J'avais fais bonne figure, des jours durant. J'avais continué d'aller bosser, mettant de côté mes propres sentiments et la douleur que je portais au quotidien profondément enfouie quelque part. J'avais essayé de suivre l'adage qui dit que la vie continue, quoi qu'il arrive, mais là c'était plus possible, je ne pouvais plus. J'avais finis par craquer et voilà une semaine que je n'allais plus bosser, une semaine que je ne donnais plus de nouvelles à personne et que mes journées étaient remplies de larmes et de livres. Manger était devenu accessoire, et de toute façon, je n'avais pas faim. Dormir aussi, encore que j'avais récupéré des somnifères que j'avais moi-même prescrit à Carter et qu'elle n'avait jamais consommé. J'avais au moins ça de mon côté, le sommeil. Et le sommeil était la pire des saloperies. Ou bien était-ce le cerveau? Ce cerveau qui s'amusait à générer des rêves emplis de tout ce que je n'aurais jamais. Des rêves où j'étais différent, et Hadès aussi. Des rêves où je n'aurais pas à l'envoyer bouler et à couper tout contact avec lui. Des rêves où nous serions simplement heureux, et où le reste n'importerait pas. Et chaque réveil était comme un glaive enfoncé entre les côtes. Un brusque retour à la réalité. Un coup de massue dans le visage.
Alors aujourd'hui, comme tous les autres jours j'avais ignoré les nombreux appels de ma soeur, qui ignorait tout de ce que j'avais vécu. Après tout nous étions en froid, non? Sauf que même en froid, nous mettions un point d'honneur à nous appeler chaque jour, et ce même pour ne rien dire. Depuis toujours. Jusqu'à aujourd'hui il ne s'était pas écoulé une seule journée sans que j'entende sa voix. Et je ne lui avais rien caché non plus jusqu'alors. Pourtant les choses avaient changé, non? Je savais bien ce qu'elle allait me dire, et je ne voulais pas l'entendre. Je ne voulais pas entendre sa voix froide et cassante se radoucir subitement, et me dire avec douceur "Oh... Je suis tellement désolée... Passe quelques jours avec moi, s'il-te-plaît." Je ne voulais pas voir la peine dans ses yeux. Jusqu'ici j'étais persuadé que je pourrais me rattraper au vol, que je ne sombrerais pas, même si j'en prenais clairement le chemin, sans le voir. J'avais décidé de prendre une douche quand-même, parce que l'hygiène c'était plus fort que moi et surtout indépendant de ma volonté, mais tout de suite après, simplement vécu d'un pantalon de survêtement et d'un t'shirt attrapé à la va-vite dans mon armoire, j'étais retourné m'allonger dans mon lit, les yeux rougis par les larmes, et je me saisis du livre que j'étais en train de lire, celui qu'Allan m'avait confié au moins un mois plus tôt. Et il avait raison, il manquait quelque chose, mais quoi? Une âme sans nul doute, mais comment en juger alors que j'étais persuadé d'avoir perdu la mienne? D'un seul coup, je sursautai en entendant frapper des coups secs, presque énervé à la porte d'entrée. J'entendis une voix en fond mais ne compris pas ce que la personne disait. Aussi, je me levai de mon lit, et me rendis jusqu'à l'entrée, ouvrant donc à la personne qui se trouvait être nul autre que Clément, et je compris rapidement à son air fermé qu'il n'était pas content.
C'est au bout du dixième appel de ma mère que je daigne enfin répondre au téléphone. J'avoue ne pas avoir la tête à être dérangé de la sorte, étant bien trop occupé à réviser mes cours. Mais je me dis, en même temps, que si elle insiste tellement c'est qu'il doit bien y avoir une raison. Ainsi donc, décrochant, je me rends rapidement compte qu'effectivement, il y a un problème et non des moindres : elle n'a plus aucune nouvelle de Paul alors qu'ils s'appelaient tous les jours avant. Ça fait maintenant presque une semaine que c'est silence. Elle me demande alors si je peux voir, moi, s'il va bien. J'avoue que j'ai juste envie de l'envoyer balader, de lui dire de se bouger elle-même car j'ai du boulot moi. Mais elle m'a déjà raccrocher au nez.
Soupirant, j'attends en silence pendant de longues minutes avant de refermer violemment mon classeur et me lever. Sortant de la chambre, j'ignore Moana qui, queue frétillante, se demande si on va sortir, et enfile ma veste, mes chaussures et embarque mon skate board avant de quitter l'appartement sans ma chienne. Une petite vingtaine de minute plus tard, je me retrouve devant la maison de mon oncle, et, planche à roulette sous le bras, je sonne plusieurs fois, ignorant ce que je ferais si c'est un de ses colocataires qui viendraient m'ouvrir.
