence pour ne pas casser son verre de champagne dans ses mains. Non loin d’eux, en train de discuter avec d’autres personnes, il reconnut aussitôt Sage Daniels. Bordel, alors c’était cela son métier ? Chasser les auteurs ? Les dents tout d’abord serrées, il finit par grogner un « Oh non, pas elle » avant de boire d’une traite le restant de sa coupe et d’en redemander une autre. La soirée promettait d’être longue.
Dernière édition par Dean Maguire le Jeu 25 Oct 2018 - 11:07, édité 3 fois
« Les étoiles dansent dans le ciel quand les couples sortent le soir. Les étoiles nous font de la lumière quand nos sourires sournois s'éclairent. Mais toi et moi nous ne sommes pas un duo aimant, toi et moi ensemble, nous ne sommes rien d'autre que le volcan qui part en fumée. Nous sommes deux étrangers aimant jouer avec les nerfs de l'autre tandis que les passants s'imaginent autre chose. »
C’était une soirée qu’elle attendait depuis longtemps. Elle n’aurait pas pu se l’expliquer mais elle appréhendait le moment où les gens commenceraient à marcher sur ce toit où étaient installées ces tables hautes. Il y aurait là des auteurs prometteurs, des auteurs qui cherchaient à signer et des personnes qui étaient venues pour les apéritifs gratuits. Elle s’en fichait, elle avait les moyens de nourrir tout Brisbane s’il le fallait. Pas pour très longtemps certes, mais l’argent n’était pas une priorité. Elle avait appris de ses expériences passées que ce qui comptait c’était de profiter des moments que la vie nous offrait. Et elle voulait permettre aux quelques personnes méritantes qu’elle avait rencontrées de profiter de leur heure de gloire. C’est pourquoi elle avait organiser ce petit événement mondain. Ce n’était pas dans ses habitudes, le Willowers était une petite boîte indépendante qui faisait dans le discret et Sage aimait ne pas faire comme les autres. Mais parfois, il fallait se rendre à l’évidence, pour appâter l’homme, il fallait le séduire avant tout. Parmi les potentiels auteurs à faire signer ce soir-là, il y avait Jean Flynn, une demoiselle de 17 ans que son père avait violée à l’âge de 12 ans. Elle avait écrit son histoire avec une plume très touchante et Sage voulait l’éditer. Elle savait qu’elle allait se heurter à la censure journalistique, que la presse pouvait la descendre en flèche d’exposer ainsi une gamine à l’opinion publique… Mais elle pensait qu’écrire délivrait bien plus que cela n’emprisonnait. Alors elle voulait que « The one who killed my youth » soit publié. La jeune Jean tardait à arriver et Sage tournait autour d’un cocktail rosé qui lui faisait penser aux vacances. Il faudrait qu’elle prenne un avion un de ces jours et parte un peu au loin. Cela lui ferait du bien de se déconnecter un peu. Mais pas pour l’instant. Elle aimait prétendre que la surcharge de travail la tuait mais en vérité, c’était aussi ce qui la maintenait en vie. Etre occupée lui faisait oublier tout ce qui se tramait aux tréfonds de son âme.
Elle parlait avec un autre éditeur qui était venu pour analyser la concurrence, le laissant croire qu’elle se souciait de son avis concernant les diminutions de budget de certaines entreprises d’impression quand… elle aperçut le mâle qui incarnait le mal. Dean. Elle ne le connaissait pas assez que pour prétendre que son avis à son sujet était justifié mais elle ressentait tant de mauvaises ondes provenant de lui qu’elle ne pouvait faire autrement que le haïr. Un gars imbu de sa personne qui pensait que toutes les femmes tomberaient comme des mouches devant lui, qui souriait de cet air arrogant à souhait… quasiment une version masculine d’elle-même en fait. Mais elle refusait de l’admettre. Il était imbuvable alors qu’elle était adorable. Elle lui tourna le dos avant qu’il ne puisse la remarquer et pestiféra intérieurement « Mais qu’est-ce qu’il fout là l’aristocrate ? » Il n’était pas auteur, pas aux dernières nouvelles. Dans leurs maigres conversations passées, ils avaient à peine eu l’occasion de se présenter, qu’ils s’agressaient déjà. C’était lors d’un gala de charité. Sage portait une robe dos nu de couleur pêche et quand ils avaient été présentés il avait osé lui serrer la main en se moquant de sa tenue. Tout était dans l’ironie et dit avec la finesse d’un sourire taquin. Mais Sage savait discerner une blague innocente d’une attaque déguisée à son encontre. Depuis, à chaque rencontre, ils s’évitaient autant que faire se peut. Mais ils finissaient toujours par se retrouver l’un près de l’autre. Et là… les piques allaient bon train.
