Ne pas marcher sur les dalles bleues... FT. Clément Winchester
Lorsque le réveil m'indiquant qu'il était l'heure de me préparer sonna, j'étais plongé dans un livre, du fantastique cette fois. Je refermai mon livre et après m'être levé de mon lit, je le déposai sur ma table de chevet, en prenant soin de vérifier qu'il soit à la bonne place. Je m'y repris même plusieurs fois, le décalant parfois seulement de quelques millimètres d'un côté ou de l'autre, ou encore vers le haut ou le bas. Une fois satisfait de sa position, je sortis de la pièce, d'un pas plus rapide qu'à l'accoutumée. C'était presque l'heure de faire une surprise à Clément et j'étais complètement excité. Bon, certes c'était pas très visible sur mon visage, mais pour ceux qui me connaissent bien, mon pas rapide était un signe évident de ce bonheur que j'éprouvais.
Je me rendis alors à la salle de bain, il fallait absolument que je me brosse les cheveux. Alors, j'ouvris le placard et me saisis de cette dernière, passant de longues minutes à les malmener dans un sens, puis dans un autre. Parfois je les ébouriffais. Mais au final, je choisis de les coiffer proprement, légèrement vers l'arrière. Il fallait que j'ai belle allure, revoir Clément après tout ce temps c'était comme... Rencontre le Président pour n'importe qui d'autre. Une fois satisfait de ma coiffure, je rangeai ma brosse à sa place, -non sans m'y reprendre à plusieurs reprises pour trouver la position parfaite- et je me rendis dans le salon, pour récupérer mon sac, dans lequel se trouvait toujours mes papiers, mon abonnement de bus, mon téléphone qui n'était ni récent, ni très utilisé et une trousse de premiers secours avec le minimum vital (aspirine, pansements, compresses, désinfectant,...). Une fois mon sac reposant sur mon dos, je sortis de la maison, mais je ralentis le pas cette fois. Déjà parce que le monde extérieur n'est pas un endroit accueillant... Et aussi parce que deux sortes de dalles trônaient sur le sol de la rue, des rouges et des bleues, et il ne fallait surtout pas que je marche sur les bleues. Dire que ça me donnait un air débile ? Peut-être un peu, bien que comme les dalles étaient posées symétriquement, ça allait encore. J'avais probablement juste l'air d'un homme qui fixe le sol d'un air concentré. C'était mieux que de me confronter au nombre incalculable de personnes qui traînaient dehors, chose qui m'aurait sans doute fait peur. Après quelques mètres je me retrouvais enfin à l'arrêt de bus. Comme tout était chronométré dans ma vie, ce dernier arriva à peine quelques secondes ou une minute tout au plus après. Je montais dedans, gratifiant le chauffeur d'un timide «Bonjour.», lui montrant mon abonnement et me rendant au fond du bus. Heureusement il n'était pas trop remplis mais je choisis de rester debout, pour éviter que quelqu'un ne rentre dans mon espace vital en venant s'asseoir à côté de moi. C'était une chose qui me mettait vraiment mal à l'aise.
Après une bonne vingtaine de minutes de bus, j'en descendis. Je me remis à marcher, en suivant cette fois une ligne imaginaire, et ce jusqu'à la maison de Sara. Une fois devant la porte, je sonnai deux fois. Ma soeur devait m'attendre, parce qu'elle ne mit pas longtemps à venir m'ouvrir. Elle m'attira fermement dans ses bras, me serrant fort contre son coeur. J'humai son odeur, un soupire de soulagement m'échappant, tandis que je la laissais m'entraîner à l'intérieur de la maison et refermer derrière moi.
