| (carlisle) stranger in a strange land |
| | (#)Lun 23 Juil 2018 - 23:06 | |
| carlisle & hassan stranger in a strange landNight and day I scan horizon, sea and sky, my spirit wanders endlessly until the day will dawn and friends from home discover why. Hear me calling, rescue me, set me free, set me free lost in this place, and leave no trace, stranger in a strange land. ☆☆☆ Le message d’Amal lui avait semblé un peu abrupt lorsqu’Hassan l’avait lu la première fois, mais le froncement de sourcils passé il ne s’en était pas formalisé plus que cela, et avait accepté de la retrouver au bar de l’Emporium le lendemain soir. C’était généralement la solution de facilité, proche des locaux d’ABC et non loin de l’appartement que la jeune femme lui avait indiqué habiter avec son fiancé, ils s’y étaient déjà retrouvés deux ou trois fois pour boire un verre et discuter ; Souvent de boulot, parfois du reste, mais avec souvent dans la voix cette retenue et cette hésitation, comme si eux-mêmes doutaient du bien-fondé de ce semblant d’amitié qui se tissait au milieu. Comme si les – presque – vingt ans de battement n’avaient pas suffisamment creusé le chemin pour que l’eau coule sagement sous les ponts, comme si d’être devenus adultes chacun de leur côté n’avait pas suffisamment redistribué les cartes. Et sans trop savoir pourquoi le brun s’était mis à y repenser pendant sa pause de midi, le col de son blouson remonté sur sa nuque tandis qu’entre Rhett et lui s’étalait sur un des gradins du stade leur repas de midi. « Elle est venue pendant longtemps, tu sais. » Le ton trop précautionneux du rugbyman plus que la phrase en elle-même avait finalement tiré Hassan de ses pensées en lui arrachant un froncement de sourcils. « Joanne. Elle s’en veut vraiment, je crois. » À l’évocation de la blonde Hassan avait laissé échapper un soupir un brin excédé, et marmonné avec reproche « Vous ne voulez pas me foutre un peu la paix, tous, avec Joanne ? » en piquant rageusement sa fourchette dans son tupperware de salade. Des couples qui se séparaient et ne s’adressaient plus la parole ensuite il y avait des tas, le professeur n’aurait probablement jamais imaginé en faire partie mais les faits étaient là et les choses étaient ce qu’elles étaient, fin de l’histoire. L’exception s’appelait Amal, les circonstances étaient différentes, et il n’y en aurait pas de seconde. « C’est cool que vous ayez renoué tous les deux, vraiment. Ça me fait plaisir et je t’empêche pas de la voir, mais j’ai juste pas envie d’en entendre parler. S’il te plait. » Soutenant son regard quelques secondes, Rhett avait semblé capituler, et s’était finalement fendu d’un « Noté. » laconique qui avait réveillé la mauvaise conscience d’Hassan. Pinçant les lèvres avec frustration, il avait secoué la tête et soupiré, tentant d’apparaître moins sur la défensive « Excuse-moi. C’est juste … C’est déjà assez difficile comme ça. » Avaler de s’être fait balader pendant des mois, devoir faire avec les questions de Fatima et les « je te l’avais dit » de Qasim, admettre avoir une fois encore pêché par excès de confiance envers autrui … C’était difficile, et suffisamment douloureux pour qu’il ne soit pas utile de verser du sel sur ses plaies à la moindre occasion. « Non, c’est moi. » avait finalement admis Rhett, prenant l’autre bout de la tentative de conciliation. « Je devrais pas m’en mêler, c’est vos affaires. C’est juste que c’est compliqué d’être au milieu. » Et pourtant Hassan n’espérait pas ni ne demandait à son ami de prendre parti ou de choisir un camp, mais il comprenait … Fut un temps où la situation avait été inverse, et le brun se souvenait encore bien de la position inconfortable dans laquelle il s’était retrouvé lorsque Rhett et Sophia s’étaient séparés. Inconfortable mais pas insurmontable, cela dit et à terme il espérait qu’il en serait de même cette fois-ci. La discussion pourtant avait pesé sur l’estomac d’Hassan une grande partie de l’après-midi, et l’humeur aurait pu être plus légère lorsqu’il avait enfourché sa moto pour quitter l’université et rejoindre Spring Hill. Il n’avait pas de raison d’être à ABC aujourd’hui mais n’avait pas jugé utile de proposer à Amal de la retrouver ailleurs, et garé à quelques rues de l’Emporium Hotel il avait fait le reste du trajet à pieds, son casque à la main et conscient d’être un peu – trop – en avance. Installé dans l’un des fauteuils en cuir du salon-bar il avait commandé un Perrier menthe et passé le temps en lisant quelques articles de presse sur son téléphone, Amal n’ayant pas pour habitude d’être en retard. La voix s’étant finalement adressée à lui n’avait pourtant rien de comparable à celle qu’il attendait, et en levant les yeux il ne s’était pas retrouvé devant la brune avec laquelle il avait rendez-vous mais avec un grand blond qui pourtant le fixait sans avoir l’air d’hésiter. « Pardon, j’attends quelqu’un. » s’était alors permis de faire remarquer Hassan en concluant un peu à la va-vite que le bonhomme souhaitait emprunter ou s’installer dans le second fauteuil, face au sien. Mais il n’en était rien, et soudainement un brin mal à l’aise sans bien savoir pourquoi le professeur s’était entendu questionner avec suspicion « Est-ce qu’on se connaît ? » conscient que si la réponse était effectivement positive il venait de commettre un impair de taille en dévoilant que lui n’en avait pas le moindre souvenir.
