| A fruit loop in a world full of cheerios |
| | (#)Mer 24 Oct - 22:57 | |
| Au jeu du regard, Scarlett était particulièrement redoutable. Elle ne comptait plus le nombre de verres que son air placide lui avait décroché. Des heures. Elle pourrait soutenir un regard des heures, disait-elle, et ce sans ciller ni même céder à l’amusement que suscitait parfois les visages ahuris de ses adversaires. Et elle en avait trouvé un à sa hauteur… enfin presque. Plantée depuis deux bonnes minutes devant le rayon des céréales, Scar avait dû se résoudre à l’idée que la dernière boîte de sa marque préférée était retenue en otage par les mains potelées d’une gamine de trois ans. Ou peut-être huit. Comment savoir ? N’empêche que depuis ce bien fâcheux constat, elle n’avait pas détourné les yeux, et la petite rivalisait d’obstination. Les sourcils froncés, elle avait lâchement abandonné sa poupée pour envelopper le paquet de ses deux mains, qu’elle enlaçait avec une fermeté que Scar n’était pas résolue à tester. Le duel aurait pu durer encore longtemps, si la silhouette envahissante de sa mère n’était pas intervenue pour lui arracher des mains son trophée, avec une colère qu’on devinait déjà éprouvée, en lui ordonnant de la suivre. Scarlett aurait pu s’en vouloir, mais le sourire qui était venu étirer son visage au ralenti témoignait d’une satisfaction puérile. Alors que l’enfant rechignait, la tête tournée vers l’objet de sa convoitise, la jeune femme s’en empara et, dans un geste de victoire, tendit le bras avant de laisser le paquet de céréales lui échapper nonchalamment. Drop the box. Ka-ching. Elle réalisa bien assez tôt que la boîte venait d’exploser au sol, et ne put contenir un juron de surprise. Balayant l’allée du regard, elle se déroba à la scène lorsqu’elle fut assurée que personne n’avait été témoin de son échec cuisant, non sans gratifier la gamine d’un sourire de défi alors qu’elle la croisait une ultime fois étouffant ses sanglots à la caisse. Pour sa défense, cette petite avait l’air d’une peste. Et elle était dans cette période du mois où il ne valait mieux pas la contrarier. Encore moins que d’habitude. Elle laissa échapper un soupir, tandis que les portes du magasin se refermaient derrière son dos. D’accord, personne n’avait gagné dans l’histoire, mais elle aurait eu le privilège de repartir avec son butin si elle avait résisté à la vantardise. C’était une victoire, selon elle. « Pourquoi personne n’est jamais là pour assister à mes moments de gloire ? » se plaignit-elle en remontant la fermeture de son hoodie en prévision de l’averse qu’elle sentait pointer au-dessus de sa tête. Elle avait entendu cette phrase quelque part. Et c’était devenu sa devise. Une sorte de malédiction dont elle avait hérité, comme si des bonnes fées s’étaient penchées sur les berceaux de tous ses ainés tandis qu’elle avait écopé de la marraine revancharde. Ou peut-être qu’elle était juste moins douée, et que les chances d’avoir des témoins se voyaient proportionnellement réduites par la rareté de ses exploits. Quoiqu’il en soit, on était en plein milieu de l’après-midi, il allait pleuvoir des cordes et elle n’avait pas de céréales pour calmer ses pulsions destructrices avant son service du soir. Matt avait eu la présence d’esprit de la cantonner au bar lorsqu’il avait réalisé que le ton corrosif de sa serveuse passait pour de l’audace auprès de ses clients nocturnes, même s’il savait aussi bien que Scarlett tout le mépris dont elle les accablait. Elle était donc condamnée à errer comme une âme en peine toute la journée. Toute la sainte journée ! Elle avait beaucoup trop de temps pour spéculer sur le travail qui l’attendait à la garderie des poivrots et inventer des excuses farfelues à son inévitable retard. Il lui vint alors l’idée de faire un crochet chez Tommy, qui habitait pourtant littéralement à l’opposée de la ville. A ce stade ce n’était plus un crochet, c’était une boucle. Mais elle espérait deux choses : premièrement, qu’il serait là pour lui ouvrir la porte, parce qu’il avait démissionné dans le plus grand des secrets et qu’elle lui en voulait fortement de la note qu’elle allait devoir régler au McTavish à cause de son égoïsme, et deuxièmement, que Moïra était bien plus charmeuse que la petite de l’épicerie pour persuader son père de ne jamais manquer de céréales dans les placards de sa cuisine. Elle arriva quelques dizaines de minutes plus tard, trempée et pourtant conquérante lorsque son poing martela la porte. Tommy ne tarda pas à réaliser son premier souhait, même si Scar fut passablement irritée de le juger si surpris. « Te voilà ! Je suis passé au McTavish mais j’étais étonnée de ne pas te voir. » déclara-t-elle en s’invitant à l’intérieur. Moïra était sans doute à l’école, laissant ainsi le champ libre à ses exclamations les moins distinguées. « Non attends… » ajouta-t-elle aussitôt. Elle était bien trop contente de pouvoir le prendre à son propre jeu. « T’es qu’un foutu menteur. Tu bosses plus là-bas, je le sais ! » |
| | | | (#)Sam 17 Nov - 20:35 | |
| Le son lui était d’abord apparu vaguement. Lointain, comme s’il ne le concernait pas vraiment, comme s’il n’avait pas véritablement besoin d’en tenir compte. Et puis de seconde en seconde le son s’était fait plus distinct, l’impatience qui s’en dégageait plus pressante, et ce qui n’était au départ qu’un écho lointain prenait des airs de bourdonnement désagréable. Enfin, l’information parvenue jusqu’à son cerveau endormi avait fait son chemin et fait les connexions nécessaires pour que les coups et la porte se mettent en face à face et que Tommy réalise que c’était bien à la porte de son appartement que l’on frappait comme s’il y avait le feu dans l’immeuble. Le réveil en sursaut lui avait fait quitter la position dans laquelle il s’était endormi tard dans la matinée, un bras et une jambe dépassant du lit d’enfant bien trop petit pour lui, et la peluche Monsieur Lapin semblant le fixer avec jugement tandis qu’il essuyait le trait de bave au coin de sa bouche. À la porte on s’impatientait, et marmonnant un vague « ‘ariv … » dont l’écho n’était sans doute pas allé plus loin que la chambre, le Warren avait passé une main sur son visage et dans ses cheveux pour tenter de gommer la preuve flagrante que l’on venait de le tirer du sommeil, tout en sentant son pied buter contre l’album photos abandonné au pied du lit lorsque Morphée lui était tombé dessus sans crier gare. Ayant pris le temps de le ranger maladroitement sous le matelas – là où était désormais sa place, après qu’il ait surpris plusieurs fois Moïra dans sa propre chambre à le feuilleter en cachette et ait décidé de le lui laisser – il s’était enfin décidé à quitter la chambre, le parquet de l’appartement craquant sous sa démarche de zombie désorienté et lui faisant maudire une nouvelle fois les cachets qu’il prenait pour dormir depuis quelques semaines. Oh ils faisaient leur effet, pour sûr, mais se lever devenait une véritable épreuve de force, et même totalement éveillé le brun n’avait jamais la sensation d’être en pleine possession de ses capacités mentales. « Ça va, j’arrive ! » grognait-il encore en tirant sur le bas de son tee-shirt, ouvrant finalement la porte de l’appartement à la volée pour tomber nez-à-nez avec une Scarlett à l’énergie beaucoup trop débordante pour son crâne migraineux. « Te voilà ! Je suis passé au McTavish mais j’étais étonnée de ne pas te voir. » N’attendant même pas d’y avoir été invitée pour le faire, sa sœur avait pénétré dans l’appartement telle une tornade, la mention du McTavish ayant tout juste le temps