Allongé sur le transat, l'esprit occupé par le doux son des vagues s'échouant sur la plage lointaine et les cris joyeux des enfants, les paupières closes, Clément arbore un doux sourire sur le visage. Si le paradis était un lieu, alors ce serait ici, sur cette plage paradisiaque dans le sud de la Thaïlande. Avec les marchands de glaces qui crient, les rires de gens partiellement inhibés, le magnifique son des animaux marins ou à plumes. Le soleil tape fort mais n'est pas désagréable et bruni la peau blanche de Clément qui aimerait ne jamais quitter cet endroit.
Et puis tout à coup, une détonation. Le soleil disparaît, les animaux s'en volent, les cris joyeux se transforment en hurlements de terreur. On le secoue, hurle son nom mais lorsqu'il se réveil, il n'y a plus rien. Personne. Il est seul sur cette plage, plongée dans une obscurité malsaine qui fait naître la terreur en lui. Se redressant, retirant ses lunettes de soleil, il regarde autour de lui mais l'instant d'après des tonnes d'eau lui tombent dessus, l'arrachant de cette plage jusque là si merveilleuse. La vague l'entraîne au loin et il est à la merci des remouds qui l'attirent vers le fond puis à nouveau vers le haut, le font se tourner sur lui-même, à tel point qu'il oublie où est le bas et où est le haut. Il essaie, par réflex de faire quelque chose, de battre des bras et des jambes, mais les moulinets ne lui servent à rien alors qu'une violent douleur lui vrille le poignet. Il ouvre la bouche pour crier de douleur et à l'aide mais l'eau s'infiltre dans sa gorge et ses poumons, accentuant sa panique, jusqu'à ce qu'il ne soit délivrer de cette horrible sensation par la branche d'un palmier qui l'assomme.
… et s'est en nage que Clément se réveil dans sont lit. Assit sur le matelas, les mains agrippant sa gorge, bouche ouverte et yeux écarquillés il essaie de respirer mais n'y parvient pas. Suffoquant, paniquant, sa main gauche se referme sur le drap qui le recouvre et l'oppresse. Mais ce n'est que la truffe humide de Moana qui l'aide à revenir à la réalité. Sa chienne, ayant comprit qu'il était en détresse a sauté sur le lit et ne cesse de le pousser avec son museau et ses pattes, allant même jusqu'à lui lécher le visage. Ses bras allant entourer le corps de l'animal, il enfouit sa tête dans le cou de sa chienne et prends plusieurs profondes inspirations. La chaleur et la douceur de son pelage l'aide à s'encrer de nouveau dans la vraie réalité, loin de la Thaïlande et des noyades. Et c'est grâce à Moana qu'il parvient à se calmer totalement, retrouvant assez facilement une respiration plus ou moins normale.
Il finit par rouvrir les yeux et se recule, posant un regard reconnaissant sur sa chienne. Lui caressant la tête, l'embrassant sur le museau, il lance un coup d’œil vers le réveil qui indique qu'il n'est que 3h du matin. Et Clément sait déjà maintenant qu'il ne pourra plus se rendormir. Alors, écartant sa couverture, il s'assoit au bord du lit et se lève. Moana l'observe quelques instants et fini par sauter du lit pour le suivre tranquillement jusqu'à la cuisine. Sans un bruit, il fait chauffer de l'eau pour un thé et se pose, avec sa tasse fumante, sur le canapé, devant la télé. Il zappe un peu, puis met Netflix en route et décide de regarder une série tranquille, sans prise de tête, qui l'aidera à oublier ses cauchemars.
Il se tend brusquement lorsqu'il entend un bruit de porte qui s'ouvre et soupire en fermant les yeux. Quelques instants plus tard, les bruits de pas s'arrêtent et, tournant la tête, le regard de Clément tombe sur Sybille. Arquant un sourcil sous la surprise, persuadé qu'en vrai ce serait Ambroise qui se serait réveillé, il finit par soupirer doucement «M'dit pas que je t'ai réveillé... » il secoue la tête et, fermant les yeux, se masse les paupières avec son pousse et son index « Je suis désolé, ce ...C'était pas voulu ...» souffle-t-il finalement en déglutissant difficilement.
Dernière édition par Clément Winchester le Sam 04 Aoû 2018, 22:58, édité 1 fois
Son ordinateur entre-ouvert à ses côtés, perdu sur son lit en foutoir, lui faisait refléter sur son petit visage fin les images qui s'en dégageaient. Il n'était pas rare que Sybille s'endorme sur son ordinateur. Ce film ne lui avait visiblement pas assez captivé, pour finalement la laisser tomber dans les bras de Morphée. C'était bras croisés et mal installée qu'elle se réveillait d'une certaine brutalité. D'un réveil de ceux auxquels vous croyez avoir oublié de configurer votre réveil. Une légère panique qui vous prend au cœur. La jeune brune se frottait les yeux de fatigue, laissant échapper un long soupir, remarquant que la seule lueur de la pièce provenait de son ordinateur, qu'elle s’empressa de fermer et de poser par terre au pied de son lit. Sans aucune hésitation, elle se blottissait à nouveau dans son lit douillet, les bras enlaçant son oreiller aux couleurs pastels. C'était sans compter ce râle qu'elle entendit quelques secondes après. Même si un petit rien pouvait la réveiller dans n'importe quelle circonstance vu son sommeil léger, elle essayait tout de même de se rendormir immédiatement. Quelques secondes les yeux fermés, essayant de se rendormir ; c'était sans compter sur les pensées qui viendraient lui parasiter la tête. Et si c'était Bonnie ? Et puis si ce n'était que son imagination qui lui jouait des tours, ou si c'était seulement ce film qui l'avait réveillé en sursaut, elle ne pouvait pas se rendormir sans aller jeter un coup d'œil. De toutes manières, elle n'aurait pas pu se rendormir sans être rassurée, elle en était certaine. Et puis c'était aussi une bonne raison pour passer par les toilettes. Les yeux s'ouvrant à nouveau, elle se passait une main sur le visage, la seconde se perdant sur sa table de chevet pour y trouver une pince à cheveux. Un bâillement, et elle se levait paisiblement, enjambant son précieux ordi à ses pieds. Ouvrant la porte de sa chambre, essayant de faire le moins de bruit possible pour ne réveiller personne, elle se glissait dans le couloir sombre. De cette pince, elle s'accrochait ses quelques mèches de cheveux qui lui chatouillaient le visage. En quelques pas elle comprenait que ce n'était pas son frère qui avait un réveil