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| | | | (#)Mar 31 Juil 2018 - 15:20 | |
| L’Australien retira son casque de moto, et porta un regard neutre sur le building qui accueillait le siège social de l’entreprise de son père. Plus le temps passait, et plus il réalisait que son temps était compté. A quoi se résumait sa liberté ? Quelques années ? Quelques mois ? Quelques semaines ? Le pilote déglutit ; il ne pourrait jamais s’opposer à la pression familiale. Il ne pourrait jamais refuser son rang, son héritage ; chez les Bishop, on ne rechignait pas et on assumait pleinement les succès de la famille. Quitte à être malheureux. Carlisle, casque de moto sous le bras, s’avança d’un pas lourd vers l’entrée de l’immeuble. Les portes vitrées s’ouvrirent automatiquement, et la standardiste lui décocha un sourire magnifique, auquel il répondit à peine. Ici, personne n’était sans savoir qui il était. Dès l’instant où le pilote franchissait la porte, il avait l’impression que chacun s’attendait à une passation de pouvoir en bonne et due forme. Par chance, ce n’était pas encore pour aujourd’hui. Carlisle salua poliment quelques-uns des collaborateurs de son père d’un hochement de tête et, en voyant que ceux-ci patientaient devant l’ascenseur, il préféra opter pour les escaliers de secours. Il y avait quatre étages à monter ? Qu’importe. Mieux valait fuir les vautours qui lui souriaient par devant, et déblatteraient sur son dos dès qu’il avait le dos tourné. Il n’était pas attendu dans l’entreprise comme le messie – et ça tombait bien, puisqu’il n’en était pas un. Il monta les dernières marches qui le séparait encore de l’étage où travaillait son père. Il ouvrit finalement la porte de secours qui donnait sur le bureau de la fidèle et dévouée secrétaire de son père, qui se leva pour l’accueillir. Aussi loin que remontaient ses souvenirs, il avait l’impression qu’elle avait toujours été là. Elle avait pris un peu d’embonpoint, ses cheveux étaient devenus gris, et sa peau maquillée ne masquait pas complètement quelques taches de vieillesse. Carlisle, attendri, ouvrit grand ses bras pour serrer cette femme dans ses bras. Elle se mit sur la pointe des pieds pour atteindre sa joue, l’embrassa avec une tendresse inégalée et, une fois n’est pas coutume, lui fit une remarque sur son teint pâle. Il la rassura – oui il dormait bien, oui il mangeait suffisamment, non Amal ne lui causait pas de tracas. Il en profita pour lui annoncer la grande nouvelle – son mariage, l’année prochaine. Il l’invita avec plaisir, et elle lui promit d’être là. « Tu peux y aller. Ton père t’attend. » Finit-elle par dire en souriant. Non sans une certaine ironie, Carlisle songea que cette femme serait probablement sa meilleure alliée, si jamais il venait à reprendre l’entreprise familiale. Il referma la porte derrière lui, et son père se leva pour lui serrer la main. Il posa un index sur sa bouche, lui indiquant d’une main qu’il était en ligne avec quelqu’un. Comme toujours, le pilote fit preuve de patience. Une minute, puis deux, puis trois. Et, enfin, l’occasion de partager quelques mots plus personnels. « Pourrait-on se parler à la fin de cette réunion ? J’ai quelque chose d’important à te dire. » Le père de Carlisle arqua un sourcil, mais consentit à lui donner son accord. Oui, il lui accorderait un peu de temps – ce qui relevait presque du miracle, quand on savait comment le chef d’entreprise agissait habituellement. Ce dernier quitta son siège en cuir, et contourna le bureau pour se retrouver à côté de son fils. Il lui tendit deux épais dossiers, et lui parla de l’ordre du jour. Les affaires prenaient le dessus. Comme toujours.
Lorsqu’il était rentré chez lui, éreinté par une réunion qui s’était éternisée, Carlisle avait espéré voir Amal. Elle était en vacances, et ils avaient prévu de passer la journée ensemble. Malheureusement, sa fiancée avait visiblement changé ses plans ; sa voiture n’était plus là, et son téléphone était resté sur la table basse du salon. Le pilote n’y avait d’abord pas prêté attention, mais les vibrations répétées du téléphone avaient eu raison de sa patience. Prêt à décrocher, il s’était aperçu qu’il s’agissait en réalité d’un message. Il fronça les sourcils en voyant le nom de l’interlocuteur d’Amal, et il se tendit en voyant le contenu du message. Agacé de voir qu’Amal l’avait visiblement planté pour aller rejoindre un ami à elle – c’était en tout cas sous cet angle qu’il entendait parler de ce fameux Hassan – Carlisle décida d’aller directement les retrouver. Il ne ferait pas d’esclandre (ce n’était pas son genre), mais exigerait avoir une explication avec sa future épouse. Ni une, ni deux, le pilote se mit en route. Le trajet ne fut pas long, et le fils Bishop arriva bien vite à destination. Casque de moto à la main, il jeta un regard rapide dans le bar quasiment vide. Bientôt, ses yeux s’arrêtèrent sur celui qu’il pensait être l’ami d’Amal. Cette dernière, d’ailleurs, n’était apparemment pas arrivée. « Hassan, c’est bien ça ? » Demanda Carlisle d’un ton neutre. Tout ce qu’il voulait, c’était une confirmation de la part de son interlocuteur. « Non, je ne crois pas. En tout cas, nous ne nous sommes jamais rencontrés. » Répondit-il en haussant les épaules. « Ce qui est relativement étrange, quand on sait que je suis avec Amal depuis presque dix ans, et que votre amitié dure depuis un long moment. » Fit remarquer le pilote en arquant un sourcil. Il ne les accusait de rien ; néanmoins, il ne pouvait s’empêcher de trouver cela étrange. Amal et lui avaient des amis communs, et des amis différents ; cependant, Carlisle avait toujours, à un moment ou à un autre, présenté son entourage à sa fiancée. L’inverse n’avait pas été forcément réciproque, et l’héritier ne s’en était jamais formalisé. Mais depuis quelques temps, les choses avaient quelque peu changé. Il se montrait plus méfiant. Subissait-il les doutes classiques qui précédaient un mariage ? Très probablement.
