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 I scream for everything broken in our lives ¤ Gabriel

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Message(#)I scream for everything broken in our lives ¤ Gabriel EmptyVen 21 Sep 2018 - 9:32


I scream for everything broken in our lives.
Wren ne trouvait pas toujours les mots, c'était même rarement le cas. Tout le monde savait qu'il n'était pas bon pour cela, pour les excuses lorsqu'il dépassait les bornes, pour les moments ratés et dieu qu'il y en avait eu jusqu'ici. Pourtant et étrangement même, à la caserne, on savait qu'on pouvait toujours compter sur lui. Il aimait très probablement trop son métier, c'en était maladif. Il se faisait du mal, constamment, à vouloir sauver la veuve et l'orphelin alors qu'il n'avait jamais été préparé à tout cela. Doherty avait simplement choisi cette voie en espérant la rédemption par rapport à ce que son père avait fait subir au reste de la famille. Avait-il choisi de devenir pompier pour autre chose que cela au bout du compte? Il y avait fort à parier que la réponse était négative. Si, bien sûr, il y avait cet obsession étrange pour les flammes, cet amour inconditionnel qui ne s'éteignait jamais réellement. Il voulait s'en débarrasser: certains jours, on pouvait même dire que Wren se méprisait de ressentir cette adoration venue d'outre-tombe. Cela ne voulait pas dire pour autant qu'il était capable de lutter contre tout cela. Au fond, il n'était encore qu'un gamin, un de ceux qui n'avaient pas eu le choix et qui avaient fini par suivre le chemin tout tracé pour lui. Wren était faillible, c'était la principale information à retenir, surtout à ce moment là alors que tout le monde était assis sur un banc dans la salle d'attente de l'hôpital. Il avait joué avec le feu, littéralement, mais un de ses camarades avaient fini par être touchés par cette affaire. Il ne montrait aucune émotion alors que tous ses autres collègues le toisaient avec un dédain évident. Wren, lui, regardait droit devant lui, incapable de faire preuve de remords parce qu'il avait suivi son instinct et que celui-ci leur avait permis de sauver trois personnes supplémentaires. Certes, il n'avait pas demandé à ce que son partenaire se jette à sa suite pour lui filer un coup de main. Pourtant, il aurait dû s'en douter, c'était plus ou moins la devise de la caserne: ne jamais laisser un camarade dans la galère, tout seul au milieu de l'incendie. Wren aimait l'idée néanmoins, lorsqu'il était tout seul au milieu du brasier, ne sachant même pas s'il pourrait en sortir dans un avenir proche. Peut être qu'il recherchait la mort ou un quelconque sens de l'accomplissement qui le rendrait entier à un moment donné, jusque là, il n'avait rien trouvé de tout cela.

Alors, il se releva de son séant pour faire les cent pas dans la salle plus exiguë qu'il ne l'avait imaginé au départ. Il se sentait prêt à étouffer, tous ces regards sur lui, toute cette haine qu'on avait envie de lui déverser mais qu'il n'était pas encore en mesure d'entendre. La fuite semblait être le meilleur moyen et il allait fumer une énième clope de la journée au moment où il s'arrêta devant le comptoir de l'accueil. Wren avait vécu des tonnes d'interventions récemment mais celle qui lui était le plus resté en travers de la gorge restait celle qui avait vu le libraire chez qui il se rendait fréquemment e faire refaire le portrait pour une raison inconnue. Inquiété, un poil perturbé, Doherty avait pris des nouvelles par le standard dès qu'il le pouvait, sans en faire plus. Jusque là. "Bonjour, vous sauriez quel est le numéro de chambre de Gabriel Carnahan?" Et forcément, on finissait toujours par fournir l'information à quelqu'un qui portait un uniforme de pompier. Wren se dirigea vers le couloir indiqué d'un pas assuré, ce qui n'allait pas du tout avec le mal être qu'il ressentait à ce moment là. Il détestait se montrer ainsi, faible, sans repère, ce n'était pas ainsi qu'il avait été élevé, ni par sa suédoise de mère ni par son fou de père. Au final, il se retrouva devant la chambre du libraire, ses yeux se baladant à travers les stores, le voyant éveillé. Que cherchait-il à accomplir à ce moment là? Wren n'aurait su le dire mais peut être qu'il ressentait le besoin de partager quelque chose avec quelqu'un et Gabriel avait toujours été le libraire énigmatique et qui ne jugeait pas ses étranges lectures lorsqu'il passait des heures dans un coin de sa boutique. Possédé par une force encore inconnue, Wren finit par entrer dans la chambre sans savoir ce qu'il allait bien pouvoir prétexter pour justifier une telle visite. "Hey, Gabriel. C'est Wren, je sais pas si tu te rappelles de moi. J'suis un des pompiers présents au moment où tu..." Aurais pu mourir? Certes, mais il ne pouvait pas lui dire. "Je venais juste voir si tu te remettais sur pied." Un sourire timide naquit sur son visage, fait assez rare pour être énoncé quand on se retrouvait face à un Wren Doherty aussi décontenancé, plus fragile qu'à l'accoutumée.
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Message(#)I scream for everything broken in our lives ¤ Gabriel EmptyLun 24 Sep 2018 - 3:56

▲ I scream for everything broken in our lives ▼

@Wren Doherty & Gabriel


Voilà maintenant quelques jours que Gabriel avait été admis aux urgences dans un état préoccupant. De nombreux coups lui avait été porté, déchirant peau et vaisseaux sanguins par endroits, faisant apparaître de vastes ecchymoses, certains des os de sa main gauche avaient été brisé et à son réveil il avait découvert qu’ailleurs sa chair avait été lacéré, lardé par quelque objet tranchant. Aucun doute, le libraire faisait peine à voir, et l’air à la fois sombre et profondément triste qu’il arborait ne faisait qu’accentuer ce fait. Depuis qu’il avait repris conscience Gaby passait de longs moments à ressasser les événements, à retourner cette terrible soirée dans sa tête. La violence et la haine, qu’avait déversé sur lui celui qui fut autrefois son beau-frère, l’avaient profondément marqué, laissant dans leur sillage de nouvelles cicatrices, de nouvelles fêlures, abîmant un peu plus encore une âme déjà si fragile. Aussi, dès qu’il se retrouvait seul dans cette chambre irrémédiablement vide et froide, malgré les quelques fleurs qui tentaient vaillamment d’égayer un temps soit peu l’endroit, le brun se retrouvait vite à broyer du noir. De sombres pensées et d’anciens démons revenaient à la charge, dansant dans son esprit. Gaby savait bien qu’ils n’avaient jamais réellement disparu, qu'ils s’étaient contentés de se terrer dans son esprit, attendant patiemment leur heure. Elle était venue, ils pouvaient recommencer à tourmenter l’irlandais, l’empêchant de fermer l’œil sous peine de plonger dans plus d’obscurité encore.

Un soupir las s’échappa, emplissant un bref instant la pièce silencieuse. Si silencieuse qu’un frisson parcourut l’échine de Gabriel. Il s’était toujours senti mal à l’aise dans les hôpitaux, et c’était probablement normal, mais depuis l’accident qui avait coûté la vie de sa femme et l’avait plongé dans le coma durant de longues semaines c’était presque devenu phobique, épidermique. Et depuis les crises d’angoisse montaient vite, très vite, Gaby ne le savait que trop bien. Fermant les yeux une seconde il s’appliqua à respirer profondément pour apaiser les battements de son cœur qui s’étaient légèrement accélérés, mieux valait anticiper.

Ce fut le bruit de la porte qui le ramena soudain à la réalité. Jetant un coup d’œil rapide à sa montre posée sur l’une des tables de chevet installée près du lit, Gaby fut étonné de constater que ce n’était ni l’heure de ses soins ni celle des visites. Sourcils légèrement froncés il posa ses yeux céruléens sur la haute silhouette de celui qui venait d’entrer. Il fallut un instant au libraire pour que sa mémoire embrumée par les médicaments reconnaisse le jeune homme qui lui faisait face. Plus habitué à le voir en civil, Gabriel ne se souvenait pas l’avoir déjà vu ainsi accoutré, arborant son uniforme de pompier. Cependant il aurait pu reconnaitre son visage entre mille pour l’avoir croisé souvent dans sa boutique mais aussi parce qu’il était de ceux dont les traits vous marquent définitivement, parce qu’ils ont cette particularité, ce petit quelque chose qui rend toute confusion quasi impossible. Et puis outre cet aspect c’était tout autant la personnalité du trentenaire qui avait retenu l’attention de l’irlandais. Sa discrétion, son air secret et cet éclat dans les yeux qui rappeler parfois à Gaby le regard qu’il croisait chaque jour dans son propre reflet. Cet homme-là parlait peu, préférant se plonger durant de longues heures dans des ouvrages dont le sujet commun et particulier n’avait pas échappé au libraire qui s’était cependant abstenu de toute remarque. Ce n’était pas dans ses habitudes, étant lui-même plutôt discret, préférant écouter et observer plutôt que de monologuer et gesticuler. Ca leur faisait un point commun finalement, et c’était probablement ce qui les avait rapprochés inconsciemment. Et Wren avait fini par faire partie de ces habitués qui pouvaient rester là des heures durant et auxquels le gérant offrait volontiers le café. C’était presque devenu une sorte de rituel, le jeune homme toujours installé dans le même coin de la librairie, un peu en retrait, au calme, et Gabriel qui s’assurait de temps en temps que tout allait bien. Un drôle de duo en somme.

Cependant jamais Gaby n’aurait pensé le voir pousser la porte de cette chambre aseptisée. Pourtant, aussi étrange que cela pouvait paraître si l’on considérait que tout compte fait ils se connaissaient sans vraiment se connaitre, il en fut plutôt agréablement surpris, accueillant le nouveau venu d’un léger sourire amical. L’irlandais essaya de se redresser lentement, s’aidant de son bras encore valide. La douleur qui envahit son corps sous l’effort qu’il dut fournir laissa une grimace se dessiner sur son visage. Légèrement adossé à la tête de lit, il s’accorda une seconde, yeux clos, pour prendre une profonde inspiration, comme pour chasser la vague de souffrance qui tiraillait son corps, un instant.

Un instant, puis son regard vint de nouveau croiser celui du pompier. Il lui semblait y lire quelque chose de différent, de plus trouble qu’à l’accoutumée, un air qu’il ne se souvenait pas avoir déjà vu sur le visage du jeune homme. Mais il lui était bien impossible de dire pourquoi et moins encore de ce dont il aurait pu s’agir. Au fond peut-être était-ce seulement les doses d’antalgiques qu’il avait dans le corps qui lui donnaient cette drôle d’impression ?

Wren. Oui il se rappelait de lui bien sûr mais en aucun cas du secours qu’il lui avait porté ce soir-là. La dernière image gravée dans son esprit était le visage de Maximilien et ses excuses, si paradoxales au vue de la situation, des excuses qui lui retournait le ventre et l’esprit d’incompréhension, et soudain plus rien, les ténèbres épaisses et lourdes d'une inconscience provoquée par quelque substance. Gabriel se souvint qu’au détour d’une conversation il avait fini par deviner la profession du trentenaire, en lisant entre les lignes et les mots, dans les silences qui s’allongeaient un peu plus ou un peu moins. Cependant jamais le libraire n’aurait imaginé se retrouver à nouveau dans pareille situation, une nouvelle fois sur un lit d’hôpital, blessé, incapable de se mouvoir. C’était, pour lui, comme être instantanément replonger dans le cauchemar et le tourment qu’était devenue sa vie quatre ans plus tôt. Cette vie qui semblait bien décidée à le malmener encore un peu avant d’enfin le laisser en paix. Ainsi, tout comme après l’accident de voiture, Gaby n’avait aucun souvenir distinct de l’intervention des secours. Il n’avait même aucune idée de qui avait contacté les pompiers. Quelques sensations, des voix et sons lointains et indistincts, des visages flous et des gestes précautionneux étaient les seuls flashs sensoriels qu’il lui restait. Il ne se rappelait de rien d'autre entre sa perte de conscience provoquée et son réveil à l’hôpital sous le regard inquiet de Jameson. Aussi ce fut un air quelque peu désolé qui habilla le visage abîmé de l’irlandais comme pour s’excuser de ne pas se rappeler du secours qui lui avait été porté alors que son regard céruléen croisait les yeux pâles du trentenaire.

Et alors qu'il semblait mal à l'aise Gabriel lui adressa un sourire qui se voulait apaisant alors que la phrase en suspens du pompier se perdit dans le silence froid de la pièce. Un sourire qui se crispa rapidement alors qu'une nouvelle vague de douleur revenait à l'assaut du corps fatigué de l'irlandais. Sur pieds ce n'était pas encore le terme le plus approprié au vu de son état. En effet entre les larges ecchymoses qui coloraient sa peau et une rotule dans un triste état, Gabriel avait encore bien du mal à rester debout plus de quelques minutes d'affilée sans l'aide d'une béquille. « D'après les médecins je devrais me remettre, cette fois encore. » Si son ton se voulait rassurant ses derniers mots se perdirent malgré tout dans un souffle mélancolique. Il se remettrait oui, physiquement, ou tout au moins en partie car il était probable qu'il garde des séquelles de cette agression, comme il en avait gardé de l'accident. Mais psychologiquement... C'était une autre histoire. C'était toujours une autre histoire. La haine et la violence qui s'étaient déversées sur lui avaient ravivé d'anciennes blessures et ouvert de nouvelles failles dans son âme. Lui qui avait eu tant de mal à repartir de l'avant... Fallait-il réellement que le sort s'acharne de la sorte ? Que le passé le rattrape avec tant de férocité ? Lui qui n'aspirait qu'à vivre en paix, qu'à reconstruire une vie qui avait déjà volé en éclats.

A nouveau ses yeux bleus accrochèrent ceux de Wren. « Merci. » Un seul mot qui valait autant pour le secours qui lui avait été porté que pour sa présence dans cette chambre d'hôpital car la vue d'un visage tout à la fois connu et amical mais aussi étranger au passé qui le tourmentait faisait plus de bien à l'irlandais que quiconque aurait pu l'imaginer.

Son regard vint finalement se perdre à travers la fenêtre qui laissait entrer la lumière du jour dans la pièce sans parvenir pour autant à la rendre plus chaleureuse. L'air libre manquait à l'irlandais, pouvoir remplir ses poumons de fraîcheur, d'odeurs plus réconfortantes que celles d'un hôpital, sentir le soleil et le vent sur sa peau, dans ses cheveux, sentir la vie battre son plein partout autour. Enfermé dans cette pièce il se sentait comme un animal pris au piège et soustrait à son environnement. Et au fond de lui il sentait qu'à chaque minute de plus passée là, il s'éteignait peu à peu, se consumant à petit feu. Il lui fallait bouger, sortir ne serait-ce qu'un instant pour ne pas se perdre, ne pas rester sur ce lit, ne pas demeurer cette créature à l'air si pitoyable.

