« J’adore ta voiture ! » Oui, comment rester de marbre dans cette superbe Chevrolet des années soixante ? Une caisse de collection qui faisait la fierté de Cade et qui occupait pas mal son temps quand il s'agissait de la bichonner de l'intérieur comme de l'extérieur. Pour autant, il ne répondit pas à l'exclamation d'Elora. Rien. Pas une touche d'humour, pas un mot montrant la satisfaction qu'il avait toujours quand on reconnaissait la valeur de son bijou. Grimes avait l'esprit bien trop occupé à ce tremblement de terre qui venait de secouer encore la petite famille anglaise. Lui qui venait ici à Brisbane pour résoudre ses problèmes d'absences et de non-dits avec ses frères et sa soeur se retrouvait confronté à une nouvelle tout aussi inédite. Il conduisait à côté de sa petite demi-soeur et il se demandait déjà quelles seraient les réactions de Milena, de Rafael et de Leonardo en apprenant l'infidélité de leur père, et l'arrivée surprise d'un nouveau membre de la famille... Et aussi, il se questionnait. Quelle place devait-il lui laisser ? Devait-il la mettre à l'écart parce qu'elle était "l'erreur" de son paternel ? Après tout, il était bien conscient qu'elle n'avait rien demandé, qu'elle n'était en rien responsable des agissements de leur père et par conséquent, Cade n'avait pas de raison de lui en vouloir à elle. Il se devait d'aller au delà de tout ce qui s'était passé...

Il l'emmenait chez lui. C'était sa façon de lui prouver qu'il était prêt à lui montrer plus qu'un visage froid et qu'un sentiment de rejet bien trop superficiel. Après s'être garé, il la précéda et sans s'arrêter, il se dirigea directement vers sa chambre. - J'en ai pour une minute... Si j'arrive à mettre la main là-dessus rapidement.  Tout ça était rangé il ne savait trop où dans l'unique armoire qui trônait à côté de son lit. Il regarda en haut, farfouilla avec sa  main et finit par tomber dessus. Cette boite en carton un peu vieillit, cachée derrière une veste en boule. Elle contenait tout ce qu'il avait gardé de sa vie Londonienne. Et tout ce qu'il ne tenait pas à revoir pour éviter de trop cogiter sur le passé. Sa seule présence dans ce pays constituait une preuve qu'il voulait refaire certaines choses. Inutiles d'enfoncer le couteau dans la plaie en larmoyant sur ces quelques photos de famille ! - C'est tout ce que je peux te montrer...   Elora sortit les images et Cade la regardait faire, en serrant légèrement les dents. C'était son histoire tout ça. Et il la sortait de la poussière sans conviction, pour le seul bien de la jeune femme qui souhaitait probablement se reconstruire après le décès de sa mère. « C’est votre autre frère, c’est ça ? » L'ainé observa le visage du garçonnet sur la photo. « Il vit ici lui aussi ? » C'est vrai... elle connaissait Milena et Leonardo mais le troisième fils Grimes lui était encore inconnu. Il restait aussi une bien belle énigme pour Cade cela dit... - Rafael. Cela faisait des années que les deux frangins ne s'étaient pas parlés. - Aux dernières nouvelles oui, il est à Brisbane. Mais lui et moi on ne s'est pas vu depuis des années. Rafael était celui qui lui ressemblait le plus, et il possédait aussi un sacré caractère. Cade n'était pas certain que leurs retrouvailles se passent au mieux.

« C’est toi ça ? » Cade haussa les sourcils et après avoir jeté un coup d'oeil à sa photo, il détourna le regard et se leva pour aller se servir un verre. - Au bon vieux temps ! Je te rassure, depuis, j'ai gagné en maturité. Et il en avait vêcu des épreuves depuis ce cliché ! Il sortit une bouteille de whisky de sous le bar et un verre. « C’est lui ? » Les yeux verts de Cade se levèrent alors que le liquide brunâtre remplissait doucement le verre. « Tu… Tu pourrais me parler de lui un peu ? » Voilà donc ce qu'il redoutait. Il ne serait pas neutre, c'était certain. Il ne pourrait pas l'être. Cade referma la bouteille et la déposa sur le bar avant d'empoigner fermement son verre. - C'est une homme de droit, avocat réputé d'abord à Londres et puis.. à New York où on a emménagé quand j'ai eu quinze ans. Il se dirigeait vers elle tout en parlant, son verre à la main. - Il est très bon dans son boulot. Beaucoup moins dans sa vie de famille !  Elle en était presque la preuve vivante d'ailleurs. - Il nous a élevé de façon stricte, et sans montrer aucun sentiment d'amour paternel. Du moins... avec moi. Il porta son verre à ses lèvres mais s'arrêta avant de boire. - Saches, très chère Elora, que ton père est un aristocrate ! La haute bourgeoisie anglaise aussi hypocrite que glaçante ! Peut être que tu pourras en tirer quelque chose... qui sait !

