« Dis, Owen. La semaine prochaine, c’est mon anniversaire et j’aimerai bien apporter un truc à boire et à manger, c’est possible ? » Le prêtre hocha la tête. « Pas de soucis Sam. Pas d’alcool, c’est tout ce que je te demande ! » même si en réalité Owen s’en foutait un peu qu’il y a quelques bières ici mais sachant que certains membres du groupe étaient mineurs, il n’avait aucun risque à prendre. « Ça te fait quel âge ? » Sam le regarda et se mit à rougir. « Ce n’est pas le genre de question qu’on pause à des filles mon père ! » Owen se mit à rire devant cette réponse qu’il n’attendait pas. « Ok, je me contenterai de regarder ta fiche d’inscription ! » il lui lança un clin d’œil et l’accompagna vers la sortie.
La moyenne d’âge dans ce groupe était de 25 ans. Il était ouvert à tous à partir de 16 ans. Parfois, les plus jeunes n’osent pas venir pousser la porte car ils ne se sentent pas vraiment à leur place. N’ont pas l’impression de partager les mêmes choses que ceux qui en ont 25 parfois plus. Le plus vieux avait 28 ans d’ailleurs. Et lui non plus ne se retrouvait pas chez ces jeunes encore inscrit au lycée. Mais parfois, ca pouvait coller. Henry en était un bon exemple, il faisait preuve de maturité et bien sûr avait tout de suite trouvé sa place parmi ceux qui avaient presque dix ans de plus que lui. C’était d’ailleurs le seul mineur du groupe en réalité. Mais son expérience personnelle avait beaucoup apporté aux autres. Henry a seize an et sa mère est malade, pas une maladie qui se guérie avec quelques médicaments et des examens médicaux. Elle est psychologiquement malade et même psychiquement. Lorsqu’il est né, il a tout de suite été placé en pouponnière. Jusqu’à ses quatre ans, il ne voyait sa mère qu’une heure par semaine, toujours en visite médiatisé, il n’était jamais seul avec elle. Heureusement ou non. Heureusement parce que si ca avait été le cas, il aurait pu fini balancé par la fenêtre à plusieurs reprise et au contraire, si ca avait été le cas, il aurait pu aussi créer un vrai lien avec sa mère, apprendre à la toucher, à la reconnaitre. Pour lui, elle n’était qu’une inconnue qu’il voyait seulement une heure par semaine. Après l’âge de quatre ans, il pouvait aller chez elle un jour par semaine et là encore, ils n’étaient jamais seul. Il y avait toujours Doriane, cette jeune femme de vingt-huit ans qu’il connaissait mieux que sa mère, qu’il voyait plus souvent et avec qui il avait fini par créer un lien bien plus fort. Mais elle était professionnelle, le soir lorsqu’elle rentrait chez elle, elle laissait derrière elle tout ces enfants qu’elle voyait. Elle retrouvait son propre fils. Autant de réalité qui ont toujours été très dur à accepter pour Henry. C’est seulement à l’âge de 12 ans qu’il a pu vivre avec sa mère. Et rien n’a été très simple. Des cris, des pleurs, des incompréhensions. En venant dans ces groupes de paroles, ces groupes de jeunes qui s’intéressent au monde qui les entoure, Henry cherche des réponses, cherche des liens avec des personnes qui selon lui sont équilibrés psychiquement. Ça lui fait du bien et le groupe a presque vocation à devenir protecteur envers lui. Il est comme la mascotte et chacun prend soin de lui.
Owen allait partir à son tour, rentrer chez lui lorsqu’il entendit la porte du local s’ouvrir. Il pensait sur le coup que c’était l’un de ces membres qui revenait après s’être rendu compte qu’il avait oublié quelques choses mais en réalité, il s’agissait de Douglas. Owen fut très surpris de le revoir ici. « Douglas.. » il s’approcha de lui, l’air interrogateur. « Je m’attendais plus à te voir par ici… » le jeune homme n’avait pas remis les pieds dans le local pour participer aux différentes rencontres avec le groupe depuis plusieurs semaines. Personne n’avait vraiment eu de ses nouvelles mais Owen le savait en sécurité, c’était le principal. « Comment tu vas ? » il se doutait que s’il revenait ici, c’est qu’il y avait une raison.

Les jours passaient et ne se ressemblaient pas. Oubli contraire, ils se ressemblaient tous un peu trop. Douglas s'isolait de plus en plus et ne se rendait plus à l'église. Il était en totale déperdition et se laissait couler sans faire réellement d'efforts pour se remettre à flots. Pourtant, il avait tout pour être heureux, il avait trouvé une université qui avait accepté de l'accueillir, un cabinet d'avocats dans lequel, malgré les quelques mois qui s'étaient déjà écoulé, il peinait à trouver sa place, et un colocataire avec qui il vivait pour ne pas devoir se retrouver dans une chambre d'hôtel à faire de longs trajets tous les jours.

C'était bien bon tout ça, mais la vérité c'est qu'il était mort d'angoisse maintenant qu'il savait que son père avait été libéré, qu'il était quelque part à la surface de ce globe et que chaque jour, était un jour au cours duquel il pouvait le croiser à chaque coin de rue. Sans compter qu'il était en perpétuel questionnement concernant sa carrière professionnelle. Il aimait ce qu'il faisait, c'était indéniable, mais entre aimer son métier et être fait pour, il y a un trou. Et bien souvent on lui avait reproché de ne pas être fait pour ce métier, d'être trop gentil, trop impliqué dans les dossiers qu'il traite. Il ne pouvait le nier. Douglas était la gentilesse incarnée mais il avait choisi un métier de requins.

Mais aujourd'hui, il ressentait ce besoin, il devait retourner à l'église, c'est là qu'était sa place. Il n'y avait pas mis les pieds depuis plusieurs semaines et s'il ne le faisait pas rapidement, il rkdquair de sombrer réellement dans une spirale infernale de laquelle il ne pourra plus sortir. Il avait donc emprunté le chemin de l'église non sans crainte, il connaissait le prêtre Owen, et ils avaient toujours eu un bon contact tous les deux, mais comment fallait-il réagir à son absence prolongée et durant laquelle il n'a jamais donné de nouvelles ? Il craignait d'être rejeté et c'était bien la dernière chose dont il avait besoin. Il comptait faire irruption de manière discrète, aller prier et s'en aller sans être vu, mais c'était sans compter qu'aujourd'hui se tenait le groupe de parole.

" - Je.. Bonjour mon père."

Même si Douglas s'était toujours bien entendu avec Owen, il n'avait jamais osé l'appeler par son prénom, et comme ils n'avaient jamais eu l'occasion de se fréquenter en dehors de l'église, le jeune étudiant s'en était toujours tenu à ce descriptif pour le prêtre.

" - Je vais bien, enfin je crois.."

Est-ce qu'il allait bien ? Oui, il n'était pas mort de faim, ni de froid et il menait sa vie au jour le jour, donc oui il allait bien. La question, c'était plus est-ce que le moral était là et s'il allait bien psychologiquement, et là, la réponse était sans doute très différente.