« Paul ! Je suis si heureuse de te voir, si tu savais.» dit-elle d'un air enjoué. Je glissai nerveusement une main dans mes cheveux et fit glisser le sac jusqu'au sol, le posant soigneusement à l'entrée, à gauche de la porte, près des parapluies. «Moi aussi je suis content.» dis-je de ma voix égale habituelle. Bien sûr que j'étais content de la voir, ma soeur avait été mon plus grand soutien et ce toute ma vie durant. Puis, un homme que je ne connaissais pas vint se présenter à moi, me tendant la main. Je baissai les yeux pour l'oberserver longuement puis regarda ma soeur, qui me fit un hochement de tête positif. Aussi je pris la main de l'homme, avec beaucoup de retenue néanmoins, d'une poignée pas très ferme et que je rompis rapidement. «Bonjour, Paul. Je m'appelle Billy, je suis le compagnon de Sara.» Je plongeai mon regard dans le sien, un regard presque inquisiteur avant de dire simplement. « Je sais.» Bien que Billy semblait vouloir se montrer gentil avec moi, je n'étais jamais très démonstratif avec ceux que j'aimais, alors avec les inconnus... Probablement pour détendre l'atmosphère, Sara proposa que nous allions tous nous installer dans le salon, pour attendre Clément. Rien que l'entendre évoquer ce nom me fit frémir d'impatience. Je suivis donc Sara et Billy, jusqu'au salon, et m'installai dans le canapé, les jambes droites et les mains posées sur mes genoux. Nous discutâmes un moment, de choses et d'autres. Ma soeur m'interrogeant sur les conditions de mon voyage, sur l'hôpital, sur mes études, et sur nos parents. Je répondis comme à mon habitude, avec des phrases courtes et concises, mais comportant les informations demandées. Je ne m'étais pas sentit aussi bien depuis longtemps, et ce même si Billy me rendait mal à l'aise. Ma soeur me demanda alors si je voulais quelque chose à boire, et j'acceptai un verre d'eau de bonne grâce. La nervosité avait le don de m'assécher la bouche. Je me senti encore plus mal à l'aise lorsqu'elle s'absenta pour aller chercher le dit verre dans la cuisine, me laissant seul avec son compagnon, avec qui je n'échangeai pas le moindre mot. Lorsqu'elle revint, je la remerciai poliment et prit le verre, le portant à mes lèvres et me forçant à boire doucement. A un moment, la sonnerie retentit... C'était Clément je le savais. Je manquais alors de m'étouffer avec l'eau que j'étais en train d'ingurgiter. Une boule dans l'estomac, je me levai raide comme un I, prêt à l'accueillir, bien que volontairement légèrement caché par le pan de mur qui séparait l'entrée du salon. Je voulais lui faire une surprise, et ce jusqu'au bout.
Marchant dans le parc, mains plongées dans les poches de mon jeans, je me demande sincèrement ce qu'il y a de si important pour que ma mère me supplie de venir chez elle aujourd'hui. Dans ma tête, je me fait un nombre incalculable de scénarios. Ça va des films joyeux comme le fait qu'elle puisse m'annoncer sa rupture avec Billy et qu'elle souhaite fêter ça avec moi aux films d'horreur où elle m'annonce ses fiançailles avec cet homme en passant par les comédies douteuses où elle m'expliquera qu'elle se remet en couple avec son ex mari. Dans tous les cas, j'ai bien été obligé de lâcher mes cours à contre cœur et me mettre en route vers Logan City. J'en ai profité pour emmener Moana avec moi, ce qui la rend extrêmement heureuse. Il faut dire que je passe de moins en moins de temps avec ma chienne et je remarque assez facilement que nous manque à tous les deux. Ça fait quelques jours que je la trouvais un peu patraque, moins énergique. Elle donnait l'impression de se traîner plus qu'autre chose, si bien que j'ai décidé d’appeler le vétérinaire. En expliquant la situation, celui-ci m'a dit que Moana faisait une sorte de dépression et m'a suggéré de passer plus de temps avec elle. Chose que j'ai décidé de faire et depuis deux jours elle a retrouvé sa vitalité d'avant.
Cela ne fait que me confirmer qu'en plus de devoir gérer les cours, le théâtre et maintenir ma relation avec Ambroise à flot, je devrais aussi jongler avec des sorties régulières avec Moana. Et ça ne fait que me mettre encore plus de pression. Mais j'essaie de me donner bonne conscience en me disant que ma chienne va être contente d'être avec moi et que son bonheur est plus important que le mien. Quand elle est arrivé dans ma vie je me suis juré qu'elle passera avant tout le monde.
Je penchant en avant lorsqu'elle revient en courant avec le bâton qu'elle a trouvé, je ramasse le bout de bois et le relance à nouveau avec force, grimaçant lorsque le mouvement réveille la douleur dans mon dos. Ça fait plusieurs semaines déjà que mon dos me fait souffrir et là aussi je ne sais pas d'où ça vient. Je suis déjà aller voir un ostéopathe, il m'a fait craqué de partout et ça allait beaucoup mieux pendant plusieurs jours. Mais ça a très rapidement reprit et j'avoue que je ne sais plus quoi faire pour me soulager. Les massages d'Ambroise parviennent à atténuer un peu le tout mais ça ne dur jamais très longtemps.
