And you let her go - Gaby -

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Message(#)And you let her go - Gaby -  EmptyMer 25 Juil 2018 - 12:37


Gabriel & Maximilien ❧ And you let her go.
Un fond de jazz ancien donnait vie au bureau de Maximilien, les quelques accords de saxophone venant se mêler avec grâce et douceur aux notes de contrebasse pour créer ce cocon langoureux dans lequel le jeune homme se plongeait sans se faire prier lors des journées un peu trop lourdes à porter à son sens. « Il est tellement important de laisser certaines choses disparaître.De s'en défaire, de s'en libérer. » Ses doigts vinrent resserrer leurs prises sur le morceau de papier usé par le temps et l'utilisation de l'ouvrage comme si le sentir pouvait lui permettre de garder ses pieds sur terre. Ces mots, il les connaissait pour les avoir lu, relu et dont les traces restaient belles et bien présentes dans son esprit, la nuit plongeante. « Il faut comprendre que personne ne joue avec des cartes truquées. Parfois on gagne, parfois on perd. » Ses yeux se fermèrent un bref instant qui fût suffisant pour faire apparaître ce visage angélique couverts de ces longs cheveux roux et de ce sourire malicieux. Il n'eut pas la force de les garder clos plus longtemps et se replongea sur ses lettres qui devenaient mots pour se transformer en phrase.   « N'attendez pas que l'on vous rende quelque chose, n'attendez pas que l'on comprenne votre amour. » On ne lui rendra ni sa sœur, ni ses frères d'armes partis trop tôt il l'avait compris il y a bien longtemps. On ne lui rendra pas non plus ces parts d'âmes qu'on lui a volé en les enlevant. Il resterait frigide, psychorigide, distant et peu amical pour le restant de ses jours.

Sa main vint chercher la tasse de café brûlant qui se trouvait sur la petit table en bois à côté de son fauteuil, et vint happer une longue gorgée brûlante, savourant l'odeur brute du café frais. Il sentit la fin de son essaie approcher, n'ayant plus que quelques lignes à se mettre sous la dent. Ces quelques lignes que son psychologues à l'armée lui avait conseillé de lire, chose qu'il avait hésité à faire. Pourtant, Maximilien avait passé cette appréhension. C'est vrai ça, que peuvent faire des mots ? Tout. Pratiquement tout tant que la pensée ne reste pas de marbre. La parole est d'or, Maximilien l'avait appris à ses dépends. Les mots blessent bien plus qu'ils ne soignent. Les mots tuent quand on leur donne la vie. Et les mots réveillent en vous des sentiments que vous pensiez éteints depuis bien longtemps. Il était mort à ses propres yeux, se contentant de subir plutôt que de vivre. Et pourtant, à chaque fois qu'il relisait ces quelques phrases, il pensait pouvoir reprendre vie. Il prit une longue inspiration comme s'il devait se laisser torturer en zone de combat, et poursuivit sa lecture. « Vous devez clore des cycles, non par fierté, par orgueil ou par incapacité, mais simplement parce que ce qui précède n'a plus sa place dans votre vie. Faites le ménage, secouez la Poussière, fermez la porte, changez de disque. » Combien de fois il avait entendu dire qu'il « tournait en rond », « qu'il devait lâcher du lest », que « le passé était fini, qu'il devait laisser place à l'avenir ». Il en avait envoyé chier des gens pour moins que ça. Il ne comprenait pas – et ne voulait pas comprendre – pourquoi des personnes s'évertuaient à vouloir l'aider. Il voulait un peu de paix. Un peu de calme. Un minimum d'harmonie dans sa vie si imprévisible. Et pour ça, il n'avait trouvé qu'une solution : l'alcool. « Cessez d’être ce que vous étiez et devenez ce que vous êtes ». Il ferma le roman dans un claquement sourd, le laissant tomber sur ses jambes tandis que son regard se porta sur le ciel assombri de nuages à tout va, ne laissant entrer que quelques rayons de soleil. C'était donc ça qu'il était ? Cet homme alcoolique, aux pensées sombres qui ne laissaient personne entrer dans sa vie, et que les quelques brèches qu'il possédait lui permettait d'entrevoir un soupçon de lumière. C'est ce qu'il était devenu, oui.

Il se leva enfin, bras sous le coude tout en se dirigeant vers cet immense pan de mur auquel il avait consacré cette magnifique bibliothèque encastrée, permettant de la faire pivoter sur elle pour l'aider à ranger les quelques ouvrages qu'il avait accumulé depuis des années. Ce n'était rien 3000 romans si ? Et si quelqu'un prenait la mouche en lui disant qu'il n'aurait jamais le temps de tout lire, il était capable de prendre un roman au hasard, et de citer n'importe quelle phrase de n'importe quel chapitre. La joie de l'hypermnésie qui encombrait son esprit d'un tas d'informations inutiles. Il rangea minutieusement son ouvrage à côté des autres œuvres de Coelho et sortit son annuaire, se rendant à la page où se trouvait le titre de l’œuvre pour y mettre une légère croix. La huitième sur la même ligne, ce qui lui arracha un soupir. Il était grand temps qu'il se décide à refaire sa bibliothèque. Depuis combien de temps ne s'était-il pas rendu dans une librairie ? Fouiller à la recherche de la perle rare ? D'un livre qui lui parlerait, qui lui changerait les esprits, qui l'emmènerait loin ? Trop longtemps à ses yeux. Son regard se posa sur le cadran de sa montre : 18h30. Il n'était pas encore trop tard pour trouver son bonheur. Il sortit le plan de la ville que la Mairie lui avait fournit à son arrivée, le dépliant pour le poser sur sa table, cherchant désespéramment une librairie à se mettre sous la dent. Les bars se comptaient par dizaines, les restaurants également, mais alors les librairies... Il se mettait à soupirer lorsque son regard tomba sur le nom de State Liberty, la librairie réputée de Brisbane pour son charme, son calme et son côté authentique qui se trouvait à Toowong soit à plus d'une demi heure de route de sa villa à Bayside. En moto, il devrait pouvoir arriver avant la fermeture des lieux avec un peu de chance. Et quand bien même ce ne serait pas le cas, il ne rentrerait pas sans avoir obtenu quelque chose.

Il se glissa par la porte de son arrière garage pour attraper son blouson, son casque et démarrer sa moto qu'il n'avait pas fait tourner depuis plusieurs semaines déjà. Il allait devoir la pousser un peu pour lui permettre de la décalaminer. Quel dommage, il adorait la vitesse ! Il grimpa dessus et démarra au quart de tour, laissant le vent fouetter le cuir de sa veste, saisir son cœur qui battait un peu plus fort au fur et à mesure que l'aiguille du compteur grimpait dans les tours. Il n'avait plus rien à perdre, il le savait, il en jouait, il en profitait. C'est ce qu'il y a de plus dangereux dans la nature humaine : ne plus rien avoir à perdre. Les routes s'enchaînèrent, laissant son instinct le guider vers le quartier qu'il avait déjà écumé plusieurs fois pour avoir rendu visite à des défunts clients. Ou plutôt aux hommes et femmes qu'il avait du abattre pour enrichir son compte en banque. Il n'éprouvait même plus de peine ni de dégoût en y repensant. C'était son gagne pain tout autant que la brune qui vendait ses seins au coin de la rue du coin ou du drogué qui fournissait des rails au premier camé du quartier. Lui, il ôtait la vie sans laisser de traces, aussi bien fait que leur naissance.

Il n'avait mis exactement que vingt-huit minutes pour se trouver debout face à la porte de la librairie. Soit deux minutes avant la fermeture des lieux qui se trouvaient déjà vides de toute présence. Il poussa la porte légèrement, observant le bâti et la charnière de cette dernière, s'apercevant que le système était composé d'un carillon qui ne tarda pas trop à tinter. Du genre associable, Maximilien ne désirait croiser personne, et se dirigea directement sur le premier rayon qui se trouvait sur sa droite pour lui permettre de s'enfoncer un peu plus dans les lieux, se pensant à l'abri des regards. En parlant de regard, le sien scrutait dans le moindre détail l'endroit, observant les différents rayons, la grande échelle en bois, le petit coin de lecture qui semblait confortable et qui devait probablement accueillir grand nombre de passionnés de littérature. Sur le côté de ce dernier se trouvait quelques tables qui laissaient deviner que l'endroit proposait également un moyen de se restaurer, de s'offrir un moment de détente et d'abandon dans des univers parallèles le tout accompagné d'une tasse de thé fumante. L'odeur de papiers anciens, d'ouvrages d'exceptions, d'encre se mélangeaient aux différents parfums des personnes qui avaient du pousser les portes de cette boutique aujourd'hui. Le parquet ancien craquaient sous les pas de Maximilien tandis qu'il se dirigeait droit sur l'un des romans à la couverture restaurée qui attirait l'oeil comme par magie au milieu de tout ces ouvrages. L'Odyssée d'Homère. Quel hasard de se trouver avec le premier livre que Maximilien avait reçu en cadeau de la part d'une de ses familles adoptives. Un grand classique qui ne s'épuisait jamais. Il avait rêvé plus d'une fois de se trouver comme Ulysse, et parfois en revenant des champs de guerre, il s'était prit pour Ulysse qui allait retrouver sa Pénélope... Jusqu'au tarmac de l'aéroport. Il commença à feuilleter l'ouvrage, savourant la calligraphie utilisée dans ces pages qui lui rappelaient qu'il appréciait d'autant plus les œuvres anciennes pour leur vécu.