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| | | | (#)Ven 17 Aoû 2018 - 12:28 | |
| Un bar d’hôtel. C’était le genre de lieu où Hassan pourrait bien passer tout un après-midi ou toute une soirée simplement pour l’ambiance qui en émanait, presque certain qu’il y corrigerait des copies plus vite, écrirait un papier avec plus d’inspiration, répondrait à ses mails avec moins de procrastination. Il y avait dans les allers et venus incessants et l’ambiance feutrée quelque chose qui stimulait sa concentration ; Allez savoir pourquoi. Vérifiant de temps à autres l’heure sur sa montre, et ce alors même qu’il tenait à la main son téléphone où l’horaire n’était pas différent, le brun relevait régulièrement la tête pour jeter un œil autour de lui dans l’espoir de voir arriver Amal. Regrettant le journal abandonné sur son bureau à l’université, il s’apprêtait à saisir celui qui traînait sur la table basse devant lui lorsqu’un grand blond avec l’air de vouloir quelque chose l’avait coupé dans son élan. Justifiant le fait que le second fauteuil ne soit pas libre par le fait d’attendre quelqu’un et un sourire poli, il croyait l’affaire pliée et avait arqué un sourcil lorsque le bonhomme avait opposé « Hassan, c’est bien ça ? » avec l’air d’avoir déjà la réponse à sa question. Craignant un temps d’avoir commis un impair en ne reconnaissant pas celui qu’il était supposé connaître, il avait affiché d’autant plus de perplexité lorsque l’homme lui avait assuré « Non, je ne crois pas. En tout cas, nous ne nous sommes jamais rencontrés. » et ouvert la bouche pour formuler une question qui finalement ne lui était pas venue. Et la réponse, en fin de compte, était arrivée d’elle-même juste après « Ce qui est relativement étrange, quand on sait que je suis avec Amal depuis presque dix ans, et que votre amitié dure depuis un long moment. » la surprise d’Hassan laissant à nouveau place à un sourire placide et à une main tendue vers son interlocuteur pour le saluer comme il se devait « Carlisle, si je comprends bien. Enchanté. » S’il avait eu le temps de se faire sa propre idée de ce à quoi pouvait ressembler l’homme qui partageait la vie d’Amal, il devait bien avouer que sans y ressembler le blond collait néanmoins à ce que l’on pouvait en attendre. Un gentil, en somme, chose qui dans le regard d’Hassan était tout sauf une tare et passait sous silence le brin de suspicion qu’il semblait déceler dans son regard face à cette main qu’il tendait. « Amal ne m’avait pas prévenue qu’elle viendrait accompagnée. » n’avait-il alors pas pu s’empêcher de faire remarquer, plus dérouté que véritablement gêné pat la situation néanmoins. « Elle n’est pas avec vous ? » L’étonnement pouvant se lire sur son visage en réalisant qu’en effet l’homme ne semblait pas être arrivé ici en compagnie de leur connaissance commune, il avait fait glisser son regard de l’homme jusqu’à l’entrée du bar avant de revenir à son point d’origine. Incertain quant à la conduite à adopter face à cette irruption imprévue, le brun avait pris le parti de hausser les épaules en expliquant « Mais nous nous sommes perdus de vue pendant un long moment, d’où le fait que vous et moi ne nous soyons jamais rencontrés. » avec une apparente légèreté. Il se demandait si Amal avait joué la carte du « vieil ami » souvent utilisée pour désigner les amours fanés, et si elle résultait plutôt d’un jardin secret qu’elle souhaitait se garder ou bien des torchons et des serviettes qu’elle ne souhaitait pas mélanger. Pas qu’il la blâmerait si tel était le cas, lui n’avait jamais et sans trop s’expliquer pourquoi évoqué avec personne le fait qu’elle fasse de nouveau partie, d'une certaine manière, de son paysage.
