Ca faisait déjà quelques heures que je travaillais, 20 pour être exact, et j'étais un peu sur le rotules. Je n'avais pas encore dormi une seule minute, et j'entrai donc dans une chambre de garder, profitant d'une accalmie pour me reposer un peu et dormir si possible, ne serait-ce qu'une heure. Mais à peine la porte refermée derrière moi, mon biper sonna. Je restai un moment immobile, les nerfs au bord de lâcher. C'était rare quand même, qu'il y ai autant d'activité aux urgences qu'aujourd'hui. Je pris quelques profonde inspirations pour me calmer, et une fois détendu, je récupérai mon biper accroché aux passants de mon jeans. Je le portai au niveau de mes yeux et y lu "Urgences. Neuro." Bon au moins, pour une fois c'était mon vrai domaine, la neurochirurgie. Les cerveaux, quoi. Je ressortis de la pièce et pris le chemin de l'accueil des urgences. Une fois sur place, je tendis une main pour récupérer le dossier du patient. Enfin de la patiente en l'occurrence. Carter Fawkes lis-je en face de la ligne Nom du patient. 27 ans., enfin quelqu'un de plus jeune que moi sur cette journée. Céphalées de tension? lis-je dans l'encadrement commentaires. Box 5 Je levai les yeux en direction du dit box dont la porte était ouverte et m'y rendit. Une fois dans la pièce, je m'avançais dans la jeune femme, me mettant à côté de la table d'auscultation, après avoir déposé le dossier sur la petite table à ma droite. « Bonjour, je suis le docteur Ackerly.» Je veillais à parler doucement, parfaitement conscient qu'elle avait mal à la tête, et qu'un rien pouvait empirer sa souffrance. Je me penchais vers elle, pour observer l'état de ses pupilles. Elle semblaient légèrement dilatées mais rien qui ne me semblait bien inquiétant en soi. Je me reculai ensuite, en glissant mes mains dans les poches de ma blouse. « Vous êtes surmenée, en ce moment ?» Ma voix était égale, ne trahissant absolument aucune émotion, comme chaque fois que je m'exprimais. Je me voulais néanmoins bienveillant, comme avec chacun de mes patients. Je n'avais pas choisis ce métier pour l'argent, ni pour prendre les autres de haut. Je l'avais choisis à cause d'un drame personnel, et par passion. Je voulais que les gens se sentent en confiance avec moi, aussi bizarre que je puisse être. Je voulais être un bon médecin. Je me saisis de l'appareil de prise de tension et me permis de soulever son bras pour l'entourer autour, serrant fermement. Je déposai mon stéthoscope en dessous, après avoir mis les embouts dans mes oreilles. Puis je gonfla la bande qui entourait son bras. Mon regard ne lâchait pas l'appareil du regard tandis que j'écoutais la circulation de son sang. Je finis par relâcher la pression et détacher la bande de son bras, et retirer le stéthoscope de mes oreilles, le laissant reposer sur mes épaules. « 10, c'est un peu bas. Quels médicaments avez-vous pris pour la douleur?» Je reportais mon regard sur elle. Me voulant attentif, et parlant toujours aussi bas, me doutant que la lumière blanche des néons au dessus de nous la faisaient déjà atrocement souffrir.
