Après des mois d’allers et de retours entre ici et l'autre bout du globe. Après des échanges de SMS à de drôles d’horaire, du décalage devant lequel mes insomnies avaient trouvé réconfort, des nouvelles échangées tôt le matin, tard la nuit. Après des drames et des pleurs, des secrets et des vérités. Ma meilleure amie avait remis le pied à Brisbane il y avait quelques jours déjà, et entre la folie du retour et l’entrevue qu’elle avait donnée pour statuer la situation, j’avais tenu bon le plus longtemps possible. Ne voulant pas m’imposer à son horaire de ministre qui avait eu le don de la tirer dans tous sens tous côtés un nombre incalculable de fois, impressionnant à voir le peu d’heures qu’elle avait pu gratter pour elle-même. Autorisation reçue de venir toquer à sa porte, j’avais à peine caché ma joie de la revoir, de poser à nouveau mes prunelles sur elle, et sur cette pression qui, malgré la finalité de la poursuite, avait doucement quitté ses épaules au fil des étapes du long processus qu’elle avait bravé seule, comme une championne. « Y’en a un qui était scotché à la télé tout l’aprem, hier. » que je narre, maintenant que j’entre chez la Coverdale, que je raconte à quel point Noah est toujours autant fasciné par sa marraine, même lorsqu’on la poste à l’antenne pour qu’elle raconte son labeur. Bien sûr, mon fils avait les mains et les pensées occupés avec ses vaisseaux et ses crayons, dénotant à peine le pèlerinage compliqué que Cora avait pu faire en Floride et son récit télévisé en aparté. Mais en le soulignant ainsi, je m’assure de sous-entendre que moi, j’ai tout entendu. Et que même si j’estime la femme forte qu’elle est, le personnage tout en courage et en puissance qu’elle exhibe depuis le début du procès et même bien avant, les détails de toute cette histoire sont encore coincés en travers de ma gorge. « Je te demanderai pas comment tu vas, je pense que tout le reste de la planète l’a déjà assez fait pour moi. » un clin d’oeil qui suit, parce que mon amie est identique à moi, pour ces choses-là. Qu’à mon instar, le moins on accorde d’importance à nos failles, le moins elles prennent le pouls sur le reste de nos vies. Toutefois, y’a une précision que je n’hésite pas à ajouter, un sourire à la clé. « Juste… c’est bon de te retrouver. Pour vrai. » ici, dans sa vie, vers son avenir, et dans toute la place qu’elle daignera me laisser, si c’est ce dont elle a besoin. Assez insisté, et voilà que j’hausse la main gauche, celle-ci tenant un carton portant deux gobelets bouillants, humant l’arabica dans toute la pièce. « Et j’ai du café. » la main droite suit la seconde d’après, celle-là portant un sac rempli à rebord de futilités, mais qui, à mon sens, avaient tout de même leur place durant nos retrouvailles. « Et une infinité de magazines à potins qui jacassent de tout, sauf de toi. » l’intention est là, la recherche a été un brin ardue à force d’éplucher tout ce que les kiosques avaient mis de l’avant, mais j’étais confiante que l’effort la ferait au moins rire. Ce qui est déjà bien mieux que quoique ce soit d’autre. « Et surtout, j'ai tout le temps du monde. » inspirant profondément, c’est un grand sourire sincère et plein d’amour qui conclut mes offrandes et ma promesse de ne pas bouger, de rester avec elle tant et aussi longtemps qu’elle le voudra. De ne pas faillir à ma tâche, d’être là pour elle autant qu’elle l’a autrefois été pour moi.
Elle avait tenté de se garder l’esprit occupé depuis son retour à Brisbane. C’était une nécessité d’avoir toujours quelque chose à penser et méditer, sous peine de se retrouver face au vide qu’elle ressent et à ses sentiments. Dans sa tête, ça devait aller à cent à l’heure parce que si ça n’était pas le cas, elle se donnait l’occasion de ressasser et elle n’était pas prête à faire face. Elle avait un deuil à faire et pas assez de temps pour le compléter. Maintenant qu’un premier procès avait eu lieu, beaucoup avait demandé où elle en était, des proches s’étaient déclaré et elle avait également pu constater l’ampleur du travail qu’elle avait mis en suspens, notamment au refuge. Tout fourmillait autour d’elle et elle se devait d’être dans le mouvement, sous peine de ne plus bouger. Sa plus grande décision de ces derniers jours avait néanmoins été celle de se présenter à nouveau à la télévision, de répondre cette fois aux questions des journalistes au lieu de les éviter ou de laisser le travail à son agent. Elle était venue et elle avait compté l’histoire, parlé de ses projets et de ce quoi le futur sera fait. Puis, elle était repartie avec le poids en moins d’avoir été capable d’expliquer la situation pour qu’elle soit comprise par toutes ces personnes qui n’ont de cesse dans parler sur les réseaux sociaux. Hormis Dean, qu’elle s’était autorisé à voir à son retour parce qu’elle avait eu besoin de récupérer ses animaux resté en pension chez lui, Cora n’avait pris le temps de voir personne de son entourage. Au-delà des questions, elle n’était pas prête à affronter les regards emplis de sympathie et de pitié pour sa situation. C’était simple, elle ne voulait pas que chaque personne lui en parle et remue le couteau dans la plaie. Elle s’était simplement laissée aller à proposer à Ginny de venir lui rendre visite. C’était sa seule entorse, parce qu’elle sait que cette dernière a la pudeur de respecter la situation et puis, elle est peut-être la seule personne devant laquelle Cora s’autorise à flancher. Ce qui menace d’arriver à tout moment. « Y’en a un qui était scotché à la télé tout l’aprem, hier. » Elle vient tout juste d’ouvrir la porte, la remarque de Ginny l’amène à sourire. Parce que quand elle pense à Noah, elle se dit qu’au moins ici, il y’a un petit garçon qui veut bien d’elle dans sa vie. Elle essaie de rester naturelle face à cette pensée qui malgré elle, remue les choses. « Pourtant, ce n’était pas grand-chose d’intéressant pour un enfant de son âge. » Qu’elle répond avant de fermer la porte juste derrière Ginny. « Tu en as pensé quoi toi ? » Simple curiosité. A demander si elle bien fait de s’exposer de la sorte pour plus de silence, ou si ça n’a été qu’un ajout d’huile sur le feu. « Je te demanderai pas comment tu vas, je pense que tout le reste de la planète l’a déjà assez fait pour moi. » Peut-être pas la planète, mais l’Australie au moins. A cela, Cora ne sait que répondre un haussement d’épaule. Autant dire qu’elle va. C’est tout. « Juste… c’est bon de te retrouver. Pour vrai. » Et c’est bon de revenir. Même si ça ne parait pas, qu’elle a l’air ailleurs et qu’elle est ailleurs même. Il fallait qu’elle revienne et quelque part, la maison lui avait manqué. Son besoin de solitude avait été comblé, maintenant, elle n’avait plus qu’à reprendre le fil. « Et j’ai du café. » Qu’elle montre, ce que Cora avait observé avant de tourner les yeux vers sa cafetière. « Moi aussi. » Parce qu’elle en avait préparé d’avance, c’était essentiel et elle ne faisait pour ainsi boire que ça. « Et une infinité de magazines à potins qui jacassent de tout, sauf de toi. » Qu’elle assure, par curiosité, Cora se saisit d’un. En effet, Ginny avait réussi à dénicher le magazine où son nom ne serait pas mentionné. « Et surtout, j'ai tout le temps du monde. » « Super ! Parce que je n’attendais que ça, qu’on puisse lire Sport Automobile, ensemble, dans mon salon. » Qu’elle répond, en montrant le magazine en haut de la pile qui présente sûrement les voitures les plus à la mode du moment. L’intention amuse beaucoup Cora. Puis, elle se laisse tomber dans le canapé, observant Ginny avec un sourire. C’est calme Sans pression. Sûrement ce qu’il fallait. « Mais, dis-moi plutôt ce que j’ai raté pendant que j’étais partie. Ton vernissage, c’était comment ? » Elle avait eu des messages, des petites notes mais ça ne valait pas un vrai récit en live. Tous ces trucs sur le téléphone, ce n’était rien à côté d’une véritable discussion.