nocturne en voyant la porte de la chambre de Clément grande ouverte. Traînant les pieds, elle arpentait le couloir jusqu'à apercevoir une lueur bleutée dans le salon, qui l'avait déjà intriguée auparavant par le son qui s'en dégageait, qu'elle imaginait être de la télévision. Mais elle avait du tendre l'oreille, avec un son si bas. Intriguée, elle s'apercevait qu'elle n'avait aucune idée de l'heure qu'il pouvait bien être. Son portable lui annonçait 3 heures et quelques. Enfin quelqu'un de plus matinal qu'elle ? Arrivée à la dite pièce, et plus qu'intriguée, Sybbie s'arrêtait brusquement devant la porte, qu'elle poussait délicatement, comme si elle avait peur de déranger quelqu'un. Elle n'entrait pas immédiatement, on ne pouvait apercevoir que sa petite tête au travers de la porte. C'était bel et bien Clément, qui avait la tête de quelqu'un d'assez épuisé, voir même inquiet. C'était sans compter sur Moana qui venait lui dire bonjour comme si ça faisait une éternité que ces deux là ne s'étaient pas vu, courant vers la brune à pleine vitesse. Sybille entrait calmement, la tête encore dans les nuages. Ces quatre heures de sommeil ne seraient pas suffisante cette fois-ci. Elle ne pouvait résister à quelques caresses sur la tête de de Moana, lui faisant danser ses petites oreilles de droite à gauche. Restant toujours autant étonnée, elle ne quittait pas Clément des yeux, s'attendant presque à ce qu'il lui demande ce qu'elle pouvait bien faire ici à une telle heure. «M'dit pas que je t'ai réveillé... ». Elle ne lui répondait pas, ou du moins juste avec une moue embêtée, un sourire de côté, ne comprenant pas vraiment pourquoi il s'était mis en isolement devant la télé. « Je suis désolé, ce ... C'était pas voulu ...» Toujours aucune parole de la part de la jumelle MacLoad, qui s'était pourtant avancée vers lui, lui piquant sa tasse de thé brulante, pour la sentir. Tournant les talons, elle se dirigeait vers la cuisine, l'odeur de son breuvage lui avait visiblement donné envie d'en avoir un elle aussi. Lui lâchant soudainement un « T'as de la chance que ce soit moi... » dans un souffle, avec une voix faiblarde, lui tournant le dos pour se précipiter vers la cuisine. Ambroise n'aurait certainement pas eu cette patience de rester aussi calme. Moana la suivait, avec surement l'idée en tête d'obtenir un biscuit ou une friandise. Elle prit son mug préféré, celui qu'il ne fallait surtout pas lui voler, et c'est avec une infusion qu'elle revenait paisiblement auprès de Clément, l'air toujours désolé. L'idée de lui spoiler sa série Netflix qui passait sur l'écran lui traversa l'esprit, pour se venger de l'avoir réveillée à une telle heure. Elle s'empressait de s'étaler sur le canapé à ses côtés, baillant d'une immense fatigue. Il faut dire qu'elle s'était couchée trop tard, aussi. Elle lui lança : « T'as vu un fantôme ou quoi ? », avant de boire une gorgée, beaucoup trop chaude, vu sa grimace. « C'est toi qui a fait tout boucan ? J'ai bien cru qu'on essayait de t'étrangler. » Elle haussa les épaules ainsi que ses sourcils. En vérité elle n'avait aucune idée de ce qui avait bien pu la réveiller, mais la moue de Clément l'intriguait énormément.
Pourquoi ? Voilà la seule question que Clément se pose et elle se décline en plusieurs petites interrogations. Pourquoi ces insomnies répétitives ? Pourquoi ces questionnements ? Pourquoi son esprit ne le laisse-t-il pas tranquille ? Et surtout pourquoi particulièrement ce cauchemars là ? Certes, survivre à ce genre de catastrophe n'est pas anodin et même si les traces physiques sont guéries depuis bien longtemps, revivre cette situation après 14 ans est bel et bien la preuve que les blessures psychologiques sont toujours autant présente. Clément en a conscience de tout ça, mais il a réussi à gérer et a fini par prendre le contrôle pendant toutes ces années. Mais alors pourquoi est-ce ça revient ? Et pourquoi spécialement cette nuit là ? Fermant les yeux, il se passe une main sur son poignet et grimace alors qu'il ressent à nouveau exactement la même sensation que lorsqu'il était sous l'eau, ballotté dans tous les sens à cause de la puissance des remouds des vagues et des courants.
La porte du salon qui s'ouvre le fait revenir à la réalité, lui faisant prendre conscience qu'il n'est pas en Thaïlande en Décembre 2004 mais bel et bien à Brisbane en Août 2018. Déglutissant, c'est sur Sybille que son regard se pose alors qu'il tourne la tête sur le côté. Il s'en veut pas mal de l'avoir réveiller, mais elle ne semble pas réellement lui en tenir rigueur. Après lui avoir prit la tasse des mains, c'est avec une moue qu'elle lui dit qu'il devrait être content que ce soit elle et non Ambroise. En temps normal Clément aurait peut-être rigolé ou au moins sourit, connaissant par cœur la légendaire patience de son meilleur ami mais il n'a clairement pas la force de faire un quelconque commentaire là-dessus. Soupirant, il laisse Sybbie se préparer un thé, puis s'allonger à ses côtés et attend qu'elle ne prenne d'elle-même la parole.
Elle lui demande tout d'abord s'il a vu un fantôme avant de lui demander si c'est lui qui a fait tout ce boucans. Elle avait l'impression que quelqu'un était entrain de m'étrangler. « C'était un peu le cas» avouais-je en reprenant une gorgé de mon thé «J'ai fait un cauchemar...je ... » je ferme les yeux et, me penchant en avant, je pose ma tasse sur la table basse et me passe une main sur le visage «ça fait deux ou trois nuits que je revis encore et encore ce moment où le tsunami a frappé et je ...je sais pas, aujourd'hui c'était pire. Ce ... » je déglutis difficilement « C'était tellement ...tellement réel putain ...» soufflais-je en pinçant les lèvres sentant l'émotion me gagner «Je...je sais pas ce qui se passe avec moi ces dernier temps mais je ...putain » ma voix se brise alors que des larmes commencent à couler sur mes joues. « Dé...Désolé» soupirais en reniflant, me passant les mains sur le visage pour essayer de retenir un peu plus mes larmes « J'ai juste envie de dormir mais dès que je ferme les yeux je revois cette plage et je ...je coule, je me noie et ...» je ne peux en dire plus car je fini par craquer sous l'émotion qui devient de plus en plus forte.
