Haussements d'épaules frénétiques, coup d'oeil discret sur ma montre, ça ne change pourtant rien a la situation, noyer mon regard dans ces aiguilles soudainement bien trop lente a mon gout. Le soleil qui se couche au travers des fenêtres, laissant les derniers rayons rasant s'échouer sur les murs limpides de la salle, éclaboussant de son reste de chaleur, bientôt chassé par la froideur de la nuit. Et cette réunion de travail qui n'en finit plus. Ca bafouille, ça s'acharne a rendre cette réunion un peu plus vivante mais lorsque je regarde les visages autour de moi, je vois la même expression faciale que celle qui résidait depuis quelques minutes sur le mien. Un formateur, hein ? Certain ferait mieux de choisir un métier sans contact humain, pour le bien de l'humanité. Et pourtant, ça ne l'empêchait pas de nous prendre de haut a la moindre question. A travers sa moue irrité, il est détestable. L'auto portrait de l'humanité. Ma bonne humeur que j'arborais depuis ce matin qui s'effrite en même temps que les dernières lueurs du soleil. Micro climat a l'intérieur de ma tête, la météo de mes humeurs beaucoup trop instable. En réalité, autre chose commençait a germer dans mon esprit. La nuit qui s'installe sur Logan city. Je connaissais trop bien l'effet de l'obscurité dans ces ruelles, quelques grammes d'illégalité qui foule les pavés. Voila a quoi j'en étais réduis. Craindre la nuit. Je fuyais mes démons comme une petite fille qui avait peur du noir. Je n'avais pas peur de la nuit mais de ce qui m'avait rendu accro a celle ci. Et pire. Si je retombais sur lui. Mitchell.
- Messieurs, nous arrivons a la fin de cet entretien, avez vous des questions ?
Sa voix grinçante qui me ramène a la réalité et je prie pour que personne ne l'ouvre. Coup d'oeil dissuadant vers mes congénères mais ils semblent tenter la même chose. Le genre de réunion ou l'on se déconnecte, les yeux dans le vide, un discours inintéressant en fond sonore, sorte de brouhaha assomant, remplaçant efficace d'un somnifère. J'étais d'ailleurs, parfaitement sure de trouver le sommeil cette nuit. Mes insomnies s'amusait a jouer a cache cache avec mes nerfs, seule chose qui n'avait pas changé de mon ancienne vie. La différence était que j'avais finalement accepté de vivre avec sans éprouver le besoin de combler ce vide. J’avançais. Je m'en sortais. Mes coups de file a ma psychologue se faisait d'ailleurs plus rare. Peut être que j'allais finir par l'oublier, comme tous les autres. Façon de me protéger d'un manque dont je ne voulais plus. Mon coeur, mes émotions, ne dépendait plus de personne. Je vivais pour moi. Je vivais mieux. Raclements de chaises sur le carrelage qui transpercent le silence, celui qui s’apprête a clore cette réunion. Je me lève également. Je n'ai qu'une hâte, celle de rentrer a Bayside. Mon esprit prend les devants, me rappelant ou j'avais garé la voiture. Je ne voulais pas perdre de temps a Logan city. La fraicheur du soir a bien vite fait de me réveiller et je ne tarde pas a rejoindre l'emplacement de ma voiture d'un pas rapide et assuré, analysant comme a mon habitude les environs. J'ignorais si un jour j'allais pouvoir cesser d'être sur mes gardes. Dose d'adrénaline grisante qui réveillait l'ancien moi. Je dépasse une ruelle inanimée, laissée pour compte par quelques lampadaires, soudant attiré par des ombres gesticulantes, des voix parvenant a mes oreilles.
- ... Ça fait trois semaines qu’on attend. On veut les deux-cents dollars.