Noah ignorait le pourquoi du comment, il n’en savait que ce que les grandes lignes sur le fait que Cora avait passé les derniers mois sur le continent américain. À son âge, et malgré le fait qu’il soit toujours un peu plus mature que ce à quoi je m’attendais, mon fils n’avait pas besoin de connaître l’arrière-scène et les litiges, lui en étant sorti des siens depuis assez longtemps pour que je puisse relativement souffler sans m’attendre à voir mes parents surgir par-dessus mon épaule à tous moments. « Il t’a vue ; ça lui a suffit. C’est pour te dire comment il s’ennuie de sa marraine. » que je souffle, pas le moins du monde dans la confidence, quand on savait à quel point Noah aimait Cora comme un gamin aime d’un amour infini, des étincelles dans les yeux. Entrée chez elle, chaussures retirées, je ne manque pas de comprendre le sous-entendu de mon amie, la réflexion suite à l’entrevue, et tout ce qu’elle a bien pu amener avec elle comme bagage alourdissant les épaules dès l’instant où elle a répondu à une première question d’une longue série. « Que tu as bien conclut le chapitre. » que ça a assez duré, en somme. Que la voir ainsi, des cernes un peu moins creusées sous les yeux me rassure. Qu’elle a donné tout ce qu’elle a pu, qu’elle a fait tout ce qu’elle a pu aussi, et que le résultat malgré son issue est une conclusion tout de même, un énorme pas en avant, un peu de concret dans des semaines de fabulations. « Tu t’es sentie comment, après l'entrevue? » et puis c’est ça qui m’intéresse. C’est de savoir comment Cora respirait, sortie de scène. Si sa petite voix était soulagée, si elle avait l’impression d’avoir crevé l'abcès pour les bonnes raisons. Le reste est superflu. Réalisant que le café est en double quantité à voir la ration qu’elle a préparée et celle que j’ai apportée, c’est un éclat de rire qui lui répond, avant que mon regard ne brille qu’un peu plus. « Le paradis existe, alors. » à ça s'ajoute le planning sans prétention dans la journée, et les mains de mon amie qui parcourent les différents magazines que j’ai amenés en gage de bonne foi, recherche exhaustive à travers 5 kiosques de la ville rien que pour dénicher tout ce qui lui changerait un peu le mal de place. Elle s’emporte sur le Sport Automobile, je dégaine mon arme de prédilection. « Ça, c'est avant que tu découvres l’édition mandalas du Yen Mag aussi. J’ai même des pastels. » fière comme une gamine, la boîte de crayons à colorier trouve bien vite sa place sur la table basse du salon, et les pages cirées du périodique n’ont qu’à bien se tenir de voir à quel point je les scrute avec envie. Curieuse comme de raison - Cora mentionne de suite le vernissage de la saison dernière, celui où j’ai tenté de lui montrer le pan de mur dédié à mes canevas le plus subtilement du monde d'un Facetime avant l’arrivée des invités. « Étrange. J’ai jamais pris mes toiles au sérieux avant ce soir-là. Mais maintenant, je me dis qu’il y a peut-être une possibilité que j’en vive, pour vrai. » depuis, j’avais eu le temps de commencer à travailler sur un nouveau projet, une nouvelle expo alliant peinture et photo. C’était encore embryonnaire, mais Dannie se chargeait hebdomadairement de faire le suivi avec moi, de s’assurer que j’avançais même à pas feutrés dans toute cette histoire, que je ne me dérobais pas face au stress. À ce qu’elle a raté depuis son dernier passage officiel à Brisbane, j’hausse doucement l’épaule. Loin de moi l’envie qu’elle se culpabilise le moindrement du monde avec moi - de toute façon, elle était désormais là pour rester. Autant en profiter sans se casser la tête sur un passé déjà réglé, non? « T’as raté un Noah qui tient tête à son prof de gym. Et de maths. Et d’anglais. » et accessoirement, un Noah qui grandit, qui flirte avec tout le temps qu’il n’a pas vu passer, qui rattrape ses gaffes et ses mauvais plis à vitesse grand V. Un soupir, puis je passe rapidement sur un détail qui, naïvement, j’espère voir se faufiler derrière le jeu de magazines à travers lequel je me cache lâchement, évitant avec un calcul précis le regard de ma meilleure amie. « Et t’as aussi raté mes premiers pas dans le fabuleux monde du dating. » l’épopée avec Benjamin ne s’étant pas du tout déroulée comme prévue - avions-nous même prévu quoi que ce soit? - que je balaie du revers, incapable de me poser pour y réfléchir sérieusement le moins du monde depuis. « Fidèle à moi-même, ça s’est terminé façon awkward à souhait. » et elle prend le blâme la petite, elle est inspire profondément, tente de cacher sa déception, tente de brouiller les cartes d’un sourire fin, d’un mouvement de tête, d’une longue gorgée de café. « Comment ça se passe, ton retour? Avec Finnley, et Bryn? Tu t'autorises un peu de repos, après tout ça? »
Elle n’est pas fière à l’idée que son filleule ait pu être mis au courant des mauvais traitements qu’elle avait subi lorsqu’elle était enfant ou de la douleur d’avoir été séparée de son fils et d’avoir eu à renoncer à lui pour le préserver. C’était les choses qu’elle avait déballé à la télévision et elle regrette que Noah y ait assisté. Il est bien trop jeune pour voir que le monde des adultes est vraiment dégueulasse. « Il t’a vue ; ça lui a suffi. C’est pour te dire comment il s’ennuie de sa marraine. » Que justifie Ginny quand Cora offre un bref sourire d’excuse, elle hésite à lui demander s’il a posé beaucoup de question suite au visionnage mais Cora se dit que de la façon dont Ginny lui répond, il y’a peu de chance qu’il ait vraiment tout saisi. C’est alors qu’elle ose demande son avis, si elle a bien fait ou si elle a juste attisé le feu pour préparer ses ennuis à venir. « Que tu as bien conclut le chapitre. » Officiellement. Cora se pince la lèvre pour ne pas finir émotive inutilement, parce que dans sa tête, rien n’est conclu et elle ressasse encore bien trop souvent pour continuer à rester saine d’esprit. « Tu t’es sentie comment, après l'entrevue? » risque Ginny, alors qu’elles arrivent aux salons pour prendre place. Elle dirait qu’elle est passée par toutes les émotions possibles, jusqu’à ce que celle qu’elle n’arrive pas à digérer revienne à la charge : ce sentiment d’injustice. « Totalement mise à nue. J’ai eu l’impression d’avoir passé l’heure à me justifier, on m’a demandé de parler du moindre de mes secrets. Je ne me suis jamais autant sentie à découvert. » Et ça n’arrangeait pas ses émotions que de penser qu’une personne normale, anonyme, n’aurait pas à devoir justifier de ses actes devant le pays en entier juste pour en gagner la tranquillité d’être chez elle sans être dérangée, aucun civil n’aurait à se jeter en pâture pour récupérer sa liberté et si c’était le cas, personne ne trouverait ça normal mais Cora avait dû faire quelque chose qu’elle déteste : étaler ses secrets. « M’enfin, maintenant que j’ai raconté, venir chez moi n’est plus un parcours du combattant. » Elle nuance le propos, afin