Elle ne résistait pas, suite à sa blague idiote, de s'assoir en tailleur allègrement, la tasse toujours en main. Moana quand à elle ne savait plus vraiment où se poser suite à sa petite escapade dans la cuisine avec Sybille, où elle avait finalement réussi à gagner cette friandise tellement attendue, ce que la jeune brune garderait bien pour elle, pour ne pas se faire taper sur les doigts. Elle airait tout doucement entre le canapé et la table basse, sentant presque l'humeur fragile de son maitre qui était à deux doigts d'exploser d'un instant à l'autre. « J'ai fait un cauchemar...je ... » Prenant elle aussi une nouvelle gorgée de son thé, elle le finissait amèrement, avec une légère grimace, comprenant que ces sueurs froides devaient être vraiment importantes pour qu'elles le mettent dans un tel état. C'est surtout quand elle le vit se pincer les lèvres, la main sur son visage fin, qu'elle comprit qu'il n'était pas encore tout à fait remis de ses émotions. Elle était soudainement silencieuse, n'essayant surtout pas de lui couper la parole alors qu'elle aurait pourtant voulu lui parler du tac au tac, comme à son habitude. Mais il enchainait d'une voix tremblante, avec cette confiance qui leur était familière, de lui expliquer que c'était ce tsunami qui le travaillait jusqu'à le secouer ces dernière nuits. Elle ne pouvait que se mettre à sa place, elle s'imaginait bien que de revivre un tel traumatisme pouvait être paralysant, c'était la principale raison pour laquelle elle restait silencieuse. « Je...je sais pas ce qui se passe avec moi ces dernier temps mais je ...putain » De ces situations où vous n'avez rien vu venir, celle-ci aurait pu avoir la palme d'or. C'est une Sybille bouche bée maintenant qui se tenait devant un Clément qui perdait totalement ses moyens, regrettant presque sa boutade, se mordant les doigts de ne pas avoir directement aperçu que son ami n'était pas dans une petite et simple insomnie. « Mais non pas du tout - » Elle s'avançait vers lui, passant sa main droite sur son bras pour essayer de découvrir son visage de ses mains. « Dé...Désolé » Disant non de la tête, elle aurait voulu lui dire qu'il n'avait vraiment pas à être désolé mais les mots ne sortaient pas, le laissant s'exprimer, c'était surtout de la peine qu'elle ressentait à ce moment précis. « J'ai juste envie de dormir mais dès que je ferme les yeux je revois cette plage et je ...je coule, je me noie et ... » Spontanément, elle posait son mug sur la table basse, d'une certaine délicatesse qui lui était proche et qui laissait déborder son thé par dessus la tasse, sa main passant au dessus des oreilles de Moana qui trouvait enfin sa position. « C'est la fatigue qui te fait craquer, c'est normal ... » Le prenant par l'épaule, elle remarquait immédiatement qu'il était trop crispé. « C'est terminé, détend-toi. Relax ... » De nature très tactile et plus que bienveillante, cette fois elle ne savait pas vraiment sur quel pied danser, elle aurait pu le prendre dans ses bras si elle ne voulait pas le laisser respirer. Il fallait dire qu'elle voulait absolument lui remonter le moral mais elle savait bien qu'il n'arriverait pas à penser à autre chose, ce qui était tout à fait normal. Mais c'était peut-être aussi la raison de ses cauchemars, de ressasser le passé. « Je sais bien, que ça te fait du mal - » Sybille faisait un effort monstre pour essayer de ne pas être maladroite. Elle ne pouvait s'empêcher de penser à l'horreur qu'était ce tsunami, et comment elle, elle aurait pu le vivre. « Faut que t’extériorise tout ça, sinon jamais rien ne s'arrangera ... » Car rien ne s'oublie jamais, même quand il aura ses soixante ans, elle était prête à parier qu'il sentirait encore ces vagues l'étrangler. « Hé, tu sais très bien que je suis là, moi, hein ? Au lieu de rester ici devant la télé, seul. » Elle le bousculait gentiment avec son bras, essayant de lui faire décrocher un sourire, ou du moins de lui montrer qu'elle le taquinait. « Tu viens, tu m'réveilles. On se fait ce thé comme les vieux que nous sommes. » Elle reprenait son sérieux et son sourire disparaissait. « Non, sans blaguer cette fois-ci. Garde pas tout ça pour toi Clément. Sinon ça continuera à te hanter la nuit... » Elle aurait voulu lui ajouter "c'est du passé, Clément." mais elle savait au fond d'elle que c'était le genre de paroles que les gens sortent quand ils ne comprennent pas la douleur que peuvent ressentir les gens. A la place, elle lui adressait un sourire bienveillant.
Clément est arrivé à ce point où il s'en veut réellement d'être entrain de craquer. Il aurait préféré rester fort, ne rien laisser paraître afin de n'inquiéter personne, mais il sait aussi que Sybbie fait parti de ces personnes qui jamais ne le jugerons malgré les larmes. Malgré tous ses efforts pour essuyer les larmes et essayer de garder ses émotions, celles-ci finissent pas être bien plus forte que son envie de se restreindre. Les gestes doux et les paroles agréables de son amie n'aident pas et il laisse libre cours à ses larmes, n'écoutant la voix de Sybbie que d'une oreille. Il entend bien qu'elle dit que c'est la fatigue que le fait craquer de la sorte, que tout ça est fini et qu'il doit se relaxer, mais ses paroles ont l'effet inverse. Ses pleurs deviennent de plus en plus fort alors que son corps et secouer par des sanglots irréguliers. Sa respiration devient laborieuse alors qu'il se penche en avant se prenant le visage entre les mains.
Son corps se tend malgré lui lorsque la main de son amie se pose sur son épaule, lui disant qu'il doit tout extérioriser et précise qu'elle est là, elle. Elle lui répète aussi que la prochaine fois, au lieu de rester seul devant la télé, il devrait venir la revenir, qu'ils se feront un thé ensemble. Elle agrémente le tout avec un sourire dont seule elle détient le secret mais finit par ajouter avec sérieux qu'il ne doit absolument pas garder tout ça pour lui car ça risque de le hanter encore longtemps.