Au bout d’une heure et demi depuis l’apparition des premiers invités et alors qu’elle avait déjà parlé à une ribambelle d’entre eux, elle partit au bar pour commander un cocktail rosé. Elle ne savait ce qui s’y trouvait exactement mais ce goût légèrement amer-sucré n’était pas pour lui déplaire. Evidemment, comme elle ne pouvait l’éviter indéfiniment, elle se heurta à Dean qui passait lui aussi commande. « Je ne vous savais pas amateur de lecture. » elle le regarda avec un mépris non dissimulé. « A vrai dire, j’aurais même parié sur le fait que vous étiez un illettré. » C’était tombé au moment même où elle avait récupéré son verre d’alcool de la main du barman. Elle lança un sourire on ne peut plus faux à Dean avant de revenir à ce qui l’intéressait. « Plus sérieusement maintenant, je sais que vous n’êtes pas venu pour mes beaux yeux et vous n’avez visiblement pas besoin qu’on vous offre à manger » lui dit-elle en désignant son costume de marque « alors que me vaut l’honneur ? » Elle buta volontairement sur le dernier mot.
Entre-temps, Dean avait eu le temps de finir sa coupe, d’appeler le serveur au bar et d’en redemander deux, une pour lui et une pour Alexander. Mais, aussitôt que la seconde coupe fut vidée d’une traite, il pesta entre ses dents : « comme si deux coupes de champagne allait changer quoi que ce soit ». Bien évidemment que non, puisque le jeune homme avait passé ses années universitaires à s’entrainer à boire et à augmenter sa capacité à la descente d’alcool. Il était sûr et certain que deux coupes n’allaient pas changer la donne. Ses yeux se levèrent tout aussitôt au ciel : Que diable avait-il mérité pour se retrouver dans une telle situation ? Rien que de voir la jeune femme en peinture, ça l’insupportait. Il n’imaginait pas passer plus d’une heure d’affilée sur le même toit qu’elle. Mais alors, lui parler, c’était inimaginable. Le pauvre Alexander n’allait jamais pouvoir décrocher le moindre titre à ce rythme-là. Dean qui, d’habitude, pouvait porter chance à certaines personnes, voire jouer de ses charmes pour aider dans certaines situations, se voyait ici tout simplement comme quelqu’un qui portait la poisse. D’un mouvement tout à fait naturel, il invita ledit Alexander à se décaler sur l’un des coins du bar, où tous deux pouvaient être tranquilles pour discuter. Près d’une bonne heure se passa sans sur le toit, où Dean profita que Alexander tenait le crachoir pour commander et s’enfiler des verres de vin rouge. Cela avait au moins le cachet d’être quelque chose de bon, pas comme cette piquette de champagne qui allait finir par lui donner la nausée. « Si c’est cette Sage Daniels qui a choisi le champagne, pas étonnant qu’il soit dégueulassse » pensa-t-il. Par contre le vin, lui, contre toute attente, était bon. L’heure passa alors à s’enfiler le vin, verre après verre, tout en écoutant l’histoire d’Alexander. Plus l’heure passa, plus il était difficile pour lui de comprendre le fil conducteur de