« Ça te dirait de sortir prendre l'air, un moment...» Le ton de Gabriel semblait déjà lointain, il espérait sincèrement que Wren ne lui ferai pas le même coups que ces infirmiers le sermonnant tel un enfant, trouvant déraisonnable le fait qu'il mette un pied dehors et n'ayant guère le temps de l'y accompagner. Un mouvement recentra l'attention de l'irlandais qui posa sur le grand brun, qui lui faisait toujours face, un regard interrogateur. Après tout il n'avait peut-être lui-même guère de temps et son uniforme signifiait sans le moindre doute qu'il était en service. Il avait probablement autre chose à faire. Gaby retint un soupir mélancolique. Plus que tout il redoutait l'instant où la porte se refermerait, plongeant à nouveau cette chambre dans le silence et une pesante solitude.
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Dernière édition par Gabriel Carnahan le Mer 26 Sep 2018 - 13:27, édité 7 fois
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Message(#)I scream for everything broken in our lives ¤ Gabriel EmptyLun 24 Sep 2018 - 16:18


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De la rancoeur, Wren en avait encore, contre le monde entier. Il n'avait jamais réussi à comprendre pourquoi certaines personnes semblaient juste être nées pour souffrir, quand d'autres vivaient la belle et tendre vie dans le rôle du bourreau. Le jeune pompier n'aurait même pas été en mesure de se placer dans l'une ou l'autre catégorie, peut être était-il les deux, selon le contexte du moment. En tant que Doherty, il était habitué à être méprisé: il avait fait beaucoup de mal par le passé, au nom de quelque idéal désormais bel et bien révolu. Il y avait cru pourtant à tout cela, à la rédemption, l'amour, les cris du coeur. Depuis cette épreuve avec son père, le suédois avait totalement abandonné la notion même de foi, ou de confiance. Il ne croyait plus en rien du tout, perdu dans des eaux étranges où ne régnait rien d'autre que la peur et le chagrin. Il aurait aimé que les choses soient différentes, que sa mère marche à nouveau ou puisse humer l'air frais un jour de grand soleil mais tout cela était peine perdue. Wren le sentait, Wren le savait, peut être même l'avait-il toujours su. Il n'y avait pas de seconde chance quand on portait un nom de famille aussi tragique que le sien: il fallait continuer sur des chemins tortueux et simplement espérer ne pas trop avoir à souffrir avant d'arriver au bout du tunnel. Lui était mal parti, il ne savait pas se contrôler, ou en tout cas, il ne savait pas agir en société pour se faire accepter par ses pairs. Après tout, Wren aurait très bien pu attendre sagement la fin de l'intervention, ne pas sourciller et ne rien dire... Il s'y connaissait en langage muet pourtant puisqu'il était capable d'enchaîner trois jours d'affilée sans prononcer une seule onomatopée. Cette fois, il n'avait pas pris cette décision là: il avait couru vers les flammes, sans se soucier des personnes derrière lui, de tous ces gens qui avaient encore une famille à perdre contrairement à lui. Alors, il aurait naturellement dû s'en vouloir d'avoir mis un collègue sur un brancard, sans même savoir si l'opération qu'il devait subir était grave ou non. Wren serait mis à pied, il le savait fort bien et en avait peur. A chaque fois qu'on lui avait retiré son travail pour un laps de temps, aussi court fut-il, il avait dérapé. Le pompier n'était juste pas fait pour être inactif: sans le brasier, il n'était plus rien. Juste une carcasse, quelque chose qui attendait la mort avec une fragilité déconcertante. C'était l'image qu'il présentait désormais, le regard éteint, les paumes tremblantes en s'avançant dans un hôpital qu'il ne connaissait que trop bien. Il méprisait la moindre odeur, la moindre vision de blouses blanches et de pleurs qui se répétaient inlassablement dans ses tympans. Etait-ce ses collègues qui hurlaient à la mort de savoir qu'un des leurs était parti? Wren n'était pas capable d'entendre le verdict pour le moment, il était lâche, bien trop lâche pour mériter ne serait-ce que le droit de passage jusqu'à la chambre de Gabriel Carnahan. On l'ignorait, les infirmières, les médecins, personne ne lui adressait le moindre regard au moment où il passait la porte et c'était certainement mieux ainsi. Doherty était une véritable cocotte minute à l'heure actuelle et le moindre faux pas à son égard présentait un risque immense pour le reste de la population. Il avait mal au crâne, il sentait son coeur battre à tout rompre au sein de sa poitrine, il voulait fuir mais ne pouvait que rester, les jambes encore chancelantes dès le moment où il appuya sur la poignée.

Entrer dans cette chambre lui fit tout oublier ou presque, probablement parce que la vision du libraire face à lui effaçait le moindre trouble qui occupait encore son esprit. Gabriel avait été mis à tabac avec une violence sans égale, cela, Wren en avait été témoin puisqu'il avait dû récupérer son camarade dans un état pitoyable. Néanmoins, il n'était pas certain que le pompier se fut attendu à un tel état bien des jours plus tard: les ecchymoses étaient éclatantes, le teint blafard de tout ce sang qui avait dû joncher le sol au moment où on l'avait frappé. La douleur de Wren n'était plus qu'un lointain souvenir à partir de là, c'était juste celle de Gabriel qui occupait le moindre espace de sa carcasse dégingandée. Il avait mal pour cet homme qui paraissait si frêle dans ce lit d'hôpital décidément loin d'un standing qu'il aurait pourtant mérité. Pourquoi faire souffrir quelqu'un comme lui? Pourquoi vouloir tuer l'innocence incarnée? S'il y avait une personne qui méritait de disparaître dans cette pièce, c'était clairement le pompier et cela, tout le monde aurait pu en témoigner. Son père était un amoureux obsessionnel du feu, sa mère était morte à l'intérieur, sa soeur se vendait à des escrocs et son frère n'avait pas l'air d'avoir une parcelle d'âme encore vivante depuis l'adolescence. Etait-il mieux qu'eux? Non, loin de là. Il ne regrettait pas sa décision de casse-cou quelques heures plus tôt et il entendait siffler à ses oreilles les bruits des machines qui devaient maintenir son camarade en vie. Instinctivement, le jeune pompier se tint au mur, blafard à son tour de tout ce dont il avait été témoin en l'espace d'une seule journée. Ses yeux, pourtant, résistèrent. Wren ne sourcilla pas, regard rivé sur Gabriel, sur cet homme qui méritait tout le bonheur du monde et qui n'en récoltait que le glas. Il était en vie pourtant, on se demandait encore comment vu les blessures qu'il arborait mais il était un survivant. On lui offrait cette seconde chance et peut être qu'à ce moment là, Doherty se disait qu'il y avait un Dieu. Il n'avait pas la foi pourtant mais Carnahan était peut être la preuve vivante qu'il fallait encore croire en une force supérieure, si elle existait. Celui-ci était encore en mesure de parler, même si son état de forme n'était pas excellent en vue du ton qu'il dût employer pour s'exprimer. Wren se redressa instantanément cela dit, sentant qu'il devait être l'incarnation de la force pour cet homme qui n'avait que cette vision de lui du monde, entouré de murs blancs et de bruits tonitruants. "Me dis pas que c'est pas la première fois que tu te fais tabasser comme ça... Bientôt, je vais croire que t'es puissant dans le monde de la délinquance." Wren se mit à sourire, espiègle parce qu'il plaisantait... Lui, agir ainsi, c'était un véritable miracle mais il y avait toujours eu ce pacte secret entre les deux hommes qui poussaient le suédois à faire preuve de plus de familiarités qu'avec d'autres. Il ne croyait évidemment pas une seule seconde à ce qu'il venait de suggérer ou alors, le monde criminel était dirigé par les Télétubbies et on lui aurait bien menti. De toute évidence, ce n'était pas le cas puisque Wren avait fait partie de cet univers souterrain, côtoyant les pires malfrats pour quelques doses d'exaltation qui n'avaient aucune valeur. La pensée s'évapora bien vite puisque Wren hocha la tête en entendant le remerciement de Gabriel. Il ne pouvait décemment pas lui dire qu'il ne méritait aucune marque d'affection à l'heure actuelle, non, tout cela ne devait pas entrer en ligne de compte à ce moment là. De toute manière, un autre questionnement effaça tous les autres étant donné que Gabriel émit le souhait de se bouger de son lit, autant dire que c'était totalement interdit et que s'ils se faisaient attraper à traîner dans les couloirs, ils allaient tous deux se faire remonter les bretelles très sévèrement... De quoi enthousiasmer Wren qui s'avança d'un pas déterminé vers le lit de Gabriel, lui offrant tout de suite son soutien pour le lever. "On va faire ça, ouais. Par contre, discrétion sinon on est morts." Le miracle sembla fonctionner puisque Wren réussit à traîner Gabriel jusqu'au jardin, non sans éveiller les soupçons d'un ou deux personnels de santé sur le chemin. "Pause clope, vous connaissez pas les addictions, ça se voit." Ce n'était pas totalement un mensonge puisque Wren sortit une cigarette de son uniforme dès le moment où il put relâcher Gabriel sur un muret, enfin libre de ses mouvements. "Il s'est passé quoi exactement avec toi? T'as pas l'air d'attirer les emmerdes quand je te vois à la librairie donc..." Il tira sur son mégot, son regard vert d'eau coincé sur Gabriel, intrigué par tout ce qui pourrait lui dire. Au moins, il pouvait tout oublier pour se plonger dans les tracas du libraire, c'était déjà une belle technique de fuite pour lui.
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Message(#)I scream for everything broken in our lives ¤ Gabriel EmptyMer 26 Sep 2018 - 8:37

▲ I scream for everything broken in our lives ▼

@Wren Doherty & Gabriel

Finalement Gabriel restait malgré tout celui qu’il était plus jeune, trop doux pour un monde qui ne l’était guère. Lui qui pensait s’être un peu renforcé, caparaçonné au fil des années pour mieux se protéger, il semblait maintenant que ce n’était qu’illusion. C’était sans doute pour cette raison qu’il se sentait tant en sécurité au milieu de ses livres à l’abri de sa chaleureuse boutique. Là où il faisait d’agréables rencontres de passionnés, d’amateurs de belles écritures ou de personnes à la recherche de quelque vérité ou savoir que de vieux ouvrages renfermaient.

Et pourtant c’était précisément là que le destin avait frappé avec tant de violence quelques jours plus tôt. Dans ce lieu d’ordinaire si tranquille, petit havre de paix et de sérénité au cœur de la ville. L’endroit où l’irlandais se sentait précisément le plus en sécurité. La vie avait tout de même un humour sacrément douteux à bien y réfléchir…

Un humour de merde…

Sa main encore intacte se crispa. A cet instant il aurait volontiers crié au monde qu’il avait eu son compte et qu’il voulait seulement qu’on le laisse en paix maintenant. Car cet événement avait libéré quelque chose d’assez inhabituel chez le libraire, un sentiment qu’il ne se connaissait guère. De la colère, Gaby pouvait la sentir là, encore tapie au fond de ses entrailles depuis son agression. Une sensation brûlante, comme un feu nouveau dans son âme, une chose avec laquelle il n’avait, jusqu’ici, presque jamais eu à composer. Bien sur il connaissait ce sentiment comme tout un chacun mais il y avait été si peu confronté que c’était pour lui quelque chose d’assez étranger. Rares étaient ceux pouvant prétendre l’avoir entendu élever la voix ou manifester un geste d’irritation. Plus rares encore ceux qui pouvaient se vanter d’avoir réellement fait sortir de ses gonds le placide irlandais, d’être parvenu à toucher une corde trop sensible, d’avoir tapé dans le mille. Son beau-frère en faisait désormais parti.

Ce soir-là Gabriel avait réalisé que sa colère n’était pas tant une réponse à la violence de Maximilien. Non il y avait autre chose. Il lui en voulait de se servir de lui comme bouc émissaire, il lui en voulait de sembler ne s’être jamais remis en question. L’ancien militaire s’était uniquement contenter de se servir du libraire comme un coupable idéal à traîner dans la boue avant de lui attribuer son châtiment. Mais tout cela ne lui servait qu’à expier ses propres fautes et la rancœur qu’il éprouvait envers lui-même et la vie, de cela Gaby en était convaincu. La vérité était que Max n’avait pas la moindre idée de ce que Gabriel avait vécu, et encore moins l’envie de le savoir. Il cherchait seulement un moyen d’évacuer le trop plein de haine et de violence qu’il avait accumulé. Et pour ce faire il s’était servi de ses poings comme armes et du libraire comme cible. Oui Gaby lui en voulait, en particulier de s’être servi de la mort de Moïra comme excuse pour trouver un exutoire au chagrin et à la douleur qui l’habitaient depuis bien plus longtemps que ce tragique événement.

Ressasser encore et encore…

Voilà pourquoi Gabriel craignait tant la froide solitude de cette chambre d’hôpital. Parce que coincé ici, entre ces quatre murs, il savait que tout cela finirait par le ronger, le bouffer littéralement de l’intérieur. Et quelque part c’est ce qu’il redoutait le plus. Une longue et lente chute vers d’obscures profondeurs. Il l’avait déjà expérimenté, il savait à quelles extrémités cela pouvait le conduire, jusqu’à quelles pensées morbides. Des rêves de mort…

Il s’y refusait, pas cette fois. Il avait fait une promesse. Déjà tant de chemin parcouru pour s’en sortir, pour se relever, avancer. Faire demi-tour était à présent exclu. Il était hors de question de sombrer de nouveau et peut-être que cette colère sommeillant au cœur de ses tripes n’était pas une si mauvaise chose. Elle pouvait le tenir debout pour le moment. Cette fois-ci l’irlandais était conscient qu’il n’était pas seul dans ce combat contre les fantômes qui le hantaient et il avait décidé de se battre.

Et bien qu’il se sentait infiniment vulnérable et las en cet instant il n’était pas décidé à se laisser aller, il essayait de rester alerte malgré les médicaments qui l’assommaient encore, faire marcher sa tête pour éviter de laisser trop de place à ses idées noires. Tout était bon à prendre pour ce faire, des livres que Jameson lui avait laissés aux visites qu’il recevait, même les plus inattendues. Car lorsque Wren avait franchi la porte de sa chambre dans son uniforme des pompiers de Brisbane c’eut été mentir que de dire que Gabriel n’avait pas été surpris. Néanmoins il ne posa pas de questions, pour le moment. D’une part ce n’était pas dans ses habitudes, d’autre part il savait le jeune homme au moins aussi secret qu’il pouvait l’être. Qui plus est cela lui faisait toujours sincèrement plaisir de voir un visage familier et amical. Et puis il y avait l’éclat trouble que le libraire avait cru décelé dans les yeux pâles du trentenaire, l’espace d’un instant, et qu’il ne leur connaissait pas. Les questions attendraient.

Un sourire amusé accueillit la remarque espiègle de Wren. L’idée ne manquait pas d’humour il fallait le reconnaître. « Qui sait ? », répondit-il sur un ton similaire avant de reprendre avec un peu plus de sérieux. « Non, j'avoue que le passage à tabac est une première » Il marqua une courte pause, désignant d’un regard circulaire la chambre. « Tout ça en revanche c’est une autre histoire… »

Gabriel afficha un sourire comme pour dédramatiser cette dernière phrase lâchée dans l’air aseptisé. Wren serait sans doute parvenu à le faire rire sans ces côtes fêlées qui rappelèrent le libraire à l’ordre. Et au vu des circonstances actuelles cela relevait déjà en soi d’un véritable petit exploit. La présence inopinée du pompier prenait soudain des airs de main secourable qu’on lui tendait. Et pour l’irlandais c’était une échappatoire inespérée, si courte fut-elle. Une occasion qui ne se représenterait sans doute pas de si tôt. C’est pourquoi il en profita pour proposer de sortir, filer dehors, respirer enfin un air qui n’embaumait pas la solution antibactérienne et le désinfectant, entendre autre chose que les sons des machines, le couinement de roues des chariots des infirmières, les complaintes des familles et les prescriptions des médecins. Retrouver un peu de vie en dehors des murs de l’hôpital. Et l’idée ne sembla pas franchement déplaire à Wren, bien au contraire même puisqu’aussitôt dit aussitôt fait les voilà se frayant un chemin jusqu’à la sortie, Gaby soutenu aussi bien par sa béquille que par le jeune homme.

« Je crois que la mort patientera bien encore un peu », lâcha t-il en réponse au trentenaire sur un ton devenu plus vif à l‘idée de braver l’interdit ridicule qui le confinait dans sa chambre.

Ils eurent tout de même droit à quelques regards de travers, dissipés par l’assurance du pompier, avant d’enfin parvenir dehors. Une fois installé contre un muret sur lequel il s’appuya, l’irlandais ferma les yeux un instant, inspirant à plein poumons comme si il reprenait réellement son souffle pour la première fois depuis bien longtemps.

« Merci pour ça aussi », le libraire rouvrit les yeux, les posant sur son vis-à-vis qui venait d’allumer une cigarette. Wren et son éternelle clope vissée au coin des lèvres. Gabriel avait remarqué que même à la librairie le jeune homme se levait à intervalles plus ou moins réguliers pour sortir fumer. Et généralement la fréquence de ses pauses cigarettes donnait une assez bonne idée de son humeur ou ses états d’âmes. Suivant de son regard céruléen les volutes de fumée qui s’élevaient avec lenteur et légèreté dans les airs, l’irlandais se demandait si cela avait un réel pouvoir apaisant. La voix du grand brun interrompit le cours de ses pensées.

« On dirait bien que je n’ai pas vraiment besoin de les attirer pour qu’elles me trouvent », lâcha t-il dans un souffle encore un peu songeur.

Ce qu’il s’est passé exactement ?

Exactement... Le savait-il seulement ? Il n’en était pas certain, tout était allé si vite, avec tant de violence.

« Disons que parfois quand le passé te rattrape il frappe pus fort que ce que tu aurais pu penser… » C’était le cas en l’occurrence. Littéralement.

Dehors l’hiver austral laissait doucement place au printemps, la vie revenait, partout, tout le temps, suivant ses cycles comme une horloge bien réglée. Gabriel, lui, avait l’impression d’avoir perdu le compte des jours et du temps dans cette chambre isolée de tout. Il se sentait un peu perdu dans ce monde et il avait hâte de rentrer, fermer la parenthèse hospitalière, reprendre le fil de sa vie, d’avancer.

