Pk toi - 1m80 - 34 ans - accent français/arabe - feat. @Joseph Keegan
Vous savez, certains hommes ne sont pas sortables. Pour diverses raisons. Que ce soit parce qu'ils se comportent mal en société, parce qu'ils sont ennuyants au possible, ou parce que rien ne les amuse. Ce jour-là, Yanis n'était pas sortable. Levé du pied gauche, brosse à dent qui pète, épis rebelle, avalé de travers le petit déjeuner, éternuement soudain alors qu'il allait boire, tache de sauce tomate sur son pull ; une poisse monumentale en cette matinée qui promettait une journée horrible. Tout, absolument tout ce qu'il avait l'habitude se faire se voyait perturbé par une sorte de malédiction qui faisait tout capoter à tel point que Yanis se demanda si la vie ne lui envoyait pas un message. Cet enchaînement l'avait mis d'une humeur exécrable. Au départ, il avait pensé que ne pas sortir de chez lui était probablement la meilleure des options vu son karma à chier, mais il avait bien deux sessions d'entraînement pour l'après-midi, aussi il ne pouvait pas se le permettre. Tout ça pour que son premier RDV se pointe avec une chiasse monumentale et passe plus de temps aux toilettes que sur les machines. Yanis le renvoya chez lui complètement dépité. Mon lit me manque, se disait-il, regrettant de s'être levé ce matin-là. Il attendit donc son deuxième client de la journée, qui devait arriver sur les coups de 16h. Vous la sentez venir la couille ? Lui aussi le sentait mal. Devant le centre, l'ancien légionnaire poireautait, pas très motivé pour rester à l'intérieur. Si quelque chose devait se produire sous son nez il voulait pouvoir l'anticiper. 16h30. Personne. Les dents serrées, Yanis sortit son téléphone pour appeler son client. « Bonjour, c'est Yanis. Où es-tu ? » Il attendit. Écouta la réponse. Puis ses yeux se fermèrent lentement alors que sa poitrine se soulevait d'une lente et profonde inspiration. « Aucun problème, je comprends. Toutes mes condoléances. Prends soin de toi. » Grand-mère décédée. Malheureusement, il était à l'heure actuelle incapable d'éprouver la moindre compassion pour son client. Il comprenait l'annulation, la détresse, mais peut-être aujourd'hui était un jour où sa propre détresse allait éclipser toute celle des autres. Ce fut un Yanis dépassé par les événements qui arpentait les rues, prêt à rentrer chez lui, lorsqu'il fut arrêté par quelqu'un dans la rue. « Pour un dollar vous pouvez gagner plein de cadeaux ! Tentez votre chance ! » Yanis voulu dépasser la personne, qui l'arrêta, insistant. Mais vous savez, quand votre chance du jour est aussi pourrie, vous pouvez avoir tendance à penser que faire l'inverse de ce que vous faites habituellement peut éventuellement vous porter chance. Alors, à contre-coeur, il s'exécuta, sortit un dollar de son porte-monnaie, plongea sa main dans l'espèce de cagnotte que l'individu tenait et en sortie un papier. Le papier fut prit de ses mains et un autre lui fut tendu. « Bravo ! Vous avez gagné un ticket d'entrée gratuit à Dreamworld ! » Dreamworld. C'était quoi déjà ? Ah, oui, il se souvenait.