Enfin, je n'ai pas le choix et continue donc mon chemin, laissant Moana courir comme bon lui semble dans le parc. Je ne la rappelle au pied que lorsqu'il s'agit de traverser la route et lorsque nous arrivons à la maison de Billy. Là je sonne à la porte et oblige ma chienne à rester bien sagement assise à mes côtés. La porte ne met pas longtemps avant de s'ouvrir sur le visage souriant de ma mère qui me prends très rapidement dans ses bras. «hey » soufflais-je en la serrant contre moi avant de me détacher afin de laisser Moana lui dire bonjour comme il se doit alors que j'entre et m'avance vers le salon «Bon, raconte moi ce qu'il y a de si imp- »
Je ne peux en dire d'avantage car, entrant dans le salon, mon regard se pose tout de suite sur mon oncle qui se trouve là, droit comme à son habitude et volontairement un peu caché par le mur. «P...Paul …? » soufflais-je, la surprise se lisant autant dans ma voix et dans mon regard « Tu ...qu'est-ce que … ?» je lance un coup d’œil vers ma mère qui rigole de bon cœur. « C'est pas vrai !» m'exclamais-je alors que je m'avance vers mon oncle pour le prendre dans mes bras. Je sais qu'il n'aime pas les contacts physiques et qu'il les tolères simplement, mais ça m'importe vraiment très peu actuellement. «Qu'est-ce tu fous là ? » demandais-je, la joie et l'excitation se mêlant finalement à la surprise dans ma voix « Depuis quand t'es là ? Pourquoi ? Je ...pourquoi t'as rien dit ?» enchaînais-je les questions à une vitesse hallucinante alors que je me recule laissant Moana inspecter discrètement cet étrange inconnu.
Ne pas marcher sur les dalles bleues... FT. Clément Winchester
Cet instant doit être le troisième plus bel instant de ma vie... Après celui où ils sont revenus sains et saufs de Thaïlande, et celui où l'on m'a donné mon diplôme de chirurgien. Et je suis presque triste de ne pouvoir laisser cette joie si intense s'exprimer sur mon visage. Triste de ne savoir comment l'exprimer surtout. Je ne peux néanmoins contenir les quelques larmes qui montent jusqu'à mes yeux, à mon insu, et les rendent légèrement rougis et brillants. Pour autant aucune d'elle ne s'écoule. Voir autant de surprise, et surtout de joie sur le visage de mon neveu me rempli d'une joie sans commune mesure. Le rendre heureux est l'une des rares choses à laquelle j'aspire depuis tant d'années. Ca et sauver des vies. Lorsqu'il vient si rapidement vers moi, je retiens avec difficulté un mouvement de recul, dû ni plus ni moins qu'à ma peur illogique d'être attaqué. Me dire que c'est Clément m'aide sans nul doute.
Je le laisse me prendre dans ses bras, sans pour autant lui rendre cette étreinte, comme à mon habitude. Mais je sais aussi qu'il ne s'en formalisera pas, et qu'il sait que bien que mon corps ne réagisse pas, mon coeur lui rend ce câlin. Je remarque rapidement le chien qui le suit, et cela rempli encore plus mon coeur de joie. Ma famille, un animal, que demander de plus ? Une opération peut-être. Mais j'aimerais autant éviter que le tout se retrouve dans la même pièce tout compte fait. Je m'efforce de détourner mon attention du chien pour la reporter sur mon neveu, qui est après tout la principale source de ma présence ici, à cet instant précis. « C'est une surprise, Clément.» Me contentais-je de dire en étirant légèrement mes lèvres dans ce qui pouvait être interprété comme un espèce de sourire. Je me permets alors de poser mes deux mains sur ses épaules et de le pousser gentiment vers l'arrière pour le forcer à s'asseoir dans le canapé juste derrière lui, dans le but aussi de calmer son excitation, qui me donnait un mal de chien à suivre ses questions. Une fois chose faite, je viens m'asseoir à ses côtés, laissant le chien me suivre, me reniflant toujours. Je reporte alors mon attention sur elle, posant mes deux mains de chaque côtés de son adorable tête et je commence à la gratouiller délicatement derrière les oreilles. C'est une chose qu'elle semble apprécier visiblement, puisqu'elle s'assoit alors à mes pieds et dépose son nez sur mes genoux.