L’irlandais se racla la gorge, il savait qu’il n’avait pas répondu à la question, pas clairement du moins. Et si cela avait été quelqu’un d’autre il se serait sans le moindre doute contenter de cette phrase aussi vague que vide de sens sans rien ajouter de plus. Mais voilà il s’agissait de Wren et si étrange que cela pouvait paraître quelque chose le poussa à continuer, l’instinct sans doute, cet instinct qu’il avait toujours écouté et contre lequel il ne s’opposait guère. Pourtant ces mots-là étaient encore douloureux et il fallut tout de même une bonne poignée de minute à Gabriel pour qu’un son sorte à nouveau de sa bouche.

« Je… J’ai été marié »
, ses yeux bleus, soudain voilés tel un ciel d’été tournant à la pluie, se posèrent sur l’attelle qui enserrait son annulaire gauche, en lieu et place de son alliance. Cette dernière, elle, n’y était plus, elle gisait au fond d’un petit sachet dans la table de chevet de ce maudit lit d’hôpital. Aux urgences les secouristes n’avaient pas eu d’autres choix que de la découper tandis que l’irlandais flottait dans une profonde inconscience. Ce n’était qu’à son réveil qu’il avait vu le petit anneau tranché, on lui avait assuré qu’un bijoutier pourrait sans mal la ressouder. Pourtant personne ne pourrait réparer la déchirure qui s’était ouverte dans son cœur à la vue de cette alliance, qu’il n’avait jamais quittée, découpée. La colère voulut refaire surface lorsque lui revint en mémoire le visage de Maximilien lorsqu’il lui avait brisé les os de la main, mais Gaby l’étouffa bien vite. Il prit une profonde inspiration et poursuivit d’un ton plus sûr. « J’étais marié et probablement le plus heureux des hommes jusqu’au jour où un type a percuté notre véhicule de plein fouet. Ma femme, Moïra, est morte sur le coup, je ne l’ai appris que bien des semaines plus tard en sortant du coma. Ca fera bientôt quatre ans. »

Gaby prit une longue inspiration. Tout paradoxal que cela puisse être si chacun de ces mots lui faisait l’effet d’une lame enfoncée toujours plus profondément dans son âme, cela lui faisait aussi du bien de réussir à extérioriser. Car parler de ces événements tragiques demeurait une épreuve pour le libraire et rares étaient ceux à qui il s’ouvrait de la sorte. Passant une main parmi ses mèches brunes le libraire effleura du bout des doigts une des plaies ouvertes à la naissance de son crâne.

« C’est son frère qui m’a fait ça. Il me tient pour personnellement responsable de ce qui est arrivé. C'est moi qui conduisait ce jour-là et Moïra était en quelque sorte sa seule famille. »

En prononçant ces mots Gabriel eut l’impression de se libérer d’un poids, Wren était désormais l’une des rares personnes à qui il était parvenu à exposer aussi explicitement les faits. Il souffla profondément. Son regard revint se poser sur le pompier et après une longue hésitation l’irlandais finit par lâcher à son tour la question qui s’était installée dans son esprit.

« Et toi qu’est-ce qui t’amène ? » Bien sûr il n’était pas rare de croiser des pompiers à l’hôpital, simplement lorsqu’ils étaient en service ils se contentaient d’acheminer victimes et blessés jusqu’aux urgences avant de passer ensuite le relais aux équipes médicales sur place et de repartir. « Ce n’est pas juste pour rendre visite à ma carcasse amochée de libraire pas vrai ? », sa voix était douce mais Gabriel n’était pas dupe, il avait remarqué que quelque chose était différent chez le jeune homme. Ce n’était cependant pas vraiment courtois de sa part de l’interroger de la sorte alors même qu’il l’avait aidé à mettre le nez dehors. « Tu n’es pas obligé de répondre en fait. »
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Message(#)I scream for everything broken in our lives ¤ Gabriel EmptyMer 26 Sep 2018 - 17:30


I scream for everything broken in our lives.
Le combat était délicieux, quoique tortueux. Vivre avait ce goût là en tout cas. Parfois, Wren avait envie de jeter l'éponge, sentant le poids de ses doutes sur ses épaules et puis, il relativisait, se disant que la merde était certainement plus noire ailleurs. Certes, la sienne était quand même bien relevée quand on regardait de plus près le palmarès des Doherty mais est-ce que pour autant il était condamné à répéter ses erreurs passées? Il avait un père complètement fou, certes et il avait cette tendance à vouloir tester les mêmes limites que lui mais ce n'était pas pour autant que la suite était écrite dans le marbre. Wren pouvait encore lutter contre sa nature profonde, celle qui semblait mettre à mal les Doherty depuis la nuit des temps. Il fallait toujours qu'ils aient une addiction à quelque chose et en général, celle-là les tuait avant qu'ils ne vivent vraiment vieux. Le grand père de Wren avait péri dans un verre d'alcool, son père avant lui était décédé à cause de sa lubie des voitures à grande vitesse et il paraîtrait que son père avant lui était mort à cause d'une addiction un peu terrible au sexe qui l'avait entraîné vers les bas fonds de la connerie. Pour Wren, son père et son frère cadet, le problème restait le feu. Ce n'était pas mieux que leurs ancêtres évidemment mais a priori, Wren sentait l'affaire plus gérable que pour d'autres personnes. Il avait des hauts et des bas, comme tout le monde d'ailleurs, mais il avait la sensation de s'en sentir beaucoup mieux que quelques années auparavant. A peine sorti de l'adolescence, le jeune Doherty avait été en proie à la pire des addictions, la drogue, le seul substitut qu'il avait trouvé pour se sortir de ses idées noires, la fumée occupant son esprit presque constamment. Alors, la cocaïne avait été le remède le plus douloureux à tous ces maux qui n'avaient plus beaucoup de sens quand on les comparait à ce que vivait Wren ces derniers temps. Il n'en était pas mort, fort heureusement, mais s'en détacher avait été la bataille la plus rude qu'il avait eu à mener. Avec du recul, aujourd'hui, il se disait qu'il était plus con que la moyenne s'il pensait être réellement débarrassé de ce genre de démons, ce n'était pas bête ce qu'on disait de l'addiction à la drogue, on ne s'en sortait jamais totalement. Parfois, Wren y pensait encore et l'envie le consumait, le rendant encore plus exécrable qu'il ne l'était en temps normal. Dans ces moments là, le pompier sortait toujours une cigarette, les mains tremblantes et retrouvait le goût de vivre après qu'il ait passé dix minutes à avaler cette fumée de la mort. Le fléau état là, plus présent que jamais, Wren se perdant éternellement dans cette étrange obsession, la fumée qui entrait dans ses poumons lorsqu'il était en intervention, la fumée qui tuait sa gorge quand il avait une clope au bec. Il n'y avait peut être pas une minute dans une journée où Wren n'était pas juste à côté des flammes. C'était peut être pour cela qu'il ne dépassait pas encore les limites: il ne ressentait pas tout à fait le manque de ces sensations étranges qui le prenaient au coeur et au corps en sentant l'odeur d'un feu qui s'éteignait. Que deviendrait-il lorsqu'on le virerait de la caserne? Et qu'adviendrait-il s'il chopait une maladie de la mort et si on lui demandait d'abandonner l'idée même de la cigarette? Peut être qu'à ce moment là, on ne pourrait plus rien pour lui. Peut être, oui, que ce jour là, il deviendrait son père, le véritable descendant de la célèbre lignée des Doherty. Wren n'aimait pas penser à cela, surtout pas lorsqu'il s'agissait d'imaginer devenir comme cet homme qu'il méprisait tant, celui qui avait fichu sa vie en l'air en détruisant sa tendre mère pour toujours. Il ne pouvait pas s'en empêcher pour autant, cet homme était le fantôme le plus important à son existence et c'était parce qu'il existait que Wren faisait tout pour ne pas tomber dans ses travers. Il tenait à rester dans le droit chemin, se perdant sans cesse dans son travail, s'oubliant dans les soirées les plus ennuyantes de l'univers pour ne pas avoir à penser à son avenir troublant. Être un Doherty, c'était la pire lutte qui puisse exister mais c'était aussi celle qui rendait ce monde si intéressant parce qu'il ne l'avait pas choisi, que le destin avait mis ces embûches sur sa route mais il avait dans le même temps décidé de le rendre unique. Fou, mais unique.

Et au milieu de cette débâcle, il y avait des rencontres avec des gens qui se battaient eux aussi pour survivre dans un monde plus qu'insensé. Wren ne se rappelait plus vraiment la première fois que ses yeux verts d'eau avaient croisé ceux plus sombres de Gabriel mais il était persuadé que la rotation de la Terre s'était modifiée à ce moment là. Oui, c'était comme si la Terre avait compris que ces deux êtres devaient se rencontrer à un moment donné. Les voir ensemble, c'était réaliser que la vie n'était pas clémente, que le karma avait trouvé des victimes idéales mais c'était aussi ce do qui laissait penser que parfois, l'amitié pouvait provoquer de belles et grandes choses. On pouvait réellement le penser en les voyant se regarder dans le blanc des yeux au beau milieu de cette chambre d'hôpital, aussi austère que toutes les autres. Wren n'était pas un adepte des mots de manière générale mais il aurait certainement aimé pouvoir lui dire qu'il méritait mieux que cela, que cette présence dans un endroit aussi mal famé, lui qui n'avait jamais blessé personne a priori. Après tout, Gabriel avait les traits de l'innocence encore bien ancrés sur son visage et il n'avait pas l'air de cacher son jeu derrière des mots doux et des attentions dignes d'un grand homme. A chaque fois que Doherty se rendait dans sa boutique, Carnahan déposait un café bien chaud devant lui, sans lui dire quoique ce soit, juste parce qu'il avait constaté que cela faisait deux bonnes heures que le pompier se perdait dans des encyclopédies avec des mots trop complexes pour être saisis par le commun des mortels. Quelque part, Gabriel aavit son secret entre les mains puisque lui seul avait connaissances des livres qu'il pouvait lui emprunter le temps de quelques heures, lui seul pouvait déceler ce trouble vicieux qui circulait dans ses veines suédoises. Il ne commentait jamais pourtant, répondant le plus simplement à ses requêtes tout comme il pouvait répondre à sa question à ce moment précis. Wren laissait échapper un léger sourire face à son second degré, comme si rien de ce qu'il venait de vivre ne semblait l'avoir bouleversé. C'était faux bien évidemment vu ce que cachait ses yeux derrière ces mots innocents: il souffrait, tout comme lui. "Et une dernière, espérons le. J'espère bien que plus aucun pègre de la mafia ne touchera à un de tes cheveux, t'es pas le genre de gars qui mérite un abonnement à ce genre d'endroits." Pourtant, son discours laissait présager qu'il y était déjà venu par le passé. Wren, lui, y passait le plus clair de son temps et quelque part, il se nourrissait du malheur environnant pour ne pas avoir à penser au sien. Sa méthode était ancestrale mais plus ou moins efficace comme il ne pensait pas au feu dès qu'il passait les portes de l'hôpital. "La mort a d'autres priorités, tu sais, c'est le malheur qui se réjouit en attendant." Ils étaient tous les deux aussi cyniques lorsqu'il s'agissait de commenter leur mode de vie, a priori. Wren préférait en rire qu'en pleurer et de toute évidence, son humeur était bien trop déprimante pour qu'il puisse envisager une autre entrée. Enfin, heureusement, il y avait du soleil en dehors de ces quatre murs et y entraîner Gabriel était une véritable sinécure pour les deux hommes. La nature les entourait et Doherty en oubliait presque qu'ils étaient encore dans la propriété de l'hôpital. Non, à ce moment là, il n'y avait qu'eux deux, le bruit des oiseaux et du vent puis la chaleur du briquet proche de ses doigts. Happer l'air de sa cigarette le rendit plus accueillant instantanément, ses yeux se perdant sur le décor, attendant peut être que Gabriel vienne à lui sans qu'il n'ait à le pousser. Ils étaient radicalement différents et pourtant, il y avait cet aura autour d'eux qui laissait présager qu'ils étaient plus proches que jamais. Wren ne commenta pas l'affaire, laissant Gabriel ouvrir la bouche pour narrer son histoire. Ses yeux le regardaient cela dit, concentré sur les traits innocents qui se fronçaient sous le fardeau de la douleur qui le transperçait certainement. Celle-ci n'était plus physique, même si des ecchymoses peuplaient encore son corps, elle était profondément ancrée dans son âme et le pompier partageait cet élan de tristesse avec lui. "Le passé est un connard, si tu veux mon avis sur la question. La preuve, il avait aucune raison de se ramener pour te tabasser comme ça. T'es pas responsable de tous les maux de la terre et je suis quasi sûr que t'es pas responsable du décès de ta propre femme... Tu devais l'aimer comme un dingue, ça se voit dans tes yeux, t'es triste tout le temps et si ton beau frère comprend pas ça, c'est qu'il est tordu. On tue pas les gens qu'on aime. C'est le destin qui le fait pour nous." Wren ressentait tout cela en tout cas. Il pensait à sa mère, aux affaires criminelles qui entouraient son frère et sa soeur ces derniers mois et il se disait que le destin et tous ses sbires avaient un humour bien particulier s'ils prenaient leur pied avec leur misérable vie. Gabriel avait perdu la personne qu'il aimait, on lui en voulait pour cela et il ne pouvait juste rien y faire, voilà qui rendait la vie encore plus cruelle aux yeux du suédois. Celui-ci terminait sa cigarette sur ses mots d'une profondeur désespérante alors que Carnahan l'interrogeait à son tour sur sa présence ici. Wren aurait pu être évasif sur le sujet, c'était ce qu'il faisait en général avec les gens qui s'intéressaient de trop près à lui mais avec Gabriel, c'était différent. Il s'était confié, alors, Wren ne pouvait qu'en faire de même, à son échelle. "T'as raison, je suis un peu venu te voir sur un coup de tête mais ça m'a semblé nécessaire, comme si c'était absolument ce que je devais faire, là maintenant... J'ai foutu la vie d'un collègue en l'air. On était en intervention et j'ai agi sans l'avis de mes supérieurs, il m'a suivi et c'est lui que le destin a choisi alors... Il est en train de se faire opérer là et le reste de l'escouade me déteste. Moi même, je me méprise parce que je peux pas m'en empêcher. Je suis juste comme ça, j'ai besoin de ça, de me jeter dans le brasier, comme si j'attendais la fin ou quelque chose du style. Enfin, c'est débile ce que je dis." Il ne parlait jamais autant, surtout pas quand il s'agissait d'exposer ses sentiments à quelqu'un d'autre. Wren écrasa son mégot avec détermination, s'adossant au muret à son tour, posant son regard dans celui de son partenaire du moment. "Merci de jamais avoir rien dit sur ma présence dans ta boutique. Je suis pas très fier de cette partie de moi. Enfin, je suppose qu'on a tous nos failles, je suis pas sûr de connaître la tienne cela dit..." L'Homme était globalement un aimant à emmerdes, eux deux avaient juste trouvé la recette parfaite pour sublimer le résultat en la matière. Au moins, ils semblaient s'être trouvés au sommet de ce chaos vu le fin sourire que Wren exposa à Gabriel à ce moment là, les bras croisés, presque apaisé.
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Message(#)I scream for everything broken in our lives ¤ Gabriel EmptySam 29 Sep 2018 - 4:40

▲ I scream for everything broken in our lives ▼

@Wren Doherty & Gabriel

Personne n’aurait pu imaginer à quel point cette virée hors des murs trop froids de l’hôpital était salvatrice pour Gabriel. Il avait toujours eu besoin de pouvoir s’évader, de se sentir libre, pouvoir s’échapper autant physiquement que mentalement. Il s’agissait de quelque chose de vital pour lui, à l’instant où il se sentait enfermé c’était comme mettre en cage un animal sauvage, priver un être-vivant de son essence profonde. C’était inscrit dans son sang, dans ses veines et personne ne pouvait lutter contre ça. Un insatiable besoin de liberté l’habitait, instinctivement. C’était sans le moindre doute la raison pour laquelle il ne supportait guère les espaces clos et confinés et la promiscuité d’une foule trop dense. Et sur ce point Moïra et lui avaient toujours été incroyablement complémentaires, deux âmes libres, deux êtres épris de vie et de vent. Rien ni personne ne pouvait espérer les enfermer, il leur fallait les grands espaces pour leurs corps, les idées, l’art, la culture pour leurs esprits. Et c’était précisément ce qui les avait amené sur la route ce funeste jour, une de leurs escapades en plein cœur de la nature canadienne. Mais personne n’aurait pu prédire ce qui arriverait, que le bonheur de dix années volerait en éclat en dix secondes. La vie tenait finalement parfois à si peu de choses. Si peu…

Et après ça comment se relever ? Comment reprendre le cours de son existence ? Lorsque la personne autour de qui tout votre univers tournait disparait à jamais de manière si brutale. Le plus dur c’est pour ceux qui restent… Une phrase toute faite, usée jusqu’à la corde, usitée à outrance, presque vide de sens, et pourtant… Pourtant il y avait du vrai là-dedans. L’irlandais en avait fait la douloureuse expérience, aux premières loges qui plus est, c’était lui qui restait. Il s’était soudain trouvé comme seul au milieu d’un monde qu’il ne comprenait plus, et le soleil qui continuait à se lever et se coucher chaque jour inlassablement, alors que pour le libraire le temps semblait s’être arrêté. Et pourtant même aux moments les plus sombres, au plus profond des ténèbres, il y avait eu ces mains tendues, prêtes à le ramener à la surface, à lui faire remonter la pente. C’était sûrement ce qui l’avait sauvé. Oui c’était sans le moindre doute les autres qui l’avaient sauvé de lui-même. Ces personnes qui l’entouraient, celles qui avaient croisé sa route et qui la croisaient encore, toutes celles qui faisaient qu’il n’était finalement pas si seul dans ce monde sans queue ni tête. Et parmi elles il en était qui avait si profondément marqué l’irlandais qu’elles avaient laissé dans sa vie une empreinte indélébile. Wren était sans nul doute de ces personnes-là. C’était quelque chose qui ne s’expliquait pas, il y avait simplement des êtres qui étaient faits pour se rencontrer, comme si  cela faisait parti de l’ordre naturel des choses, comme une évidence. Dans leur cas il était probable que cela tenait en partie aux fêlures de leurs âmes qui avaient trouvé un écho chez l’autre.