Ce n’était définitivement pas sa journée ou ce n’était pas son mois. Elle ne savait pas trop, elle avait l’impression que tout lui tombait sur les épaules, ce n’était pas agréable. Aujourd’hui, elle se tapait un mal de tête incroyable, elle avait attendue vraiment un long moment avant de prendre la direction des urgences. Carter détestait les hôpitaux, elle n’a jamais eu de bons souvenirs entre ses séjours pour ses agressions, sa fausse couche ou quand elle avait pu faire sa deuxième tentative de suicide. La jeune brune haïssait juste ça, elle avait pris des médicaments toute la journée, les enchaînant et sa fille n’arrêtait pas de parler super fort. La photographe ne dormait plus beaucoup en ce moment, elle passait ses nuits à pleurer, c’était d’un ridicule, putain. Elle avait l’air pathétique m’enfin n’avait-elle pas l’habitude ? La jeune maman avait déposé sa fille chez son grand-père pour qu’il puisse s’en occuper, elle ne savait vraiment pas quand elle allait être prise et quand elle sortait. En tout cas, elle ne tiendrait pas très longtemps, elle n’était pas connue pour être patiente, pas du tout. Fawkes parlait un instant avec son père pendant un moment avant de repartir, elle avait beaucoup trop mal pour tenir encore longtemps comme ça, elle voulait être tranquille. Clairement, la photographe était tout sauf heureuse d’entrée dans les urgences, elle donna ses symptômes avant qu’on la mette dans un box le temps qu’un médecin ou ce qui en ressemble en tout cas, vienne la voir pour l’examiner. Carter s’allongea puis ferma les yeux avant de poser son bras sur ses yeux. C’était bien le seul moyen qu’elle avait trouvée pour calmer son mal de tête enfin en quelque sorte, sauf que ce n’était pas possible de rester comme ça toute la journée. De plus, ça ne l’empêchait pas de laisser ses pensées partir un peu partout, lui mettant en pleine face ses erreurs ou les actes qu’elle avait pu faire il y a quelques jours. Elle pensait surtout au départ du père de sa fille, c’était constant dans sa tête, elle ne pouvait pas enlever cette chose et il y a sa nuit avec Stephen. Carter ne regrettait, mais elle ne pouvait pas prendre ça comme ça, comme si ce n’était pas grand-chose. La jeune maman sursauta en entendant la voix d’un homme dans son box, elle enleva son bras pour ouvrit les yeux pour voir le médecin, enfin. Elle n’avait pas attendue longtemps pourtant pour elle ça avait l’air d’être interminable. « Bonjour. » Carter se redressait parce que ça serait beaucoup mieux pour la suite de la consultation, elle se laissait faire. Elle ne pouvait faire que ça de toute manière, elle était là pour ça et il était bien le seul qui pouvait l’aider pour le coup. « Surmenée, pas tellement. Je dors peu, c’est vrai, mais c’est pas si alarmant que ça. » Quand elle n’allait pas bien elle en avait l’habitude, elle pensait toujours trop pour pouvoir fermer les yeux un moment. Et même si elle réussissait à le faire, elle finissait par se réveiller peu de temps après comme pour qu’elle se souvienne que sa vie n’avait aucun sens. La jeune femme ne faisait pas réellement attention à la personne qui se trouvait devant elle, bien qu’elle aurait dû, pour le moment elle ne pensait qu’à ce mal de tête qui était constant, elle aimerait bien le faire disparaître pour aller un peu mieux. « Tout ce qui peut exister… Dès qu’un ne marchait pas, je changeais. C’est pas la meilleure solution, mais je savais vraiment pas ce que je devais faire et je voulais pas forcément finir ici. » Carter montrait l’hôpital, le box et tout le reste. Elle aurait préférée rester loin de tout ça.
Je l'écoutai attentivement, comprenant rapidement d'où pouvaient venir ses maux de tête intempestifs. Je glissai mes mains dans les poches de ma veste et me dirigeai jusqu'à la fenêtre, pour tirer les stores, puis jusqu'à l'entrée de la pièce, pour éteindre la lumière. Laissant juste un léger faisceau lumineux entrer par la porte entrouverte. Puis je me rapprochai de nouveau d'elle, veillant à faire le moins de bruit possible. Le son et la lumière, c'était le pire quand on avait ce genre de migraines. « Il faut dormir. Sinon vos migraines ne s'arrangeront pas. Si je vous vois revenir pour une migraine parce que vous refusez de dormir, je n'hésiterais pas à utiliser la force, et la science pour vous y obliger.» Mon ton n'avait rien d'agressif, il était toujours aussi plat que d'ordinaire, simplement, je ne rigolais jamais avec la santé. En général une personne qui ne dort pas, ou peu, c'est une personne qui a des problèmes. N'étant pas psy, je ne pouvais pas forcément l'aider outre mesure et encore moins la forcer à me parler de ses problèmes. Néanmoins je tentai le tout pour le tout. « Vous savez, ici nous sommes tenus par le secret médical. Vous pouvez me parler, si ça ne va