« Je suis neurochirurgien, maintenant.» dis-je non sans une légère pointe de fierté dans ma voix toujours aussi égale. Ce travail était vraiment une immense fierté pour moi... Ca représentait tant d'années d'études et de travail acharné. Encore plus que pour les autres. « Je travaille à l'hôpital, ici.» Et c'est un travail où je me sens bien, parce qu'il m'aide à devenir plus sociable, étant donné les cas difficiles que j'ai d'ores et déjà pu croiser.
Je me tourne alors légèrement sur le côté, en veillant à ne pas déranger la chienne, pour pouvoir mieux regarder Clément. J'observe mon neveu, il a l'air d'avoir vieilli un peu et mûrit surtout, bien qu'en réalité il ait toujours été plus mûr que moi. C'est vrai, j'étais venu ici principalement pour lui, mais ça je ne le dirais pas. Tout d'abord parce que je ne savais pas exprimer mes sentiments. Et aussi parce que je refusais comme depuis toujours qu'il se sente responsable de moi. Je voulais qu'il soit fier de moi, et qu'il voit que j'étais capable de me débrouiller par moi-même.
Je reportai donc mon attention sur la chienne, qui avait désormais les yeux clos, tandis que mes mains s'affairaient toujours à la gratter derrière les oreilles avec cette délicatesse que je semblais n'avoir que pour les enfants et les animaux. «Ce chien est merveilleux, Clément... Mais parle-moi de toi, s'il te plait. Je veux tout savoir.» Oh ça pour sûr je voulais tout savoir, parce que je mourrais d'envie de retrouver cette relation qu'on avait où il me disait absolument tout. Et où je le regardais parfois avec cet air réprobateur qui le faisait rire. Ma vision du monde n'était pas la plus ouverte, ni la plus belle, mais je m'efforçais de faire au mieux pour être son guide, autant que je le pouvais.
Jamais, ô grand jamais, je n'aurais pensé faire face à Paul. J'avais imaginé toutes sorte de scénario possible et imaginables, mais pas celui-ci. Je n'imaginais pas revoir mon oncle de ci tôt. En vrai, je n'imaginais pas le revoir tout cours. Je connaissais son parcours d'études, je savais qu'il était très bon dans ce qu'il faisait et j'avais régulièrement de nouvelles de lui de ma mère, mais je n'aurais pas imaginer le revoir ici, à Brisbane. A vrai dire, je ne pensais pas qu'il quitterait la nouvelle Zélande, lui qui a besoin de stabilité et d'ordre. Et pourtant le voilà, en chair et en os, à me dire que c'est une surprise. J'hallucine clairement mais l'excitation fini par s'emparer de moi et je ne peux m'empêcher de lui poser plein de questions.
Toutefois, Paul semble un peu dépasser par toutes ces questions et me le fait bien comprendre en m'obligeant à m’asseoir. Je me tais, alors que mon oncle s'installe à son tour pour répondre plus tranquillement mes questions. Il est maintenant Neurochirugien et travail a l'hôpital de Brisbane. J'arque un sourcil sous la surprise, mais c'est surtout une immense fierté qui se propage sur mon visage. «Tu … sérieux ? C'est bon ? T'as fini ? T'es diplômé ? » demandais-je, tandis qu'un large sourire étire à nouveau mes lèvres « C'est génial putain !» m'exclamais-je «Je suis fier de toi Paulo » souriais-je en lui tapotant virilement l'épaule.
C'est ce moment là que choisi Moana pour fourré son museau dans les jambes de mon oncle, demandeuse de caresses. Caresses qu'elle ne met pas longtemps à recevoir, connaissant l'amour que Paul porte aux animaux en général, ça m'aurait étonné qu'il reste stoïque. Il complimente d'ailleurs le petit animal, disant d'elle qu'elle est merveilleuse, mais ne s'attarde pas plu que ça, voulant absolument que je lui parle de moi.
«Je ...ça va » dis-je sur un ton hésitant «Beaucoup de boulot, entre les cours, les futurs examens et le théâtre. Et … Aah ! Je suis passé dans la troupe pro ! » m'exclamais-je « On a changé de metteur de scène, l'ancien ayant quitté le navire et l'actuel est génial. Il a tout remit en place, tout remit sur pied. Il a fait Broadway, le moulin rouge, il a joué dans la comédie musicale de Tarzan et du roi lion à Hamburg, s'est produit au Globe Theater à Londres et a même joué dans une comédie musicale filmé !» enchaînais-je les informations «Il m'a déjà donné pleins de contacts à New-York et la prof de chant et danse de la compagnie qui a fait carrière à Broadway m'a aussi déjà donné pleiiiins de conseils. Donc pour moi c'est clair et net : je vais fouler les planches de Broadway avant mes trente ans » concluais-je avec un large sourire, la motivation s'entendant parfaitement dans ma voix.