Gaby observa un instant le jeu des nuages poussés par le vent dans le ciel bleu de Brisbane. « Comme un dingue oui… », finit-il par lâcher dans un souffle songeur, reprenant les mots du pompier.

Tandis qu’il écoutait Wren exposer son point de vue, l’irlandais eut l’impression qu’il parlait d’expérience. Son ton avait changé, irrévocablement empreint de son propre vécu à ce sujet. Et, pour une raison que Gaby n’arrivait pas bien à cerner, cela lui retournait les tripes. Il y avait une proximité qui s’était très vite établie naturellement entre eux. Cela pouvait paraître étrange si l’on considérait que jusqu’alors ils ne savaient finalement pas grand-chose l’un de l’autre. Pourtant il y avait une sorte de confiance mutuelle qui s’était installée, sans qu’ils aient besoin de se connaître de longue date. Ils n’avaient jamais eu besoin de longs discours. Quelque part c’était un peu comme s’ils se comprenaient sans vraiment se connaître, comme si leurs âmes étaient liées par un pacte scellé au-delà des âges, sans qu’ils n'en aient connaissance.

Et c’était sans doute pour cette raison que ces deux hommes naturellement si secrets se retrouvaient en cet instant, un moment de grâce, parenthèse salutaire au milieu des tourments de leurs vies. Si bien qu’ils en vinrent même à se confier à tour de  rôle avec un naturel déconcertant, d’autant plus lorsque l’on connaissait leur proportion respective à peu parler d’eux. Leurs mots s’écoulaient avec la facilité de l’eau vive d’une source et il était difficile de croire qu’il s’agissait en fait là d’un dialogue entre deux habituellement grands taiseux.

« Je crois qu’il a tellement souffert et s'est tant renfermé sur lui-même qu’il est incapable de voir la souffrance des autres… » De ce qu’il en savait la vie était loin d’avoir été tendre avec Maximilien. Ce dernier avait désormais accumulé trop de haine et de violence en lui, contre tout et tout le monde. Il pensait sans doute ne plus rien avoir à perdre et c’est clairement ce qui le rendait dangereux. En ce qui concernait la perte de celle qu’il considérait comme son unique famille, il en était même venu à s’auto-persuader de faits totalement infondés, occultant la triste vérité comme si il lui préférait une version face à laquelle il se sentirait moins impuissant. Qui plus est une version qui lui permettrait de réclamer vengeance. En prononçant ces mots le libraire réalisa soudain qu’au fond de lui il avait encore de la compassion pour cet homme qui aurait pu le tuer, celui qui l’avait presque laissé pour mort sur le sol de sa boutique. Son empathie trop profonde était loin d’être une bénédiction, bien au contraire, elle lui faisait généralement plus de mal que de bien malgré ses efforts pour se protéger de lui-même.

Le destin… Gabriel laissa ses yeux bleus se perdre au loin. Un concept bien vaste et complexe. Certains s’en servaient comme prétexte pour se dédouaner entièrement de la responsabilité de leurs actes, d’autres, au contraire, pensaient que chaque humain était parfaitement et entièrement maître de son propre destin. L’irlandais ne savait trop sur quel pied danser, sa vision était probablement bien plus nuancée. Certes il était des événements qui échappaient au contrôle des hommes mais ces derniers demeuraient néanmoins responsables de leurs actes et choix malgré tout. Alors Wren avait sans doute raison en un sens. Le destin frappait quand et où bon lui semblait et aux hommes ne restait plus qu'à décider que faire ensuite.

Le regard céruléen du libraire revint se poser sur Wren. La sincérité et la spontanéité des mots de ce dernier le touchèrent profondément. Ils résonnaient du ton de celui qui savait de quoi il parlait et sans même savoir ce que le pompier avait vécu, Gabriel en éprouvait une réelle tristesse. Car malgré son jeune âge apparent il y avait au fond de ses yeux pâles et dans le timbre de sa voix l’éclat qui caractérisait ceux qui ont vécu des événements bien trop cruels. Si bien que l’irlandais en vint à se demander ce qui brillait ainsi au fond de ces yeux clairs… Quels terribles démons venaient le tourmenter lorsque ses paupières demeuraient closes. Et il eut une bride de réponse lorsque Wren évoqua sans la nommer l’attraction que semblait avoir le feu sur lui. C’était par ailleurs là le sujet commun de toutes ses lectures à la State Liberty et l’irlandais savait bien que ce n’était pas un hasard. Gabriel se remémora un instant l’effet envoûtant que pouvait avoir un feu de cheminée. Non pas qu’il ait jamais été attiré par les flammes mais il fallait reconnaître que leur danse, l'agréable chaleur qu’elles dégageaient, l’odeur chaleureuse du bois et son crépitement doux avaient quelque chose de particulièrement réconfortant. Et à coté de ça le feu demeurait aussi destructeur qu’il pouvait être salvateur. Brûlant, dévorant tout sur son passage, ne laissant que cendres noires et désolation derrière lui, il pouvait être difficile voire impossible à maîtriser et le crépitement joyeux du bois devenait soudain grondement sinistre et funeste. L’irlandais en avait fait l’expérience lorsqu’il vivait au Canada, en découvrant pour la première fois les feux de forêts et leurs effets destructeurs. Il avait soudain réalisé que le feu tout comme l’eau, demeuraient des forces naturelles indomptables que l’être humain pouvait seulement prétendre contenir et non contrôler. Car lorsque ces puissances se déchaînaient les hommes n’étaient plus que de frêles créatures de chair et de sang impuissantes face à la force des éléments. L’irlandais pensait que tout cela devait en partie expliquer la fascination de Wren pour ce phénomène bien qu’il ignorait les tourments familiaux qui se cachaient derrière. Une fascination dévorante pour un élément à double tranchant, aussi ravageur qu’il était réconfortant. Gaby ne pouvait cependant le blâmer. Ce qui habitait le pompier ressemblait en tous points à une addiction, rien de plus qu’une souffrance insidieuse, un cercle vicieux. Blâmer ceux qui en souffraient ne les aidait d’aucune manière. L’irlandais le savait d’autant mieux qu’il y avait déjà été confronté dans son entourage d’amis proches. Condamner, juger ne poussait qu’à s’enfoncer toujours plus loin à se consumer plus vite et plus violemment. Seule une main tendue pouvait être salvatrice, de la patience et un soutien sans failles, les gages d’une issue favorable.

Tout en l’observant Gabriel finit par se demander si le jeune pompier s’était déjà confié de la sorte à quelqu’un. Cela pouvait avoir l’air de lui sembler facile en cet instant mais l’irlandais ne savait que trop bien qu’il n’en était en fait rien. Et il l’écoutait avec une attention et une sincérité sans failles, profondément désolé de ce qui arrivait à Wren et son collègue. Aucun jugement ne viendrait de lui et le pompier l’avait sans doute senti alors qu’il y avait dans son ton une gravité certaine qui marqua l’irlandais.

« A vrai dire c’est tout sauf débile. » Cependant Gaby n’ajouta rien sur le coup, laissant le grand brun à ses cotés poursuivre alors qu’il écrasait sa cigarette. A ses remerciements le libraire lui adressa un sourire. « Tu n’as pas besoin de me remercier, et puis si ça peut aider alors c’est tout ce qui importe… »

Attendre la fin… Ces trois mots résonnaient dans son esprit avec un écho qui lui était bien trop familier. Si bien qu’il se perdit un instant dans le vague avant que son attention ne revienne à Wren. Sombrer, se perdre au point de s’oublier le libraire ne savait que trop bien de quoi il s’agissait. Lui aussi c’était laissé couler dans un cercle autodestructeur, pas le même que Wren, différent d’une addiction mais pour un résultat similaire et tout aussi funeste.

Une faille ? En effet comme tout un chacun Gabriel en avait, plusieurs même. « J’en ai un certain nombre à vrai dire. » Il marqua une pause comme pour se remémorer ce qui pourrait être considéré comme sa principale faille, mais en réalité il savait bien quelle partie de son être et de sa vie était la plus sombre. « Il y a une chose dont je ne suis clairement pas fier, c’est de m’être laisser aller au point de me perdre, de dériver jusqu’à en oublier qu’au fond la vie vaut peut-être quand même d’être vécue… » Son regard vint se perdre dans celui du trentenaire. « Comme toi j’ai attendu la fin, je l’ai même provoqué et elle a bien failli me trouver. » Son ton était si calme qu’il en était presque lui-même étonné, pourtant il n’évoquait jamais sa tentative de suicide, moins encore que l’accident. Non, il ne parlait habituellement pas de ce moment de sa vie où il avait touché le fond au point de penser que la seule issue serait de disparaître dans le néant. Sa main trembla imperceptiblement mais ses yeux ne vacillèrent pas. « Je pensais ne plus rien avoir à perdre, que plus rien ne pouvait me retenir sur cette terre. C’était d’un égoïsme terrifiant. Et soudain j’ai réalisé que je m’apprêtais à infliger la même blessure que celle qui me bouffait de l’intérieur. Ce sont les gens autour de moi qui m’ont sauvé de moi-même, j’en étais incapable seul. Il suffit parfois d’une main tendue, une seule. »

A nouveau Gabriel vint se perdre dans la contemplation des alentours, prenant quelques secondes pour lui, pour contempler ce que la vie avait à offrir en cet instant, dans ce petit écrin de verdure qui semblait être l’endroit le plus chaleureux du monde en comparaison avec la froideur de l’hôpital. Puis ses yeux couleur de ciel d’été revinrent se fixer sur Wren, et l’irlandais laissa un sourire se dessiner sur son visage en constatant que quelque chose avait changé dans l’expression du pompier, il semblait plus léger.

« Je suis content que tu sois venu, vraiment. »
Et ni son ton ni ses traits ne mentaient.

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Dernière édition par Gabriel Carnahan le Lun 1 Oct 2018 - 5:48, édité 1 fois
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Message(#)I scream for everything broken in our lives ¤ Gabriel EmptyDim 30 Sep 2018 - 7:44


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Wren n'avait jamais eu la maîtrise de ses propres pensées. Parfois, il se sentait poussé par des forces extérieures, se réveillant quelques minutes plus tard en ayant aucune conscience des actions qu'il avait pu entreprendre. Il savait de quoi il en retournait puisque son père était passé par là avant lui. Cela n'aurait pas dû le définir autant en tant qu'individu mais Wren n'avait jamais pu faire autrement: il avait cette sensation que, quoiqu'il fasse, il serait toujours le fils d'un pyromane, le fils d'un meurtrier et qui, fatalement, devait répéter les schémas familiaux. C'était ridicule, rien n'était écrit dans son patrimoine génétique et rien ne le prédestinait à prendre le mauvais chemin. Tout cela n'était qu'une question de choix, c'était simplement à lui de faire les bons. Doherty ressentait cette pression de manière constante étant donné qu'il n'y avait personne pour le guider, plus maintenant en tout cas. Encore enfant, il comptait toujours sur sa mère qui avait toujours des tonnes d'histoires à lui raconter, ce qui lui permettait de choisir une voie plutôt qu'une autre. En la matière, sa suédoise de mère avait arrêté de lui conter le moindre récit: elle l'avait tout bonnement abandonné à son triste sort, perdu dans les méandres de cette existence qui n'était que quête d'une vérité inexistante. Personne n'avait les réponses pour le pompier, c'était à lui de se diriger, de voir s'il pouvait être meilleur que son géniteur avant lui. Evidemment, il ressentait la difficulté de l'affaire parce que tout le monde s'attendait à ce qu'il dérape à un moment donné. Après tout, même ses anciens amis les plus fidèles avaient fini par se détourner de lui de peur qu'il ne finisse par être une mauvaise influence pour eux. C'était ce qui était arrivé avec Nadia ou bien Violet, Wren les avait volontairement mises de côté comme il était hors de question qu'il les entraîne sur sa route tortueuse. Il avait eu mal, bien sûr, de perdre des êtres précieux, ces personnes qui avaient été une constante dans sa vie et qui l'avaient sauvé à de maintes reprises. Il ne pouvait pas pour autant regretter ces pertes parce que ces femmes avaient bien mieux réussi sans lui. Comme quoi il était encore assez sain d'esprit pour sauver les autres de lui même, enfin jusque là. Etait-il encore un danger pour la société? Ce jour là prouvait que oui, Wren pouvait être dangereux. Il sautait dans les immeubles en feu, se délectait de la moindre flamme qui pouvait le frôler avant de se mettre dans une colère noire parce qu'il savait qu'il avait totalement perdu le contrôle de la situation. Cela lui était encore arrivé en pleine intervention: il s'était promis de faire attention, de rester dans son coin en écoutant toutes les directives et puis, il avait perdu le fil. Wren avait arrêté d'écouter, ses pensées avaient dérivé vers la vision devant ses yeux pâles. Il ne voyait que le feu qui se consumait devant lui, le frisson parcourant ses artères sans qu'il ne puisse rien y faire, ses poings se fermant en rythme avec la montée du brasier. Il se voyait courir, prétextant un sauvetage sommaire d'une petite fille au quatrième étage et peut être que c'était une raison valable, il ne s'en rappelait même plus à vrai dire. Wren se revoyait au milieu des flammes, à courir, exalté, entendant des cris derrière lui, des supplications qui l'invitaient à faire demi tour mais ce ne fut qu'avec la gamine sous le bras que Wren s'échappa du bâtiment... Sans son coéquipier. Il avait fulminé au bord de la route, la tête entre les mains alors que son supérieur l'incendiait de tous les noms d'oiseaux qu'il pouvait connaître. Doherty avait conscience de cette faille, du supplice qui vibrait quelque part dans son âme et qui faisait trembler ses mains dès le moment où l'exaltation le quittait. C'était alors la haine qui prenait le relais, ce mépris de lui même qui le rendait nauséeux. Il ne montrait rien, inerte, alors qu'il avait suivi le reste de la troupe jusqu'à l'hôpital, mort à l'intérieur, amer de tout ce qui le détruisait depuis qu'il était petit. Wren avait envie de se débarrasser de tout cela, de cette folie qui l'occupait et contre laquelle il n'avait pas d'alternatives. Peut être que c'était son destin de sombrer dans la folie, lui qui n'avait encore rien vécu parce qu'il était toujours apeuré de faire le mal autour de lui. Quoiqu'il se passe, le résultat était toujours le même: Wren avait beau éloigner toutes les personnes proches de lui, d'autres souffraient pour les déserteurs. Que faire, désormais? Que devenir? Il avait bien envie de disparaître mais il savait bien que la dernière fois qu'il avait pensé ainsi, il s'était retourné le crâne à grand renfort de cocaïne qui aurait pu le tuer s'il n'était pas aussi costaud.

