C'était son tout premier arrêt maladie depuis qu'il travaillait, et le moins que l'on puisse dire, c'est que Stephen ne l'assumait pas du tout. Depuis le cours de Paddle du weekend dernier (et sa chute involontaire) son état n'avait cessé d'empirer. Rhume, mal de crâne carabiné, toux.... il n'était pas au top de sa forme, et pas question de partir au cabinet avec tous les microbes qu'il traînait. Quand on travaille avec des enfants, on est rapidement parano avec toutes ces choses la. Coincé chez lui, le brun ne savait plus comment s'occuper. Il avait épuisé toutes les séries netflix qui figuraient sur sa liste d'envie, avait mis à jour tous ses dossiers et inondé Phoebe de messages.. en somme il faisait tout l'inverse de ce qu'il était censé faire. Il fallait penser à se détendre, et surtout à prendre soin de soi. Résigné, il avait jeté un rapide coup d’œil dans les placards, mais bien vite le jeune papa se rendait compte qu'il n'avait strictement rien pour se soigner. Ni paracétamol, ni pastilles pour la gorge.... en réalité, sa trousse à pharmacie ne contenait que des médicaments pour enfants en bas âge et des vieux médicaments qui appartenaient à Rachel. Sérieux le kiné. Par pure flemme de sortir jusqu'à la pharmacie, Stephen avait choisi de demander à sa voisine si elle avait de quoi se soigner, au risque de se faire charrier à ce sujet pour longtemps.
Stephen a écrit:
T'es chez toi ? T'aurais pas du paracétamol ? Arrêt maladie, par ta faute, rhume puissance 10. Je te hais Fawkes.
Cart' a écrit:
Chochotte. Je ne suis pas à la maison, mais prends mes clés, dans la salle de bain armoire à pharmacie la boîte jaune. Te trompe pas Holloway.
Finalement c'était une bonne chose que Carter ne soit pas chez elle. Vu la mine défraîchie qu'arborait le jeune homme, elle n'aurait pas manqué de se moquer de lui un long moment. "Bon, aller.. " Se levant du canapé, Stephen avait la nette impression d'y avoir laissé une partie de son crâne, puis se dirigeant vers le meuble de l'entrée pour en attraper les clés de maison que sa voisine lui avait confiées, il se demandait bien comment il ferait pour parcourir les quelques mètres qui séparaient leurs deux portes d'entrée. Resserrant son sweat contre son torse il avait rassemblé tout le courage nécessaire pour mettre le nez dehors. Les beaux jours recommençaient à venir et lui traînait un rhume, comique. Une fois sur le trottoir, le brun était heureux que la rue soit déserte. A cette heure ci, tout le monde était au travail ou occupé à autre chose, du moins, presque tout le monde. Devant chez Carter, un type venait de garer sa voiture. Stephen avait l'impression de l'avoir déjà vu, mais sans se rappeler du lieu exactement. Tant pis, ce n'avait pas une grande importance de toute façon. Ce n'est que lorsque l'homme en question remontait la petite allée qui menait à la maison de sa voisine que le brun ne s'était décidé à ouvrir la bouche : "Carter est pas là" qu'il lançait de sa voix nasillarde de type malade. Les clés de maison de la jeune femme entre les mains, il avait conscience que cette situation était étrange, alors pour se justifier il avait préféré préciser : "J'suis son voisin. Je devais passer récupérer un truc." mais vu la mine du type en face il n'était pas certain que ce soit suffisant.
Tu es responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé.
Je devais rendre visiter à Carter, comme la plupart du temps. Sauf que là, j’avais pas décidé de lui envoyer un message, je pense qu’elle devrait être chez elle, et puis j’avais bien prévu une petite journée en sa compagnie, papoter et boire un café. J’ai eu quelques nouvelles d’elles, concernant le fait qu’elle avait couchée avec son voisin. Décidément, j’avais bien envie de voir qui s’était, mais je me doutais que Carter ne soit pas d’accord avec ça, alors je ne vais rien forcer, et puis elle finira par me le présenter naturellement, non ? Enfin, je dis ça, mais je n’ai pas présenté Paul, après tout, je ne sais pas ce que c’est lui et moi, et je ne veux pas m’avancer, je ne veux pas me faire avoir comme je l’ai été avec mon ex petit-ami. Je restais persuadé que cette petite relation avec son voisin, lui ferait que du bien, je ne voulais plus qu’elle souffre, j’en avais assez de la voir mal, de la voir souffrir pour des gens qui ne méritent même pas le quart de son attention. En bas de chez elle, je restais quelques minutes dans l’habitacle en envoyant quelques messages à Paul, rien de très sérieux, je lui proposais d’aller boire un verre et pourquoi pas d’aller voir un film après. C’était sans doute une bonne excuse pour le voir et surtout être à ces côtés. Rangeant mon téléphone, je sortais de ma voiture, avant de me diriger vers ce petit magasin en face, dont j’avais l’habitude de prendre quand je passais ici. Je prenais, des gâteaux, Des chips. De quoi boire, et un film d’horreur en priant qu’elle soit d’accord de le voir avec moi un autre soir. Et surtout c’était aussi pour me donner du courage et de lui parler face à face de Paul. Elle sait très bien, que nous deux, on est des merdes en amour, qu’il y a un problème, qu’on arrive pas, ou qu’on tombe sur des mongoles incapables de nous comprendre un peu.