Fort heureusement c'est la tête blonde de Paul lui-même qui apparaît lorsque la porte m'ouvre. Et sans un mot, sans même le laisser ouvrir totalement la porte, je m'avance et me plante devant lui «Franchement, je ne sais pas ce qui m'empêche de t'envoyer cette planche de skate dans la gueule et te faire comprendre à quel point t'es idiot ! » grognais-je, déposant tout de même le skateboard délicatement au sol. «ça va ? C'est bon ? » continuais-je, furieux avant de sortir mon portable de la poche arrière de mon jeans et le lui fourrer dans les mains « Dès qu't'auras fini de jouer au sale con tu appeleras maman pour lui dire que t'es en vie » lui ordonnais-je, intransigeant «misérablement, certes» je l'observe de haut en bas, parlant sur un ton condescendant « Mais dis lui que t'es vivant et qu'elle n'a pas à s'inquiéter afin qu'elle arrête de me faire chier, MOI. J'ai d'autres choses à faire que de l'écouter se plaindre parce que son putain de frère ne répond pas au téléphone» gueulais-je plus fort alors que je retire ma veste que j'envoie sans retenu sur le sol. Je me dirige ensuite vers la cuisine et me sert un verre d'eau comme si j'étais chez moi. « Allez vas-y, appelle-la maintenant, tout de suite» reprenais-je en me tournant à nouveau vers mon oncle.
Une tempête. Un déferlement de rage et de haine comme je lui en avais vu bien des années plus tôt. Et ce ton condescendant à en faire hurler n'importe qui qui serait doté d'un peu trop de fierté. Mais moi ? Moi j'étais vide, bien trop vide pour en avoir quelque chose à foutre de sa rage qui pourtant me blessait, entaillant un peu plus les bords de ma blessure loin d'être cautérisée. Je refermai donc la porte derrière-lui, délicatement et le suivais du regard sans un mot, le téléphone dans les mains. J'étais nerveux, si nerveux en fait que contre toute attente, je me mis à éclater dans un fou rire profondément malvenu. Clément arrivait ici en terrain conquis et se permettait de me donner des leçons alors qu'il était le premier à être en permanence trop occupé pour donner des nouvelles ? Clément m'insultait, Clément me donnait des ordres ? N'avait-il pas encore compris que personne ne me donnait d'ordres et que c'était tout sauf la méthode à adopter avec moi? Alors je riais, à n'en plus pouvoir, et c'était la colère qui faisait ça. Je me rapprochai donc du comptoir qui séparait la cuisine semi-ouverte du salon pour déposer son portable dessus, sans avoir donné un quelconque signe de vie à ma soeur pour autant évidemment. Mon rire s'était un peu calmé et j'observais un moment le dos de mon neveu, cherchant comment parvenir à lui parler autrement qu'avec un monceau décousu de colère. Je n'avais aucune envie de crier. « Figure toi que j'suis parfaitement conscient que t'es bien trop occupé pour te soucier de nous.» Mon regard était dur, mais ma voix était fidèle à elle-même malgré le reproche que je venais clairement de lui balancer à la gueule. Après tout, qu'est-ce qui comptait vraiment pour lui, à part se faire prendre pour un con par Ambroise et le théâtre? Et j'avais beaucoup de mal à lui trouver des excuses, parce que moi aussi j'étais passé par là, moi aussi j'avais fais des études qui me demandaient presque tout mon temps, et ça ne m'avait jamais empêché d'être là. « J'sais bien que t'es égoïste, mais à ce point là... C'est donc réellement trop te demander que d'écouter les problèmes de ta mère?» Poursuivis-je, une fois sur ma lancée je ne m'arrêtais que bien longtemps après. Une fois la machine à vérités allumée, il était impossible de faire marche arrière. « Je suppose donc que les miens, ça t'intéresse encore moins.» Sur ce mots, mon poing posé sur le comptoir se resserra, et d'un geste j'envoyai valser nonchalamment son téléphone qui retomba sur le plan de travail juste en dessous sans aucune casse évidemment, j'y avais veillé. J'étais malheureux, au fond du gouffre, et lui tout ce qui l'intéressait dans tout ça, c'était qu'on lui foute la paix? J'hallucinais. Il me connaissait pourtant assez pour savoir que si j'agissais ainsi c'est parce que je tirais la sonnette d'alarme, non? Il me connaissait assez pour savoir que je n'étais pas juste un connard congénital qui s'amusait des sentiments des autres et surtout de ceux de sa soeur, non? « T'es vraiment sérieux, là, Clément ?!» Et cette fois la colère avait prit le dessus, et je criais.
C'est une rage incontrôlable qui me prend aux tripes lorsque je fais face à Paul. Et j'avoue que je ne sais pas trop pourquoi. Pourquoi suis-je autant hors de moi alors que, clairement, ça se voit qu'il ne va pas bien ? Si j'avais pris le temps de l'observer d'un peu plus près j'aurais remarqué son air décrépit, ses grosses cernes sous ses yeux à cause d'un manque évident de sommeil et ses joues creusées, sans doute un signe de mauvaise nutrition. Mais, non. Je suis aveuglé par une colère injustifiable, alors que j'engueule sans retenue le pauvre Paul qui n'a rien demandé. Toutefois, aujourd'hui, au lieu de se mettre à paniquer comme il le fait d'habitude lorsque j'élève un peu trop la voix sur lui, il décide de garder son calme et, surtout, me répondre. C'est autant le ton sur lequel il parle qui m'horripile que la vérité qu'il met au grand jour.