Wren ne voulait plus y penser, il préférait rester campé là, invisible aux yeux du reste de la population... Sauf Gabriel. Sa présence avait quelque chose d'apaisant pour lui, certainement parce qu'il était à l'opposé de ce qu'il était lui même. A chaque fois qu'il avait croisé Carnahan, il l'avait vu calme et patient, toujours accueillant avec ses clients, très loin du feu intérieur que ressentait Wren constamment. C'était cette différence qui attisait sa curiosité, Wren ayant très certainement envie de s'en abreuver pour changer sa façon d'être. Il ne pourrait jamais être Gabriel, c'était indéniable mais il pouvait au moins le questionner et peut être se servir de ses réponses pour devenir quelqu'un de meilleur. Ce n'était pas vraiment le moment cela dit puisque le libraire s'était fait tabasser par son ancien beau frère, laissant des traces terribles sur son corps mais surtout son âme. Wren ressentait sa douleur, comme s'il était lié à lui par une quelconque corde invisible. Peut être qu'ils avaient plus à partager encore, même s'ils ne se connaissaient que superficiellement jusqu'ici. Wren, d'ailleurs, hocha la tête au moment où Gabriel confirma la puissance de ses sentiments pour sa femme. Le suédois n'avait jamais pu ressentir quelque chose comme cela, il ne s'était jamais laissé l'opportunité, persuadé que la souffrance qui viendrait serait trop abrupte pour lui. Finalement, il n'avait pas eu tort, en témoignait l'état de Gabriel mais en contrepartie, le libraire avait certainement vécu des instants d'une rare intensité, ce qui n'était pas le cas du pompier. "Et c'est comment d'aimer quelqu'un comme ça?" La question était légitime et peut être qu'il s'y intéressait parce qu'il avait rencontré lui même une femme qui semblait valoir le coup. Wren avait peur de voir plus loin et une grande partie de lui aurait préféré fuir plutôt que de creuser la question mais lorsqu'on voyait la trentaine approcher aussi prestement, il était temps de lutter contre cette angoisse pour se laisser tenter par ce que la vie avait à offrir. A l'heure actuelle, cette fichue vie n'avait pas l'air reluisante et les yeux de Wren détaillèrent les quelques blessures visibles sur Gabriel qui était en train de mentionner les raisons qui avaient poussé son beau frère à le battre de la sorte. "Ça ne devrait pas être une raison suffisante pour justifier son acte, à mon avis." Wren parlait en connaissance de cause puisque sa mère était la définition même de ce que Gabriel venait d'énoncer. Depuis plus de dix ans, elle souffrait dans le noir et remettait sa haine sur ses enfants. Wren, lui, était toujours resté à ses côtés, s'épuisant à la tâche pour lui faire retrouver le goût de la vie, vainement. Il lui en voulait, évidemment qu'une part de lui la méprisait pour son abandon mais cela ne voulait pas dire pour autant qu'il désirait la laisser tomber. C'était certainement ce que devait ressentir Gabriel de son côté vis à vis de son ancien beau frère et encore une fois, il s'avérait que les deux hommes se comprenaient sans avoir à prononcer les mots qui correspondaient. La preuve, Wren avait laissé entendre à Gabriel sa pire crainte, ce feu qui rongeait son coeur et qui le poussait à être présent dans sa boutique pour faire toutes les recherches possibles. En retour, le libraire ne le jugea pas, semblant comprendre ce qui pouvait le tourmenter. Doherty n'avait jamais parlé de cela à quiconque, l'appréhension d'être catalogué chez les malades mentaux le forçant à se taire. Si tout le monde réagissait comme son partenaire du jour, Wren n'avait clairement rien à craindre mais tout le monde n'était pas Gabriel Carnahan, la révélation était d'ailleurs terrible. "Je pense que si, tout le monde serait pas si compréhensif en voyant un type regarder tous les bouquins avec une allumette sur la couverture. C'est juste que c'est... Un truc de famille, un mal qui s'en va pas." Il laissait entendre que son père était comme lui, voire même peut être son frère. Wren n'avait pas peur que Gabriel aille le dénoncer aux autorités, il y avait une flamme de bonté naturelle chez lui et instinctivement, le suédois lui faisait confiance avec sa propre vie. Cela ne lui était jamais arrivé auparavant, voilà à quel point le libraire était différent. Il s'ouvrait à lui autant que Wren pouvait le faire en retour et le pompier l'écouta lui narrer une sombre période de son histoire où le suicide lui avait semblé être la meilleure échappatoire. Il n'était pas allé jusqu'au bout évidemment mais cela n'empêchait pas la souffrance d'être encore bien présente, tout cela était pressenti dans la lourdeur des mots employés. "T'es plus fort que tout cela, honnêtement. T'as peut être eu ce passage à vide mais tu serais pas là maintenant alors que tu viens d'échapper à la mort, à parler aussi ouvertement si t'étais pas quelqu'un de fort. Je sais pas si je suis pareil honnêtement. Je vais avoir trente ans et j'ai peut être passé la majorité de ma vie à lutter contre moi même, à trouver n'importe quelle solution pour être quelqu'un d'autre... Ca a jamais marché évidemment, la drogue a jamais pu me sauver, me perdre dans mon travail non plus, je sais pas ce qui me reste réellement. Peut être ça. La force que t'as, toi." S'il pouvait s'en nourrir pour lutter contre ses démons, si seulement c'était aussi simple que cela. La vie n'était pas si clémente pourtant, les deux hommes étaient différents, tous deux adossés à un vieux muret dans la cour de l'hôpital, Wren laissant le silence les gagner après la conclusion de Gabriel. "Et je suis content d'être venu. Vraiment. Peut être que pour une fois, le destin a fait quelque chose de bien en nous réunissant, je ne sais pas..." Peut être que pour une fois dans son existence, Wren était en mesure d'accepter ses failles parce que c'était Gabriel à côté de lui et qu'il n'y avait pas meilleure personne que lui sur cette terre.
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Message(#)I scream for everything broken in our lives ¤ Gabriel EmptyJeu 6 Déc 2018 - 4:11

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@Wren Doherty & Gabriel

Le soleil, bien qu’encore timide à cette époque de l’année, parvenait à réchauffer doucement la peau glacée de Gabriel qui savourait cette sensation de chaleur agréable qui lui manquait tant, coincé toute la journée entre les quatre murs de sa chambre d’hôpital aussi froide qu’impersonnelle. Il respirait mieux depuis qu’ils avaient franchi le seuil de la porte de l’hôpital, comme si il venait soudain de retrouver l’oxygène après avoir retenu sa respiration durant de trop longues minutes. Il était infiniment reconnaissant à Wren de lui avoir permis cette échappée belle salvatrice au milieu des longues heures dans l’atmosphère hospitalière qui le tétanisait, lui rappelant des souvenirs encore par trop douloureux. C’était presque devenu phobique et le pompier avait fait irruption à point nommé alors qu’une crise d’angoisse menaçait de pointer le bout de son nez et de tourmenter le paisible libraire. Chaque seconde passée dehors lui était salutaire et la compagnie du jeune homme était plus que la bienvenue au milieu de ces heures solitaires et sombres. Et ils étaient désormais là, deux âmes abîmées par la vie, deux écorchés vifs, adossés contre un mur décrépi, leurs prunelles pâles perdues dans la contemplation des espaces verts ceignant le complexe hospitalier, Wren dans son uniforme encore souillé de suie noire témoignant d’une intervention récente, Gaby le visage encore marqué, strié de blessures, rappelant la violence de son agression. Un drôle de duo à l’allure un peu pitoyable et pourtant chacun trouvant un réconfort certain dans la présence de l’autre à ses cotés. La vie avait parfois de bien drôles d’idées. Cependant, peu à peu, il semblait se faire jour qu’ils avaient bien plus en commun que ce que quiconque aurait pu supposer et l’irlandais commençait à croire qu’il y avait là quelque heureux hasard. Peut-être y avait-il une bonne raison pour que leurs chemins se fussent croisés de la sorte ? Peut-être avaient-ils plus à apprendre l’un de l’autre qu’ils ne le pensaient. Sans doute oui. Le libraire se perdit un moment dans ses pensées, laissant son esprit le porter, loin. Ce fut la question de Wren qui le ramena presque brusquement au présent. Une question qui le toucha profondément sans qu’il pût précisément se l’expliquer. Etait-ce la sincérité poignante de l’interrogation du grand brun ? Ou bien était-ce ce presque soupçon de candeur ? Toujours était-il que Gabriel en fut un peu pris de court. Et contre toute attente cela le fit sourire. Un instant ses yeux céruléens se perdirent dans le bleu du ciel, comme si la réponse à cette vaste question avait pu se cacher là, quelque part entre les quelques nuages cotonneux et l’azur infini. Et tout en se remémorant certains des plus beaux moments des années qu’il avait passé avec celle qui demeurerait sans doute à jamais l’amour de sa vie, il cherchait ses mots alors même que ses iris bleutées se brouillaient un peu sous le coup de l’émotion et qu’un sourire tendre se dessina sur son visage au souvenir de cette vie heureuse.  « C’est… » Y avait-il seulement une seule manière d’expliquer pareille chose ? Gaby l’ignorait. Sans doute pas. Après tout, comment résumer avec des mots ce sentiment qui emplit le cœur et l’âme avec tant de force ? « J’imagine que c’est différent pour chacun bien sûr… » Cela ne pouvait suffire comme réponse. Sa main encore tout à fait valide vint se perdre parmi les mèches brunes indisciplinées qui couronnaient son visage aux traits fatigués. « Je ne saurais comment l’expliquer, je crois qu’il n’y a rien de comparable. » Il repensa à Moïra, sa belle australienne, à tout ce qu’elle représentait pour lui, visualisant parfaitement chacun de ses traits, de ses gestes, chacune de ses attitudes, se remémorant très distinctement son incroyable rire, sa voix, ses accents, la moindre de ses inflexions. Pendant quelques secondes il se laissa submerger par une émotion qu’il était incapable de maîtriser, moins encore en ce jour, après ce qu’il venait de vivre et avec ces molécules médicamenteuses qui parcouraient ses veines. Sa gorge se serra avec force et il lui fallut un instant pour se reprendre. « Tout mon univers tournait autour d’elle. Je me sentais comme… pleinement entier et vivant. Heureux, vraiment. » Ses derniers mots vinrent se perdre dans un souffle, entièrement empreints d’une vive émotion. « Je souhaite à tout le monde d’avoir la chance de connaître pareil sentiment un jour. » Gaby se racla doucement la gorge, comme pour retrouver un peu de contenance, avant de reprendre. « Tu sais sans elle c’est un peu comme si le monde avait perdu de son éclat et de son sens. » Sa voix était douce, il se demandait ce que penserait la femme qu’il avait tant aimé, et qu’il aimait finalement toujours, en le voyant ainsi, à essayer d’expliquer à un jeune homme ce qu’il éprouvait au plus profond de son âme. Un sourire fin se dessina alors sur son visage tandis qu’il scrutait encore l’horizon. C’était peut-être ces souvenirs de sa tendre Moïra qui le rendirent plus enclin à éprouver quelque compassion pour Maximilien. Ca, et son empathie naturelle si profonde qui lui causait souvent du tort. Mais Gaby eut beau, presque inconsciemment, chercher la cause du geste de son beau-frère dans les souffrances que la vie avait fait endurer à ce dernier, les mots de Wren lui firent faire face à une vérité qui ne pouvait être ignorée : il n’était rien qui pouvait justifier pareille agression qui aurait bien pu coûter la vie à l’irlandais si les forces de l’ordre n’étaient pas intervenues avant d’alerter les secours. Gabriel dut reconnaître que le pompier disait vrai. « Non en effet. » Quelque chose dans le ton du grand brun lui laissa penser que quelque part il parlait en connaissance de cause, cependant le libraire n’osa s’attarder sur la question. Repensant un instant à cette terrible soirée, il sentit, tapie au fond de son être, cette colère que Maximilien avait fait naître avec ses accusations et propos nauséabonds. Quelque part Gaby lui en voulait, sentiment qui chez lui était rare. Wren avait raison, il n’y avait pas de raisons suffisantes à ce geste. Et pourtant il était intérieurement tiraillé, entre cette colère et l’empathie qu’il pouvait éprouver pour celui qui avait été son beau-frère, qu’il avait considéré comme faisant partir intégrante de sa famille, celui pour qui Moïra avait tant d’affection. Gabriel laissa s’échapper un profond soupir. Il commençait à se demander si son âme usée, abîmée, fatiguée, supporterait encore longtemps ce genre d’épreuves que lui imposait la vie. Mais il n’était pas seul. Et à en croire ses mots et ce que l’irlandais pouvait deviner entre les lignes ou dans ses silences, Wren était lui aussi confronté à ce genre de tiraillements intérieurs. Peut-être qu’inconsciemment le libraire l’avait perçu, peut-être était-ce pour cette raison qu’il n’avait jamais fait la moindre remarque sur le sujet principal et constant des ouvrages que le pompier consultait, feuilletait, épluchait sans relâche dans sa boutique. Peut-être était-ce leurs âmes cabossées qui les avaient rapprochés, sans mots, jour après jour, l’air de rien. Le jeune homme l’avait remerciait, pour n’avoir jamais dit mot sur le sujet, pour s’être montré si compréhensif. A vrai dire c’était dans sa nature à Gaby. Cette empathie encore et toujours. Ecouter et voir, mais sans juger. Et c’était précisément ce qu’il faisait en cet instant, alors que Wren lui parlait de ce qui semblait véritablement le bouffer de l’intérieur. Notre pire ennemi, c’est nous-mêmes… Cette phrase prenait, en cet instant, tout son sens. Pour lui. Pour Wren. Il y avait sans le moindre doute plus de vrai dans ces mots que l’on aurait pu le croire. Pourtant… Pourtant le fait d’en parler ainsi, d’évoquer leurs démons respectifs, avec tant de sincérité et de simplicité, peut-être était-ce cela la clé, la solution pour les accepter, puis les conjurer ? Après tout plus les mots filaient plus Gabriel se sentait un peu plus léger, comme si le simple fait de s’autoriser à parler de sujets qu’il abordait habituellement si peu, le libérer d’un certain poids. Etrangement au vu des circonstances, le libraire se sentait mieux, en sécurité presque, comme auprès d’un ami de toujours en qui il savait pouvoir avoir toute confiance et sur lequel il pouvait se reposer en cas de coup dur. Ses pupilles perdues dans le vague, loin devant, il écoutait néanmoins avec attention ce que lui disait le pompier toujours adossé au mur à coté de lui. Fort… L’était-il vraiment ? Après tout malgré ce qu’il avait traversé ces quatre dernières années, il était toujours là, toujours bien vivant. Alors, une fois encore, Wren avait probablement raison. Il y avait peut-être une sorte de force intérieure bien cachée quelque part en lui. « D’après ce que tu dis je crois qu’il y a quelque chose du même acabit quelque part en toi. Tu imagines ? Passer le plus clair de ton temps à lutter contre toi-même, contre tes démons et pourtant toi aussi tu es toujours là. Honnêtement je crois que la plupart des gens aurait déjà abandonné d’une manière ou d’une autre. » Il fallait au moins ça pour ne pas avoir perdu pied, pour se tenir encore là, sur le fil, tel un funambule narguant infatigablement les abysses autour de lui, chancelant sur le fil du rasoir mais pas encore décidé à se laisser happer par le vide. « La drogue n’a le pouvoir de sauver personne. » Gaby le savait bien, il avait vu ces ravages sur certains. Elle ne pouvait que détruire, rien de plus. Le libraire sembla méditer un instant sur les mots du pompier. La solution était sans doute quelque part, là à portée de main, en eux, et peut-être que cette rencontre en était la clé. « Peut-être faut-il nous accepter tels que nous sommes, accepter nos failles, les connaître pour mieux les laisser derrière et avancer. Essayer de devenir un peu meilleur chaque jour, un pas après l’autre. Elle est peut-être là notre force. » Gaby n’avait guère de certitudes et moins encore de réponses mais il commençait fermement à croire qu’ils avaient chacun quelque chose à apporter à l’autre, une aide, une main tendue. Oui, comme l’avait dit Wren le destin avait peut-être fait quelque chose de bien en faisant se croiser leurs chemins. L’irlandais respirait mieux, un peu de légèreté le gagna, cela n’était guère arrivé depuis son admission au service des urgences de l’hôpital. Un sourire éclaira son visage. « Alors nous voilà, deux survivants, chacun luttant contre ses propres démons, adossés à ce pauvre vieux mur décrépi qui a probablement connu des jours meilleurs. » Il jeta un œil amusé à la peinture écaillée du bâti. « Quelle drôle d’équipe de bras cassés. » Un soupçon d’espièglerie, comme pour s’accorder un peu d’humour dans cette parenthèse au milieu du tumulte de la vie, c’était comme un peu de lumière qui revenait dans son âme. « Qui sait peut-être qu’on en rira un de ces jours autour d’un café. » Ne pas se laisser abattre. Sa librairie lui manquait et il avait maintenant terriblement hâte de quitter le Saint Vincent’s Hospital et de reprendre ses activités même tout éclopé qu’il était.
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Dernière édition par Gabriel Carnahan le Ven 5 Avr 2019 - 0:09, édité 1 fois
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Message(#)I scream for everything broken in our lives ¤ Gabriel EmptySam 22 Déc 2018 - 11:35