Mais c'est sans compter sur Billy et son rire dédaigneux. « T'y crois même pas toi-même» dit-il sur un ton las. Je me tourne vers lui et le fusil du regard «Je te le répète Clément, tu perds son temps. Il est plus facile d'intégrer la nasa que d'intégrer Broadway, t'es au courant de ça, pas vrai ? » demande-t-il, me parlant sur un ton infantilisant «Et ? Ça veut dire que je ne devrais pas essayer, c'est ça ? » il roule des yeux et hausse les épaules « Tu vas te rétamer » dit-il, alors que je fais tout pour garder mon calme. « Et d'ailleurs j'avais pas dit que ce chien n'était pas autorisé à l'intérieur ? Beth en a peur, elle en fait encore des cauchemars et ...» « J'en ai tellement rien à foutre de ta gosse, si tu savais» le coupais-je sur un ton cinglant, ce qui ne plaît absolument pas à Billy et qui a le don de le sortir de ces gonds.
Lorsque Clément me félicita pour la réussite de mes études, une vague de fierté encore plus grande s'empara de moi. Le souvenir de toutes ces années de dure labeur pour en arriver là, c'était réconfortant de me dire que c'était enfin terminé ou presque. « Merci. En fait, je suis en clinicat, donc j'opère seul, mais je suis contrôlé de temps en temps. Mon chef le Docteur Hanson est gentil avec moi, on opère souvent des cas compliqués ensemble. Bientôt on devra séparer des siamois.» dis-je encore une fois non sans une pointe de fierté au fond de moi. Si ma voix se voulait neutre comme à l'accoutumée, mes yeux eux brillaient sans nul doute de passion ni plus ni moins. Cette opération à venir me donnait du fil à retorde tant en réflexion qu'en préparation, je ne comptais plus heures passées sur des mannequins à essayer de résoudre l'énigme que représentait ce réseau vasculaire et nerveux très fourni, et qui à la moindre erreur de ma part risquait de paralyser l'un ou l'autre des patients.
Je me sortis néanmoins de ces pensées pour écouter Clément me parler de l'avancée de son métier, avec tellement de passion et de joie que je ne pus m'empêcher de partager ce sentiment avec lui. Moi aussi, j'étais fier de lui, et je le lui fis comprendre en venant poser le bout de mes doigts sur son genou, l'espace de quelques secondes. « Comme je te l'ai dis par le passé, tes efforts ont fini par s'avérer payants. Bientôt tu seras un artiste renommé donc le nom sera sur toutes les lèvres.» Lorsque Billy sembla penser qu'il était bienvenue de se mêler de la conversation, pour dire qui plus est tout sauf des gentillesses, mon sang ne fit qu'un tour. Mon regard se déplaça de l'un à l'autre comme pour suivre une balle de tennis pendant un match, et je finis par soupirer bruyamment. Quel était le but de tout ça ? Se faire rabaisser, c'était une chose que je connaissais. Tu ne seras jamais un bon médecin, Paul, tu ferais mieux d'aller travailler avec les cadavres. ou encore Pourquoi t'es débile ? Pourquoi tu dis rien? et ce n'est qu'un faible échantillon. Aussi, je finis par reposer un regard inquisiteur sur Billy. « Je ne crois pas que Clément soit un enfant. Il est assez grand pour décider de ses propres rêves et se donner le moyen de les accomplir.» dis-je, d'un ton froid. « Oui, mais c'est une perte de temps considérable, il pourrait faire un vrai métier comme toi.» répondit-il. Un léger rire -bizarre- m'échappa. Rire n'était pas dans mes habitudes, comme tout le reste d'ailleurs. J'avais tendance à rire quand j'étais blessé, ou que je trouvais une situation ridicule au delà du raisonnable. « Qui es-tu pour juger