d’arracher à Tommy une grimace dépitée tandis qu’il refermait la porte. Ouvrant la bouche sans même avoir décidé s’il tendrait vers la vérité ou le mensonge, il n’avait pas eu le temps d’en placer une que la brune reprenait déjà « Non attends … T’es qu’un foutu menteur. Tu bosses plus là-bas, je le sais ! » et lui clouait le bec, un soupir dépité échappant au bonhomme alors qu’il levait les yeux au ciel et attrapait son sweat sur le dossier du canapé pour l’enfiler à la va-vite. « C’est Jill qui a craché le morceau ? » Si tel était le cas elle ne manquait pas d’air, pour quelqu’un qui grinçait des dents à propos de Matt. Retroussant les manches du sweat, il avait pris le chemin de la cuisine en présumant que Scarlett suivrait derrière lui et s’était directement dirigé vers la machine à café avec l’intention de s’en préparer deux litres. « Je comptais te le dire. J’attendais juste que la situation à mon nouveau boulot soit plus stable. » Ou plutôt, il attendait que sa période d’essai soit terminée, afin de ne pas risquer l’humiliation de devoir ensuite annoncer son renvoi s’il ne faisait pas l’affaire. Tournant toujours le dos à sa sœur, il avait demandé « Café ? Quelle heure il est ? » tout en fouillant dans le placard pour leur trouver deux tasses encore propres malgré la montagne de vaisselle agonisant dans l’évier, les chiffres sur le four micro-ondes terminant de lui confirmer que la matinée avait cédé sa place à l’après-midi. La cafetière enclenchée, enfin, il avait enfin consenti à se retourner et à croiser le regard d’une Scarlett dont l’impatience faisait peu de doute. « Si on compte le temps où j’y ai bossé avant de partir au Canada, ça fait presque six ans à bosser pour ce bar. J’avais envie de voir autre chose, j’en avais ma claque de servir de psychologue de comptoir. » Les bras croisés il s’était appuyé contre le plan de travail, tentant de garder le même air détaché au moment de rajouter « Et puis maintenant je pourrai récupérer Moïra à l’école tous les jours, et rester avec elle le week-end. » comme s’il espérait faire croire que ce n’était pas la raison principale à ce brusque revirement professionnel. Et tout à s’empêtrer dans ses justifications il n’avait même pas pensé à expliquer clairement ce qu’il faisait de ses journées désormais.
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| | | | (#)Dim 9 Déc - 12:55 | |
| Scarlett ne s’était pas fait prier pour investir l’appartement de son frère, et ses paroles avaient à peine eu le temps de faire leur effet que son regard inspectait déjà les placards de la cuisine. La jeune femme n’était pas réputée pour sa politesse, qu’elle abandonnait généralement sur le seuil de tous les lieux qu’elle fréquentait, et qu’elle avait aussi tendance à oublier chez elle lorsqu’il s’agissait de faire preuve de civilité dans la rue. Tommy lui en tenait rarement rigueur, et elle se réjouissait de savoir qu’il était bien moins à cheval que ses autres aînés sur ce genre de mondanités que, de toute évidence, leurs parents ne leur avaient pas assénées de manière assez brutale. Scar s’en voulait parfois de s’être autant affranchie de l’austérité parentale, comme si Marius et Beth avaient dû subir toute la rigueur de leur éducation à leur place. Puis elle se rappelait que, si c’était le cas, les deux bourgeois de la fratrie aurait pris autant de plaisir à s’ériger en martyrs qu’elle n’en prenait elle-même en narguant tous leurs principes. C’était un cadeau qu’elle se refuserait de leur faire tant qu’elle serait têtue et immature, comme ils aimaient la décrire. Un soupir d’exaspération succéda à ses accusations, et Scarlett réalisa alors qu’elle n’était pas tant en colère contre les cachotteries de son frère que stimulée à l’idée de se confronter à lui pour des broutilles. Mais la réaction de Tommy à l’annonce de son emploi clandestin lui restait en travers de la gorge, et Scar estimait qu’elle lui devait bien quelques remontrances injustifiées. « Bien-sûr que Jill a craché le morceau, tu croyais quoi ? » répondit-elle sans réfléchir, quitte à mettre son amie en porte-à-faux. Jill ne lui en voudrait pas. D’ailleurs, Scarlett soupçonnait grandement son frère de lui avoir fait l’honneur de cette nouvelle à sa place. Il connaissait assez les deux femmes pour savoir qu’elles gardaient difficilement des secrets, et d’autant plus lorsque ces derniers les impliquaient. Fuyant vers la cuisine, Scar emboîta le pas de son frère toujours avec cette idée obsessionnelle de trouver ses céréales. Elle opina tout de même lorsque Tommy lui proposa un café, avant de fouiller dans les placards dès qu’il tourna le dos. « Pourquoi stable ? Tu crois que je vais te juger parce qu’un jour tu décides de démissionner sans avoir un plan B ? Tu me prends pour Beth ? » Il venait définitivement de lui donner une raison d’être remontée contre lui. Depuis quand gardait-il des secrets pour faire bonne figure devant elle ? Elle était la petite sœur. Ce n’était pas son rôle. Et elle ne lui avait jamais octroyé le rôle de modèle de vertu. Elle l’admirait pour ses imperfections et les sinuosités de son parcours autant qu’elle méprisait Marius pour la prétendue régularité du sien. « Je sais même pas pourquoi tu essayes de te justifier Tommy. Je trouve ça génial que tu décides de voir autre chose. A la limite je vais juste regretter les coups gratuits au McTavish, mais je crois que j’ai assez de contacts là-bas pour blanchir ma note encore quelque temps. » dit-elle en refermant le placard après avoir extirpé la tant attendue boîte de céréales, dans laquelle elle n’hésita pas à fourrer sa main. « Mais désolée de te dire que psychologue de comptoir ça ne fait pas partie des compétences d’un serveur. Demande à Matt, avec moi ils peuvent aller se brosser. T’es juste trop gentil. » Ou comment dire qu’elle n’en faisait pas plus que ce qui était exigé d’elle. « Moi je me demandais surtout ce que tu pouvais bien faire d’illégal qui mérite autant de mystères. Et tu connais ma tolérance, j’ai franchement imaginé des trucs flippants. Du genre trafic d’humais ou comptable. » |
| | | | (#)Dim 6 Jan - 21:22 | |
| Au fond Tommy aurait bien dû se douter qu’il ne pouvait pas compter sur la discrétion de Jill au sujet de sa démission du McTavish. Ce n’était pourtant pas faute de ne pas lui avoir demandé de ne rien dire : une technique qu’il avait espéré voir fonctionner compte tenu de l’esprit de contradiction dont était pourvue l’amie de longue date de sa sœur. Bien qu’il ait pris le temps de poser la question le brun en connaissait donc déjà la réponse avant même que Scarlett ne lui réplique « Bien-sûr que Jill a craché le morceau, tu croyais quoi ? » le ton un brin impatient. Ou agacé, il ne savait pas vraiment. Mais rien, il ne croyait rien ; Au fond il aurait probablement mieux fait de parler de ses projets à sa cadette un peu plus tôt, et ce n’était que pure mauvaise foi de sa part de simplement refuser de l’admettre. Faute de mieux il avait donc mollement tenté de justifier son silence à ce sujet, ne prenant pas la peine de s’interrompre pour lui demander ce qu’elle cherchait avec autant d’application dans ses placards. Elle finirait bien par trouver. « Pourquoi stable ? Tu crois que je vais te juger parce qu’un jour tu décides de démissionner sans avoir un plan B ? Tu me prends pour Beth ? » Lui adressant ce regard presque courroucé face à cette perspective, Scarlett n’avait interrompu ses recherches qu’un quart de seconde tandis qu’il terminait de son côté de s’occuper de la cafetière, et se retournait pour de bon vers elle l’instant suivant. « Sois pas