" - Je sais que ça fait longtemps que je ne suis pas venu, et je comprendrai si.. Si vous ne voulez plus de moi, mais j'ai vraiment besoin de vous.." dit-il de manière confuse.

Le jeune anglais n'était pas du genre à appeler au secours, mais là, clairement il en avait besoin, sans aide il courait à sa perte et il le savait. La seule personne capable de l'aiguiller, de lui montrer le chemin à suivre c'était lui. Owen.

Depuis quelques semaines, le groupe qu’animait Owen avait pour projet d’organiser un séjour cet été. Comme un pèlerinage et ils avaient demandé à Owen s’il pouvait les accompagner. Le prêtre n’avait encore jamais participé à ce genre d’événement et il voulait quand même en savoir plus sur leurs attentes, sur ce qu’ils comptaient vraiment faire. A sa connaissance il n’y avait pas de haut lieu de pèlerinage en Australie, pas comme c’était le cas en Europe en tout cas ou dans d’autres pays en fonction des religions. Mais ils pensait se rendre sur la tombe du Révérend John Flynn à Alice Spring en plein cœur de l’Australie, il est le fondateur du Royal Flying Doctor Service, cette institution connu de tous à présent, organisation de secours en Australie apportant une aide médicale aux populations isolées du pays. Donc ça méritait une belle organisation. Owen s’était montré enthousiaste à cette idée, il laissait alors le groupe discuter de tout ça pendant leurs rencontres hebdomadaires. Pour le moment le projet n’était qu’un ensemble de vagues idée mais il prenait forme petit à petit. Il était question de partir pour une marche de trois jours et avec sac à dos et toile de tente sur le dos. Il existait un parcours qu’ils n’auraient qu’à suivre jusqu’au temple. Un projet auquel Douglas aurait pu participer mais il avait fait faux bon avant que l’idée n’émerge.
« - Je.. Bonjour mon père. » Visiblement, Douglas semblait aussi surpris qu’Owen de le voir ici. Mais il était peut-être plus logique qu’Owen soit présent dans cette église. Peut être pensait-il passer discrètement sans ne croiser personne, ce qui était également possible. Owen n’était pas toujours sur le front, parfois, il avait aussi de la paperasse à faire et pour ça, il se trouvait dans un petit bureau à l’arrière de l’Eglise. Là où personne ne mettait jamais les pieds, interdit au grand public. « - Je vais bien, enfin je crois.. » voilà déjà une bonne nouvelle mais le je crois qui en suivait pouvait rendre curieux le prêtre. « - Je sais que ça fait longtemps que je ne suis pas venu, et je comprendrai si.. Si vous ne voulez plus de moi, mais j'ai vraiment besoin de vous.. » Owen fronça les sourcils et secoua la tête. « Je n’ai aucune raison de « ne plus vouloir de toi » par ici. L’Eglise est ouverte à tous et peu importe depuis quand tu n’y as pas mis les pieds. Que ce soit ici ou dans le groupe de parole avec les autres. » il préférait remettre les choses au clair. L’Eglise n’était pas une secte qui enfermait les gens ou qui les rejetait lorsque ceux-ci avaient pris un peu de distance. Au contraire, chacun était libre de venir et repartir lorsqu’il le souhaitait. « Pourquoi dis tu avoir besoin de moi ? » sur ce point, Owen se montrait plus inquiet.

Douglas n'avait jamais été du genre à crier au loup quand ce n'était pas nécessaire. Et même lorsque ça l'était, comme lorsque son père a commencé à lever la main sur lui, il n'avait rien dit. Il s'était contenté de subir, parce qu'il pensait que tout cela était normal. La vérité c'est qu'il avait peur des représailles et peut-être de la réaction des autres s'ils venaient à l'apprendre. Alors il avait encaissé, et aujourd'hui, il le faisait encore, mais la peur qui lui rongeait l'estomac chaque jour était de plus en plus importante. À tel point qu'il n'osait presque plus sortir de chez lui.

Avant de déserter l'église, Douglas la fréquentait un minimum de deux fois par semaine. Il connaissait bien Owen et ils avaient déjà eu l'occasion d'échanger ensemble. Tout comme Douglas lui avait confié les violences dont il avait été victime lorsqu'il n'était encore qu'un enfant. Le prêtre avait su l'épauler, le soutenir, lui redonner goût à la vie. Mais tout avait été chamboulé maintenant que son père était libéré. Il pouvait aller et venir comme bon lui semblait. Mais ce n'était plus le petit enfant qu'il avait quitté, malgré tout, Douglas n'était pas certain de pouvoir faire face à cet homme. Il ignorait ce qu'il ressentait pour lui, c'était un mélange de haine et de peur. Il n'y avait plus d'amour dans l'équation.

Forcément quand Douglas aperçu le prêtre, il était prêt à faire demi-tour quitte à observer les lieux jusqu'à temps qu'il puisse s'y rendre sans risquer de le croiser. Mais si les choses s'étaient déroulées ainsi c'est sans doute parce que le ciel avait décidé que Douglas devait recevoir de l'aide. Le jeune anglais partait du principe qu'il n'y avait pas de hasard, ou en tout cas qu'il était impacté d'une manière ou d'une autre. Et il faut croire que c'était bel et bien le cas à cet instant précis, puisqu'Owen se tenait devant lui.

Le jeune homme fut rassuré quand il lui dit qu'il n'avait pas de raison de le mettre de côté ou même de le rejeter, car si ça avait été le cas, Douglas ne s'en serait sans doute pas remis. Il avait déjà été rejeté trop de fois dans sa vie pour supporter un énième rejet, surtout de la part d'Owen.

" - Il est sorti.."

Dans un premier temps, c'est tout ce qu'il trouva à dire pour répondre à sa question. Prendre ses jambes à son cou était probablement la meilleure option qu'il avait, mais il faut croire que son corps en avait décidé autrement car il était cloué sur place, incapable de faire le moindre mouvement. Comme paralysé.

" - Il est sorti et j'ai peur qu'il me retrouve. Qu'il fasse de nouveau irruption dans ma vie comme si ces dix dernières années n'avaient pas existé. Je ne suis pas prêt pour ça.."