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Se faire des amis n'avait jamais été une évidence pour Wren. D'ailleurs, ce genre d'envies n'avait jamais fait partie de son plan de vie. Il n'aimait pas spécialement les gens en règle générale, il faisait même tout pour les fuir. Au moins, il ne souffrait pas de la présence d'indésirables au sein de son existence et c'était souvent ce qu'il considérait comme le pire fléau pour quelqu'un comme lui. Les Doherty étaient des êtres intensément sensibles, ils passaient juste le plus clair de leur temps à le dissimuler. Wren, en tête, n'était qu'une âme à fleur de peau, se cachant toujours derrière une dégaine dégingandée et des manières de rustre. C'était pour cette raison principalement qu'on ne s'attardait pas sur lui: il était acerbe, cynique, parfois même clairement méchant et gratuitement par dessus le marché. S'attacher à autrui, c'était prendre le risque de perdre cette personne alors qu'on lui avait tant donné... C'était ainsi, en tout cas, que Wren le vivait parce que c'était de la sorte que l'affaire s'était vécue avec son géniteur. Durant des années, le jeune garçon avait tout fait pour le maintenir à flot, lui rappelant qu'il avait une famille à nourrir, des mauvaises pensées à effacer parce qu'ils étaient là et qu'ils avaient tous besoin de lui. Les discours d'un jeune adolescent perdu dans ses baskets n'avait clairement pas été assez pour un homme en mal de vivre. Il avait préféré le feu à sa famille, il avait préféré la mort à l'amour et c'était ce que Wren avait retenu comme leçon essentielle dans cette affaire. A chaque fois qu'on essayait de lui adresser la parole, le suédois imaginait le pire, les quelques années suivantes à tâcher de bâtir une relation honnête et saine, qu'importe la teneur réelle du lien. Et puis, fatalement, la trahison, la mort dans l'âme, les regrets et cette peur tenace de ne plus rien pouvoir faire d'autre qu'en souffrir. Wren n'était plus prêt à supporter cela, préférant vivre dans son coin, une cigarette au coin des lèvres à regarder les gens autour de lui en souffrir à sa place. Parfois, il avait de la compassion pour eux, il avait même envie de les prévenir dans quoi ils s'embarquaient mais ce n'était pas de cette façon qu'on apprenait de ses erreurs. Non, tous ces gens devaient le vivre à leur tour, souffrir le martyr de choix hasardeux et ne plus jamais les refaire. Tout comme Wren. La solitude, pourtant, était-elle encore vivable? Personne ne saurait le dire, surtout pas le principal intéressé parce qu'il était blotti tranquillement dans sa zone de confort, ne se posant pas une seule question sur son mode de vie si particulier. Qui pouvait se targuer d'avoir une existence aussi vide de sens que la sienne? Wren n'avait rien qui lui permettait de se lever le matin, rien qui le motivait assez pour subsister au cours de ses mornes journées... Si ce n'était ce terrible fléau qui l'habitait. Les flammes. Le feu. Rien d'autre que cela, que ces couleurs orangées qui venaient happer ces pupilles et qui tournaient son sourire enjôleur en un rictus assassin. Wren n'avait plus aucune raison de rester du bon côté de la barrière, de celle qui renfermait les gens emplis de bonté. Il n'avait qu'un pas à faire pour faillir, pour n'être qu'un nom de plus dans la liste atrocement longue des individus qui s'étaient laissés tenter par le mal le plus obscur qui fut. Pour autant, Doherty n'avait toujours pas franchi cette limite. Il se levait chaque matin pour vivre une journée supplémentaire entouré par son obsession la plus cruelle mais jamais il n'osait faire craquer une allumette en rentrant le soir pour faire brûler la poubelle de la demeure voisine. Il restait parfaitement ancré dans ses baskets, apeuré par la perspective d'aller trop loin lors d'un moment de détresse mais il ne se laissait pas pour autant dépassé par les événements.

Le suédois ne comprenait pas grand chose de la vie. Au fond, il était encore jeune et il n'avait pas vécu comme Gabriel avait pu le faire mais quelque part, c'était aussi ce qu'il espérait. Pas tout de suite bien sûr, certainement qu'il n'était pas prêt pour vivre la belle et grande aventure mais il espérait sincèrement qu'elle serait sienne à un moment donné. Il écoutait les mots de son compagnon d'infortune, persuadé qu'il avait en lui toutes les réponses dont il avait besoin. C'était probablement faux: personne ne vivait l'amour de la même manière, chaque histoire était de toute évidence unique mais Wren n'en avait connu aucune, pas une qui valait d'être racontée en tout cas. Des femmes, c'était vrai, il en avait connu un bon nombre mais jamais dans les bonnes circonstances. Wren avait toujours eu simplement besoin d'une compagnie momentanée, d'un instant de libération qui laissait paraître un bonheur illusoire. Finalement, ce qu'il préférait dans ce genre de soirées, c'était le moment où il disparaissait. Il adorait particulièrement ce sentiment de puissance qui l'envahissait parce que c'était lui qui s'en allait, c'était lui qui était aux commandes et qui avait le libre choix de détruire quelque chose qui n'avait même pas encore été construit. Voilà ce qu'il avait besoin d'apprendre, la force d'un sentiment qui ne connaissait aucune comparaison et c'était ce qu'il entendait dans le discours de Carnahan. Les deux hommes semblaient tellement différents mais leur point commun présent, mis en exergue par le caractère décharné de leurs âmes respectives semblait bien plus fort que tout ce qui aurait pu les éloigner. "J'ai du mal à imaginer qu'on puisse ressentir ça, tu sais... Pour quelqu'un d'autre, je veux dire. Comment on peut décider que quelqu'un deviendrait son monde tout entier? Je veux dire, tout le monde finit par partir et c'est jamais tendre, tu vois. Cette douleur là, ça devrait pas être possible et pourtant, les gens continuent d'aimer, je comprends pas vraiment." Et c'était une réalité qui le blessait. Wren n'arrivait pas à saisir quelles étaient les intentions de ces pauvres personnes qui laissaient tomber tous leurs principes pour se laisser duper par un sentiment qui restait de l'ordre de l'éphémère, et à juste titre. La preuve était à ses côtés d'ailleurs, Gabriel qui avait tant souffert de la disparition de sa femme et qui devait encore subir les représailles d'une personne de son passé. Il n'avait pas mérité un tel traitement, personne ne le méritait au bout du compte et pourtant, ce destin là, le libraire avait l'air de l'accepter. Les mots résonnèrent comme une fatalité néanmoins, Wren ne répondant rien, se tournant simplement vers lui pour jauger le niveau de souffrance reflété dans ses pupilles. Il était peut être l'homme le plus gentil qu'il ait rencontré: après tout, Gabriel n'avait jamais parlé de ses vices à qui que ce fut, le laissant écumer tous les grimoires de sa boutique sans commenter et Wren n'avait même pas les mots pour l'aider à traverser l'épreuve qu'il était en train de vivre à l'heure actuelle. "Lutter comme ça, je pense que c'est aussi une manière d'abandonner... J'ai jamais réussi à les dépasser et ça fait dix ans. La drogue, ça a été mon salut pendant longtemps et je suis encore persuadé que ça l'est, peu importe le mal que ça engendre. Je suis pas une personne comme toi, Gabriel. Je suis pas quelqu'un qui peut survivre en restant sain d'esprit." Cela faisait des années qu'il sombrait peu à peu dans la folie, s'y autorisant par aise plus que par envie ou passion. Gabriel était quelqu'un d'autre, quelqu'un qui taisait ses maux mais qui s'en sortait toutefois, pas à pas. "Peut être... Ou bien, notre force réside dans notre masochisme latent, ça aussi c'est une possibilité." Wren laissa naître un sourire sur ses lèvres en prononçant ses mots puisque jamais il ne pourrait s'accepter tel qu'il était mais il pouvait tout de même essayer, jouer après jour, même si cette quête était vaine, même si le mal finissait toujours par vaincre. "J'aurais bien envie de te dire que t'as raison de nous décrire comme ça mais... Parle pour toi, vieux, moi, mon bras est en parfaite forme, j'ai pas un plâtre mais ça fait tout ton charme ce style, t'en fais pas. Tu vas faire fureur en sortant d'ici." Wren faisait exprès de bouger ses armes pour donner le change, se mettant à rire de sa si cruelle plaisanterie, laissant un clin d'oeil filtrer vers Gabriel. Ils se retrouvaient à mi chemin de leurs différences et c'était peut être la beauté de ce lien si étrange entre eux, le silence ne les tuant pas outre mesure, bien au contraire. "Ou d'une bière, ce serait cool une bière, non? Si on te saoule un peu, peut être que tu trouveras à nouveau l'amour... Sans qu'on vienne te casser la gueule en bout de course, cette fois." Il sortit une nouvelle cigarette, laissant son coeur percuter le vieux mur derrière eux. Wren retrouvait son inébranlable quiétude, cette conversation avec Carnahan lui prouvant que, quoiqu'il puisse arriver, ils seraient toujours cette espèce de duo d'un autre monde. Le leur.
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Message(#)I scream for everything broken in our lives ¤ Gabriel EmptyLun 6 Mai 2019 - 8:28