de ne pas s’énerver à la pensée de l’entretien et parce qu’il faut malgré tout être optimiste. Sentant qu’elle doit lui remonter le moral, c’est du café que Gin propose avant que Cora ne lui désigne qu’elle avait déjà pensé à tout concernant leur étrange addiction. « Le paradis existe, alors. » La situation les amène à rire, chassant tout le ressentiment qui peut habiter l’actrice. « Et je peux même en refaire après. » Qu’elle ajoute, en plaisantant, se donnant un air divin comme tel Jésus qui transforme l’eau en vin, elle a sa cafetière qui lui offre du café à profusion. Ginny déballe rapidement tous ses magazines, précisant qu’aucun ne traite d’elle. En effet, c’est le cas. Ginny avait choisi tous les thèmes où il ne serait pas question de people ou de cinéma et Cora apprend avec ravissement qu’elle n’a rien à faire dans des magazines d’auto. « Ça, c'est avant que tu découvres l’édition mandalas du Yen Mag aussi. J’ai même des pastels. » Ouuh, c’est qu’elle commence à lui vendre du rêve là avec ses crayons. Elle avait jamais eu le temps de se pencher sur le coloriage anti-stress mais, et si c’était la solution ? « Étrange. J’ai jamais pris mes toiles au sérieux avant ce soir-là. Mais maintenant, je me dis qu’il y a peut-être une possibilité que j’en vive, pour vrai. » Parce que ça avait été un gros pas en avant, Cora lui avait naturellement demandé comment c’était passé le vernissage d’il y’a quelques mois. Ça avait été un pas en avant, et pourtant malgré qu’elle soit dans le bain, elle n’a pas l’impression que cela avait rassurée Ginny pour autant. « Tu sais, si jamais, tu peux vivre de l’Art de dizaine de façon qui n’inclut pas une bande de riche spéculateur et des hipster. » Rien que dans le cinéma, elle savait que les décors, ce genre de chose, ça pouvait rapporter et c’était un métier à part entière. « T’as raté un Noah qui tient tête à son prof de gym. Et de maths. Et d’anglais. » poursuit Ginny sur ce que Cora a manqué. Elle fronce les sourcils, se demandant pourquoi a-t-il tenu tête à autant de professeur. « Un problème à l’école ? » Forcément qu’elle s’inquiète. « Et t’as aussi raté mes premiers pas dans le fabuleux monde du dating. » Une autre étape. Au moins, il fallait que l’une d’elle se remette en selle mais vu les commentaires de Ginny, ça ne semble pas être plus prêt à se faire. « Fidèle à moi-même, ça s’est terminé façon awkward à souhait. » « Laisse-moi deviner, tu as demandé à avoir du dessert à la place du plat de résistance ? » Qu’elle demande, imaginant très bien la surprise de date devant une Ginny qui ne demande qu’à manger du dessert si elle le peut. « Comment ça se passe, ton retour? Avec Finnley, et Bryn? Tu t'autorises un peu de repos, après tout ça? » Elle hausse les épaules. Le repos, ça n’a jamais été bon pour elle et après avoir passé plusieurs mois sur la touche, le terme sonne comme un gros mot. « C’est un peu agité. Bryn est venue me tenir compagnie quelques temps en Floride, mais je ne veux pas trop que mes problèmes l’empêchent de vivre son rêve. Finn, disons qu’on communique, ce qui est merveilleux et quant au repos, maintenant que je n’ai plus de carrière, j’ai à loisir de passer mes journées dans mon grand appart en prenant tout le repos qu’il me faut. » Autrement dit, elle a loisir à ne rien foutre et ça la change Cora, mais ça ne l’aide pas. Être carriériste et au chômage, c’est pas compatible. « Le problème, c’est que repos, c’est synonyme d’ennui et que je vais devenir folle, mais tout va bien ! »
Entendre mon amie parler de l’entrevue comme une épine dans son pied, comme un bandage qu’on retire d’un coup sec me fait encore plus regretter de ne pas avoir été dans les coulisses, de ne pas avoir pu être avec elle pendant chaque seconde du calvaire nécessaire à acheter sa paix. Mais, ma présence n’aurait probablement été qu’une source de stress supplémentaire pour elle et honnêtement, je n’aurais jamais pu endosser le rôle du boulet de service alors qu’elle avait besoin de tout sauf de ça. « Y’a pas que du négatif alors. » ma place était réservée. À titre de meilleure amie, je m’assurerais de faire de la suite de sa vie quelque chose de simple, de doux, de facile. À commencer par une remarque qui, pour une personne comme Cora, aussi discrète et à la coquille difficile à percer que moi, me semblait être gage de soulagement. « Et pour ce que ça vaut, je suis fière de toi. » fière qu’elle ait terminé ce chapitre, oui, mais surtout fière qu’elle ait toujours la tête haute, qu’elle voit une possibilité d’avancer, qu’elle reste forte malgré la situation horrible et le résultat si décevant avec lequel elle est revenue de Floride. Jamais je n’oserais aborder directement Arthur et l’issue du procès avec la rousse sans qu’elle initie elle-même le sujet, néanmoins, lorsque mes doigts enlacent les siens en signe de réconfort, je tente de tout mon coeur de lui faire passer par mon regard support et courage. Elle survivrait à tout ça. J’en doutais pas une seule seconde. À son rythme, le temps qu’il faudrait. Mais elle y arriverait. « Tu m’as tellement manquée. » l’instant émotion bafouée par la double portion de café, et contre toute attente, mes mots s’adresse à la machine à espresso high tech de la jeune femme, qui me fait beaucoup plus rêver que celle à filtre qui trône fièrement sur le comptoir à la maison. J’avais laissé la mienne à Edward dans le déménagement, et aujourd’hui plus que jamais je me sentais suffisamment superficielle pour déclarer ma flamme à une boîte de métal aux boutons bénis. L’étalage de magazines comme distraction principale, je laisse à la Coverdale tout le loisir de faire son choix, exhibant mon propre numéro fétiche, et me risquant même à dégainer quelques crayons pour entamer un premier dessin distraitement. « On dirait Tad qui parle. » mentionner le vernissage me fait tout drôle, encore plus lorsque j’avance que peu à peu, cela me force à arrêter mes conneries à bien prendre au sérieux la courbe de croissance qui définit mon travail maintenant. Amusée, je reconnais dans les mots de mon amie quelques pointes que le Cooper m’avait partagées, non sans noter que Cora a bel et bien raison et que ma carrière potentielle n’a pas besoin de s’arrêter à quelques canevas peints et autres photos prises et traitées. « Et oui, j’ai commencé à éplucher les autres tâches connexes aussi. Au cas où. » entre la faculté d’arts qui recherchait une chargée de classe pratique et l'un des théâtres de la ville qui renflouait l’équipe à la direction artistique, je trouverais bien de quoi faire si les vernissages se faisaient plus rares. « Oh et je t'ai pas dit! J’ai installé un stand à poterie à l’atelier - c’est presque pas autant un carnage que ce qu’on pourrait croire. » ceci me faisant penser à cela, et l'enthousiasme dans ma voix trahit le chaos que chaque séance d’argile provoque sur les murs de l’atelier - et sur mes vêtements.