Là. Ce qu'il y foutait, il en savait rien, mais il était là. La tronche d'un mec blasé, les mains dans les poches, pas intéressé par la moindre attraction et de surcroit, d'une humeur dégueulasse. Yanis n'était pas beau à voir et l'aura qu'il dégageait semblait atteindre les gens qui l'évitaient de fait très facilement. Son regard était noir, sa casquette bien enfoncée sur sa tête et sa veste remontée juste à son menton, lui donnant un air particulièrement... suspect. Vêtu de noir de la tête aux pieds, il avait davantage l'air d'un brigand que d'un simple visiteur. Mais qu'importait. Il allait sortir des sentiers battus, se défaire de sa routine et essayer de changer la donne, de terminer la journée sur une bonne note. Il fit un peu le tour du parc, s'arrêta devant les montagnes russes pour regarder les gens hurler ; nope. Il visita la maison hantée ; nope, il avait manqué de frapper quelqu'un. Peut-être l'ascenseur ? En panne. Le tems s'écoulait à une vitesse affolante et il n'avait finalement pas fait grand chose. Rien ne l'avait amusé. Tout l'avait gavé à un point inimaginable. Pourtant, il restait là, marchait, rôdait, tel un bonhomme un peu largué, à la recherche du sens de la vie. Il était 20h lorsque Yanis donna une dernière chance au parc ; il opta alors pour l'attraction la plus chiante, la plus bateau, la plus nulle et inintéressante qui soit : la grande roue. Aussi motivé qu'un mort, il fit la queue, seul, non sans glander sur son téléphone en attendant ; n'étant absolument pas présent sur les réseaux sociaux, il se rendit compte qu'à ce moment précis, il aurait bien aimé avoir des ragots et potins à lire, histoire de s'occuper. Puis enfin, vint son tour. On lui demanda s'il était accompagné ; il dit non. Mais visiblement, compte tenu de la popularité de ce... truc ennuyeux, il fallait y aller à deux. On lui demanda si ça le dérangeait et il répondit par la négative. S'installant donc en premier, il attendit qu'on fasse venir la personne qui aurait à subir son mutisme et sa compagnie super chaleureuse ; un homme fut invité dans sa cabine et la porte se referma. Regardant au départ à l'extérieur, ce ne fut que lorsque la cabine bougea que Yanis posa le regard sur son camarade de bonne aventure.
« ... »
...
« ... »
Lui.
« ... »
S'il avait eu un mur, il s'y serait volontiers écrasé la tête dessus. S'il ne risquait pas sa vie en sautant par la fenêtre, il aurait sauté. Il soupira. Lentement. Profondément. Ses doigts vinrent prendre l'arrête de son nez et il murmura à mi-voix quelques mots.
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L'autre s'étouffe et Yanis lève les yeux au ciel. Il ne se voyait pas, dans l'immédiat, faire un massage cardiaque à ce gars, son humeur étant tellement mauvaise. Les ondes négatives qu'il dégageait allait devenir bien plus agressive à ce rythme, il le savait. Combien de temps durait un trajet en grande roue déjà ? Il sortit son téléphone alors que l'autre se remettait de ses émotions. Blabla, problème... prendre exemple... durée de l'attraction variable selon la grande roue... Cho Wong. Yanis se figea, fixant son écran de téléphone une petite seconde pour bien imprimer ce qu'il venait d'entendre. Cho fuckign Wong venait-il de l'appeler ? Même à la légion personne n'avait osé tenir ce genre de propos. Ceux qui s'y étaient risqués, militaires venus d'ailleurs ou prisonniers, avaient senti le revers en plein dans le nez. Mais là, il n'était pas en temps de guerre, il n'était pas sur un champ de bataille ni dans une base, et ce mec était encore moins un ennemi. Juste un gars à la gueule un peu trop bruyante pour ses oreilles.
« ... »
Le silence de Yanis pouvait paraître pour un accord tacite entre lui et l'homme assis à ses côtés quand en vérité, il chassait bien vite son envie de lui écraser la tête contre la fenêtre par laquelle il regardait. Il n'aimait pas la violence, ni en faire usage ; un comble n'est-ce pas ? Mais ça le défoulait. Il n'aimait pas l'admettre mais faire usage de la violence le soulageait la plupart du temps. Comme le sport était un exutoire. Un bref regard fut lancé à son voisin qui avait engouffré le reste de son bretzel dans sa bouche. Même sa tronche l'énervait, en réalité. Le métis rangea plutôt sèchement son téléphone dans sa poche et, rapidement, pointa un doigt en direction de l'oreille de l'homme ; son doigt vint à peine effleurer sa peau pour provoquer un effet de surprise, suite à quoi il prit enfin la peine de répondre.
« Tu veux que je t'éclate la tronche contre la vitre peut-être, hein ? » Claquement de langue contre son palet. « Surveille tes mots. Simple conseil. »
Et il se renfrogna sur lui-même, fourrant ses mains dans les poches de sa veste, s'enfonçant sur le siège. Ces attractions avaient la réputation de calmer les gens, d'être romantiques et offrir des vues imprenables sur la ville et le parc. Yanis n'était pas de cet avis. Tout se ressemblait. Il n'y avait rien de folichon à regarder et cela n'avait rien d'impressionnant. Peut-être était-ce dû à se mauvaise humeur mais lorsqu'il regarda par la fenêtre, il se fit même la réflexion que son voisin avait potentiellement une chance de survie selon la manière dont il le jetait et s'il visait bien. Et s'il ne se débattait pas trop. Ah, qu'est-ce qu'il pouvait en avoir envie.