Owen connaissait en effet le passé difficile de Douglas. Les violences qu’il avait subies n’étaient pas un secret pour lui, malheureusement. Owen avait fait de son mieux pour trouver les mots justes, pour tenter de remettre ce gamin déchiré sur pied et lui faire aller de l’avant. Il n’était peut-être pas le mieux placer pour ça, peut être qu’un psychologue aurait été plus efficace, qui sait, mais lorsqu’on vient chercher la main du prêtre, il la tendra à son tour, hors de question d’envoyer balader qui que ce soit. Tant qu’il peut aider, sans se substituer à quiconque, il le fera. Il avait bien sûr conseiller Douglas à aller voir des professionnels, il l’avait bien prévenu que sa parole n’était que subjective mais il semblerait qu’il ait su trouver les bons mots pour l’aider. Depuis qu’il était à Redcliff, tout juste un an, il le voyait régulièrement et il avait vu son évolution, la prise d’assurance. Owen s’était dit que finalement, s’il ne venait plus c’est qu’il avait trouvé d’autres forces ailleurs, peut être qu’il n’avait plus besoin de se raccrocher autant à la foi. Par contre, en le voyant devant lui, ces suppositions partirent en fumée. Owen faisait face à un jeune assez perdu, presque effrayé, ça se lisait sur son visage et il venait chercher ici de nouveau une main tendue. « Il est sorti.. » Owen eu comme un frisson. Il savait tout de suite de quoi il parlait, plutôt, de qui il parlait. « Il est sorti et j'ai peur qu'il me retrouve. Qu'il fasse de nouveau irruption dans ma vie comme si ces dix dernières années n'avaient pas existé. Je ne suis pas prêt pour ça.. » Owen n’avait jamais été confronté à de la violence au sein de sa famille. Forcément, il ne pouvait pas dire qu’il savait ce que c’était, il ne pouvait pas se mettre à la place de Douglas si facilement, mais il pensait bien que les douleurs physiques qu’il pouvait endurée cachaient aussi des douleurs psychologiques encrées. « Tu y avais pensé à ce jour n’est-ce-pas ? » forcément, son père n’allait pas rester en détention indéfiniment, la date de sa sortie étaient fixée depuis bien longtemps. « tu t’y étais préparé ? » forcément, il y avait pensé. Mais entre ce qu’il pouvait se dire et la réalité, parfois, il y a un gouffre. « je te pense suffisamment fort Douglas pour ne pas te laisser manger par cette peur de le croiser. » Owen se posa une autre question. « Quand est-il sortie ? » ca faisait plusieurs semaines que Douglas ne venait plus, peut être que ça correspondait avec la date de sortie de son père. « j’ose imaginer que si ton père voulait te retrouver, ce serait déjà fait depuis quelques temps… » simple supposition mais il ne voulait pas que Douglas se promène en ville avec la peur au ventre. « je t’ai vu changer en venant ici toutes les semaines, je t’ai vu prendre confiance en toi et même faire confiance aux autres… il y a encore à faire, mais petit à petit, c’est venu. Je serai très peiné de voir que la sortie de ton père aurait balayé tout ça… »

En arrivant en ville en début d'année, Douglas avait tenu à informer le prêtre de sa situation, après tout, pour lui c'était normal. Il avait toujours été éduqué de la sorte, en se tournant vers la foi, donc c'était normal de venir se confier à cet homme qu'il savait de parole et qui ne lui planterait pas un poignard dans le dos à la première occasion. Il avait déjà beaucoup de mal à se confier de base ou même à parler de son enfance, mais avec Owen, ça avait été simple. Ça l'avait toujours été.

Quand il était arrivé, il avait eu besoin de soutien, que quelqu'un lui dise quoi faire. Lui réapprenne à vivre sans devoir sans cesse se méfier à chaque coin de rue. Même s'il ne se plaignait quasiment jamais, Owen savait que derrière les sévices que Douglas avait pu subir, et le fait qu'il en ai encore certaines marques sur le corps, de tout cela, c'était la souffrance psychologique qui était la plus dure. Et ça, le prêtre l'avait bien compris. Il avait tenté de redonner confiance à Douglas et ça avait fonctionné, avant que tout ces efforts ne soient réduits à néant par la peur qui le rongeait désormais.

En entendant les propos de son interlocuteur, le jeune anglais avait tout simplement envie de rigoler et de lui crier dessus à la fois. Bien sûr qu'il le savait. Bien sûr qu'il y avait pensé, il s'était même imaginé cette scène des dizaines et des dizaines de fois, sans jamais que le dénouement soit le même. Il savait que son père ne resterait pas derrière les barreaux toute sa vie. Mais la vérité, bien que présente était dure à accepter pour le jeune garçon. Et elle était encore plus dure à affronter, voilà pourquoi il était venu chercher l'aide du prêtre. Mais que pourrait-il faire après tout ? Hormis trouver les bons mots, il n'y avait pas de remède miracle, soit Douglas prenait la fuite, soit il attendait ici en se demandant tous les jours si cet homme qu'il croise au coin de la rue n'est pas son père.

Souvent pendant ces dix dernières années, il lui ai arrivé de se demander quelle tête il avait. Avait-il de la barbe ? Avait-il laissé pousser ses cheveux ? Tant de questions qui le perdait encore plus dans ce qu'il éprouvait au plus profond de lui.

" - Bien sûr que j'y ai pensé. J'ai imaginé un tas de scénarios avec des fins différentes, mais le fait qu'il soit réellement dehors, c'est différent. Ça rend la chose plus ... réelle, plus angoissante. Mais ce n'est pas parce que j'y ai pensé que je suis prêt à affronter tout ça.." avoua-t-il au croyant.

Il passa une main dans ses cheveux comme pour y mettre le désordre alors qu'ils étaient coiffés, puis il joua nerveusement avec son anneau de pureté comme souvent quand il est nerveux.

" - Quand je suis arrivé en ville en début d'année, c'était pour fuir tout ça justement. J'avais besoin d'un terrain neutre sur lequel je pouvais évoluer sans craindre de mettre le pied sur une bombe enfouie. Et voilà que finalement ça ne sert à rien puisque tout cela me rattrape aujourd'hui.. À croire que je suis voué à fuir pour le restant de mes jours."

Et puis qu'est-ce qu'il fuyait ? Il ne savait pas où était son père. Ai bout du compte il fuyait un fantôme. Même si Owen semblait croire en lui, en sa force pour affronter tout cela, Douglas lui, n'était pas du tout serein face à cette situation. Et clairement, il ne se voyait pas d'affronter ce nouvel obstacle qu'on lui imposait dans sa vie paisible.

" - Je ne sais pas réellement depuis combien de temps, on m'a téléphoné pour me dire qu'il avait purgé sa peine et qu'il allait sortir de prison. Dix ans. Pendant dix ans j'avais la sensation d'être libre, je n'ai pas ressentie cette peur qui me ronge à présent."

Oui il avait songé à ce qui avait bercé son enfance. Oui il s'était demandé s'il avait bien fait d'envoyer son père en prison. Il s'en était voulu et il se disait qu'il avait fait ce qu'il fallait pour s'en sortir indemne. Malgré cela, il ne savait plus ce qu'il devait croire.

" - Et vous voulez que je fasse quoi ? Que je fasse comme si tout cela ne m'atteignait pas ? Que je fasse comme si j'étais serein à l'idée que cet homme puisse revenir pourrir ma vie comme il l'a fait quand j'étais gamin ? Écoutez, je suis venu ici pour être épaulé, pour tenter d'obtenir du soutien, pas pour m'entendre dire que je dois faire face à la vérité."

