Owen avait entendu parlé de ce rassemblement de motard qui se déroulait depuis quelques années à Kangaroo Point. L’année dernière, il n’avait pas pu s’y rendre car il venait tout juste de revenir à Brisbane et qu’il avait bien d’autres chats à fouetter : reprendre les reines d’une église n’était pas de tout repos. Il avait une tonne de paperasse à faire et des contacts à prendre ici et là. Il n’avait pas eu le temps de chômer et d’aller faire des petits tours ici et là. Cette année était bien plus tranquille, Owen pouvait se permettre d’y aller. Il ne s’identifiait absolument pas comme étant un motard, du moins, pas comme on peut l’entendre : faisant partis d’un gang qui portent le nom d’un animal féroce accompagné d’un adjectif terrifiant. Les Dark Eagles ou Creepy Tigers n’étaient pas sa deuxième famille. Arrivé même à pied, n’étant pas très loin de chez lui, il s’était aussi dit qu’au moins, s’il venait à boire quelques bières, il ne serait pas un danger public comme beaucoup pourraient l’être. Il se doutait bien qu’une grande majorité de motard venant ici sur leurs bécanes, repartirons aussi avec et ce peu importe le nombre de verres ingurgités, malheureusement. Enfin, il n’était pas là pour prêcher la bonne parole ni pour faire la prévention routière. Owen débarqua sur ce haut lieu de rendez vous de cette semaine. Des motos en veux-tu en voilà, Owen se montra curieux et intéressés par les modèles dernier cri qu’il pouvait croiser. Il tomba également sur quelques vieilles connaissances qu’il avait pu déjà croiser sur la route, d’autres qu’il avait connu quand il avait passé son permis. « Tiens, Baxton ! Ca fait un bail ! » c’est le cas de le dire… « 15 ans ! » fit il en serrant la pince à ce bon vieux Tom. « J’te croyais partie à Sydney ! » le vieux prêtre hocha la tête. « J’sui revenu l’année dernière ! » Tom invita alors Owen à prendre une bière et le voilà déjà mis dans l’ambiance. Au programme ce soir : divers démonstrations, des pneus qui chauffent, des motos dans les airs. Un vrai show à l’américaine. Après quelques minutes à partager son breuvage avec Tom, d’autres se joignirent au duo. Il y avait le vieux Brad, le grand Jake et BB qu’on appelait comme ça pour Barbe Bleue… pas sûre que ce soit un tendre celui là. Mais Owen se faisait discret, se contentant d’écoute r ce qu’il se passait autour de lui. « T’es v’nu pour la bouffe, j’présume, Jo. » lança le fameux BB en agrippant les épaules d’un passant. « Yep. Et j’dirais pas non à un verre de bière. Une âme généreuse pour m’le payer ? » Owen resta silencieux, observant la scène. « Tu peux rêver, Jo. Tu m’dois encore cinquante pour la beuh d’la dernière fois. J’t’oublies pas. » Qui avait dit que les motards avaient bonne réputation déjà ? Owen sentait que ça pouvait facilement tourner mal. « J’te payerai un jour, Zach. J’vais me trouver un truc. Un job. J’le jure sur la tête Dieu. » Et si on pouvait laisser Dieu en dehors de tout ça, le prêtre s’en porterait encore bien mieux. L’individu après avoir fait rire tout le monde s’éclipsa aussi vite qu’il n’était arrivé. Owen resta un moment sans rien dire et fini par congédier Tom et sa bande de joyeux luron. « J’vous abandonne, j’vais aller faire un tour. » Et Owen se demandait vraiment ce qu’il était venu faire ici en réalité. N’ayant pas le sentiment d’un quelconque point commun avec ces personnes si ce n’était en effet, le fait d’avoir une moto. Il poursuivit alors son chemin, étant très attentif à la fois où il mettait les pieds et qui il allait pouvoir croiser. Et il remarqua à nouveau ce mec qu’il avait croisé plus tôt, il n’y prêta pas plus attention mais ses yeux furent attiré vers cet autre gaillard qui s’approcha de la table pour glisser une poudre blanche dans la bière du fameux Jo. Owen hésita un instant : faire comme s’il n’avait rien vu et passer son chemin et ainsi Dieu risquerait de lui en vouloir ou alors… aller le voir et lui faire signe que c’était une mauvaise idée de boire ça. Bon aller… « excuse-m... » Le plan d’Owen parti en éclat quand ses pieds s’emmêlèrent avec des câbles au sol et il finit par trébucher tout droit sur l’homme qui portait son verre à sa bouche. C’était aussi une façon efficace d’agir puisque son verre tout entier était entrain de se déverser dans la pelouse déjà bien piétinée de KagarooPoint ! « J’suis vraiment désolé ! » s’empressa de crier Owen avec autant de bière sur son pantalon qu’il n’y en avait par terre. « J’me suis pris les pieds dans ces câbles… » il avait un air vraiment désolé et quand il vit le regard noir de son interlocuteur, ca n’envisageait rien de bon.