«Je ...tu... » bégaya-t-il avant de me taire et prendre une profonde inspiration « C'est tellement plus facile à dire qu'à faire ...» souffle-t-il, se passant une main tremblante dans les cheveux «Je sais pas quoi faire » il secoue doucement la tête et soupire, haussant les épaules «Je .. j'en peux plus... » il déglutit difficilement « Charles nous met une pression de malade au théâtre, je … j'ai plus parlé à ma mère depuis plus de deux semaines, j'ai plus aucun contact avec ma famille biologique alors que mon demi frère m'avait promis qu'on garderait contact, mon père est … il est parti à Sydney, je ne sais pas s'il va revenir de nouveau et ...Ambroise il ...» Clément secoue la tête et referme les yeux « Je ...il … après l'histoire avec Andreï, j'ai l'impression que notre amitié ne sera plus jamais la même et je … putain, ça me tue » reprend-t-il, les lèvres tremblantes, sentant une deuxième vagues d'émotions qui le prend aux tripes.
Sybille s'en voulait réellement de ne pas trouver les mots pour le consoler, à s'en mordre les doigts littéralement, elle se mordait le bout des lèvres. Ce qui s'apparaissait à un cauchemar angoissant, se retrouvait être au final des nerfs qui lâchaient. Le plus compliqué pour la jeune Sybille, c'était surtout de se sentir impuissante face à Clément, et ce sentiment d'exploser du tout au tout, d'un instant à l'autre, ne lui facilitait pas la tâche. A lui donner presque l'impression d'être démineuse, ou de marcher sur des œufs.
Elle ne remarquait pas vraiment ses premières larmes, essayant de les cacher derrière ses mains. Derrière son long monologue Sybille n'avait pas vraiment fait attention qu'il était d'ores et déjà en train de tomber en larmes, de s'emporter malgré lui. Au delà du fait qu'elle détestait plus que tout le fait de voir tristes et désemparés ses proches, elle ne s'imaginait pas du tout qu'il aurait craqué devant elle aussi rapidement.
Sybille prenait pour conclusion que ses cauchemars étaient le résultat de toute cette pression sur ses épaules. Et tout était bien loin de ce qu'elle pouvait imaginer. D'un autre coté, elle s'en voulait de ne pas lui avoir demandé, vraiment, comment allait son ami ces derniers temps. De ne pas s'intéresser clairement et franchement. Il fallait avouer que le théâtre lui prenait énormément de temps, surtout parce qu'il était extrêmement impliqué. Puis chacun vague à ses occupations et au final personne ne prend nécessairement des nouvelles de personne. Elle détestait ça.
Elle ne pouvait que l'écouter, les yeux attristés. Elle passait une main dans ses cheveux, passant une mèche qui la gainait derrière ses oreilles. Elle l'observait minutieusement, comme si elle avait tristement pris cette habitude de son frère. Sybbie voulait lui dire qu'ils avaient bien remarqué sa pression pour la pièce de théâtre. Une pression telle qu'elle aurait pu faire tout exploser ici. Mais la jeune brune était plus que compréhensive, et au lieu de trouver qu'il obnubilait tout autour de lui pour le théâtre, elle se disait qu'au moins il prenait tout ça à cœur, et que rien ne pouvait être négatif là dedans. Mais ça ne plaisait pas à tout le monde. Pour ce qui était de sa famille, quand il aborda le sujet, elle ne pouvait pas être mieux placée pour comprendre sa solitude. Surtout ces temps-ci, aux alentour de l'anniversaire des jumeaux. Que ce soit avant ou à la suite de celui-ci, même s'ils le fêtaient le sourire aux lèvres malgré tout, ils ne pouvait pas éviter cette tristesse qui leur rappelait trop leur mère. Elle aurait voulu lui dire de ne pas se plaindre de ne pas lui avoir parlé depuis deux semaines, quand elle, n'a jamais eu cette chance. Mais parler par rancœur ne lui ressemblait pas, et elle ne voulait pas le blesser plus qu'il ne l'était déjà. Quand à son père, elle n'avait pas vu Keith depuis des semaines, et encore, elle n'avait même pas réussi à les réunir avec Ambroise, ce qui lui, l'avait bien arrangé.
Puis quand Clément abordait le sujet de Bonnie, elle ne pouvait que rebondir sur sa dernière phrase, qu'elle ne pensait pas anodine du tout. Elle l'avait tilté et elle n'avait pas pris la peine de réfléchir une seule seconde avant de lui répondre, du tac au tac. "Tu plaisantes, j'espère ?" Elle s'en voulait de ne pas savoir être impartiale pour son frère, même en y mettant toutes ses forces, il arrivait certaine fois où elle était assez aveuglée. Ce qui lui arrivait souvent. Vraiment difficile pour elle de ne pas prendre son parti ou de le défendre, même si elle sait au fond d'elle que son frère peut ne pas faire les meilleurs choix au monde. Elle savait le reprendre quelques fois, lui faire comprendre ce qu'elle pouvait penser auprès de lui, mais jamais elle ne le défendra pas, quitte à être de mauvaises fois. Et c'est l'une de ses principales faiblesses, d'ailleurs. Jamais elle ne le trahirait, surtout pas sur ce genre de chose. Il faut dire qu'elle l'idéalise, aussi, ce qui n'aide en rien. Même auprès de Clément qu'elle estime énormément, l'un des ses amis les plus proches.
On pouvait lire sur sa tête son incompréhension. Sans attendre une seconde de plus, elle s’asseyait en tailleur sur le canapé, la mine étonnée en direction du jeune Winchester. C'était beaucoup trop compliqué pour elle, de le voir dans cet état. "Tu sais très bien que ça ne lui ressemble pas." Puis venait une certaine réflexion dans sa tête. Et si il avait raison ? Après tout, ce n'était pas le genre de relation anodine, et elle était assez différente des dernières. Et puis personne n'était mieux placé pour le connaitre plus que Sybbie. Mais elle refusait d'admettre quoi que ce soit, certaine d'elle. Jamais il ne l'aurait lâché, leur relation était certes atypique, elle n'avait pas d'opinion sur certaines choses qui ne la regardait pas vraiment et où elle n'avait pas vraiment voulu en savoir d'avantage, mais c'était ce qui les rapprochait, depuis tout ce temps. Peut-être était-ce un sentiment de jalousie, aussi. Elle s'interrogeait. "S'il voulait t'éviter, t'irais pas au trek avec lui..." Elle était d'ailleurs la première à les pousser pour faire cette randonnée.