Et sans réfléchir, je trace ma route, pensant immédiatement a un réglement de compte. Je n'ai pas a m'en mêler surtout quand je savais qui traînait dans ces rues. Le Club. Une autre voix éloignée arrive jusqu'a moi, réveillant ma curiosité. La situation s'échauffe et l'envie d'allé mettre mon nez dans ce qui ne me regarde pas qui prend le dessus. Je m'arrète, hésitant. Céder a la tentation ou bien poursuivre ma route. Je fais mine de repartir, sentant la mauvaise décision arriver.
- Et merde. Dis je pour moi même.
Je fais demi tour, rejoignant les trois hommes, dont un déjà a terre en position de faiblesse. D'abord je ne cherche pas a m'interposé, trouvant presque la technique de défense de la victime plutôt amusante. Je finis par laisser échapper un gloussement, amusé.
- Les gars... sérieusement ?
Façon de leur faire comprendre qu'ils feraient mieux de s'attaquer a quelqu'un capable de répondre a leurs attaques. Moi. Cette adrénaline insupportable qui fait battre mon coeur. Et j'ai beau me dire que c'était contraire a mes nouveaux principes, je fonce dedans tête la première. Le premier coup qui part sur le plus petit. Je l'entend grogner en s'écrasant contre le mur mais, étrangement, il n'en faut pas plus pour les faire fuir. J'en suis presque dépité.
- On se casse !
Et les voila déjà loin, happé par la nuit. Mon regard vers le point de leurs fuite, ma main se pliant et se dépliant pour laisser la douleur de l'impact s'évaporer. Bien longtemps que je n'avais plus fait ça. Et, visiblement, je n'avais pas perdu la main. Je finis par me tourner vers l'homme au sol, l'observant de toute ma hauteur.
- Honnêtement, je ne crois pas que de se mettre en PLS soit la meilleur technique de défense.
Petit pic vicieux. C'est plus fort que moi et je me le permettais car l'homme en question ne semblait pas respirer la légalité. Il avait des dettes avec des voyous, peut être faisait il partie du Club... trop tard pour faire demi tour, j'allais creuser, avide d'informations. Comme trop souvent.
Instantanément se refermer dans le silence. Cet ami qui ne trahit jamais. J'observe, je scrute. Chat sauvage en perpétuel reconnaissance de terrain, prêt a sortir les griffes. Je prenais des risques en restant là. Personne ne devait savoir que j'étais de retour a Brisbane. Jouer les fantômes jusqu'a la dernière minute. On ne vit pas éternellement masqué derrière des mensonges. Je savais que mes démons allait, un jour, retrouver ma trace. Je prenais juste de l'avance. Reculer pour mieux sauter. Tromper le flaire du grand méchant loup. Ma tactique avait bien fonctionné jusque ici. Allais je moi aussi rejoindre les rangs de "traître" au coté de Lou ? Ouais, j'avais déserté. Mais je ne l'avais pas fais que pour moi. Douleur lancinante entre mes phalanges, j'avais oublié cette sensation enivrante, celle qui nous porte au dessus de la peur. Elle nous rend invincible. Juste avant de nous lâcher au dessus du vide. Je connaissais trop bien ça pour laisser la sensation prendre de l’ampleur. L'orgasme émotionnel stoppé net dans sa course folle. Cette fois je contrôlais. Il y a pourtant cette vérité qui me déshabille, me poussant sur ce fait accompli. Je n'ai pas résisté a la tentation. Encore une fois, agir sans réfléchir et rattraper le coup a coup de silence assourdissant. Double jeu mal camouflé. Mais c'est si bon de jouer avec le feu, flirter avec les limites. Vieilles insouciance égarée d'une enfance lointaine jamais vraiment vécu. Est ce qu'un jour vous cesserez de vivre sous la tyrannie d'une curiosité jamais assouvie ? Mots lourd de sens de ma psychologue. Elle est farouche, déstabilisante. Je crois qu'au fond je détenais la réponse. Tyrannie malsaine, peut être. Elle m'animait, surement. Se sentir en vie que lorsque l'on vivait dans le risque. Le pyromane au milieu des flammes. C'était moi. Je crois que je ne cesserais jamais. Et ce n'était que maintenant que j'allais mieux qu'un semblant de réponse parvenait jusqu'a moi. A croire que sa thérapie avait des effets a retardement. Je pensais souvent a ses questions. Ce qui avait permit de me faire vibrer, de m'ouvrir les yeux. Comme si elle pouvait être encore en connexion avec moi même. Mon regard se mêle a la nuit, s'adapte a cette différence de