En bonne marraine, Cora s’interroge de suite lorsque je souligne le comportement problématique de Noah en cours ces jours-ci. « Il a un surplus d’énergie. Toutes ces années accumulées à attendre dans les couloirs de l’hôpital, tu sais. » bien sûr que j’ai rencontré les enseignants, et autres conseillers pédagogiques. Bien sûr, que je suis également mitigée entre le fait de le calmer, ou de lui dire d’en profiter, maintenant que tout nuage noir pouvant nuire à sa santé semble être écarté. « Je songe à l’inscrire à un sport en particulier, un truc où il pourrait courir et sauter et se vider les nerfs un peu. » la logique voulant que ce genre de distraction devait aider à faire passer son hyperactivité. Je croise les doigts, et enchaîne sur d’autres nouvelles - la mention d’un rendez-vous particulièrement particulier avec le Brody. Étrange de parler de ce genre de chose, même si habituellement Cora sait pas mal tout ce qu’il y a à savoir sur ma vie et ses aléas. « Ce que j’aurais fait. Si on n’avait pas été jetés en dehors du restaurant à peine mes frites reçues. » éclatant de rire à la mention de dessert, je précise tout du moins que malgré la croyance populaire, j’aurais pu m’en sortir sans être si gamine que ça. À qui je mens. « C’était avec Ben. » et ça glisse sur ma langue, à remonte à mes oreilles, assez vite pour que je change de sujet en sachant très bien que Cora me rattrapera éventuellement du revers. « Elle a commencé son tour du monde alors, pour vrai? » ma voix change du tout au tout, mes yeux s’animent, brillent. Ce genre d’aventure avait tellement été au top de ma liste durant des années, le vivre par procuration via la soeur de mon amie serait donc suffisant pour aujourd’hui. Connaissant le passif entre Finnley et Cora, j’arrive tout de même à souffler un « Laissez-vous du temps. » se voulant rassurant, même si je sais très bien que du temps, c’est tout ce qu’elle lui laisse depuis toujours. M’enfin, avec ma propre relation fraternelle qui battait de l’aile, je me voyais à peine en mesure de pouvoir donner quelques conseils que ce soit, plus à même d’écouter si besoin. N’en reste pas moins que Cora me mentionne qu’elle s’ennuie maintenant, et que j’en profite pour me redresser, alerte au possible. « Viens à l’atelier. Viens, et joue à la modèle! » je l’imagine parfaitement dans le rôle le temps d’un après-midi, la question que je me dois de poser reste tout de même celle-ci. « Tu penses que ça va prendre combien de temps? » m’empressant de préciser « Pas combien de temps avant que tu deviennes folle, hen. » je souffle, changeant de crayon à colorier. « Mais avant que tu puisses te remettre à peut-être penser carrière? »
C’était le jeu du succès. Ce qu’indiquaient les petites lignes en bas du contrat quand l’on s’apprête à devenir un personnage public : sa vie lui appartient toujours, mais elle se doit de la partager avec le monde entier. C’est aussi simple que ça et pour une personne dotée de pudeur comme Cora, cela apparait comme une énième injustice. Elle ne comprendrait jamais ce que les détails sordides de sa vie (bien que, sordide ne soit pas tant le mot pour qualifier l’histoire) peut changer à la vie d’un humain lambda qui a sûrement lui aussi ses propres soucis et combat à mener. Mais, le pire était passé. Elle avait tout raconté de but en blanc, tentant au passage de se défaire de tout le poids que ses secrets peuvent toujours avoir sur elle et bien que l’expérience fût gênante, elle s’en sortait plus légère et dans le fond, c’était la chose à pointer. « Y’a pas que du négatif alors. » Elle hoche la tête, même si elle était encore gênée de se dire que désormais, tout l’monde pouvait la dévisager comme il voulait et discuter de ses histoires de famille. Elle sait qu’elle arrivera à vivre avec et qu’un jour, autre chose occupera les esprits, elle aimerait seulement que ça arrive vite. « Et pour ce que ça vaut, je suis fière de toi. » ajoute Ginny, amenant Cora à la remercier par un petit sourire. L’artiste était toujours là pour la soutenir et lui souligner combien elle a bien fait les choses. Après les évènements, c’est réconfortant de savoir qu’elle est là, fidèle au poste, à lui faire comprendre que ses réactions ne sont pas toujours stupides. Cependant, elle n’a pas le temps de dire merci que la principale intéressée en est à faire des déclarations d’amours à la machine à café autour de laquelle elles ne se sont certes pas réunis depuis des mois. « Tu m’as tellement manquée. » C’est qu’elle lui proposerait presque de les laisser en privé mais elle prendrait le risque que Ginny accepte l’offre et là, elle n’aurait plus rien à faire. C’est alors qu’elle se décide tout de même à poser les questions sur ce qui a tenu Ginny occupé ces derniers mois. Elles avaient parlé du vernissage et Cora avait eu droit à plusieurs photos de l’instant, mais ça n’avait été que du remplissage pour que Cora ne sente pas trop son absence. Sur son ressenti, elle n’avait posé aucune question. « On dirait Tad qui parle. » Qu’elle répond à son commentaire sur ses perspectives d’avenir. Elle ne sait quoi penser de la comparaison, mais histoire de ne pas gâcher son point, elle répond juste « J’ai toujours dit que c’était un sage homme. » Ce qui n’est pas vrai parce que le garçon a beau être très gentil, il est surtout très con et très lourd mais ça, ce n’est pas quelque chose qu’elle oserait dire du meilleur ami de Ginny. Elle sait d’avance qu’elle prendrait sa défense coute que coute. « Et oui, j’ai commencé à éplucher les autres tâches connexes aussi. Au cas où. » Pour rebondir sur ce que disait Cora. Elle ne veut pas être défaitiste mais les acheteurs d’Arts, elle connait, elle en a déjà rencontré beaucoup lors de soirée et ce qu’elle peut en dire, c’est que ce n’est pas la peinture de Ginny qui plait dans ces domaines, c’est la valeur qu’ils peuvent prendre dans quelques années. Cet univers est bien trop néfaste pour elle et sur le long terme, elle ne la sent pas s’y épanouir. C’est une conviction profonde. « Oh et je t'ai pas dit! J’ai installé un stand à poterie à l’atelier - c’est presque pas autant un carnage que ce qu’on pourrait croire. » Et pourtant, son réflexe reste malgré tout de chercher la moindre trace d’argile qu’elle pourrait trouver sur le corps de la jeune femme et à cela, Cora n’arrive qu’à plaisanter. « C’est parce que Patrick Swayze n’est plus là pour te montrer comment en mettre partout. »
« Il a un surplus d’énergie. Toutes ces années accumulées à attendre dans les couloirs de l’hôpital, tu sais. » Forcément, ça devait lechanger mais en un sens, ça n'excuse pas la mauvaise attitude. « Je songe à l’inscrire à un sport en particulier, un truc où il pourrait courir et sauter et se vider les nerfs un peu. » Parlant de Noah et de cette dernière habitude qui est d’embêter ses professeurs, ce que Cora a du mal à avaler venant d’un enfant aussi doux. Certes, il commence à être grand mais l’adolescence n’est pas encore pour aujourd’hui. « D’accord, qu’est-ce qu’il en dit lui ? » Parce que ça parait important d’avoir son retour à lui sur la situation, pourquoi a-t-il agi ainsi ? Comment il se sent avec cette énergie ? A-t-il envie de faire du sport ? Toutes ces choses qu’elle aurait envie de demander au petit garçon mais qu’elle a besoin de savoir via Ginny. Et maintenant nait le terrible sentiment d’être une marraine horrible. Ginny poursuit toutefois les annonces, semblerait que cette période ait été riche en renouveau. Racontant l’horreur de son date, Cora ne peut s’empêcher d’essayer de jouer au devinette pour déterminer ce qui s’est mal passé. « Ce que j’aurais fait. Si on n’avait pas été jetés en dehors du restaurant à peine mes frites reçues. » Owh, elle affiche une mine désolée mais toutefois, elle a le sentiment que ça n’a pas gâché sa soirée. Une précision vient plus tard, corroborant son impression. « C’était avec Ben. » Et là, dans sa tête, elle se prend à chercher l’espace d’une seconde si elle ne connait pas un autre Ben que le Brody parce que là, à vue d’œil, c’est une très mauvais idée de match. « Ben ? Ben-Ben ? » Qu’elle demande, horrifiée et un peu désolée à la fois. Depuis toujours, elle se demandait qui était assez idiote pour tomber dans ses bras (bon, en l’excluant elle parce qu’au moment où c’est arrivé, on parle d’une gamine qui n’avait jusque-là jamais eu le droit de goûter à une vie normale et n’était pas au courant que les mecs pouvaient être des chiens) et de voir Ginny s’inclure dans le lot, ça l’attriste un peu, il faut le dire. « Mais, tu sais, il y’a d’autres hommes célibataires en ville. Des mieux, avec du respect, ce genre de chose. » Oui, parce que ce genre de commentaire, elle ne peut pas le garder pour elle. Cela relève de toute autre chose que de pointer la puérilité de Tad, là, on parle de Benjamin Brody, celui qui est sûrement le pire choix d’homme pour se remettre en selle. Et probablement voyant que Cora n’allait pas être encourageante sur ce sujet (ça lui ferait mal, elle connait la bête, merci) Ginny en change naturellement pour parler de Bryn. Cora se sent censurée sur le moment. « Elle a commencé son tour du monde alors, pour vrai? » « Oui, ça en fait au moins une sur trois qui ne va pas trop mal. » Qu’elle répond du tac au tac, au sujet de sa fratrie qui ne devrait pas être le sujet posé sur la table. « Laissez-vous du temps. » Ouais, ça, elle ne voudrait pas se donner l’air impatiente mais, ça fait des années et que ça dure. Et bon, en un sens, c’est parce que ça dure depuis aussi longtemps que maintenant, elle semble s’y être faite. Sa relation avec Finn sera au mieux cordiale, voilà. « Viens à l’atelier. Viens, et joue à la modèle! » propose Ginny après que Cora ait abordé son manque d’activité, son manque de projet professionnel à se mettre sous la dent. Une situation difficile pour une carriériste mais elle sait qu’elle n’obtiendra rien pour le moment et que le procès à venir va être un assez gros challenge pour s’en ajouter un autre. « Tu penses que ça va prendre combien de temps? » Elle lève le nez, Ginny précise. « Pas combien de temps avant que tu deviennes folle, hen. » C’est pourtant ce que sa question aurait sous entendu prise au premier degré mais Cora avait compris. « Mais avant que tu puisses te remettre à peut-être penser carrière? » Elle hausse les épaules. Elle pourrait commencer ses plan maintenant, entamer le projet et tout ce qui l’accompagner, comme elle pourrait le faire dans six mois. Ce qui lui faut, c’est la tête à ça et en ce moment, sa tête est plutôt dans les airs. « Quelques mois. J’attends que le procès passe pour avoir l’espoir libre, et puis de toute, j’ai toujours le refuge dont je peux m’occuper et c’est assez de boulot pour moi. » Oui, depuis qu’elle avait à le gérer seule. C’était un nouveau challenge mais qui ne posait pas un problème pour elle, Célia l’avait assez supporté.