Il fallait bien que ça arrive et que Clément craque un jour ou l'autre. Après presque une semaine à enchaîner les insomnies, la fatigues s'accumulant et s'ajoutant au stress habituel et à la pression qu'il se met tout seul, c'était obligatoire que les émotions du jeune comédien sortent et de façon aussi violente. Et en vrai, mieux vaut ici, cette nuit, avec Sybille plutôt que demain sur la scène face aux autres comédiens et à Charles. Il sait qu'elle ne le jugera pas et pourtant il sait, au fond de lui, qu'elle aurait tout autant de raisons que lui pour être à sa place.
Il se plaint de ne pas avoir parler à sa mère depuis 2 semaines, alors qu'elle ne l'a jamais connu. Il regrette de ne pas avoir de nouvelles de sa famille biologique alors que Sybille, n'a que son père. Ce même père absent avec qui il est impossible de faire des réunions de famille digne de ce nom. Et pourtant elle est là, à le soutenir en silence, sans parler d'elle-même, sans jugement, sans lui dire qu'il est un idiot fini et qu'il doive se reprendre en main. Pourtant elle pourrait le faire ! Et en vrai Clément ne lui en voudrait même pas. Mais il n'en est rien.
Et ça n'aide en rien le jeune homme pour se calmer. Cette mauvaise conscience ajoute d'avantage de pression sur ses épaules, les sanglots redoublant de violence et secouant son corps. Se émotions le contrôle, lui, ses pensées et ses mots. Si bien qu'il finit par dire qu'il est persuadé que jamais plus Ambroise et lui seront amis comme avant. Et c'est là que Sybbie répond, du tac au tac, lui demandant s'il est sérieux en disant ça. Se passant le dos d'une main sur le visage, essuyant ses larmes, le jeune danseur relève son regard sur son amie et l'interroge silencieusement.
L'australienne reprend rapidement, disant que Clément sait très bien que ça ne ressemble pas à Ambroise. Secouant la tête, il baisse de nouveau les yeux, remarquant que ses sanglots se sont un peu calmés. «Ju ...justement » souffle-t-il « Je n'en sais rien, je … je sais plus. On se parle plus et je ...» il se tait et ferme les yeux, pinçant les lèvres «j'aurais jamais du ...je … j'aurais préféré ne jamais savoir qu'il connaît Andreï » reniflant, essuyant les larmes qui reprennent à nouveau, il soupire, grimace puis déglutit et prend plusieurs profondes inspirations espérant ainsi calmer ses émotions.
Sybbie reprend finalement, réussissant à le rassurer un peu en disant que de toute manière, s'il lui en voulait réellement, son frère n'aurait sans doute jamais insister pour faire ce trek. «Le trek putain ... » il ferme à nouveau les yeux et se pince l'arrête du nez avec son pouce et son index « Tu crois vraiment que je devrais y aller … ?» demande-t-il finalement en relevant son regard sur la jeune femme «Je ...tu crois vraiment que c'est une bonne idée … ? » demande-t-il alors que la seule réponse possible est plus qu'évidente et qu'il ne devrait même pas poser la question.
Quand Ambroise lui avait parlé de ce trek qui était prévu, et qu'il lui avait raconté de long en large et en travers ce qu'ils pouvaient y faire, comment tout aller se dérouler, et ce qu'il ne voulait absolument pas rater, elle était la première à trouver l'idée super. Sybille était évidemment du genre à les pousser à le faire, surtout parce qu'elle est toujours la première pour les idées loufoques, et un trek, même si elle n'est pas la plus sportive au monde, est une idée qui l'enchanterait énormément si on lui proposait aussi. Elle était vraiment enchantée à l'idée de leur trek, surtout pour Bonnie, surtout en cette période. Elle l'était peut-être même plus qu'eux deux réunis, surtout vu les circonstances actuelles. Et puis, peu importe la compagnie ou le lieu, les treks, c'est sûrement l'une des activités qui ressource le plus au monde.
Elle se pinçait une fois de plus les lèvres quand Clément abordait à nouveau le sujet d'Andrei. Ce n'était pas vraiment qu'elle ne voulait pas lui répondre, ou pire, éviter le sujet. Mais elle savait bien qu'elle ne saurait pas être impartiale et ne pas défendre Bonnie. D'un autre coté, au fond d'elle, Sybbie lui en voulait un peu de mettre de Clément de coté, au détriment de leur amitié.
Clément n'avait pas l'air d'être vraiment emballé pour cette sortie, en tout cas, il ne montrait pas vraiment son enthousiasme. La Sybille qui était toujours la première à les encourager pour n'importe quelle sortie, histoire qu'ils se changent les idées, était assez déçue pour eux. Mais finalement elle le comprenait totalement, avec tout ce qu'il avait en tête, il était vraiment tracassé. Mais, au contraire, c'était justement le bon moment. Il n'y aurait pas eu de meilleure situation pour une telle aventure. Et ça, elle en était certaine.
"Non, t'as raison, c'est bien mieux de rester ici à te morfondre ..." L'ironie avait toujours le don de déceler les situations compliquées. Du moins, c'est ce qu'elle pensait. Ce n'était pas au goût de tout le monde. Elle haussait les épaules, les yeux au ciel. Un sourire de coté pour ne pas paraitre trop énervée, ou agacée. Pensant surement que sa question était rhétorique, elle comprit qu'il était véritablement sérieux quand il la fixait, s'attendant peut-être qu'elle le soutienne dans son désistement. La jeune brune lui répondait à nouveau d'un sourcil levé, intriguée. Cette idée de trek était tellement bonne qu'elle se demandait comment il pouvait encore en douter, malgré tout ce qu'il lui avait dit. Elle était à deux doigts de les jeter hors de leur colocation, d'un coup aux fesses. Non seulement pour toute cette pression sur ses épaules, il fallait bien respirer et prendre un bon bol d'air en pleine nature, et enfin se changer les idées. Mais aussi pour apaiser toutes leurs tensions. Autant Bonnie que Clément, d'ailleurs.