luminosité qui fait que je ne peux pas réellement distinguer les traits de l'homme qui se relève. Carrure qui ne me dit rien, sa voix ne réveille aucun de mes sens lorsqu'une flopée d'injures s'échappent de sa bouche. Je fais un pas en arrière, les yeux rivés sur lui, peu enclin a rentrer dans sa valse hystérique. J'avais remarqué le sac mais au vue du tissu noir et abimé j'avais jugé bon de ne pas l'inclure dans ma mission de sauvetage. Tandis qu'il fait des allés retours, mon regard l'analyse comme j'aime le faire. Pas de bagues, vêtements pas vraiment a la mode, cheveux hirsute qui pouvait laissé entendre qu'il n'avait pas vu le coiffeur depuis un bail. Rien de plus basique. Ce sac était certainement la seule chose qu'il lui restait. Il semble se calmer tandis que je devine une voiture tourner dans la rue, ses phares m'éblouissant un court instant, éclairant nos deux visages. Je plisse les yeux pour m'habituer a cette lumière soudaine, sortant de mon silence. Sarcastique.
- Le sac, hein ? La prochaine fois je te laisserais crever.
Et ça n'a plus rien a voir avec la dose d'humour plus tôt. Je sens le vent tourner et l'envie de quitter cette rue agripper. Et ça ne traine pas. L'homme dit penser me connaitre après une seconde d'hésitation. Je change de position, regardant autour de moi.
- Non.
Froid. Glacial. Et c'est la dernière chose qui sortira de ma bouche. Lui ne me dit rien et j'ai soudain plus aucune envie d'en savoir plus. Je me ravise, assez profité. Trop de risques encouru. Si lui me connait, il y a beaucoup trop de possibilités. Alors, je fais mine de faire demi tour, repartir de là ou j'étais venu. Léger soupir, je lui lance un regard en biais.
- Rentre chez toi avant qu'ils ne reviennent finir ce qu'ils ont commencé.
Et je pars. Fin de la conversation. Je sais pertinemment ce que je dis pour avoir du vécu dans ce milieu. Survivre a un réglement de compte c'est une chance de plus de rencontrer la mort. Ces gens là ne nous abandonne que lorsqu'ils ont eu ce qu'ils voulaient réellement. Et je ne voulais pas faire partie de leur plan.
Ma veste qui se meut dans l'obscurité, comme si je donnais une chance a la nuit de me réconcilier avec elle le temps d'une soirée. Mais ce n'est pas le cas. Mon pas qui s'accélère, je suis sur le point de disparaitre dans l'angle de la rue, réajustant mon col froissé par cette demi minute de bagarre de rue. Cette droite qui m'échappe, incontrolable et pourtant si précise. Frapper juste, le geste du hasard. Quelque part ça me rassurait. Dans mon incertitude je me surprenais a penser que je n'avais pas perdu la main. J'en étais encore capable. Impulsion frénétique au détour d'un esprit vulnérable. Me voila retrouvant cette adrénaline d’antan, quelques grammes d'impulsivité dans les veines et c'est presque comme si je n'étais jamais parti. Je n'aimais pas ça. Quitter l'homme model, soit disant sans histoire, pour renouer un instant avec mon passé. Et ce que je n'aimais encore moins c'était cette partie de moi qui se nourrissait de cette adrénaline tel un drogué en manque de came. Dans un sens ça m'inquiètait. Toujours cette infime faiblesse. La peur de la rechute. Comme ci je ne pouvais jamais me permettre de me faire entièrement confiance en moment de crise. Confiance décapité, c'était une crainte dont j'avais longuement fait part a ma psychologue. Est ce que le temps guérissait réellement ce genre de chose ? Je courrais après le temps, lui même, pourtant parfois si lent. Esprit brisé en reconstruction, si bon de ressentir la cicatrisation. Et si j'avais été encore a Sydney, j'aurais probablement pris l'initiative de lui en parler, elle qui avait toujours les mots justes pour animer cette confiance branlante. Mais j'avais pris mes distances, je devais faire avec, mon imagination comme guide pour me rappeler ses conseils. Je suis sur le point de m'évaporer a travers l'obscurité, les faibles faisceaux lumineux du lampadaire le plus proche éclairant ma silhouette, l'agitation de l'homme, toujours derrière moi, qui me gagne. Je pouvais sentir son regard rivé sur moi, l'entendant marmonner encore quelques insultes auxquels je ne prette plus attention. J'avais coupé court a la conversation et il ne semblait pas vouloir allé dans ma direction.