l’histoire. Pour lui, cela n’avait ni queue ni tête. Mais en se disant qu’avec un peu de chance, Sage était bête, l’histoire pouvait lui plaire. « Mais que racontes-tu Dean », se dit-il à lui-même, « c’est Satan cette femme, bien sûr que non, elle n’est pas bête ». Enfin, une lueur de lucidité parcourut l’esprit du jeune homme. A force de payer et d’offrir les verres de vin à Alexander, mieux valait payer carrément une bouteille. En prime, Sage Daniels semblait avoir déserté la pièce. Du moins, Dean ne la voyait plus. C’était parfait. Il en profita pour revenir vers le centre du bar pour commander une bonne bouteille de vin rouge, parmi celles qui étaient proposées. Mais au moment où il voulut tendre le bras pour attraper sa bouteille, une voix presque stridente à ses oreilles l’interrompit : « Je ne vous savais pas amateur de lecture. A vrai dire, j’aurais même parié sur le fait que vous étiez un illettré ». Super, Sage Daniels en personne, en train de le mépriser du regard avant de lui adresser un sourire si faux que l’hypocrisie venait de se trouver un nouveau nom. « Sage Daniels, quel plaisir » lui répondit-il sans le moindre enthousiasme dans la voix. Le compte à rebours était lancé, avant qu’il ne pète un câble et quitte la pièce. Seulement, il ne pouvait pas. Cela aurait été un échec cuisant pour son fidèle client. « Plus sérieusement maintenant, je sais que vous n’êtes pas venu pour mes beaux yeux et vous n’avez visiblement pas besoin qu’on vous offre à manger. Alors que me vaut l’honneur ? ». Quelques secondes passèrent avant que Dean ne se mette à pousser un long soupir d’exaspération, faisant mine d’essuyer un éventuel postillon qui se serait posé sur son épaulette de costume de marque. « Voyez-vous ma chère Sage » déclara-t-il finalement, un ton très solennel, « malgré le fait que vous aimeriez que je sois venu pour faire partie de vos plus beaux joyaux en termes de bouquins, je ne suis là que pour représenter une innocente personne qui ne vous a rien fait ». Et il acquiesça à ses propres dires, comme pour se dire à lui-même : « bien joué, Dean ». Alors qu’en réalité, l’alcool lui faisait peut-être perdre le fil de ses pensées. D’un mouvement calculé, il attrapa finalement sa bouteille avec un fin sourire, avant de finalement afficher une mine sceptique. Cette mine s’accompagna d’un mouvement autour d’elle, la contournant tout en la détaillant du regard. « Belle tenue, bien plus jolie que la pauvre tenue abricot de votre tante… c’est juste dommage que vos cheveux soient si ternes et crêpelés » finit-il par avouer, d’un ton hautain. A la suite, Dean apporta la bouteille de vin jusqu’à sa bouche pour tirer le bouchon (déjà retiré de moitié) avec ses dents, dans un doux bruit d’apéro. Il ne faisait jamais ce genre de truc en public, surtout pour le travail. Mais là, l’idée de mettre Sage mal-à-l’aise ne fût-ce que deux secondes le faisait jubiler. « Un petit verre de vin, mademoiselle ? » lui souffla-t-il d’un air taquin.