Le premier reflexe d’Owen en voyant le regard furieux de cet homme était de fermer les yeux. Comme s’il allait s’en prendre une en retour de cette bousculade. Il avait pas l’air commode ce mec. Il avait même levé le poings, prêt à en découdre pour une bière renversée. Owen n’aurait pas forcément répliqué, il aurait peut être esquivé mais il fu surtout surpris de voir que l’individu s’était calmé de lui-même. Baissant son poings comme s’il avait eu un éclair de géni. Comme si quelqu’un était passé par là, lui soufflant à l’oreille qu’il devait se calmer. Impulsif, il agirait donc en premier et réfléchirait ensuite. Heureusement, il avait repris ses esprits avant que le coup ne parte et Owen n’en était que plus soulagé. Il s’était confondu en excuse, pensant que ça suffirait et se sentant obliger de justifier sa chute. Les câbles mal rangés qu’il s’était pris. D’ailleurs, c’était bien dangereux, Owen doutait qu’il serait le seul à se prendre les pieds dedans avant la fin du festival. D’autant plus qu’il n’était pas ivre alors si la viande soule passait par là, ça pourrait facilement faire carambolage. « C’est bon, j’te crois, hein, pas besoin de pleurer, Caliméro. J’imagine que t’aurais aucun problème à me rembourser ce verre puisque t’es désolé. Et, si, encore mieux, t’es vraiment, mais vraiment désolé, tu pourrais m’en rembourser cinq et on en parle plus. » Se faire appeler Calimero n’était pas vraiment au gout d’Owen. Qui s’était fendu en excuse par politesse et aussi peut être pour éviter de s’en prendre une et de repartir de là avec un œil au beurre noir. Il se voyait déjà être l’objet des plus belles rumeurs dans son église. Mais la suite le laissait assez bête. Cinq bières, il osait espérer que ce soit une plaisanterie. « Une ça marche ! » Après tout, il n’était pas à ça près mais il se souvenait aussi pourquoi il s’était dirigé vers lui et pourquoi il avait fini par trébucher en renversant sa bière. « Vous devriez faire gaffe où vous poser votre verre. Il y a pas que les femmes qui peuvent être victimes d’un cachet dissimulé dans du liquide pour être drogué. Je crois que quelqu’un vous en veut ! Je l’ai vu faire. C’est pour ça que j’ai voulu vous avertir. Mais maintenant que votre bière se retrouve dans la poussière, il n’y a plus rien à craindre. » Le prêtre se retourna vers une camionnette qui servait des verres. « C’était quelle bière ? » Alors qu’il sortait un billet de sa poche tout froissé, il entendit la voix d’un môme qui passait par là. « Eh maman, c’est le curé ! » fit-il en pointant du doigt Owen. Qu’est ce que les mômes pouvaient bien foutre dans un endroit pareil ? Owen souffla, lui qui pensait passer inaperçue dans le coin, il devait sans doute se faire à l’idée que l’anonymat le plus complet n’était plus possible en ville. Peu importe où il se rendait. « Bonjour Jordan, alors, papa et maman sont fans de moto aussi ? » dit-il avec son air le plus mielleux qui soit. Un échange rapide et ils repartirent rapidement. « Du coup, cette bière ? » fit-il de nouveau vers Jo.