Douglas était un gamin calme en temps normal, mais il s'énervait aussi, et parfois trop rapidement, comme à cet instant précis parce qu'il était nerveux. D'ici dix minutes, il irait s'excuser de lui avoir parlé de la sorte.

Douglas était comme un livre ouvert, même lorsqu’il ne parlait pas, ses émotions paraissaient facilement sur son visage. Owen compris rapidement que la situation lui était très compliquée à gérer et que lui-même aurait bien des difficultés à contenir le jeune homme. Il avait peur, il était perdu, il avait surement beaucoup de colère en lui également mais malgré tout, c’était vers Owen qu’il s’était à nouveau tourner, il n’allait donc pas lui tourner le dos. L’écouter et le conseiller à sa manière était sans doute la meilleure chose à faire. S’il pouvait à nouveau se rendre utile… tenter d’apaiser les souffrances de Douglas, mais ça n’allait pas être facile, il l’avait bien compris. Il devait surtout le laisser s’exprimer. « - Bien sûr que j'y ai pensé. J'ai imaginé un tas de scénarios avec des fins différentes, mais le fait qu'il soit réellement dehors, c'est différent. Ça rend la chose plus ... réelle, plus angoissante. Mais ce n'est pas parce que j'y ai pensé que je suis prêt à affronter tout ça.. » Le jeune homme remis Owen à sa place en quelques mots. Comme si ses questions n’avaient pas de sens à ses yeux. Il préférait rester silencieux, le temps que Douglas puisse évacuer tout ce qu’il avait sur le cœur. Toute cette peur qui était enfuie en lui depuis plusieurs semaines maintenant… « Quand je suis arrivé en ville en début d'année, c'était pour fuir tout ça justement. J'avais besoin d'un terrain neutre sur lequel je pouvais évoluer sans craindre de mettre le pied sur une bombe enfouie. Et voilà que finalement ça ne sert à rien puisque tout cela me rattrape aujourd'hui.. À croire que je suis voué à fuir pour le restant de mes jours. » Pour le prêtre, permettre à Douglas de parler, de mettre des mots sur ce qu’il pensait, allait aussi lui permettre de mieux se sentir ensuite et de faire du tri dans toutes ces pensées. Il imaginé qu’il n’en avait parlé à personne avant et qu’à force de ressasser tout ça, il avait sans doute fini par s’y perdre. « Reste pas là, on va aller s’asseoir. » fit le prêtre lorsque la porte de l’eglise s’ouvrit, laissant entrer une femme dans le bâtiment. Personne n’avait besoin d’assister à cette scène. Il le guida vers la sacristie, une pièce à l’arrière de l’église bien moins accueillante que la bâtisse du seigneur mais ils y seraient plus tranquilles. Owen fit signe au jeune de s’installer à la table, il se mis assis en face de lui. « Je ne sais pas réellement depuis combien de temps, on m'a téléphoné pour me dire qu'il avait purgé sa peine et qu'il allait sortir de prison. Dix ans. Pendant dix ans j'avais la sensation d'être libre, je n'ai pas ressenti cette peur qui me ronge à présent. » Il y avait plusieurs scénarios possibles suite à la sortie de prison de son père. La première chose, la meilleure serait qu’il ne revienne jamais dans la vie de Douglas, qu’il reste loin et en même temps qu’il lui fasse juste savoir qu’il n’avait rien contre lui. Ensuite, il pouvait très bien revenir en étant repentie, demandant pardon à son fils, ayant compris la leçon de ces dix années de prison mais en réalité, Owen n’y croyait pas. Il avait beau être prêtre, il se devait d’être neutre, de donner une seconde chance à tous, mais il avait beaucoup de mal lorsqu’il s’agissait de violence faite surtout sur des membres de sa propre famille. Et la dernière idée pour Owen c’était en effet que son père revienne et soit comme une ombre pour lui, une ombre menaçante… le pire scénario. « Comment tu père pourrait-il te retrouver ? » Brisbane était une grande ville et Owen savait que Douglas avait pris ses précautions pour ne pas être retrouvé facilement. Son adresse n’était publiée nulle part, son numéro de téléphone introuvable aussi. « Et vous voulez que je fasse quoi ? Que je fasse comme si tout cela ne m'atteignait pas ? Que je fasse comme si j'étais serein à l'idée que cet homme puisse revenir pourrir ma vie comme il l'a fait quand j'étais gamin ? Écoutez, je suis venu ici pour être épaulé, pour tenter d'obtenir du soutien, pas pour m'entendre dire que je dois faire face à la vérité. » Douglas haussa le ton, agacé par ces questions que lui posait le prêtre. « N’interprète pas mal ce que je te dis Douglas. Je suis pas là pour te donner des leçons ou quoi… pour moi, c’est aussi compliqué à gérer que toi, c’est la première fois que je suis face à ce genre de situation… j’aimerai pouvoir t’aider, pas te dire quoi faire, juste pouvoir te guider. Tenter de voir cette flamme allumée en toi. Dit moi ce que tu attends vraiment de moi alors… » s’il était venu ici c’était pour chercher des réponses ou peut être juste une oreille tendue mais Owen devait savoir pour ne pas mettre Douglas dans un état pareille à nouveau.

Douglas n'avait pas vraiment beaucoup d'amis, il avait des connaissances de part ses fréquentations à l'université mais également dans le cabinet où il travaillait. En dehors de ça, il n'était pas ce l'on pouvait appeler très sociable. Il pouvait tenir une conversation, mais il était beaucoup trop réservé pour la commencer lui-même. De même que lorsqu'il croise une jolie fille dans la rue, il est du genre à la regarder, lui sourire sans jamais aller plus loin, tout simplement parce qu'il en est incapable. Il est bien trop timide pour ce genre de choses. Alors oui, il aurait pu se confier à Archie son colocataire ou bien à Cassandra, son premier amour. Mais tout cela n'avait aucun sens. Et puis, hormis le soir où il avait balancé les événements de son passé à son colocataire, il ne lui a jamais expliqué en détails cette période de sa vie. La seule et unique personne à tout connaître de ce temps là, c'est Owen. L'homme qui se trouve devant lui. Voilà pourquoi Douglas est venu le chercher. Qui pouvait-il contacter à part le prêtre ? C'était presque une évidence, il était l'homme de la situation, celui qui pouvait le soutenir et l'aider à surmonter ça une seconde fois.

Pendant qu'il se confiait, qu'il faisait part de ses doutes et de ses craintes à l'homme de l'église, il avait comme l'impression que tout cela n'était pas réel. Il voulait croire que ce n'était qu'un mauvais rêve et qu'il pouvait s'en sortir sans trop souffrir. Mais la réalité le rattrapa bien rapidement au fut et à mesure que son interlocuteur lui posait diverses questions. Soudain, la porte de l'église s'ouvrit et Douglas sursauta. Tout cela était beaucoup trop réel et la peur le rongeait de l'intérieur. Il ne pouvait pas vivre comme ça, dans ce climat pendant les prochaines années de sa vie. Sursauter dès qu'une porte s'ouvre, ou qu'un homme a une voix ressemblant à celle de son père, ou encore qu'une odeur familière lui rappelle son enfance. Ce n'était pas une vie.