Haussant le sourcil à la remarque de mon amie, je ne peux qu’éclater de rire, jurant solennellement que Tad aurait des échos de leur mise en accord. « Je lui passerai le mot alors, il va adorer entendre que c’est sorti de ta bouche. » tous deux diamétralement opposés, n’en restait qu’entre eux je ne m’étais jamais sentie aussi bien entourée, autant choyée. Tad était plus qu’un pote d’enfance, il avait réussi à se gratter une place singulière tout au long de ma vie, un frère et rien de moins, et malgré le fait que son caractère - et soyons honnête, son humour - n’ait pas fait l’unanimité pour Cora, jamais je ne douterais de lui, au même titre que jamais je ne douterais de la rousse. Elle qui avait été là à un moment horrible de ma vie, sans rien demander d’autre que d’être présente, de me tenir la main, de m’aider à voir mieux, à voir la lumière au bout du tunnel. Et quand bien même ils se vannaient l’un l’autre, ils faisaient le meilleur duo autant pour moi que pour Noah. Le reste était secondaire. « C’est bon, la dose de blagues sur Ghost du jour était pas encore satisfaisante, je suis un peu plus confortable là. » d’ailleurs, la remarque de Swayze me fait assurément penser à tout ce que Tad a bien pu lâcher sur le sujet au jour un de l’installation de la machine à poterie dans l’atelier, mais je me garde d’en ajouter plus, pas particulièrement certaine que Cora soit rassurée qu’en à peine 5 minutes elle ait eu autant de rapprochements avec Cooper. C’est à croire qu’ils risquent peut-être de s’entendre sur l’organisation de l’anniversaire de Noah une bonne fois pour toute cette année, que je pense, un sourire niais qui se dessine sur mes lèvres. D’ailleurs, parlant du gamin. « Il l’a proposé lui-même en fait. La dernière fois qu’il est revenu de week-end avec Ezra. Ils sont allés voir une partie de football et ça l’a inspiré. » le sport semblait être l’un des éléments logiques qui pourraient l’aider à dépenser toute son énergie, et m’adonnant à un dessin distraitement, j’en fais part à Cora. Fût un temps, je me souviens que Priam avait pris un malin plaisir à organiser un semblant de terrain de rugby avec Matt dans la cour arrière chez mes parents, et Noah s’était pris au jeu les yeux brillants. « Je pense que la natation le tenterait aussi. Le karate pareil. Je dois regarder ce que les programmes proposent. » une aventure qui risque d’ajouter une nouvelle dose de normalité à notre quotidien ; et je ne peux pas vraiment m’en plaindre.
« Ben, Ben-Ben. » au rayon des nouveautés dans ma vie, en voilà toute une qui, comme j’appréhendais, ne semble pas être si rassurante que ça aux yeux de mon amie. Ce serait mentir de dire que je ne m’attendais pas à entendre les quelques pique qu’elle avait en stock concernant le Brody, néanmoins, ce serait mal me connaître de penser que je ne ferai pas son mea culpa, et que je ne lui rendrai pas ce qui lui revient. « Je suis pas aveugle, je connais le personnage, je connais ses habitudes aussi. » jamais je ne penserais que Cora me trouve idiote d’avoir fini dans ses bras, aussi chastement j’ai pu finir. N’en reste que si Ben ne s’est pas caché de quelque chose, c’est son potentiel de Casanova additionné de tous ses mauvais plis de célibataire endurci. Mais, toujours à même de tenter de gratter, de trouver le bon, le beau en chacun, je renchéris, foncièrement honnête. « Mais tu sais, il a été là pour Noah et moi, il a pas flanché, même si c’était pas la situation la plus cool et la plus simple pour être dans les parages. » je suis consciente que dès la première seconde, que dès notre rencontre, je venais avec tout un bagage, avec bien plus de contre que de pour, et des blocages jusqu’au fond de la gorge. « Il se targue d’être le genre à prendre ses jambes à son cou quand les trucs sont compliqués, mais il a passé un an à me prouver le contraire. » Ben était particulièrement doué pour pointer ses tares et les accentuer, mais à mes yeux, il avait bien plus démontré sa valeur avec ses gestes que ses mots semblaient vouloir le dire. « De toute façon, on est de retour à la case potes. Ça n’a pas marché. » comme conclusion, presque sèche, remarquant dans l’instant à quel point Cora se braque de voir que je change de sujet sans transition aucune. Inconfortable que ma meilleure amie me semble heurtée, je ne fais que m’enfoncer un peu plus loin, allant d’un « Je sais pas pour Finn, mais tu me sembles être sur la bonne voie toi aussi. » censé adoucir le mal-être que son frère et elle semblent entretenir malgré les pas, timides, mais bien présents, qu’ils ont fait l’un vers l’autre depuis. « Tu as toujours de l’aide pour le refuge? Ou je peux dépanner peut-être? » entre l’atelier qui l'accueillerait à bras ouverts et le refuge où elle risque de passer le plus clair de son temps durant les prochaines semaines, n’en reste que si je peux aider, si je peux être utile pour quoi que ce soit, et même, si Noah peut passer une fois ou deux se faire la main à jouer les bénévoles, je n’en serai que plus heureuse. Une longue gorgée de café plus tard, je finis par me rendre à l’évidence qu’il reste encore quelques points à éclaircir sur le pourquoi du comment j’ai chassé le sujet Brody plus tôt. « Cora? » attendant d’avoir toute son attention avant de poursuivre, je dépose doucement mes crayons sur la table basse, joue avec l’anse de ma tasse, plonge mes iris dans les siens. « Pour Ben, c’est juste... » j’inspire longuement, drôle d’impression de parler des garçons avec elle, alors qu’elle m’a toujours connue mariée à Edward, même si un mariage d’amour était hors de l’équation. « … j’ai pas l’habitude d’en parler, de parler de ça. J’ai pas voulu te couper de toute cette histoire, ni avant, ni maintenant. » encore moins l’envie de lui coller mes propres dilemmes et questionnements, quand elle était head over heels dans les siens, de problèmes. « C’était étrange, je pensais pas que je pouvais me sentir comme ça encore. » les derniers papillons qui remontaient à Ezra, la dernière possibilité de sentiments qui s’était associée à mon premier amour, coeur cassé brusquement.