si mélodramatique, j’avais simplement pas envie de me porter la poisse en parlant de ce boulot trop vite. » Étant enfin parvenue à mettre la main sur le paquet de céréales de Moïra – tel était donc l’objet de sa quête éperdue – sa sœur y avait plongé la main avec voracité, ajoutant « Je sais même pas pourquoi tu essayes de te justifier Tommy. Je trouve ça génial que tu décides de voir autre chose. A la limite je vais juste regretter les coups gratuits au McTavish, mais je crois que j’ai assez de contacts là-bas pour blanchir ma note encore quelque temps. » sur le ton de la conversation avant de gober une pleine poignée d’anneaux presque aussi chimiquement colorés que les sodas dont se gavait Tommy sans se soucier de ses artères. « Mais désolée de te dire que psychologue de comptoir ça ne fait pas partie des compétences d’un serveur. Demande à Matt, avec moi ils peuvent aller se brosser. T’es juste trop gentil. » Décroisant les bras pour se donner l’air moins renfrogné, le barbu avait attiré à lui l’une des chaises de la cuisine et s’y était installé à califourchon, les coudes appuyés sur le dossier avec un brin de nonchalance. « C’est Matt qui est trop gentil. » avait-il alors fait remarquer, à demi-sérieux, mais en tout cas sûr et certain que jamais il ne se serait permis de discuter une seule des directive de Callum quand le bonhomme lui avait fait la fleur de ne pas le mettre à la porte le jour où il avait découvert la ligne « incarcération » qui manquait à son CV. « Et Jill a pris ma place, alors je suis sûr qu’elle te paiera bien un coup de temps en temps. Elle est presque aussi douée que moi, juste avec plus de boobs. » Lui faisait un signe pour qu’elle approche avec ses céréales, il avait tendu le bras pour en piocher quelques-unes lui aussi tandis que revenait sur le tapis le job pour lequel il avait décidé de dire adieu au comptoir limé par les verres à la chaîne du McTavish. « Moi je me demandais surtout ce que tu pouvais bien faire d’illégal qui mérite autant de mystères. Et tu connais ma tolérance, j’ai franchement imaginé des trucs flippants. Du genre trafic d’humains ou comptable. » Laissant malgré lui échapper un éclat de rire sans élégance, Tommy avait ostensiblement levé les yeux au ciel et fait remarquer dans la foulée « Tu recommences avec le mélo. Et je ne suis pas désespéré à ce point … Franchement, tu m’imagines comptable, moi ? » comme s’il s’agissait à ses yeux du choix le plus désespéré parmi les deux proposés. « Pourquoi pas employé dans la société de papa, tant que tu y es. » Et là on toucherait au choix le plus désespéré de tous. Mâchouillant ses céréales tout en jetant un coup d’œil impatient derrière lui pour vérifier où en était le café, il avait reposé les yeux sur sa sœur et haussé les épaules « J’me suis fait engager sur le port de Redcliffe, au transport de marchandises. Je charge et je décharge des conteneurs, et pour autant que je sache aucun ne contient d’humain en transit, ni entier ni en pièces détachées. » Quoi qu’à bien y réfléchir c’était l’endroit rêvé pour se débarrasser d’un cadavre, il aurait bien le temps d’être au milieu du pacifique avant que quelqu’un ne commence à s’en inquiéter. « J’sais comme ça ça ne vend pas du rêve, mais les horaires sont cools, y’a une prime de risque et en plus je peux garder mes écouteurs et donc m’épargner le fait d’avoir à faire la causette à qui que ce soit. Et ça me fait aussi l’économie d’une salle de sport. » Parce qu’à tirer et soulever tout un tas de trucs à longueur de journées autant dire qu’il n’y avait pas besoin d’en rajouter. « Rassurée ? » Il valait mieux, car le café était prêt et Tommy avait de nouveau fait volte-face pour s’occuper d’en remplir les deux tasses qui attendaient sagement leur heure. Avec double-sucre pour la sienne, parce que Tommy était ce genre de petite nature lorsqu’il était question de caféine.
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| | | | (#)Sam 16 Fév - 12:27 | |
| Telle une pelleteuse sur un chantier, sa main remuait le fond de la boîte de céréales avec ostentation. Le bruit aurait pu lui sembler agaçant s’il n’était pas si satisfaisant, et si langoureusement mérité. Malgré son dos tourné et le vacarme singulier de la cafetière, Tommy avait sans doute déjà compris la raison de l’air assurément fouineur de sa sœur, et se retenait de la sermonner comme il aurait sermonné sa fille, dont la volonté moins éprouvée que la sienne n’avait pas encore eu raison de ses arguments pseudo sanitaires. Scarlett ne s’en inquiétait pas du moins, et devait même s’avouer reconnaissante que la petite Moira n’ait pas encore développé la conscience écologique que le monde martelait aux nouvelles générations, et que ses oncles et tantes les plus tatillons ne tarderaient pas à lui inculquer, sans jamais se rendre compte de tout le mépris des méthodes éducatives de Tommy que cela supposait. Ce dernier balaya d’ailleurs ses remontrances en une fraction de seconde, sur un ton décontracté qui avait eu le don de souligner toute la propension à l’exagération de sa sœur. Et même si elle devait lui accorder en faire des caisses, son orgueil avait moyennement apprécié la facilité avec laquelle Tommy avait minimisé la situation autant qu’il l’avait tournée à son avantage. « Moi mélodramatique ? Jamais. » avait-elle rétorqué à défaut d’avoir de véritables arguments, et à l’aide de gestes totalement pompeux qui ne faisaient que miner son propos. Sa bouche à moitié pleine suffisait selon elle à combler la vacuité de son plaidoyer, qu’elle n’étaya pas davantage. Tommy ne lui en avait pas demandé tant, alors qu’il s’installait comme un adolescent face à elle, résurgence de leurs bavardages de jeunesse dans la cuisine familiale à des heures avancées de la nuit. Sa fringale partagée venait parfaire le tableau, et Scarlett réalisa qu’il ne manquait plus qu’une Jill saoule accoudée à la table pour les propulser une quinzaine d’années en arrière. « Ouais bon, tu marques un point. » concéda-t-elle lorsque Tommy accusa la patience immodérée de Matt, qui n’avait sans conteste rien de comparable à l’organisation impartiale qui régissait le McTavish. « Ouais c’est ça, avec Jill au service, je te parie que Callum va finir par te regretter au bout d’une semaine. » Scarlett n’était pas candide au point d’ignorer qu’elle-même n’avait pas autant à perdre que son frère lorsqu’il s’agissait de ses multiples emplois. Pas d’autre bouche à nourrir que la sienne, et lorsque ses assiettes se retrouvaient tristement vides, elle n’avait personne d’autre à blâmer que son inconstance, aucun compte à rendre, et ne privait personne d’autre que son propre estomac. Si Tommy faisait preuve d’autant d’obligeance, c’était avant tout parce qu’il se sentait redevable envers la soi-disant mansuétude de ses patrons, ces saints qui accordaient leur confiance à des repris de justice. Elle détestait les raisons qui les poussaient à accepter autant que celles qui pouvaient les dissuader, incapable de concevoir que son frère puisse être réduit à un écart pour lequel il avait déjà payé de son temps, et de l’estime déjà écorchée de ses parents. Et foncièrement, peut-être qu’elle lui en voulait de lui avoir dissimulé la nouvelle parce que c’était le traitement qu’il réservait au reste du monde. Elle ne voulait pas être traitée comme le reste du monde, autant qu’elle ne traitait jamais personne différemment pour des détails que les normes sociales avaient tendance à grossir. « Et franchement, je suis pas sûre qu’elle ait plus de boobs que la plupart des habitués. Et je parle bien des mecs ! » dit-elle