Sans un mot, il suivit l'homme pour aller s'installer dans un lieu plus calme, là où personne ne viendra les déranger. Et c'est dans la sacristie qu'ils allaient se réfugier. Douglas n'avait jamais eu l'occasion de venir dans cette partie là de l'église, c'était différent du reste, mais il trouvait toujours cela reposant. C'est aussi pour ça qu'à une époque il venait si souvent. L'église c'était un peu comme sa deuxième maison, il savait qu'il pouvait y venir comme il voulait, que personne ne le jugerait ou ne le critiquerait sur des choix qu'il a fait. Mais surtout, lorsqu'il voulait trouver un lieu calme où réfléchir, c'est ici qu'il venait, parce que l'ambiance qui en émanait le calmait instinctivement.

" - Je sais pas.. Il serait prêt à engager un détective s'il le faut.."

À l'époque, quand Douglas était enfant, son père sortait toujours tous les moyens pour obtenir ce qu'il désirait. Donc s'il voulait le retrouver, il y arriverait, qu'importe les moyens. Le jeune anglais avait toujours fait attention à ne pas trop en révéler sur lui, il n'avait aucun réseau social, il avait simplement un téléphone qui lui servait à téléphoner et éventuellement, quand il en a besoin, à naviguer sur le web, mais il a tout fait pour ne pas laisser de traces, pour ne pas permettre à son père de suivre le fil rouge le menant jusqu'à lui. Mais il ignorait si c'était assez ou non.

La dernière phrase d'Owen prit au dépourvu le jeune étudiant. Il se leva de sa chaise, fit les cents pas dans l'espace où il se trouvait tout en jouant nerveusement avec son anneau de pureté. Qu'est-ce qu'il attendait de lui ? Comment pouvait-il répondre à cette question alors qu'il n'avait même pas la réponse. Il était sans doute venu chercher les réponses à ses questions, avoir un soutien qu'il savait sincère. Ou alors, tout simplement se prouver qu'il n'était pas seul et qu'il pouvait compter sur lui, mais c'était peu probable. Douglas ne savait pas ce qu'il attendait du prêtre.

" - Je ne sais pas. Je ne sais plus." murmura-t-il en continuant d'arpenter la pièce de long en large.

Peut-être qu'il était venu ici pour entendre que son père ne le retrouverait jamais, qu'il devait continuer sa vie comme il l'avait fait jusqu'à présent. En gros, d'entendre ce qu'il avait pris pour la vérité ces derniers mois et qui venait d'éclater en morceaux.

" - Je ne sais plus quoi faire. J'ai l'impression que tout ce que j'ai toujours pris pour la normalité, ma virginité, mes principes, que tout ça c'est que du vent. Quand les gens apprennent qui je suis vraiment, je vois leur regard changer, je les vois avec de la pitié ou de la compassion pour moi. Alors quoi ? Je suis censé aller en boîte, coucher avec des inconnus et boire à en perdre la tête pour me fondre dans la masse et ne plus être dévisagé. Je ne sais plus où j'en suis mon père.."

Et c'était sans doute plus pour ça qu'il était présent en ces lieux face au prêtre. Il avait besoin d'entendre des propos qui confirmeront qu'il n'est pas si différent que ça, qu'il est normal et que sa foi est sans faille. Sauf que sa foi semble se réduire considérablement, comme si cette présence supérieure lui faisait payer le prix de ses choix.

Un détective privé, carrément. On pouvait imaginer que son père puisse être rancunier d’avoir passé dix ans de sa vie en prison suite au courage que Douglas avait eu de le dénoncer à la police. Et il est vrai qu’avec tout ce qu’il avait pu décrire et raconter à Owen, on pouvait difficilement imaginer un personnage saint et équilibré qui pourrait faire table rase du passé. Mais Owen aimait croire que les gens pouvaient changer. Même si dans certains cas, il avait du mal à être tolérant. Particulièrement lorsque des enfants sont concernés. Et sincèrement, si Owen devait donner de sa personne pour permettre à Douglas d’être en sécurité, il le ferait. Il s’était attaché a ce petit mec depuis qu’il le connaissait et si Owen se demandait pourquoi il avait choisi cette voie, devenir prêtre, il pouvait penser à Douglas et là, plus aucun doute. Owen finit par lui demander quelles étaient les vrais attentes de Douglas en venant ici puisqu’il n’acceptait pas vraiment d’entendre les remarques d’Owen. Qui partaient toutes d’un bon sentiment à aucun moment, le prêtre n’avait voulu juger Douglas ou quoi. « Je ne sais pas. Je ne sais plus… » c’était une réponse logique après tout. Owen regarda le jeune homme qui marchait dans tous les sens dans la sacristie. « viens t’asseoir. » forcément, en faisant les cents pas, il ne pouvait pas vraiment se concentrer, se poser. « T’as besoin de te calmer, prends le temps pour reflechir… » il était stressé, completement flippé et Owen n’avait pas l’impression de pouvoir y faire grand-chose. « Je ne sais plus quoi faire. J'ai l'impression que tout ce que j'ai toujours pris pour la normalité, ma virginité, mes principes, que tout ça c'est que du vent. Quand les gens apprennent qui je suis vraiment, je vois leur regard changer, je les vois avec de la pitié ou de la compassion pour moi. Alors quoi ? Je suis censé aller en boîte, coucher avec des inconnus et boire à en perdre la tête pour me fondre dans la masse et ne plus être dévisagé. Je ne sais plus où j'en suis mon père.. » donc la sortie de prison de son père n’avait pas seulement éveillé en lui la peur de le croiser mais ça avait remis en cause bien plus que ça. « Ne remets pas en doute tes convictions… » Le prêtre se retrouvait lui-même un peu perdu face à tout ça et la seule idée qui lui venait en tête était la suivante… « Est-ce que ça te dit d’aller faire du sport ? » lâcha Owen. Lorsque lui-même n’était pas bien, c’est la réponse qui lui convenait le mieux. Ça lui permettait d’évacuer ses mauvaises pensées et de pouvoir mieux se concentrer ensuite. Il connaissait bien les bienfaits du sport et il ne doutait pas que ca pourrait ensuite faire du bien au jeune homme. Même s’il ne comprendrait peut être pas tout de suite la proposition du prêtre. Ca permettrait aussi à Owen de prendre le temps de mieux réfléchir à tout ça et peut être apporté des propositions ou des conseils à Douglas qui ne seraient pas sortie de nulle part.