There are no secrets that time does not reveal...

Cade & Elora

Encore une fois, j’ai le droit à un silence le plus total. J’ai l’impression que c’est sa manière d’agir, de se protéger également. Je ne lui en veux pas, mais j’aurais aimé qu’il me réponde. Je ne disais pas quelque chose de particulier en soit, je lui faisais même un compliment sur sa voiture. Enfin, je voulais juste faire un peu de conversation, quelque chose d’un peu plus léger. Visiblement, c’est un véritable bide. Alors je m’enfonce un peu dans mon siège et le laisse conduire en silence. Je sens bien qu’il est tendu et j’ai l’impression que la moindre de mes paroles pourraient éventuellement être mal interpréter. Je ne sais pas vraiment pourquoi il a voulu que je vienne avec lui dans le fond. Je ne sais même pas où il m’emmène. Je n’ai pas peur, mais tout de même… On se connaît à peine et il a vraiment l’air énervé après moi, alors je me pose quelques questions.

Lorsque l’on finit par se garer devant un immeuble, je comprends qu’il m’a emmené chez lui et je suis encore plus surprise par cela. Pourquoi m’emmène-t-il chez lui d’un seul coup ? Je reste silencieuse et le suis jusqu’à sa porte d’entrée. On se retrouve dans un appartement qui semble un brin plus grand que le mien et un peu dans le désordre. Par politesse, je quitte mes chaussures et pose ma veste et mon sac à main sur une des chaises du salon. « J'en ai pour une minute... Si j'arrive à mettre la main là-dessus rapidement. » Je hoche la tête et le vois disparaître dans le couloir. Ne sachant pas trop quoi faire, je reste debout près du canapé. Je ne suis pas chez moi et je suis vraiment loin d’être dans mon élément. Je n’arrive pas à savoir ce que Cade pense de moi et encore moins pourquoi il a décidé que je méritais de venir chez lui. Il finit par revenir avec une boîte en main et nous nous asseyons sur le canapé l’un à côté de l’autre. « C'est tout ce que je peux te montrer... » Doucement, j’attrape la boîte et retire le couvercle pour découvrir tout un tas de photos sur papier glacé. L’espace d’un instant, je ne me soucie plus vraiment de Cade et me plonge dans ces différentes photos. L’histoire d’une famille nombreuse qui se déroule sous mes yeux. Une histoire que je n’ai jamais connue. Je fais défiler les clichés et commence à interroger Cade qui n’a pas bouger à mes côtés. Je ne saurais interpréter son expression, mais si quelque chose ne lui convient pas, je compte sur lui pour me le faire savoir. Il a été assez franc depuis le départ après tout. Alors, je l’interroge sur le seul garçon de la fratrie que je ne connais pas encore. « Rafael. Aux dernières nouvelles, oui, il est à Brisbane. Mais lui et moi, on ne s'est pas vu depuis des années. » Rafael donc. Un de plus a rencontré. Un de plus à décevoir dans le fond. Un soupire s’échappe d’entre mes lèvres alors que j’enregistre ce que viens de me dire Cade. Il s’était véritablement brouillé avec toute sa famille et je trouve cela assez triste. « Tu es vraiment brouillé avec tout le monde ? » demandais-je sans vraiment prendre le temps de tourner ma langue sept fois dans ma bouche. Soudainement, j’ai un peu peur de sa réaction, mais il est trop tard pour faire marche arrière. Alors, je m’empresse de regarder les autres photos, souriant en trouvant une de Cade bien plus jeune. « Au bon vieux temps ! Je te rassure, depuis, j'ai gagné en maturité. » Un sourire se dessine sur mes lèvres alors que je lève les yeux vers lui. « Tu étais très mignon ! »