en éclatant de rire. L’injustice de la nature, qui l’avait gâtée autant qu’elle avait privé Jill, était devenue leur private joke. Ce genre de blague pour lesquelles on s’arrêtait de rire juste à temps pour ne pas pleurer. Lui cédant à nouveau une poignée gourmande de céréales, elle l’écouta attentivement, sans manquer de rouler des yeux lorsqu’il l’accusa à nouveau de faire plus de drame que la situation n’en réclamait. Ce n’était pas sa faute si elle avait vu son frère, le seul encore capable de guider son sens moral sans susciter sa frénésie, faire les frais de son propre manque de moralité de l’autre côté de l’océan. Pouvait-on la blâmer pour ses excès d’imagination ? Employé chez leur père ? Scar fit mine de s’enfoncer deux doigts dans la gorge pour montrer tout ce que cette pensée lui inspirait. « Waouh. Pas d’interaction humaine. Ils embauchent ? Mais c'est vrai que t'as pris un peu de muscles. Je croyais que c'était pour épater quelqu'un. » plaisanta-t-elle à moitié. « Sans rire, oui je suis rassurée. Surtout que tu sois pas comptable. T'imagine, je serais la seule de la famille à ne plus savoir gérer mes sous ? Et t’en n’as parlé à personne encore ? Tu comptes le dire quand aux parents ? » Microbe apparut furtivement à l’angle de la cuisine, sans doute attiré par le bruit autant que par les odeurs, et aurait certainement bondi sur le plan de travail si Scarlett ne l’avait pas menacé d’un coup de pied. « Ou à Beth ? C’était comment votre petite entrevue ? Marius m’a même pas encore contactée d’ailleurs. Je sais pas si je dois me sentir rassurée ou offensée. Dans tous les cas, moi vivante je ferai jamais cet effort à sa place. JA-MAIS ! » |
| | | | (#)Lun 11 Mar - 1:47 | |
| « Moi mélodramatique ? Jamais. » Asséné avec ce sérieux inébranlable que savait cultiver Scarlett lorsqu’elle ne voulait pas perdre la face, elle n’avait reçu de la part de Tommy qu’un sourire gentiment narquois et l’assurance qu’il attraperait la perche tendue lorsqu’elle mentionnerait Matt. À dire vrai le brun doutait que sa sœur ait pu user du même comportement envers les clients si son salaire n’était pas venu de la poche de McGrath – mais c’était tout à sa chance, au fond. « Ouais bon, tu marques un point. » avait-elle d’ailleurs admis à ce sujet, l’argument supposé lui donner toujours une place d’honneur au McTavish malgré son départ ne semblant lui en revanche pas totalement la convaincre. « Ouais c’est ça, avec Jill au service, je te parie que Callum va finir par te regretter au bout d’une semaine. » Laissant échapper un bref éclat de rire, le feu-barman avait secoué la tête et fait mine de prendre la chose à cœur « Parce que tu crois que ce n’était pas mon plan depuis le début ? » Bien sûr que non. Et pour autant, son ego accueillerait sans doute avec un brin de fierté le fait d’apprendre par hasard que Callum regrettait de l’avoir perdu en tant qu’employé. Tommy ne regrettait néanmoins pas sa décision, persuadé d’avoir pris la bonne en quittant le navire avant qu’il ne lui donne le mal de mer ; Longtemps il s’était cru illégitime à espérer mieux ou à vouloir plus, désormais un peu moins. Le privilège du temps qui passait, sans doute. Reste que concernant Jill « Et franchement, je suis pas sûre qu’elle ait plus de boobs que la plupart des habitués. Et je parle bien des mecs ! » et il y avait fort à parier qu’à quelques occasions encore la McGrath pouvait maudire Scarlett et le fait que dame nature ait été plus généreuse avec l’une qu’avec l’autre à ce sujet. « T’es dure. » l’avait alors rabroué gentiment Tommy, de cet air qui sous-entendait qu’il n’en pensait en réalité pas un mot – il n’y avait pas mort d’homme, après tout. S’octroyant une poignée de céréales, une bonne raison de ne pas relever le fait qu’ils s’y servaient à même le paquet comme il interdisait pourtant à Moïra de le faire la plupart du temps, il avait finalement levé le mystère sur ce à quoi il occupait désormais ses journées, ou plus précisément ses longues matinées. Après des années et demi à se coucher à l’heure ou d’autres avaient trouvé Morphée depuis longtemps, le voilà désormais qui filait au lit à la même heure que sa fille et maudissait son réveil plus de fois qu’il n’en fallait lorsque sonnaient deux heures du matin. Mais on avait rarement rien sans rien, après tout. « Waouh. Pas d’interaction humaine. Ils embauchent ? » en avait de son côté retenu la cadette, avant de reprendre goguenarde « Mais c'est vrai que t'as pris un peu de muscles. Je croyais que c'était pour épater quelqu'un. » Tommy roulant des yeux en guise de réponse, l’idée lui paraissant plus saugrenue que n’importe quelle autre. « Et du coup c’est bon, tu es épatée ? » Le biceps s’exhibant un quart de seconde à l’horizontale à travers les manches de son sweat, il n’avait tourné le dos à sa sœur que le temps de s’occuper de leur servir deux tasses de café, ignorant l’accueil peu convaincu qu’elle avait fait à la boule de poils de la maison tout en reprenant « Sans rire, oui je suis rassurée. Surtout que tu sois pas comptable. T'imagine, je serais la seule de la famille à ne plus savoir gérer mes sous ? Et t’en n’as parlé à personne encore ? Tu comptes le dire quand aux parents ? » Déposant les tasses pleines sur la table de la cuisine, il avait retrouvé Microbe se lovant à ses pieds en miaulant avec application – la technique qu’il estimait infaillible pour obtenir du seul adulte de la maison qu’il lui remplisse l’estomac. « Ou à Beth ? C’était comment votre petite entrevue ? Marius m’a même pas encore contactée d’ailleurs. Je sais pas si je dois me sentir rassurée ou offensée. Dans tous les cas, moi vivante je ferai jamais cet effort à sa place. JA-MAIS ! » La multitude de question était restée en suspens quelques instants que Scarlett avait probablement trouvé superflus, le barbu ouvrant un énième placard duquel il avait sorti un paquet de croquettes prouvant à lui seul que Microbe en avait terminé avec le statut de chat de gouttière auquel on ne donnait que les restes de la veille par pitié. « À Beth, qui se chargera de le dire aux parents, dans l’idéal. » Et si sa cadette y voyait une quelconque tentative de s’en tenir au courage, fuyons … elle aurait totalement raison, voilà tout. « À elle ils n’oseront pas demander si c’est une lubie de ma part ou si je me suis simplement fait virer. » Et probablement que l’information leur serait ressortie par la seconde oreille d’ici à ce qu’il se retrouve à nouveau convoqué dans la maison de famille, pour un repas dont Moïra représentait le pendant parfait. « Et Beth me doit bien ça, pour m’avoir tendu un tel traquenard. Touche du bois pour que Marius continue d’être trop bien pour toi, crois-moi c’est le meilleur service qu’il puisse te rendre. » Le chat désormais occupé à se remplir la panse, Tommy s’était laissé tomber sur sa chaise avec lourdeur, faisant trembler le café par la même occasion. Un soupir las lui échappant, il sentait presque l’agacement lui revenir rien qu’à repenser à la scène qui s’était tenue dans le salon de Beth quelques semaines auparavant. « Il m’a menacé. À propos de Moïra. Faut croire que le vin français ne l’a pas rendu moins aigri. » Lentement les mains du père étaient venues s’enrouler autour de sa propre tasse, dans un réflexe pour se rassurer. Il usait d’ironie pour désamorcer ses propres inquiétudes, mais en réalité l’imprévisibilité des actions de Marius alourdissait ses épaules telle une chape de plomb, et cette impression qu’il avait de ne rien pouvoir faire d’autre que d’attendre que les ennuis ne lui tombent dessus le rendait malade.