En bref, je voulais juste passer une soirée à me détendre, à parler de rien, à rire des gens, et même dire qu’on va mourir seuls, mais que c’était pas grave, tant que l’autre est présent. Je racle ma gorge en sortant du magasin, je marche jusqu’à son domicile, en montant les marches qui me séparent de sa porte. C’est juste à ce moment où je tombe nez à nez avec toi. J’arque un sourcil, mon regard se baisse sur tes mains. T’es le voisin. Même pas besoin de me le dire. Je creuse mes joues de l’intérieur, et la seule putain de chose que j’arrive à dire. « Ah, je te pensais plus grand. » Puis, je réalise que j’ai merdé, que ça veut juste dire que Carter m’a parlé de lui. « Tu es… Stephen ? C’est ça ? Le voisin, oui. Elle m’a dit tous les prénoms des voisins. » J’hoche la tête comme si je voulais me trouver une excuse et faire genre que je connaissais la plupart des gens dans le quartier. « Elle t’a filée son rhume ? » Ou l’inverse ? On dirait deux idiots, on se regarde, limite, j’ai envie de rire parce que sois je rigole, sois je te frappe si tu lui brises le cœur à ton tour. « Je suis Hadès, son frère. Enfin, de cœur. » Même si je voyais aucune différence. Je haussais les épaules en relâchant ma respiration, haussant les épaules en détournant le regard. « Bon, c’est très gênant. J’ai acheté des trucs pour la peste, mais elle est pas là. Je vais déposer le tout dans sa cuisine, tu veux.. Boire une bière ? Chez elle. Ou chez toi. Ok, c’est aussi bizarre cette phrase. » Je sais pas quoi dire, pas quoi faire. Mais je tente d’apprendre à te connaître.
Cette situation était sans doute la plus étrange qu'il n'ait jamais vécu. Lui, en vieux survêtements et malade comme pas deux en face de ce type qui semblait en savoir bien plus qu'il ne le montrait la.... était-ce la fièvre qui lui jouait des tours ? Probablement pas. Haussant un sourcil, il fourra les clés de sa voisine dans sa poche avant de lui répondre : "Ouais, Stephen c'est ça." Comment est ce qu'il savait ? Le type balbutiait quelque chose comme "Carter m'a donné le nom de tous ses voisins" mais Carter se foutait de tous ses voisins. Entre Mrs. Johnson et son chien qui pisse sur tous les bégonias et l'autre petit vieux du bout de la rue... non. Carter avait du lui parler de lui, et soudain Stephen se rendit compte qu'effectivement, Carter avait du lui parler non seulement de lui, mais aussi de ça. Je vais la tuer, songeait il. Même si au fond il s'en fichait pas mal qu'elle en ait parlé à quelqu'un. Le seul truc qu'il aurait aimé éviter, c'était ce genre de rencontre un peu étrange entre ce type qui s'était présenté comme son frère et lui. Les souvenirs de leur soirée lui revenaient en plein visage alors qu'il peinait à trouver quelque chose de cohérent à lui répondre : "Ouais elle m'a filé son rhume." Elle l'a provoqué même. Puis son interlocuteur fit une remarque qui ne laissait plus aucun doute sur le fait qu'il était bel et bien au courant de tout ce qui s'était passé entre Carter et lui : "C'est très gênant". A ce moment là, Stephen ne savait pas bien s'il avait envie d'appeler sa voisine pour l'étrangler ou s'il devait avoir honte de quoi que ce soit. Il ne regrettait pas ce qu'il s'était passé bien au contraire, mais bien que trop malade pour réagir, le brun ne pouvait s'empêcher d'être abasourdi par le côté direct de ce gars qu'il connaissait à peine. "C.. comment tu sais ça ?" haussant un sourcil, il n'avait finalement pas attendu la réponse pour poursuivre : "Chez elle, faut que je récupère des médicaments dans sa trousse à pharmacie." Allez savoir pourquoi il avait accepté. Par curiosité sans doute. Toujours est il qu'il avait fini par reprendre les clés qu'il avait laissé dans son sweat pour déverrouiller la porte d'entrée.