pas.» Et parfois, les gens avaient juste besoin de faire une pause dans leur vie, dans leurs problèmes. Et ça faisait aussi besoin de mon travail de médecin de le remarquer. Aussi, l'examen sommaire que je lui avais fais tout à l'heure ne montrait pas de problème plus inquiétant que ça. Elle était en bonne santé physique, et elle le resterait si elle se remettait à dormir au moins huit heures chaque nuit. « Je reviens.» Je sortis de la pièce, toujours dans la plus grande discrétion possible et me rendit à la pharmacie, tapant le code sur le digicode qui maintenant la porte fermée et m'y engouffrais pour récupérer du Tramadol. Beaucoup plus efficace que le paracétamol mais non disponible en vente sans ordonnance. Je ressortis de la petite pièce quelques minutes après, et partis en salle de pause, en quête d'un gobelet. Normalement je devais confier ça à une infirmière, mais je savais qu'elles avaient trop de travail et qu'elles ne seraient pas aussi délicates que moi quant au silence indiqué. Une fois mon gobelet en main, je le remplis d'eau fraîche à la fontaine et déposa le cachet dedans pour qu'il se dissolve à l'intérieur pendant que je retournais dans son box. Une fois près d'elle, je lui tendis le gobelet. « Buvez ça. Ca devrait soulager la douleur, mais c'est fort, donc ça risque de vous endormir. Et vous aurez sans nul doute une légère impression d'ivresse. Donc si vous êtes venue en voiture, je vous conseille de rester un peu ici avant de repartir. Vous reposer ne sera que bénéfique dans tous les cas. » Impression d'ivresse c'était le terme noté sur les notices pour préciser que la personne allait se sentir shootée. Mais je ne doutais pas que pour le coup, ça n'allait pas lui faire de mal. « Je vais vous prescrire des somnifères, n'y voyez là aucune obligation de les prendre. Mais ça peut aider si vraiment vous ne trouvez pas le sommeil. Je vais aussi vous prescrire le médicament que je viens de vous donner. A ne prendre qu'en cas de migraine forte.» Ma voix était toujours aussi basse, pour l'incommoder le moins possible. « Si jamais ça devait continuer, les migraines et insomnies malgré les traitements, revenez ici et demandez Paul Ackerly. Je suis neurochirurgien. On fera des examens plus poussés.» De toute façon elle aurait mon nom sur l'ordonnance, mais je préférais lui préciser, au cas où.
La jeune femme était venue tout en sachant parfaitement que les choses allaient mal se passer, elle ne serait juste pas agréable, elle ne pouvait pas. Pas ici en tout cas, pas dans un hôpital. Elle l’était seulement quand c’était pour sa fille et encore, elle pétait des plombs et devait être le genre de mère que les infirmières détestaient. Le médecin était arrivée dans son box, bonne nouvelle, elle pourrait bientôt sortir, elle pourrait rentrer chez elle – elle le ferait malgré la recommandation de la personne devant elle, c’était très rare qu’elle se mette à écouter un conseil même venant d’un docteur, si elle avait envie de partir, elle le ferait un point c’est tout. « Bravo sans vous je l’aurais jamais deviné. » Elle était sarcastique et levait les yeux en l’air. Il la prenait vraiment pour une débile ? Elle se montrait désagréable, ce n’était pas de la faute de l’homme en face d’elle, juste à cause de l’endroit. « Puis, je ne refuse pas de dormir, j’en suis incapable. C’est pas la même chose. » Fallait pas non plus mélanger les choses, elle n’attendait que ça de dormir, elle avait plusieurs solutions, mais elle refusait de reprendre ses chemins pour pouvoir fermer les yeux quelques heures. Avant aujourd’hui, elle n’avait jamais eu aussi mal à la tête, c’était juste pas supportable et avant même de venir ici, elle savait que les heures de sommeil qui lui manquer n’arrangeaient rien. « Merci, mais non merci. J’ai déjà une psy et tout va bien dans ma vie. » C’était sa manière à elle de faire remarquer qu’il fallait mieux qu’il s’occupe de ses soucis que des siens. La jeune brune n’était pas comme ça généralement, elle se montrait plus clémente, plus… gentille. Sauf que ce n’était pas possible sur le moment, elle avait l’impression qu’il était en train de le prendre pour une gamine alors qu’elle était adulte, elle avait une fille. Carter savait déjà ce qui était bon ou pas pour elle, c’était un cas de force majeur, c’était pour ça qu’elle était présente ici, sinon jamais de la vie elle aurait foutue son pied dans cet endroit. Bougeant simplement la tête de haut en bas, elle le laissait partir espérant doucement qu’il lui ramène de quoi calmer ce bordel dans sa tête. La jeune maman avait vraiment besoin de calme, elle avait besoin.. juste que ça s’arrête pour quelque seconde. Après elle pourrait supporter tout ça, elle se leva marchant un peu, elle pourrait peut-être se calmer pour être plus agréable avec la