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| | | | (#)Sam 30 Mar - 12:27 | |
| La patience de Tommy méritait bien plus d’admiration que celle de ses ainés aux yeux de Scarlett. Certes, elle était ouvertement partiale lorsqu’il s’agissait de juger les succès de la fratrie Warren, mais elle estimait après tout qu’entre eux tous c’était bien lui qui avait perdu le plus, et les efforts qu’il déployait pour restaurer les vestiges de son ancienne vie imposaient son respect, à défaut de trouver écho auprès de leurs parents. Elle aurait aimé être aussi indulgente que lui face à ses propres échecs, et aussi tolérante face aux personnes qui ne lui avaient accordé qu’une faveur hypocrite, ou au mieux condescendante. A commencer par Callum, qu’elle s’efforçait de supporter seulement par intérêt, mais qu’elle ne pouvait s’empêcher de mépriser foncièrement. Tommy méritait bien mieux que la fausse charité d’un inconnu. « Oh ce serait tellement jouissif de le voir te supplier de revenir. J’ai jamais aimé qu’il te prenne pour acquis… j’espère que Jill lui en fera voir de toutes les couleurs. » avait-elle déclaré tandis qu’elle ajustait laborieusement sa position sur le plan de travail. C’était bien la différence entre eux, et celle qui lui avait valu de ne jamais faire long feu en tant qu’employée, autant qu’elle avait fait d’elle une mauvaise élève. Son rejet de l’autorité s’insinuait même dans ses parties de jambe en l’air, où elle ne pouvait se résoudre à la soumission. De toute évidence le tailleur lui irait mieux que le tablier, mais elle était encore trop désinvolte pour se plier à ses propres règles. « Non je suis pas dure. Mais eux oui. » rétorqua-t-elle avec un sourire satisfait en tâtant sa poitrine de sa main libre. Le voile avait été levé, et si la scène avait des allures de déjà vu, la compréhension de Scar était sans pareille. Elle aurait aimé désapprouver ses choix de vie autant qu’il avait décrié les siens, ce soir-là où il avait déboulé dans son appartement presque aussi furieux pour lui faire la morale. Mais Tommy avait le don d’éveiller chez elle une bienveillance que personne d’autre, hormis Matt peut-être, n’était capable d’éveiller. Ou était-ce la pitié qu’elle ne pouvait pas supporter chez les autres ? Elle en doutait. Ses sentiments à elle étaient sincères. Les bons comme les mauvais. La preuve, elle n’avait pas pu masquer toute l’antipathie qu’elle éprouvait pour le chat de gouttière que Tommy avait adopté par pitié, pour le coup. Elle ne comprenait pas ce qu’il pouvait bien lui trouver tant cette chose était moche et totalement opportuniste. C’était un chat, en somme. D’accord il avait été rejeté, et Tommy ne pouvait s’empêcher de faire un transfert, mais l’idée que cet animal puisse s’approcher de sa nièce la révulsait. Perfide, Microbe s’en alla chercher du réconfort auprès de son frère, et Scar entendait dans ses ronronnements la fanfaronnade puérile qu’elle avait administrée à cette pauvre fillette au supermarché. Elle le fusilla du regard, et il assura son indifférence en lui tournant le dos pour s’entretenir avec Tommy. « Tu sais très bien ce que je veux dire, Tommy. » Les années passaient, et si les souvenirs ne s’effaçaient jamais, Scar tenait curieusement à voir son frère compléter le tableau de sa famille. Non pas qu’elle était attachée au conformisme que leur avait rabâché sa mère, mais surtout parce qu’elle tenait tout autant à se voir demander sa bénédiction. Tommy était bien le seul qui lui offrait encore l’espoir d’une belle-sœur appréciable. Microbe remporta sa victoire, et Scar roula des yeux comme si cela supposait sa propre défaite. On en n’a pas fini, disait son regard qu’elle avait vissé dans le sien, tandis que Tommy avait le dos tourné. Clairement, Scarlett avait trop de temps libre pour s’inventer des batailles qui n’avaient pas lieu d’être. « Tu parles, c’est gagné d’avance si tu fais la confidence à Beth. Mais si tu crois que ça va les empêcher de spéculer. A mon avis tes oreilles vont siffler quand ils l’apprendront d’une autre bouche que de la tienne. » Elle descendit enfin de son perchoir pour aller s’installer à la table de la cuisine, où l’attendait sagement sa tasse de café fumant. « C’est Marius tout craché. Il est pas habitué à l’échec. Il peut pas supporter que Moira soit ta réussite et pas la sienne. T’as qu’à lui coller la fille parfaite dans les pattes, et bientôt il sera trop occupé à l’idée de savoir si elle plaira ou non aux parents pour se souvenir que tu existes… Putain c’est une trop bonne idée ! Tu veux pas t’occuper de lui et je trouverai un toy boy à Beth ? Ça la détendra un peu. » |
| | | | (#)Jeu 25 Avr - 23:21 | |