Dernière édition par Dean Maguire le Jeu 25 Oct 2018 - 11:08, édité 1 fois
« Les étoiles dansent dans le ciel quand les couples sortent le soir. Les étoiles nous font de la lumière quand nos sourires sournois s'éclairent. Mais toi et moi nous ne sommes pas un duo aimant, toi et moi ensemble, nous ne sommes rien d'autre que le volcan qui part en fumée. Nous sommes deux étrangers aimant jouer avec les nerfs de l'autre tandis que les passants s'imaginent autre chose. »
Cela ne lui aurait pas déplu de soudain se réveiller et réaliser qu'elle était encore dans son lit et que la soirée était loin devant elle. Réaliser ainsi que le Maguire n'était pas venu à sa réception et que donc elle pouvait souffler et se délester de l'irritation qui l'animait. Quitte à reprendre ensuite tous les sourires et conversations qu'elle avait déjà menés jusqu'à présent. Mais rien de tout cela n'était possible car il était bel et bien là, en chair et en os devant elle. Elle perçut sans aucune difficulté le ton plein d'ironie qu'il prit lorsqu'il prétendit au plaisir de sa rencontre. Sa manière même de prononcer son prénom et nom était à lui en hérisser les cheveux. « Je vous en prie, évitez de chanter mes louanges, vous savez très bien que cela ne prendra pas. » fut sa seule réponse. Froide tout en arborant un visage neutre qui ne pouvait rien laisser transparaître à ceux qui auraient admiré le spectacle de plus loin. A distance, ils avaient l'air de deux inconnus bavassant à une soirée de la maison Willowers. Et la partie de petites simagrées et de courbettes aussi fausses que les sourires de la reine d'Angleterre prirent fin la seconde qui suivit. Pourtant Dean avait toujours dans son regard cette étincelle piquante qui mettait Sage en haleine. Il lui apprit qu'il était là pour représenter un client et elle dut se retenir de lui demander quelle pauvre âme avait pu confier son sort à l'avocat véreux qu'il était. « Vraiment? Et qui représentez-vous? » Elle avait sorti son regard dubitatif et remettait sa parole en doute de manière volontaire. « Je vois que vous ne tenez pas à ce que votre ami soit publié. Sinon vous vous abstiendriez de faire des commentaires sur ma coiffure... » elle le regarda avec cet air méprisant de patronne prête à vous congédier avant de finir sur un ton encore plus cassant « ... surtout quand on considère que vous êtes venus sans invitation. » Elle repoussa la bouteille qu'il lui tendait après avoir haussé les yeux au ciel. Il se prenait pour un gamin de seize ans? Retirer le bouchon à même la bouche, c'était immature. Mais c'était probablement cette inconscience et ce côté négligé en parfait contraste avec son image de BCBG qui crispait ses nerfs et ses entrailles d'un désir totalement refoulé. Accoudée à la rambarde du toit, elle leva les yeux au ciel avant de lui lancer « Si vous voulez défendre le livre de votre ami, vous avez cinq minutes. » Puis sur un ton de défi, elle ajouta « Vous partez avec une sacrée épine dans le pied mais c'est l'occasion de prouver que vous êtes un bon avocat. » S'il la convainquait de prendre son ami sous son aile alors qu'elle aurait préféré se couper un bras que de faire ce plaisir à Dean, il serait clair qu'il avait du talent en tant qu'argumentateur.
C’était évident qu’à cet instant, Dean ne pouvait qu’éclater de rire face aux mimiques dont Sage Daniels faisait preuve. Elle avait cet air complètement coincé et hautain, elle lui filait la gerbe rien que par ses courbettes répétitives et sa manière de parler digne de Downtown Abbey. « Vous faites toujours ainsi ? Rassurez-moi, vous faites exprès parce que je vous fais perdre tous vos moyens, n’est-ce pas ? Sinon, je ne vois pas comment votre entourage puisse vous supporter un tant soit peu ». Sa voix fut calme, alors qu’il était en train de hausser les épaules. En réalité, il ne se serait jamais permis de parler ainsi à qui que ce soit, que la personne lui soit connue ou non. Mais là, c’était Sage Daniels. Elle l’agaçait et il savait que ce genre de paroles, que ce genre de comportement surtout, allait la faire exploser à un moment ou à un autre. « Vraiment? Et qui représentez-vous? Je vois que vous ne tenez pas à ce que votre ami soit publié. Sinon vous vous abstiendriez de faire des commentaires sur ma coiffure... surtout quand on considère que vous êtes venus sans invitation ». Les yeux levés au ciel, Dean se demandait que diable avait-il fait au bon dieu pour devoir passer une soirée pareille ? Mais en voyant Aleksander à l’autre bout du toit, il se dit que tenter l’affaire ne lui couterait rien, du mois, rien de très important. « Cinq minutes ne sont pas suffisantes si vous voulez avoir un minimum de considération pour un auteur qui aimerait vous conter son histoire. Êtes-vous réellement à l’écoute de votre potentielle clientèle ? » questionna-t-il, tout en revenant vers la bouteille de vin ouverte à la bouche pour en servir deux verres de vin rouges. « Allez, détendez-vous. Vous avez l’air tellement crispée que cela vous donne un visage presque effrayant. C’est dommage, vous êtes une belle femme à la base ». Enfin, il posa la bouteille sur le comptoir et fit mine de trinquer avec elle, se fichant pas mal qu’elle le suive ou non dans le mouvement. Lui, avait le vin et, lui, allait être détendu. « Vous partez avec une sacrée épine dans le pied mais c'est l'occasion de prouver que vous êtes un bon avocat. » - « Allons, allons. Nous savons tous deux que j’ai d’autres fleurs à butiner que de vous prouver quoi que ce soit. Je sais que votre admiration à mon égard est sans failles, mais il ne s’agit pas de moi, mais bien de cet auteur qui ne pourrait qu’apporter de bonnes choses à votre maison d’édition. Un contexte des années 50 avec une histoire vraie en fond, ça ne pourrait donc pas vous intéresser ? ». Après quelques gorgées, il finit par poser son verre et observa avec une grande attention l’élégante femme qui se trouvait face à lui.