Douglas n'était pas du genre à penser que les personnes qui avaient déjà commis des erreurs étaient voués à les payer toute leur vie, pourtant dans le cas présent, il ne pouvait pas pleinement penser que son père avait changé. Il avait très certainement dû vivre des choses qu'il ne souhaite à personne en prison, mais c'était un juste retour des choses pour ce qui lui avait fait endurer quand il n'était encore qu'un gamin. Alors oui, il a commis une erreur c'est certain, mais malgré ces dix années qui se sont écoulées, Douglas n'est pas certain de réussir à lui pardonner un jour. Pas après les cicatrices qui restent encore sur son corps à ce jour. C'était bien trop douloureux d'accepter qu'il revienne dans sa vie après les dégâts qu'il avait fait.

Alors que le jeune garçon était en train de se confier sur ses attentes, ou plutôt sur son absence d'attentes, il faisait les cents pas dans ma sacristie, ce qui semblait rendre le prêtre quelque peu nerveux à son tour. Raison pour laquelle il lui demanda de venir s'asseoir, mais c'était impossible, Douglas était tellement paniqué qu'il n'arrivait pas à rester assit, c'était plus fort que lui, ce qu'Owen crut comprendre au travers ses paroles.

Anderson énuméra ses doutes concernant ses convictions, ses principes et tout ce qu'on lui avait enseigné jusqu'ici, pourtant il ne pouvait s'empêcher de douter. Est-ce que tout ce qu'il avait suivi jusqu'ici n'était finalement d'aucune utilité ? Est-ce que ce n'était qu'utopie et qu'il se battait pour quelque chose de totalement abstrait. Mais malgré sa position défaitiste, Owen tenta de trouver les mots justes pour rassurer le jeune étudiant.

Cependant, la proposition du prêtre le troubla. Pourquoi lui demander une telle chose ? Au fond, il n'avait qu'une envie, accepter, mais il se rappelait qu'il n'avait pas mis le religieux au courant de sa malformation cardiaque transmise par son géniteur. Et s'il ne lui disait pas et qu'il acceptait sa proposition ? Ça voulait aussi dire, qu'il se mettait en danger délibérément.

" - Si ça ne tenait qu'à moi, je vous aurai dit oui avec grand plaisir étant un grand sportif, mais.. Il faut croire que mon père m'a laissé un autre souvenir puisqu'il y a quelques temps on m'a découvert une malformation cardiaque transmise par cet homme.. Depuis, je ne peux plus faire de sport, en tout cas, pas autant que je le voudrais.. Je dois faire attention à me ménager et à le ménager lui.." fit-il en désignant son coeur.

Mais dans le cas présent, il se fichait pas mal de tout cela, alors il se planta devant le prêtre.

" - Bon allons-y, sinon je vais devenir fou si je reste ici.." finit-il par dire à l'attention de son interlocuteur avec un léger sourire.

Le sport avait toujours eut une part importante dans la vie d’Owen. C’était une histoire de famille, un héritage de son grand père mais ca remontait encore bien plus loin. Son arrière arrière grand père était en réalité le premier à lancer la tradition sportive chez les Baxton. C’est lui le premier à avoir fouler la pelouse verte d’une terrain de rugby. Enfin, à l’époque il ne s’agissait pas de pelouse dans de beaux stades mais plutôt de poussière rougeâtre dans un terrain vague. Jouant avec ses amis, il avait fini par monter un club sportif avec une belle bande de pote. Il faisait partie des fondateurs du club sportif non pas de redcliff où jouait Baxton maintenant mais de Bayside. Et depuis, il était presque obligatoire pour chaque homme de la famille d’enfiler ses crampons et de taper dans le ballon ovale. Seul le frère d’Owen n’avait jamais été attiré par ce sport, n’ayant pas envie d’avoir des contraintes. Aller au même endroit tous les mardi soir et en plus obligé d’avoir des matchs le weekend, impossible. Plutôt crever que d’avoir ce genre d’obligation. Mikel était un électron libre, il ne signait de pacte avec personne. Il avait tout de suite fait comprendre à son père que ça ne l’intéressait pas, ce qui bien sûr l’avait déçu. Mais Owen remplissait parfaitement ce rôle-là, le sportif de la famille et ca allait à tout le monde ainsi. Après la disparition du père d’Owen, il avait arrêté le sport, arrêté beaucoup de chose qui lui plaisait car c’était trop dur, ca lui rappelait bien trop de souvenirs qui lui étaient douloureux. Owen pensait se rendre service mais c’était loin d’être le cas, il avait fini par se couper du monde et le retour à la surface avait été compliqué. Il avait ensuite retrouvé gout au sport et il s’était rendu compte qu’en plus de la religion, ça l’avait beaucoup aidé. Il se sentait mieux, pouvait passer ses frustrations en se défoulant ainsi. Le sport pour lui était un très bon vecteur d’émotion et s’il pouvait transmettre cette passion aussi, il ne s’en priverait pas. Par contre, en effet, il y a un facteur qu’il n’avait pas pris en compte… « Si ça ne tenait qu'à moi, je vous aurai dit oui avec grand plaisir étant un grand sportif, mais.. Il faut croire que mon père m'a laissé un autre souvenir puisqu'il y a quelques temps on m'a découvert une malformation cardiaque transmise par cet homme... Depuis, je ne peux plus faire de sport, en tout cas, pas autant que je le voudrais. Je dois faire attention à me ménager et à le ménager lui. » Owen n’était pas au courant de ce soucis cardiaque et pour le coup, ce n’était pas la meilleure proposition qu’il pouvait lui faire. Et il n’avait aucune envie de se retrouver à jouer au médecin s’il arrivait quoi que ce soit. Il avait beau avoir été dentiste et maitriser les gestes de premiers secours, il se passerait bien de tout ça. « Bon, okay, c’était peut être bon une bonne idée… » dit le prêtre en se frotant le crâne, regardant en direction du cœur du jeune homme. Décidément, c’était pas de chance. « Bon allons-y, sinon je vais devenir fou si je reste ici.. » Owen harqua un sourcil. « Euh j’préfère pas prendre de risque Douglas… » il craignait qu’il ne s’emballe trop. « Ou alors, on va faire un tour, mais tranquille quoi… j’veux pas être responsable s’il t’arrive quelques choses ! » aller marcher, ca semblait être une bonne alternative. « Ou alors, j’ai une autre proposition ! » fit il alors qu’il posa ses yeux sur son casque de moto. « Ca te dit qu’on aille faire un tour ? » il fit signe au jeune homme de se tournant pour qu’il puisse voir le casque en question. « suffit qu’on passe par chez moi prendre un second casque et par chance, j’habite pas très loin. » assis derrière une moto, les sensations seraient bien présente et en même temps, le jeune homme ne fournira aucun effort. « tu verras la sensation de liberté qui est procurée fait un bien fou ! »

Avant de savoir qu'il était malade, Douglas avait pratiqué le sport en grande quantité, et même s'il ne le pouvait plus aujourd'hui, par chance, son corps gardait encore tout le temps qu'il avait passé à le sculpter. Il ne le montrait pas non plus à tire-larigot. Ce n'était pas dans ses habitudes et ce n'est pas aujourd'hui qu'il allait commencé. Alors oui, il comprenait parfaitement ce qu'Owen essayait de faire en lui proposant de faire du sport. Bien que ce soit compliqué pour certains de s'y mettre, ça permettait de se vider l'esprit et de ne pas totalement déraillé. C'est aussi grâce à ça qu'il avait réussi à tenir bon durant toutes ces années de maltraitance, bien qu'il n'ai jamais utilisé ces forces pour se retourner contre son père, probablement que le retour aurait été encore plus compliqué.