« Deux secondes. C'est le temps que tu mettrais pour arriver en bas si je te jette dehors. »
Profonde inspiration, long soupir. Comment cet homme qu'il ne connaissait finalement pas pouvant autant empirer son humeur en l'espace de quelques secondes ? Était-ce juste par l'appellation raciste qu'il venait de faire ou était-ce un tout global, son être entier l'énervant ?
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Le venin de ce petit serpent giclait loin. Très loin. Yanis l'imaginait capable de beugler dans la rue, quitte à se ridiculiser, juste pour dire ce qu'il avait envie de dire. Il le voyait mordre et cracher contre des ours, des boeufs et des éléphants alors qu'il savait qu'il se ferait piétiner. Il suffisait d'un petit coup de bâton, à l'image du doigt vers l'oreille, et le serpent à sonnette faisait entendre sa chanson. La menace de Yanis était certes du vent car il n'allait pas le jeter par dessus la nacelle ─ tout de même ! ─ mais ce n'était pas l'envie qui manquait. Il avait un truc horripilant, ce gars. Comme lorsque vous sentez quelque chose qui vous démange dans le dos et que même ne vous grattant de toutes les manières possibles, vous n'arrivez pas à vous débarrasser de cette sensation. La respiration de Yanis se voulait calme, posée, régulière. Il détourna le visage sur le côté pour regarder l'extérieur alors que l'autre commentait son attitude en l'associant à un psycopathe. S'il ne prenait aucun plaisir avec la violence elle-même, le métis devait bien admettre qu'il éprouvait une certaine satisfaction au travers de la domination. Il n'aimait pas la compétition, parfois, et préférait simplement être dominant, rien de plus.
« Toi et tes clichés à la con faites un peu pitié. Tu schlingues l'ignorance à des kilomètres. » dit-il sans le regarder.
Entre les propos racistes et la réputation de son sport, Yanis voyait bien que cet individu n'y connaissait finalement que ce qu'il apprenait des films et des on-dits. Ce n'était guère suprenant vu que la majorité de ses élèves avaient eu les mêmes idées préconcues en arrivant. Ils avaient dépassé un quart du trajet et la nacelle s'arrêta pour laisser les prochains passagers entrer. Yanis tourna son visage vers celui qu'il considérait toujours comme un intrus.
« Tu sais quand même que si je te pète le nez j'ai la légitime défense pour excuse et qu'il n'y a pas de caméra de surveillance dans les nacelles des grandes roues, hein ? »
Il faisait bien référence au fait que plusieurs pourraient témoigner de la présence d'une sorte de rôdeur autour du centre sportif à toujours regarder le cours de Yanis. Même s'il avait arrêté de venir, Yanis l'avait bien fiché et avait demandé à être prévenu s'il revenait rôder dans les alentours, des fois qu'il s'en prenne à quelqu'un d'autre. Alors, l'un en l'autre, il ne s'inquiétait pas trop de son propre sort. Un légionnaire récompensé au parcours et comportement admirable, faire une bourde de ce genre sur un coup de tête ? Mais non voyons, certainement pas. C'était forcément l'autre le coupable. Le hasard faisait parfois très bien les choses... ou très mal. L'expression de son visage était toujours aussi sérieuse, cependant il y avait comme une petite lueur de défi qui se mit à briller. Quitte à être coincé avec ce type, autant mettre les choses au clair rapidement.