Dernière édition par Dean Maguire le Jeu 25 Oct 2018 - 11:08, édité 1 fois
« Les étoiles dansent dans le ciel quand les couples sortent le soir. Les étoiles nous font de la lumière quand nos sourires sournois s'éclairent. Mais toi et moi nous ne sommes pas un duo aimant, toi et moi ensemble, nous ne sommes rien d'autre que le volcan qui part en fumée. Nous sommes deux étrangers aimant jouer avec les nerfs de l'autre tandis que les passants s'imaginent autre chose. »
Elle le regarda avec cet air supérieur que ne peuvent prendre que certaines personnes très sûres d'elles. De quoi parlait-il? Elle s'en fichait au final. Ce n'était pas Dean Maguire qui la mettrait hors d'elle, pas ce soir. Elle arbora un sourire subtil avant de le narguer d'un « Vous me faites perdre mes moyens? » Son sourire s'aiguisa pour devenir mauvais. « C'est drôle, très drôle... » elle le détailla de manière dramatique avant de finir « ... vous possédez le côté idiot des innocents mais vous êtes probablement le Diable en personne. Le paradoxe est risible. » Car la figure démoniaque était connue pour son intelligence. Ceci étant dit, si elle insultait l'intelligence de Dean, elle se doutait qu'il n'était pas aussi imbécile qu'elle voulait bien le reconnaître.
« Si ma potentielle clientèle est suffisamment inconsciente que pour se faire représenter par un mauvais avocat, ce n'est pas mon problème. » S'il pensait qu'elle se laisserait amadouer par son chantage larmoyant, il s'était fourré le doigt dans l'oeil. Elle avait assez de clients présents ce soir pour se contenter d'eux et ne pas perdre son temps avec ceux qui envoyaient leur bulldog de riche venir aboyer à ses pieds. Elle se crispa davantage lorsqu'elle l'entendit lui faire un demi-compliment. Son sang tournait et elle ne savait pas comment réagir. L'envie la plus prenante était de lui mettre une gifle. Mais cela n'avait rien avoir avec la remarque sur sa potentielle beauté. Elle soupira avant de lâcher « Si vous cherchez à me brosser dans le sens du poil, vous perdez votre temps. » Elle but une gorgée de son propre verre, refusant obstinément de toucher à celui qu'il voulait lui donner. « Venez en aux faits Maguire. » Il s'était présenté le premier soir et son nom était resté marqué dans sa tête. Elle l'écouta baratiner sans même daigner le regarder avant d'enfin entendre une info intéressante. Une histoire vraie. Elle aimait ce qui était vrai. Mais venant de la fausseté incarnée, elle ne portait pas trop de crédit à Dean. « Il va falloir m'en dire plus. Sinon, non cela ne m'intéresse pas. Je ne me contente pas d'un emballage quand j'achète un produit. Je veux en connaître le contenu, la composition, tout. » Elle avait sa voix de femme d'affaires: ferme et tranchante. S'il avait fait ses devoirs, son client avait peut-être une chance d'intéresser Sage. Sinon... il venait de griller plus qu'une cartouche.