"Ça pourrait enfin te faire sortir ta pièce de ta tête... déjà." ajouta-t-elle, en haussant la voix, oubliant totalement l'heure qu'il pouvait bien être. Elle reprenait sa tasse sur la table basse, se désaltérant de quelques gorgées, elle sentait son infusion encore chaude lui traverser la gorge. Elle ne perdait pas Clément des yeux, même quand Moana repassait près d'eux, qu'elle n'avait pas su s'empêcher de caresser les petites oreilles douces. "Et te détendre, aussi, au passage ..." enchaina-t-elle, dans un souffle. On aurait pu croire qu'elle annonçait sa liste d'argument pour le faire sortir d'ici. Et la liste était bien longue. Pour cette dernière réplique, elle voulait insinuer grossièrement, pour bien lui faire comprendre de ne pas penser à sa pièce pendant toute la durée du trek. Impossible ? Mais elle ne savait pas vraiment si le message était bien passé. Elle le voyait déjà en parler, se tracasser, ou pire, se mettre à relire ses répliques en chemin, ou autre, pire peut-être. Elle savait d'avance que ça agacerait au plus haut point son frère Ambroise. "Parc'que j'te connais, hm ?" Elle laissait échapper un petit rire discret, tout en essayant d'attraper son bras qui ne cessait d'essayer de cacher ses émotions. "Ce sera la bonne occas' pour parler, justement." insistant bien sur le mot "parler" pour reprendre, comme il l'avait bien dit, leur soucis de communication. Peut-être que tout était bien trop naïf dans la tête de la petite Sybille, mais elle voyait pourtant les choses très clairement selon elle, dans sa tête. Elle n'était jamais du genre à se prendre la tête, Sybbie. "Tu sais, pour Andreï - ..." Elle reposait à nouveau sa tasse, reprenant un air plus sérieux. On pouvait quand même apercevoir qu'elle commençait à fatiguer, mais qu'elle ne voulait à aucun moment s'arrêter d'en discuter. Elle s'était arrêtée soudainement, pour y réfléchir trois fois dans sa tête avant de dire une moindre bêtise. Elle parlait souvent plus vite que son ombre, mais elle savait aussi se retenir sur ce genre de sujet. On ne compte plus les fois où la jeune MacLeod a parlé bien trop vite. Finalement, elle se retient de dire ce qu'elle avait en tête, observant Clément, qui avait encore ce stress mélangé à sa mélancolie, que l'on pouvait lire clairement dans ses yeux. Elle s'affaisse sur elle-même, faisant presque la moue. Elle s'était coupée elle même dans son élan. "T'es sûr qu'il y a rien d'autre ?" Elle ne savait plus vraiment quoi penser, la Sybbie. Elle était quasiment sûre d'elle qu'il devait y avoir quelque chose d'autre. Ou alors elle se mettait le doigt dans l’œil, et c'était la fatigue qui avait pris le dessus sur son ami et qui parlait.
Il faut que je dorme. Je n'ai plus vraiment le choix. Et pourtant je suis dans l'impossibilité de le faire. J'ai beau tomber de fatigue, j'ai peur de fermer les yeux, peur de ces visions d'horreur qui risquent de se formées à nouveau devant moi, me plongeant à nouveau dans ces 9 semaines de peur intense et ravivant cette panique de l'eau. J'ai envie de dormir et pouvoir me reposer, mais je sais que si je ferme les yeux le repos sera bien loin. Alors je reste là, à me plaindre à Sybbie qui n'a rien demandé et qui pourtant me soutient bien plus que je ne l'imaginais. Elle ne parle pas beaucoup -bien moins que d'habitude en tout cas- et ne dit que des choses parfaitement logiques et pertinentes. Comme par exemple que ça ne ressemble pas à Ambroise de ne plus me vouloir comme ami et que si c'était réellement le cas il n'irait sûrement pas faire ce trek avec moi.
Je soupire, m'interrogeant à haute voix si c'est vraiment une bonne idée que celle d'aller faire ce trek. Je serais, certes, avec mon meilleur ami 24h/24 pendant 5 jours et ça ne pourra que nous faire du bien, mais en même temps je serais loin de mes cours et je raterais pas mal de répétitions en théâtre. D'où mes doutes. L'ironie de Sybbie ne fait que me mettre encore plus au pied du mur en me faisant comprendre à quel point je suis égoïste de penser, ne serait-ce que l'espace d'une seule seconde, que je ne devrais peut-être pas accompagner mon meilleur ami lors de la sortie que JE lui ais offert. « t'as raison» soufflais-je alors que mon regard se pose sur Moana qui a choisit de fourrer son museau dans les jambes de ma colocataire « Tu t'occupera bien d'elle, ok ?» demandais-je. Question rhétorique, en somme, sachant pertinemment que Sybille s'en occupe même quand je ne le lui demande pas expressément.
Elle finit tout de même par avouer que faire cette sortie ne pourra que me faire le plus grand bien, que ça me sortira ma pièce de la tête -pas totalement j'espère- et que ça me détendra. D'autant plus qu'avec Ambroise nous pourrons en profiter pour discuter un peu. Soupirant doucement, j'hoche discrètement la tête «C'est pas faux » soufflais-je, avalant difficilement ma salive «De toute manière je n'ai pas le choix. Si j'annule maintenant au dernier moment, je ne suis pas certain que Bonnie me le pardonnera un jour » il attend ce moment depuis beaucoup trop longtemps, ayant été enchanté par cette sortie dès la réception de son cadeau.
La suite, elle, m'interpelle d'avantage. Sybbie qui commence une phrase mais qui ne la fini pas, ce n'est pas normal. D'autant plus qu'elle prononce bien clairement le prénom d'Andreï et que, du coup, ma curiosité est piquée à vif. Je l'interroge du regard, essayant de lui faire comprendre de continuer, mais rien n'y fait. Soupirant donc lorsqu'elle me demande s'il n'y pas autre chose que je souhaite lui dire, je secoue la tête «moi non. Mais toi t'as quelque chose à dire » insistais-je, intensifiant légèrement mon regard sur la jeune femme «Qu'est tu voulais dire par rapport à Andreï ? » demandais-je, bien décidé à lui tirer les verres du nez et à connaître son avis par rapport au scénographe.
C'était un certain sentiment d'étonnement qui accompagnait Sybille désormais, surtout dû au fait qu'elle était persuadée qu'il en était aussi excité que son frère à l'idée de ce trek, et n'avait jamais remis tout ça en cause. Elle se grattait les yeux, la fatigue revenait à grand pas. Sa journée avait, comme d'habitude, commencée sur les chapeaux de roues, très tôt. Elle n'avait que quelques heures de repos de cette nuit, et même si elle détestait l'avouer, il lui manquait quelques heures de sommeil. Mais c'était surtout l'inquiétude pour son ami qui avait pris le dessus, et elle savait bien qu'elle n'arriverait pas à oublier leur conversation si rapidement, et qu'elle lui tournerait surement dans la tête pendant des jours. Elle était au final bien loin de ce qu'elle s'était imaginée en mettant les pieds dans ce salon.