Son regard se redressa en apercevant une ombre bougée tandis que personne n'était encore venu l'accueillir ou le chercher dans ces rayons. Il ne lui fallut pas longtemps pour apercevoir une silhouette de dos, rangeant les quelques livres qui avaient été dérangés dans la journée, sifflant sur les quelques notes faibles qui traversaient la pièce. Son coeur sembla s'arrêter quelques instants, resserrant sa poigne contre le livre pour ne pas le faire tomber tandis qu'il descendait son regard à maintes reprises sur sa silhouette. C'était bien lui... Gabriel Carnahan. L'époux de sa soeur. Celui qui lui avait ôté la vie parce qu'il avait été incapable de conduire convenablement. Une fois de plus, il devait encore avoir la tête dans les nuages. Ce n'était pas dans les nuages que Maximilien allait lui mettre non. C'était dans les étagères de sa propre bibliothèque.

Le regard plein de haine, il traversa le peu de distance le séparant de Gabriel à vive allure, plaquant une main sur son crâne pour appuyer son visage contre la rangée de livre qui se trouvait face à lui, l'autre main agrippée sur le col de son haut pour le garder dans cette position, l'empêchant de pouvoir bouger ou bien apercevoir le visage de Maximilien qui s'était assombri, habité par une envie soudaine de le laisser pour mort en simple retour des choses. Il approcha sa bouche de l'oreille de Gabriel, augmentant la force qu'il mettait dans sa prise tout en lui murmurant d'une voix pleine de colère.

" Mon premier est un "mal" au pluriel¨... Mon deuxième est la plus droite des voyelles... Mon troisième est un rongeur jugé répugnant. Mon tout n'est plus à cause de toi Carnahan." conclut-il en soupirant longuement.

"Qui m'aurait dit que je te retrouverais ici comme si de rien n'était ?" lâcha-t-il de façon rhétorique, se contentant de faire pivoter le corps de son ancien beau frère face à lui, plongeant son regard dans le sien sans une once d'amitié ou d'affection. Sa deuxième main vint rejoindre la seconde auprès du col de Gabriel et il le plaqua lourdement contre le meuble en bois, à trois reprises, comme si le secouer pourrait servir à obtenir une quelconque phrase de la part du jeune homme.

"C'est toi qui aurait du crever, tu le sais ça ? Il n'est jamais trop tard pour rectifier la chose..." argua-t-il sans pitié.

De la pitié il n'en avait pas.
Pas pour lui, non.
Il avait tué sa soeur, et cette page, il ne pourrait pas la tourner.

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Dernière édition par Maximilien Atkins le Mar 2 Oct 2018 - 15:08, édité 4 fois
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Message(#)And you let her go - Gaby -  EmptyJeu 26 Juil 2018 - 0:54


Gabriel & Maximilien ❧ And you let her go.
Le soir tombait doucement sur Brisbane, les derniers rayons diurnes venant tapisser les murs de la librairie d’ors, d’ocres et d’orangés. Gabriel aimait particulièrement ce décor, un éclairage qui lui rappelait la petite maison en pleine nature où Moïra et lui avaient vécu. Il jeta un coup d’œil au cadre qui trônait sur le comptoir. Spirit Island… Un paysage à couper le souffle, là où il avait rencontré celle qui deviendrait ensuite sa femme, là où cette photo avait été prise peu de temps après leur mariage. C’était un endroit spécial, unique. Et, tranchant vivement sur les bleus du ciel, de l’eau et les verts de la végétation, la chevelure rousse de Moïra dont la silhouette élancée se découpait au centre de la photographie. Mèches au vent, un sourire qui annonçait un éclat de rire à venir et tout le bonheur du monde contenu dans ses yeux clairs.

Un voile de mélancolie se déposa doucement sur Gaby, alors qu’un soupir franchissait ses lèvres. Mais alors qu’il se perdait lentement dans de lointains souvenirs, les jappements de Sirius le ramenèrent soudain au moment présent et à tout ce qu’il y avait de plus réel. Il avait faim. Le libraire adressa un sourire désolé au jeune animal.

« Excuse-moi, je m’occupe de toi tout de suite. »

Il ramena le chiot à l’étage juste au-dessus de la librairie, où se trouvait son appartement. Aodh dormait sur l’accoudoir d’un des fauteuils tandis que Sirius faisait la fête autour de son maître qui préparait sa nourriture. Déposant la gamelle à terre, le brun observa un instant le jeune chien ravi de se rassasier avant de redescendre à la boutique. Il y avait encore un peu de travail avant de fermer, ranger les ouvrages laissés à droite et à gauche, s’occuper de la caisse, sortir les poubelles, passer un coup de balai… Bref ces petits rituels quotidiens qui achevaient ses journées de travail.

Gabriel était donc occupé à remettre quelques livres à leur place lorsque la clochette de l’entrée tinta doucement. Il tourna la tête mais ne vit personne, après tout de là où il était la porte lui était cachée par les hautes étagères bondées. Il décida néanmoins de finir le rangement de la petite pile de livres qu’il tenait avant d’aller à la rencontre de la personne qui venait d’entrer. Une vieille chanson lui était revenue en mémoire. Presque inconsciemment il en sifflotait quelques notes, doucement, juste assez audibles pour que l’air les fassent voguer doucement à travers les rayons. Dans la librairie tout était tranquille, paisible, presque trop…

Gaby n’eut pas le temps de se retourner lorsqu’il entendit des pas rapides dans son dos. Trop tard. La violence de l’impact le surprit et le saisit tout entier, au point qu’il crut un instant que son cœur s’était arrêté de battre, stoppé net par le choc, avant de le sentir s’emballer et que sa respiration ne s’accélère subitement. Les quelques livres qu’il tenait vinrent s’écraser au sol alors qu’une poigne puissante projeta son visage contre l’étagère qui lui faisait face. Le coup le sonna alors qu’une douleur sourde envahissait son visage.

Il n’avait pas vu le visage de son agresseur… Mais sa voix prononçant cette charade morbide dont il ne connaissait que trop bien la réponse… Cette voix-là il l’aurait reconnu entre mille même si elle était devenue plus dure encore que dans ses souvenirs, teintée de haine et de colère.

« Maximilien… », parvint-il à lâcher dans un souffle alors que la pression qui écrasait son crâne ne s’atténuait pas le moins du monde.

Avec une aisance impressionnante, le dit Maximilien fit faire volte-face sans ménagement à un Gaby totalement incapable de faire un geste, avant de presque le soulever par le col de sa chemise. Le libraire regarda un instant ce visage qu’il ne connaissait que trop bien, celui de son beau-frère, et un frisson lui parcourut l’échine.

Quelles chances avaient-ils de se retrouver tous deux ici, à Brisbane ? Quelles probabilités que le destin poussa leurs routes à se croiser à nouveau alors même que la seule personne qu’ils avaient en commun n’était plus de ce monde ?

Etait-ce cela le karma ? Le prix à payer pour cet accident qui avait enlevé à Gabriel celle autour de qui son monde tournait ? Certes il y avait déjà eu les longues semaines de coma, des mois et des mois de soins et de rééducation. Plus d’un an pour retrouver la mobilité d’un corps meurtri. En ce qui concernait son âme et son esprit en revanche, rien n’avait réussi à panser des plaies trop profondes. Il n’était pas venu à bout des ses traumatismes. Malgré tout Gaby avait toujours trouvé que tout cela était bien peu cher payé alors même que cet accident avait coûté la vie de Moïra. Et voilà que le passé surgissait à nouveau, sans crier gare. Etait-ce ici et maintenant que ce qu'il considérait comme une dette insoutenable à la vie allait être réglée ?

Le poids de la culpabilité avait écrasé le libraire à la seconde où on lui avait annoncé la nouvelle, sa femme était décédée sur le coup, les secours n’avait rien pu faire. Dès lors il porta ce fardeau chaque jour de sa vie, alors même que les constats et expertises successifs furent formels et unanimes. Ils n’avaient aucun moyen d’éviter ce chauffard, ils ne l’avaient même pas vu arriver, la responsabilité de l’accident incombait entièrement à cet homme. Et pourtant… Pourtant cette culpabilité s’était abattue sur Gabriel et ce quoi qu’on pût lui dire à l’époque, personne n’était parvenu à le raisonner sur ce sujet.