personne qui lui revenait en aide sur le coup. Ses yeux se posèrent sur ce qu’il était en train de lui tendre, elle finit par hausser les épaules pour prendre ce qui était devant ses yeux, c’était lui le médecin il devait savoir ce qu’il lui donne. « Je préfère rentrer. Je prendrais un taxi. » Ou alors elle prendrait simplement sa voiture, mais bon elle ne lui dirait sûrement pas un truc pareil. Sait-on jamais qu’il l’empêche de sortir d’ici. Elle avala le cachet avec une grande gorgée d’eau, son mal de tête avait légèrement diminué avec ses attentions, mais ce n’était toujours pas ça, elle avait grand espoir sur ce médicament pour le coup. Finissant l’eau, elle jeta le tout avant de se tourner vers lui. « Economisez votre encre, je ne prendrai jamais ses somnifères. Même si vous les mettez, je dirais à la pharmacienne de pas me les donner. » Il aura donc écrit ses mots pour rien, ses sourcils se froncèrent enfin en entendant son prénom, ça lui disait vaguement quelque chose. « Vous êtes autiste, non ? » Ouais, elle mettait les pieds dans le plat directement, ce n’était pas réellement délicat de sa part, mais bon elle n’était plus à ça près avec lui.
Bien évidement je ne compris pas sa marque d'ironie, mais quelque chose me dit que ce n'était pas à prendre au pied de la lettre, puis son ton légèrement agressif me laissa pantois. Aussi je préférai ne rien dire. Sa phrase suivante me fit tilt, je m'étais exprimé un peu maladroitement. Je ne voulais pas dire par là qu'elle refusait volontairement de dormir, je voulais dire au cas où elle refuse de suivre le traitement qui l'aidera à retrouver des nuits de sommeil normales. Au demeurant, je restais silencieux, y compris quand elle me dit qu'elle avait une psy pour parler de ses problèmes. Tant mieux, au final, se faire suivre était une bonne idée lorsqu'on en avait besoin, et j'en avais eut besoin toute ma vie. Alors je ne jugerais jamais une telle chose, à plus forte raison que j'étais médecin. Et que comme tout médecin j'avais eut des cours de psychologie. Qui d'ailleurs avaient été mon immense bête noire, ma plus grosse lacune. Comprendre l'esprit des gens neurotypiques et les aider, ça n'avait longtemps pas été mon fort. Mais avec le temps, et du travail, beaucoup de travail j'avais appris à me débrouiller. Après tout en général je n'avais pas besoin de dire grand chose, le simple fait d'être écouté suffisait dans la plupart des cas. Pour les autres, il était de toute façon plus que conseillé de consulter un spécialiste. Et je n'en étais pas un. Enfin, je soignais physiquement les cerveaux, pas psychologiquement.
Lorsque je revins, elle avait l'air un peu plus douce, et même si son comportement m'avait braqué, je n'en montrai rien. Me faire envoyer bouler par les patients était devenu monnaie courante. Surtout depuis que j'étais ici, les gens avaient une sainte horreur des hôpitaux, tout comme à Christchurch, mais à Christchurch ils avaient au moins la décence de respecter le travail difficile que faisaient les médecins pour les soigner. Pour prendre soin d'eux. Peut-être que c'était le côté grande ville de Brisbane qui rendait les gens si pressés, si antipathiques, si méchants ? Je la regardais avaler le médicament, en silence, l'ambiance se faisant bien plus pesante que ce que j'aurais voulu, mais ça aussi j'en avais l'habitude. Entre les gens ivres, les gens agressifs, les gens qui détestaient les médecins tout simplement, il était rare qu'une consultation se passe bien. « Je vous ferais appeler un taxi dans ce cas, mais prenez quelques minutes pour laisser le médicament faire effet. Dès que vous sortirez d'ici, le soleil vous rendra de nouveau mal en point, sinon.» Mes mots étaient toujours plats, bienveillants, et sans la moindre animosité. Je ne pouvais la forcer, mais au moins essayer de la convaincre, pour son bien. Lorsqu'elle me dit qu'elle refuserait les somnifères, je restai silencieux un moment, lui laissant le temps de se calmer une nouvelle fois. « Je vous prescrirais des somnifères, et la pharmacienne vous les donnera parce que c'est son travail. Tout comme régler vos problèmes de santé est le mien. Une fois que vous aurez ces somnifères, vous serez libre d'en faire l'usage qu'il vous convient.» Et je ne transigerais pas, sur ça j'étais intraitable. C'était moi, le médecin. « Si c'est ce qui vous inquiète, il existe une large gamme de somnifères non-chimiques et donc non addictifs.» Poursuivais-je. Je n'avais eut l'intention de lui donner quelque chose qui la rendrait accro, et dont elle ne pourrait plus se passer. Surtout que ce n'était pas une insomniaque récurrente. On ne donnait de somnifères chimiques qu'aux gens souffrant d'insomnies chroniques. Du moins, quand on était un médecin consciencieux et bienveillant comme je m'efforçais de l'être.