Il éclate d'un rire nerveux, puis me fait face, me parle, jette mon portable -littéralement- et fini par s'énerver. En vrai, je pense qu'il aurait mieux valut qu'il panique, je me serais sans aucun doute tout de suite calmer. Mais au final, non, il lève à son tour le ton. Je fronçant les sourcils, mon regard s'assombrissant subitement, je le fixe durement « Il n'est pas question de MOI là, Paul ! Mais de toi !» grognais-je avant de lever les yeux au ciel «Mais oui bien sûr, c'est moi l'égoïste de l'histoire, pas vrai ? » je me penche en avant, vers Paul « C'est vrai, non mais quelle idée de vouloir faire de ma passion mon métier, quelle idée de mettre toute les chances de mon côté. Je devrais tout abandonner et faire un métier qui apporte de l'argent, pas vrai ?!» je plante mes mains sur la table, la frappant sans retenue.
« J'en ai marre Paul !» hurlais-je «Marre que vous tous me disiez de faire une pause, de prendre plus de temps pour qui que ce soit» je soupire et me redresse, relevant mon menton, hautain «En fait, à tout bien réfléchir, tu ne vaux pas mieux que Billy» grognais-je, plus calme mais tout aussi tranchant «T'es tout aussi con, tout aussi chiant à vouloir essayer de me changer. Tu penses savoir ce que tout ça est bon pour moi ?» lui demandais-je, contournant le comptoir pour m'approcher de Paul « Eh bien laisse moi te dire que c'est faux» crachais-je en lui faisant face. Malgré le fait que mon oncle face presque une tête de plus que moi, je ne le crains aucunement car je sais qu'il n'a pas la force physique ni la technique et encore moins la maîtrise de son corps nécessaire pour en venir aux mains lui-même «Je suis le SEUL à décider pour moi, compris ? » je fixe mon regard dans celui de mon oncle « Et puis, t'es tout aussi égoïste que moi, tu sais ? C'est pas ma mère qui dira le contraire.»
Lui répondre était loin d'être l'idée de l'année pas vrai? Du moins je m'en rendis compte parce que ce qui s'ensuivit, les mots qui passèrent sa bouche étaient tirés de mes pires cauchemars. Je crois que jamais jusqu'à ce jour nous n'avions eut une dispute de cette intensité. Seulement voilà, j'en avais marre d'être cette petite chose fragile qui se laissait marcher dessus. J'en avais assez d'avoir cette putain de pancarte " Serpillière, essuyez vos pieds avant d'entrer" collée sur le front. J'écoutai chacun de ses mots, faisant augmenter ma colère, mais surtout une immense tristesse. Alors c'était vraiment ça, qu'il pensait de moi? « Mais je n'ai jamais dis...» Mais bien vite il était là, debout, devant moi, me forçant à baisser la tête pour le regarder. Et il continuait de me cracher sa haine au visage, me déblatérant un monceau d'inepties sans nom. Je serrai donc la mâchoire. « Donc puisqu'il s'agit de moi, et pas de toi, je n'ai pas le droit d'être un peu égoïste?» L'interrogeais-je. Moi, je n'avais pas le droit de ne pas donner de nouvelles pendant quelques temps ? On devait me blâmer et m'enfoncer pour ça alors que lui, on ne lui disait rien? Je n'étais pas persuadé de la justice dans tout ça, et je détestais ça, l'injustice, plus que n'importe quoi d'autre. Mais ses mots tranchants reprirent de plus belle, me comparant à ce beau-frère que je détestais. Il était injuste, encore une fois, parce que moi, je l'avais toujours soutenu. J'avais toujours été son fan numéro 1bis aux côtés de son père. J'étais un peu plus calme, parce que la violence de ses mots et la tristesse que ça avait engendré avait fait redescendre la colère illico presto. Je soupirai donc, un soupire las, un soupire bien significatif de mon état psychologique de cette dernière semaine. « Je ne sais peut-être pas ce qui est bon pour toi, mais je sais ce qui ne l'est pas pour ton corps. La première personne pour qui tu dois prendre du temps c'est toi.» Mais pourquoi est-ce que je disais ça, il allait m'envoyer bouler, non? Prétendant encore pouvoir gérer, parce qu'il se croyait au dessus de ça. Il pensait sans doute être un super héros que les maladies n'atteignaient pas? Si j'avais été capable de faire de l'humour, sans doute lui aurais-je dis "Hey Clément, oublie Asgard et redescend un peu sur Midgard." Parce qu'il était bel et bien humain, et les humains eux, tombent malades et ont des limites. L'envie de pleurer était là, bien présente, mais cette fois ce n'était pas de la panique, ou de la lâcheté, c'était juste de la tristesse. Pourquoi était-il si dur avec moi depuis que j'étais revenu? Ne voyait-il donc pas que le fait qu'il était en permanence occupé, comme ça, le rendait imbuvable? Je soupirai donc de nouveau, toujours las. J'en pouvais plus, d'être fatigué mais de ne pouvoir dormir. Je n'avais aucune envie d'une dispute maintenant. Je n'avais aucune envie d'être sa serpillière maintenant. « Je crois que tu devrais rentrer chez toi, et me laisser, moi aussi, gérer ma vie comme je l'entends.» De quel droit était-il le seul à pouvoir choisir comment mener sa barque? S'il considérait que personne n'avait rien à lui dire, pourquoi venait-il me dire à moi ce que j'avais à faire? Je plongeai une dernière fois mon regard dans le sien, et puis c'est comme un zombie que je me dirigeai vers le canapé, envoyant valser au passage la photo d'Hadès et moi encadrée qui était posée sur un buffet, cette dernière allant s'écraser au sol dans un bruit de verre brisé. Je m'assis sur le canapé, et pris le seul et unique t'shirt que je possédais de l'homme qui hantait désormais mes pires cauchemars et mes rêves les plus douloureux, et le portait contre mon nez, pour en humer l'odeur comme un drogué, avant de l'envoyer à son tour valser plus loin, aux pieds de Clément, pour être exact, sans l'avoir particulièrement cherché.