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Ce mec était un cliché à lui tout seul. Un gag ambulant. L'archétype de l'ignare vulgaire et irritant. Yanis avait beau le savoir, il n'était malheureusement pas aussi insensible qu'il aimerait l'être face aux railleries de son voisin de cabine. Si meurtriers et autres hors la loi pouvaient le charier et l'insulter de tous les noms et en toutes les langues sans que cela ne l'atteigne, même lorsqu'ils menaçaient ses collègues et son pays, il y avait un fossé entre eux et l'énergumène bizarre à ses côtés. Parce que lui, ce rôdeur, était une personne totalement normale ─ théoriquement ─ dont les railleries étaient sincères. Il sentait malgré lui que c'était justement par habitude qu'il était ainsi et c'était ça qui le touchait. Le simple fait de savoir qu'il était comme ça sans raison. Juste... comme ça. L'homme se leva et attira l'attention de la mère et son enfant de la cabine derrière eux ; Yanis les regarda brièvement du coin de l'oeil puis détourna le regard. Il ne pouvait pas provoquer un accident devant une enfant, c'était absolument hors de question. Et alors qu'il maudissait son compagnon de voyage en serrant les dents, le manège s'arrêta. Il leva la tête, observa les nacelles au dessus de la leur qui balançaient d'une manière inquiétante et pourtant totalement normale. Une voix s'éleva alors du speaker de la cabine et Yanis leva les yeux au ciel en soupirant. Évidemment, un problème technique maintenant. Qu'avait-il fait au monde pour que sa journée soit aussi pourrie ? Le métis regarda par la fenêtre, baissant les yeux pour voir la distance qu'il lui restait à sauter s'il voulait se barrer maintenant.
Un poil trop haut quand même. Il pouvait éventuellement s'amuser à jouer à spiderman sur les poutres mais il avait moyennement confiance dans le truc vous voyez ─ il n'était pas dans un film et surtout ne voulait pas prendre un risque débile juste parce que son voisin allait lui filer des hémorroïdes à ce rythme. Yanis, sans vraiment savoir pourquoi, lança un nouveau regard derrière eux ; la gamine dans la nacelle derrière la leur s'était mise à pleurer et se trouvait dans les bras de sa mère. Normal qu'elle ait peur. Et bizarrement, en voyant Yanis, la gamine se mit à pleurer de plus belle et vint cacher son visage dans les bras de sa mère, cette dernière demandant à Yanis de se retourner.
Et lui, qui ne comprenait pas la réaction. Pourquoi devait-il se retourner ? Il fronça les sourcils un instant, observant la mère en silence, et quand elle lui demanda d'un geste un peu plus insistant qu'il s'éloigne, Yanis eut comme un soupir et s'avachis sur le fauteuil, glissant pour que seule sa vasquette soit visible.
─ Sérieusement...
Il faisait peur à l'enfant. C'était pitoyable. Pourquoi ? Ce n'était pas comme si être vêtu de noir de la tête au pied, le visage à moitié caché par une casquette sombre, un visage peu accueillant et une posture trop militaire lui donnaient un air de... bad guy, si ? Ses doigts vinrent tirer sur la visière de la casquette qu'il abaissa davantage sur son visage, donnant l'air d'être prêt à piquer un somme. Et les pleurs de la gamine qui, en dépit du vitrage, commençaient à se faire entendre.
─ ...
C'était pesant. Une partie de lui avait envie de demander à l'autre gusse de la faire arrêter de pleurer, l'autre lui criait que comme elle pleurait déjà et se cachait dans les bras de sa mère, il pouvait aisément lui éclater la figure. Mais voilà. A la place il était là, silencieux, et les mains fourrées dans les poches de sa veste.
Spoiler:
mdr je suis dsl ça avance pas beaucoup mais pour le coup j'vois mal Yanis s'exprimer davantage au prochain post tkt
─ T’as un sacré effet sur les gosses, toi. T’en as tué combien cette année ?
Bam. De plein fouet. Cette question pourtant n'avait rien de vraiment sérieux, mais cet homme savait-il combien il pouvait être proche de la vérité sur ce coup ? Yanis sentit un poids venir s'écraser sur ses épaules mais il ne bougea pas, ne tiqua pas. Il n'avait pas besoin de montrer son inconfort par rapport à cette pique. Plus que je n'aurais dû. Plus que je ne le saurais jamais. Yanis se cache, l'autre ricane. L'espace d'un instant les rôles s'inversaient. Si Yanis n'avait plus la violence ou l'intimidation, il manquait de répondant. Il ne pouvait pas s'imposer, répondre, parce que le sarcasme de cet homme surpassait le sien. En une joute verbale à qui à la plus grande gueule, Yanis ne ferait probablement pas le poids ; sans avoir raison ou tort, il n'était juste pas des plus éloquents. Alors il se contentait du silence. S'il n'avai rien à répondre, autant ne rien dire. Il inspira longuement, son cou se tendant légèrement pour se défaire de l'image de tortue renfrognée qu'il pouvait donner et il regarda par l'extérieur, préférant agir comme s'il était seul. Et le silence retombait. Un silence pesant, lourd, gênant. L'un comme l'autre n'avait pas envie de rester ici et les passagers de la cabine juste derrière la leur ne jouaient pas spécialement en leur faveur. Probablement.