Le brun scrutait les iris claires de Maximilien, les mêmes que Moïra. Etrange sensation que de revoir en cet instant les yeux de la femme qu’il avait tant aimée. Des yeux qui l’avaient toujours regardé avec amour et douceur. Etrange sensation, oui, que de les revoir maintenant à travers le regard haineux de son frère. Ce qu’il pouvait y lire était du genre à faire froid dans le dos et les mots que prononça Max confirmèrent les impressions du libraire.

Mais bizarrement Gaby sentait les battements de son cœur se calmer, sa respiration ralentir comme si finalement il s’attendait à ce qu’un jour pareille chose se produise. Il ne bougeait pas d’un poil. Cela dit à quoi bon ? Se défendre ? C’était peine perdue, il ne faisait pas le poids face à cet homme athlétique et puissant, entraîné chez les Navy Seal. Et il n’en avait pas non plus l’envie. Alors, ses yeux toujours plantés dans ceux de son vis-à-vis, Gaby lâcha avec un calme surréaliste en pareilles circonstances, comme s’il avait déjà accepté cette idée depuis longtemps :

« Mort je le suis déjà Maximilien… depuis ce jour-là »

Certes en réalité il l’avait réchappé de peu, mais ce fut au prix d’une vie qu’il chérissait plus que tout, plus que sa propre existence à n’en pas douter. Alors il n’était peut-être pas physiquement mort mais, depuis, intérieurement c’était, pour une partie de lui, tout comme.

« Je vis avec ce poids, à chaque minute, chaque seconde. Il n’y a pas un jour où je ne pense pas à elle. »

Ces mots Gabriel les avaient longtemps gardé pour lui, incapable de les prononcer, de les partager. Et qui aurait pu comprendre, mesurer un temps soit peu la profonde douleur, l’incommensurable peine qui le rongeaient de l’intérieur ? Pourtant face au visage ravagé de colère de Maximilien, ils s’élevèrent avec une facilité et une sincérité qui le déconcertait lui-même. Gaby savait toute l’importance que Moïra avait acquise aux yeux de ce demi-frère cadet, abandonné par sa propre famille et qu'elle avait retrouvé après avoir remué ciel et terre sans jamais abandonner. Cette perte les avait meurtri aussi profondément l’un que l’autre. C’était deux êtres brisés qui se faisaient face, dans un duel qui n’aurait pas de vainqueur.

« Qu’est-ce-que tu crois ? Que j’ai oublié ? Comment le pourrais-je ? Moïra était tout mon univers, je l’aimais plus que tout », poursuivit le libraire d’un ton toujours étonnamment calme.

Oublier… C’était bien impossible. On ne peut fuir le passé. La douleur reste, plus ou moins profondément enfouie, mais toujours là. Chez Gaby elle resurgissait régulièrement encore, se manifestant sous différentes formes, ayant besoin de peu pour être ravivée. Les douleurs fantômes, les crises d’angoisse, les cauchemars, les cicatrices sur son corps. Il suffisait parfois d’un bruit, d’un mot. Tout le ramenait à un passé dont il ne pouvait faire table rase. Oui, oublier était impossible, illusoire. Il fallait apprendre à vivre avec le passé et son poids, soutenir ce fardeau, un pas après l’autre, minute après minute, une journée à la fois. Cela faisait désormais quatre ans. Quatre ans que Gabriel avait toujours un œil tourné vers le passé, l’autre regardant le présent, jamais l’avenir.

Le regard qu’il posa alors sur Maximilien était désormais dénué de peur. Il était seulement empli de tristesse mais aussi d’empathie pour cet homme dont il pouvait mesurer toute la peine qui n’était que le reflet de la sienne, tout simplement. La seule différence demeurait dans leur manière de l'exprimer.

« Pour moi vivre sans elle c’est presque être déjà mort. Alors tu peux bien faire ce qu’il te plaira, ça m’est égal », lâcha t-il doucement.

Gabriel avait pesé chacun de ces mots. Étonnamment les prononcer l’avait apaisé malgré la situation dans laquelle il se trouvait, ça avait presque quelque chose de libérateur.


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Dernière édition par Gabriel Carnahan le Mar 2 Oct 2018 - 15:12, édité 1 fois
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Message(#)And you let her go - Gaby -  EmptyMer 1 Aoû 2018 - 13:50


Gabriel & Maximilien ❧ And you let her go.
Une pulsation. Un battement. Une seconde, puis une éternité. Le temps s'arrêtait, la vie perdait le fil et la suite des événements n'étaient que tragédie.

Un égarement. Une fraction de seconde. La vie reprenait qui elle voulait quand elle le désirait. Et la tragédie n'était plus une œuvre tragique non. Elle était une réalité.

Il y avait eu ces mots qu'il n'avait pas dit. Il y avait eu ces gestes qu'il avait retenu et ces idées qu'il n'avait pas prononcé par peur de les voir prendre vie. Il y avait eu ces silences entretenus, ces non-dits acquis et ces sourires dont on l'avait privé. Ces nuits isolées, où les larmes roulaient sur des joues d'enfants qui n'avaient connu aucuns baisers. Ces matins d'hiver enneigés où ses jeux étaient restés vides d'amour, d'envie et de fierté. Il y avait eu ces personnes entrants dans sa vie du jour au lendemain, ces personnes donnant leurs confiances les yeux fermés à celui qui était censé les ramener chaque nuit à leur camp de base sans la moindre perte. Il y avait eu ces promesses faites, ces mensonges dissimulés et ces fardeaux qu'il portait jour après jour. Il ne pouvait plus croiser un miroir sans se dire qu'il n'était qu'un moins que rien, la pire des vermines et le plus grand enfoiré que la terre porte en elle. Il avait beau dire ce qu'il voulait pour se dédouaner, il le savait au fond de lui lorsqu'il les avait envoyé en repérage que c'était une mission suicide. Il le savait tout comme d'autres grands hommes l'ont su la veille d'envoyer leurs troupes au combat. Ce n'était que des dommages collatéraux ? Non, pour lui c'était la perte d'un frère d'arme lui qui n'avait pas de familles... Pas ou plus.

Il y avait eu cette rencontre, hasardeuse, dans les murs étroits de la base militaire. Cette joie dissimulée de voir que quelqu'un avait eu la force de se battre pour le retrouver, lui qui avait abandonné l'idée un jour de pouvoir dire qu'il possédait une famille. Il y avait eu ces deux iris identiques au sien mais tellement plus léger qui avait su ranimer une flamme bien trop vite éteinte à ses yeux. Puis il y avait eu cette distance qu'il avait instauré et qui pourtant lui faisait mal. Ces mensonges dans lesquels il s'était empêtré pour trouver une excuse pour ne pas assister au mariage de sa sœur. Ses coups de fils devenaient de plus en plus lointains, et la situation ne le dérangeait pas pour autant. Il ne voulait pas s'accrocher mais le mal était déjà bien fait. Il avait songé plus d'une fois à l'appeler, à une heure indécente, pour s'excuser, lui expliquer car oui, elle comprendrait qu'il n'avait pas l'habitude de tout ça. Il ne l'avait jamais fait, par fierté mais surtout parce qu'il ne savait pas comment s'y prendre pour avouer ces choses là. S'excuser ? Se ferait-il pardonner aussi aisément qu'il le souhaitait ? Il en doutait, et préférait donc continuer à souffrir, lui qui avait les épaules assez larges à chaque fois que le verre se portait à ses lèvres, pour endosser toute la misère qu'il accumulait.

Il fallait parfois que le temps fasse son bout de chemin pour affirmer une idée qui paraît parfois qu'illusoire. L'inconvénient de laisser jouer le temps dans la partie c'était que les émotions n'en devenaient pas moins lourdes. Non la peine ne s'effaçait pas, la colère ne s'amenuisait pas et la rancœur ne disparaissait pas. Les joies ne se poursuivaient pas et les complaintes trouvaient toujours preneurs. Le temps n'était que la pression de cette cocotte minute ambulante qui s’apprêtait à exploser la soupape à chaque pas faits. Ces pas, Maximilien les avait effectués l'un après l'autre dans des directions parfois contraires, parfois aléatoires. Il avait pris la décision de disparaître de bon nombre de chemin qu'il avait croisé, ne pensant être qu'un simple détour, et pourtant la vie les remettait sur son chemin, comme si leur histoire n'était pas terminée, comme si les choses n'avaient pas été bouclées. C'était donc ça le message qu'essayait de lui transmettre le destin en l'envoyant dans la librairie de Gabriel ?

Il n'avait pas cru à l'histoire quand on lui avait annoncé des condoléances pour la perte de sa seule et unique famille. Il avait même osé lâcher un « bon débarras » avant qu'on ne lui apprenne que sa sœur avait perdu la vie dans un accident de voiture. Son monde s'était de nouveau écroulé. Balayé, détruit, parti en fumée aussi vite qu'elle avait pu entrer dans sa vie. On lui avait demandé s'il voulait prendre sa journée, s'il voulait retourner au pays, se rendre aux funérailles, se recueillir auprès de son beau frère. Il n'avait pas bronché. Il n'avait pas cillé, pas pleuré, rien laissé transparaître.  Il était devenu bien plus froid, plus distant, comme si son corps était debout mais son âme elle, restait à terre, par tant de blessures. On lui avait parlé des étapes du deuil comme s'il ne les connaissait pas.