Cade se lève et du coin de l’œil, je le vois se diriger vers un meuble avant d’en sortir une bouteille. Je n’y prête pas vraiment attention venant de trouver une photo de notre paternel. Première fois que je le vois. Je ne saurais dire si je lui ressemble. Probablement pas. Je n’en sais rien. Je questionne Cade qui semble soudainement encore plus irrité, bon… Je m’apprêtais à lui dire d’oublier ma question lorsqu’il vient se rasseoir à mes côtés. « C'est un homme de droit, avocat réputé d'abord à Londres et puis... à New-York où on a emménagé quand j'ai eu quinze ans. Il est très bon dans son boulot. Beaucoup moins dans sa vie de famille ! » Ils sont arrivés à New-York quand Cade avait quinze ans, ce qui veut dire si je calcule bien que ma mère à rencontrer mon père alors qu’il venait tout juste d’arriver aux Etats-Unis et qu’ils ont été assez rapides pour me concevoir. Super… Je suis véritablement un accident dont personne ne voulait. J’essaye de ne pas trop penser à cela même si faire ce genre de constat me blesse énormément. « Il nous a élevés de façon stricte, et sans montrer aucun sentiment d'amour paternel. Du moins... avec moi. Saches, très chère Elora, que ton père est un aristocrate ! La haute bourgeoisie anglaise aussi hypocrite que glaçante ! Peut-être que tu pourras en tirer quelque chose... qui sait ! » Je l’entends, mais ne l’écoute plus vraiment. Plus du tout même. Je n’avais noté ce qu’il s’était servi à boire. C’est seulement lorsque je le vois porter le verre à ses lèvres que je reconnais la boisson et que je me bloque complètement. Du whisky. Ce que buvait mon beau-père, ce qui la rendu violent envers nous. Je déteste le whisky et rien que de voir Cade boire cela me renvoies à une période de ma vie que je préférerais oublier complètement. Par instinct, je m’éloigne de lui. Et comme par réflexe, je lui demande : « Tu bois beaucoup ? » J’en ai complètement oublié le sujet de notre conversation. Je me sens plus vraiment en sécurité et j’ai très envie de rentrer chez moi soudainement. « Enfin ça me regarde pas, pardon… » dis-je subitement. Je me sens vraiment mal à l’aise. « Je… Enfin merci pour tout ça. » Je me dois de le remercier malgré tout. Au fond, de moi, je me sens ridicule à paniquer comme cela pour un simple verre de whisky, mais c’est plus fort que moi. « Clairement, je ne fais pas parti de votre monde et je me demande vraiment ce que ma mère a pu lui trouver. »

« Tu es vraiment brouillé avec tout le monde ? » A peine arrivée dans la famille et déjà Elora mettait le doigt sur un sujet très sensible pour Cade. Il venait de lui avouer que Rafael et lui ne s'étaient pas côtoyés depuis plusieurs années. Pire, ils ne se connaissaient pratiquement pas car l'ainé avait fuit le foyer alors que son petit frère était encore très jeune. Cependant, il savait à travers les quelques conversations qu'ils avaient eu qu'il possédait un sacré caractère, proche de celui de Cade d'ailleurs, et que les retrouvailles risquaient d'être tendues. - Non, je ne suis pas brouillé avec tout le monde mais disons que nos relations ne sont pas ce qu'elles auraient du être. Il s'entendait bien avec Milena. Il avait toujours eu ce regard protecteur envers elle. Mais la jeune femme n'avait jamais digéré le peu de nouvelles qu'il daignait laisser et son refus catégorique de retourner en Angleterre et de revoir leurs parents. Quant à Leonardo, tous les deux essayaient actuellement de construire ce lien fraternel qu'ils n'avaient jamais eu. Jusque là, tout se passait plutôt bien. « Tu étais très mignon ! » Elora passait de cliché en cliché et réussit à tirer un sourire sur les lèvres de Cade. C'est vrai qu'il était un bébé et un garçonnet plutôt souriant et agréable. Sa personnalité s'était affirmée par la suite... Il était devenu plus fier,  intransigeant, déterminé dans ses choix de vie qui l'avaient menés loin, très loin de la famille Grimes et des projets que leur père avait pour lui... Le paternel devait forcément regretter l'époque du petit Cade édenté et complètement malléable.