- T’es du Club, c’est ça ? Comment ça va, le business ? Vous écrasez toujours les concurrents par jalousie ?
Je m'arrète net, heurté par ses paroles a l'intonation un peu trop forte. Dites craintes révélés au grand jour. Aucune discrétion, il n'a aucune idée de la bombe qu'il vient de lancer et j'en frissonne. L'issue de cette rencontre qui me parait soudain beaucoup plus sombre. Dans un élan d'impulsion, je fais volte face, rattrapant l'homme en quelques pas, mon regard assez parlant pour l'empêcher de l'ouvrir a nouveau.
- Asshole.
Menaçant, je le force a reculer contre le mur ou l'un de ses agresseurs avait percuté plus tôt suite a mon coup. J'avais au moins une réponse, lui, n'était pas du Club mais bien un partisan de l'illégal. Certainement un gang voisin et de part "concurrence" je n'avais pas a cherché bien loin pour trouver lequel. Je balaye une dernière fois la rue du regard, craignant que sa stupidité ait finit par ameuter les mafieux du coin, a commencé par Mitchell et sa clique.
- Les Manthas si je me souviens bien. Ils ont recruté une fillette comme toi ? Ca va mal la concurence...
Je lui crache ce petit pique au visage, j'accentue mon dernier mot, pour reprendre ce qu'il disait lui même. Bouffée de haine que je tente de contrôler, je préfère faire un pas en arrière comme pour être sur que je n'allais rien faire de stupide.
- Le Club c'est du passé, je n'ai plus rien a voir avec eux.
Le Club c'est du passé. Ca tourne et vire dans ma tête, propos aux multiples sens qui se forment et se déforment a l'intérieur de ma tête. Echo pas si lointain d'une vie que je rejetais. Ma propre voix qui se répercute en moi comme le son le faisait a travers des montagnes. Il s'éternise, s'affaiblit avant de disparaitre, ne laissant qu'un silence assourdissant. Du passé. Et je me demande si ce que je disais était réellement la vérité. Quand je vivais constamment sur mes gardes par peur de retrouver la raison de mon départ, quand je n'avais qu'a tirer le nez a la fenêtre de mon salon pour apercevoir une propriété que j'avais cambriolé auparavant, quand je dois me faire violence pour ne pas emprinter la route qui menait au Club, par habitude. Et enfin, quand je ressentais cette pointe d'amertume quand j'ouvrais mon tiroir au pied du lit et qu'il n'y avait que la poussière pour m'accueillir et non pas le glock 27 qui assurais ma sécurité. Alors, non, je ne suis plus si sur de ce que j'avance. Quelque chose en stand bye entre le présent et le passé et je n'avais qu'une chose a faire pour plonger le Club a nouveau dans le présent. Le monde nous pousse a faire des fautes mais je comptais donner beaucoup de ma personne pour laisser Mitchell dans le passé. Peut être qu'un jour j'en aurais finis avec la méfiance. Peut être qu'après avoir affronté mes démons un a un sans baisser la tête, ils en aurait définitivement finit avec moi. I'm done. En attendant, j'étais là, en face a face avec l'un d'entre eux. Premier test depuis mon retour. L'enfer est vide et tout les démons sont ici. Frisson qui parcourt mon échine, putain d'adrénaline, celle qui me pousse dans mes retranchements avant de laisser exploser mon instabilité. Mais pas ce soir. Contrôle. Je l'entend se justifier par rapport a son boulot de dealer, je n'écoute pas vraiment, j'ai le regard ancré en lui et pas besoin de luminosité pour deviner que l'obscurité de mes pupilles était un signe que l'impatience me guettait. Je n'allais peut être pas garder mon calme bien longtemps. Et comme pour attiser le feu, mon esprit dérive vers Mitchell et son calme légendaire. Un mystère pour un homme comme moi.