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@Wren Doherty & Gabriel

Gabriel savourait cet instant suspendu, un peu volé au temps, à la vie, à ses tumultes, aux soucis surtout. Il profitait de la douceur d’un printemps naissant, en septembre. Pour lui qui avait vécu toute sa vie de l’autre coté du monde, dans l’hémisphère Nord, c’était une chose aussi étonnante qu’amusante, sans qu’il ne se l’explique réellement. Il trouvait juste cela… un peu surprenant ? Malice de la nature, magie du monde. Les causes en étaient finalement purement scientifiques, mais qu’importait, il voyait tout cela avec la candeur du grand gamin qui se cachait peut-être encore au fond de lui, malgré les coups et les blessures prodigués par la vie. Il se perdait dans ses éternelles rêveries, dans un monde qui lui était propre et connu de lui seul, en de lointaines terres dont il demeurait unique voyageur. De songes en souvenirs, au fil de la conversation avec Wren, ses pensées s’envolaient, revenaient, tourbillonnaient, virevoltaient en décrivant de folles arabesques avant de retombaient doucement telles les feuilles à l’automne. Tantôt loin, tantôt bien ancré dans l’instant. Ce moment prenait des airs de parenthèse salvatrice malgré les sujets abordés par l’un et l’autre, du sérieux à la tristesse, de leurs démons à leurs craintes, ils ne semblaient faire l’impasse sur rien de ce qui les rongeait de l’intérieur. Et c’était peut-être là qu’ils se retrouvaient, malgré toutes leurs différences, à mi-chemin sur cette brèche, au bord du gouffre, un pied dedans, un pied dehors. Pas encore prêts à se laisser sombrer mais pas non plus tout à fait tirés d’affaires. Toujours un peu sur la faille, âmes fissurées, rafistolées tant bien que mal mais toujours prêtes à éclater au prochain impact. Et c’est là qu’il prenait sa source, ce lien qui s’était tissé entre eux, silencieusement, discrètement mais irrémédiablement. Dans leurs craquelures, dans leurs fêlures, dissimulées au plus profond de leur être. Et au milieu de cette gravité la question, étrangement empreinte d’innocence, de Wren était parvenue à tirer un sourire doux à Gabriel. Un sourire ému, tandis qu’il se remémorait une foule de souvenirs heureux, de précieux instants appartenant à présent au passé. Le libraire se voyait là, cherchant à expliquer comment c’est d’aimer quelqu’un comme ça, un peu douloureusement peut-être. Et pourtant, sans qu’il ne se l’explique bien, quelque part cela lui réchauffait aussi un peu le cœur. L’image de la femme qu’il avait tant aimée n’y était sans doute pas étrangère. Tout comme le fait de se demander ce qu’elle penserait de le voir ainsi, en une sorte de professeur de vie, le plus ancien expliquant au plus jeune, alors même qu’il était, au cours de son existence, souvent passé pour un type un peu à l’écart, un peu trop rêveur, trop doux, trop sensible pour son propre bien. Il ne se sentait pas spécialement plus sage qu’un autre, du moins n’en avait il en tout cas pas conscience. Peut-être la sagesse résidait-elle précisément là, dans le fait d’ignorer qu’on la possède ? Gaby n’en avait pas la moindre idée, il laissait ces questions et autres concepts aux philosophes et autres penseurs du monde. Lui se contentait de vivre sa vie du mieux possible, pour lui et ceux qui l’entouraient. Il avait été heureux ainsi, et il essayait encore de l’être, il essaierait encore. Cela ferait bientôt quatre ans que Moïra avait quitté ce monde, que son univers s’était arrêté. Mais la vie, elle, continuait, et chaque jour un nouveau jour se levait. La lumière revenait toujours. Toujours, quelque soit l’obscurité des nuits qui précédaient. Et au fond cela avait quelque chose de réconfortant. Quatre ans. Et, loin d’oublier son amour perdu, Gabriel faisait malgré tout doucement son deuil. C’était une blessure qui brûlait toujours bien sûr, mais, les jours passant, les semaines, les mois, il parvenait à se remémorer les bons moments, à revoir leurs photos, leurs souvenirs, avec un sourire. L’émotion était toujours là, mais elle changeait. Tranquillement, lentement, très lentement certes, mais c’était l’essentiel. Du moins était-ce vrai jusqu’à cette agression et ce bond dans le passé imposé par un beau-frère prétendument justicier vengeur autoproclamé. Le regard clair de l’irlandais se perdit une seconde de plus dans le vide, s’arrêtant sur son annulaire brisé ou l’alliance qu’il portait encore quelques jours auparavant avait laissé place à une bande de peau plus claire et une attelle. Lorsqu’il avait découvert l’absence du petit anneau doré à son doigt cela  avait provoqué une vague détresse au fond de son âme. Il ne pouvait se résoudre à le voir disparaître de la sorte, pas maintenant et surtout pas comme ça. Et lorsque Jameson, qui, une nouvelle fois, l’avait veillé à l’hôpital, avait déposé cette bague coupée en deux dans le creux de sa main avec un regard désolé, cela lui avait brisé le cœur. Une seconde fois. Son deuil il le faisait, oui, à son rythme, mais perdre cette petite chose, en apparence de peu de valeur, ce n’était pas envisageable, pas encore. Un jour viendrait peut-être où il serait prêt, dans un an ou dix, le temps n’avait pas d’importance, mais ce jour n’était pas encore arrivé. Le libraire savait déjà qu’une fois sorti du St Vincent’s Hospital ses pas le mèneraient bien vite chez un bijoutier afin de réparer ce qui avait été brisé. Comme pour renouer cette promesse faite bien des années auparavant et que symbolisait toujours cette bague. Gabriel n’était pourtant pas vraiment du genre à accorder une folle importance aux choses matérielles. Il était en réalité peu d’objets dont il n’aurai su se défaire. Mais cette alliance en faisait partie. Encore. Et ce jusqu’à ce qu’il soit prêt. Ce qui n’était, pour l’heure, pas le cas. Ce fut à nouveau la voix de Wren qui le tira de ses pensées. Pensées qui trouvèrent un certain écho dans les mots du jeune homme. L’irlandais inclina légèrement la tête de coté, comme pour mieux réfléchir aux dires de son compagnon, avant d’esquisser un vague sourire. « Je comprends. Tu sais, pour être honnête, plus jeune jamais je n’aurai pensé que ça m’arriverait. » Il eut un léger rire en se revoyant gamin. Lui, l’enfant discret, l’adolescent farouche, le jeune étudiant toujours le nez fourré dans les bouquins. Lui, toujours un peu effrayé de blesser ou d’être blessé. Lui, l’introverti, lui qui ne comprenait pas vraiment ses semblables et ne savait pas mieux comment se comporter avec eux. Lui qui ne voyait pas quand on lui faisait les yeux doux, trop occupé à se poser mille et une questions. Et pourtant il était des êtres, de son point de vue exceptionnels, qui s’étaient intéressés à lui, qui l’avaient apprivoisé, devenant des amis, de fantastiques amis. Il avait aussi été charmé parfois, et son cœur un peu trop tendre qui s’en était trouvé tout retourné. Et il y avait eu Moïra évidemment, toute une aventure, toute une évidence sans l’être totalement, toute une histoire. Une histoire d’amour. Un amour profond qui avait grandi de jour en jour et l’avait empli de la tête aux pieds pour ce feu-follet débordant de vie. Il s’était demandé parfois ce qu’une femme comme elle pouvait bien trouver à un gars comme lui. Ce qui faisait qu’elle le regardait de cette façon, qu’elle lui souriait de la sorte. En réalité était-ce si important de le savoir ? Pas tellement. C’est ce que Gaby avait fini par conclure. Elle l’avait choisi, lui, et c’est tout ce qui comptait. Les iris pales du libraire se promenèrent du sol à l’horizon. « On ne décide pas justement. Ca te tombe dessus, un peu sans crier gare tu sais. C’est quelque chose qui ne se commande pas, ça arrive, c’est tout. Et d’un coup tout est différent, même si rien n’a réellement changé. » Son regard vint finir sa course sur Wren alors que l’esquisse d’un sourire se dessinait sur son visage. Il commençait à comprendre. Son jeune ami, plus que l’amour en lui-même, semblait surtout appréhender la perte. C’était un risque intrinsèque à l’attachement et au fait d’aimer. Et il était probable que plus les sentiments à l’égard d’une personne étaient grands, plus la douleur ressentir en était importante. Mais se couper de tous et s’interdire le moindre lien par peur de souffrir n’était pas une vie non plus. Du moins c’était ce qu’en pensait Gabriel. « C’est vrai… Tout le monde finit par partir, d’une manière ou d’une autre, et c’est toujours douloureux. Mais, je crois que la tristesse et la souffrance finissent par s’estomper avec le temps, au profit ses bons souvenirs qui demeurent. Elles ne disparaissent jamais complètement bien sûr, mais elles s’apaisent. » C’était vrai. Pendant de longs mois après l’accident Gaby s’était pensé incapable de recommencer à vivre. Pour lui tout s’était arrêté dans cette voiture. Et pourtant… Pourtant la vie continuait. Cruelle vie, magnifique vie. Refusant obstinément de freiner son cours, quelques soient les malheurs de chacun ou les tourments du monde. Une force qui ne souffrait pas qu’on la stoppe dans sa course. Jamais. Elle qui s’immisçait partout, dans les endroits les plus hostiles du monde. Elle qui trouvait toujours un chemin. Alors, entraîné par ce cycle sans fin, soutenu par ceux qui l’aimaient et tenaient à lui, il avait retrouvé comment vivre, lentement, un pas après l’autre, une minute à la fois. Il fallait tout reconstruire, en lui, autour de lui. Composer avec une nouvelle réalité, réapprendre, recommencer, revenir. Comme une petite résurrection, difficile, longue, pleine d’obstacles et d’épreuves. Il avait baissé les bras parfois, était tombé, souvent, dans des abysses sans fin, sans lumière. Et puis une main tendue l’avait toujours fait remonter à la surface. Petit à petit il avait réappris à ne pas abandonner, il avait fait des promesses. Celle de revivre, de vivre encore. Il avait réussi, non sans difficultés certes, mais il avait retrouvé goût à la vie, aux petits bonheurs qu’elle procure chaque jour, simples mais précieux. Il avait pris un nouveau départ, et il se faisait jour dans son esprit qu’il avait le droit de retrouver un peu de paix intérieure, un peu de joie. Peut-être que tout cela Gabriel aurait pu le dire à Wren, peut-être. Mais il lui partageait déjà bien plus qu’il ne le faisait habituellement, lui accordant la même confiance que celle qu’il avait pour ses amis les plus chers et membres de sa famille. Un jour viendrait sans doute où il se laisserait aller à révéler un peu plus de ce qu’il avait au fond du cœur. Ce n’était pas encore pour aujourd’hui. Lui qui ne parlait guère, préférant de loin écouter, s’épanchait bien rarement au sujet de ses états d’âmes. Il se contenta de reprendre son ton doux et rassurant. « Heureusement il n’y a pas que la douleur qui reste. Sinon peut-être que les gens arrêteraient d’aimer. Enfin, j’imagine. » En réalité il préférait ne pas imaginer un tel monde. « Je crains d’avoir l’air d’un vieillard à longue barbe grise en disant cela mais… je suis certain qu’un jour tu comprendras. » Un sourire et son ton malin pointé le bout de son nez, comme pour détendre un peu l’atmosphère. Laissant, par là même, sous-entendre que le jeune âge du pompier lui laisser encore le temps de découvrir un tas de choses qu’il ne soupçonnait pas. Et parmi elles le fait d’aimer, Gabriel l’espérait sincèrement. Après tout la vie avait plus d’un tour dans son sac et savait se montrer surprenante en bien des occasions. Et ce quelque soit son âge. Le libraire reprit un peu de sérieux et, tandis que ses yeux accrochaient la lente course de quelques nuages cotonneux, il laissa glisser quelques mots d’un ton posé. « Mais tu sais il ne faut pas craindre pas de laisser certaines personnes entrer dans ta vie et s’y faire une place. La souffrance n’est rien à coté de tout ce que les autres peuvent t’apporter en positif. Laisse-toi la chance de les rencontrer, d’accepter une main tendue. » Gaby était sérieux et sincère. Se contraindre à une vie d’isolement, s’interdire de s’attacher, dans le seul but de ne pas souffrir n’était, pour l’irlandais, pas une solution. On finissait toujours par s’attacher aux autres, on finissait un jour ou l’autre par souffrir, alors à quoi bon se priver se priver de bons moments, de partage, d’amitié ou d’amour ? D’aide aussi, d’une main tendue, du soutien ou de la présence de quelqu’un dans les moments les plus difficiles... Mine de rien Gabriel fut profondément affecté par les propos de son jeune camarade. Il lui semblait presque percevoir cette détresse qui l’habitait, ces blessures à vif qu’il ne parvenait pas à faire cicatriser, ce perpétuel combat intérieur qu’il menait contre lui-même. Il n’en connaissait pas les raisons ni leurs origines et pourtant il en était touché. Instinctivement sa main vint se poser l’espace d’une seconde sur l’épaule du pompier, dans un geste amical, presque fraternel, comme pour établir une sorte de contact direct, une manière de lui signifier qu’il n’était pas seul. Peut-être aussi qu’il ne le laisserait pas tomber. C’était dans sa nature à Gaby, cette empathie, cette manière de s’attacher aux autres, de leur porter de l’attention, l’air de rien souvent, sans être intrusif. Cette façon d’apporter son soutien, discrètement mais indéfectiblement. Il était persuadé, intimement persuadé, que la drogue n’apportait jamais rien de bon. C’était même pire que mieux. Il n’y avait aucun salut à y trouver, juste de l’oubli, de soi, de tout. Jusqu’à l’autodestruction, jusqu’à la fin, le point de non retour. Il en avait vu, des gens biens, se faire bouffer par ça, jusqu’à se perdre, jusqu’à tout perdre. Et lui, qui était-il pour juger ? Il ne blâmait pas, il ne le ferait pas ici et maintenant non plus. Mais il faisait, et il ferait encore, de son mieux pour aider. « Je suis certain que tu y arriveras, tu trouveras le moyen. » Ses yeux clairs trouvèrent ceux vert d’eau de Wren. Pour une fois le regard de l’irlandais avait quelque chose de tout à fait assuré, l’air grave, et derrière la compréhension, un petit quelque chose de droit, un petit quelque chose d’inflexible. Comme s’il s’agissait moins d’une option que d’une nécessité. Puis le libraire changea doucement de position contre le mur, comme pour soulager et économiser son corps endolori et engourdi et un sourire amusé éclaira un peu son visage abîmé. « Parle pour toi, merci mais je me passerai personnellement très bien de ce masochisme latent comme tu dis. » Il taquinait. Wren était parvenu à lui tirer un rire avec ses remarques entre humour noir et ironie, et plus inespéré encore, à laisser entrevoir ses petits airs de chat malicieux qui lui étaient devenus si rares depuis l’accident. Et c’était en soi une sacrée victoire que le pompier venait de remporter. Bien qu’il ne puisse avoir pleinement conscience sans avoir connu Gabriel avant cet événement tragique qui avait renversé sa vie. « Si tu le dis. » Un rire plus franc s’était échappé des lèvres de l’irlandais alors que le jeune homme lui assurait déjà un succès certain avec sa gueule cassée une fois dehors. « Je crois que je préfère le calme à la fureur cela dit. » Il riait, il riait vraiment. Un rire doux mais sincère. Et ses cotes avaient beau le rappeler à l’ordre il s’en moquait bien. Ce soupçon d’insouciance n’avait pas de prix. Wren rebondit alors sur la dernière remarque de Gaby, proposant plus volontiers une bière qu’un café. Le libraire se dit qu’à bien y penser une bière serait certes plus que la bienvenue. Le grand brun marquait encore un point. Un sacré bon point. Gabriel afficha un sourire malin pour éviter de trop se laisser aller à la mélancolie qui le guettait dès lors qu’on lui parlait de retrouver l’amour. A vrai dire il ignorait s’il en serait capable à nouveau. Pour le moment il essayait de ne pas griller les étapes. Le reste arriverait sans doute en temps voulu. Il préféra de loin reprendre le ton de plaisanterie du pompier. « Si tu espères saouler un irlandais sache qu’il te faudra un peu plus que de la bière. » Un sourire en coin étira ses lèvres. « A ce jeu-là tu pourrais être surpris. » Gaby savait bien que les gens se faisait souvent une certaine idée de lui, un tranquille et discret libraire sans histoire ni excès, peut-être même un peu coincé. Globalement c’était relativement juste. Cependant il savait aussi que nombreux seraient surpris concernant certains points. Le garçon de Galway prit une lente inspiration, puis ferma les paupières un instant, se perdant dans quelques souvenirs, le sourire malicieux toujours accroché aux lèvres, avant de laisser son regard se perdre de nouveau dans le bleu profond du ciel, savourant silencieusement la douce chaleur solaire sur sa peau, alors qu’à ses coté le grand brun allumait une nouvelle cigarette.
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Message(#)I scream for everything broken in our lives ¤ Gabriel EmptyLun 6 Mai 2019 - 10:59


I scream for everything broken in our lives.
Il ne serait jamais un optimiste mais en vue de son parcours, ce n'était probablement pas étonnant. Wren n'avait pas eu énormément d'occasions de côtoyer le bonheur, il l'avait juste effleuré. Tout au plus. Et encore, cela n'était pas arrivé depuis son enfance, les instants précieux où une famille se dessinait sous les feux des projecteurs. A cette époque, sa mère était encore entière, loin d'être abîmée par la vie et son père, lui, ne cherchait pas encore à tout rendre incandescent. Sa soeur rêvait encore d'un avenir radieux et son frère n'avait pour seule préoccupation que ses jeux de construction. Jamais une personne aurait pu prédire ce qui arriverait, transformant ce doux équilibre familial en véritable fléau d'un autre temps. Ils étaient soudés, toujours là les uns pour les autres, les parents économisant pour que les enfants puissent faire de longues études. Ils avaient énormément discuté de l'avenir de leur descendance et les Doherty avaient des rêves de grandeur pour leurs marmots. Ils voyaient déjà Wren à la tête d'une multinationale en vue de son charisme légendaire et sa manie de vouloir embobiner ceux qui se mettaient en travers de son chemin. Pour les jumeaux, c'était un peu différent. Ils voyaient déjà le premier artiste, peintre à ses heures perdues alors que la petite finirait certainement par révolutionner l'ère d'internet avec ses mains habiles. Les trois Doherty Junior avaient des ressources, toutes plus utiles les unes que les autres mais malheureusement pour leur ascendance, ils ne les avaient pas utilisé à bon escient à cause de ce qui leur était arrivé. Les jumeaux n'avaient jamais mis un pied à l'université et si le garçon se perdait dans la drogue et la petite délinquance oubliant ainsi les pinceaux et les rêveries d'antan, la petite préférait hacker pour le compte d'autres personnes plutôt mal intentionnés. L'aîné, lui, avait fait ses gammes dans la rue, s'amusant à faire des deals pour aider le reste de la famille à subsister tenant la barque tant bien que mal en vue de la tempête qui les ravageait. Son bagout l'avait aidé en bien des occasions mais pas spécialement pour faire le bien. Wren avait abusé des gens, de leur bonté, s'abandonnant à des vices incertains juste pour faire passer cette intense douleur qui l'habitait. Il ne s'en était jamais totalement débarrassé même s'il donnait le change depuis quelques années désormais. Devenir un pompier l'avait certainement aidé à voir au delà de sa petite personne mais cela ne voulait pas dire pour autant qu'il avait dit adieu au fléau... Au contraire, même, celui-ci faisait partie intégrante de la personne qu'il était devenu. Le jeune suédois s'était construit là dessus, sur cette étrange idée que le feu et les tragédies étaient ancrées dans son âme, comme si le monde entier était si binaire. Le noir et le blanc. Le bien et le mal. Pas d'entre deux. Doherty avait tort pour sûr mais on ne lui avait jamais appris à croire autrement, sûrement parce que son éducation s'était arrêtée brusquement un soir enflammé, son innocence disparaissant sous les décombres en même temps que la beauté de sa mère. Sa vie entière s'était bâtie autour de ce mythe de cruauté, le pompier méprisant tout ce qui avait pu en découler, la fuite de son père, la descente aux enfers de son frère, la perte d'identité de sa mère, l'errance de sa soeur. Plus rien n'avait eu de sens après ce douloureux événement alors comment faire pour passer à autre chose? Comment se laisser happer par l'amour que ce monde avait encore à offrir, même aux plus inaptes comme lui? Wren ne savait pas comment agir, il n'était même pas certain d'être prêt pour se laisser aller à ce genre d'extrémités. Finalement, c'était confortable de n'avoir à gérer que soi: c'était ce qu'il faisait ces derniers temps, laissant sa mère aux soins d'une aide de maison et les jumeaux à leur indépendance. Est-ce que sa façon d'agir avait un sens véritable? Il n'en savait rien, vraisemblablement mais pour une fois dans sa courte existence, Wren avait besoin de se sentir seul sur cette terre. Il ne voulait pas s'engager dans un quelconque attachement ou une mission de sauvetage familiale, juste profiter de l'instant présent, sa solitude aidant à se recentrer sur les problématiques qu'il pouvait avoir depuis quelques temps.