D'ailleurs, c'était le portrait qu'il était en train de dépeindre à Elora. Ne lui cachant rien de la dureté avec laquelle Monsieur Grimes l'avait élevé, il se servit un verre de whisky tout en évoquant la bourgeoisie dont sa famille était issue. Lui qui, étant gamin avait été trimballé dans des galas de charités et autre festivités mondaines où il fallait se faire bien voir du gratin, avait des souvenirs encore intacts et peu amusants de cette période. Etrangement, le comportement d'Elora changea lorsqu'il se rapprocha d'elle, son verre à la main.  « Tu bois beaucoup ? » Changement radical de sujet. Question plutôt bizarre. Cade fronça les sourcils et s'apprêta à lui répondre quand elle reprit, comme gênée. « Enfin ça me regarde pas, pardon… » Grimes remarqua bien cet état d'angoisse qui émanait de ses yeux. Il regarda son verre et reposa les yeux sur elle. Il s'agissait forcément d'un problème avec l'alcool. Elle même en avait subit les dures lois ? Ou bien un membre de son entourage avait cédé à son appel de façon trop imprudente ? « Je… Enfin merci pour tout ça. « Clairement, je ne fais pas parti de votre monde et je me demande vraiment ce que ma mère a pu lui trouver. » Elle paraissait de plus en plus paniquée. Et Cade tenta de la retenir - Attends, Elora... C'est quoi le soucis ? C'est ça qui t'affole ? Il lui montra le verre d'un petit geste et continua. - Pour répondre à ta question, je bois occasionnellement. Par contre, ta réaction me fait comprendre que c'était pas le cas pour tout le monde de ton côté... Agent du FBI, Cade avait quelques notions de l'angoisse et de ses causes. Là, c'était flagrant. La jeune femme réagissait vite et dénigrait désormais toute appartenance à la famille Grimes. Pour calmer la situation, Cade posa doucement son verre sur le bar qui séparait son coin cuisine de son salon, comme s'il s'agissait d'une bombe a retardement, sans quitter sa demi-soeur des yeux. - Okay... hum... Est ce que tu veux m'en toucher deux mots ? Fit-il un peu hésitant. Il n'avait pas été très expressif, alors le serait-elle de son côté ? Avait-elle confiance en lui alors qu'ils venaient à peine de savoir qui ils étaient l'un pour l'autre et qu'il n'avait pas été très agréable dans un premier temps ?

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Cade & Elora

« Non, je ne suis pas brouillé avec tout le monde mais disons que nos relations ne sont pas ce qu'elles auraient dû être. » Je hoche la tête, ne voulant pas insister avec mes questions. S’il y a bien une chose que j’ai comprise depuis le début de notre conversation, c’est que les Grimes ne semblent pas faire les choses comme tout le monde. Ils ont l’air d’être tous fâchés les uns contre les autres. Super l’ambiance familiale. Je sais même plus si je veux me mêler à tout cela. Les problèmes familiaux, j’ai déjà assez donné. Je n’ai jamais vraiment eu de famille en soit, mais je crois que mon beau-père et ce qui lui servait de proches m’ont vacciné pour le reste de ma vie. Je voulais juste connaître les Grimes et plus cette soirée avance, plus j’ai la sensation que ça n’ira pas plus loin. Je ne veux pas me mêler de leurs histoires et encore moins en causer de nouvelle de part ma présence. J’ai la sensation que c’est ce qui va arriver malgré tout. « Je suis désolée. » dis-je doucement avant de continuer à fouiller dans la boîte que m’as donnée Cade. Les clichés restent attendrissants malgré tout. Je me perds quelque peu dans mes pensées en essayant d’imaginer leur enfance. Ils avaient l’air heureux, mais ce ne sont que des clichés après tout. Je devrais apprendre à me méfier un peu plus. Je ne connais pas ses gens et je dois clairement arrêter d’espérer des actions qui n’arrive que dans les comédies romantiques que je regarde le dimanche après-midi.

Cade finis par me parler de notre paternel, mais je ne l’entends que d’une oreille. Mes yeux restent fixer sur son verre. Je n’avais pas réalisé tout de suite, mais il s’est servi un verre de whisky. La boisson préférée de mon beau-père. Celle qui le rendait violent et qui un soir la conduit à me pousser du haut des escaliers de notre ancienne maison. C’est idiot, je ne devrais pas réagir de cette manière, mais je crois que c’est tout simplement plus fort que moi. Cette odeur me rappelle beaucoup trop de mauvais souvenir surtout dans un lieu clos comme cet appartement. Alors je ne l’entends plus du tout. Je reste focalisée sur le liquide ambré et cherche par tous les moyens à fuir la conversation. Polie comme je suis, je ne peux m’empêcher de le remercier tout en mettant une distance entre nous. Vraiment, je ne devrais pas rester plus longtemps. « Attends, Elora... C'est quoi le souci ? C'est ça qui t'affole ? » Il me montre le verre et je hoche la tête bien rapidement. Il va me trouver tellement idiote d’avoir peur d’un petit verre d’alcool. « Pour répondre à ta question, je bois occasionnellement. Par contre, ta réaction me fait comprendre que c'était pas le cas pour tout le monde de ton côté... » Merde… Visiblement, il est fin observateur. Je ne sais plus vraiment quoi lui dire. Je me sens idiote et comme bloquée sur place. Incapable de bouger ou d’exprimer mes pensées. Je m’étais promis de ne plus jamais réagir de cette manière, mais il faut croire que c’est devenu comme instinctif pour moi. Je vois Cade se lever et aller poser le verre sur le comptoir de sa cuisine et soudainement, je me sens presque comme soulagée. « Okay... hum... Est-ce que tu veux m'en toucher deux mots ? » Est-ce que je veux vraiment lui parler de cela ? Je ne sais pas vraiment et en même temps, je ne veux pas qu’il se fasse des idées. Je soupire quelque peu et lève les yeux vers lui. « Tu vas me trouver idiote, je suis barman et je flippe à l’odeur d’un whisky. » Même moi, je trouve cela complètement stupide. Un petit rire nerveux m’échappe alors que je gigote un peu sur le canapé, posant les photos que j’avais encore entre les mains. « Mon beau-père… Enfin ex beau-père. » dis-je doucement en baissant les yeux. « Il buvait énormément et il est devenu violent. D’abord envers ma mère et après… Il s’en est pris à moi. » Instinctivement, mes doigts viennent frôler la trace de brûlure qui orne mon poignet. Souvenir d’une très mauvaise soirée. « Sa boisson favorite, c’était le whisky. J’avais six ans et il m’envoyait acheter ses bouteilles à l’épicerie du coin. » Oui, on laisse une enfant acheter de l’alcool puisque monsieur était connu comme le loup blanc dans le quartier. Me souvenir de tout cela me fait trembler de la tête aux pieds. « Un soir, il m’a poussé dans les escaliers. Ce soir-là, il empestait l’alcool et depuis… Depuis, j’ai peur de ça. Enfin… Je veux plus jamais vivre ça. » J’ai soudainement la sensation d’en avoir trop dit et lève les yeux vers Cade. « Je t’en ai trop dit, je crois. Désolée, ça ne doit même pas t’intéresser au final. C’est idiot. »      