Cora avait eu beaucoup de questions à poser concernant ce qu’elle avait raté durant son absence. Elle s’était mise à jour sur les ambitions professionnelles de Ginny, sans le vouloir vraiment sur l’état de ce cher Taddeus et bien évidemment parce qu’il s’agit là d’une priorité, sur le quotidien de Noah, maintenant qu’il peut enfin goûter aux joies d’être un petit garçon comme les autres. A en croire le récit de Ginny, il avait désormais assez grandit pour tenir tête aux adultes et quelque part, elle réalise qu’il est temps de se faire à l’idée que son filleul a lui aussi grandi. Elle s’en attriste quelque part, avant de demander de plus complètes informations sur ses nouvelles lubies, il en reste malgré tout à l’âge où l’on veut tout tenter, tout explorer et la réponse de Ginny va dans ce sens. C’est alors que le sujet de conversation change pour une nouveauté à laquelle Cora ne s’attendait pas. Jamais, ou alors en de vraiment très rares occasions, elles n’avaient abordé avec l’autre l’existence d’une vie amoureuse, leur souhait d’en bâtir et simplement la présence de quelqu’un à leur côté qui leur aurait collé les papillons dans l’estomac et le rose aux joues. Cora avait sa carrière et ses blessures secrètes. Quant à Ginny, elle était mariée et bien que forcée à l’être, fidèle. C’est pourquoi de l’entendre parler de ses tentatives de date avait de quoi surprendre et amener Cora sur un terrain parfaitement nouveau. Elle ne dirait pas qu’elle s’en sent mal à l’aise mais là, c’est comme une claque en plein visage que de se rendre compte que ce sujet était resté en suspend autant de temps et qu’une chose importante avait changé en son absence. Evidemment, la claque est plus grande une fois que la brune prononce le prénom de ce premier prétendant. Si Cora était surprise, là, elle tombe des nues. « Ben, Ben-Ben. » Des fois qu’elles en connaissent d’autres et qu’il y’ait erreur sur la personne. Elle sait que dans le fond, elle devrait se réjouir que Ginny soit enfin prête à se construire une vie amoureuse mais après tout ce qu’elle a vécu, Cora ne peut s’empêcher de penser que Ben n’est pas la personne qu’il faudrait et qu’avec lui, Ginny n’est pas au bout de peines sérieuses. Elle reste incapable de taire son opinion. « Je suis pas aveugle, je connais le personnage, je connais ses habitudes aussi. » Elle penche la tête sur le côté, sans le formuler, elle se permet de lui montrer qu’elle en doute parce que si elle le connaissait, elle l’aurait laissé dans son coin à continuer à épuiser le catalogue tinder. « Mais tu sais, il a été là pour Noah et moi, il a pas flanché, même si c’était pas la situation la plus cool et la plus simple pour être dans les parages. » Elle soupire. Elle sait que, de temps à autre, Benjamin sait être le parfait ami. Il sait écouter dans le fond, être là et ne pas forcer les gens à se livrer sans qu’ils ne le veuillent. Il a le tempérament léger, ce qui change les idées quand on en a besoin. Elle sait qu’il sait soutenir et elle est ravie d’apprendre que Ginny a pu profiter d’une présence solide. Mais c’est tout. Il sait être un bon ami, une fois la limite franchie, plus rien ne va. « Il se targue d’être le genre à prendre ses jambes à son cou quand les trucs sont compliqués, mais il a passé un an à me prouver le contraire. » Et Cora se pince les lèvres parce qu’elle retrouve tout juste sa meilleure amie après une longue absence, qu’elle lui a manqué et que, ce sujet si nouveau dans leur vie, et bien, elle n’a aucun droit de s’en mêler ou de donner son avis. Donc, elle ne dit rien mais elle sait que la déception est au rendez-vous. Ben peut s’arranger, mais pas changer. « De toute façon, on est de retour à la case potes. Ça n’a pas marché. » Qu’elle conclut sans que les mots n’aient à sortir de la bouche de Cora à force de lui brûler les lèvres. C’est un soulagement. De courte durée quand Ginny la lance sur le sujet de ses frères et sœurs. « Je sais pas pour Finn, mais tu me sembles être sur la bonne voie toi aussi. » Elle hausse les épaules. Elle ne sait pas si elle est sur la voie tout court. Elle vient de rentrer après avoir essuyé une sérieuse déconvenue et maintenant, elle ne sait plus où elle en est. Elle se sent oisive. La seule chose l’amenant à se lever le matin, c’est le refuge que Ginny aborde quelques secondes plus tard. « Tu as toujours de l’aide pour le refuge? Ou je peux dépanner peut-être? » Elle ignore si la démission de Vittorio à ce poste lui est parvenu aux oreilles. De toute façon, maintenant qu’elle n’a que ça, le temps ne devrait plus manquer. « Dean s’est déjà proposé et j’ai accepté. » Bien que dans le fond, on n’a jamais trop de bras au refuge pour donner un coup de main. « S’occuper de mes chats semble avoir suscité une vocation. » Elle l’explique simplement, parce qu’elle a le sentiment que ça doit venir de là, peut-être aussi d’une envie de s’occuper l’esprit. Brisbane ne se déroulant pas comme prévu. « Mais tu sais, on aura toujours besoin de volontaire pour venir promener les animaux. Il n’y a pas de petites contributions. » Qu’elle assure, en se disant que ça peut être un moyen d’occuper Noah aussi. Un silence s’installe naturellement pendant lequel on entend que le café qui se déverse dans les gorges. « Cora? » Ginny prend la parole, Cora répond brièvement en posant son mug. « Hum ? » « Pour Ben, c’est juste... » Le sujet semble être revenu sur la table. Ses sourcils se froncent d’appréhension à ce que Ginny s’apprête à lui annoncer. « … j’ai pas l’habitude d’en parler, de parler de ça. J’ai pas voulu te couper de toute cette histoire, ni avant, ni maintenant. » Elle se redresse automatiquement. Elle sait que sa réaction n’a pas été adéquat mais, c’était parce qu’elle connait Ben et que parce qu’elle figure sur la liste des personnes à qui il a fait du mal, elle n’est guère enjouée que Ginny puisse l’y rejoindre. « Ce n’est pas du tout ce que j’ai pensé, ne t’en fais pas.» Non, l’idée d’être mise à l’écart ne l’a pas effleuré. Entre elles, les sujets ont toujours été traité en temps et en heure et vu le déroulé, il était préférable que cette conversation se fasse maintenant en tête à tête que via facetime. « C’était étrange, je pensais pas que je pouvais me sentir comme ça encore. » C’est-à-dire ? Qu’elle formule en inclinant la tête avant de comprendre ce que Ginny essaie de lui dire en observant l’air sur son visage. Une vie amoureuse qui reprend forme, c’est une très bonne nouvelle et Cora commence à s’en vouloir si elle a paru peu réjouissante, mais bien qu’elle ne compte pas dire à Ginny comment faire sa vie, il y’a des choses qu’elle reste incapable de taire. « Et je suis contente pour toi, mais je peux pas m’empêcher d’être désolée pour toi que ce soit lui ton premier essai après ton divorce. » Et c’est sincère. Malheureusement. A sa meilleure amie, on souhaite toujours le meilleur. Elle n’a pas l’impression que ses propos soient mal. « C’est mon ami, mais je ne lui ferais jamais confiance. » Qu’elle tente d’expliquer brièvement. Ben fait partie de sa vie depuis douze ans maintenant et elle peut être certaine que son vécu a de la valeur. « C’est peut-être mieux que ça n’ait pas marché avant qu’il te montre combien il peut être égoïste. » Et elle se déteste de faire, de remuer le couteau dans sa plaie, d’appuyer sur un échec alors que c’est vraiment une bonne chose qu’elle s’essaie à date à nouveau, elle a juste le sentiment d’écraser cette nouvelle capacité à s’attacher à quelqu’un mais pourquoi avait-il fallu que ce soit sur une personne aussi dangereuse pour cette vie saine qu’elle s’est construit.