Il avait accumulé bien trop de douleurs qu'il laissait exploser ce soir là, face à cet homme qu'il tenait pour responsable. Il avait attendu bien trop de temps avant de finalement mettre des mots sur ces peines, les noyant dans l'alcool et la déraison.

Une pulsation. Un battement. Celui du cœur de Gabriel qui venait enfin de prononcer un mot, un souffle, comme le dernier souffle qu'avait pu rendre Moïra ou ces soldats ayant péri au front.

Un égarement. Une fraction de seconde. Celle qui avait suffit à Maximilien pour perdre l'envie.

Le coeur de Maximilien ne battait plus depuis bien longtemps et il comptait bien le faire comprendre à son pantin à lui, pour la soirée. Il ne ressentait rien lorsque le regard du libraire croisa le sien. Aucune empathie, aucune émotion. Le néant total. Aveuglé par la colère, il ne sentit même pas le souffle du libraire reprendre sa saccade normale, comme s'il n'avait plus rien à perdre. C'était au tour de Maximilien de fulminer. Ses mains serrées, ses dents qui grinçaient par nombre claquement qu'il réprimait de rage. Il sentait la chaleur envenimer son corps, ses gestes n'étant plus calculés non, il se laissait guider par ce flot qu'il voulait expulser pour une fois.

Venait-il réellement de lui parler de mort ? Venait-il de lui parler de l'accident en guise de mort ? Son emprise sur le libraire se fit plus forte, plus violente, laissant moins d'espace à cet homme qui osait comparer la perte de Moïra avec sa vie à lui. Maximilien vint porter un coup de genou violemment le long de la cuisse gauche de Gabriel, le soutenant toute fois pour ne pas le laisser s'affaisser tandis que sa main vint attraper sa joue.

«  Tu y connais quoi toi à la mort ? La donner, ça tu sais faire... Mais tu penses réellement que tu es mort ? Laisse moi te montrer à quel point tu es vivant comparé à elle... » lacha-t-il en redonnant un coup au même endroit à trois reprises avant de le plaquer de nouveau contre la bibliothèque avec violence, faisant tomber quelques ouvrages autour d'eux.

La main de Maximilien vint lâcher l'un des pans du col de Gabriel pour venir s'abattre avec force à quelques millimètres du visage de son beau-frère, faisant trembler le vieux bois des étagères bondées de livres. Il n'avait que faire des mots qu'il lui avouait. Il n'avait que faire de ces états d'âmes que lui même n'avait pas évacué. Comment se mettre à la place d'un autre alors qu'il venait simplement d'accepter la sienne ?


«  Avec quel poids Carnahan ?  Dis le moi ça. AVEC QUEL POIDS BORDEL ! » hurla-t-il tout en le secouant, avant de renchérir.

«  Celui d'être un assassin ?  Pourquoi ne t'es tu pas tué dans ce cas ? Parce que tu es lâche ? Tu es faible ?  C'est bien facile de parler à tout va... J'aurais préféré que tu agisses avant que je n'en sois obligé! »

Sans savoir comment, sans savoir pourquoi, son poing vint rencontrer la pommette de Gabriel sans demi-mesure. Quand les mots ne sortaient plus, quand la douleur était trop lourde, Maximilien n'avait qu'un moyen de l'exprimer : avec ses poings. Il remit rapidement le visage de Gabriel face à lui et lui reporta un coup, hurlant de rage en même temps, avant de le lacher au sol, s'agenouillant à côté de lui.

«  Ton univers ? C'est comme ça qu'on t'a apprit à t'occuper de ton univers ? Tu ne la méritais même pas Gabriel... Et tu sais quoi ? Tu ne mérites même pas de vivre une vie paisible, heureuse. »

Maximilien se mit à faire les cents pas, pensant que la colère allait redescendre après ces coups portés, mais rien ne vint. Il avait toujours cette rage, cette douleur, amplifiée par l'air calme que lui offrait Gabriel en échange à tant de colère. Il aurait préféré qu'il se défende, qu'il lui donne encore plus de raisons de le passer à tabac. Mais il n'avait eu que des mots, des paroles vaines. Il glissa la main à l'arrière de son jean et sortit son Glock, le chargeant tout en le tendant dans la direction de Gabriel, canon pointé sur lui, sans même trembler, sans tressaillir.

« Tu es presque déjà mort ? Je peux y remédier... Ou non... » s'arrêta-t-il en posant l'arme au sol, la faisant glisser à même le sol dans la direction de Gabriel avant de se relever prestement.

«  Tu vas rectifier les choses, comme tu aurais du le faire bien avant... Ce n'est rien, une balle. Si tu vises bien, tu ne devrais même pas souffrir... Si tu te rates... Moi je ne te raterais pas la seconde fois. »

Maximilien attrapa l'un des fauteuils du petit salon qu'avait confectionné le libraire pour le tirer au centre de la pièce, s'installant dessus, face à lui, en attendant qu'il se décide à bouger. Il tapa quelques instants du pied, tremblants de tous ses membres, commençant à perdre patience.

« Moïra ne méritait pas de mourir... Elle avait encore tant à découvrir, tant à vivre... Tu l'as privé de ses rêves. Privé de ses envies de voyages, de son bonheur. Mais le pire dans tout cela Gabriel, c'est que tu n'as pas privé qu'elle... Et aujourd'hui tu devrais payer tes erreurs. Tu avais bu ce soir là ? »
demanda Maximilien sans grande conviction, plutôt par simple intérêt. Il avait besoin d'une bonne excuse pour lui mettre une balle entre les deux yeux.


Une pulsation. Un battement. Celui de la friction de la balle du calibre à la sortie du canon, ôtant la vie à une personne de plus sur la liste de Maximilien.

Un égarement. Une fraction de seconde. Celle qui avait suffit à Maximilien pour rêver de passer à l'acte.

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Dernière édition par Maximilien Atkins le Mar 2 Oct 2018 - 15:13, édité 2 fois
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Message(#)And you let her go - Gaby -  EmptyDim 19 Aoû 2018 - 9:37


Gabriel & Maximilien ❧ And you let her go.
Quelques fractions de secondes avaient suffi pour que l’habituel calme ambiant de la State Liberty vole soudain en éclats. Comment était-ce arrivé ? Par quel étrange coup du destin ? Il y avait maintenant cette voix, si familière, qui emplissait l’espace avec fracas, pleine de colère, de rancœur et d’une furieuse envie de vengeance.

Mais pour se venger de quoi ? De la mort d’une sœur arrachée d’une manière bien trop cruelle et soudaine à la vie en pleine fleur de l’âge ? Mais Moïra était aussi la femme que Gabriel aimait plus que tout et il n’avait rien pu faire d’autre que subir cette terrible perte. Pourtant Maximilien le tenait personnellement pour responsable de ce drame, sa colère était entièrement dirigée contre le libraire. Et, de la colère à la violence il n'y a qu'un pas…

Le brun n’avait pas vu partir le coup qui vint s’écraser contre sa jambe faisant naître une douleur sourde. Il n’avait aucun moyen de se dégager ni de l’éviter, toujours plaqué avec force, plus qu’il n’en avait lui, contre le bois d’une des vieilles étagères de la boutique qui lui labourait le dos tant son beau-frère l’y maintenait fermement plaqué.

Les coups revinrent, surprenant une seconde fois le libraire. Ils ravivaient des douleurs, celles d’un corps meurtri, qui n’étaient pas encore si lointaines. Mais cette violence n’était pas que physique, les mots de Maximilien étaient aussi coupants que des lames de rasoir, entaillant plus profondément des blessures certes invisibles et pourtant plus pénibles et amères encore que les autres. Des blessures de l’âme. Les battements du cœur de Gaby s’accélérèrent à nouveau. La douleur il la connaissait bien, mais son corps et son esprit fatigués ne la supportaient plus.

Et plus les coups et les mots accusateurs cinglaient, s’abattant sans pitié sur lui, plus le brun sentait quelque chose changer au fond de son être, comme si un point de non retour approchait à grands pas. Il n’avait pas de réponse aux hurlements et propos détestables de son beau-frère, aucune, et c’est peut-être ce qui poussa ce dernier à laisser son poing s’écraser, cette fois non pas sur les étagères, mais directement sur le visage de Gabriel.

Deux coups assez violents pour le sonner partiellement, et sans savoir comment il se retrouvait désormais au sol. Trouvant appui contre l’étagère il parvint à se maintenir assis malgré une désagréable impression de flottement, son corps engourdi par la douleur. Difficilement, Gabriel parvint à porter la main gauche à son visage comme pour constater les dégâts. La reculant il observa une seconde le sang qui la maculait, qui maculait l’alliance qu’il n’avait jamais cessé de porter, même maintenant, quatre ans après ce maudit accident.

