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Message(#)Pôle Emploi EmptySam 17 Nov 2018 - 3:11

Pôle Emploi Watch?v=SeldwfOwuL8&feature=youtu

— Des entraîneurs, nous en avons beaucoup.
— Je croyais que j’avais carte blanche.

Adam Suski n’était pas réputé pour faire preuve de beaucoup de tact dans les négociations avec ses supérieurs. Il ne serait venu à l’idée de personne de remettre en doute la loyauté de l’agent de l’ASIS et, plus d’une fois, il avait exécuté des ordres qui en auraient rebuté d’autres, mais quand il avait une opinion bien arrêtée et des principes à défendre, il n’était pas du genre à se courber face à sa hiérarchie. Pour Adam, l’efficacité d’une organisation reposait tout autant sur la clairvoyance de ceux qui la dirigeaient que sur la pugnacité de ceux qu’ils dirigeaient.

Melinda Ford ôta ses lunettes pour se masser l’arrête de nez. C’était une femme de cinquante, cinquante-cinq peut-être, une petite légende au sein de l’agence. Elle avait dirigé le bureau de Hong Kong pendant des années, et on lui prêtait une faculté surhumaine à tourner les agents ennemis, pour les attirer dans son camp. Femme dans un monde d’hommes, elle était parvenue à se tailler sa part du gâteau, jusqu’à assumer des fonctions de direction au siège de l’ASIS.

Et elle aimait bien Adam. Elle se reconnaissait un peu en lui, d’une certaine manière. Elle voyait dans les difficultés qui avaient pavé la carrière d’Adam, parce qu’il n’était pas né en Australie et parce qu’il était homosexuel, quelque chose de semblable au sexisme qu’elle avait dû affronter elle-même. Elle savait bien que pour faire ses preuves, dans un monde de virilisme mal placé et de patriotisme étroit, le Polonais gay avait dû se battre deux fois plus fort et deux fois plus longtemps.

Il n’empêchait.
Parfois, son opiniâtreté la fatiguait.

— Vous avez carte blanche, oui, mais engager un élément extérieur pose des difficultés nouvelles, sans parler de l’allocation de ressources.
— Je le paie sur mon propre budget, les détails des missions opérationnelles resteront confidentiels, tout ça, ce n’est pas un problème. Les entraîneurs qu’on a, nos programmes, nos méthodologies, je les connais. Je suis passé par là. Mes agents aussi. Ils sont formés comme ça et je continue à les former comme ça. Mais si on me demande de créer une nouvelle unité, alors il faut me laisser apporter quelque chose de nouveau. Des méthodes nouvelles. Une perspective inédite.
— Alors demandez à l’armée qu’ils vous transfèrent un instructeur.
— J’ai dit nouveau, pas dérivatif.

Les lunettes à nouveau juchées à la pointe du nez, Ford observa intensément Adam.

— Deux mois et s’il n’y pas d’amélioration significative, il dégage.
— Bien sûr.
— Et je veux qu’il signe tellement d’accords de confidentialité qu’il en ait des crampes à la main jusqu’à la fin de ses jours.
— Bien sûr.

Silence.

— Adam ?
— Madame ?
— Que vous fassiez venir un extérieur. Vous savez ce que les autres vont en dire ?
— Oui.
— Et ?

Adam haussa les épaules.

*

L’été arrivait. L’océan venait s’écraser contre la plage où déjà les baigneurs se pressaient. Dans un ou deux mois, en décembre, en janvier, les jeunes gens en train de rôtir au soleil s’aligneraient comme des merguez sur un barbecue. Assis sur un banc de la promenade qui longeait la plage, Adam observait les plaisanciers, en se disant que leur insouciance méritait bien les sacrifices qu’il consentait à son travail.

Pas vrai ?
Il avait sacrifié sa relation avec son petit ami Koji, et l’essentiel de sa vie sociale, et les conversations franches avec ses parents, et la possibilité d’adopter un chat ou un chien, et la perspective de vivre assez longtemps pour prendre sa retraite entouré de kangourous.