de la qualité du métier qu'il s'est choisi? » Je pris une inspiration et avant même qu'il ait le temps de répondre, j'enchaînais : « Je ne t'aime pas beaucoup. Tu es prétentieux. C'est un mécanisme de défense ou de la méchanceté gratuite ?» Mon regard se plongea profondément dans le sien, comme pour sonder son âme. Le pauvre semblait ne plus savoir où se mettre... En même temps, c'est l'un des deux types d'effet que je faisais aux gens. Soit ils me rabaissaient, soit ils n'osaient pas me répondre parce que je n'étais pas "normal" et qu'ils avaient peur que je pique une crise déraisonnable. En plus, faut dire qu'avec ma soeur à côté, il devait pas oser être trop méchant avec le pauvre petit autiste. «Et toi, qu'as-tu accompli dans ta vie qui te donne le droit de juger celle des autres ?» Le jugement et l'injustice, c'était bien deux choses dont j'avais une sainte horreur. Ca me mettait dans une telle colère que j'aurai pu déplacer des montagnes pour éviter ça. Si je n'avais pas choisis la voie de la médecine, je pense que je serais devenu Juge, ou Avocat. Bien que croire que j'aurais évité toute injustice était un euphémisme et qu'au final, pratiquer ces métiers m'aurait sans doute rendu fou. Sans compter que les grands discours, c'était pas franchement mon genre. Du coup, pour avocat on repassera... Voyant que Billy semblait renfrogné et ne répondrait sans doute pas à mes questions, je reportais mon attention sur Clément. « Et si on allait ailleurs ?» dis-je en lançant un regard en coin à Billy. Je fis une nouvelle caresse à la chienne, et me levai, comme pour inviter Clément à me suivre.
Lorsque Paul m’explique travailler à l’hôpital de Brisbane, j’avoue que je m’emballe un peu trop rapidement. Evidement qu’il n’a pas encore totalement fini. Il n’a que 31 ans et la neurochirurgie est franchement compliquée dans son genre, donc en vrai ça ne m’étonne pas qu’il soit qu’en Clinicat comme il me l’explique. Il opère, certes, déjà seul, mais il est toutefois contrôlé plusieurs fois et son chef, un certain Dr Hanson, est très gentil avec lui. Ensemble, ils vont s’attaquer à la séparation de siamois. J’arque un sourcil, fortement étonné mais extrêmement fier de mon oncle « C’est génial ça !» dis-je avec un large sourire « Faudra que tu me racontes comment ça s’est passé » lui ordonnais-je presque.
Lorsqu’il me retourne la question, c’est avec un certain entrain que je lui explique tous les projets que j’ai et dont quelques uns ont déjà aboutie. Mon plus gros projet étant tout de même broadway et le chemin étant encore bien loin avant de réussir là-bas. Mais Paul, au contraire de Billy, il croit en moi. Il est persuadé qu’un jour mon nom sera dans la bouche de tout le monde. Ça me fait un peu rire et en même temps ça me met un peu la pression, ne voulant pas décevoir mon oncle. Toutefois, Billy et son éternel pessimisme n’est jamais loin. C’est sur un ton détestable qu’il me fait comprendre que je n’ai aucune chance dans ce métier et que je devrais plutôt faire un truc comme Paul. Genre, moi, médecin ou neurochirurgien ? C’est un rire jaune qui sort de ma bouche alors que mon oncle commence à prendre ma défense, tenant parfaitement tête à Billy. Celui-ci est extrêmement troublé par le ton direct et sec du jeune blond et ne sait plus où se mettre, se renfrognant seulement lorsque Paul se met à l’insulter. Pour une fois je ne suis absolument pas gêner par ce trait de caractère du frère de ma mère et trouve cela même un peu amusant.