Je roule des yeux lorsque Paul me dit que, vu qu'il s'agit de moi, il ne peut pas être égoïste, lui. Encore une fois, il ne me comprend pas. Et là, j'avoue que je n'ai même envie de lui donner l'excuse comme quoi il est autiste, il me fait chier et j'ai pas envie de lui expliquer, d'argumenter d'avantage. Je le laisse donc soupirer et me dire qu'il sait exactement ce qui n'est pas bon pour mon corps. Levant les mains au ciel, théâtral, je roule à nouveau des yeux et soupire lourdement en faisant un demi tour «Mais oui, bien sûr. Le grand Mr. Dr Paul Ackerly, le meilleur neurochir que Brisbane ait connu, sait EXACTEMENT ce qui est bon pour moi » je me tourne à nouveau vers lui, le regard sombre «Et quoi ? Tu veux aussi me prescrire des vitamines ? Des anti dépresseurs ? » je fronce les sourcils puis secoue la tête avec un sourire moqueur «C'est pas parce que t'es un toubib à la con que tu sais exactement de dont MON CORPS A MOI ait besoin » reprenais-je en frappant contre ma poitrine pour mettre mes propos en avant.
C'est alors que Paul se détourne, fait quelque pas et, dans un geste de rage, arrache un cadre du mur et l'envoie valser contre le sol. Le verre éclate non loin de moi mais je ne réagis pas d'avantage, bien qu'intérieurement je sois bien surpris par cette violence. Silencieusement, je suis mon oncle du regard et l'observe se laisser tomber sur le canapé, attraper un vêtement, le sentir, puis l'envoyer à mes pieds. Je baisse mon regard sur le t-shirt, me baisse pour le ramasser, avant de me diriger vers le cadre. M'accroupissant, faisant attention au verre coupant, je retourne la photo. Et c'est en voyant la photo de Paul et Hadès que je comprends sans problème ce qui se passe et surtout ce qui le met dans cet état.
«Voilà donc pourquoi c'est silence radio » dis-je, étonnement calme en me relevant. Je me dirige vers Paul et laisse tomber le t-shirt et la photo sur ses genoux « Alors écoute moi bien mon grand : les peines de cœurs ne sont pas une excuses valables pour te morfondre à en oublier ma mère, ta sœur. Tu sais, la personne qui t'as toujours soutenu peu importe à quel point t'étais un chieur, à quel point elle pouvait en avoir marre de toi et tes réactions d'autiste. Elle a toujours été là pour toi, même quand elle n'allait pas bien, elle a toujours eu une pensée pour toi. Pendant et après le divorce, elle était au plus mal, mais elle a toujours eu ce putain de courage d'attraper son téléphone pour TE donner de ses nouvelles. Parce qu'elle savait à quel point tu t'inquiétais vite et elle savait que quand tu t'inquiète, plus rien ne va » je soupire et retourne chercher mon portable avant de m’asseoir sur la table basse « Donc tu vas lui faire ce plaisir et tu vas l'appeler, maintenant. Tu vas lui parler et tout lui expliquer. T'as cas lui dire que j'suis un vrai connard, que je t'ai blessé ou je ne sais quoi, mais tu lui dis que t'es en vie parce qu'elle mérite qu'on s'intéresse à elle » dis-je, fermement, froidement, fixant mon regard sur Paul, portable tendu vers lui.