Mais ça en valait la peine.
Sans doute.
Si les gens pouvaient se baigner.

Une silhouette aperçue au coin de l’oeil et il se releva pour se diriger à grands pas vers son rendez-vous.

— Yanis, dit-il simplement, en serrant avec chaleur la main de l’ancien légionnaire.

Ils s’étaient connus quelques années plus tôt, en plein Afrique, quand Adam avait remonté la piste d’une organisation criminelle chinoise qui trafiquait drogue et réfugiés jusqu’aux bords de la Méditerranée. L’ASIS et la DGSE s’étaient entendus sur une opération commune, et les Français avaient sous-traité leur affaire à la Légion Etrangère. Adam n’avait jamais très bien compris cette organisation, mais, pendant deux semaines, il avait travaillé avec Yanis. Ils ne s’étaient pas beaucoup parler, mais quelque chose les avait rapproché. Le professionnalisme, sans doute. L’efficacité. Une certaine façon de considérer les opérations. Peut-être d’autres détails, plus personnels, insaisissables, ou qui en tout cas étaient demeurés informulés.

Se retrouver à Brisbane avait été une surprise, mais une surprise heureuse. Ils ne se voyaient pas souvent. Un peu gênés, sans doute, de se sentir proches sans trop savoir pourquoi, d’avoir beaucoup partagé, mais pas grand-chose à se dire. Il n’empêche. Adam avait confiance en Yanis. Sur le plan humain. Et il avait une haute opinion de ses aptitudes.

— T’as l’air en pleine santé. Le climat australien te réussit.

Ils se mirent à marcher côte à côte sur la promenade.

— Tu fais quoi, en ce moment ? Coach sportif ? Ça se passe comment ?

Première étape : tâter le terrain.

— T’as quel genre de clients ?
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Message(#)Pôle Emploi EmptyDim 18 Nov 2018 - 5:43

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(oui j'avais envie d'une petite musique en fond mdr)

Il était de certaines personnes un écho aux mauvais souvenirs. Yanis n'était pas connu comme quelqu'un pouvant se laisser influencer ou exprimant ses émotions, ni même ses pensées, ainsi beaucoup se méprenaient sur ses opinions et ses valeurs ; il y avait donc bien des choses que l'homme n'était pas fier d'avoir faits ou qui le hantaient. Son temps de service avait été pour une bonne cause, il le savait. Un mal pour un bien parfois. Cependant la routine et la perte de toute cette adrénaline, l'arrêt de l'urgence, avait en quelques sortes amené l'homme à porter un regard nouveau sur son passé et ses actions. Alors, quand il recroisait les fantômes de son passé, parfois il n'avait pas envie de leur parler ni même de les côtoyer, en particulier quand ils touchaient ses dernières années de service. La mort de Nene l'avait particulièrement affecté, plus qu'il ne l'aurait pensé, et plus que nul ne pouvait jamais s'en douter.
Alors qu'Adam soit réapparu dans sa vie l'avait au départ surpris, puis laissé perplexe. L'homme n'était pas un mauvais souvenir en soit et ils s'étaient croisés sur le terrain, pour une opération qui finalement avait apporté beaucoup plus de bien qu'ils ne s'en seraient doutés à l'époque. Pourtant ça tracassait un peu le métis. Comme si le moindre rappel à ce qu'il avait été était un problème.