Un merci arraché du bout de ses lèvres, comme s’il était si difficile d’être reconnaissant alors qu’Owen lui avait sans doute éviter de passer un sale moment en mauvaise compagnie. Il ignorait réellement ce qu’il y avait dans ce verre et les conséquences que ça aurait pu avoir mais il se doutait bien que ce n’était pas partie d’une bonne intention. Owen n’avait pas agit pour se voir crouler sous les remerciements mais quand même. Et finalement, maintenant, c’était à son tour de lui payer une nouvelle bière puisqu’il avait ruiné l’autre. Sauf qu’en y pensant, sans l’avoir renversé par accident, Joseph ne l’aurait pas bu si Owen avait pu s’expliquer avant. Enfin bref, peu importe… sur le point d’aller payer ces bières, Owen fu interrompu dans sa marche par cette famille. Une fois parties, il remarqua bien le regard accusateur et jugeant que portait sur lui Jo. Owen soupira avant même qu’il ne pu ouvrir la bouche, comprenant bien ce qu’il allait se passer. Le prêtre savait bien qu’en 2018 être prêtre était devenu un métier à risque, très touché par des actualités peu valorisantes et forcément, les amalgames allaient bon train. « Attends, attends. Y’a une deuxième définition au mot « curé » que je ne connais pas ou t’es vraiment le genre de mec qui lèche le cul de Jésus après l’avoir lissé ? » Il en avait entendu mais celle-là, encore jamais. Il avait bien vu le geste qui avait accompagné les paroles du jeune homme. Une telle violence dans ses propos et dans son attitudes ca ne pouvait pas être uniquement de la provocation. « Il n’y a qu’une définition au mot curé mais elle ne ressemble pas à celle que tu as décrite. » Owen ignorait quelle attitude adopter ensuite. Finalement partir ou alors tenter de montrer que l’homme en question pouvait bien se tromper. Il ne portait visiblement pas les hommes de fois dans son cœur. « J’sais bien que les curés ont pas le vent en poupe ces derniers temps. Mais, j’étais partie pour t’offrir une bière. Du coup, c’est toi qui voit. Soit tu passes la mauvaise nouvelle et on boit un coup, soit t’insiste et tu continue sur ta lancé et je cherche pas à capter, j’me barre. » il était pas venu là pour se défendre de ses choix et écouter se faire insulter. Owen demandait juste à pouvoir avoir une vie normale sans pour autant que son rôle de prêtre ne lui colle à la peau et surtout, qu’on lui manque de respect ainsi.
« - Excusez-moi, mon père. J’ai parlé trop vite, la prochaine fois je choisirai mieux mes mots. » Owen n’avait pas manqué de souligner cet air moqueur que portait le visage de Jo. Mais Owen revient vite au sujet qui à la base intéressait plus l’homme, c’est-à-dire boire une bière. Owen était prêt à faire fi de ses insultes s’il y tenait vraiment. Venu ici pour passer un bon moment avant tout, profiter des belles bécanes qu’il allait pouvoir voir et pourquoi pas faire de belles affaires. Il y avait aussi des stands de fringues plus loin et il y a bien longtemps que le prêtre n’avait pas acheter une nouvelle blouse en cuire. Mais il se réservait ce plaisir pour plus tard. A sa proposition, le prêtre vit le visage de l’homme de déraidir, comme si l’appel de l’alcool pouvait l’amadouer… quelle faiblesse, mais ce serait peut être l’occasion pour Owen d’en savoir un peu plus sur le point de vue de celui-ci concernant la religion et surtout pourquoi il était si hargneux contre celle-ci. « T’es encore intéressé à passer du temps avec un mec qui te méprise ? Je suis impressionné. J’espère que t’as pas l’intention de me convertir. » Un sourire se dessina sur le visage d’Owen. « C’est clair que c’est l’endroit parfait pour prêcher la bonne parole. J’ai mon squad qui va pas tarder à arriver d’ailleurs, on fait ça en groupe, ca passe mieux… puis, le coup de la poudre, c’est juste un moyen de me faire passer pour quelqu’un de bien, pour t’amadouer… ca à marcher ? » Owen défia du regard l’homme ne face de lui. Bien sûr que ce n’était pas l’idée de l’avertir pour sa bière. « J’suis curieux de connaitre ton point de vue sur la religion. » fit il plus sérieusement maintenant. « Donc oui, ça m’intéresse de passer du temps avec un mec qui me méprise. » enfin, dans une certaine limite. On allait voir jusqu’où il était capable d’aller, quelles seraient ses limites. Voyant Jo commencer la marche vers le stand qui se trouvait à deux mètres à peine, si près du but, le prêtre le suivi, en ayant conclu qu’il était vraiment intéressé par la bière. « Alors, t’es de quelle Église ? C’est une façon détournée de te demander ton nom. J’imagine que tu tiens pas celle à Toowong, le prêtre là-bas a un nom de vieux et t’es bien trop