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| | | | (#)Dim 26 Aoû 2018 - 14:50 | |
| Marchant d’un pas ferme et décidé vers l’intérieur le bar où Amal et Hassan s’étaient donnés rendez-vous, Carlisle songea à la situation qu’il vivait, à l’instant présent. Les messages que sa fiancée et son ami avaient échangé. Ce rendez-vous, dont elle ne lui avait pas parlé, alors qu’ils avaient pourtant prévu de passer la journée ensemble. Les absences répétées d’Amal – tantôt pour des motifs professionnels, tantôt pour des motifs personnels. Elle devait passer du temps avec leur wedding planner pour s’occuper de quelques détails importants, disait-elle. Ou alors, l’une de ses amies venait de l’appeler en pleurant, et elle devait aller la rejoindre pour la consoler. Carlisle avait toujours accepté, et n’avait jamais posé de question. Il avait confiance en Amal. Ils s’aimaient, leur relation durait, et ils étaient installés ensemble. Tous les feux étaient au vert, n’est-ce pas ? Pourtant, en dépit de cette confiance aveugle qu’il lui avait toujours accordé, un petit je-ne-sais-quoi était venu le tracasser. Un petit grain de sable était venu enrayer la machine, et le pilote avait commencé à douter. Est-ce qu’Amal était tout à fait honnête avec lui ? Lui cachait-elle des choses ? Devrait-il se méfier, pour une raison ou une autre ? A chaque pas qu’il faisait, son casque de moto pesait un peu plus lourd au bout de son bras. Lorsqu’il avait parlé de ses doutes à sa meilleure amie, Angelina, elle lui avait soufflé que son inquiétude était probablement injustifiée. Que c’était l’approche du mariage qui l’angoissait et que, naturellement, il remettait certaines certitudes en question. Il avait acquiescé, arguant qu’elle avait sans doute raison. Et pourtant, malgré les propos rassurants de son amie, il déambulait dans le bar, à la recherche d’un parfait inconnu. Juste pour voir. Pour constater. Il détestait ce qu’il était en train de faire. Il se détestait pour ce qu’il était en train de faire. Mais il ne pouvait pas s’en empêcher.
Il avait trouvé l’homme qu’il cherchait. Ça n’avait pas été difficile ; en plein milieu de l’après-midi, le bar était presque vide. Deux couples, un homme en costard-cravate qui parlait activement au téléphone, et un autre, accoudé seul au bar. C’est vers ce dernier que Carlisle s’était dirigé, l’interpellant afin de confirmer ses doutes. « Enchanté. » Finit-il par répondre, serrant finalement la main de son interlocuteur. Il le faisait plus par politesse que par conviction – le pilote ne savait clairement pas sur quel pied danser. Il tiqua quand Hassan lui fit remarquer qu’Amal ne l’avait pas prévenu qu’elle viendrait accompagnée. Cette simple réflexion, prise dans un autre contexte, ne lui aurait probablement fait ni chaud, ni froid. Mais là… Elle ne faisait que renforcer l’idée qu’il se faisait depuis quelques semaines maintenant, et qui grandissait en lui : Amal avait quelque chose à lui cacher. « Ce n’était pas prévu. » Admit l’héritier Bishop en haussant les épaules. Il posa son casque sur le tabouret vide, à côté d’Hassan. « Et non, elle n’est pas avec moi. Quand je suis rentré, elle était déjà partie et avait oublié son téléphone. » Il glissa une main dans sa poche pour l’en sortir, et le posa sur le comptoir du bar. Elle pourrait le récupérer quand elle arriverait. « A vrai dire, nous avions prévu de passer l’après-midi ensemble. Et finalement, ses projets ont changé. » Avoua-t-il, tout en tentant de garder un air aussi neutre que possible. « Une bonne raison à cela, peut-être ? » Suggéra le pilote, en espérant qu’Hassan lui apporte d’éventuelles explications. Intérieurement, il voulait être rassuré. Il espérait que cet inconnu lui permettrait de lever les doutes qu’il avait envers Amal. Qu’il avait raison de lui faire confiance. « C’est ce qu’elle m’a dit, oui. Vous viviez à l’étranger, c’est bien ça ? » Il cherchait plus à faire la conversation qu’à lui faire subir un interrogatoire. Carlisle n’était pas un homme curieux, et il respectait la vie privée de chacun.
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| | | | (#)Ven 12 Oct 2018 - 0:27 | |
| Les travers de l’homme par lequel l’avait remplacé son ex-épouse prouvaient à Hassan que d’avoir partagé pour un temps plus ou moins long la vie d’une femme ne voulait pas dire pour autant qu’elle sache ne s’entourer que d’hommes aux intentions louables. Pour autant, et malgré le brin de méfiance ou de suspicion qu’il croyait déceler dans le regard du grand blond qui lui faisait face, le professeur se figurait le dénommé Carlisle comme n’ayant pas l’air d’un mauvais bougre ; La faute à sa tendance à toujours attendre et espérer le bon chez autrui. « Enchanté. » lui avait finalement lancé l’homme tout en répondant à sa poignée de main, Hassan incapable de retenir la brève surprise que lui provoquaient à la fois sa présence et le fait qu’Amal ne l’en ait pas informé : la raison du rendez-vous qu’elle leur avait fixé apparaissait tout à coup un peu trouble. Et contre toute attente, voilà le fiancé qui admettait « Ce n’était pas prévu. » d’une neutralité presque trop parfaite, enchainant presque aussitôt sur un « Et non, elle n’est pas avec moi. Quand je suis rentré, elle était déjà partie et avait oublié son téléphone. » Après quoi il avait sorti le dit téléphone de l’une de ses poches et l’avait déposé sur le comptoir, face à un Hassan désormais un brin suspicieux. « Je ne suis pas sûr de comprendre. » Plus si certain d’être en terrain neutre, le professeur avait secoué la tête un bref instant et fait passer son verre de Perrier d’une main à l’autre, Carlisle reprenant de son côté sur le ton de la conversation, creusant au passage le malaise de son interlocuteur « A vrai dire, nous avions prévu de passer l’après-midi ensemble. Et finalement, ses projets ont changé. Une bonne raison à cela, peut-être ? » L’accusation à peine voilée, l’homme prenait peu à