| Tommy s’était bien entendu posé la question, avant de démissionner. Bien que l’avouer lui aurait sans aucun doute donné l’impression de perdre la face, il s’était demandé s’il aurait la moindre chance de retrouver son précédent emploi si le nouveau sur les docks ne se révélait pas être la bouffée d’air frais dont il avait actuellement besoin. Et la vérité c’est qu’il n’en savait rien. Il avait toujours fait son boulot correctement, et hormis les quelques semaines d’arrêt forcé suite à son accident à l’Halloween 2016 Tommy s’était montré comme un employé fiable et ponctuel, dont le travail n’avait semble-t-il jamais posé de problème … Mais pour autant, Callum n’aurait eu aucun intérêt à réembaucher quelqu’un qui avait décidé de lui faire faux bond pour voir si l’herbe était plus verte ailleurs. Et le fait qu’il admette le regretter à qui que ce soit, quand bien même l’ego de Tommy s’en serait trouvé agréablement soigné, avait très peu de chance de se produire malgré l’enthousiasme avec lequel Scarlett s’était exclamée « Oh ce serait tellement jouissif de le voir te supplier de revenir. J’ai jamais aimé qu’il te prenne pour acquis … j’espère que Jill lui en fera voir de toutes les couleurs. » Se gardant de tout commentaire – principalement parce que Tommy avait conscience de n’être pris pour acquis que parce qu’il ne s’autorisait pas à espérer valoir mieux que ça – il s’était simplement permis de songer que si Jill espérait conserver ce boulot un peu plus d’un mois, elle aurait plutôt intérêt à ne pas réveiller le tempérament d’écossais colérique de Callum. Mais après tout, tout cela ne le concernait plus. Passant sur la satisfaction avec laquelle sa sœur avait rebondit sur sa réflexion d’un « Non je suis pas dure. Mais eux oui. » aussi efficace que ses doigts avaient rebondis sur sa poitrine arborée fièrement, et totalement inconscient de la bataille silencieuse que se livraient dans son dos la jeune femme et le chat débarqué dans la cuisine en cours de conversation, Tommy avait terminé de leur servir le café promis plus tôt en feignant ne pas saisir le sous-entendu innocemment lancé par Scarlett quant à cette reprise soudaine d’entretien de sa musculature. « Tu sais très bien ce que je veux dire, Tommy. » Et il savait, oui, mais aussi certain qu’il avait compris la première fois et simplement espéré d’elle qu’elle valide son envie de faire croire le contraire, il avait rétorqué d’un ton un peu las « Et tu sais très bien ce que j’en pense, Scar’. » pour mieux lui tourner le dos et faire mine d’utiliser toute sa concentration à préparer la pitance du locataire à quatre pattes de l’appartement, dont le miaulement avait semblé servir de ponctuation. Bloqué et mal à l’aise face à cette perspective, celle qui voudrait que son deuil ait duré suffisamment longtemps pour qu’il se doive d’envisager « refaire sa vie » comme le voulait l’expression, Tommy préférait botter en touche chaque fois que le sujet revenais sur le tapis, sa courte mésaventure avec Liviana ayant terminé de le persuader que se forcer à faire ce que l’on attendait de lui n’en faisait pas une bonne idée pour autant. Rendant à Microbe sa gamelle désormais remplie, le brun en était désormais à répondre de la sale besogne qu’il comptait refiler à leur aînée, estimant que Beth l’avait bien mérité « Tu parles, c’est gagné d’avance si tu fais la confidence à Beth. Mais si tu crois que ça va les empêcher de spéculer. A mon avis tes oreilles vont siffler quand ils l’apprendront d’une autre bouche que de la tienne. » Haussant les épaules, témoignant ainsi du peu d’intérêt qu’avait pour lui la réaction de ses parents tant qu’il n’avait pas en subir les affronts directs, Tommy avait enfin amené à table leurs deux tasses de café et convaincu ainsi Scarlett de descendre de son perchoir pour le rejoindre à table. La vérité c’est que l’opinion de ses parents quant à son virage professionnel était le cadet de ses soucis en comparaison des menaces perpétrées par Marius – désormais le seul Warren dont les actions inquiétaient véritablement Tommy. « C’est Marius tout craché. Il est pas habitué à l’échec. Il peut pas supporter que Moïra soit ta réussite et pas la sienne. T’as qu’à lui coller la fille parfaite dans les pattes, et bientôt il sera trop occupé à l’idée de savoir si elle plaira ou non aux parents pour se souvenir que tu existes … » L’idée semblant germer dans son esprit aussi vite que la phrase lui était venue, la jeune femme avait manqué renverser son café en le reposant sur la table pour s’exclamer « Putain c’est une trop bonne idée ! Tu veux pas t’occuper de lui et je trouverai un toy boy à Beth ? Ça la détendra un peu. » L’idée, aussi saugrenue soit-elle, lui arrachant un léger rire, le barbu n’avait pas manqué l’occasion de travailler son sarcasme en assurant « Je ne souhaiterais pas Marius même à ma pire ennemie. » avant que ne lui revienne en mémoire la seule et unique personne avec laquelle il se soit pris le bec ces dernières semaines « Ou peut-être que si. » Eva Adams et Marius Warren, le parfait couple de Thénardier, l’auberge crasseuse en moins et le goût pour la branlette intellectuelle en plus. « Mais je vois que ça tire sur Beth à balles réelles, par ici … C’était quand la dernière fois que tu l’as vue ? » Un brin suspicieux, Tommy se demandait s’il avait loupé un épisode dans les aventures des deux sœurs Warren ou bien s’il s’agissait là simplement de vieilles rancœurs liés à la tendance de Beth à vouloir lisser au maximum les traits de cette famille, pour tenter de faire rentrer chacun de ses membres dans le cliché télévisé qu’elle devait trop consommer de par son boulot. « Elle avait fait de la pâtisserie quand je suis allée récupérer Moïra la dernière fois. Genre, Beth. De la pâtisserie. Je crois qu’elle nous couve une crise de la quarantaine. » Et finalement peut-être n’aurait-elle pas besoin de l’intervention de Scarlett pour songer au boy toy, mais puisqu’il avait soigneusement évité le sujet de sa propre vie amoureuse – ou plutôt absence de – quelques minutes auparavant Tommy ne s’était pas senti légitime à faire cette réflexion à voix haute.