Sonné par les chocs et absorbé par cette étrange contemplation, le libraire ne saisissait plus vraiment tout ce que disait Maximilien. Il le voyait déambuler, plein de colère, de haine. Et la lumière qui s’accrocha une seconde au canon du revolver qu’il pointait maintenant sur lui. D’où le sortait-il ? Gabriel n’en avait pas la moindre idée, il n’arrivait pas bien à analyser la situation, son esprit trop embrumé. Laissant retomber mollement sa main au sol il observait cet homme qu’il avait connu de longues années auparavant. Ça lui semblait une éternité, une autre vie même. Comment en étaient-ils donc arrivés là ? Toute cette colère, toute cette violence…

Cependant aucun coup ne partit et Maximilien sembla soudain avoir une autre idée derrière la tête. Le revolver glissa sur le sol jusqu’à arriver à hauteur de Gabriel qui l’observa étrangement. Il avait toujours eu horreur des armes à feu.

Le suicide ? C’était ça l’idée de son beau-frère. Qu’il se donne la mort pour expier des faits dont il l’estimait seul responsable…

Se tuer… C’est vrai l’idée avait déjà effleuré Gabriel. A sa sortie de l’hôpital, lorsqu’il avait commencé à prendre toute la mesure du vide qui s’était ouvert en lui, toute la mesure de la perte immense. Lors de ces moments où il se retrouvait seul.  Moïra, le centre de son monde, n’était plus là, tout l’amour qu’il avait pour elle s’était mué en une douleur infinie, en un clin d’œil. Pendant un temps il avait cru avoir perdu sa raison de vivre. Une brèche irréparable, une blessure impossible à soigner.

Oui il y avait pensé la première fois qu’il était retourné dans leur maison entre les arbres. Tout lui avait semblé si étranger, tellement vide, dénué de sens. Et les souvenirs, partout, tout le temps. Alors à quoi bon continuer ?

Qu’est-ce qui l’avait retenu ? Qu’est-ce qui l’avait empêché de basculer dans le vide, dans le gouffre qui s’ouvrait à ses pieds ? Maximilien l’estimait trop faible, trop lâche.

En fait il avait fallu longtemps à Gabriel pour accepter ce qui l’avait sauvé. Non il n’était pas seul en réalité, certes pendant dix ans l’essentiel de sa vie il l’avait passé avec sa femme, son australienne aux cheveux de feu et à la joie de vivre sans fin. Mais non il n’était pas seul dans cette épreuve, il n’était pas seul dans cet univers soudain sans dessus-dessous. Il s’était rendu compte qu’il n’avait pas le droit de penser cela alors qu’il y avait toutes ces personnes autour de lui qui chérissaient sa vie plus qu’il ne le faisait lui-même. Sa famille, ses amis, leurs amis, ceux de Moïra étaient là aussi. Ces gens autour de lui, leur soutien, leur amour, c’est ce qui l’avait sauvé de lui-même, sans aucun doute. Et puis il y avait Jameson, Jaimie, qui l’avait relevé sans relâche, toujours rattrapé au bord du précipice dans les moments les plus critiques, ceux où il avait abandonné tout espoir, toute envie de continuer. Elle qui le connaissait depuis si longtemps et si bien, elle qui avait eu de la force et de la détermination pour deux. Gaby avait fini par lui promettre de ne plus jamais tenter de faire ce genre de "conneries". Il lui avait promis de vivre, encore.

Il en était là de ses pensées, observant l’arme à coté de lui, lorsque les mots de Maximilien vinrent éclater à ses oreilles. Son sang ne fit qu’un tour, ces propos avaient provoqué un étrange déclic en lui, le ramenant soudain à une pleine conscience. Les yeux bleus de Gabriel vinrent se poser sur son beau-frère assis face à lui mais leur éclat avait changé. Cet homme venait de le pousser dans des retranchements insoupçonnés et rares étaient ceux qui étaient parvenus à créer un tel sentiment d’aversion chez le placide irlandais. Son regard céruléen s’était fait plus dur, plus froid face à ces insinuations abjectes qu’il ne pouvait supporter. Et la réponse du libraire vint claquer dans la pièce avec cette même dureté, cette même froideur :

« Quand je suis sorti du coma on m’a dit que tu n’étais pas venu à son enterrement, j’ai pensé que tu étais sans doute en mission quelque part, que tu viendrais te recueillir en rentrant, tu n’es jamais venu. Moïra avait une telle affection pour toi, elle t’aurait tout pardonné alors j’ai fait comme elle, pas par principe, pas pour moi ni pour toi, juste pour elle. Pardonner la tristesse que je pouvais lire dans ses yeux lorsque finalement tu ne venais pas, que tu n’appelais pas, que tu ne lui répondais pas, que tu ne décrochais même pas. »

« Et toi tu me demandes si j’avais bu ? On dirait que tu me connais bien mal en fin de compte. Qu’est-ce que tu crois ? Que j’étais ivre au volant ? Alors même qu’il y avait la femme qui partageait ma vie depuis dix ans assise à coté de moi ? T’es-tu réellement si peu soucié de ce qu’il s’est passé ce jour-là pour oser poser une telle question ? »


« Garde donc tes accusations nauséabondes pour toi, Maximilien, si tu ignores même jusqu’à ce qu’il s’est passé ! », finit-il par lâcher sur un ton qu’il ne se connaissait pas, un soupçon de colère semblait pointé le bout de son nez. Gabriel pouvait supporter, encaisser, balayer de nombreuses choses mais il en était certaines, de rares, qui pouvaient le tirer de son calme éternel. Maximilien avait tapé en plein dedans…


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Dernière édition par Gabriel Carnahan le Mar 2 Oct 2018 - 15:14, édité 1 fois
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Message(#)And you let her go - Gaby -  EmptySam 8 Sep 2018 - 15:43


Gabriel & Maximilien ❧ And you let her go.
Il s’en était posé des questions sur son immense canapé noir, au milieu des coussins qui lui servaient à étouffer ses cris de rage, ses cris de peine. Pourquoi elle ? Pourquoi lui ? Puis il était parti sans chercher à connaitre la réponse non. Il était parti affronté les balles, moins attentifs qu’avant, risquant sa vie par envie et désir. Il s’en était pris des soufflons par ses supérieurs pour son dilettantisme et son irréflexion. Il s’était contenté de tantôt hocher la tête, tantôt hausser les épaules, comme si tout lui passait par-dessus. On lui avait demandé de consulter, il avait réfuté en demandant une période de probation. Non, le seul canapé qu’il comptait voir de près était le sien. Pas celui d’un soi disant psychologue qui pourrait compatir avec sa peine. Non, personne ne compatirait. Ni lui, ni quelqu’un d’autre et encore moins ce Carnahan.

Alors il avait imaginé. Combien de nuits blanches avait-il passé en refaisant le monde au gré de ses si ? Combien d’évènement s’était-il rejoué pour enjoliver la réalité et se dédouaner d’une quelconque honte, d’un quelconque méfait ? De trop nombreuses à ses yeux qu’il ne pourrait réellement l’avouer un jour. Tantôt il appréciait se convaincre que la réalité était telle que nous la percevions, que nous la désirions, que nous la rendions. Tantôt il se rassurait à se dire que le destin lui avait préparé un plan de secours, qu’il traversait les étapes les unes après les autres et qu’à la fin, le ciel serait bleu, l’eau limpide et la chaleur reviendrait éclairer de nouveau la noirceur de son cœur. Puis il repensait à sa sœur. Aux brides des souvenirs d’enfance qu’il avait gardé. Aux coups, aux insultes, à la violence. A la mort, à la peine à la rage. Et il se voyait habité par une soudaine envie de vengeance. De lui-même mais aussi de ses proches. Et il retombait dans ses travers alcooliques. La drogue n’arrangeait pas ses capacités de jugement, au contraire. Il en devenait fou, et ses projets devenaient meurtriers et hantés de sang, de haine et de rage. Telle que celle qu’il éprouvait vis-à-vis de Gabriel.