peu des allures de compagnon jaloux, catégorie d’hommes face à laquelle Hassan avait toujours veillé à ne pas se confronter, avec en toile de fond le craquement de ses côtes sous les coups de pieds aguerris de son ancien voisin de palier pour lui servir de leçon. « Je n’en sais pas plus que vous. » qu’il avait alors admis, avec cette même neutralité un brin forcée dans la voix. « Elle avait probablement un rendez-vous professionnel dans les environs, c’est souvent le cas quand on se retrouve ici. » Marquant une pause et réalisant que le lieu prêtait à confusion, et que dans l’oreille d’un autre il n’était pas tant question d’un bar que du bar d’un hôtel, il avait reposé son verre sur le comptoir et ajouté presque avec précaution « Amal s’intéresse aux travaux d’Amnesty International, dont je suis membre. » Nul besoin donc pour le bonhomme de continuer à arborer cet air passablement crispé, sous le masque d’impassibilité qu’il tentait d’arborer. Un point semblait malgré tout encore chiffonner l’homme, face à face avec un pan de ce que sa fiancée semblait conserver dans son jardin secret. « C’est ce qu’elle m’a dit, oui. Vous viviez à l’étranger, c’est bien ça ? » Et lentement dans l’esprit d’Hassan s’installait la possibilité qu’Amal ne soit pas entièrement transparente à propos de leurs entrevues, à propos du quand et du comment s’étaient posées les bases de leur relation, passant sous silence certains détails qu’elle ne voulait pas voir passés à la loupe par un conjoint susceptible de voir de la fumée là où il n’y avait pas de feu. « Pendant un temps, oui. Et puis la vie, les occupations. Nous sommes retombés l’un sur l’autre lors d’une conférence il y a quelques temps. » N’osant pas être plus précis et risquer de contredire une éventuelle pirouette de vérité de leur brune commune, Hassan s’en était tenu à donner à ses entrevues avec la jeune femme une dimension professionnelle ; Peut-être un peu plus qu’elles ne l’étaient. « Amal ne tarit pas d’éloges à votre sujet dès qu’on lui en donne l’occasion. » avait-il préféré reprendre, sans qu’il ne s’agisse là d’un mensonge non plus. « Pilote de ligne, c’est bien ça ? » Connaissant déjà la réponse à cette question, il tentait simplement de redistribuer les cartes et de laisser la conversation glisser vers le fiancé d’Amal plutôt que vers lui-même. Récupérant son verre, il avait d’ailleurs fini par proposer « Je vous offre quelque chose à boire ? Puisque nous sommes partis pour attendre la même personne. » bien que pas encore totalement persuadé que le motard n’attendait pas de lui qu’il quitte les lieux et le laisse régler ça avec sa fiancée. Peu importe ce que ça pouvait être, d’ailleurs.
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| | | | (#)Jeu 18 Oct 2018 - 14:33 | |
| Carlisle Bishop n’était pas un homme méchant. Au contraire : tolérant, ouvert d’esprit, disponible, sincère, arrangeant… étaient souvent des qualificatifs utilisés pour le décrire. Cependant, aujourd’hui, le pilote semblait bien loin de ses habituels standards. Il n’avait pas fallu grand-chose pour mettre le feu aux poudres : un texto envoyé à Amal avait suffi. Envoyé par un certain Hassan dont il avait toujours entendu parler sans pour autant jamais le rencontrer, Carlisle avait vu rouge. A tort, à raison ? Il était bien décidé à le savoir. Toujours est-il qu’Amal, qui lui reprochait de plus en plus souvent de ne pas être assez présent, avait préféré annuler leur après-midi pour se rendre auprès de ce type. Ce type à qui il en voulait, bien malgré lui. Un type qu’il comptait bien rencontrer, n’en déplaise à sa chère et tendre. Il se dirigea vers le garage sans la moindre hésitation, et enfourcha sa bécane. Sa séance de surf attendrait ; il avait besoin d’être au clair, de comprendre ce qui se taraudait dans son dos.
« Je ne suis pas sûr qu’il y ait quelque chose à comprendre. » Répondit simplement Carlisle en haussant les épaules. Il nota cependant que l’attitude de son interlocuteur n’était plus la même qu’une fraction de seconde auparavant. Son verre qui passe d’une main à l’autre, son regard qui se voile légèrement… Hassan était-il en train de lui mentir ? Cachait-il ses réelles intentions ? Ou, pire, dissimulait-il quelque chose de bien plus profond le concernant lui, mais aussi Amal ? Le pilote n’en savait pour le moment rien, mais il était bien décidé à obtenir des réponses à ses questions – quitte à se montrer parfois roublard. Prêcher le faux pour savoir le vrai ? Voilà bien une activité dans laquelle Carlisle n’était pas des plus à l’aise. Et pour cause : il ne le faisait absolument jamais. « Vraiment ? » Insista le pilote en arquant un sourcil. Il se tenait là, en plein milieu de l’après-midi, et attendait Amal. Si le comportement de Carlisle avait moins été dicté par la jalousie, il aurait pu comprendre le choix de ce lieu si particulier : il était calme, décoré avec soin et goût, et offrait des prestations d’un haut standing. Malheureusement pour Hassan, le pilote n’arrivait pas à faire abstraction du fait qu’il s’agissait du bar d’un hôtel. Un hôtel reculé, principalement fréquenté par des hommes d’affaires qui n’étaient que de passage dans la ville. Un hôtel où il n’y aurait donc pas de connaissances communes, d’amis communs, ou de témoins pouvant mettre Amal dans l’embarras. Bref, en somme, le lieu était idéal pour quiconque voulait avoir une relation extra-conjugale. « Amal s’intéresse à beaucoup de chose. » Admit le pilote, alors que son interlocuteur lui parlait d’Amnesty International. Pour être tout à fait honnête, Carlisle ne s’était jamais penché sur les convictions et actions militantes de sa compagne ; il lui avait toujours fait confiance. Une confiance aveugle, qui s’étiolait de plus en plus ces dernières semaines. A quel moment le pilote avait-il été envahi par les doutes ? Lui-même n’en savait rien. Mais les conséquences étaient là : il doutait de sa fiancée, et rien ne semblait