Yanis claqua la porte de sa Honda Ridgeline qu'il venait de garer sur le parking, le vent venant faire virevolter sa tignasse noire et épaisse tandis qu'il vérouillait les portières. Un peu plus tôt, il avait reçu un appel d'Adam, de le retrouver à la baie, sur la plage, pour discuter. Adam ne l'appelait pas pour aller faire trempette dans la mer ni pour aller compter les poissons au bord de l'eau. Ce n'était pas son genre. L'ancien légionnaire se doutait qu'il avait des choses plus spécifiques à lui dire ; probablement parce que lui-même n'appellerait pas Adam si ce n'était pas pour un sujet très spécifique, en rapport direct avec ses capacités. Ils n'avaient pas cette relation amicale où ils pouvaient discuter de la pluie et du beau temps sans avoir quelque chose derrière la tête. Du moins, c'était ainsi que Yanis percevait leur relation.
Débarquant sur la promenade, le métis chercha du regard Adam ; il le retrouva un peu plus loin et entama la marche dans sa direction, en silence. Le temps se réchauffait et en dépit de la légère brise, il fallait bien admettre que la météo était propice aux premières baignardes. Yanis observa brièvement les gens sur le bord de la plage quand Adam l'interpella, allant le rejoindre. Yanis eut un léger hochement de tête pour le saluer et se retourna pour marcher à ses côtés sur la promenade. Et, comme attendu, Adam entamait la discussion. Il était connu que Yanis pouvait se murer dans un silence glacé si personne ne lui parlait directement.

Coach sportif, oui. C'est plutôt tranquille. Les clients...

Il inspira tranquillement, faisant le tri des informations. Il avait de tout et de rien, en y réfléchissant bien.

... sont divers et variés, ça passe de l'étudiante active au cinquantenaire qui veut s'entrenir.

Quand il y réfléchissait bien, il n'avait pas vraiment d'avis sur ses clients. Ils le payaient, désiraient des résultats, et il les apportait. Quitte à parfois leur forcer la main et se montrer désagréable, à se faire insulter, mais les résultats étaient là. C'était pour ça qu'ils restaient. Il tourna la tête vers Adam, les mains dans les poches de son jeans.

Ce n'est pas pour parler de ce que je fais que tu m'as fait venir jusqu'ici. N'est-ce pas ?

Il n'attendait pas vraiment de confirmation de sa part. Contrairement à leur première rencontre qui était totalement fortuite, celle-ci était planifiée. Peut-être Yanis était-il trop direct dans sa manière d'aborder le vif du sujet mais il n'était pas le genre à tourner autour du pot pendant cent cinquante ans. Il n'était plus légionnaire, n'avait pas à se taire ─ même si déjà à l'époque il pouvait se démarquer par ce même comportement très direct dans sa façon d'aborder les missions, sans pour autant dire qu'il questionnait ses supérieurs, loin de là. Adam, de toute manière, devait s'être attendu à ce qu'il le questionne directement sur la raison de sa présence. Ni l'un ni l'autre n'avait une vie sociale très chargée et tous deux avaient sacrifié les coutumes sociales au profit de leur professionnalisme. Une dévotion pour leur travail qui leur avait finalement coûté les petits plaisirs de la vie.



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Message(#)Pôle Emploi EmptyDim 18 Nov 2018 - 7:09

— Tu déconnes, j’t’ai invité pour qu’on bavarde, dans cinq secondes, je te questionne sur ta voiture et le dernier iPhone, en t’invitant à manger une glace sur la jetée.

L’humour pince-sans rire, c’était la marque de fabrique d’Adam. Il n’empêchait que tout en parlant, il prenait soin de les entraîner vers l’endroit où la plage était la moins fréquentée, là où le sable fin venait buter contre une barrière rocheuse où s’écrasaient les vagues avec un grand fracas. Double discrétion assurée : moins d’oreilles indiscrètes et beaucoup trop de bruit de fond pour que les micros puissent espérer capter plus de deux mots sur cinq.

Ils avancèrent sur la jetée de pierre. Quelques pêcheurs sans doute beaucoup trop optimistes pour leur propre bien étaient assis sur des chaises pliantes et observaient à demi-convaincus le bouchon ballotté par les vagues qui faisaient, un peu plus loin, le bonheur des surfeurs. Adam et Yanis les distancèrent, pour gagner le bout de la digue. Encore plus de vagues, encore moins de gens.