Elora n'avait pas à être désolée. Si les relations de Cade avec ses frères et sa soeur n'étaient pas au beau fixe à présent, c'était entièrement de sa faute et parfois, son orgueil avait tendance à le lui faire oublier. Il en était pourtant ainsi. C'était lui qui avait décidé de quitter le foyer sans regarder derrière lui. Lui aussi qui n'avait pas voulu rentrer à Londres une fois les études de Milena terminées. Il n'avait jamais réellement prit la peine d'appeler chez lui pour demander des nouvelles de ses petits frères. Tous se retrouvaient que très peu souvent, lors de fêtes de fin d'années, ou d'anniversaires durant lesquels l'ainé daignait pointer le bout de son nez au grand étonnement de tout le monde. Être un inconnu pour Leonardo et Rafael, il l'avait bien mérité. Les efforts qu'il devait faire pour rétablir un semblant de lien familial avec eux n'étaient que légitimes. Voilà pourquoi, dans toute cette histoire qui lui semblait déjà bien compliquée, l'arrivée d'Elora était particulière. Il n'avait cependant rien contre elle et tenait à lui faire comprendre en redescendant un peu en pression.

Le mieux pour cela... se servir un bon verre de son alcool préféré. Le whisky avait le don de lui faire oublier bien vite tous ses tracas ou de l'y enfoncer encore plus. Une chance sur deux, ça valait le coup d'essayer. D'autant plus que là, la nouvelle était certainement la meilleure de l'année ! Une demi-soeur Grimes. Cade ne pouvait s'empêcher de penser à Milena qui ne serait défintiivement plus la seule fille de la fratrie. Avec son caractère très terre-à-terre, la jeune avocate allait certainement se fermer avant de, peut être, avaler la pillule doucement. Avant qu'il n'ait pu reparler du reste de la famille, Elora prit peur. Et ce n'était pas la personnalité plutôt fermée de Cade, ni même la complexité de la famille Grimes qui semblait l'effrayer mais bien ce verre qu'il tenait dans sa main. Très vite, l'agent fédéral posa l'objet du délit et tenta de la faire parler. « Tu vas me trouver idiote, je suis barman et je flippe à l’odeur d’un whisky. » Il haussa les épaules. - L'habit ne fait pas le moine. On a tous nos petites particularités ! Si elle savait qu'il en avait pas mal... « Mon beau-père… Enfin ex beau-père. Il buvait énormément et il est devenu violent. D’abord envers ma mère et après… Il s’en est pris à moi. » Ah, il comprenait bien mieux rien qu'en entendant ces quelques mots. En plus de la perte de sa mère, Elora avait donc fait face à un beau père alcoolo. « Sa boisson favorite, c’était le whisky. J’avais six ans et il m’envoyait acheter ses bouteilles à l’épicerie du coin. »  Ouch ! Il l'imaginait, petite blondinette tendant un gros billet pour payer quelques bouteilles à l'épicier. Cette image était bien peu supportable déjà. Alors la suite était encore plus difficile à entendre. « Un soir, il m’a poussé dans les escaliers. Ce soir-là, il empestait l’alcool et depuis… Depuis, j’ai peur de ça. Enfin… Je veux plus jamais vivre ça. » Cade l'écoutait, et essayait de garder une expression neutre malgré tout ce qu'il ressentait à l'intérieur. Quel enfoiré son beau-père !  Il était forcé de constater que côté paternel, elle n'avait pas été gâtée et ça continuait... car Monsieur Grimes ne buvait qu'occasionnellement, mais sa personnalité valait bien l'atrocité des faits qu'elle venait de lui raconter. « Je t’en ai trop dit, je crois. Désolée, ça ne doit même pas t’intéresser au final. C’est idiot. ». Il hocha négativement de la tête. - Non non Elora. C'est pas idiot ! Cette fille n'avait pas eu de chance et tout en lui lui commandait de la prendre sous son aile malgré l'erreur de leur père et son intrusion soudaine dans la fratrie. - N'aies pas une si basse estime de toi. Ce n'est pas le genre de la famille ! Une phrase qui pouvait la rassurer. Cade était prêt à lui faire une petite place ou du moins, à apprendre à la connaitre.