« T’es grave malade. J’espère que tu vas pas me refiler quelque chose. » Stephen haussa un sourcil en déverrouillant la porte d'entrée. Il n'avait pas l'intention de faire dans les grandes effusions ou dans le mélange de microbes, pas aujourd'hui, alors sur le moment il ne releva pas. De toute façon, Hadès s'était glissé chez sa voisine à peine la porte ouverte, et lui s'était contenté de le suivre du regard. "C'est un coup de froid, ce n'est pas contagieux." se justifia t-il. Doucement, il haussait les épaules avant de prendre la direction des escaliers menant à la salle de bain pour aller chercher les précieux médicaments. Au loin, il entendait vaguement l'ami de Carter lui dire qu'il lui faisait un thé. Un thé ? Pourquoi pas après tout. Vu l'état dans lequel se trouvait sa tête il n'était de toute façon pas fait pour protester, même mollement. "Ouais merci" Il avait rapidement mis la main sur le paracétamol avant de revenir dans la cuisine. Une fois dans la pièce, il s'était posé sur une chaise, et en face de lui, le type, Hadès, lui tendait un mug fumant. Manquait plus que la camomille et le pot de miel et on passait directement dans la case cliché. "Quelques mois" qu'il répondait en haussant les sourcils. Stephen ne faisait pas les comptes. Carter vivait près de chez lui depuis un bon moment maintenant, et leur relation avait passé le cap de l'amitié assez vite après son installation. "Et toi ? J'ai pas l'habitude de te croiser par ici." Bon, ça il n'en savait rien. Le kinésithérapeute n'était, en règle générale, jamais chez lui. Ce jour de repos forcé, il ne l'avait pas demandé et s'en serait bien passé. Ça le stressait de savoir le cabinet sous la responsabilité d'un remplaçant.
Stephen se sentait observé par le type en face de lui. C'était vraiment la situation la plus étrange dans laquelle il ne s'était jamais retrouvé un jour, et malade comme il l'était, il s'en serait bien passé. Faisant tourner le mug de thé fumant entre ses doigts, il répondit calmement : "Je vois." L'ex de Carter remporterait certainement la palme du plus gros connard de la ville, mais au fond il n'en était même pas certain. Si l'on devait compter le nombre d'hommes qui abandonnaient leur famille chaque jour .... c'était quelque chose qu'il ne comprenait pas mais qui arrivait malheureusement bien trop souvent. De son côté, il laissait son amie gérer ce genre de problèmes. Le temps qu'ils passaient ensemble n'était pas destiné à être pollué par autant de mauvaises nouvelles. Ils ne parlaient jamais de leurs soucis, ni Stephen ni Carter. Leur bulle était sacrée. Pas de prise de bec, pas de soucis à gérer. Même si pour le coup elle lui devrait une sacrée explication... surtout après les paroles à venir de son interlocuteur. « Je sais, que c’est bizarre. Et je peux parfaitement comprendre que de voir le frère de ta voisine comme ça c’est super étrange. Mais c’est cool, c’est cool qu’elle soit bien, que je vois une certaine différence d’avant à maintenant. Je veux pas qu’elle souffre, tu comprends ? Je crois qu’elle a assez souffert, et la petite aussi. Alors je m’en cogne de qui tu es, de qui tu es même pour elle, ou comment elle est pour toi, continu. » En prenant une gorgée de son thé, le kinésithérapeute avait frôlé l'étouffement. Qu'est ce qu'il venait de dire ? Cette fois ci, il songeait vraiment à tuer Carter de ses propres mains. Mais avant qu'il n'ait pu répliquer quoi que ce soit, Hadès avait poursuivi sa longue tirade : « Enfin, je devrais même pas te dire ça, et je veux pas paraître pour le gars collant ou forceur. Je crois que c’est mon devoir de juste t’informer de la situation. Après libre à toi de le répéter, j’ai rien fait de mal, que de vouloir la protéger. » Stephen se passa une main sur le visage. A ce moment il se fichait bien de son rhume et du thé qu'il avait reposé sur la table en face de lui. Ce qu'il s'est passé entre Carter et lui n'aurait jamais du quitter les murs de son salon. C'était un écart, quelque chose qui ne devait pas avoir vocation à se reproduire. "C'est ton devoir de vouloir la protéger ?" Il avait doucement secoué la tête, cherchant des mots qui ne laisseraient pas totalement transparaître le fait qu'il était furax. "C'est plus une petite fille. Tu peux me croire sur parole la dessus." sous entendu à peine voilé. "Et je ne commencerais pas à parler de ce qu'on a fait l'autre jour avec un type que je viens à peine de rencontrer. La situation, je la connais. On vît l'un à côté de l'autre. Je sais parfaitement ce qu'elle traverse et réciproquement. C'était un écart, d'accord ? Rien de plus. On n'est pas ensemble. Maintenant si tu veux bien m'excuser." Il se releva de la chaise pour attraper sa veste, oubliant au passage la boîte de médicaments qu'il était venu chercher mais qu'importe. C'était trop pour lui. Claquant la porte derrière lui, il avait sorti son téléphone de sa poche pour envoyer un message à Carter :
Stephen a écrit:
Faut qu'on parle. Hadès ça te dit quelque chose ?
Et voilà qu'il était revenu chez lui. Sans médicaments, mais avec un beau mal de crâne qui pointait à l'horizon. Quelle journée pourrie.