Il commençait à vraiment me taper sur le système avec ses grands airs et sa colère à la con. Est-ce que j'avais besoin de ça en ce moment? Absolument pas. Je le regardais donc faire son cinéma, se croire sur une scène devant une foule en délire, sauf qu'il n'y avait que moi, et j'en avais strictement rien à foutre. Ca me blessait, c'est tout. Pour le reste, sa comédie n'avait pour seul spectateur que lui-même. Je plantais donc mes yeux bleus dans les siens, bien décidé à ne pas céder, pas cette fois. Il n'avait je crois aucun droit de s'adresser à moi de cette façon. « C'est bon, tu as finis ton cinéma ?» Lui dis-je le plus sérieusement du monde, un air profondément agacé collé au visage, et pour le coup, je ne le contrôlais pas, ça venait tout naturellement. Peut-être parce que je ne m'étais jamais senti aussi dépité de ma vie? « Ton corps fonctionne comme tous les autres. Il a besoin de REPOS.» Je pris une profonde inspiration pour me calmer, sentant que je montais encore dans les tours et que ça n'avait rien de bon. « Maintenant t'es libre, tu fais ce que tu veux. On en rediscutera lorsque ton corps te forcera à arrêter.» Sur ces mots je me détournai de lui et me dirigeai vers le canapé, balançant au passage d'un revers de main rageur une photo encadrée d'Hadès et moi. C'est vrai, la violence ne me ressemblait pas... Sauf quand j'étais énervé, et là je l'étais. Profondément. Puis je me saisis du t'shirt d'Hadès, le hume et le balance un peu plus loin, aux pieds de Clément. Ce dernier le ramasse, tandis que je passe mes mains sur mon visage que je n'avais plus pris la peine de raser depuis trois jours. Il vient devant moi et dépose la photo et le t'shirt sur mes genoux, que je me dépêche de virer d'un nouveau revers de main sur le coussin d'à côté, comme si leur contact me brûlait. Lorsque qu'il prononce ces mots qui me font tilt comme si on venait de me cogner l'arrière du crâne avec une énorme pierre... à quel point elle pouvait en avoir marre de toi, et de tes réactions d'autiste. Les larmes me montèrent directement aux yeux et s'écoulèrent sur mes joues sans le moindre sanglot. Ma mâchoire se serrai et alors qu'il revint et s'assit sur la table basse en me tendant son portable, je repoussai d'un revers de main -doux- son portable, en me levant, le surplombant de toute ma hauteur. « Je ne suis pas un enfant, Clément. Je n'ai pas besoin qu'on me dise ce que j'ai à faire. J'suis autiste, pas retardé.» Mes lèvres tremblaient légèrement alors que je retenais au maximum les sanglots qui menaçaient d'éclater tant j'avais été profondément blessé par ses mots. « Tu pourras dire à ta mère ce que je vais te dire : Ne vous préoccupez plus de l'autiste et de ses réactions, ok?» Mon regard s'était une nouvelle fois plongé dans le sien bien que ma vue soit brouillée par les larmes. « Tu crois qu'elle seule a fait des choses pour moi, Clément ? Tu crois qu'il lui fallait du courage pour m'appeler pendant son divorce ?» Je ne le quittai pas des yeux. « Il lui fallait du courage pour raccrocher plutôt, pour être seule.» Je pris une profonde inspiration pour retenir une nouvelle fois ces foutus sanglots. « Mais qui d'elle ou de toi a cherché à savoir ce que MOI je ressentais, quand Allan est partit ? Quand Jim est mort?» Je serrai une nouvelle fois la mâchoire, la colère commençant à reprendre le dessus. « Moi aussi, j'ai été là, MOI AUSSI. Pour elle et pour TOI. Et pendant ce temps là qui s'est soucié de moi? QUI?» Et voilà que tout sortait au grand jour, ce que je taisais depuis des années. «Tu vois pourquoi, je vous parle pas, Clément? Parce que vous vous en foutez. Parce que vous ne me voyez pas différemment des autres, pour vous j'suis qu'un autiste incapable.» Et ces mots me déchiraient. Mais était-ce faux ? J'en avais encore la preuve aujourd'hui. Il savait, que je m'étais séparé du mec que j'aimais et quelle était sa réaction ? M'envoyer bouler, encore une fois, comme si mes problèmes à moi n'avaient aucune importance.
Je sais que mon corps à besoin de repos. Mais pas maintenant. Pas tout de suite. Si pendant un temps je pensais ne pas savoir gérer toute la pression, que j'en suis venu à faire une crise d'angoisse sur scène, je suis persuadé, maintenant, d'avoir trouvé un bon rythme de croisière. Je m'autorise des micro pause, mais c'est tout. Je n'ai pas besoin de pause comme Paul les imagines. Au contraire, un break ne me sera absolument pas utile et me mettra encore plus en retard. Bref, je décide de ne pas épiloguer plus là-dessus et hoche simplement la tête. « C'est vrai, t'as raison ...» soufflais-je d'une petite voix, réussissant parfaitement à faire appel à mes talents de comédiens pour faire croire à Paul qu'il a raison et que moi j'ai tort, que cet aveux est tout sauf réel.
Au final, la rage prenant le dessus, mon oncle brise un cadre sur le sol puis envoie un t-shirt à mes pieds. Je m'empresse de ramasser le tout et n'ai pas besoin d'être mathématicien ou scientifique pour comprendre ce qui ne va pas : Hadès et Paul ne sont plus ensemble. Et même si ça me réjouit quelque part, une parti de moi-même se sent extrêmement mal pour le néo zélandais. J'avais beau ne pas apprécier son ex-copain -ou plutôt avais-je un appriori extrêmement négatif et n'avais-je absolument aucune envie de le connaître- je comprends un peu mieux pourquoi il se morfond et ne donne plus de nouvelles. Toutefois, n'ayant jamais vécu ce genre de peine de coeur moi-même, je ne sais pas combien de temps ça va durer ni comment réagir. L'engueuler n'est pas la bonne façon, non ? Clairement pas.
Prenant une profonde inspiration, je le laisse parler, rebondir sur le fait que je lui ai dis en face que sa condition a parfois été source de conflit -ces moments se comptent sur les doigts d'une seule main, donc ne sont pas révélables- me fait violence pour ne pas rouler des yeux lorsqu'il me dit que ni moi ni ma mère ne devrions se soucier de ses 'réactions d'autiste' et continue de l'observer. Et puis il me met face à une réalité déconcertante : personne de nous n'a essayé de savoir comment se sentair Paul lorsque mon père est parti et que mon frère est mort. Je soutiens son regard sans ciller, sans réagir, gardant une face neutre voire dure, alors que dans le fond la tempête de sentiments fait rage.