L’Australien considéra un instant le large. Depuis deux ou trois ans, il se disait qu’il finirait par s’acheter un bateau, pour profiter de ses vacances. Il avait les moyens. L’essentiel de sa paie dormait sur des comptes en banque disséminés un peu partout, en attendant que l’agent se souvienne qu’il avait le droit de dépenser son argent. C’était un plan parfait. Il ne restait plus qu’à prendre des vacances. Un jour. Peut-être.

— J’ai besoin de quelqu’un.

Le jeune homme se retourna pour regarder Yanis.

— Pas de quelqu’un, de toi.

C’était le genre de phrases que l’on aimait entendre, mais de préférence de la part de quelqu’un qui ne faisait pas dans les missions quasi suicidaires et les opérations un brin kamikazes.

— J’ai des gens que j’veux entraîner.

Flou, bien sûr, mais Yanis devait bien se douter qu’Adam lui livrait les informations qu’il était en mesure de divulguer.

— Déjà bien formés, et j’y veille personnellement, mais j’aimerais leur élargir l’horizon. Les exposer à des méthodes dont ils sont pas nécessairement familiers. Leur faire voir une autre façon de bosser et de considérer les choses, compatibles avec la nôtre, mais quand même différente. Tu vois le tableau.

C’était précisément ce genre de raisons qui poussaient les armées du monde entier à s’associer pour quelques semaines avec celles de leurs alliés pour des exercices communs. Favoriser la collaboration opérationnelle, importer de nouvelles pratiques, se maintenir au goût du jour. Mais Adam cherchait pour ses agents quelque chose de plus personnel et de plus suivi qu’un stage d’été de quinze jours à Langley ou qu’une série de séminaires soporifiques au MI6.

— J’veux quelqu’un de capable de surveiller leur entraînement physique. C’est des pros, ils ont pas besoin de babysitting, mais un regard extérieur, tu sais que c’est toujours utile. Et quelqu’un qui les entraîne à… Ses méthodes. Armées, non armées, exfiltration, infiltration, déploiement tactique, scouting, ce genre de choses.

Autant dire qu’Adam n’était pas en train de réunir une chorale pour chanter des psaumes au porte-à-porte une fois Noël venu.

— J’t’apprécie, j’aime comme tu bosses, j’t’ai vu en action, j’t’ai vu avec tes hommes, alors j’ai pensé à toi.

Le compliment était laconique, mais pour qu’Adam fasse l’effort de sortir du cadre de son agence pour contracter un extérieur, il fallait qu’il eût une haute opinion de Yanis. Un pêcheur remua à quelques mètres de là. Le regard de l’Australien passa aussitôt de son interlocuteur à l’homme qui changeait de position. C’était un peu comme si Adam s’attendait constamment à ce que le moindre quidam sorte un semi-automatique de sa glacière.

La pêche avait repris.
Adam se concentra de nouveau sur Yanis.

— J’sais que t’as tourné la page, et j’imagine que t’as tes raisons. Je te demande pas de venir sur le terrain. Ou de te mettre en danger. J’ai pas l’attention de t’attirer des ennuis. J’ai juste besoin d’un instructeur de talent, avec les idées claires et des méthodes à lui. J’ai pas un budget colossal mais j’pense que financièrement, ça devrait valoir le coup pour toi. Après, j’te mens pas, les formalités administratives pour pouvoir commencer seraient… Considérables. C’est pas exactement l’opération la plus publique qui soit.

Au moins, ils ne se rencontraient pas dans un garage obscur, c’était déjà ça.
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Message(#)Pôle Emploi EmptyDim 18 Nov 2018 - 7:59

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S'il avait anticipé une discussion au thème spécifique, il n'avait en revanche pas anticipé que cela serait sérieux au point de nécessiter autant de discrétion. Yanis n'insista pas et suivit le jeune homme, comprenant ses précautions. Ils se retrouvèrent entre le bruit des vagues et des distances de sécurité, alors qu'inconsciemment, l'ancien légionnaire sentait comme une pointe d'un sentiment... rare. Il gardait ses mains dans ses poches mais sentit bien comme une envie de serrer le poing, légèrement. Son expression demeurait neutre, mais quelque chose d'imperceptible avait changé.