Au final, Paul se lève et me demande si on ne voudrait pas aller autre part où nous serions plus tranquille. «Avec plaisir ! » m’exclamais-je en me levant « on cas aller au café et …» « Ah non !» c’est la voix de ma mère qui coupe dans mon élan. Levant mon regard sur la jeune femme qui revient dans le salon, je l’observe déposer un gâteau sur la table « J’ai préparé ce gâteau aux Myrtilles exprès pour vous, Clément et Paul » explique-t-elle sur un ton sans équivoque « Et le café vient de finir, donc vous vous assayez, tout de suite» nous ordonne-t-elle alors qu’elle retourne dans la cuisine. J’arque un sourcil et échange un coup d’œil avec Paul, essayant de savoir quelle mouche à piqué sa sœur, mais fini par hausser les épaules « Je crois qu’on ferait mieux de faire ce qu’elle nous dit» lui glissais-je alors que je me dirige vers la table. « On discutera plus tard autre part si tu veux»
Je souris a mon oncle alors que je m’installe à la table le plus loin possible de Billy qui revient dans le salon avec Beth. Et bizarrement, en arrivant dans la pièce et en apercevant la chienne, la petite fille est bien plus joyeuse qu’effrayé. Elle va même rejoindre l’animal et lui donne une caresse qui semble vraiment plaire à Moana. Celle-ci vient fourrer son museau dans les mains de l’enfant et la pousse gentiment. Observant la scène, je fini par poser un regard défiant sur Billy. « ça se voit qu’elle est extrêmement effrayé» dis-je, moqueur «Avoue, c’est plutôt toi qui à peur de Moana. C’est parce que … » « CLEMENT !» s’exclame Sara, me coupant à nouveau «Tu vas arrêter maintenant, ok ? Et me regarde pas comme ça, aucun de vous deux n’est innocent dans l’histoire. Donc vous allez vous taire et manger sans faire d’histoire, ok ? » son regard glacial passe de moi à Billy puis de nouveau à moi pour finalement s’adoucir en se posant sur Paul « Désolé» souffle-t-elle, las, à son attention « Tu veux de la glace à la vanille avec ton gâteau ?» lui demande-t-elle, souriant avec douceur.
Lorsque Clément me sembla montrer un grand intérêt à l'opération que j'allais bientôt réaliser avec Tobias, cela me ravis d'autant plus. Mais ce n'était pas étonnant, il était l'un des seuls qui m'avait soutenu lorsque j'avais annoncé que je voulais devenir chirurgien. Me rappeler à ce bon souvenir, me fit sourire intérieurement. Je me rappelais encore du jour où il avait posé sa main sur mon épaule, après que mon père m'ai rabaissé et dit que j'en étais incapable, et qu'il m'avait dit que lui il croyait en moi, et que je ferais l'un des meilleurs médecins que cette terre ait portée. Je ne sais pas s'il y avait vraiment cru en me le disant, mais ce qui est sûr c'est que ça m'avait regonflé à bloc. Et que chaque fois que j'ai douté par la suite, chaque fois que j'ai faillis abandonner, j'ai repensé aux mots de mon neveu, et cela a suffit à me faire tenir bon pendant 11 longues années. Et maintenant, j'entamais ma 12ème et dernière année. Qui au final était plus un tutorat qu'autre chose, puisque j'étais de toute façon diplômé. Cette année ne servait qu'à ne pas me lâcher tout de suite seul dans le grand bain de la chirurgie, en m'assignant un mentor, à qui je pouvais me référer en cas d'incertitude, et qui me surveillais de temps en temps pour vérifier que je ne tuais personne. Mais plus ça allait, plus Tobias me lâchait la bride, et il faisait confiance en mon jugement, du moins c'est ce qu'il m'avait dit. Perdu dans les méandres de mes pensées, chose qui m'arrivait souvent, c'est pourquoi je ne répondis pas à Clément lorsqu'il me demande de lui raconter. Mais évidemment que je le ferais, il était le seul avec qui j'aurais pu partager ça, hormis Tobias. Clément était le seul avec qui je pouvais parler de détails chirurgicaux extrêmement compliqués et qui faisait au moins semblant de s'intéresser à ce que je lui racontais.