Yanis ferma les yeux également, sa tête se reposant contre le dossier du canapé derrière lui. Et alors que les pleurs se calmaient, que les bruits ambiants se faisaient plus lointain, une légère secousse vint réveiller le petit monde qui attendait patiemment. Le manège bougea légèrement à nouveau puis s'arrêta tout aussi brusquement ; clic. Yanis tourna la tête vers son voisin de cabine. Ce qui se déroula en l'espace de deux secondes sembla durer une éternité. Le clic sonore n'avait été que la sécurité de la porte de son voisin, sécurité qui venait de dégager, la secousse ayant probablement fait sauter le mécanisme. La nacelle penchant légèrement de ce côté-ci, Yanis écarquilla les yeux en voyant son voisin glisser dangereusement vers la porte qui venait de s'ouvrir à la volée sur le vide ; connard ou pas, tueur d'enfants ou pas, le corps de Yanis agit par automatisme pour tendre un bras vers les vêtements de son comparse qu'il attrapa brutalement pour le retenir de glisser davantage et tomber par la porte. Et ce mec n'était pas un poids plume compte tenu de la situation ; un pied venant se poser contre le mur de la nacelle légèrement penchée, Yanis le tira de toutes ses forces vers le haut, s'aidant de son deuxième bras pour le passer sous son aisselle et lui donner un appui.
─ Put... ain ! maugréa-t-il en français.
Dans un effort commun, malgré les hurlements de terreur des deux passagers de l'autre côté de la cabine, Yanis continua de le tirer vers l'intérieur. Et quand il fut capable de se tenir seul à n'importe quoi pour ne pas glisser, n'importe quoi qui ne soit pas Yanis, ce dernier se pencha dangereusement vers l'avant. Un pied coincé contre le pied du siège vissé à la cabine, Yanis chercher à refermer la porte. Il sortit un bras, tendu vers la poignée, mais le vent tenait bien la porte éloignée et compte tenu de leur hauteur, le vent soufflait bien plus fort que s'ils étaient au sol. Pour ça, il lui fallait s'approcher davantage et probablement passer la moitié de son corps vers l'extérieur. Il se tourna alors vers son voisin de cabine et, visiblement pas très enclin à patienter sagement que quelqu'un tombe pour songer à fermer la porte, lui ordonna de l'aider.
─ Va te mettre de l'autre côté de la cabine et restes-y accroché, je vais refermer la porte ! Et t'as pas intérêt à bouger, si tu me déséquilibres je m'éclate en bas. Silence bref accompagné d'un regard sérieux. Et personne n'a besoin de ça.
Il le fixa encore deux petites secondes, s'assurant que le message soit bien clair. Il ne lui faisait pas confiance, mais il n'avait pas spécialement le choix et il ne demandait pas un truc super compliqué non plus ; se tenir et pas bouger, c'était facile non ?
Non vraiment, ce mec était un foutu chat noir. Yanis parvint à refermer la porte, non sans se laisser tomber sur le siège après avoir poussé un long soupir, la respiration légèrement forcée suite à l'effort fourni pour soulever l'autre. Il lui lança un regard d'ailleurs lorsqu'il l'entendit, mais ne fit aucun commentaire. Ce mec était vraiment ... bizarrement con ? Yanis se fit la réflexion que des abrutis inconscients il en avait vus un paquet, mais il se disait que le sarcasme de son voisin de cabine battait vraiment tous les records. Sa tête se pencha brièvement sur le côté ; au moins il ne s'est pas pissé dessus. Un haussement de sourcils accompagna un nouveau soupir et Yanis retira sa casquette, la claquant contre la cuisse. Il passa une main dans ses cheveux d'ébène, regardant vers l'extérieur. Il n'allait pas l'admettre, mais il préférait bien être celui du côté de la porte qui déconnait. Il saurait mieux gérer le problème que son comparse, se disait-il. Le métis tourna une nouvelle fois la tête vers l'énergumène.
─ Moi ?