Le temps des interrogations était arrivé. Et si Wren avait jusque là évité de formuler une seule de ces questions à voix haute, la présence de Gabriel à ses côtés semblait remettre les choses en perspective. C'était peut être la première fois que Doherty constatait qu'il n'était pas le seul à souffrir et que cette douleur pouvait créer de belles choses. Carnahan en était l'exemple même, lui qui avait tout perdu dans un accident, lui qui avait dû laisser derrière une bonne partie de sa vie sans pouvoir y faire grand chose. A la différence de Wren, le libraire avait l'air de pouvoir vivre avec, il avait vécu cette phase d'acceptation que Wren refusait depuis une décennie déjà. Il ne pouvait toujours pas pardonner à son père, encore moins regarder sa mère en face sans la voir comme un petit être fragile qui avait besoin d'aide. Au fond, il se mentait à lui même puisqu'il n'avait jamais eu cette responsabilité de tout faire tenir debout. Il avait plutôt la responsabilité de vivre pour lui-même, de suivre son propre chemin sans regarder en arrière. C'était effrayant d'envisager une issue comme celle-là: c'était accepter la douleur, la laisser s'éparpiller dans la moindre parcelles de ses veines, l'entourer d'une douce étreinte et ne jamais la laisser gagner. Wren n'avait jamais été bon pour cela, il préférait la fuite, l'abandon de lui-même dans des causes futiles mais qui semblaient lui faire du bien à un instant T. Gabriel, lui, n'avait jamais choisi cette route, préférant prendre le temps de se reconstruire en douceur sans avoir besoin de sauter dans la gueule du loup pour se sentir vivant. Ce n'était pas moins douloureux évidemment mais c'était une guérison plus saine et plus véridique. "Je sais pas si j'apprécie vraiment les choses qui me tombent dessus comme ça. Le concept de voir venir me plaît un peu plus... Contrôler, c'est important. Les gens deviennent fous quand ça leur arrive et je suis déjà un peu taré sans ça alors qu'est-ce que ça fera de moi?" C'était une véritable question qui lui trottait dans le crâne ces derniers temps. Wren se doutait qu'il n'était pas tout à fait comme tout le monde, toujours pris dans ces luttes avec le feu, la drogue et autres mauvaises pensées qui pouvaient détruire sa vie et celle des gens autour de lui. Ce n'était peut être pas une bonne idée qu'il tombe sur l'amour à ce moment là même si c'était totalement par hasard, même si c'était beau, même si cela faisait rêver d'après ce qu'en disait Gabriel. Le rêve pour Doherty, c'était d'être libre du joug du moindre sentiment: le vide était son plus grand allié depuis dix ans et il avait pris sa place bien confortablement à ses côtés. "Si tant est qu'on ait le temps pour souffrir... La vie va hyper vite et si c'est pour passer une seconde à être heureux pour se prendre dix ans de malheur derrière, pourquoi faire? J'aime bien l'idée d'être heureux ici et maintenant sans avoir à penser à l'avenir que je suis en train de tuer. C'est trop fataliste pour moi." Il admirait cet optimisme à toute épreuve que semblait avoir le libraire. Il croyait encore au genre humain, Wren en était témoin dès qu'il se posait dans un coin de sa librairie. Il n'y avait jamais de place pour la méchanceté ou la mesquinerie: Gabriel était toujours doux et trouvait le bon chez les personnes qu'il côtoyait. Pourtant, on l'avait passé à tabac sans que Wren n'arrive à comprendre pourquoi. Qui voudrait blesser un oiseau du bonheur comme Gabriel Carnahan? Son sourire éveillait des populations tout entières, la preuve, Wren n'était pas capable de sourire aussi aisément habituellement mais l'estropié du moment à ses côtés combattait toutes ses mauvaises lubies avec une facilité presque trop déconcertante. "Si je reviens te voir en te disant que t'avais raison sur toute la ligne, je pourrais t'appeler Gandalf alors?" C'était sa manière de lui dire qu'il croyait en ce qu'il pouvait lui dire, juste pas pour lui. Wren ne pouvait pas être cet homme là, celui capable de renverser tous ses idéaux pour une personne à aimer. C'était trop soudain, trop brusque, tout simplement trop irréel. Tout cela était réservé aux gens comme Gabriel, ceux qui méritaient cette dose d'amour, ceux qui la demandaient après des soirs d'hiver passés seuls à ressasser un passé révolu. Le bonheur, c'était tout ce dont Wren pouvait rêver pour Gabriel, tout simplement. "Je peux pas t'affirmer que j'y arriverai facilement mais... Je peux essayer de laisser les gens entrer. Après tout, j'ai l'air de le faire avec toi. Et puis, tu t'en sortiras aussi, Gabriel, même si tout a l'air noir aujourd'hui." Il voyait bien qu'il souffrait et c'était même plus psychologique que physique alors que son état n'était pas beau à voir. Wren aurait aimé pouvoir le réparer d'un simple regard mais la vie ne fonctionnait pas ainsi. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était le regarder avec ses yeux perçants après avoir reçu sa tape amicale sur l'épaule. Une cigarette suivit son chemin jusqu'à ses lèvres et Doherty se sentit revivre, au moins le temps de quelques minutes en hochant la tête aux quelques propos de son camarade d'infortune. "C'est vrai que t'es trop doux pour aimer la colère ou le masochisme, toi... C'est un challenge du coup? On ira boire un coup, ou plusieurs quand tu sortiras d'ici alors." Il laissa le silence emplir l'air ambiant comme le souffle toxique du tube qui emplissait son corps. Il se sentait apaisé, malgré la souffrance de cette journée et la lourdeur de leur conversation. Wren regarda Gabriel du coin de l'oeil, constatant les quelques grimaces qu'il fit en se collant de nouveau au mur derrière lui. "Je te ramène dans ton pieu? T'as l'air de souffrir le martyr là et en tant que pompier, je peux que te conseiller de te reposer. C'est le seul remède pour les os brisés... Pour le mental, c'est autre chose évidemment." Wren jeta sa cigarette dans le vieux cendrier de l'entrée et s'apprêtait déjà à supporter Gabriel pour rentrer à l'intérieur. Leurs deux âmes n'étaient pas encore tout à fait damnés, il suffisait juste qu'ils l'acceptent tous les deux. Et surtout qu'ils avancent. Ensemble, c'était peut être plus évident, oui.
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Message(#)I scream for everything broken in our lives ¤ Gabriel EmptyVen 4 Oct 2019 - 19:09

▲ I scream for everything broken in our lives ▼

@Wren Doherty & Gabriel

Qui aurait pu prédire qu’un pareil instant, tout en partage, naîtrait du séjour de Gabriel dans cet hôpital ? Qui aurait pu deviner que ces deux hommes abîmés, harassés, par la vie et leurs combats, se retrouveraient là, sous un soleil doux les enveloppant d’une bienveillante chaleur, malgré leurs différences. Comment imaginer que ce serait en de pareilles circonstances que le lien invisible qui s’était tissé entre eux se nouerait définitivement ? Dans cet écrin de verdure au pied des hauts bâtiments hospitaliers et leurs blafardes façades, chacun s’était livré, découvrant ses blessures, ses peurs et ses abîmes. Mais ils n’avaient trouvé ici aucun jugement, aucune attaque dans cette vulnérabilité qu’ils avaient laissé transparaître. Ils s’étaient trouvés, reconnus, acceptés, l’un et l’autre, sans masques, sans armures. C’était un peu étrange pour Gabriel, d’ainsi livrer ces pans de lui, comme à un vieil ami, alors même que leur relation s’était jusqu’alors essentiellement et presque exclusivement bâtie sur le silence. Ou peut-être était ce seulement la suite logique de tout cela après tout. Entre eux il n’y avait jamais eu de faux semblants, tout résidait dans la simplicité et la sincérité de leurs échanges généralement muets. Les mots ne leur avaient jamais parus indispensables. Et pourtant entre eux tout paraissait juste, évident et simple. Honnête en somme. C’était sans le moindre doute la raison pour laquelle ils se confiaient si aisément, adossés contre ce mur aussi usé qu’eux d’en avoir trop vu passer. Parce qu’au fond Wren et Gabriel se connaissaient déjà, véritablement. Parce qu’ils avaient trouvé comme un écho de leurs propres blessures chez l’autre. Tous deux en équilibre au bord des abysses qui s’ouvraient à leurs pieds, prêts à les engloutir corps et âmes. Pourtant, sûrement sans trop savoir pourquoi ni comment, contre vents et marées, ils résistaient, encore et encore, à l’appel du vide. Peut-être trouvaient-ils de la force chez l’autre, celle de ne pas basculer. L’irlandais posa un instant ses yeux couleur d’azur sur la haute silhouette de Doherty et ce faisant il réalisa l’espace d’un instant à quel point ce jeune pompier, étrange funambule dansant perpétuellement sur le fil du rasoir, était devenu une figure de son quotidien, comme un repère. Leurs rituels silencieux à la librairie étaient devenus une part de sa vie de tous les jours, des habitudes ancrées imperceptiblement, inconsciemment, mais irrémédiablement. Il s’était attaché à ce personnage sans équivalent, à ce regard insondable, à son silence jamais pesant, jamais dérangeant. A ce silence qu’il comprenait mieux que des mots. Gabriel demeura muet encore quelques instants, comme sondant son être, comme s’il cherchait des réponses au plus profond de son âme. Oui il éprouvait bien cela, de l’attachement, d’une affection sans doute toute fraternelle. Lui qui n’avait pas eu de fratrie du sang et s’en était plutôt forgé une du cœur. C’était sans doute cela qui le liait ainsi au grand brun à ses cotés. « Je comprends oui. Bien qu’avec le temps on finit par apprendre qu’on ne peut pas tout contrôler, du moins en dehors de nos actions ou notre façon d’être j’entends. La vie suit son cours, insolemment, même lorsque l’on tente de la plier à notre volonté. Un peu de lâcher-prise finit par être le bienvenu, tu verras. » Qu’il avait laissé glisser doucement. C’était comme un souffle, un petit bout d’expérience, sa manière de dire les choses sans rien vouloir imposer. Un sourire étira légèrement le coin des lèvres de l’irlandais. « Un taré amoureux, j’imagine. » Il saisissait ce qui effrayait tant Wren dans le fait de se laisser aller à ces sentiments, de se livrer à la volonté d’un cœur indiscipliné et qui semblait souvent ignorant des méandres et mises en garde de la raison. Après tout ne disait-on pas que le cœur a ses raisons que la raison ignore ? C’était sans doute bien vrai. A croire que cet organe qui animait la vie au rythme de ses battements n’avait que faire de ce que lui susurrait le cerveau que beaucoup pensaient présider aux destinées des uns et des autres. Alors il fallait croire qu’il n’en était rien, ou tout au moins que cela était vrai tant que le palpitant se contentait de son rôle mécanique premier, car dès qu’il s’emballait il semblait soudain seul maître à bord. Mais était-ce si mal ? Gabriel ne le pensait pas. En revanche que cela soit effrayant il pouvait le concevoir. Il ne doutait en revanche pas que la vie finirait par chasser cette peur, cette crainte, qui habitait son jeune camarade. Pas aujourd’hui certes, mais le libraire ne doutait pas qu’il y avait bien un temps et un lieu pour chaque chose. Au moment voulu tout cela, tous ces doutes, prendraient un sens. « Et puis au fond toutes les folies ne sont pas mauvaises. » Finit-il par ajouter, un sourire rassurant sur le visage alors que ses prunelles pâles croisaient celles du pompier. « Mais ne t’en fais pas, chaque chose en son temps. Oui, chaque chose en son temps… » Gabriel avait repris son ton rêveur, un peu évasif, tandis qu’il se perdait une fois de plus dans la contemplation du ciel australien. Les mots de Wren s’accrochèrent néanmoins à ses tympans, trottant dans sa tête, au milieu de ses pensées et souvenirs. « Ici et maintenant… » L’instant présent. Le jeune homme avait raison dans ce sens. Rien ne valait le plus d’être vécu pleinement, rien n’avait plus de sens et d’importance que le présent. Le passé était définitivement révolu. Le futur, lui, n’existait pas encore. Seul le présent s’offrait à la vie. « Tu as raison oui. » Il concéda de bon cœur. Le moment qui s’étirait devant eux n’en était-il pas l’exemple parfait après tout ? Au milieu de la douleur, de tous les tourments de la vie, ils s’accordaient une bulle d’oxygène. Et rien ne comptait présentement plus. Rien n’était plus précieux que ce présent qu’ils avaient saisi à bras le corps et dont ils avaient fait une opportunité. Gaby inspira profondément, paupières closes. Non rien ne comptait plus que ça, vraiment. Et dans cet espace et ce temps qui n’appartenaient qu’à eux même l’insouciance semblait avoir élu domicile. Ce fut alors un rire franc qui franchit les lèvres du libraire aux mots de son jeune interlocuteur à la mention du Magicien Gris tout droit sorti des contes de Tolkien. « Si tu reviens me voir pour me dire ça tu pourras bien m’appeler comme bon te semble. Même Gandalf ! » Que ce rire, que cet éclat de joie, lui sembla salvateur, aimable, fantastique. Malgré la douleur qui lancinait durement son corps amoché, l’irlandais savoura chaque seconde de cet amusement presque enfantin. Bulle de bonheur au milieu de ce monde un peu fou. Gaby repris un peu de sérieux alors que Wren poursuivit. « On dirait bien que c’est ce que tu fais en effet. » Lâcha t-il avec un petit air malin vissé au visage et un éclat complice au fond de ses iris clairs. Au fond il était heureux que le pompier formule la chose, comme s’il acceptait de se laisser un peu approcher, un peu apprivoiser. Par instants il semblait trouver chez le grand brun quelques échos du gamin qu’il était lui-même. Bien que les problèmes et les craintes qui les tourmentaient étaient tout à fait différents. Cela résidait plus dans cette difficulté à laisser les autres approcher, à les laisser se faire une place dans leur vie, cette difficulté à accepter de s’attacher aussi. Gaby sourit, encore. Il ignorait si Wren percevait un temps soit peu, s’il avait conscience, de ce qu’il lui apportait de positif et de force en cet instant. A vrai dire le libraire en doutait. Il hocha doucement la tête. « Il y a eu des jours plus noirs encore, sois en sûr. » Ce furent des mots lâchés dans l’air doux, des mots prononcés à voix basse laissant transparaître le souvenir de périodes autrement plus lourdes et sombres que ce jour. De celles où la volonté de vivre de l’irlandais avait fini par ne plus tenir qu’à un fil, une main tendue, une épaule pour le soutenir avec toute la force qui l’avait alors abandonné lui. Tous ces jours où il lui était apparu plus simple, plus juste, de se laisser sombrer jusqu’à disparaître, de sauter dans l’abîme au-dessus duquel il évoluait, de s’y laisser glisser pour ne plus jamais refaire surface. En finir. Abandonner son corps douloureux, son âme meurtrie, son cœur déchiré. Abandonner. Tout. Définitivement. Son salut n’avait tenu qu’aux autres. Il ne s’était pas sauvé tout seul. D’autres l’avaient fait pour lui, lui donnant par là même une nouvelle impulsion. Puis il avait fait le reste du chemin. Jusqu’à ce jour. Il était encore là, encore vivant. Il avait choisi de vivre, un choix scellait par des promesses qu’il avait juré de ne jamais trahir. Des promesses formulées ou silencieuses à ceux qui s’étaient érigés autour de lui en garde-fous, en protecteurs, en gardiens. Ceux qui lui avaient prouvé qu’il continuait à exister et que la vie méritait d’être vécue, malgré tout. Ces pensées se dissipèrent doucement lorsque Wren rebondit sur la mise au défi déguisée qu’avait lancé Gabriel, presque innocemment. « Un challenge ? » Il s’appuya un peu plus contre le mur qui avait l’immense mérite de le soutenir bien mieux que ses propres jambes ne parvenaient à le faire. « Ma foi, ça se pourrait bien oui. » De nouveau son ton s’était fait espiègle. Décidément. Si on lui avait dit qu’au cœur de ce misérable séjour hospitalier il retrouverait quelques bulles d’insouciance teintées de malice tout droit revenues de sa jeunesse, il ne l’aurait sans doute pas cru. « Va pour plusieurs, ça ne sera pas de refus. » Oh ça non. Ce serait même une bonne manière de fêter sa sortie de cet endroit ! Cependant ce n’était pas encore d’actualité, et comme pour le lui rappeler il sentit les pointes de douleur reprendre possession de sa carcasse fatiguée. Et ça ne parut pas échapper à Wren. Après tout il était pompier avant tout. Qui plus est de ce que Gabriel en avait saisi il avait été parmi les premiers sur les lieux de son agression, aux premières loges pour constater le triste état dans lequel Maximilien l’avait laissé. Et ça devait sans doute trottait dans un coin de sa tête. En croisant son regard l’irlandais confirma qu’il était plus que temps de rentrer. Il fallait bien que cette parenthèse, étrange et salvatrice, aussi douce qu’amère, prenne fin. Gaby hocha doucement la tête. « Volontiers. » Répondit-il simplement dans un sourire qui masquait relativement mal la fatigue et la douleur qui s’emparaient de lui. « Je me plie aux recommandations du professionnel dans ce cas. » Ne pouvant s’empêcher d’ajouter une dernière pointe de malice. Comme à l’aller Gabriel accepta de bon cœur l’aide et le soutien offert par son camarade. Comme pour puiser encore un peu de cette force que Wren semblait en mesure de lui transmettre sans qu’il ne sache trop comment ni pourquoi. A quoi bon en chercher les raisons après tout ? Le libraire se contentait d’accepter cette présence amicale, car oui pour lui elle l’était, et salvatrice à ses cotés. Et même si en cet instant cela ne paraissait pas d’une folle évidence, il était assuré pour lui qu’entre eux il y avait cet esprit de donnant-donnant. La main tendue, l’épaule sur laquelle se reposer, que lui proposait le grand brun trouverait toujours un écho dans le soutien et l’attachement que Gabriel lui exprimait. C’était comme un accord tacite, muet, entre eux. Jamais formulé en mots mais toujours évoqué en gestes et silences entendus. Pour Gaby il était définitivement entendu que Wren pourrait compter sur lui s’il en éprouvait le besoin, qu’il trouverait en lui une oreille attentive sans jugement, un camarade, un ami.

Ce ne fut pas sans un vague pincement que l’irlandais retrouva la chambre froide et impersonnelle qui l’abritait depuis son admission. L’air libre lui manquait déjà. Mais il fallait être raisonnable, prendre son mal en patience, encore un peu. Il sortirait bientôt, retrouverait sa librairie, son chez lui, Sirius et Aodh et bien sûr tous ceux qui comptaient un temps soit peu à ses yeux. Il lui tardait déjà. Pour l’heure il était reconnaissant à Wren, sans doute bien plus encore que ce dernier ne pouvait l’imaginer d’ailleurs. Reconnaissant pour cette escapade proscrite, pour ces instants qui n’appartenaient qu’à eux, pour ces échanges à cœurs ouverts.

Et avant que le jeune pompier ne quitte la pièce, Gabriel lui lança un « Merci, vraiment. Pour tout, merci. » dans la plus pure sincérité, son ton doux imprégné d’une honnêteté dénuée de fioritures. Pour cette discrète complicité, pour ces instants à la librairie, pour ce moment volé à l'hôpital, pour ce lien invisible, pour ces mots, pour l'avoir littéralement ramassé, pour être venu le voir, pour tout. Il n’y avait rien d’autre à dire. Rien que merci, du plus profond de son être, de son âme, de son cœur. Merci
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