Certains avaient la musique ou une passion quelconque pour se changer les idées lorsqu'ils en avaient besoin, Douglas lui avait la foi. Et jusqu'à présent, c'est tout ce qu'il avait pour se raccrocher. Enfin, du moins avant que ses doutes ne deviennent trop envahissants et qu'il ne commence à douter de sa propre foi. De ce qui l'avait toujours aidé à survivre durant toutes ces années. Alors oui, le jeune étudiant comprenait où Owen voulait en venir en lui proposant de faire du sport. C'était ne meilleur moyen pour se vider la tête et tenter d'avoir l'esprit clair lorsqu'ils aborderont de nouveau le sujet.

Mais comme un idiot, Douglas s'était confié sur sa malformation cardiaque et son incapacité à faire du sport. Il est évident que suite à ça, le prêtre n'allait pas prendre le risque que Douglas fasse un quelconque malaise à cause d'une décision qu'il aurait prise lui-même. Il fallait donc trouver une autre solution. Douglas n'en avait pas mais ce n'était pas le cas du religieux qui lui proposa alors une autre option. Et au fond, celle-ci était beaucoup plus du goût de Douglas. Faire un tour mais pas en courant, simplement en étant sur la moto que possédait le prêtre. Et pour le sentiment de liberté dont il parlait, il ne le connaissait que trop bien, c'est pour ça que bien souvent il se déplaçait avec sa moto. Il faut dire aussi que c'était son seul moyen de locomotion en dehors des transports en commun.

" - Ça fait longtemps que vous conduisez ?" demanda-t-il alors en ayant impatience de découvrir quel modèle il possédait.

Il y avait plusieurs choses qui passionnait le jeune Anderson dans la vie : le sport, le droit et sa moto. Il y tenait comme à la prunelle de ses yeux, et s'il n'était pas venu en moto jusqu'à l'église, il est certain qu'en revenant de cette escapade, il irait très certainement se perdre en ville, dans des coins où il pourra être tranquille.

" - Je connais ce sentiment, j'ai également une moto, et je passe souvent mon temps à déambuler en ville où même en dehors de la ville juste pour apprécier ce sentiment. Cette liberté."

Certains jeunes adultes avaient dû mal à prendre leur responsabilité quand le temps vient, Douglas lui n'avait pas eu le choix, mais aujourd'hui, il s'en sort plutôt pas mal. Et pour cause, il a dû grandir beaucoup trop tôt et ne se souvient pas d'avoir eu une enfance comme les autres enfants de son âge. Il avait dû prendre des décisions d'adulte trop tôt et ça avait été rapidement son quotidien.

" - Est-ce qu'on peut aller voir votre moto ?" demanda-t-il des étoiles dans les yeux.

Oui possédait une moto R1 de couleur métallisée bleue, et même s'il dépendait beaucoup trop d'argent pour elle, craignant chaque petite anomalie et faisant donc de lui un très bon client du garage où il l'a donnait à réparer, il voulait juste pouvoir admirer un autre modèle que le sien. Il en avait presque oublié que quelques minutes auparavant il était tellement angoissé qu'il ne pouvait pas rester immobile. C'était presque du passé. Au fond, il suffisait simplement d'aborder des sujets qui passionnant le jeune garçon.

Proposer une balade en moto à Douglas semblait être un excellent compromis entre les sensations qu’auraient pu lui procurer le sport et en même temps rester en sécurité. Le but d’Owen n’était pas de finir par appeler les urgences car le jeune homme allait faire un malaise devant lui. Mais alors qu’il proposait à Douglas d’aller faire un tour, les yeux du jeune homme s’illuminèrent, Owen venait de marquer un point. Bonne pioche. « Ça fait longtemps que vous conduisez ? » Owen hocha la tête. « J’ai passé mon permis moto à 23 ans… » il grimaça en comptant les années qui s’étaient écoulées depuis. « 15 ans… » mais il n’était pas non plus du genre à sortir sur son cheval mécanique sans cesse. A vrai dire, sa moto était un moyen de locomotion qu’il utilisait peu, préférant la voiture. C’était plus par valeur sentimentale puisque la voiture qu’il possédait avait appartenu à son père lorsqu’il était toujours en vie. « Je connais ce sentiment, j'ai également une moto, et je passe souvent mon temps à déambuler en ville où même en dehors de la ville juste pour apprécier ce sentiment. Cette liberté. » Il est vrai qu’avant ce jour, ils n’avaient jamais abordé ce sujet. La moto, alors Owen était surpris et en même temps ravi de pouvoir partager cette passion avec le jeune Anderson. « Ah, je t’ai jamais vu venir en moto ! » Bon en même temps, les moyens pour venir étaient assez nombreux. Métro, bus, les transports ne manquaient pas dans le coin. « Est-ce qu'on peut aller voir votre moto ? » le jeune homme se montrait intéressé et curieux ce qui plaisait à Owen. Il n’avait pas la prétention de dire qu’il pouvait apaiser ses craintes mais il semblait avoir presque oublié son père. Au moins, il pensait à autre chose et tant mieux. Challenge réussi, visiblement. « J’te propose qu’on aille jusqu’à chez moi ? » Owen habitait à deux rues de l’église, pratique pour pouvoir s’y rendre en un rien de temps. « Ma moto est garée la bas et on récupérera le deuxième casque. » s’il y avait deux choses de valeurs que possédait le prêtre c’était sa moto et sa voiture, rien de plus alors il y prenait vraiment soin. Owen se saisi de son casque derrière le Douglas et l’invita à le suivre. « j’ignorai que tu aimais la moto. T’en fais depuis quand ? » lui demanda-t-il a son tour. « A l’occasion si t’as envie d’une virée sur la côte, tu pourras compter sur moi. » Owen ferma le local derrière lui, repassant par l’église où la personne qui s’y était engouffrée auparavant avait disparu. Il ferma la grande bâtisse à clé avant de se diriger vers chez lui. « On est à cinq minutes. J’ai une Honda CBF 600 N, je l’ai achetée en 2010 mais, comme je l’utilise pas souvent elle est encore presque comme neuve. »

On avait déjà reproché de nombreuses choses au jeune homme, comme le fait de trop prendre à coeur les choses qu'il fait, comme par exemple son rôle de bénévole dans cette association pour femmes battues. En avait-il déjà parlé avec Owen ? Il n'en ai pas certain, mais après tout, qu'est-ce que ça changerait ? Il le féliciterai certainement d'être aussi serviable et d'aider son prochain, mais il ne voulait pas faire cette démarche dans le simple but d'être bien vu du prêtre. On lui avait souvent reproché d'être trop gentil, bien trop gentil au point de se faire écraser par ceux qui étaient prêt à tout pour grimper ai sommet. Il avait conscience de tout cela, mais il n'avait jamais réussi à devenir une autre personne. Ses principes et son éducation faisaient qu'il ne pouvait tout simplement pas être cette personne qu'on lui demandait d'être.