Je ne réagis que lorsqu'il dit que, de toute manière, on ne l'a jamais vu différement des autres, qu'il est juste un autiste incapable. Pouffant de rire, moqueur, je secoue la tête. « C'est pas ce que t'as toujours voulu ? Qu'on te concidère comme 'tout le monde' ? » demandais-je « Non mais parce que oui, effectivement, on aurait pu te foutre dans une chambre et te surprotéger, ne pas te laisser de liberté et agir comme Mamy et papy hein. On aurait pu ne pas t'accepté chez nous.» j'hausse les épaules « Mais on ne l'a pas fait. Tu ne vaux pas plus ni moins que Jim ou moi ou maman. Tu es toi, avec des qualités et tes défauts, comme tout le monde.» Je baisse le regard, finalement « Tu … t'avais pas besoin de parler pour qu'on sache que t'étais auprès de nous, que ton soutiens était et est toujours infaillible. On le sait, maman et moi. On se le sait réellement, que peu importe ce qu'on traverse, on trouvera toujours du réconfort chez toi» reprenais-je, le plus sincère du monde
«Mais peux-tu réellement nous blâmer de ne pas avoir pensé à toi lorsque notre vie personnelle s'est cassé la gueule ?» demandais-je en relevant mon regard sur Paul. Un regard emplie de sincérité et dénué de toute colère « Je ne veux pas minimiser les choses, je suis sûr que tu l'aimais Hadès et que c'est horrible de se dire que tout sois fini. Mais quand tu as vécu ce que nous on a vécu, tout le reste des problèmes te semblent réellement minimes et minuscule. On était tellement occupé à nous remettre de tout ce qui s'est enchaîné là, en l'espace de quelques années, qu'on n'a pas forcément pensé à ce que vivaient les autres » j'hausse les épaules « Maintenant que tu le dis, on aurait sans doute dû, mais ...Voilà, on peut plus rien y changé au passé» je me penche en avant et lui tend à nouveau le portable « TOI par contre, tu peux changer le présent et le futur. Tu peux au moins appeler Maman, même si tu ne reste qu'une minute au téléphone, peu importe. Mais fait le, pour elle.» le suppliais-je presque.
Clément finit par dire que j'avais raison, concernant sa santé, et bien qu'il n'était pas difficile de me faire prendre les choses au premier degrés, je doutais de la sincérité de ses paroles. Ou alors peut-être qu'encore une fois, il avait un semblant de remise en question qui disparaîtrait d'ici une heure en un coup de vent? Je ne voulais pas épiloguer plus longtemps à ce sujet, il était libre de faire ce qu'il voulait, et puis comme d'habitude, si son corps lâchait, je serais là, parce que j'étais le genre de cons incapable d'en vouloir aux autres et encore moins à lui. Parfois j'aurais voulu, vraiment, être capable de sortir les gens de ma vie une bonne fois pour toutes.
Après m'être rendu sur le canapé, et qu'un monceau de dispute encore plus violent ait éclaté, Clément se moqua encore une fois de ma réaction. Je plongeai donc une nouvelle fois mon regard dans le sien, la mâchoire toujours aussi serrée. « Justement Clément, vous ne me considérez pas comme quelqu'un de normal, mais comme juste un autiste qui ne peut pas comprendre vos problèmes d'adultes.» Et ce fait m'énervait au plus haut point. Oui, quand j'étais jeune ça avait été plus compliqué pour moi que pour la moyenne, mais depuis j'avais grandis, j'avais appris et surtout j'avais été là pour eux, sans doute plus que n'importe qui d'autre. Il m'affirma ensuite, plus calme que je ne valais pas plus ou moins que qui que ce soit d'autre dans la famille, ce qui me fit soupirer légèrement. « Je sais. Mais parfois c'est comme si vous ne me preniez pas au sérieux.» Comme si je n'étais pas capable de comprendre, ou d'être un adulte, moi aussi. Comme si j'étais et je serais toujours un handicapé. Néanmoins j'étais un peu plus calme et je me rassis dans le canapé, mes jambes menaçant de ne plus supporter mon corps en clair manque nutritif. « Je souligne que je travaille, je vis seul -ou presque-, en tout cas personne ne me fait à manger, personne ne lave mes vêtements, ni ne les repasse à ma place. Je suis capable de vous comprendre, et je suis adulte, Clément. Et le fait que je ne comprenne pas les expressions faciales ou le sarcasme n'y change rien.» Parce qu'en dehors de ça, j'avais un niveau de réflexion tout à fait normal. Je savais ce qu'était un divorce ou un décès et ce qu'il en coûtait.