A la question de Clément sur la petite Moana, Sybille laissait échapper un rire léger. Elle ne pouvait trouver que mignon la manière dont il avait le don de s'en inquiéter et de s'en occuper. "Évidemment !" lui répondait-elle immédiatement, avant de la couvrir à nouveau de caresses sur ses petites oreilles, un sourire bienveillant en coin. "On rêvait que de ça, que vous partiez, très loin ! Et qu'on ait tout ça rien pour nous deux !". La jeune Sybbie faisait un grand geste des bras, pour désigner tout leur domicile. Elle prit à nouveau la petite gueule de Moana entre ses deux mains, puis la laissait finalement vaguer à ses occupations ; celle qu'elle aimait appeler comme sa colocataire favorite. Reprenant une dernière gorgée pour enfin terminer ce thé, qu'elle trouvait finalement trop sucré à son gout, elle se rapprochait de Clément.
Finalement, Clément lui donne raison, ce qui la fait soupirer, comme un certain soulagement, une certaine victoire. Elle ne pouvait qu'approuver en hochant de la tête. Elle aussi était persuadée que son frère ne lui pardonnerait jamais, le connaissant que trop bien. Il savait être bien borné, même pour la plus petite chose. Alors cette fois ci, il l'aurait vraiment pris amèrement. Et puis après tout, elle s'en inquiétait, pas seulement pour son jumeau, mais aussi pour son ami ; qu'elle considérait vraiment comme une sortie qui ne pouvait que leur faire grand bien.
"Non, non. Pas vraiment à propos de lui ..." Elle haussait les épaules, se demandant si c'était vraiment utile d'aborder le sujet à nouveau, surtout parce qu'elle avait trouvé étrange que Clément lui parle d'Andrei de cette manière. "Je ne le connais même pas -" Elle reprenait son air sérieux, que l'on pouvait très certainement confondre avec de la fatigue. "Enfin, tu sais ..." Ne le perdant pas du regard, elle dosait ses réactions, mais Sybille savait bien que Clément était au courant que les jumeaux se disaient absolument tout entre eux. "Seulement de ce que peut bien m'en dire Bonnie, comme tu imagines." En soit, assez bref sur le sujet pour le moment. Ce qu'elle voulait lui dire initialement, c'était qu'elle n'avait pas vraiment compris pourquoi il n'aurait jamais voulu savoir qu'ils se voyaient. Voulant sûrement prendre la défense d'Ambroise. "Mais c'est quoi le problème avec lui?" Finalement, elle s'inquiète. Finalement elle se questionnait intérieurement après ce que Clément avait bien pu lui dire, ce qui avait fait fleurir dans sa tête plusieurs questions. Elle s'en voulait un peu de mettre de côté les soucis de Clément, mais elle ne pouvait pas passer à côté de ça.
Je ne peux m’empêcher d’esquisser un sourire lorsque, prenant le visage de Moana en main, Sybille me confirme que les deux filles n’attendaient que le moment où les deux hommes soient sortis pour avoir l’appartement pour elles seules. «Dommage que Moana n’ait pas les poils long, sinon je suis sûr que je la retrouverait avec des tresses et des couettes en revenant » dis-je avec une légère pointe d’amusement alors ma chienne, après avoir récupéré une de mes propres caresses, s’en va vaquer à ses occupations dans le salon. Je l’observe quelques instants et c’est dans un soupire que je fini par dire que je ne vais pas annuler ce trek, sachant pertinemment qu’Ambroise m’en voudra éternellement. J’entends bien le soulagement dans le soupire de ma colocataire et me doute bien qu’elle n’aurait sans doute pas supporté devoir parler à Ambroise de mon envie d’annuler cette sortie.
Mais c’est surtout la suite qui requiert mon attention, celle où Sybbie évoque le prénom d’Andreï avant de reprendre très rapidement, comme si elle hésitait. Comme si elle avait quelque chose à dire mais qu’elle ne voulait pas le faire. Fronçant légèrement les sourcils, c’est un regard interrogateur que je pose sur elle avant de lui demander directement ce qu’elle voulait dire, l’incitant à expliquer le fond de ses pensées. Haussant les épaules, le regard presque fuyant, elle se montre bien plus hésitante qu’à l’accoutumé, disant qu’elle ne connaît qu’en travers les récits d’Ambroise. Je ferme un instant les yeux, essayant de ravaler la rancœur qui commence à grandir à nouveau au fond de moi. « Rien » soufflais-je, sachant pertinemment que mes paroles manquent crucialement de sincérités «Enfin … je suppose que tu sais ce qui s’est passé ? Comme ça s’est déroulé au Mctavish et ce qui s’en est suivi après chez le russe, pas vrai ? » reprenais-je, essayant comme je pouvais de ne pas ajouter de la rancœur dans ce que je dis. Mais en vain. La fatigue physique et morale ne me permettent pas de mettre en œuvre mes capacités de comédiens « Mais est-ce qu’il t’a expliqué comment il m’a dénigré ? Combien il m’a fait me sentir comme une merde ? Combien il m’a bien fait comprendre que tout ça était de ma faute ? Que j’ai un peu trop forcé les choses entre eux ? Mais s’il m’avait parlé de lui avant jamais je n’aurais osé faire quoique ce soit !» je me tais, sers un instant les dents puis prend une profonde inspiration « Je déteste l’injustice gratuite et ton frère le sait. Mais il l’a quand même fait. Il m’a quand même fait comprendre à quel point j’étais con d’avoir osé forcer le destin pour qu’ils se revoient.» plus je parle, plus je m’emporte. Et plus je m’emporte, plus c’est la rage qui prend la place de la rancœur et de la fatigue et ce n’est pas bon.