C’en était presque bipolaire et contradictoire ce que le jeune homme pouvait ressentir à l’égard de son interlocutrice à cet instant. S’il avait envie d’en rire d’amusement, tant la situation était la hilarante, il en avait également l’envie de se sonner la tête au mur jusqu’à l’évanouissement pour en oublier qu’il se trouvait sur le même toit d’immeuble qu’elle. « Vous me faites perdre mes moyens? C'est drôle, très drôle... vous possédez le côté idiot des innocents mais vous êtes probablement le Diable en personne. Le paradoxe est risible ». Pitié, faites-la taire, se dit-il à cet instant, tant les paroles qu’elle pouvait lâcher à cet instant lui semblait vides de sens. « Le Diable en personne, de mieux en mieux » susurra-t-il doucement à l’intention de la jeune femme, alors qu’il faisait tourner son verre de vin entre ses doigts, entre deux gorgées. « Et sinon, vous pensez que j’ai un grimoire dans le coin ? Que je fais du vaudou avec vos cheveux en rentrant ou que je vais tirer les cartes en espérant t’annoncer une mauvaise nouvelle ? ». Il secoua la tête, ce qu’elle allait loin en lui rappelant qu’il était le Diable. Finalement, après avoir fini son verre, il se servit sans aucune gêne un second verre alors que lui qu’il avait prévu pour Sage ne bougeait pas. « Si ma potentielle clientèle est suffisamment inconsciente que pour se faire représenter par un mauvais avocat, ce n'est pas mon problème. » - « Vous n’auriez pas un problème à confondre le métier d’avocat avec quelqu’un qui doit représenter un auteur ? Croyez-moi que ce soir, j’avais plus important que de venir ici ». Dean regarda tout aussitôt autour de lui, l’air faussement étonné, avant de hausser innocemment son épaule. « En réalité, je pense que tout le monde aurait techniquement mieux à faire que de faire vivre la super maison d’éditions gros-cou-grande-gueule ». Mais c’était sûr et certain que Sage Daniels était le genre de femme à avoir le contrôle sur tout, dont sur le temps. Vu ce qu’elle allait lui dire, elle semblait perdre patience : « Si vous cherchez à me brosser dans le sens du poil, vous perdez votre temps. » - « Boh » - « Venez en aux faits Maguire ». Il poussa un long soupir, ce qu’elle était agaçante. Qui pouvait supporter ce bulldozer enveloppé dans un corps de femme ? Une si belle merveille de la nature, abritée par une énergie cinglée, égocentrique et loufoque. C’en était incroyable. « Il va falloir m'en dire plus. Sinon, non cela ne m'intéresse pas. Je ne me contente pas d'un emballage quand j'achète un produit. Je veux en connaître le contenu, la composition, tout. » - « Ce ne serait pas un peu du, pardonnez-moi pas mon langage, du foutage de gueule ma chère Sage ? », dit-il tout simplement en se servant un nouveau verre de vin de manière très naturelle : « Vous êtes quand même la première à juger quelque chose, ou plutôt quelqu’un, sur base de la couverture sans chercher à le connaître, non ? ». C’était certain qu’il faisait allusion à lui. Enfin, après avoir jeté un coup d’œil à sa montre – avec la hâte de se casser de là le plus rapidement possible – sa voix s’éleva à nouveau : « Allez plutôt parler avec lui, finalement. Ou alors, comme je vous l’ai dit, détendez-vous avec un verre de vin. Je ne voudrais pas non plus être cette personne qui vous vendra l’histoire du siècle et vous rendra célèbre. Voir votre tronche sur tous les bus pour une promotion de livres, non merci ». C’était bien sûr impossible. Mais pour Dean, ça restait un cauchemar même si cela ne dépasserait pas la pensée.