« Je ne vous blâme pas, Clément.» Je baissai les yeux vers le sol. « Mais je crois que vous avez oublié que moi aussi j'ai perdu un frère, et un père. Que j'ai vécu exactement la même souffrance que vous deux, mais que moi, j'ai dû la vivre seul.» Parce que oui, je vivais presque chez eux, non? Parce qu'Allan était mon père et Jim mon frère dans mon coeur, et que nous avions toujours vécu comme tel. Alors comment Sara et Clément avaient-ils pu oublier ça en cours de route ? Ca me dépassait. Parce que moi aussi ma vie avait éclaté en mille morceaux précisément au même titre que la leur, et que pourtant ils étaient partis sans regarder en arrière, me laissant à ma vie où j'avais dû me débrouiller pour vivre seul presque du jour au lendemain, suivre mes études, et payer mon loyer. Mais qui était à blâmer dans tout ça ? Moi, sans doute, de n'avoir rien dit. De les avoir soutenu sans jamais exprimer ma propre souffrance. Parce que oui, je n'avais versé aucune larme, ni au décès de Jim, ni au départ d'Allan. Mais je voulais être là pour eux. Je n'en avais pas moins souffert pour autant. « J'ai vécu ce que vous avez vécu, Clément. Mais le fait que j'ai quitté Hadès n'en est pas moins difficile.» Parce qu'à chaque jour suffit sa peine, non? Parce que chaque douleur dans la vie et différente et que ce n'est pas parce qu'on a atrocement souffert dans le passé que plus rien ne peut jamais nous atteindre. Je finis ensuite par descendre le regard sur son téléphone, et le saisis, composant le numéro de ma soeur que je connaissais par coeur même s'il était enregistré dans les contacts. Je mis le téléphone à mon oreille et attendit qu'elle décroche. J'hésitai quelques secondes et après quelques "Allô, Allô, Clément?" je répondis « C'est Paul, je veux pas t'inquiéter Sara, mais j'ai besoin d'être seul quelques temps.» Ma soeur me fit bien évidemment une leçon de morale, qu'elle conclut par un "Je suis contente de savoir que tu es en vie, Paul. Me refait plus ça." « Excuse-moi, je voulais pas te blesser.» C'était sincère, jamais je n'aurais voulu la blesser elle. Nous finîmes par raccrocher, après qu'elle m'eut accordé un peu de temps à moi, et je tendis son téléphone à Clément. Relevant les yeux vers lui. « J'suis désolé.» Conclus-je, passant une nouvelle fois mes mains sur mon visage, que de nouvelles larmes vinrent recouvrir.
Plus je parle à Paul, plus je me dis que j'aurais peut-être pas dû venir, que j'aurais dû faire comme il m'a dit de le faire : partir et ne plus s'occuper de lui. Toutefois, quelque chose en moi me retient ici. Si tout mon corps me hurle de quitter les lieux sur le champ, mon cœur et surtout ma conscience, ne sont pas d'accord. Elles m'obligent à rester ici car il est évident que Paul ne va pas bien, que son silence est dû à un mal bien plus profond que ce qu'on ne pourrait imaginer. Sauf qu'en vrai, il ne s'agit là que d'une simple crise suite à une rupture amoureuse. N'ayant jamais eu de relation de ce genre, je ne peux tout simplement pas comprendre à quel point on puisse se morfondre pour une personne que nous avons délibérément quitter.
M'installant face à mon oncle, je continue sur ma lancé de sale gosse, persuadé que c'est vraiment la meilleure façon pour lui faire comprendre mon point de vu. Oh bien sur j'aurais pu être calme et rassurant, mais ça aurait été contraire à moi-même. Alors je décide d'être con et chiant et au final ça a l'air de plutôt bien fonctionner. Bien qu'il continue encore quelques instants à se morfondre sur sa situation, persuadé qu'on ne l'a jamais prit au sérieux, il parvient à me calmer. Et c'est, avec une certaine douceur, que je lui dexplique mon ressentit. Lorsque je lui parle de ce que nous avons vécu avec ma mère, mon père et Jim puis sans Jim, il essaie de m'expliquer qu'il a vécu la même chose, lui. Que lui a aussi perdu à un père et un frère. « C'est pas la même chose Paul» tentais-je de lui faire comprendre «Je veux dire … je comprends ton point de vu, je comprend que tu en sois aussi infecté, mais tu ne t'es pas prit un Tsunami en pleine tronche. Tu … t'as peut-être passé 9 semaines chez toi, en Nouvelle Zélande, à être inquiet, paniqué, à tout faire pour nous retrouver, mais tu n'étais pas sur le terrain. Tu n'as pas vu exactement ce qu'on a vu, tu n'as vécu ce qu'on a vécu » je secoue doucement la tête, n'ayant aucune rancœur ou jugement dans la voix, juste la profonde envie de lui expliquer clairement mon ressenti. «Tu sais, j'ai tout à fait accepté toute cette situation. Je n'oublie pas, c'est impossible, mais je n'y pense plus. J'ai fait mon deuil pour Jim, il me manque mais j'arrive à vivre sans lui. »
Je soupire doucement et lui tend mon portable pour l'inciter à appeler à nouveau ma mère. Et cette fois-ci, il ne se le fait pas prier deux fois et, composant le numéro de Sara, l'appel. Restant assit, silencieux et immobile face à lui, j'observe l'échange. Evidemment, j'entends à quel point elle lui fait un leçon de moral, mais en même temps je me doute qu'elle est plus que soulagé, que là c'est juste la pression qui retombe. Et puis elle a toujours été comme ça ma mère, elle gère assez mal la pression. Un mince sourire étire la commissure de mes lèvres lorsque Paul me redonne le portable, mais s'efface lorsqu'il éclate en sanglots et qu'il s'excuse. En temps normal je l'aurais directement prit dans mes bras, mais aujourd'hui je n'en ai tout simplement pas envie. Toutefois, je me penche en avant et pose une main sur son épaule, la serrant gentiment. «Ne refais plus ça, ok ? Pas besoin d’appeler tous les jours mais répond au moins une fois quand tu vois qu'on t'appelle plusieurs fois par jours. Ok ? » indiquais-je avant de me soupirer doucement et me redresser «Bon … je vais y aller du coup » déclarais-je en plaçant mes mains sur mes cuisses «ça va aller ? » mon regard se plante à nouveau dans celui de Paul, attendant une réponse et observant sa sincérité.