Parce que lorsqu'Adam parla, Yanis l'observait en silence. Sérieux, impassible, nullement amusé. Il n'était pas souvent amusé de toute manière. Mais voilà que son ancien collègue d'un jour lui offrait une bombe ; un petit cadeau qu'il était libre d'accepter ou non, mais qui aurait des conséquences indéniables sur sa vie. Cela pouvait sembler inoffensif au premier abord, comme un simple entraînement et un tas de clauses de confidentialités à signer qui le mettraient dans une posture ignoble s'il ne les respectait pas, mais il y avait plus que ça. Tous deux le savait. Ils s'étaient vus à l'oeuvre, et l'un comme l'autre savait que Yanis n'était pas stupide et même vif d'esprit lorsqu'il s'agissait de son travail.
Alors un long silence s'installa, tandis que le métis pesait le pour et le contre. Il réfléchissait. Une partie de lui avait simplement envie de tourner les talons et partir, mais une autre qu'il n'aimait pas des masses, le forçait à rester. Une sorte d'excitation indescriptible. L'idée de faire parti de quelque chose de plus grand qu'un simple centre sportif. Une envie d'avoir un impact considérable, encore ; comme avant. Il avait certes abandonné la légion mais il ne pouvait se séparer de seize ans de vie en deux temps trois mouvements. Il avait pour ainsi dire passé plus de temps à la légion que sur les bancs d'école et avec sa famille.
Son regard dériva alors sur l'horizon. Il prit une lente inspiration, observa le ciel un instant, les pêcheurs, puis reposa son regard sur Adam.

J'ai décroché depuis plus d'un an, effectivement. Il eut un léger soupir. J'ai déjà des engagements. Des clients qui ont payé, dont certains une fortune, pour un suivi et des résultats que je me dois de leur fournir.

Des excuses. Mais des faits également. Il avait des engagements et ne se voyait pas balancer à la tête de ses clients qu'il allait devoir changer le planning et les entraînements parce qu'il ne travaillerait plus qu'à mi-temps voire prendrait des pseudos vacances.

Mes journées sont déjà chargées. Tu le sais certainement. Tu as donc envisagé une solution pour ce problème ? Sur combien de temps ?

Parce que dans le fond, il ne disait pas non. Il ne voulait pas dire. Il était inutile de cacher à Adam qu'il était intéressé mais il ne pouvait pas nier les détails qui viendraient avec. Comment couvrir son absence auprès de son employeur actuel ? Quelle excuse allaient-ils fournir ? Yanis voulait anticiper, voir à quel point il était nécessaire que ce soit lui car il était absolument hors de question qu'il perde ses clients ou son travail aux centres sur le long terme. Non pas que ce serait un problème de retrouver un travail, mais il avait appris à apprécier sa routine et ses collègues. Sa vie, certes monotone et quelque peu chiante même par moments, lui convenait assez pour qu'il désire ne pas la perdre.
Mais là, cruellement, dans les battements de son coeur, le désir du combat hurlait. Pas encore sevré de cette adiction à l'adrénaline.

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Message(#)Pôle Emploi EmptyLun 19 Nov 2018 - 4:34

Il s’était renseigné sur Yanis.
Un peu.

Il n’avait pas déployé tous les moyens de l’ASIS, parce qu’il craignait qu’en creusant trop profondément, Yanis pût en être alerté, et qu’il se froisse de la curiosité qu’on manifestait à son égard. Les vérifications en bonne et due forme interviendrait plus tard, quand le métis accepterait. S’il acceptait. Mais Adam le connaissait assez — et il connaissait assez les gens comme lui, les comme eux, en général — pour savoir qu’une vie de coach sportif ne pouvait le satisfaire entièrement.