C'est alors que j'entendis le mot qui désignait ma pathologie ni plus ni moins, mais qui faisaient mal depuis tellement d'années. Inconsciemment je serrais les dents, et me renfermais plutôt abruptement. Mon regard partant fixer un point imaginaire, quelque part dans le fond de la pièce. Et puis comment pouvait-elle, le savoir après tout. Je pris une profonde inspiration pour retenir la vague de larmes qui était montée avec tous les vieux souvenirs que m'évoquaient ce mot, et reporta mon attention sur elle, parlant de nouveau d'une voix neutre. « Asperger. Oui.» C'est tout ce que j'avais la force de répondre. Je l'aurais bien interrogée sur la façon dont elle avait su ça, mais je n'en avais pas le courage.
Carter était plus qu’horrible en ce moment, mais elle avait tellement de trucs à gérer en même temps qu’elle n’arrivait pas à garder son calme bien longtemps – encore moins devant une personne qui la traitait comme une imbécile, c’était bien une chose qu’elle avait toujours détestée dans la vie. Ce n’était pas de sa faute si elle n’arrivait pas à dormir, elle aurait bien aimée que ce soit le cas, mais non. Elle devait juste attendre que les choses reviennent à la normale et espérait que ce soit dans très peu de temps. La jeune femme glissa sa langue sur ses lèvres se calmant légèrement – pas trop non plus, elle était toujours dans l’hôpital, impossible qu’elle sorte un sourire à ce fameux médecin, qu’elle trouvait bizarre quand même. En fait, elle se demandait presque s’il était humain, elle était à deux doigts de tendre le bras pour le toucher et voir si ce qu’elle avait en tête pouvait être vrai. Elle perdait totalement les pédales, mais au moins elle arrivait toujours à laisser son cerveau divagué, ce qui n’était pas plus mal dans le fond. La brune laissait simplement un petit rire sortir de sa bouche retenant une remarque – encore agressive – de sortir de sa bouche, elle n’avait pas besoin d’un troisième père, deux c’était déjà assez difficile à gérer comme ça, elle allait finir par se faire engueuler si elle continuait de lui répondre comme ça, non ? La jeune femme bougea simplement la tête de haut en bas montrant qu’elle avait entendue – pas sûre qu’elle respecte ce qu’il pouvait lui dire, mais on ne savait jamais, si un énorme élan de gentillesse lui prenait soudainement – ce qui restait peu probable. Ses yeux se levèrent au ciel, une nouvelle fois, et son mal de tête reprenait, elle avait compris depuis bien des heures que ce genre de truc elle ne devait pas le faire, mais face à autant de connerie, il fallait mieux qu’elle agisse comme ça que d’être de nouveau agressive. « Vous êtes médecin, pas là pour faire des suppositions sur ma vie et ce que je pense. Restez-en à votre rôle. » Pourquoi fallait-il que le monde cherche toujours une raison à chaque décision prise ? Si elle n’avait pas envie, c’était simplement parce qu’elle n’avait pas envie point barre, il n’était pas question de dépense ou une connerie dans le genre – à croire qu’il fallait toujours que les choses soient compliquées dans la vie. Puis ses mots finissaient par sortir de sa bouche, elle fonçait la tête la première ne prenant pas de pincette et ne pensant