- Ton vrai père ne boit pas... si ça peut te rassurer. Mais, ce n'est pas un enfant de coeur pour autant. Il a bien des choses à se reprocher et on sait tous très bien qu'il ne se l'avouera jamais. Croisant les bras, Cade s'était appuyé le dos contre le mini bar. - Lui et moi, on a vite été en désaccord. Il voulait que je devienne comme lui. Il voulait... me façonner à sa manière. Il choisissait à présent ses mots afin qu'Elora comprenne mieux ce qui s'était passé, et pourquoi ils en étaient arrivés là. - Je suis un peu le vilain petit canard de la famille selon lui. Il en vint à rire un peu en repensant à ce côté rebelle qui lui avait donné ce statut. - J'ai toujours été contre sa volonté et ça... il ne l'a jamais supporté.

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Cade & Elora

Je ne savais pas réellement à quoi m’attendre en suivant Cade jusqu’à chez lui. Jamais je n’aurais imaginé qu’il allait me présenter des photos de famille et me parler un peu de ce que c’est d’être un Grimes. Je suis assez surprise par tout cela, mais en même temps, je me sens chanceuse. Il était très fermé au début de notre conversation, alors je prends tout ce qu’il pourra me donner. Je ne m’étais pour autant pas préparer à ce qu’il se serve un verre de whisky et que tout bascule aussi rapidement. J’ai baissé ma garde alors que l’on ne se connaît à peine. Je me doute que Cade n’es pas comme mon ex beau-père, Noam ne serait pas amie avec lui sinon, mais mes sens restent en alerte. Soudainement, je n’arrive plus à me concentrer sur la conversation. J’en oublie littéralement tout ce que l’on était en train de se dire. Mon esprit reste fixé sur le verre entre ses mains et l’odeur qui s’en dégage. C’est fou comme un simple alcool peut me paralyser sur place. Un vrai paradoxe pour un barman tout de même… Bien entendu, Cade remarque très rapidement que mon comportement change et très rapidement les questions pleuvent. Je me sens mal à l’aise, je n’ai pas envie qu’il me juge ou pire qu’il est pitié de la petite fille terrorisée par un homme qui levait la main sur elle. J’ai mis cette histoire derrière moi. Cela fait des années que je n’ai pas vu Ashton et je ne le reverrai probablement jamais. Il m’a laissé quelques cicatrices et quelques traumatismes, mais je ne veux pas laisser tout cela prendre le dessus. Pour autant, je ne peux pas laisser Cade dans un tel doute. « L'habit ne fait pas le moine. On a tous nos petites particularités ! » Je hoche quelque peu les épaules sans vraiment relever les paroles de Cade. Doucement, je finis par lui raconter mon histoire. Enfin une partie de mon histoire que j’aurais préféré oublier à jamais. Je vois les expressions de son visage changer au fur et à mesure de ce que je lui raconte. Je n’ai pas eu la même enfance dorée que lui, c’est certains. Je ne veux pas de pitié ou de compassion, je ne lui raconte pas tout cela pour un quelconque geste de sa part. Il a juste le droit de savoir pourquoi j’ai réagi ainsi. « Non non Elora. C'est pas idiot ! N'aies pas une si basse estime de toi. Ce n'est pas le genre de la famille ! » Un rire nerveux s’échappe d’entre mes lèvres alors que je secoue la tête de gauche à droite. « Je ne fais pas partie de la famille. » Il a été assez clair sur ce point et pour être honnête, je ne suis pas sûre de vouloir en faire parti un jour. Un père infidèle qui se moque de ses enfants ce n’est pas vraiment ce que je cherchais. « Cet homme a détruit ma mère, aujourd’hui encore, je dois payer les dettes qu’il nous a laissées. J’ai des cicatrices qui ne s’effaceront jamais, alors… Oui, j’ai une basse estime de moi parfois. » Je ne sais pas pourquoi je me mets sur la défensive comme cela. Une manière de me protéger en quelques sortes.