Mais qui aurait pu lui dire qu’il n’y avait qu’un pas de l’imagination à la réalité. Et que cette dernière généralement coûtait bien plus que ce qu’il avait pu imaginer. Les mots lui avaient manqué lui qui les avait à maintes reprises crachés devant une bouteille de scotch à moitié vide un soir solitaire. Mais il était à court, il en manquait. De mots, de patience et d’empathie. Il était face à son beau-frère qui vivait encore, lui. La violence des coups que Maximilien lui porta était bien différente de celle généralement observée. Non, dans ces derniers, on trouvait la véritable envie foncière du jeune homme : ce n’était pas de le blesser non, c’était de le marquer, de l’imprimer de ce souvenir, de cette trace, de cette douleur pour que jamais elle ne le quitte. Il en avait oublié que le libraire c’était lui aussi retrouvé dans le véhicule avec sa sœur durant cet accident. Mais peu importe à Maximilien, lui se tenait encore sur ses deux jambes. Pour combien de temps ? Les coups furent dirigés vers les endroits que Maximilien se doutait être sensible et ne lui fit aucun cadeau. Peu importe de se retrouver couvert du sang de son beau-frère, il devait finir ce qu’il venait d’engager. Il détestait faire les choses à moitié. Et pourtant, il en vient à lui proposer de se tuer lui-même. Pourquoi ? Pour se déculpabiliser ? Non, pour voir si la théorie qu’il avait établi sur son beau-frère tenait la route. Il trouvait qu’il manquait de cran, de courage et l’avait toujours plus ou moins dit. Ils étaient totalement différents et malgré cela, Moïra s’entêtait à vouloir faire voir à Maximilien que malgré les différences notoires entre les deux jeunes hommes, ils se ressemblaient plus qu’ils ne voulaient l’admettre.


Moïra. Maximilien lâcha une fraction de seconde son regard du libraire et le posa dans le vide, se laissant perdre au fil de ses souvenirs. Il lui en avait écrit des lettres quand il était au front, au milieu des conflits, des guerres, des victoires comme des défaites. Chaque jour ou presque, il s’était adressé à celle qu’il avait éloigné de sa vie pas parce qu’il refusait de lui laisser une place qu’elle méritait non mais pour la protéger. On les avait privés de ce bonheur-ci alors qu’ils n’étaient que des enfants pour des histoires d’adultères. Et maintenant que leurs vies s’étaient recroisées, quelqu’un d’autre les en empêchait ? Il ne l’avait pas choisi cette fois ci non plus. Et quoi que Maximilien puisse penser, Gabriel n’avait pas l’air de l’avoir fait lui aussi. Mais la facilité était sa meilleure amie aujourd’hui. Il était plus simple de faire porter le chapeau à quelqu’un qui est faible et qui a tout pour endosser la responsabilité. Mais lui reprocher quoi ?

Son regard se posa sur le libraire qui tentait de se maintenir contre les étagères adossé, tandis que l’arme que Maximilien venait de lui jeter n’avait pas bougé d’un cil. Ce dernier observa Gabriel longuement, restant bloqué sur l’annulaire du jeune homme où trônait encore leur alliance. Il déglutit en se relevant, s’approchant de lui sans même trembler malgré le fait que le regard que lui voue Gabriel est bien loin de ceux qu’il a eu l’occasion de croiser depuis son arrivée. Non, il était distant, glacial et empli d’une dureté que Maximilien lui découvrait. Rien pour refroidir les ardeurs de ce dernier au contraire. Il se contenta de poser la pointe de son pied sur la jambe du libraire, croisant ses bras tout en le toisant face à ces mots qui n’étaient… que vérité, oui. Le poids du corps de Maximilien se porta vers l’avant, appuyant ainsi sur la rotule du libraire, tandis qu’il s’accroupit face à lui, attrapant sa mâchoire avec fermeté.

«  Tu en sais quoi toi de ce qui s’est passé durant ton coma ? Que des qu’en dira-t-on c’est ça ? Je ne suis pas venu car l’on m’a prévenu bien tardivement espèce d’abruti. » réprima-t-il en resserrant ses doigts sur son cou avant de se rétracter et d’attraper la main de Gabriel où se trouvait la bague qu’il mit face à leur deux visages pour leur permettre de l’apercevoir. « Tu es de ces genres là donc ? Comme si porter cette bague pourrait te décharger du meurtre de ta femme. Tu lui as dit oui pour la vie et jusqu’à ce que la mort vous sépare non ? » lui demanda-t-il par pure rhétorique avant d’attraper l’annulaire de Gabriel et de le tordre violemment, provoquant le craquement sourd de son articulation. Il laissa enfin tomber la main du libraire et le regarda en lui offrant un sourire qui pouvait glacer le sang de n’importe qui.

« Tu verras que la boisson te servira dans ce moment là. Elle noiera ta douleur tout comme elle a noyé ta capacité de jugement et tes réflexes ce soir là. Tu veux savoir de quoi je me suis soucié Gabriel ? Réellement ? Je me suis demandé si ma sœur était enceinte ce jour là vois tu. » avoua enfin Maximilien comme si une vanne venait de s’ouvrir. Après tout, Gabriel serait la première et dernière personne à qui Maximilien se confierait car il n’avait pas prévu de le laisser s’en tirer aussi aisément. Et si tant est qu’il ne veuille pas en finir de lui-même, il se verrait obliger de faire le sale boulot à sa place.

Maximilien attrapa quelques ouvrages aléatoirement sur les étagères au dessus de Gabriel  pour les poser au sol face à ce dernier et s’asseoir dessus. Il profita de ce moment pour pousser de nouveau son arme vers lui, attrapant la crosse pour la garder en main, menaçant par moment le libraire du bout du canon au fil de sa tirade. « Je vais te montrer ma bonne foi Gabriel. Je vais faire ce que toi tu ne sais pas faire : avouer la vérité. Tu ne cesses de te voiler la face mon pauvre… » poursuivit-il en tapant du pied contre son tibia. « Je ne suis pas venu la voir non. Je ne lui ai pas écrit ou du moins je ne lui ai pas envoyé mes lettres. Je ne l'ai pas appelé non plus. Mais moi, je suis capable de l'avouer. Pas parce que je n’en avais pas envie, loin de là. Pour simplement ne pas la décevoir, ne pas lui créer de peine. J’étais voué pour mourir aux combats… J’ai cédé à la tentation lorsqu’elle est venue me voir oui. Parce que c’était ma seule famille… Que j’y ai vu une opportunité… Et toi… Oui toi… » laisse-t-il en suspens tout en plaquant le canon contre son cœur et son regard cristallin dans le sien, aussi froid l’un que l’autre. « Toi, tu n’y vois qu’égosïsme… Mais qui fut le réel égoïste de nous deux en privant l’autre d’une partie de lui-même ? Moi ? Ou toi ? Qui tenait le volant ? Qui n’a pas vu cet animal ? Qui n’a pas su gérer ? Qui Gabriel… Dis moi qui… » insista Maximilien en levant le cran de son arme tout en posant son doigt sur la gachette, prêt à l’abattre avant de nouveau le regarder. "Le pire dans tout ça... Ce n'est pas tant que tu sois en vie non... C'est que tu sois en parfaite santé... Indemne... Alors qu'elle aurait pu être à ta place... Et que si elle nous voyait... " cracha Maximilien avant de se reculer et de tirer dans le luminaire au dessus d'eux, laissant les morceaux de verre fondre au sol, se protégeant du versant de sa veste pour éviter tout éclat.

Il se tourna vers le libraire, rechargeant son arme toujours dans sa direction tout en se mordant la lèvre inférieure.

La prochaine serait pour lui.
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Message(#)And you let her go - Gaby -  EmptyMer 12 Sep 2018 - 4:57


Gabriel & Maximilien ❧ And you let her go.

Si la douleur l’avait engourdi, la colère lui avait procuré un étrange sursaut intérieur. Les accusations fétides et morbides de Maximilien étaient parvenues à une chose rare, faire perdre à Gabriel son calme, sa douceur. Elles l’avaient frappé de plein fouet presque avec plus de violence que les coups de son beau-frère, le poussant loin dans des retranchements insoupçonnés, même de lui-même. Gabriel sentait monté en lui un sentiment qu’il ne se connaissait guère, de la colère. Lui qui avait habituellement tant d’empathie pour les autres, si il en avait eu de prime abord pour le frère de sa défunte épouse, elle s’était trouvée enfouie à l’instant où il avait parlé de Moïra. Pourtant ce n’était qu’un début, le libraire allait bientôt le découvrir.

Se sentant encore un peu flottant Gabriel se maintenait assis en s’appuyant contre l’une des hautes étagères de bois qui emplissaient la librairie. Il jeta un dernier coup d’œil à l’arme qui gisait à ses pieds, il n’y avait pas touché et il ne parvenait pas vraiment à déterminer si cela arrangeait ou non l’ancien militaire qui lui faisait face. Il ne vit pas non plus que ce dernier fixait étrangement l’alliance qu’il portait toujours, il vit seulement l’ombre massive de la silhouette de Maximilien s’étendre sur lui comme pour mieux le plonger dans les ténèbres alors qu’il s’était levé et lui faisait désormais face. Le libraire serra les dents lorsqu’il sentit sa rotule s’écraser sous le poids de son beau-frère qui semblait ne pas encore avoir apaisé ses envies de vengeance et de cruauté. Gabriel pouvait lire dans ce regard plus froid et dur que la glace toute la haine qui habitait son vis-à-vis, il devinait à quelles extrémités cela pourraient le conduire. Il aurait voulu se dégager, se débattre mais il ne parvenait pas à bouger, ses muscles refusant de lui obéir, comme si ces coups-là, ces blessures-là étaient celles de trop pour un corps déjà par trop meurtri, encore fragilisé par des traumatismes dont il peinait encore à se remettre.