- ... Et toi tu te pointes chez nous, armé, en pensant que tout t’est permis parce que tu fais partie du grand, de l’incroyable Club. J’te le dis quatre ans plus tard parce que j’en avais pas eu l’occasion quand t’as pointé un flingue sur ma gueule. Va te faire foutre.
Et là, ça me revient. Quatre ans, c'était assez proche pour que je garde des souvenirs clairs. Mais la folie m'avait tellement rongé ce soir là que je n'avais pas su imprimer mentalement les traits de cet homme quand j'avais braqué le Taurus calibre 45 entre ses yeux, le dissuadant de me garder prisonnier. Et ça avait marché. Dans la seconde il s'était écarté, les yeux écarquillés, sans aucune idée de ce qui avait pu se passer quelques mètres plus loin. Et c'est cette même lueur de folie qui traverse pendant quelques secondes mon regard, ancré a celui de l'homme. La suite de sa phrase me provoque un rictus malsain, un rire cynique s'échappe d'entre mes lèvres.
- Je ne suis pas un héro, j'ai fais ce qu'une personne normal aurait fait en voyant quelqu'un se faire agresser. Visiblement j'aurais du tirer ce soir là ou je suis tombé sur toi.
Et je recule encore, plus parceque cette conversation était en train d'échauffer mon cerveau et que je n'avais pas confiance en moi. J'aurais du tirer. Et faire de lui ma première vraie victime. Je n'avais jamais tué en 37 ans d'existence. Un miracle mais c'était un cap que je n'avais jamais passé bien que certaines fois s'était révélés proche. Je repense a cet homme que j'avais tabassé derrière ce bar ou je travaillais, sous les yeux de Mitchell et Champagne qui m'avait arrété avant ce coup fatal. J'apprenais plus tard qu'Hannah avait assisté a ça. Je n'avais jamais accepté.
- Je ne cherche pas le pardon. Ni même la reconnaissance. Il n'y en a pas en enfer et toi même tu sais qu'on y a déjà un pied lorsque l'on signe pour la mafia. J'hésite. Ce monde n'était plus en accord avec ce que j'étais. Ce que je voulais.