pas que cela pouvait être aussi blessant que ça. Carter avait l’air et la manière d’être délicate dans ce genre de circonstance, sa franchise allait à sa perte, elle ne le savait que trop bien. Face à sa réponse, elle avait l’impression que l’intégralité de ses neurones venait de connecter entre eux. C’était le Paul d’Hadès, elle le regardait encore une fois, de haut en bas sans se cacher, elle n’en était plus à ça près avec lui pour le coup. « Vous êtes le mec d’Hadès. » Passer au tutoiement, sûrement pas, ça serait extrêmement bizarre surtout avec son attitude auparavant. La jeune maman savait que ce n’était pas vraiment le cas, mais il l’aimait, c’était tout comme. « J’suis une bonne amie à lui. »
Son attitude pour le moins exécrable commençait à doucement me taper sur le système, et pourtant j'étais du genre patient. Les patients désagréables étaient monnaie courante, mais à ce point là, franchement on touchait le summum du bout des doigts. Je m'efforçais néanmoins de garder une expression neutre. Je savais qu'il ne fallait surtout pas que je me mette en colère, puisque mes crises de nerf étaient pour le moins... Impressionnantes et spectaculaires. Je pense que si je m'étais énervé, niveau agressivité elle en aurait eut pour son compte. J'essayais simplement de l'aider, peut-être de façon trop paternaliste, certes, mais je ne faisais que mon travail, de la façon dont je le pouvais, et ce malgré mes problèmes pour m'exprimer correctement. Alors quand j'étais trop froid et distant je passais pour un médecin je m'en foutiste et ça n'allait pas, et quand j'étais plus impliqué et chaleureux, ça ne convenait pas non plus. Ca commençait à m'user. Et malheureusement elle n'était pas l'instigatrice de cette pensée, c'était juste que ces dernières semaines avaient été particulièrement compliquées. Les patients étaient tous plus désagréables les uns que les autres, et je commençais à de moins en moins supporter d'en prendre pour mon grade presque à chaque fois que je passais une porte pour aider quelqu'un. J'aurais peut-être dû faire légiste, au moins les mots eux, ne parlent pas. Je me dis alors que j'allais lever le pied sur mes gardes aux urgences, je préférai largement être au bloc opératoire avec un patient endormi et les doigts tripotant des cerveaux à longueur de journée. « Une partie de la formation en Fac de médecine c'est de la psychologie, alors faire des suppositions pour essayer de vous aider c'est mon travail.» Ouais, c'était mon rôle et même si elle prenait ça pour une tentative de s'insinuer dans sa tête ou de régir sa vie, il n'en était rien. Je lui proposais des solutions médicales pour régler son problème, si elle les refusait elle n'était absolument pas en droit de prétendre qu'elle ne refusait pas d'aller mieux. Elle n'était pas non plus spécialement en droit de me reprocher d'être trop paternaliste, j'étais juste médecin. Je me dis néanmoins qu'elle changerait sans doute de ton, quand elle se mettrait à convulser, et qu'elle serait ramenée ici en urgence et qu'elle se retrouverait en psychiatrie pendant soixante-douze heures avec une perfusion dans le bras pour l'obliger à dormir pendant une bonne moitié de ce temps là.