Alors que Clément plaisantait à propos de Moana et des supposées tresses qu'aurait pu lui faire Sybille si elle le pouvait, elle lâchait un discret rire. Elle ne pouvait s'empêcher de penser à ces fameuses soirées qu'elle avait déjà passé devant la télé, alors qu'elle est très loin d'être pantouflarde, à regarder ces émissions idiotes comme elle les appelle. Ces émissions tournées généralement aux États-Unis où les gens déguisent leurs chiens, en font des beautés, pour ensuite les faire défiler, ou leur faire un shooting photo. Mais au moins, ils avaient eu un bon nombre de fou rires. Elle se souvient parfaitement d'Ambroise et de sa tête plus que désespérée à côté des fous-rires de ses deux voisins, ce qui la faisait encore plus éclater de rire. Il était très certainement à deux doigts de partir en courant. Et puis, ce fameux manteau qu'elle avait offert à la petite Moana quelques jours plus tard, qu'elle avait trouvé en ville après fait un peu de lèche-vitrine. Cette fois, c'était Clément qui devait être désespéré. Mais Sybille, elle, était plutôt fière d'elle.
Cependant, elle ne pouvait que se mordre les doigts suite aux évènements qui suivaient dans cette nuit plus qu'improbable. Plus jamais elle ne remettrait le sujet sur le tapis désormais, du moins avec Clément en tout cas, d'ici un bon moment. Mais c'était sa curiosité qui l'avait piqué, et poussé à reparler d'Andreï, du moins, pour avoir le point de vue de Clément ; et jamais elle ne s'en était autant mordu les doigts. Encore une fois, elle s'en voulait d'être autant curieuse, et d'avoir la langue trop pendue. Elle savait dès le départ, dès sa première réponse, qu'il ne serait plus aussi calme qu'auparavant. Sybille en profitait pour se caler au fond du canapé. Si elle avait pu se faire encore plus petite, elle l'aurait certainement fait. Elle aurait payé cher pour revenir en arrière et ne plus aborder le "sujet Andreï".
Et puis, finalement, il ne s'arrêtait plus. Sybbie avait les yeux grands ouverts désormais, la fatigue était bien loin derrière elle. Elle en concluait que la panique était un bon moyen de se réveiller finalement. Affalée dans son coin, étonnée qu'il s'énerve autant, et surtout aussi vite, elle ouvre finalement la bouche pour lui répondre, mais il reprend de plus belle, la coupant dans son élan. Sybille ne pouvait donc que l'écouter, tout ce qu'il avait à déblatérer, comme s'il attendait depuis des jours, des semaines même, d'avouer tout ce qu'il avait sur le cœur, et qui l'avait bien contrarié. Elle ne pouvait pas être plus tiraillée, entre eux deux. Elle savait bien qu'elle ne pourrait pas être impartiale, elle ne l'avait jamais été pour Bonnie, même si elle n'était pas toujours d'accord avec lui, face aux autres elle ne pouvait que prendre sa défense, même quand il se montrait non-défendable à l'extrême. Et puis, de l'autre, elle ne voulait surtout pas blesser Clément, ni lui donner ce sentiment qu'elle ne le comprenne pas, alors qu'elle s’efforçait, malgré elle, de trouver les bons mots, même si elle trouvait intimement que ses intervention étaient vaines.
Dilemme. Un sacré dilemme. Elle ne pouvait que hocher la tête, l'écoutant le plus calmement possible, alors que lui, explosait littéralement. La jeune australienne s'en voulait terriblement, ça se voyait au fait qu'elle se mordre le bout des lèvres. La version d'Ambroise n'avait été que brève, même si elle se souvenait parfaitement de ce qu'il avait pu lui dire, elle en concluait qu'il y avait bien deux versions, totalement différentes, de chaque point de vue. Deux versions différentes, elle ne savait plus vraiment sur quel pied danser. Elle ne connaissait que ce qu'avait bien pu lui dire Ambroise, et sa version n'avait pas vraiment l'air de coïncider avec celle de Clément. Du moins, les faits coïncidaient. Mais évidemment elle ne savait pas ce qu'il avait pu lui dire exactement, elle en était même étonnée à écouter ces paroles de son colocataire.
Elle aurait voulu lui dire qu'il prenait peut-être tout ça trop à cœur, mais elle ne pouvait que le comprendre. Ça lui faisait même de la peine de voir qu'il avait tout ça en lui, et que ça le rongeait, littéralement. Au moment où il termine sa dernière phrase, elle en profite pour y apporter son point de vue, assez rapidement pour placer ce qu'elle avait à dire et lui répondre. Également pour pas qu'il ne s'énerve d'avantage. "J'ai vraiment pas envie de me mêler de votre dispute, tu sais bien." Sybille avait cette habitude de parler avec les mains, mais c'était encore plus prononcé quand elle était en colère, ou alors qu'elle devait argumenter, chercher ses idées. "J'veux pas envenimer les choses." C'était le cas, et elle détestait devoir départager deux personnes ou pire, choisir son camp. "Tu sais, je crois que ça l'a bien saoulé, aussi, de son côté." Sybille reprenait une longue respiration, son regard dans le sien. "Mais attend, tu t'attendais à quelle autre réaction de sa part ?" Elle hausse les épaules. Peut-être qu'elle se ferait remonter les bretelles mais avec la fatigue, elle n'avait plus aucun filtre. Pire qu'à son habitude. Mais d'un autre coté, elle faisait confiance en Clément plus qu'à n'importe quel autre ami. "Tu sais qu'il peut être bien bête, parfois -" Un sourire en coin se dessinait sur son visage, l'air dépitée. Tout avait l'air d'un sourire désespéré. Peut-être une seconde fois en vain, elle essayait de l’apaiser, et ne pas remettre de l'huile sur le feu. Un feu déjà bien embrasé au nom de Clément. "- Lui répète jamais ça." Elle avait bien senti la rancœur qu'il avait en lui, et jamais elle n'avait pensé les voir ne plus jamais se parler un jour. Même après d'autres disputes, ils avaient toujours su renouer, et c'est ce qui la rassurait, aussi. "Il est borné et têtu, comme jamais. Tu le sais bien, ça" Mais ça n'excuse rien du tout, pensait-elle intérieurement. Sybille était très certainement la première à lui pardonner le plus facilement. Elle comprenait bien qu'il l'avait blessé, aussi énervé, et c'est ce qui le mettait dans cet état. "Tu crois pas qu'il s'est – juste - un peu trop emporté comme à son habitude, ce soir là ?" Elle insistait sur le mot juste, cherchant une certaine excuse pour Bonnie. "On sait bien qu'il est pas du genre à s'excuser et reconnaitre ses tords." Elle enchainait, essayant de doser l'humeur de Clément des yeux. "Mais je pense vraiment -" Elle posait une main sur sa poitrine, dans un certain signe de sincérité. "- sincèrement ... qu'il s'est pas vraiment rendu compte à ce moment là."