Je fus tiré de mes pensées lorsque ce dernier acceptait ma proposition de partir, et je me rendis donc compte que j'avais dû encore une fois passer pour un abruti, là, debout, à avoir eut un gros beug, et le tout après avoir gentiment envoyé bouler le nouveau copain de ma soeur. Néanmoins avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, ma soeur était déjà sur le pied de guerre pour nous empêcher de partir. J'assistai encore une fois à une nouvelle dispute entre mon neveu et mon beau-frère, mon regard suivant une nouvelle fois la balle de tennis de la dispute. Je me rendis cependant avec soumission jusqu'à la table, m'installant à côté de Clément. «Ton chéri est un macho arriéré, Sara.» dis-je à ma soeur qui me lança un regard désapprobateur mais attendrit. Elle savait bien et avait toujours su que je ne disais que ce que je pensais et sans me contrôler. Je ne comprenais pas ce qu'elle faisait avec ce mec, vraiment. M'enfin, ce n'était pas à moi de juger et ce n'était de toute façon pas mon genre. «Et je déteste le café, mais je veux bien de la glace.» Elle le savait bien, mais je n'avais pu m'empêcher de le souligner. Aussi, c'est avec un sourire amusé qu'elle renchérit joyeusement. « Je sais bien, Paul. J'ai fais un chocolat chaud avec de la mousse, pour toi.» Cette information me tira à nouveau un de mes sourires bizarres. Je portai par la suite mon attention sur la petite fille qui caressait le chien bien conscient que Clément avait raison lorsqu'il avait fait la réflexion à Billy. La petite fille leva ensuite ses yeux vers moi avec cet air effrayé qu'ont tous les enfants face à un inconnu. « Bonjour, je m'appelle Paul. Je suis le frère de Sara.» lui dis-je d'une voix plus douce qu'à l'accoutumée en tendant mes mains vers elle, l'invitant à venir vers moi. La petite fille sembla hésiter un instant et se dirigea timidement dans ma direction. Lorsqu'elle fut enfin au niveau de mes jambes, je glissai une main dans ses cheveux pour les caresser gentiment et me penchait pour déposer un baiser bruyant sur le sommet de son crâne. « Tu veux jouer au docteur? J'ai des jouets dans mon sac.» Le sourire de la petite sembla s'illuminer, et elle secoua vivement la tête pour acquiescer, si vivement que j'eut du mal à comprendre ce langage corporel, aussi je tournai la tête vers mon Neveu, l'interrogeant du regard pour savoir ce que voulait dire ce signe de tête bizarre. En attendant sa réponse, Sara arriva avec le gâteau déjà déposé en parts dans des assiettes, je pris donc la petite fille en dessous des bras et la déposa sur mes genoux, face à la table. « Avant, tu vas manger un peu de gâteau, avec tonton Paul.» Aussi bizarre que ce soit, j'étais bien plus loquace et doux avec les enfants qu'avec les adultes. Je savais même leur donner de l'affection, tout comme aux animaux. Coupant un tout petit bout de gâteau avec ma cuillière, que j'approchais de la bouche de l'enfant pour qu'elle le mange, je tournais mon regard vers Clément une nouvelle fois. « Et l'école, ça va ?»
Evidemment, en venant chez ma mère, je savais que je devrais faire face à Billy. Et qui dit faire face à ce connard, dit se prendre des remarques condescendantes en pleine figure. Je sais que je ne devrais pas réagir, mais c’est plus fort que moi. Je ne supporte, déjà de base, pas qu’on essais de contrôler ma vie, mais quand on plus on est aussi con que Billy c’est encore pire. Heureusement –pour lui et pour moi- Sara est là pour remettre les pendules à l’heure et nous fait comprendre qu’on doit se taire et venir s’asseoir. Après avoir échangé un coup d’œil significatif avec Paul, je m’avance vers la table et prend place sur une des chaises.
C’est à ce moment là que Beth arrive et va tout de suite dire bonjour à Moana qui se montre toute douce comme à son habitude. Je comprends donc rapidement que ce n’est pas la petite fille qui a peur des chiens mais bel et bien Billy et ne peut m’empêcher de faire la remarque. Toutefois, je suis à nouveau reprit assez vivement par ma mère et finit par me taire, acceptant d’êter traité de la sorte. Du coin de l’œil je remarque Paul qui a toujours eu un super feeling avec les enfants et qui décide s’occuper de Beth. C’est, rigolant joyeusement, qu’elle se retrouve sur ses genoux afin de manger du gâteau avec lui. Et Billy, évidemment, il fulmine. Encore plus depuis que mon oncle l’a traité de ‘macho arriéré’. Je ne peux que donner raison à Paul quand il a dit ça et j’aurais bien aimé avoir le courage de le dire moi-même. Cela dit, si c’était moi qui avait dit ça, je me serais sans aucun doute fait brillamment engueulé. Paul a l’avantage de sa condition, on ne peut donc pas lui en tenir rigueur. Et je me demande parfois s’il n’en joue pas un peu. Mais soit.
Nous mangeons et le reste du goûter se déroule dans la joie et la bonne humeur. Billy se tait et les conversations que j’engage avec Paul et ma mère sont douces et légères. Nous rigolons de bon cœur et plus le repas avance, plus je suis heureux que mon oncle soit de retour dans ma vie. Je remarque maintenant qu’il m’avait réellement manqué et maintenant que je sais qu’il habite à Brisbane je sais que nous nous reverrons de nouveau plus régulièrement. Du moins c’est ce que nous nous promettons lorsque je repars en début de soirée.