Après avoir parlé de son père, des craintes qui étaient liées à sa libération mais aussi à tout ce que Douglas pouvait entendre à longueur de journée sur le genre de personne qu'il était, un sujet qui le passionnant fut évoqué, celui de la moto. Les yeux du jeune garçon se mirent immédiatement à briller à l'évocation de ce sujet, comme si Owen savait quel thème aborder pour rassurer Douglas, et lui faire oublier ses craintes ne serait-ce que pour une durée éphémère. Et même si le retour à la réalité sera toujours aussi compliqué, peut-être que ses craintes et ses doutes allaient être plus légers après cette escapade en moto.

En repassant dans son esprit toutes les fois où il s'était rendu à l'église, effectivement il n'était jamais venu en moto. Généralement il venait en transports communs afin de pouvoir se perdre un peu en ville, se vider l'esprit et prendre son temps autant qu'il le pouvait. Donc il est logique que le prêtre n'est jamais vu la moto de l'anglais.

Aux propos d'Owen, Douglas ne pouvait qu'hocher la tête. Il était tellement pressé de pouvoir observer sous toutes ces coutures la moto de son interlocuteur. Ça en devenait presque une obsession maintenant qu'il savait qu'ils partageaient ça ensemble. Peut-être même que ça allait les reprocher et que Douglas pourrait se servir de ce moyen pour le voir en dehors de l'église. Sur ces paroles, les deux hommes finirent par quitter l'église, Owen prenant soin de tout fermer convenablement avant de prendre le chemin qui menait vers son domicile. Ça devait être assez pratique d'habiter à côté de l'église, ça lui évitait très certainement de faire de nombreux aller-retour.

" - Je fais de la moto depuis que j'ai obtenu mon permis, donc six ans." répondit-il fièrement au religieux.

Sa moto c'est sans doute ce dont il était le plus fier, hormis ses études bien évidemment. Et quand il entend Owen parler de son modèle de moto, il ne peut qu'être encore plus impatient d'avoir au domicile de l'homme. Ils avaient un modèle de moto assez similaire. Un modèle assez sportif, contrairement à une harley davidson par exemple.

" - Si vous êtes disponible le weekend prochain, peut-être que l'on pourrait faire une balade en moto ?"

Douglas ne devait pas rester trop longtemps sans rien faire, c'est peut-être pour ça aussi qu'il était toujours occupé soit par ses études, son stage ou son bénévolat. Parce que plus il restait inactif, plus il se replongeait dans son passé, et encore plus depuis qu'il avait appris que son père avait été libéré.

Après quelques minutes de marche, ils finirent par arriver au domicile du religieux. Déjà, l'étudiant ne put s'empêcher de regarder la maison que possédait Owen. Au fond, il l'enviait parce que lui n'avait pas les moyens d'avoir une telle demeure où il vivait seul. La preuve, il avait été obligé de répondre à une annonce pour une colocation parce qu'il n'avait pas d'autres solutions sous la main. Ensuite, ses yeux se posèrent sur l'objet duquel ils discutèrent plus tôt, à savoir la moto. Et ses yeux se remplirent d'étoiles, laissant Owen seul pour se précipiter sur l'objet qui le passionnait tant, tout en le détaillant.

 Owen avait absolument pas la prétention de pouvoir dire qu’il allait aider Douglas, mais si au moins, il pouvait lui permettre de penser à autre chose et à chasser ses mauvaises pensées et ses peurs le temps de quelques instants, c’était déjà gagner. Ca allait sans doute rien changer pour le jeune d’ici ce soir, surement que le lendemain allait être compliqué aussi et qu’il allait avoir peur à chaque coin de rue mais au moins, l’espace de quelques instants, quelques heures, il n’y penserait plus. Et il se sentirait mieux. C’était seulement ce que pouvait apporter le prêtre au jeune homme, être mieux le temps d’une balade, d’un détour sur une route côtière.  Owen avait tenté de se mettre à sa place ou plutôt, il s’était demandé ce qui lui faisait oublier son quotidien à lui, ses craintes et ses angoisses, notamment lorsqu’il pense à son propre père mais c’était quand même bien différent. Owen lui avait parfois des pensées sombres, lui rappelant le décès de son père qu’il chérissait tant. Rien à voir avec le fait de craindre son père finalement. Mais le moyen était le même : penser à autre chose, s’évader. Alors la moto était l’une des choses qui lui permettait ça, après le sport mais aux vues des problèmes de santé du jeune homme, Owen avait vite laisser tomber cette idée. Le casque posé juste derrière lui avait fait émerger cette idée. Le prêtre était content d’avoir visé juste avec cette proposition et agréablement surpris en apprenant que Douglas faisait lui aussi de la moto. Il lui demanda depuis quand il pratiquait. « - Je fais de la moto depuis que j'ai obtenu mon permis, donc six ans. » il devait avoir une certaine maitrise alors, il n’était plus considéré comme novice après tant d’années. Owen guida le jeune homme jusqu’à chez lui où ils pourraient récupérer sa moto. «  - Si vous êtes disponible le weekend prochain, peut-être que l'on pourrait faire une balade en moto ? » Owen réfléchît un court instant, la proposition était alléchante mais il devait s’assurer de n’avoir aucune cérémonie religieuse en dehors de la messe dominicale. «Pas de mariage, pas encore d’enterrement non plus… et pas d’autres événement prévu, je suis dispo ! » bien sûr si d’ici là un imprévu arrivait – on ne calculait pas encore les dates de décès de nos jours – il se verrait obligé d’annuler mais il était partant, sur le principe. Arrivé à destination, la grande demeure qui faisait face à Douglas n’était pas la possession d’Owen. Il n’y habitait qu’un petit appartement situé au dernier étage qu’il partageait même en colocation depuis peu avec Tess. Il avait sous louer une chambre supplémentaire pour pouvoir avoir un peu d’argent à mettre de côté à la fin du mois. La moto d’Owen elle était dans la petite cour juste derrière le portail, là elle ne gênait personne. « et là voilà » fit-il en laissant Douglas admirer la moto. « Je vais récupérer le deuxième casque et je reviens. » le prêtre se faufila rapidement dans la bâtisse et monta jusqu’à chez lui. Il redescendu en moins de cinq minutes avec le casque dans les mains. « tiens c’est pour toi ! » il lui donna et saisi alors l’autre pour le mettre sur sa tête. Le prêtre retira la béquille de sa bécane et la sortie de la cour pour aller sur la route. « On est parti ? »