Oui il voulait le voir mort mais pas avant de l’avoir fait suffisamment souffrir pour expier, Gaby en eut la certitude lorsqu’il sentit la main puissante qui se refermait sans peine autour de son cou au point de lui couper le souffle un instant… Et puis plus rien. Retrouvant soudain l’oxygène le libraire se courba en avant, prit d’une violente quinte de toux, réflexe d’un corps qui étouffe. Mais déjà Maximilien avait reporté son attention sur un autre détail. La bague, celle-là même que Moïra avait passé à son doigt faisant du jeune libraire de l’époque son mari. Des années merveilleuses avaient suivi, jusqu’à l’accident, ce maudit accident. Gabriel n’avait jamais pensé à se défaire de cette alliance et il en paya le prix fort. Le craquement sec émis par son doigt brisé lui sembla claquer dans l’air, libérant une douleur si vive que l’irlandais en eut la vue brouillée pendant une seconde. Il laissa un cri s’échapper, incapable de le retenir. Oh oui Max devait jubiler de le voir ainsi, incapable de se défendre, montrant que ses gestes et ses mots pouvaient l’atteindre sans mal. Enveloppant sa main blessée de la seconde, il fit le dos rond sous le coup de la souffrance.

Pourtant quelque chose lui fit soudain refaire surface, cette fois les propos que tenait son beau-frère allaient beaucoup trop loin. Cette fois ça y était, il l’avait poussé loin, trop loin, en des extrémités que le libraire ne soupçonnait pas. C’en était trop et ce fut comme une bombe à retardement. Se redressant subitement Gabriel saisit d’un mouvement sec le col de Maximilien, une colère comme il n’en avait jamais connu grondait en lui.

« Ne me confonds surtout pas avec toi Maximilien, ce n’est en aucun cas la boisson qui m’aidera et ça n’a jamais été le cas contrairement à ce que tu sembles croire ! Tu t’entends ? Tes grands discours sur Moïra, sur toi et la façon dont je t’ai privé d’elle ! Tu parles de meurtre, d’animal, d’alcool ! Tu as tout faux, absolument tout ! Je sais maintenant que tu n’as pas la moindre idée de ce qu’il s’est passé. Et tu oses ! Tu oses me demander si elle était enceinte, tu oses ?! Ne parle surtout pas de choses dont tu ignores tout ! »

Sa voix habituellement si douce était tordue, abîmée par le courroux qui l’habitait désormais. Comment, comment son beau-frère pouvait-il oser prétendre aimer cette sœur, être là pour la venger sans rien savoir d’elle, sans avoir pris le temps de la connaitre réellement. Il avait tapé en plein dans le mille, exactement dans ce qui pouvait faire sortir Gabriel de ses gonds.

« Tu ne sais donc pas qu’elle ne pouvait pas avoir d’enfants espèce de… ! »

Ces mots lui avaient donné la sensation qu’on lui arrachait le cœur au point que ses yeux pâles s’embuèrent soudain. S’associant à la douleur qui reprit un instant le dessus, laissant Gaby se tordre en avant, dents serrées. De la colère, de la souffrance et une peine sans doute à jamais inconsolable alimentaient ces larmes qui coulèrent le long de ses joues alors qu’il était encore plié en deux.

« Ta bonne foi ? », lâcha t-il dans un hoquet de douleur, « Laisse-moi rire ! »

« Et que veux-tu donc que j’avoue Maximilien ? », reprit-il d’une voix cassée, profondément cynique, après s’être redressé, s’adossant de nouveau difficilement contre les étagères, « Que je l’ai tué moi-même ? Ajoutons volontairement tant qu’à faire ! Avoue que ça t’arrangerait bien hein ? Plus que la triste réalité. Tu pourrais alors assouvir ta vengeance, exorciser ces démons-là, cette douleur-là sans le moindre remords n’est-ce-pas ? Je fais un coupable idéal pas vrai ? Et tu t’es toi-même investi de la mission de m’attribuer personnellement un châtiment à la hauteur du crime que ton esprit a façonné. Quelle grandeur d’âme vraiment ! »

Les yeux de Gabriel semblaient être devenus plus sombres qu’un ciel d’orage alors qu’ils s’étaient plantés droit dans les iris bleus de Max. Son regard avait une dureté qu’il n’avait jamais eu, non dans l’immédiat ce n’était plus de la compassion que lui inspiré l’homme qui lui faisait face. Il était furieux, oui furieux que l’ancien militaire se serve de la mémoire de Moïra ainsi, qu’il s’en serve pour justifier son geste. Et cette fois lorsque le canon du revolver s’était appuyé sur sa poitrine il n’avait pas sourcillé, il n’avait même pas eu un regard pour l’arme chargée.

« La décevoir ? Sais-tu au moins de qui tu parles ? Moïra a quitté sa famille, coupé les ponts avec eux à l’âge de 18 ans en apprenant de quelle odieuse manière ses parents t’avaient abandonné. Pendant des années elle n’a eu de cesse d’essayer de te retrouver. Alors tu crois vraiment que c’était en l’éloignant, en te montrant distant que tu ne la décevrais pas ? Tu as tout faux, encore. Elle t’aimait, elle se moquait bien du reste. Tout ce dont elle avait besoin c’était d’être là pour toi et que tu sois là pour elle. »

Et plus les mots de Maximilien se déversaient sur lui plus Gabriel sentait sa mâchoire se crisper. Il n’avait rien compris.

« Aah nous y voilà donc ! Je t’ai privé d’elle... Oui je tenais le volant c’est vrai. Et si tu crois que je n’ai pas la moindre culpabilité qui m’assaille jour après jour tu te fourres le doigt dans l’œil sois en sûr ! Sauf qu’il n’y avait pas d’animal Maximilien, pas d’alcool non plus. Non rien de tout ça, rien de ce que ton esprit imagine et qui t’arrangerait bien ! Il a suffit d’un seul type avec son 4x4 pare-buffle qui nous a foncé dessus en plein coté passager, percutés de plein fouet. Voilà la vérité que tu le veuilles ou non ! »

Indemne ?

Ce type croyait-il au moins à ce qu’il disait ? Il se trompait bien lourdement… Indemne, Gaby ne l’était que d’apparence, et encore seulement pour ceux qui ne prêtaient pas attention aux détails. Des semaines de coma, plus d’un an de rééducation pour retrouver une mobilité à peu près correcte, des mois passés en fauteuil. Des séquelles qui demeureraient à vie, tout comme les douleurs récurrentes d’un corps fragilisé. Et ce n’était que la partie immergée de l’iceberg ! Il y avait tout le reste, le traumatisme psychologique inguérissable.

Gabriel serra le poing. Comment osait-il, comment Maximilien osait-il parler ainsi de ce que penserait Moïra à celui-là même qui avait vécu pas moins de dix années avec elle !

« Si elle nous voyait ? Crois-tu franchement qu’elle approuverait ce que tu es en train de faire ? Laisse-moi te dire que non ! Parce qu’elle n’aurait jamais voulu que son petit frère devienne un assassin. »

Ses derniers mots éclatèrent dans la pièce juste avant qu’un coup de feu ne parte, faisant exploser l’un des plafonniers laissant des éclats de verre s’écraser partout autour d’eux. Gabriel se protégea le visage du creux du coude.

Un calme étrange et pesant succéda à cette agitation. Et dans la pénombre nouvelle le libraire chercha une seconde du regard son beau-frère, le temps que ses yeux s’habituent au changement soudain de luminosité. La silhouette de Maximilien se dressait non loin de lui, fermement planté sur ces deux jambes, bras tendu et arme au poing, prêt à faire feu. Cette fois ce n’était pas un quelconque éclairage qu’il visait mais bien Gabriel. Ce dernier prit une profonde inspiration. Finalement imaginer que tout prenne fin maintenant n’était peut-être pas si mal après tout… Dans tous les cas il ne craignait pas de mourir. Mais il avait une dernière chose à dire à cet homme avant cela.

« Tu peux bien croire et penser ce que tu veux à mon sujet Maximilien, je m’en moque. Mais ne souille pas la mémoire de Moïra, son souvenir, la vie qu’elle a vécu et qu’elle a choisi, surtout pas », dit-il de sa voix douce, bien que triste, comme soudain apaisé, sa colère ayant déposé les armes.