Il fallait vraiment que je me calme. Mes émotions commençaient à prendre le dessus sur moi et je savais très bien combien c'était mauvais pour moi. Aussi je pris quelques minutes pour me radoucir. Mais lorsqu'elle me dit que j'étais le "mec d'Hadès" et qu'elle était son amie, un rire, pour le moins nerveux m'échappa sans que je puisse le contrôler. « Je n'appartient à personne.» Et j'étais en colère contre Hadès, maintenant, qu'il ai balancé comme ça, comme on change de chemise que j'étais autiste. Je lui avais confié ça dans un moment intime, un moment où je m'étais ouvert à lui, c'était certainement pour que ma vie personnelle se retrouve là étalée sur mon lieu de travail. « C'est pas franchement étonnant. Vous semblez être similaires tous les deux en ce qui concerne le fait d'être désagréables au possible avec les médecins. Et de négliger votre santé.» Je disais ce que je pensais. Ce n'était ni méchant, ni agressif, c'était un fait que je pensais au plus profond de moi. Autant elle que lui semblaient se croire au dessus de la mort, ou de s'en foutre tout du moins. Pourtant autant elle avec son absence de sommeil, et lui avec son alcoolisme pouvaient risquer la mort. Ils s'étaient bien trouvés dans tous les cas. De toute façon, j'étais blessé et je ne cherchais plus franchement à le cacher. Aussi, je notais le traitement dans son dossier et le reposais sur la table à côté de son lit. « Le médicament ne devrait plus tarder à faire effet, une infirmière viendra vous donner l'ordonnance et vous pouvez partir.» Pourquoi la garder ici? Si elle voulait partir, retourner chez elle, ne pas dormir et avoir mal à la tête à s'en frapper la tête contre les murs, qui étais-je pour l'en empêcher ? Je n'avais de toute façon aucun droit de forcer un patient quel qu'il soit à prendre le traitement que je préconisais. A part s'il était inconscient. Et si ça lui arrivait autant dire que je ne me gênerais pas. Bien que je ne le lui souhaitais pas. Je voulais le bien des gens, et leur rétablissement. « J'espère que ça ira, mais s'il vous plaît, si ça continue, revenez, je vous ferais passer un scanner, pour vérifier qu'il n'y a pas un problème plus grave.» Dis-je d'une voix radoucie. J'allais sans doute encore me faire envoyer bouler, mais ma vocation c'était de sauver des vies. La sienne aussi, aussi désagréable fût-elle. Après tout, ses douleurs pouvaient aussi venir d'une tumeur, d'un anévrisme ou d'un nerf écrasé, et elle n'irait pas mieux si on opérait pas, si un tel cas de figure s'avérait vrai.
Son attitude était plus que détestable, elle en avait parfaitement conscience, mais c’était juste les événements présents de sa vie qui faisaient en sorte qu’elle perde facilement son calme. Elle n’arrivait pas à retenir ses nerfs surtout face à une telle attitude, elle était devenue légèrement plus patiente depuis qu’elle avait eu sa fille et savait mettre de temps en temps son caractère de merde de côté sans n’allait pas. La jeune femme faisait vraiment des efforts, mais là elle ne pouvait pas en faire. Elle avait conscience que tout allait mal dans sa vie actuellement, mais bordel le père de sa fille avait disparue, elle devait l’annoncer à sa fille alors forcément c’était le bazar dans son esprit. La photographe avait envie que les choses rentrent dans l’ordre, très rapidement même parce que sinon elle deviendrait de plus en plus folle. Elle le regardait sans rien dire, elle avait du mal à se retenir, vraiment. Tout, tout s’accumulait en ce moment. « Je suis venue pour me faire soigner, pas pour qu’un médecin se mette à rentrer dans mon esprit. Je sais que c’est pas normal tout ça, qu’il faudrait que je dorme la nuit. Sauf que vous savez, en dehors de cet endroit il y a une vie, il y a des soucis qui ne se règlent pas grâce à une petite pilule que l’on peut avaler. » Véridique. S’il ne voyait que pas des médicaments ou elle ne savait trop quoi, ça montrait clairement qu’il ne comprenait rien à la vie. Elle voulait juste partir, tout de suite, elle avait envie de prendre ses affaires et s’en foutre de ce mal de tête qui la rendait dingue. Carter restait seulement parce qu’elle savait qui il était, c’était peu délicat de sortir ça comme ça, elle ne doutait pas que cela lui ai fait du mal. C’était logique même, c’était comme si quelqu’un lui balançait son passé dans la figure, c’était toujours énervant et blessant en même temps. « Je ne suis pas certaine qu’il soit du même avis que vous. » La photographe connaissait très bien Hadès, il lui avait clairement dit qu’il ressentait quelque chose pour lui, ce n’était pas qu’une histoire de baise, bien qu’elle ne connaissait rien de ce côté-là de leur relation et elle n’avait pas envie d’en savoir davantage. Ce n’était pas ses histoires. « Je néglige ma santé ? Si je le faisais réellement, je ne serais jamais venue ici. Et deuxième, si vous arrêtiez d’être aussi.. d’être comme ça avec vos patients, peut-être qu’on aurait un peu plus de considération pour vous. » Qu’est-ce qu’Hadès pouvait bien trouver à un mec comme ça ? C’était la question à milles dollars pour le coup, le sexe devait être incroyable pour supporter un mec pareil. Heureusement qu’elle se retenait de laisser ses mots sortir de sa bouche, elle n’avait pas la force de se battre et ça aurait juste engendré un truc pareil. Sa tête bougeait de haut en bas montrant qu’elle avait compris, elle serait juste mieux chez elle qu’ici surtout que sa fille était chez son grand-père. « D’accord, je repasserai si ça ne s’arrange pas. » Carter parla doucement tout en reprenant ses affaires, elle se tourna vers lui pour prendre une nouvelle fois la parole d’une manière beaucoup plus calme que tout à l’heure, elle devait mettre son agressivité de côté pour le coup. « Ne jouez pas avec lui, il a pas besoin de souffrir à cause d’un nouveau mec. » Qu’est-ce que c’était exactement ça, une menace ? un avertissement ? Absolument pas, elle était honnête avec lui, Hadès n’avait pas besoin de souffrir de nouveau, c’était tout.