Dernière édition par Dean Maguire le Jeu 25 Oct 2018 - 11:09, édité 1 fois
« Les étoiles dansent dans le ciel quand les couples sortent le soir. Les étoiles nous font de la lumière quand nos sourires sournois s'éclairent. Mais toi et moi nous ne sommes pas un duo aimant, toi et moi ensemble, nous ne sommes rien d'autre que le volcan qui part en fumée. Nous sommes deux étrangers aimant jouer avec les nerfs de l'autre tandis que les passants s'imaginent autre chose. »
Il l'exaspérait. Chaque mot qui sortait de sa bouche confirmait à la Daniels qu'elle n'avait rien à dire à cet énergumène malpoli et malpropre sur lui. Il avait un rictus aux lèvres qui le rendait très séduisant mais très détestable en même temps. Elle aurait voulu le plaquer contre un mur et lui mettra sa langue dans la bouche pour qu'il daigne enfin se taire. Mais elle chassa cette idée répugnante de sa tête. Quelle femme de classe se laisserait ainsi aller à fricoter avec le Diable en personne, oui elle avait bien dit ça. Elle haussa les sourcils lorsqu'il répéta ce qu'elle venait de dire. Elle ne voyait pas ce qu'il y avait de comique dans sa comparaison avec le mal incarné. Après tout Dean était d'un déplaisant incomparable. Elle le méprisa sans aucune gêne lorsqu'il parla de grimoires et vaudou. En plus d'être déplaisant, il était aussi gamin. Ne pas comprendre qu'il s'agissait d'une manière de parler ou plutôt faire semblant de ne pas comprendre, c'était puéril. Elle leva les yeux au ciel sans prendre la peine de lui répondre. Il ne méritait même pas qu'elle se fatigue à ouvrir la bouche pour lui. De toute façon, il semblait aimer s'entendre parler assez que pour faire la conversation tout seul.
Quelqu'un qui doit représenter un auteur. Elle rit en l'entendant parler. « Quelqu'un qui doit représenter un auteur? Vous parlez de qui là? De son attaché de presse? De son éditeur? Ou... de son avocat? » Le représentant d'un auteur n'était autre qu'un avocat quand il s'agissait de discuter de détails concernant la publication du livre avec l'éditeur. Qu'il s'emmêle ainsi les pinceaux était jouissif. « Serait-ce l'alcool qui vous fait perdre vos moyens? » dit-elle en le regardant droit dans les yeux avec cet air désagréable qu'elle n'avait avec quasiment personne d'autre que lui.
Depuis quand se permettait-il de l'appeler par son prénom? Mais derrière l'insulte aux convenances, elle avait bien entendu la remarque ironique de son interlocuteur. « Il se trouve qu'il y a des livres qu'on a juste pas envie de lire. » Et pour sa gouverne, la quatrième de couverture dans son cas était plutôt alléchante. Mais elle aurait préféré se damner plutôt que d'y toucher. Elle regarda autour d'elle et aperçut l'homme que lui indiquait Dean. S'il était là aussi, alors pourquoi avait-il fallu qu'elle se coltine Maguire ?! Elle ne releva pas la dernière remarque. Parce que sa tête avait déjà fait la une des journaux en Amérique lorsqu'elle était revenue vivante de sa prise d'otage en Irak. On l'avait annoncée morte elle et les deux autres journalistes. Puis, six mois plus tard, elle était arrivée sur son sol natal, faisant office de figure nationale. Elle avait publié un livre sur son expérience là-bas, un livre qui ne livrait pas tous les détails de sa captivité sur le campement américain mais qui en disait quand même assez long sur ce qu'elle avait vécu là-bas. Alors, ce n'était clairement pas la célébrité qu'elle cherchait en publiant des auteurs aujourd'hui. C'était juste un moyen de se rendre utile et d'aider des gens à percer. « S'il veut me parler, il n'a qu'à venir me trouver lui-même. » Elle n'allait pas courir après un auteur. Elle le faisait parfois quand elle savait déjà que c'était une perle rare qu'elle voulait pousser vers le haut. Mais là, alors que c'était le protégé de Dean, elle n'avait aucune raison de lui faire une faveur. « Et votre temps de parole est écoulé. » dit-elle en posant les yeux sur lui sans réellement le regarder, comme si elle voyait à travers, plus loin. Transparent, il était transparent à ses yeux.