Lui aussi, il rêvait assez. Sinon prendre sa retraite de l’ASIS, tout du moins finir loin du terrain, après avoir gravi les échelons, quelque chose comme directeur de département ou instructeur. Ce n’était pas un rêve déraisonnable. L’évolution naturelle d’une carrière. Enfin loin des balles, des explosifs et des interrogatoires, du danger et du risque, enfin soulagé des voyages, et prêt à construire quelque chose, pour de vrai, avec des collègues, des amis et une famille.

Mais au fond — au fond, il savait qu’il ne se sentirait jamais utile que dans la chair et le bruit des combats.

— J’comprends.

Son regard resta un moment dans celui de Yanis, comme pour le sonder, avant de s’en détourner, et de fixer une fois de plus l’océan. Il ne s’était pas exactement attendu à ce que ce fussent les premières objections soulevées par son camarade.

— T’as des engagements et je respecte ça. Des engagements rentables, et c’est normal d’y tenir. Quand on a la vie qu’on a, y a un moment où une sorte de repos est salutaire.

La vie de Yanis avait certes était fort différente de la sienne. Le légionnaire n’avait pas entièrement connu le genre de mensonges inextricables, de manipulations élaborées, de stratégies pleines de circonvolution qui formaient le quotidien des agents secrets. Et quelque part, Adam enviait la vie de militaire, théoriquement droite et claire. Mais ils avaient malgré tout assez de points communs pour pouvoir se comprendre.

— Concrètement, moi, j’peux envisager un engagement à géométrie variable. Ça dépend un peu de ce que tu recherches aussi. J’ai pas de protocoles précis à respecter, on est dans l’expérimental, j’suis susceptible de faire preuve de pas mal de souplesse.

C’était la différence entre les opérations clandestines des services secrets et la structure militaire. Si Adam avait bien besoin de se justifier auprès de ses supérieurs et de rendre régulièrement des comptes, le quotidien de son activité était laissé entièrement à sa discrétion.

— Idéalement, perso, j’aimerais qu’tu sois là deux heures par jour en moyenne, sauf le week-end, pour commencer, sur six mois. J’ai un rapport à rendre après le premier mois, pour toi, mais franchement, j’te connais, je doute pas que les résultats soient au rendez-vous. Après six mois, je verrais si ce serait fructueux de poursuivre et j’envisagerais éventuellement une nouvelle formule.

Difficile d’entrer dans les détails, tout en étant obligeant de laisser côté les grandes lignes de l’opération, tant que Yanis n’avait pas signé tous les accords de confidentialité que l’ASIS exigeait de lui.

— Mes agents ont pas mal d’autres formations à côté, du coup, ce serait certainement pas un plein temps.

Adam jeta un regard de côté à Yanis.

— Sauf si t’avais envie après un moment de monter en responsabilités.

Pour sa part, il imaginait bien que, si la contribution de Yanis à la formation de ses agents à lui était prometteuse, le légionnaire pourrait proposer ses services à d’autres unités au sein de l’ASIS. Adam était intimement persuadé qu’une organisation efficace devait s’ouvrir aux expertises extérieures et évoluer constamment dans ses programmes de formation. Or, depuis qu’il avait acquis ces responsabilités nouvelles, il réfléchissait à la manière de mettre ces principes en œuvre.

— Après, on peut envisager moins. Genre, une formation régulière de quatre heures par semaine. Toi et moi, on fera le tri dans ce que tu peux enseigner, pour retenir uniquement ce qu’il y a de plus éloigné de leurs connaissances actuelles.

Ce n’était certes pas la solution qu’il aurait privilégiée mais il fallait savoir composer avec la réalité.

— Moi, c’que j’veux, c’est que mon équipe soit bien préparée pour être en mesure d’affronter tous les dangers. Le reste, c’est des difficultés anecdotiques qu’on pourra toujours régler. Ce qui compte, c’est mes hommes, et l’intérêt commun.
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Message(#)Pôle Emploi EmptyLun 19 Nov 2018 - 15:16

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Le regard du métis ne quittait plus le visage de son ancien collègue. La posture était décontractée, signe de confiance. Il ne se sentait nullement menacé, ni forcé. Il comprenait même les motivations d'Adam. Le silence entre eux retomba un court instant, tandis que le bruit des vagues noyait l'absence de mots.