« Ton vrai père ne boit pas... si ça peut te rassurer. Mais, ce n'est pas un enfant de cœur pour autant. Il a bien des choses à se reprocher et on sait tous très bien qu'il ne se l'avouera jamais. Lui et moi, on a vite été en désaccord. Il voulait que je devienne comme lui. Il voulait... me façonner à sa manière. » Je ne sais pas vraiment ce que Cade cherche à sous-entendre et dans le fond je crois que je n’ai pas vraiment envie de le savoir. Je ne veux pas savoir ce que notre paternel à chercher à faire pour façonner ses propres enfants. Il a probablement voulu faire de Cade son parfait mini-me et je comprends que cela ne plaisait pas au jeune homme. « Je suis un peu le vilain petit canard de la famille selon lui. J'ai toujours été contre sa volonté et ça... il ne l'a jamais supporté. » Je hoche la tête comprenant où il veut en venir. « Cela nous fait un point commun alors. » dis-je en riant un peu même si le cœur n’y est pas. « Tu n’es pas son copié-collé parfait et je suis la bâtarde qu’il a envoyée à l’autre bout du monde. » Super la famille. Quel genre de père fait ce genre de chose à ses enfants ? Clairement pas le père de l’année.       

Qui aurait cru qu'ils se retrouveraient là tous les deux à évoquer un passé déjà bien enfouit dans la petite vie de Cade ? Il connaissait Elora depuis quelques temps, surtout parce qu'elle était proche de Noam, mais jamais il n'aurait pensé qu'elle pouvait être sa demi-soeur et qu'ils seraient amenés à discuter de leur père trop égoiste pour reconnaitre qu'il l'était réellement. Quand elle lui avait apprit ça, Cade avait immédiatement essayé de retrouver des traits physiques reconnaissables chez Elora. Mais, c'était comme si son esprit faisait un blocage... il n'en voyait aucun. Ou peut être était-ce parce qu'il n'avait pas vu son paternel depuis des années maintenant. Les particularités de son visage s'effaçaient sans doute petit à petit. Ca oui. Mais pas les mots. Pas les faits. Tout ça ne s'évaporerait jamais. C'était gravé en lui tout comme sa rancoeur et son envie de fuir tout ce qui évoquait ses parents. « Je ne fais pas partie de la famille. » Lui rétorqua la jeune femme quand il tenta pourtant de faire un pas en avant dans sa direction. C'est vrai, dans un premier temps Cade n'avait pas accueillit la nouvelle avec un grand sourire. Mais en discutant avec Elora, en apprenant un peu plus son histoire, il ne pouvait pas lui laisser les portes fermées. Elle n'avait pas demandé à se retrouver dans cette situation et pire, elle semblait perdue et tâtonnait sur la façon dont elle devait s'y prendre. L'ainé baissa les yeux et dévia le regard. Des excuses auraient probablement suffit pour la rassurer sur son attitude à venir, mais Cade en était toujours très avare. Il avait, lui aussi, eut ses raisons de mal réagir à la nouvelle. Il fallait qu'elle le sache.

« Cet homme a détruit ma mère, aujourd’hui encore, je dois payer les dettes qu’il nous a laissées. J’ai des cicatrices qui ne s’effaceront jamais, alors… Oui, j’ai une basse estime de moi parfois. » Les yeux vert de Cade se reposèrent sur sa demi-soeur. Lui qui s'était toujours battu pour ne pas tomber dans la sous-estime de soi pouvait entendre que certaines situations étaient bien plus fortes et pouvaient détruire ou fragiliser certaines personnes. Il enchaina en lui détaillant un peu plus son enfance, ses relations pour le moins conflictuelles avec son père. Il lui épargnait les quelques scènes où, adolescent, Cade avaient faillis en venir aux mains avec son père avant qu'il ne craque et disparaisse du foyer pendant quelques jours sans donner de nouvelles. Tout ça devant les yeux d'une mère qui ne semblait pas se sentir concernée et des frères et soeur qui ne savaient pas comment se positionner. Seule Milena avait l'âge de comprendre et d'émettre son avis. Elle lui avait été d'un soutien infaillible pendant de nombreuses années et il s'était reposé sur elle pour pas mal de choses. Sur qui Elora s'était-elle reposée ? « Cela nous fait un point commun alors. Tu n’es pas son copié-collé parfait et je suis la bâtarde qu’il a envoyée à l’autre bout du monde. » C'était une façon de résumer oui... Il n'avait pas mieux comme vérité, et celle-ci était plutôt dramatique à entendre. - Tu ne lui ressemble pas. Balança t-il comme une bombe. Comme s'il cherchait à la rassurer maladroitement. - Je peux déjà te dire que tu es une meilleure personne qu'il ne sera jamais ! Il soutint son regard pour appuyer ses mots. - Si ce sale tableau te donne encore envie de le rencontrer, il faudra que tu vois avec Milena. Tout ce que je sais s'arrête là. Il n'avait plus de nouvelles et ne savait même pas si leur père résidait encore aux Etats-Unis. Une chose était sure par contre, il aurait adoré voir sa tête quand Elora lui apprendrait... - Par contre si tu as besoin d'autre chose... tu peux quand même compter sur moi. Cade était un Grimes. Il avait son caractère, il réagissait au quart de tour, mais il était prêt à faire cet effort...