pouvoir le rassurer. « Quels sont donc les sujets qui animent vos conversations, ces derniers temps ? » Demanda l’Australien. Il se fichait bien de la réponse ; en vérité, ce qui lui importait, c’était de savoir à quelle fréquence Hassan et Amal se voyaient. Cette dernière avait-elle pu lui mentir ? Si oui, pour quelle raison ? Le pilote avait du mal à démêler le vrai du faux. « Quelques temps, hein ? » Répéta le pilote, qui avait espéré plus de précision de la part d’Hassan. Était-il volontairement évasif, ou faisait-il juste preuve de bonne foi ? Les deux amis avaient-ils quelque chose à cacher ? Carlisle frissonna ; il détestait ce sentiment d’inconfort, qui ne le quittait pas. « Bien sûr. C’est ce que beaucoup disent. » Répondit le pilote, sans chercher à cacher sa méfiance. A cet instant précis, tout semblait suspect aux yeux du pilote. Était-ce seulement la vérité ? Amal cherchait-elle à noyer le poisson, en évoquant son futur mari ? Ou pensait-elle réellement ce qu’elle disait ? « C’est ça. » Concéda le pilote, qui dût admettre que son interlocuteur était bien renseigné. Bien mieux que lui ne l’était à son sujet, en tout cas. Il n’épilogua pas, ne voulant pas perdre de vue son objectif premier. « Et vous ? » Demanda-t-il, curieux d’en apprendre plus sur cet ami d’Amal, visiblement si cher à ses yeux. « Ça ira, merci. Je préfère garder les idées claires. » Répondit le pilote. Et pourtant, Dieu sait qu’il salivait rien qu’à l’idée de pouvoir boire un double-scotch, sec. Mais pas sûr qu’Amal approuverait ce breuvage, alors qu’il n’était même pas seize heures.
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| | | | (#)Lun 19 Nov 2018 - 1:16 | |
| Même la politesse du bonhomme donnait à Hassan l’impression de sonner faux, et de cacher des intentions moins nobles que celles d’une simple discussion de courtoisie dans l’attente commune de l’arrivée d’Amal. L’idée même que la jeune femme ait fait des cachoteries à son fiancé à propos de lui mettait le brun mal à l’aise et le rendait nerveux, comme s’il se retrouvait soudainement forcé de mentir pour couvrir une situation dont il n’était lui-même pas au courant. « Vraiment ? » Peu convaincu par les explications d’Hassan quant au choix du lieu de rendez-vous que s’étaient fixé Amal et lui, Carlisle n’avait pas semblé faire le moindre effort pour tenter de cacher son scepticisme, pas même lorsque le professeur avait avancé Amnesty International comme le théâtre de ses conversations actuelles avec la jeune femme. « Amal s’intéresse à beaucoup de choses. Quels sont donc les sujets qui animent vos conversations, ces derniers temps ? » Dans le cas où il en aurait encore douté, l’australien ne pouvait plus faire semblant de ne pas voir que le fiancé de son ami lui faisait subir un interrogatoire en bonne et due forme. Mais bien décidé de ne pas se laisser intimider par le bonhomme – pour la simple et bonne raison qu’il estimait n’avoir rien à se reprocher – Hassan s’était contenté de hausser les épaules. « La crise de Gaza, le sort de Mohammad Haddadi, la situation yéménite … » qu’il avait alors énuméré, avant d’ajouter « Le monde ne manque pas d’injustices à dénoncer. » après avoir de nouveau saisi son verre. Surpris d’apprendre qu’Amal l’avait présenté comme vivant à l’étranger – distorsion habile de la réalité sans en faire un mensonge éhonté – le professeur avait ensuite tenté tant bien que mal de remettre les choses à leur place sans trahir les pirouettes d’Amal, pour un résultat plutôt mitigé « Quelques temps, hein ? » Nouvelle question qui n’en semblait pas réellement une, nouvelle pique destinée sans doute à lui faire comprendre qu’il mettait en doute la sincérité et la bonne foi de ses réponses. Même la tentative d’Hassan pour faire rebondir la conversation sur le pilote n’y avait rien changé et n’avait arraché au concerné qu’un « Bien sûr. C’est ce que beaucoup disent. » terne et un brin antipathique. « C’est ça. » avait-il malgré tout confirmé lorsque le brun avait questionné sur son emploi de pilote de ligne, bien vit balayé par un « Et vous ? » braquant à nouveau la conversation sur Hassan – le suspect du jour. « Je suis professeur. J’enseigne à l’université. » Et si d’ordinaire il parlait de son métier avec une passion non dissimulée, l’hostilité manifeste de Carlisle à son égard l’avait convaincu à s’en tenir au strict minimum. Refusant même le verre proposé d’un « Ça ira, merci. Je préfère garder les idées claires. » le pilote avait de toute façon enterré définitivement toute possibilité de conversation courtoise et dépourvue de double-sens. « Comme vous voudrez. » Un brin agacé, il avait terminé son propre verre et l’avait reposé vide sur le comptoir avant de couler un nouveau regard vers son interlocuteur « Si vous me disiez clairement ce qui vous contrarie ? Puisqu’il parait évident que vous n’êtes pas venu ici par simple curiosité de me rencontrer. » Et au fond peut-être que mettre les pieds dans le plat se révèlerait être le moyen le plus rapide de désamorcer la situation, Hassan estimant n’avoir rien à se reprocher, ni de son propre point de vue ni du point de vue du bonhomme qui lui faisait face. Seule subsistait l’ignorance de ce qu’Amal avait dit ou n’avait pas dit, et les raisons qui auraient pu la pousser à enjoliver ou minimiser une réalité pourtant innocente. Une partie de lui savait que la relation qui les avait liés fut un temps Amal et lui en était sans doute la raison, mais l’autre ne pouvait s’empêcher de trouver cela stupide : qu’avait à craindre le pilote d’une relation d’adolescents terminée depuis des années ? A moins qu’il ne soit ce genre de fiancé dont la jalousie n’avait aucune demi-mesure. « Vous savez, peu importe les problèmes que vous pourriez avoir Amal et vous, je pense vous devriez voir ça entre vous. » Lui ne voulait pas y être mêlé, si tenté qu’Amal ait effectivement décidé de l’y mêler malgré lui pour Dieu sait quelle raison.