Il y avait des différences notables entre Adam et Yanis que nul ne pouvait ignorer. S'ils comprenaient leur milieu, les enjeux, s'ils avouaient aimer ce goût du risque et cette sensation d'être importants, ils avaient joué des rôles complètement différents. Si Adam était la tête, Yanis était le corps. Il était le canon pointé sur les ennemis et Adam celui qui appuyait sur la gachette. Cela avait toujours fonctionné ainsi pour Yanis. Par moment il avait été celui qui devait penser pour les autres mais bien souvent, son rôle était restreint par des règles et des connaissances limitées par ceux d'en eux. Il en savait, mais pas trop. Il ne fallait surtout pas que le chien devienne trop savant, c'était trop risqué et il n'avait de toute façon pas besoin de savoir pour bien faire son travail. Le luxe de ne pas avoir à se torturer l'esprit cent cinquante ans.
Pourtant, Yanis avait souvent observé ceux d'en haut, du même genre qu'Adam, avec une certaine curiosité. Les notions de bien et de mal étaient floues, une question de perspective et de valeurs. Sur quoi ces gens basaient-ils leurs décisions exactement ?

Je ne recherche rien de particulier, si ce n'est pouvoir faire mon boulot correctement, en bonne et due forme. Tu sais comment je fonctionne.

Le travail propre, efficace, sans fioritures. Il saurait ce qu'il devrait savoir, ferait ce qu'il aurait à faire ; rien de plus, rien de moins. Il n'avait pas l'ambition d'être à la tête ni l'arrogance de discuter les ordres. Il laissait ce trait aux grandes gueules à la fierté mal placée. Puis finalement, Yanis n'avait pas tant de questions que ça. Il savait ce qui l'attendait ; des clauses de confidentialité à perte de vue, un second job secret, un emploi du temps à remanier, mais pas tant que ça visiblement. Deux heures par jours était largement raisonnable. Il pouvait prendre sur son temps libre, s'arranger avec ses clients, griller une heure de pause par-ci par là pour finir plus tôt. Les questions étaient plutôt où ; quand ; quoi.

Je ne sais pas ce que tu attends exactement de moi mais la formation militaire comporte son propre lot de règles. Qu'ils soient déjà formés c'est une chose, mais ce que moi je peux apporter va beaucoup dépendre des barrières que vous allez mettre.

Une de ses mains sortit de sa poche et une gestuelle relâchée accompagna ses paroles.

Que ce soit des traqueurs, des fantassins ou des génies militaires, les entraînements sont radicalement différents. J'imagine que les détails seront à discuter ultérieurement.

Sa main retomba contre son corps et il s'humecta les lèvres, observant les alentours un bref instant, avant de reposer son regard sur Adam.

On discutera de l'avenir plus tard. Je n'ai encore rien accepté et ce n'est pas la perspective d'avenir qui va me convaincre.

Il s'accorda une seconde de silence, puis acheva ce qu'il avait à dire d'un ton des plus neutres, mais pourtant étrangement sérieux :

Ca m'intéresse.

Un léger arc vint se dessiner sur la commissure droite de ses lèvres, le regard brillant d'un intérêt qu'il ne voulait même pas cacher.

Et tu le savais avant même de m'en parler.
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Message(#)Pôle Emploi EmptyMar 20 Nov 2018 - 3:47

— Évidemment.

Le sourire d’Adam répondit à celui de son camarade.

— Moi, j’viens qu’avec des propositions de qualité, qu’est-ce tu crois.

De toute façon, son propre emploi du temps était chargé et il n’allait pas démarcher des gens qui n’avaient aucune chance d’accepter ses offres. Il connaissait Yanis, au moins un peu, et il avait du mal à l’imaginer dans une vie bien rangée, loin de l’action, et loin de ce sentiment selon lui irremplaçable de contribuer à quelque chose de plus grand soi. Il comprenait bien le désir de mener une vie plus paisible, mais les talents de son ancien coéquipier étaient gâchés, s’ils ne servaient qu’aux étudiantes de bonne famille et aux cadres dynamiques en pleine crise de la quarantaine.