L’idée d’accompagner mon amie à son refuge avait toujours eu une place bien importante dans ma tête, dans mon coeur, et maintenant que nous étions toutes les deux dans la même ville pour y rester et que nos quotidiens étaient de beaucoup allégés, j’étais enfin décidé à donner du temps à l’organisme dès que le besoin se ferait sentir. « En même temps, elles sont tellement adorables que ce serait inhumain de ne pas craquer. » Dean semble lui aussi vouloir mettre la main à la pâte ce qui ne m’étonne pas du tout de lui, l’avoir vu à la tâche avec les félines de Cora m’avait de suite confirmé qu’il était du genre à râler simplement sur papier, mais que l’engagement pris lui faisait du bien, le gardait occupé, intéressé. Tant mieux. « Et en plus, ma tâche serait de les promener? Où est-ce que je signe mon contrat annuel?! » bien évidemment, mon engouement se lit parfaitement sur mon visage, de mes yeux brillants à mon sourire qui n’en finit plus de grandir. Et je sais déjà que Noah risque d’hurler de joie lorsque j’amènerai l’activité sur la table au retour à la maison. Cora était vraiment la meilleure, toute catégorie confondue. Et justement, c’est parce que son amitié m’est si précieuse, c’est parce qu’elle compte plus que tout que je ramène les sujets difficiles sur le tapis. Elle comme moi détestait parler de ce genre de choses, d’abord et avant tout parce que nos référents n’étaient pas des plus nombreux, ni des plus réussis. Et tellement de choses s’étaient bousculées dans nos vies respectives que le potentiel amoureux de la chose s’était rapidement reposé sur le banc de touche. « Je tenais quand même à te le dire. Retiens pas ton avis, si je t’en parle, c’est parce qu’il compte. » que la Coverdale me précise qu’elle ne s’est pas sentie à part me soulage, mais l’impression de l’avoir tenu à l’écart reste suffisamment longtemps pour que j’en sois inconfortable. Attentive à ses mots, je ne manque aucune de ses phrases, les jugements que je devine être plus que difficiles pour elle à aligner quand bien même elle voit que Ben ne transparaît pas du tout de la même façon à travers mes explications. Mais je sais qu’elle le connaît bien, je saisis leur historique, ou du moins, je me doute des grandes lignes.
« Donner des deuxièmes, et des troisièmes, et des quatrièmes chances a toujours été le truc auquel je tenais le plus tu sais. » ma voix fait écho au silence de ce qu’elle a apporté, résume ce pourquoi je n’ai jamais même pensé une seule seconde que Benjamin puisse agir ainsi avec moi, ne l’ayant jamais vu faire, ne m’étant jamais vraiment sentie en danger. « J’aimerais tellement te prouver que tu as tort... » un léger rire fend mes lèvres, que je ne sais pas si j’apparente à mes craintes qui s’affirment, à ma satanée tendance à espérer le bon dans chacun, ou simplement à la réalisation que de nous deux, elle détient beaucoup plus d’informations sur l’avocat que moi, pour que je me permette d’oser douter. « … et en même temps, je te fais plus confiance qu’à quiconque. Je te fais confiance sur ma vie. » haussant les épaules, inspirant profondément, je laisse à Cora le temps de comprendre la dualité de la chose. J’avais mis tous les efforts du monde depuis le début de l’année à faire mes propres choix, à avancer à ma façon, à multiplier mes erreurs, les miennes, et pas celles qu’on tente de me retirer sous la peur que je craque. Et pourtant, s’il y avait bien quelqu’un dans ma vie qui m’avait prouvé un nombre incalculable de fois qu’elle avait un instinct hors pair, une vue objective impeccable et un avis aussi tranchant que véridique, c’était bien ma meilleure amie. « On ne le saura jamais, et c’est pas plus mal. Être prise entre vous deux aurait été une horreur. » une impasse qui me fait autant mal au coeur qu’à la tête. Encore heureux que Ben et moi avions retrouvé nos places respectives dans un état de friendzoning parfaitement maîtrisé. « Ça m’a permis de voir aussi qu’autant adolescente qu’adulte, j’ai toujours du mal avec ce genre de choses. » de retour au volet un brin comique de la chose, que j’additionne à un nouveau magazine, un pour jeunes filles en fleur, cumulant les questionnaires bidon à la façon Buzzfeed et les articles de fond où on explique en 10 étapes faciles comme faire les premiers pas avec son crush. Aussi ridicule qu’à presque 30 ans je sois toujours si peu à l’aise avec ces concepts, si empotée. « C’est là, où la crème glacée, les comédies romantiques et les longs soupirs de nostalgie sont de mise, right? » me fiant à la to-do list de la parfaite célibataire endurcie mais déprimée qu’on nous dépeint à la télé, je m’en remets à Cora pour me montrer le droit, le bon chemin. Et s’il s’accompagne de glace à la pistache, ce n’en sera que mieux.
« En même temps, elles sont tellement adorables que ce serait inhumain de ne pas craquer. » Elle ignore si Dean serait d’accord avec l’avis de Ginny parce qu’ « adorable » n’est certainement pas l’adjectif qui ressortait le plus de sa bouche quand elle est venue chercher ses bêtes, mais elle ose imaginer qu’il avait tout de même pris plaisir à s’en occuper et que s’il s’était proposé à faire du bénévolat au refuge, c’était parce que l’expérience et le fait qu’avant de lui appartenir les deux demoiselles étaient errantes a dû le convaincre qu’il faut être généreux. « Ouais. C’est surtout qu’elles ont totalement changé de loyauté, elles restent collées à lui comme des anémones à leur rochers. » Et c’est vrai, parce qu’elles ont fait une sacrée fête à la maison quand elles sont rentrées et que Cora jurerait qu’elles ont agi ainsi pour se venger de les avoir leurré loin des bons soins de l’irlandais. « Et en plus, ma tâche serait de les promener? Où est-ce que je signe mon contrat annuel?! » Bon, au moins, Ginny a l’air réjouie. Il faut dire qu’avec les beaux jours qui s’en viennent, c’est toujours une bonne activité et dans les faits c’est de bénévoles qui s’occupent des animaux dont elle a besoin, l’administratif, elle en a fait son dada. « Tu viens quand tu veux. Tu sais, on manque surtout de volontaire pour venir leur donner une présence humaine. » Parce que ça ne retire pas le fait que le reste du temps, ils sont contraint à être dans des cages, à penser qu’on ne les aime pas. Finalement, après un temps de silence, Ginny revient sur le sujet Ben, un sujet qu’elle pensait éteint parce qu’il n’est pas bien courant entre elles. « Je tenais quand même à te le dire. Retiens pas ton avis, si je t’en parle, c’est parce qu’il compte. » Ce qu’elle fait. Ou du moins, elle en vient à expliquer qu’elle ne fera jamais confiance à Ben pour ce qui est de se tenir correctement avec une femme. Ce sont ses viscères qui le lui crient, qu’ils n’ont rien de semblables et rien qui pourrait tracer un avenir sain alors que c’est tout ce qu’elle souhaiterait à Ginny. Elle finit néanmoins par glisser ces paroles, qui seront comme un dernier commentaire sur la question. « Après, tu restes libre de tes choix. Je t’ai exposé ma pensée mais je ne te dicterais pas ce que tu dois faire et je ne veux pas que tu fasses des choix juste pour coller à mon opinion. C’est fini ça, d’écouter les autres. » Mention spéciale aux parents McGrath.