Alors le Tsunami représente le centre du problème et tout ce qui se passe autour n'a aucune importance selon Clément? Je préfère rester silencieux tout en l'écoutant me donner ses explications auxquelles il semble croire mordicus. Que puis-je faire pour lui faire comprendre que ce foutu Tsunami n'est pas le seul drame qui mérité d'être souligné ? Rien. Certes je n'étais pas là, certes je n'ai pas vu la vague ni tout ce qui s'en est suivi, certes je n'ai pas vécu ça avec eux. Je me sentais fatigué. J'avais pour une fois pris mon courage à deux mains pour dire ce que j'avais vraiment sur le coeur, et à quoi au juste est-ce que ça menait? Une nouvelle vague d'incompréhension, un fossé davantage élargit entre nous deux. Pourquoi étais-je venu vivre à Brisbane, déjà? Sans nul doute pas pour les bonnes raisons. Subitement, ma Nouvelle-Zelande natale se mit à me manquer. « Tu as sans doute raison.» Répondis-je simplement à ses explications. Que dire de plus? Pousser le débat et la discorde encore plus loin n'aurait aucune espèce d'utilité. Je restai néanmoins convaincu que ça ne justifiais en rien de minimiser ce que les autres pouvaient ressentir. Et si lui avait fait son deuil, et bien pas moi, tout simplement parce que je n'en avais pas eut l'occasion. Personne ne m'avait ni guidé, ni écouté, ni aidé dans ce sens. « Alors j'en suis heureux.» Répondis-je simplement, fidèle à moi-même. Penser aux autres d'abord, et ne pas parler de ce que je ressens, ma ligne de conduite habituelle en somme. Je venais tout simplement de me refermer comme l'huître que j'étais au quotidien, le QI en plus. Faut que tu dises ce que tu penses, Paul. Tu peux pas vivre avec tous ces sentiments enfouis en toi. qu'elle disait, Sara. Et bien je voyais bien où ça menait. Note à moi-même : La prochaine fois je lui dirais poliment de garder ses conseils à la con pour elle. A quoi bon dire ce que je pense si personne n'écoute? Elle la première.
Je finis néanmoins par me décider à l'appeler, me rendant bien compte qu'elle n'avait au final rien à voir dans cette histoire, et que je ne pouvais décemment pas la punir pour les actes de quelqu'un d'autre. C'était tout simplement injuste. Forcément, elle me fit la leçon, comme à son habitude, et je lui demandai de me laisser un peu de temps, seul. Puis je rendis son téléphone à Clément et fondis en larmes avant de lui présenter mes excuses. Pourquoi d'ailleurs ? Probablement par habitude. Les vieilles habitudes ont la peau dure, comme on dit. Et faut dire qu'en ce moment j'étais à fleur de peau, donc j'avais du mal à définir si j'étais en tord ou non dans mes réactions. Je sentis néanmoins sa main sur mon épaule, ce qui me fit me crisper exactement comme... Avant. Avais-je régressé aujourd'hui? Allais-je de nouveau ne plus supporter qu'on me touche? En tout cas c'est la sensation que j'eus immédiatement, suivie d'un léger mouvement de recul incontrôlable. Evidemment, Clément me fit à son tour une petite leçon de morale plus calme cette fois-ci, à laquelle je ne répondis que par un éloquent silence. Fermé, je vous dis. Comme avant. Il finit par me dire en se levant qu'il allait s'en aller maintenant et ça, ça me fit un nouveau coup. Alors voilà, il avait réglé SON problème, et il me laissait avec le mien sur les bras. Néanmoins qu'est-ce que ça avait d'étonnant, ou de différent de son comportement habituel? Rien. Je m'interrogeais donc rapidement sur ma capacité à agir comme lui à l'avenir, à savoir me contenter de le ramener chez lui et le laisser seul face à ses pensées et ses doutes lors de sa prochaine crise d'angoisse sur scène.. Et cette capacité était loin du zéro, du côté négatif. Cela me fit soupirer légèrement et discrètement. Serpillière, essuie tes pieds avant d'entrer.Pour la vie. « Je vais lire un livre.» Répondis-je eut égard à sa dernière question. Non, ça n'irait pas. Non, je ne voulais pas être seul. Oui, j'avais besoin qu'il prenne ma main du moins au sens figuré et qu'il m'emmène me changer les idées, qu'il dise des saloperies sur mon ex avec moi, qu'il me fasse rire, qu'on fasse comme quand on était enfants : Les cons. Mais ça n'arrivera pas. Alors, je vais lire un livre. « Bonne journée.» Conclus-je, la mâchoire serrée, tout en me levant à mon tour et prenant la direction de ma chambre sans me retourner.