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| | | | (#)Dim 27 Jan 2019 - 22:40 | |
| Carlisle ne doutait pas un seul instant des intentions louables d’Amal. Il connaissait son engagement pour toutes les causes qu’elle trouvait juste – de l’enfant mal nourri, à la femme maltraitée, et en passant par la situation politique préoccupante du Venezuela. Elle avait toujours été une femme active et réactive, dynamique et qui ne mâchait pas ses mots lorsqu’il s’agissait d’une situation qui l’agaçait profondément. Amal Robinson avait toujours eu le mérite de s’affirmer, d’être entière, de défendre les causes qui lui tenaient à cœur. Elle ne s’était pas fait que des amis ; loin de là, d’ailleurs. Rares étaient les gens qui aimaient qu’on leur balance leurs quatre vérités au visage, ou que l’on fasse état de leurs échecs ou autre manque d’investissement dans une cause ou une autre. La fiancée de Carlisle ne se gênait jamais, et s’occupait peu d’égratigner la réputation d’autrui. « Je vous l’accorde, malheureusement. » L’Australien, ancien soldat, savait mieux que quiconque que le monde n’était pas un lieu sûr. Les rivalités éclataient, des conflits dégénéraient, et des guerres faisaient des milliers de morts. Les acteurs principaux, politiques pour la plupart, n’étaient jamais les victimes directes de leurs choix et agissements : à chaque fois, ceux qui trinquaient étaient toujours les mêmes – les civils. Combien de fois l’ancien pilote de chasse avait-il pu être le témoin malheureux des drames que vivaient les innocents ? Trop de fois pour les compter sur les doigts d’une main. C’était d’ailleurs en partie pour cela qu’il avait choisi de quitter l’armée, pour commencer une carrière plus pacifiste. Un changement radical, qui l’avait aussi mené jusqu’à Amal. Il ne regrettait nullement son choix. Le pilote ne se laissa pas endormir par l’apparente gentillesse d’Hassan ; il avait beau sembler être quelqu’un de bien, il ne parvenait pas à éteindre le feu qui se propageait en Carlisle. « Vous enseignez quoi ? » Demanda l’Australien, curieux d’en apprendre davantage sur cet ami, si cher au cœur d’Amal. Le pilote trouvait son interlocuteur peu bavard ; en même temps, il ne pouvait pas vraiment lui en tenir rigueur. Lui-même se montrait particulièrement froid, particulièrement hostile. Il n’arrivait pas à oublier, ni même à calmer, les doutes qui s’étaient éveillés en lui. Pendant une fraction de seconde, il fut tenté de commander un double-scotch. Son pêché mignon avait le mérite d’atténuer les tracas qui l’animaient trop souvent à son goût… Mais le pilote souhaitait garder les idées claires. Il ne fallait pas qu’il perde de vue la raison de sa présence ici : lever le voile sur les ombres, toujours plus nombreuses, qui entouraient les agissements de sa fiancée. « Ce qui me contrarie ? » Le pilote laissa échapper un rire sans joie, et il déglutit difficilement. « Je commencerais par votre existence. » Déclara l’héritier Bishop en haussant les épaules. Conscient que cette phrase pouvait être mal interprétée, le pilote poursuivit : « Ne vous méprenez pas : je n’ai rien contre vous. Je ne vous connais même pas. Seulement, vous semblez être proche, très proche même, de ma fiancée. Qui s’est bien chargée de taire votre existence. » Et pour cela, Carlisle en voulait énormément à Amal. Il ne lui avait jamais reproché grand-chose, et lui avait toujours accordé une confiance aveugle. Avait-il bien fait ? Avait-il eu raison ? Les doutes l’envahissaient petit à petit, et plus rien ne semblait pouvoir les dissiper. « Vous ne trouvez pas ça… Suspicieux ? » Question purement rhétorique : non seulement c’était suspicieux, mais en plus, c’était carrément étrange. « Nous sommes ensemble depuis dix ans. Pourquoi m’aurait-elle caché votre existence pendant dix ans, si vous n’êtes rien d’autre qu’un simple… Ami ? » Fit-il remarquer d’une voix neutre. Il secoua la tête ; ses questions restaient sans réponse, et il avait l’impression qu’Hassan ne lâcherait rien. « Alors si, en réalité, je suis en partie là pour vous rencontrer. Mais aussi pour faire la lumière sur certaines zones d’ombre. » Et c’était un échec cuisant. « Ne vous en faites pas : on va gérer ça. » Mais il restait une inconnue à cette équation : comment tout cela finirait-il ? L’issue serait-elle heureuse ? Pour la première fois de sa vie, Carlisle en doutait fortement. Son couple avec Amal fonçait droit dans le mur, et la catastrophe semblait imminente. « Je ferais mieux d’y aller. » Déclara le pilote en soupirant. Il attrapa son casque, qu’il fit passer sur son avant-bras.