Il y eut comme une pointe d'amusement dans sa voix. Un sourire étira alors ses lèvres et il détourna le visage pour se cacher le visage dans sa main, le coude contre la vitre. Puis, quelques secondes après, on l'entendit brièvement rire. Il devait bien l'admettre, ce gars était juste irrécupérable. Il venait de lui sauver la vie mais c'était quand même de sa faute s'il avait la poisse. Devait-il lui retourner le compliment ? Ce n'était pas nécessaire, probablement...
─ J'hallucine.
Il se calma en un long soupir, le sourire disparaissant. Sans dire que sa mauvaise humeur s'était dissipée, il venait simplement de jeter l'éponge ; raisonner ou parler normalement avec ce gars était certainement impossible, et si ce genre d'incident ne soulevait aucun sentiment de sympathie ou de reconnaissance en lui, alors c'était juste peine perdue de s'attendre à autre chose. Et plus il se renfrognerait, plus l'autre en profiterait, n'est-ce pas ? Yanis posa son regard sur son voisin de cabine.
─ Le sentiment est partagé. J'aurais quand même pu te laisser tomber et faire genre j'étais trop choqué pour savoir comment réagir.
Même si avec me background ça ne serait clairement pas passé. Un ex-légionnaire qui l'aurait regardé tombé aurait clairement été suspicieux. Mais aussi chiant pouvait-il être, cet homme ne méritait pas de mourir. Yanis ne voulu pas regarder la mère et sa fille derrière eux, alors il se contenta de fixer son voisin de cabine, puis désigna ses bras avec sa casquette.
─ Encore heureux que ça n'ait pas été l'inverse, t'aurais même pas pu soulever ma casquette sans te casser un doigt.
Il secoua lentement la tête, puis détourna encore le visage, reposant son front contre la vitre, désireux d'arriver en bas pour rentrer chez lui et dormir. C'était épuisant.
Le tac-o-tac, la réponse facile. Ce mec n'en démordait pas et il était vraiment certain qu'il aurait pu le pousser dehors. Pour être honnête, si Yanis n'aurait effectivement pas su l'abandonner, il n'avait pas ce même sentiment concernant l'autre. Une partie de lui se disait que si jeter Yanis par dessus la cabine aurait pu lui apporter un semblant de sécurité ou le convaincre qu'il était mieux sans, il l'aurait peut-être fait. C'était réellement ce que ce gars lui inspirait. Alors le silence retomba, encore. La nacelle fit sa descente et ils arrivèrent en bas. Les portes s'ouvrir et Yanis retint un soupire lorsqu'il vit un attroupement se former à la sortie. Il se releva, replaçant sa casquette sur sa tête, puis sortit. L'autre suivi l'instant d'après mais avant qu'il ne puisse se faire aborder, il s'éclipsa.
Alors qu'il s'éloignait, Yanis l'observa un moment. Il regarda son dos légèrement courbé et sa tête penchée pour se faire discret. Il avait ouvertement admis être faible et qu'il n'aurait pas pu l'aider dans la situation inverse. Cela l'avait un peu surpris, mais surtout, ça l'avait laissé perplexe. Yanis n'avait rien d'un psychologue ou d'un profiler, alors il ne pouvait que se baser sur un ressenti global de la chose, mais ce gars lui donnait l'impression d'être paumé, finalement. D'errer sans vraiment trop savoir où aller. Cette courbure de dos et cette façon de s'éclipser n'avait rien d'inhabituel pour lui, c'étaient des mouvements qu'il avait l'habitude de faire. Alors que quelqu'un attrapait le bras de Yanis pour le secouer en lui demandant s'il allait bien, l'inconnu à la grande gueule s'éloignait. Quand il disparu dans un virage, Yanis reposa son regard sur ceux qui s'inquiétaient. Il les rassura de quelques paroles, extirpa son bras d'un mécanicien culpabilisant un poil trop, puis chercha à s'éclipser à son tour. Il eut un dernier regard pour la gamine qui lui fit au revoir d'un geste timide de la main, ce qui eut au moins le mérite de le faire légèrement sourire. Pour aujourd'hui, il allait arrêter les frais. Journée trop forte en émotions. C'était fatiguant d'être constamment sur les nerfs. Mais il le savait, dans le fond, qu'il allait le revoir, ce gars. Peut-être dans de meilleures circonstances, aussi. C'était même préférable, vu leurs caractères respectifs...