jeune. À moins que Jerry soit un prénom revenu à la mode. » Owen connaissait bien tous les prêtres de la ville, pour se réunir régulièrement et travailler sur des projets religieux ensemble. Il connaissait bien ce Jerry, prêtre âgé de soixante douze ans maintenant et il commençait sérieusement à tirer la gueule d’ailleurs. Peut être qu’il était le prochain sur la liste à devoir disparaitre du clergé. « Moi c’est Owen Baxton. Père Baxton de Redcliff, si jamais. » si jamais ça lui prenait de mettre un pied dans l’Eglise. « tout le monde est le bienvenue ! » Une chose interpella quand même Owen. « J’suis surprise que tu connaisses le prêtre Jerry puisque la vue d’un curé semble te donner l’urticaire. C’est à cause de lui que t’as un souci avec le Christ ? » Owen n’avait pas vraiment de reproche à faire au vieux Jerry non plus mais il ne les fréquentait pas suffisamment pour les connaitre assez. « Deux bières s’il vous plait. » fit-il en se penchant sur le stand de bière à ciel ouvert. Il tendit un billet à la serveuse et attendait son dû. « Alors, ca vient d’où ce problème ? »
Pour Owen, c’était une évidence quand il disait que chacun était bienvenue à l’Eglise et ce peu importe ses vrais croyances ou ses pratiques, peu importe son âge, ses origines, ses choix. Même s’il se rappelait aussi cette mésaventure avec Ariane, lorsqu’elle était venue au confessionnal pour tenter de divertir le prêtre. Elle était moins bienvenue que les autres si ses intentions étaient clairement de nuire au prêtre mais bon, c’était une affaire passée. La réponse de Jo le surpris, il ne s’y attendait pas. Foutre le feu, clairement, il avait une dent contre la religion et il faisait parti de ceux qui mettait tous les maux du monde sur son dos, sans doute, en même temps, le raccourci était facile quand on voit tout ce qu’il se passe dans le monde au nom de la religion justement. Alors qu’en réalité, ce ne sont que des conflits d’intérêts à titre personnel, question d’égo. « J’ferai pas ça. Si j’me fais coincer j’serais dans la merde jusqu’au cou. » Owen avait bien compris que l’intention réelle n’était pas là, mais les mots employés par l’homme restaient violents et traduisait surement de grandes blessures. « Il est peut-être temps pour moi d’embaucher un service de sécurité sur les abords de l’église alors ! » pas sérieux pour un sou, Owen ne se faisait pas vraiment de soucis de voir une des églises de la ville bruler. Toutes ses petites attaques ne faisaient que grandir la curiosité d’Owen. Qu’est ce qui pouvait bien faire que ce Jo soit aussi amer envers les chrétiens ou même la religion en générale. « J’aime pas le Christ à cause du curé qui s’est jeté du haut d’un immeuble en 2004, lorsque les enfants qu’il a touchés sont devenus assez lucides pour s’en rappeler. » Owen ravala sa salive. Il savait bien que les nouvelles n’étaient pas toujours joyeuses et que les curés passaient tous pour des pédophiles à causes d’une poignée de mecs malades qui exerçaient dans les rangs religieux. Comme s’il y avait une prédisposition à devenir ou à être pédophile en devenant prêtre. C’était bien regrettable et Owen se désolait chaque jour de ne voir que très peu de hautes autorités religieuses s’insurger et s’emparer de ce vrai problème. Il n’avait pas de solution à ça mais si on condamnait vraiment ces actes cruels on aurait bien moins de faits divers gerbant de ce genre. « Je suis le vivant. J’étais mort, mais maintenant je suis vivant pour toujours. » Owen fronça les sourcils, trouvant cette citation forte de sens et un frisson lui parcourra le dos après la remarque qu’il avait fait. Comme si à demi-mot, il semblait se confier à Owen. Le prêtre se retrouvait assez déboussolé et désemparé à nouveau devant ce Joseph. Se saisissant à son tour de sa bière, comme ma mimétisme, automatisme, il porta le verre à ses lèvres pour en boire quelques gorgées désaltérantes. « C’est bon ? D’autres questions qui me donnent envie de gerber sur tes pieds, mon Père ? » Owen regarda ses pieds, heureusement bien au chaud dans ses pompes. « Si jamais t’as l’idée de vouloir en parler, tu sais où je crèche… » lui lança-t-il comme invitation. « Si jamais y a moyen de démontrer qu’on n’est pas tous pareil. » les prêtres l’avaient dur, tous considéré comme des prédateurs d’enfants, c’était pas toujours évident. Si Owen pouvait en faire son propre combats… au moins, se défendre lui-même. L’endroit, le contexte étaient mal choisi pour se faire et visiblement, Jo n’était pas prêt pour ça. Owen termina rapidement sa bière. « J’vais aller voir le show qui se prépare. Si jamais tu veux être de la partie… »