Paroles qui sonnent creux a l'intérieur de ma tête, je vibre de ce semi mensonge, ce que j'essayais de me faire croire. Peut être que si Mitchell n'avait jamais touché a Hannah, je serais encore là. Vagabonder de maison en maison, franchir toujours plus les interdits, les limites. Au contraire, ce monde dans lequel je marinais depuis bien trop longtemps, était probablement celui qui me représentait le mieux. Je l'avais juste...renié. Par obligation, tant ma santé mental en dépendait. A force de cambrioler dans l'obscurité incertaine des nuits de Brisbane, le lendemain aurait finit par me trahir, lui aussi. Et c'est le soleil qui se lève sur la vérité. Trop de dérapages, trop d'erreurs, pour s'estimer a l'abris de la police. Et c'est ce qui serait arrivé. Comme enfermer un chien fou en cage, il se laisse ronger par sa propre folie. Et je n'avais qu'a fermer les yeux pour ressentir l’oppression de quatre murs autour de moi. Ceux que je n'aurais pas pu supporter si nous avions suivit la logique des choses. La prison. Et si mon propre corps l'était déjà, je refusais de le vivre réellement. Prison corporelle, bien amplement suffisante, je me battais assez avec ce qui grandissait a l'intérieur de ma tête, les chaines qui maintenait le pire de moi a distance. Mais pour combien de temps encore... c'était ce qui commençait a se faire lentement une place dans mon esprit quand je voyais ce début de rage se profiler avec un simple petit ennemi du Club. Pas le plus menaçant mais pas le plus innocent. Alors que pouvait être ma réaction en face a face avec mon pire cauchemar... Il y avait cette infime part de moi qui aimait ça. Ressentir la peur dans le regard de l'homme en face de moi. Peut être revivait il ce court moment ou il avait pu voir défiler sa vie a toute vitesse alors que je braquais mon arme sur lui. Mais jusqu'a preuve du contraire, il ne craignait plus rien. Je l'avais probablement "sauvé" d'un stage en hôpital. Et j'imaginais Hannah, mon ex, le prendre en charge, par curiosité je me demandais combien de mafieux ou bien ex mafieux elle avait soigné sans même le savoir. Cette ville était bien trop dangereuse de l'autre coté du miroir. Encore une fois, je dois me faire violence pour rester ancré a la réalité, laisser mon esprit cesser de divaguer.
- Si t’avais tiré sur moi, tu ne serais plus ici pour sauver les pauvres mecs qui se font agresser.
Je souris. Je voulais bien le croire. Mais si les Manthas s'était attaqué a un pilier du Club comme moi, les représailles aurait fusé a l'instant même ou ils auraient essayé de m'atteindre. J'avais échappé trop de fois a la mort, peut être que je ne la craignais plus pour avoir trop de fois flirté avec elle. Elle avait eu toute ma famille entre ses griffes, ma mère, mon père. Et je continuais de déjouer ses mauvais tours, attendant que mon instabilité et mes souffrances psychiques finissent de me ramener a elle, a genoux. Je la devançais, comme toujours. A la Weiss. Les paroles de l'homme fusent dans mon esprit, me laissant perplexe. Venait il réellement de me souhaiter bonne chance ? Je reste, un instant, interdit, pris par surprise, ne sachant quoi répondre. Je me contente de l'observer d'un regard bien moins dangereux.
- Je n'oublie jamais rien... Soufflais je. Tu as quitté la mafia aussi ?
Curiosité presque maladive qui m'empêche de partir et le laisser sur place. Alors que voulait ces hommes ?
" A la différence de toi, je ressens encore ce besoin de détourner les règles." Et ça sonne faux a l'intérieur de ma tête. Il se trompe. Il se trompe tellement. L'illégal, c'est signer un pacte avec sa propre conscience en espérant respecter la promesse faites a nous même, les flammes crépitant autour de nous, léchant notre âme, la réchauffant a distance. L'incendie finit toujours par se propager malgré les limites, jusqu'a ce qu'elles deviennent quasi inexistantes. Et flirter trop longtemps avec ce genre de démon c'est prendre le risque de subir un retour de flamme lorsque l'on pense en avoir terminé avec l'illégal et ses conséquences. Comme si les cendres restait toujours brûlantes sur ce sol desséché malgré la pluie, malgré l'humidité