Tout autour d’eux, les personnes allaient et venaient sur le toit. Cela se voyait à des kilomètres, selon Dean, que la plupart des personnes venaient là en touristes. Il suffisait de voir le nombre d’affamés autour des buffets de boissons, d’amuse-gueules et de plats en tout genre. L’événement semblait, en lui-même, bien organisé. Cela paraissait seulement dommage pour le jeune avocat de se dire que c’était l’œuvre de cette abominable bonne femme. « Quelqu'un qui doit représenter un auteur? Vous parlez de qui là? De son attaché de presse? De son éditeur? Ou... de son avocat? Serait-ce l'alcool qui vous fait perdre vos moyens? ». De quoi parlait-elle au juste ? Ayant déconnecté quelques minutes, erreur de sa part, il était clair que Sage Daniels n’était pas le genre de personnes à être indulgente. « Sans doute l’alcool, ou bien cette beauté incarnée qui se trouve face à moi » avait-il fini par murmurer dans un soupir, la dévisageant de bas en haut, avant de lui montrer à quelques mètres plus loin une jeune femme à la chevelure en cascade lui tombant sur les épaules et le sourire si large que c’était évident qu’elle venait pour se vendre. Enfin, pour vendre son livre plus tôt. « Il se trouve qu’il y a des livres qu’on a juste pas envie de lire ». « Comme des personnes qu’on n’a ni envie de voir, ni envie d’écouter. Pourtant, on n’a parfois pas le choix. Comme ce soir, croiser votre route me fait penser que j’ai dû écraser une chèvre dans une autre vie pour mériter un tel supplice ». Il n’en pensait pas moins, mais d’où venait cette haine à l’égard de la jeune femme ? Pourtant sociable à souhaits et très attaché à l’image que les autres pouvaient avoir de lui, en cherchant à ce que celle-ci soit positive, l’idée que Sage ne le voit pas d’un très bon œil lui passait par-dessus la jambe. Elle avait un côté inexplicablement agaçant, qui lui donnait envie de foutre son poing dans le mur tant c’en était parfois nerveux. « S’il veut me parler, il n’a qu’à venir me trouver lui-même » - « En voilà une très bonne idée. Enfin, j’ai peut-être mieux à lui proposer. Votre maison d’édition n’est pas la seule dans le coin. En réalité, je ne la connaissais même pas avant d’arriver à Brisbane. Vous publiez les comptines du village d’à-côté, c’est bien cela ? ». Il avait abordé une mine faussement songeuse, alors qu’un sourire moqueur au coin de ses lèvres trahissait son sérieux. Enfin, il se servit un énième verre de vin qu’il but cul sec avant de claquer le verre à pied sur le comptoir, manquant de briser ce dernier en quelques morceaux. « Et votre temps de parole est écoulé ». Dean s’adressa net dans son geste à cet instant, alors que son regard se tournait vers Sage avec lenteur. C’était terminé, elle ne le regardait plus. Du moins, c’était ce qu’elle voulait lui faire croire. Levant les yeux au ciel, il mit le restant de la bouteille de vin rouge sous son bras et lui donna une petite tape sur l’épaule : « Allons, allons, quand on aime, on ne compte pas. N’est-ce pas ma chère Daniels ? » chantonna-t-il sur un ton rempli de sarcasme. Ainsi alors il tourna les talons. C’en était trop pour lui. Cette bouteille de vin sous le bras était de bien meilleure compagnie que la jeune femme pouvait l’être. Un mot à Aleksander concernant Sage Daniels et une anecdote fausse à son sujet, et Dean tourna le dos à l'événement pour quitter le toit, sous l’œil sceptique de la sécurité. L’heure n’était pas au scandale, mais il pensa bien plus d’une fois à renverser la bouteille de vin sur sa foutue robe de barbie avant de s’en aller.