Gabriel prit une profonde inspiration, fermant les yeux alors qu’une dernière larme roulait sur sa joue…


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Dernière édition par Gabriel Carnahan le Mar 2 Oct 2018 - 15:17, édité 1 fois
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Message(#)And you let her go - Gaby -  EmptyMer 12 Sep 2018 - 23:42


Gabriel & Maximilien ❧ And you let her go.
Existait-il une réelle différence entre la honte et la culpabilité où les deux phénomènes découlaient généralement l’un de l’autre ? Maximilien était face à l’image d’une scène qu’il n’avait probablement jamais imaginée. Culpabilisait-il face à tant de rage habitant le regard de son beau-frère ? Non, car il ne se blâmait pas de le voir aussi mal en point, il ne se préoccupait pas de ce qu’il pouvait bel et bien penser. Après tout, il n’avait que peu d’estime pour lui et il lui en tenait même rigueur. Oui, c’était bel et bien lui qui l’avait poussé dans ses retranchements, lui qui l’avait obligé à sévir et à en arriver à ce stade. Il aurait pu lui faciliter les choses, abandonnant ses idées de rébellions tout en avouant chacun des faits que Maximilien le lui reprochait. Oui, c’était ça. Il avait décidé de mentir à l’ex-militaire, et il lui en avait fallu que très peu pour franchir la zone rouge qu’il ne pensait jamais avoir l’occasion de traverser.

Était-il coupable dans la perte de sa sœur ?
Non.
Avait-il honte ?
Oui.


C'était donc ça la honte ? Ce sentiment d'inexistence auprès d'une personne mais surtout de soi même à cause de non dit, de faits et gestes qui au fond ne nous représente pas. Non pas que Maximilien n'était pas violent non, mais  il avait oublié ce que signifiait le mot honneur, courage et fierté lorsque sa soeur était venue le voir à la base. Il s'était replié sur lui même, devenant purement égocentrique, pensant faire bien alors qu'il se trompait... Selon Gabriel bien entendu. Qu'est ce qui avait bien pu lui passer par la tête pour lui avouer à demi mot des choses qu'il s'était juré de garder pour lui ? De la honte ? De la culpabilité ? Non, c'était bien pire que ça.

Un soupçon de lucidité.

Il y avait des situations qui vous tenaient en haleine, de celles où adrénaline, dopamine et endorphine faisaient un fameux cocktail. Celles où son coeur battait la chamade, ses poumons se gonflant dans de rapides gonflements à en faire exploser la cage thoracique. Comme une grenade jetée en plein milieu de l'habitacle d'un fourgon. Il y avait de celles où malgré la mort environnante, il ne s'était jamais senti aussi vivant, aussi attentif, à tel point qu'il en était devenu accroc. Oui il souffrait d'addiction à la violence autant qu'à la drogue ou à l'alcool.

Se sentait-il coupable d'avoir bu et d'avoir mis la vie de Gabriel en danger ?
Non.
En avait-il honte ?
Oui.


Les mains de Maximilien étaient restées ballantes tout le long du monologue du libraire, comme si son état revigorant - tel un second souffle - permettait à Maximilien de reprendre ses esprits, reprendre forme malgré la vérité lancinante qui brisait ce silence. Il n'y avait rien de plus rien de moins dans les mots prononcés par Gabriel, si ce n'était la terrible vérité sur l'état de Maximilien: Frôlant le néant, il plongeait tête la première dans un état de déchetterie quasi volontaire qui faisait froid dans le dos face à tant de laisser aller. Certes il armait son Glock avec aisance, mais celle qu'il avait chargé était maintenue en état de pression depuis bien trop d'années. Les cartouches s'accumulaient et la rafale de balles ne l'avait pas laissé indemne: Il s'en prenait à n'importe qui, se sentant lésé, ignoré, blessé pour un regard un peu trop appuyé. "Ferme la Carnahan" tenta-t-il de le supplier une fois de plus, les yeux clos pendant que des flashs refaisaient surface. Oui, c'était bien de la honte qui le prenait aux tripes à chaque images qui traversaient son esprit au son de la colère qu'exprimait Gabriel à chaque secousse que sa poigne créait. "S'il te plaît..." laissa-t-il s'échapper dans un énième souffle avant de finalement lâcher prise. Quitte à avoir honte, autant que cela soit pour des raisons valables, et non pas dans la demi-mesure ! Son regard azuréen reprit contact avec celui de son beau-frère tout en laissant transparaître l'étendue de la haine qu'il lui procurait à l'entente de ces mots. Oui, parler de Moïra était un sujet tabou pour Maximilien... Oui, cela lui faisait perdre les pieds, et il ne se fit pas prier plus longtemps pour piétiner son âme maintenant qu'il avait meurtri son corps. Les mots laissaient plus de marques que le sang coulant...

Se sentait-il coupable ?
Non.
Avait-il honte ?
Plus maintenant.


"Mais qu'aurait fait un type comme toi avec un gosse ? Tu peines déjà à t'occuper de ton clebs... alors un gosse ? T'es tu seulement demandé si le soucis de conception ne venait pas de toi Carnahan... Comme tout ce que tu entreprends, tu échoues... " argua-t-il en glissant la main dans ses poches de jean, l'air bien trop détendu au vue de la situation. La gestion de l'adrénaline. Oui c'était ça. L'adrénaline, son shoot de stress, les secondes qui défilaient dans sa tête avant l'arrivée d'une quelconque entité policière. Et les mots - véridiques - que crachait Gabriel et qui ne parvenait qu'à moitié à l'ouïe de Maximilien. Oui, la vérité, il ne voulait pas l'entendre... Bien entendu qu'il n'avait pas été là pour elle quand il le fallait, s'étant auto déclaré en capacité de choisir ce qui était bon ou mauvais pour sa soeur.

A vrai dire, l'égocentrisme avait tué Maximilien, son idiotie creuserait sa tombe.

Il s'approcha de nouveau de Gabriel, préférant rester silencieux quelques minutes, se contentant simplement d'hocher la tête à toutes ces accusations. Ils ne faisaient que de se renvoyer la balle... Et Maximilien avait une longueur d'avance sur son adversaire de la soirée: il avait mené l'entrevue de manière rigoureusement militaire. Perdre une bataille ne signifiait en aucun cas perdre la guerre. C'est ce qu'il faisait là, à quelques centimètres du visage de Gabriel, un sourire bien ancré sur ses lèvres tandis qu'il reste mutique. Il lui laissait cette bataille en signe de défaite. Car oui, c'était bien Maximilien qui gagnerait cette guerre. Le jeune homme fixa longuement Gabriel, toisant son regard ou plutôt puisant une partie de ces émotions sans filtre: la colère, la douleur, l'abandon, le désespoir et la résilience. Pensait-il réellement qu'il allait mourir ce soir ? Maximilien fut attiré par le reflet des luminaires sur les yeux mouillés de Gabriel. Il pleurait... Et pourtant, Maximilien ne réagissait pas, ou du moins, ne saisit pas la faille pour appuyer un peu plus non. "Je suis désolé..." murmura-t-il tandis qu'il glissa un bras derrière le dos du jeune homme.

Désolé pour ce qu'il lui avait fait ?
Non.
Pour ce qu'il s'apprêtait à faire.


Profitant du fait que Gabriel ne le regardait plus, Maximilien planta au niveau de la nuque du libraire sa seringue fétiche de tranquillisant, vidant l'intégralité du contenu tout en soutenant ce dernier. L'effet fût immédiat, et le corps du libraire s'alourdit dans les bras de l'homme de main, qui l'allongea avec minutie. Maximilien resta cependant quelques instants au dessus du corps inerte, l'observant tout en reprenant de plein fouet les quelques paroles que Gabriel venait de lui balancer au visage. Il s'agenouilla à hauteur de son visage, sa main venant effleurer un morceau de verre restant avant de s'en saisir et de le passer à proximité de la gorge de son beau frère endormie. Il ferma les yeux, prenant une longue inspiration avant de se redresser et de venir empaler de toutes ses forces à plusieurs reprises le dit morceaux dans la chair déjà bien battue du libraire.

"TU AURAIS DU CREVER GABRIEL... PAS ELLE... TOI... JE M'APPRETAIS A LUI DIRE.... MERDEEEEEEEE !" hurla-t-il au rythme de ses coups, tandis qu'il laissait le morceaux de verre trônait dans l'épaule gauche de ce dernier, tombant en larmes sur le torse de son beau-frère, à bout  de force nerveusement.

"Je voulais lui dire que je n'étais rien sans elle depuis qu'elle m'était apparue... Qu'elle était ma seule famille et que je devais apprendre à composer avec... Que je n'étais pas doué et que pourtant... Je l'aimais... Oui Gabriel, je l'aimais et toi... tu m'en as..."

Maximilien  s'arrêta dans ses confidences, se redressant en apercevant des lueurs bleues et rouges au lointain. Bien entendu que des voisins avaient du entendre les coups de feu... Et il ne s'était pas trompé... Peu importe du nombre de trace qu'il avait pu laisser. Il n'avait pas peur de devoir payer pour ce qu'il avait fait. Il se redressa, observant une dernière fois le corps de Gabriel avant de sortir par la porte de secours, se rendant vers sa moto en toute discrétion, attendant que les forces de l'ordre entre dans la pièce pour démarrer son véhicule et rentrer chez lui, comme si de rien n'était.

Il s'était dit que les choses auraient pu lui sembler moins lourdes à porter.
Certes il n'avait plus peur.

Dorénavant,
Il avait honte.


©️clever love.
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