de larmes encore trop présentes. Celle qui venait après la tempête. Lever la tête et constater l’ampleur des dégâts. Réaliser. Peut être que l'homme en face de moi en était encore a ce stade là. Moi, j'attendais le fameux retour de flamme. Le silence assourdissant avant que la prochaine ne frappe. Fondations encore instables, elle est bien plus destructrice. Je craignais ce moment. Peut être parceque j'avais cette insupportable manie de foncer tête baissé vers ce qui me faisait le plus peur. Me dire qu'après l'avoir vécu je n'aurais plus a subir ça une seconde fois. L'épée de Damoclès au dessus de la tête qui se désagrège. Retour a zéro. Retour en enfer. Précisément ce que je voulais éviter. L'homme se remet a me parler et j'hausse un sourcils malgré moi lorsqu'il me parle de prison. Alors comme ça lui aussi s'était fait prendre et a en juger son expression, je devinais que l'expérience était encore fraîche, la leçon encore bien ancré dans sa tête. Je laisse mon esprit dériver vers l'homme qui m'avait trahit. Je me rappelais comment la prison avait changé Boyd. Il en était ressorti plus violent. Je n'avais pas besoin d'essayer pour connaitre l'effet de l'enfermement sur les gens. Rien de vraiment valorisant. J'avais eu l'occasion de ressentir quelques effets lors de ma soirée en cellule de dégrisement accompagné d'une belle bande d'abrutis qui avait terminé de grignoter mes nerfs déjà a vif. Alors la prison... je pense que psychologiquement je n'étais pas fait pour survivre a ça. J'ignorais encore comment pendant tout ce temps j'avais pu éviter l'enfermement malgré mes dérapages. Peut être que dans ma malchance j'avais une bonne étoile. Ma mère, peut être. Je me remémore le travail qu'il faisait dans ce fameux gang et je ne résiste pas a un énième pique. Rien a faire, ça me brûle les lèvres. Peut être parceque j'avais l'impression qu'il était en position de faiblesse comparé a moi. Et puis, nous étions du même monde.
- Dealeur c'est ça ? On t'as filé le boulot le plus simple et t'as quand même réussis a te faire choper. Petite lueur qui s'étire dans mon regard. Ou quelqu'un t'as dénoncé peut être...
A vrai dire, je n'en avais rien a faire, je cherchais simplement a apprécier la seule chose que je m'étais autorisé a laissé ressortir de mon ancien moi. J'avais prononcé ces mots sans aucune pointe d'agressivité, vendre de la drogue était aussi risqué mais j’estimais le cambriolage au niveau au dessus. Raison pour laquelle je m'étais spécialisé là dedans depuis mon adolescence. Le risque. L'adrénaline. Et je remerciais Aubrey de m'avoir ouvert les yeux sur ça. Ce besoin toxique et pourtant vital. Ca aussi j'essayais de me sevrer.
- Maintenant que tu comprends pourquoi ce sac était si important, j’imagine que tu peux me laisser me vautrer dans ma merde jusqu’à ce que je trouve une solution pour éviter de dormir à la rue ?
J'analyse ce sourire sarcastique dans lequel je ne tarde pas a le rejoindre et si il me connaissait il aurait probablement déjà deviné ma réponse. Si il attendait que je l’héberge, il se mettait le doigt dans l'oeil. Je l'avais sauvé, s'en était déjà trop. Je fais quelque pas, rajustant ma veste, faisant mine de partir avant de décrocher quelques mots.
- Tu devrais savoir que lorsque l'on se frotte a l'illégal c'est chacun pour soi, chacun sa merde.Oeil pour oeil, dent pour dent. Y a pas d'entraide, on essaie simplement de survivre avec ce qu'on a. Mon regard se fait un peu plus appuyé. Ce qu'il nous reste.
Moi aussi j'avais tout perdu en quittant le Club, en quittant Brisbane. D'une manière différente. Alors ce que je disais, je l'appliquais pour moi aussi. Et sur mes mots, je tourne les talons, le plantant là, disparaissant dans l'angle de la rue, bien décidé a oublier cette soirée. Alors va-t’en. Fais comme si jamais je ne m’étais rappelé ton visage. Je ne suis plus un hors la loi mais, à la différence de toi, je ressens encore ce besoin de détourner les règles. Si tu veux éviter le pire, oublie cette soirée. Et je marmonne presque entre mes lèvres ce qu'il m'avait dit plus tôt, presque pour moi même que pour lui tant ma voix était basse. Bonne chance.