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| | | | (#)Sam 25 Mai - 10:29 | |
| L'humilité de Tommy avait parfois le don de la frustrer, et Scarlett en venait toujours à se demander pourquoi les traits de caractère des Warren étaient tous aussi forcés et contradictoires. Quand la pudeur de Beth s'opposait à ses propres penchants exhibitionnistes, l'outrecuidance de Marius se révélait le rival idéal de son frère favori, habitué à ployer le genoux pour se soumettre aux coups durs. De son côté, Scar n'était endurcie que parce qu'elle se sentait épargnée en comparaison, et si elle osait parfois projeter ses exploits en prison avec une ironie malvenue, c'était uniquement parce qu'elle n'avait pas l'intention de mettre ses plans à exécution un jour. Elle savait la vérité toute autre, et avait même assisté aux premières loges au déclin des rêves de son frère, forcé à l'isolement géographique et sentimental. Même si, face à lui, elle mesurait bien plus l'impact de mots qu'elle avait tendance à ne jamais mâcher, elle ne pouvait plus s'empêcher de penser que la mort tragique et prématurée d'Alice faisait désormais prescription, et qu'il était temps qu'elle arrête de cristalliser les tensions et les incertitudes de ses frères. Et surtout, qu'il était temps que Tommy recommence à s'envoyer en l'air, parce que c'était très mauvais pour sa prostate. Pour ne pas changer, il lui répondit d'un ton las et péremptoire, et Scar lutta un instant pour ne pas rouler des yeux. Il tourna enfin le dos – la parade classique de Tommy pour s'éviter les discussions qu'il n'avait pas envie d'aborder – et Scar de relâcher un soupir d'insatisfaction. « Ouais bon d'accord, reste un vieux garçon avec ton chat de gouttière. » dit-elle, déçue de ne toujours pas avoir cette discussion avec lui. Comme une enfant, elle croisa les bras sur sa poitrine, et le fixa un long moment alors qu'il s'affairait à contenter le gosier de Microbe. En fait, Tommy lui ressemblait bien trop dans ses rares élans d'immaturité, et s'il y avait bien un sujet sur lequel elle avait appris à ne pas trop insister, c'était bien celui-ci. Son frère lui était assez reconnaissant pour ne plus la questionner sur ses activités nocturnes, et les deux adultes avaient fini par s'accommoder de cet accord tacite. Elle porta donc la tasse à ses lèvres en guise de drapeau blanc, et se délecta de la chaleur sur sa langue, qui manqua de lui brûler le palais. Même si Tommy lui cachait des choses – comme elle ne se privait pas de le faire – elle finirait par tout découvrir, et ne bouderait pas un plaisir dont il l'avait privée si longtemps. Comme souvent, la conversation dériva donc sur le seul sujet qui avait tendance à les mettre d'accord, à savoir le reste de la fratrie. Scarlett ne put pourtant réprimer une mine confuse lorsque son frère sembla lui reprocher implicitement les desseins qu'elle réservait à leur sœur. « Oh ça va, tu sais bien que j'adore la détester. On a dû se voir la semaine dernière peut-être. Elle est passée boire un café au DBD pour se plaindre un peu de ses déboires au boulot. Elle sait très bien que je l'écoute que d'une oreille parce que j'y comprends rien à son langage corporate, mais ça lui fait du bien. Enfin, du coup ce serait quand même pas plus mal qu'elle se trouve quelqu'un pour assurer ce rôle à ma place tu vois... » Et par quelqu'un elle entendait définitivement un mec. Et pas juste un mec rencontré au hasard pour satisfaire des besoins que Scarlett avait du mal à l'imaginer assouvir. Quelqu'un qui serait à sa hauteur et aussi tourmenté qu'elle par le travail pour qu'ils puissent mutuellement se lamenter sans s'écouter. « N'empêche qu'elle a encore essayé de me pistonner récemment. Elle m'énerve juste à ne pas se rendre compte comme c'est rabaissant à chaque fois. Comme si elle avait honte de dire que sa sœur était serveuse. » Tommy renchérit, et Scar réprima un gloussement juste le temps de reposer sa tasse prudemment sur la table. « T'es sûr que c'était elle ? Pas un truc qu'elle a acheté dans une pâtisserie française fancy ? Tu vois, c'est pour ça que je l'adore. Elle fait des trucs totalement insensés des fois. Les rares fois où elle lâche un peu prise. » Quand elle est aussi imparfaite que moi, pensa-t-elle un peu fort. Tommy comprendrait sans doute. |
| | | | (#)Ven 5 Juil - 16:59 | |
| Elle s’inquiète pour toi, elle pense bien faire, ça part d’un bon sentiment … Chaque fois qu’il sentait la crispation s’emparer de lui lorsque qu’était mis sur le tapis LE sujet, Tommy se répétait cette phrase comme pour s’en convaincre, une partie de lui néanmoins toujours persuadée que Scarlett, elle aussi, ne faisait que minimiser l’importance qu’avait eu son histoire avec Alice, et la difficulté que représentait pour lui la simple idée de « passer à autre chose » comme le voulait l’expression. Ils n’y avaient pas cru les Warren, Marius le premier, à ce coup de foudre entre la jolie française et le gros bêta de la famille ; Ils avaient pris cela pour de la jalousie, pour une volonté pure et simple de Tommy de faire enrager son frère, et il semblait parfois qu’à aucun moment l’un d’entre eux n’ait admis l’hypothèse que tout cela ait pu être sincère. Comme si l’exil, le mariage, et cet enfant qu’ils avaient accueilli n’étaient que de la poudre aux yeux et rien d’autre. Mais il se refusait à croire que Scarlett puisse partager le même point de vue, elle qui la première avant rencontré Moïra alors encore simple nouveau-né, dans ce Canada où elle était la seule à lui avoir jamais rendu visite – mais aussi la seule qu’il aurait tolérée, sans doute. Du regard boudeur associé au « Ouais bon d'accord, reste un vieux garçon avec ton chat de gouttière. » l’aîné n’avait relevé, mais dans le soupir venu avec il lui avait semblé percevoir un reproche qu’il craignait de voir un jour lui jouer des tours. Malgré tout, il lui semblait être enfin parvenu à clore le débat à ce sujet, non sans l’aide d’un Microbe dont rien ne comptait plus désormais que la vitesse à laquelle il pouvait se remplir la panse. Simple et délicieuse vie que celle d’un chat. Quant au café, il agissait lui comme le meilleur des remèdes, et après quelques gorgées et les effluves dont Tommy s’était laissé emplir les narines, il avait presque totalement oublié le fait qu’à peine un quart d’heure plus tôt il finissait encore sa nuit en bavant sur l’oreiller de sa progéniture – note à lui-même : mettre la taie d’oreiller au sale. Et la conversation, bientôt, de glisser à nouveau d’elle-même sur leur sujet de conversation de prédilection, le plaisir de taper gentiment – ou pas toujours – sur la tête de leurs aînés sans personne pour leur servir un regard noir ou un soupir désapprobateur. « Oh ça va, tu sais bien que j'adore la détester. » s’en était néanmoins défendue Scarlett en évoquant Beth, et en vérité parler d’elle était l’assurance de se moquer gentiment, là où parler des névroses de Marius n’était que celle de plomber l’ambiance. « On a dû se voir la semaine dernière peut-être. Elle est passée boire un café au DBD pour se plaindre un peu de ses déboires au boulot. Elle sait très bien que je l'écoute que d'une oreille parce que j'y comprends rien à son langage corporate, mais ça lui fait du bien. Enfin, du coup ce serait quand même pas plus mal qu'elle se trouve quelqu'un pour assurer ce rôle à ma place tu vois ... » Quelle âme de Cupidon. Tommy aurait presque pu s’en amuser plus amplement s’il n’en avait pas lui-même été la cible l’instant précédent. Au lieu de ça il avait arboré son plus beau sourire narquois et répondu « Et te priver du plaisir de feindre l’intérêt tout en faisant une revue mentale de tout ce qui ne tourne pas rond chez elle ? Allez, je suis sûr que ça te manquerait. » Au moins un peu. « Et puis le DBD a ce côté fancy qui doit lui donner des étoiles dans les yeux, ça doit être les cent douze