« Donner des deuxièmes, et des troisièmes, et des quatrièmes chances a toujours été le truc auquel je tenais le plus tu sais. » Oui, et si elle ne le dit pas à haute afin de respecter les propos qu’elle vient de tenir, elle ne peut s’empêcher de se dire que c’est la nature de bonne samaritaine qui a poussé Ginny à croire autant à Ben plutôt qu’une alchimie véritable. C’est ce que Cora croit, qu’elle a confondu la main que l’on peut tendre à quelqu’un avec une affection véritable parce que pour elle, c’est une relation vouée à l’échec. Et de toute façon, elle a déjà échouée. « J’aimerais tellement te prouver que tu as tort... » affirme Ginny, suscitant l’intérêt de Cora qui reste dubitative devant cette envie, elle a envie de lui répondre que malheureusement, elle met trop souvent dans le mille pour que Ginny puisse prouver quoi que ce soit. « … et en même temps, je te fais plus confiance qu’à quiconque. Je te fais confiance sur ma vie. » Qu’elle poursuit, amenant le coin de ses lèvres à se redresser dans un sourire qui compatit avec le duel intérieur que subit Ginny. Elle aimerait être désolée et pouvoir s’excuser de la situation dans laquelle ses opinions la place, mais ça ne serait pas honnête parce que ce qu’elle affirme, elle le sait. Rien de moins. « On ne le saura jamais, et c’est pas plus mal. Être prise entre vous deux aurait été une horreur. » Elle ne voit pas en quoi. Ben et elle sont des adultes maintenant. (Enfin, au moins elle.) Elle n’aurait pas joué à l’enfant capricieux qui se dispute quelque chose avec lui. « Ça m’a permis de voir aussi qu’autant adolescente qu’adulte, j’ai toujours du mal avec ce genre de choses. » Peut-être parce qu’elle a également l’expérience romantique d’une gamine de seize ans. Cora se contente d’hausser les épaules. Le sujet n’est pas naturel chez elle que ce soit pour parler d’une vie amoureuse qui se déroule bien, que pour des déboires. Ginny et elle ont tellement toujours eu d’autres sujets de conversation. Celui-ci est une nouveauté qu’elle a du mal à gérer. « C’est là, où la crème glacée, les comédies romantiques et les longs soupirs de nostalgie sont de mise, right? » Elle se retient d’acquiescer, au lieu de ça, elle lance un long soupir, pas du tout motivée à correspondre à ce cliché que vendent les films hollywoodiens selon lequel, les filles seules dépriment le samedi soir à la maison devant un film tout en s’empiffrant. « Mouais. Je te cache pas que, je suis plus d’humeur à ouvrir une bouteille et à regarder un film drôle à m’en faire pipi dessus. J’ai pas l’humeur pour Meg Ryan. » Non, et Cora est plutôt honnête. Si les derniers évènements sont assez malheureux, le pire pour elle serait d’y complaire et de jouer la carte de la nana qui déprime devant sa télé alors que tout ce qu’il lui faut, c’est une vrai séance de rire bien frais, bien honnête. « J’ai pas envie d’être une de ces nanas qui se morfond et je veux profiter que tu sois là pour qu’on s’amuse, donc, je te propose un intégral des Golden Girls ? Ou bien, avant que j’ouvre du vin, on file chez toi chercher la console et tu m’explique enfin comment on joue à Zelda. Je veux que ce soit fun ! » Et c’est son statement. On notera là que, la définition de fun reste pour elle de rester à la maison à ne rien faire de fifou mais en un sens, ça l’est quand même.
L’impression de parler d’un sujet clos, de me raccrocher à quelque chose qui devrait être rangé et soigné me laisse un drôle de goût en bouche. Si Cora est aussi patiente qu’attentive, si elle écoute mon plaidoyer sans jamais me reprocher quoi que ce soit, je sens que ni l’une ni l’autre ne sommes dans notre zone de confort, dans un discours que nous maîtrisons au moins autant que toutes les autres sphères de notre vie. « Je sais, j’en doute pas une seconde. » jamais j’aurais pu penser que mon amie me dicterait quoi faire, l’entendre le préciser n’est que rhétorique. Issue de la même dictature parentale que la mienne, la Coverdale est bien encore aussi traumatisée par les idéaux d’une Danielle prête à tout pour que sa fille lui obéisse au doigt et à l’oeil, et aujourd’hui plus que depuis nos émancipations respectives, je sens son support d’un regard, d’un soupir. L’histoire avec Ben n’aurait pas été compliquée au sens où Cora n’aurait pas parlé par mesquineries, mais bien par inquiétudes. L’avocat qui me trotte en tête, le grand brun au corps d’adulte mais au coeur d’enfant, et je me surprends même à être déçue, surtout, mes mots qui tentent de clore la chose non sans dégager une pointe de nostalgie dans ma voix. M’accrocher n’était pas une option, restait toutefois ce petit mal-être d’inachevé qui était embêtant, qui me donnait envie de vraiment m’en assurer pas juste pour en faire état à ma meilleure amie l'air faussement blasée, pas juste pour m’entendre dire que de toute façon c’est fini. Pour le croire aussi. Ben dirait que je pense trop et il aurait raison, Ben rigolerait de se retrouver dans ma tête bourrée de questions, d’interrogations, de non-dits et de remises en doute, lui qui habituellement se la jouait si simple, si facile, si adaptable. Je verrais, en temps et lieu. Mais pas ici, pas aujourd’hui.
« Amen, ma soeur. » Cora met des mots sur mes envies lorsqu’elle annonce nos retrouvailles officielles comme un moment heureux. Après tous les événements qu’on nous a lancés chacune à la figure, après nos combats respectifs, nos claques au visage, nos obstacles, nos déceptions. Après nos larmes et nos peines et nos craintes et nos vies bafouées, aujourd’hui est un autre jour. Aujourd’hui est essentiel, et l’avoir de nouveau à mes côtés rend la vie plus douce, rend le réveil plus rassurant. Toutes les deux conscientes que l’univers ne peut qu’être plus clément avec nous, maintenant qu’on est passées à travers à toutes ses épreuves et qu’on ne peut qu’en être officiellement fières. « Tu voudrais, vraiment? » toutefois, les longues tirades et les envolées de bonnes intentions partent directement en suspens, maintenant que la rousse utilise le mot, celui qui pique de suite ma curiosité, celui qui fait briller mon regard, qui change la donne, qui m’enflamme autant que lorsque Tad avait usé de toutes ses économies de gamin de 12 ans pour m’acheter une réplique en carton d’un ocarina. Autant qu’à tous les Noël où mes parents avaient entendu mes prières et avaient glissé une partie d’Hyrule sous le sapin en mon honneur. « J’vais te montrer tous les passages secrets, et… et je me calme. » n’attendant même pas que Cora poursuivent l’énumération des possibles, je suis déjà debout, activant mon amie à me suivre, passer à la maison pour un ultime aller-retour de gamine, le temps de prendre console et jeu, d’attraper même mon pyjama, de planifier un moment qui n’en finit plus avec celle en compagnie de qui, justement, je ne voudrais jamais que cela se finisse. « On est dans une safe zone là. » que je m’entends souffler, une fois posées à nouveau sur la canapé de l’appartement de la jeune femme. Le téléviseur roule, les tableaux se succèdent, elle tient la manette bien entre ses mains, et mon coeur est léger. Enfin. Puis, je précise. « Je me dis que maintenant, peu importe ce qui peut nous arriver, si on a survécu à tout ça, on sera invincibles. » un sourire, un regard complice de plus, l’impression que le meilleur est à venir. Jusqu’à ce que mes prunelles horrifiées tombent sur le geste que mon amie est à même de faire faire à Link et qui risque de compromettre son total de petits coeurs de vie. « Cora, non, saute plus haut! » l’instant d’après, survivre et être invincibles sont relatifs, mais je suis prête à l’accompagner à travers les Lost Woods envers et contre tout.