There are no secrets that time does not reveal...

Cade & Elora

Je n’avais vraiment pas imaginé que cette révélation se passerait comme cela. On ne cesse de se danser autour avec Cade. Je fais un pas vers lui, il recule. Il fait un pas vers moi et c’est moi qui prends instantanément du recul. Je ne sais plus vraiment ou me situer dans toute cette histoire. Dans le fond, je crois qu’il avait raison en me faisant remarquer que je ne fais pas réellement parti de la famille. Je ne suis qu’une pièce rapportée. Celle dont on ne voulait pas et qui maintenant débarque sans prévenir, vingt-quatre ans plus tard. Je m’en veux presque d’avoir tant voulu les rencontrer. J’ai la sensation que tout cela n’est qu’une mauvaise idée, mais je ne peux plus vraiment faire marche arrière. Je me suis lancée et désormais, ils doivent tous savoir la vérité. Même si je ne me sentirais probablement jamais comme un véritable membre de la famille.

Me confier de cette manière à Cade n’était pas vraiment prévu au programme non plus. Je ne parle jamais de cette partie de mon histoire. Je déteste me souvenir de mon beau-père et de ce qu’il a pu nous faire subir pendant plusieurs années. Je n’avais pas prévu que Cade se serve un verre de whisky et que je me mette littéralement à paniquer face à lui. Je vois bien que son regard a subitement changé envers moi. Tout ce que je déteste. Voilà pourquoi je ne parle jamais de mon histoire, je ne veux pas que les gens aient pitié, qu’ils cherchent à me protéger. Pire, je ne veux surtout pas que mon demi-frère s’intéresse à moi parce que je lui ai fait part de mon passé trouble. Pourtant, c’est plus fort que moi, je dois lui faire comprendre que je ne me suis toujours pas sorti de cela. Il a l’air en plein conflit avec sa famille, je suis en plein conflit avec mon passé. Chacun son combat visiblement. L’espace d’un instant, je croise son regard et soupire quelque peu. Rien n’est simple vraiment et je crois qu’on le comprend tous les deux. Je me permets tout de même une petite remarque sur le fait que nous avons peut-être bien un point en commun envers notre père. « Tu ne lui ressemble pas. Je peux déjà te dire que tu es une meilleure personne qu'il ne sera jamais ! Si ce sale tableau te donne encore envie de le rencontrer, il faudra que tu vois avec Milena. Tout ce que je sais s'arrête là. » Alors que Cade m’avoue que je ne ressemble en rien à notre paternel, je sens comme un poids se lever de mes épaules comme si j’avais peur de lui ressembler. « Même physiquement ? » demandais-je un peu timidement. Juste pour savoir. J’ai un petit rire nerveux lorsque Cade évoque le fait de rencontrer notre père. « Je ne suis pas vraiment sûr d’en avoir envie, tu sais… » Je soupire un peu, passant une main sur ma nuque. « Je sais pas vraiment. Je me sens un peu perdu avec ce que tu viens de me dire. »

« Par contre si tu as besoin d'autre chose... tu peux quand même compter sur moi. » Il n’est vraiment pas obligé de faire tout cela et pourtant. « Merci Cade. » dis-je d’une voix faible avant de plonger mon regard dans le sien. « Je sais que tu ne voulais probablement pas entendre tout cela, mais j’avais besoin de le faire. » Je lui souris quelque peu et me lève du canapé. « Je vais pas m’imposer plus longtemps. Merci de m’avoir écouté, d’avoir été patient. Vraiment. » Je me sens un peu idiote en face de lui subitement. J’aimerais le prendre dans mes bras, mais je n’ose plus vraiment bouger. « Tu crois que l’on pourra se revoir, éventuellement ? »