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| | | | (#)Dim 24 Fév 2019 - 23:45 | |
| On peinait à se figurer pourquoi l’homme se trouvait là. Les questions qu’il disséminait avec une fausse innocence sonnaient faux, et donnaient l’impression que le pilote tournait autour du pot dans l’attente de dévoiler ses véritables desseins … sauf qu’il en restait là, et refusait de mettre pour de bon les pieds dans le plat. Hassan doutait qu’il ait un quelconque intérêt pour le genre de discussion qui les animaient sa fiancée et lui – pourvu qu’ils s’en tiennent à discuter – tout comme il n’avait probablement que faire de son domaine d’enseignement – pourvu qu’il concorde plus ou moins aux détails qu’Amal aurait ou n’aurait pas donné à son sujet. Son « Vous enseignez quoi ? » sonnait d’un ton inquisiteur, comme si le bonhomme espérait le piéger là-dessus ; Comme si, pour commencer, Hassan avait eu quoi que ce soit à se reprocher. « La géopolitique. » lui avait-il alors simplement répondu d’un ton neutre, neutre à l’exagération, avant de finalement perdre patience et suggérer au fiancé jaloux de mettre cartes sur table plutôt que de continuer à faire des ronds de jambe. Sans aimer les conflits, le brun n’était pas non plus du genre à s’empêcher de dire les choses, et rien ne l’agaçait plus que le fait d’arrondir les angles quand on mourrait visiblement d’envie de dire le fond de sa pensée. « Ce qui me contrarie ? » Rire jaune à l’appui, l’homme avait repris sans attendre « Je commencerais par votre existence. » Accueillant la réponse avec un brin d’incrédulité, le professeur s’était fendu d’un « Pardon ? » visant à faire comprendre à son interlocuteur qu’il outrepassait légèrement les limites de la courtoisie la plus élémentaire. « Ne vous méprenez pas : je n’ai rien contre vous. Je ne vous connais même pas. Seulement, vous semblez être proche, très proche même, de ma fiancée. Qui s’est bien chargée de taire votre existence. » Marquant une pause, l’homme avait scruté Hassan du regard et finalement questionné, d’un ton plus lourd de sous-entendus « Vous ne trouvez pas ça … Suspicieux ? Nous sommes ensemble depuis dix ans. Pourquoi m’aurait-elle caché votre existence pendant dix ans, si vous n’êtes rien d’autre qu’un simple … Ami ? » Haussant les épaules avec mesure, Hassan doutait de pouvoir raisonner les élans de jalousie du pilote, peu importe les arguments qu’il tenterait de lui opposer. La vérité c’est que le dénommé Carlisle se trompait de cible, et posait ses questions à la mauvaise personne. « Peut-être simplement parce qu’il n’y a rien à en dire ? » Ils s’étaient perdus de vue durant des années, se revoyaient dans un cadre semi-professionnel, et rien là-dedans ne méritait probablement qu’Amal ou Hassan n’en fassent un compte-rendu à qui que ce soit. Mais l’homme semblait persuadé du contraire, et surtout il semblait de ceux qui n’en démordaient pas une fois qu’ils avaient une idée en tête. « Alors si, en réalité, je suis en partie là pour vous rencontrer. Mais aussi pour faire la lumière sur certaines zones d’ombre. Ne vous en faites pas : on va gérer ça. » La dernière phrase avait fait glisser un brin de chair de poule sur les bras d’Hassan, comme s’il y voyait une menace latente envers leur connaissance commune. « Vous cherchez des problèmes là où il n’y en a pas. » Mais peut-être était-ce une excuse, peut-être y’avait-il chez cet homme un désir latent de trouver une raison pour mettre le feu aux poudres entre Amal et lui … Peut-être y’avait-il ici un début de réponse quant à la grisaille qui semblait investir le regard de la jeune femme chaque fois qu’elle mentionnait ce mariage à venir, ces fiançailles qui s’éternisaient, sans qu’Hassan n’ait jamais osé rebondir sur la question. « Je ferais mieux d’y aller. » Attrapant son casque, le pilote de ligne avait quitté le comptoir du bar pour se remettre debout. Terminant d’une traite ce qu’il restait de son verre, le brun avait confirmé « Vous feriez mieux, en effet. » sans donner l’impression de vouloir aller nulle part, de son côté. À peine l’homme avait-il pris congé pourtant, qu’Hassan avait réglé sa consommation et récupéré son propre casque de moto au pied de son tabouret. Pianotant un rapide message à l’adresse d’Amal, il avait prétexté un imprévu de dernière minute et proposait de remettre leur entrevue à plus tard, préférant pour le moment ne pas mentionner l’échange entre son fiancé et lui. Inutile de jeter de l’huile sur le feu.
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| | | | | | | | (carlisle) stranger in a strange land |
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