« Vous pensez peut-être que je l'ignore ? Pourtant vous ne semblez pas ignorer que moi aussi, j'ai une vie, en dehors de l'hôpital. Je n'ai jamais prétendu que la pilule allait régler vos problèmes, j'ai simplement dis qu'elle vous permettrait au moins de dormir.» Oui, c'est vrai que la discussion prenait sans doute des tournures un peu personnelle, en même temps qui avait mit les pieds dans le plat? Je n'avais pour autant toujours aucune envie de m'énerver bien que ses mots concernant ma façon de traiter mes patients m'enfonçaient une multitude de couteaux en plein coeur. Je m'efforçai de garder ce fait secret et de ne rien lui montrer. J'étais plutôt du genre capable de m'effondrer en larmes à la moindre contrariété et il était hors de question que ça m'arrive maintenant, devant elle. Je voyais bien qu'elle me jugeait, et il était hors de question que je rajoute de l'eau à son moulin, considérant qu'elle en avait suffisamment. Je préférai ne rien dire d'ailleurs, concernant sa remarque sur l'avis d'Hadès. Je n'allais pas non plus me mettre à table et expliquer à la patiente désagréable du siècle que j'étais mort de peur à l'idée d'aimer. Pourquoi? Pour me faire rabaisser, encore? Non merci. Un petit rire m'échappa à sa remarque suivante. « Vous n'êtes ici que parce que le mal de tête est insupportable. Pas par soucis pour votre santé.» Il ne fallait pas non plus me prendre pour un con. Je savais faire la différence entre quelqu'un qui se souciait vraiment de sa santé, et quelqu'un qui venait ici en dernier recours, par dépit, parce que son problème devenait vraiment trop inconfortable et insupportable. Ensuite elle critiqua une nouvelle fois ma façon de me comporter avec mes patients, et encore une fois, ça me blessa profondément. Ouais, je savais pas toujours comment me comporter, mais je faisais de mon mieux. Et là j'étais perdu. Devais-je redevenir le médecin froid et presque robotique qui énonce les faits médicaux sans m'intéresser aux gens? Evidemment que non, puisque ça aussi on me l'avait reproché. Je préférai donc encore une fois ne pas relever, me plongeant une nouvelle fois dans mon mutisme d'homme blessé. Mon regard ne se décrochai pas du mur non plus lorsqu'elle me dit qu'elle reviendrait si ça ne passait toujours pas. Je savais qu'elle était en train de prendre ses affaires pour partir, lorsqu'elle me parla une nouvelle fois d'Hadès. Je reportai donc mon attention sur elle, une nouvelle vague de tristesse dans le regard. « Vous trouvez vraiment que j'ai l'air capable de me jouer des gens?» Sur ces mots, je tournai les talons et me dirigeais vers la sortie de la pièce, m'arrêtant un instant dans l'entrebaillement de la porte, retenant les larmes qui affluaient à mes yeux. « Je suis désolé.» Rajoutais-je, avant de sortir de la pièce, aussi dignement que je le pouvais, et de m'enfoncer dans le couloir. Pourquoi m'étais-je excusé ? Pas parce que je pensais avoir tord. Parce que j'étais profondément blessé, tout simplement. Et pourtant aussi bizarre que ça puisse paraître, malgré le fait que si elle avait sortit comme ça sur la table ma neuroatypie c'était de sa faute, j'avais besoin d'Hadès.