sortes de cafés proposées sur la carte, ça lui donne l’impression de voyager. » Pas certain que le Matt n’ait pris le mot fancy comme un compliment s’il lui était revenu aux oreilles un jour, mais au fond le McGrath était bien le seul à ignorer encore le côté un brin hipster qu’il trainait à sa cheville. « N'empêche qu'elle a encore essayé de me pistonner récemment. Elle m'énerve juste à ne pas se rendre compte comme c'est rabaissant à chaque fois. Comme si elle avait honte de dire que sa sœur était serveuse. » Et Tommy de soupirer en haussant les épaules, parce que Beth restait Beth, et que la seule raison pour laquelle elle n’en avait jamais fait de même avec lui malgré son emploi au McTavish résidait sans doute dans une absence de volonté de sa part à pistonner un bonhomme qui sortait de prison ; Encore plus si le bonhomme en question portait le même nom de famille qu’elle. « C’est parce qu’elle ne se verrait jamais bosser derrière un comptoir, elle doit s’imaginer que tous ceux qui le font le subissent avec désespoir. Perks of being a workaholic, je suppose. Elle voulait te pistonner pour bosser où ? » Histoire qu’il se marre un peu – parce qu’il était à peu près certain que la réponse prêterait à rire. « Attends un peu que Maman commence à te suggérer d’aller bosser pour Papa, c’est l’étape suivante. » L’enfer sur terre, professionnellement parlant. Pas tant le fait de bosser dans le domaine des fruits et légumes, mais le fait de devoir supporter chaque jour de la semaine le côté petit chef d’escadron du paternel, qui ne désespérait toujours pas même après toutes ces années de prendre la place de la tête pensante de la société plutôt que de songer à prendre sa retraite, persuadé d’être indispensable à sa boîte. Pour en revenir à Beth, Tommy n’avait pas manqué de rapporter ses derniers exploits en pâtisserie, probablement la dernière lubie en date supposée la faire renouer avec les principes de femme au foyer jadis inculqués par leur mère. « T'es sûr que c'était elle ? Pas un truc qu'elle a acheté dans une pâtisserie française fancy ? Tu vois, c'est pour ça que je l'adore. Elle fait des trucs totalement insensés des fois. Les rares fois où elle lâche un peu prise. » Laissant échapper un rire, sans trop savoir si l’amusement lui venait plutôt de l’enthousiasme témoigné par Scarlett ou bien du fait d’imaginer à nouveau son autre sœur une mèche folle de cheveux devant les yeux et un petit bout de langue dépassant de ses lèvres pincées tandis qu’elle tentait de dompter l’art délicat de la pâtisserie. « Certain, elle a utilisé Moïra comme commis de cuisine pour le glaçage. Et puis, j’ai pas goûté au résultat, mais Moïra m’a dit que c’était pas … hm, disons que ça avait le goût d’un premier essai. » Infect, donc, et probablement avalé sans respirer pour donner le change tout en se persuadant que cela méritait au moins un ou deux compliments pour l’effort fourni.
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| | | | (#)Ven 30 Aoû - 20:56 | |
| Scarlett était bornée. Scarlett était provocatrice. Mais Scarlett avait suffisamment testé les limites de son frère pour savoir lorsqu'il était temps de rebrousser chemin. Depuis des décennies de vie commune, et accablés par les sermons du reste de la famille, les cadets des Warren n'avaient eu d'autre choix que de se serrer les coudes, quitte à se dévoiler sous leur angle le moins flatteur. Contrairement à ce que pensaient Marius et Beth, l'intérêt des liens qui les unissait était justement de pouvoir se montrer vulnérables sans craindre le jugement. Scar avait rapidement compris que ses faiblesses n'étaient rien d'autre que des munitions qu'elle tendait naïvement à sa mère et à sa sœur pour justifier leur condescendance à son égard. Il lui avait fallu peu de temps pour se fermer à elles, et s'ouvrir à Tommy à la place. Elle aimait croire qu'il faisait de même, et que les remparts qu'il avait érigés tombait toujours lorsqu'ils discutaient tous les deux, à l'abri des oreilles moralisatrices du reste de la famille. Ils se connaissaient désormais sur le bout des ongles, assez pour cerner les sujets qu'ils n'étaient pas en mesure d'évoquer ensemble, parce que cela dépassait le simple cadre d'une amitié fraternelle. Si Tommy ne pouvait pas supporter les activités complémentaires de sa sœur, elle était quant à elle incapable de comprendre qu'un amour puisse être si fort qu'il vous paralyse toute une vie. Après tout, elle s'y connaissait aussi peu en amour que Tommy dans la libération corporelle de la femme. Alors ils s'en tenaient aux sujets qu'ils maîtrisaient, et pour lesquels ils étaient en accord, à leur plus grand désarroi. Scar devait avouer que toute cette histoire lui pesait, et qu'elle profitait de chaque occasion pour remuer un peu le couteau dans l'espoir que la plaie soit définitivement cicatrisée. Ce n'était jamais le cas, et elle comprenait alors que Tommy n'était pas prêt non plus à la considérer comme une femme plutôt que comme sa petite sœur. Et il avait raison. Le discours de la jeune femme tenait davantage du caprice que du reproche, et aurait pu s'accompagner d'une moue boudeuse si elle n'était pas décidée à éviter avec lui une discussion conflictuelle. Microbe avait été le pare-feu idéal, et Scar oublia sa frustration un instant lorsqu'elle le fixa dévorer sa gamelle comme le gros et sale opportuniste qu'il était. Quant à Beth, elle était bien plus que Marius le sujet dont ils ne tarissaient jamais d'anecdotes. Il y avait chez elle une innocence que leur frère aîné ne partageait pas. Marius était bien trop réfléchi pour que ses actes et propos puissent être mis sur le compte de la maladresse. Il donnait l'impression de tout calculer, jusqu'à la façon dont il saluait ses proches. Chez Beth, la bienveillance était assez spontanée pour que Scarlett considère parfois son aide autrement qu'une forme de condescendance. « Bien-sûr que ça me manquerait. Et ça lui manquerait autant que je devienne une femme aussi accomplie qu'elle. Crois-moi, quand Moïra sera en âge de prendre des décisions cruciales dans sa vie elle aura fini de s'intéresser à la mienne. » Et là encore, Scar réaliserait peut-être que l'attention abusive de sa sœur n'était pas si désagréable au fond. Tommy la questionna, et elle s'empressa de répondre, persuadée qu'il n'attendait comme elle qu'une occasion de se moquer des propositions ridicules de leur aînée. D'autant plus quand cela pouvait évoquer chez leur frère des images qu'il préférait ne jamais imaginer. « Elle est cul et chemise avec sa gynéco depuis qu'elle lui a dit que Rachel Weisz a eu son premier enfant à 48 ans. Du coup elle a voulu me faire rentrer dans son cabinet. Ce serait toujours pour faire la boniche, mais bon faut croire que dans sa tête un spéculum c'est moins dégueu que le vomi d'un alcoolo. » dit-elle très sérieuse, avant de retenir un rire qu'elle devinait poindre chez son frère. « Y'a qu'une seule possibilité pour que je bosse pour papa. Que je me retrouve à travailler dans une maison de retraite et que vous décidiez de le foutre là juste pour rigoler. Oui, j'y ai réfléchi. » Ou plus précisément, elle avait fait ce cauchemar quelques mois plus tôt et s'était réveillée en sursaut en pleine nuit. Être la fille de leur père était déjà assez pénible pour s'infliger en plus ses ordres sous un autre toit que celui où ils avaient grandi. Même Marius et Beth avaient été assez malins pour décliner cette responsabilité avec une fausse modestie. « Je parie que la glaçage était meilleur que le reste. » se moqua-t-elle en toute impunité. Pour baver sur leurs aînés, Scar et Tommy étaient toujours les premiers. C'était rassurant, de se dire qu'ils n'étaient pas les seuls êtres défectueux de la famille. De leur point de vue du moins... |
| | | | | | | | A fruit loop in a world full of cheerios |
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