— T’es dur en négociations, quand même, remarqua Adam, d’un ton sans reproche, qui relevait plutôt de la constatation, tu pourrais me donner tes exigences, plutôt que me forcer à te faire la cour.

Mais une bonne partie de la vie d’agent secret ne consistait-elle pas justement à courtiser de futurs associés, pour élargir un réseau qu’il fallait ensuite entretenir ? Loin de l’image d’Epinal d’un James Bond solitaire, elle impliquait en réalité une intense activité sociale, pour être certain d’avoir toujours à portée de main — et de faveur — un contact utile et à peu près de confiance.

— Mais monsieur aime se faire désirer, j’comprends.

Et dieu sait qu’Adam s’était déjà battu pour obtenir l’autorisation de ne fût-ce que parler à Yanis.

— Allez, viens, y a des trucs que je peux te montrer.

Il se détacha de la rambarde qui entourait la jetée et longea avec ses camarades les rangées de pêcheurs, dont la patience ne s’était manifestement pas révélée aussi fructueuse qu’ils avaient pu l’espérer. Machinalement, Adam les observa les uns après les autres, même s’il était peu probable de trouver là des agents ennemis venus épier leur conversation. Déformation professionnelle.

— Je conçois bien ce que tu dis, sur les règles et tout ça, reprit Adam, en prenant soin de tenir des propos généraux, suffisamment clairs pour eux, mais trop vagues pour que qui que ce fût pût en déduire en quelque chose de concret, et c’est évident que dans ton domaine, t’auras autorité sur eux. Et tu verras que ça se passera bien. C’est pas parce que c’est des gens voués à être très indépendants dans leurs missions que pendant la formation, ils se montrent pas disciplinés.

L’image de l’agent secret qui n’en faisait qu’à sa tête et improvisait librement et constamment avec les ordres et les protocoles collait à la peau de la profession, largement alimentée par les films d’espionnage rocambolesques où aucune règle ne semblait avoir cours.

Les deux hommes marchaient désormais sur la promenade, au milieu des quelques touristes, qui venaient profiter des premiers beaux jours sans payer rubis sur l’ongle les tarifs de la pleine saison, des passants, des habitants, des curieux. Adam quitta bientôt le bord de mer pour s’engager avec Yanis dans les ruelles du quartier du port.

— Niveau spécialisation, idéalement, ce serait pas mal si on avait un de chaque dans l’équipe. J’imagine que ça exigera des cours particuliers, de fractionner le temps de formation pour le repartir entre les différentes personnes, ce genre de choses. Mais j’pense que tu pourras gérer ça un peu plus lucidement quand tu pourras estimer nos besoins.

Mais naturellement, Adam ne pouvait pas communiquer ses besoins sans s’être au préalable assuré de la confidentialité de Yanis : c’était ce qui rendait cet exercice de recrutement un peu délicat. Ils finirent par arriver près d’une voiture passe-partout entre deux âges, le genre de véhicules auquel personne ne prêtait attention. L’Australien déverrouilla les portes avant d’inviter d’un geste Yanis à s’installer du côté passager.

Une fois installé lui-même, il tira un couteau suisse de sa poche et entreprit de démonter le tableau de bord sous le volant, pour tirer d’entre les câbles qui s’y enchevêtraient des documents roulés. Une fois la cachette remontée, il aplatit les feuilles de papier sur ses genoux. Elles ne portaient aucune marque officielle. Évidemment.

— Bien. On parle d’une équipe de six personnes.

Il tendit une feuille à Yanis, qui décrivait chacun des agents. Plus ou moins. Pas de nom, pas de prénom, même pas d’identifiant. Une simple liste ordonnée de 1 à 6 des caractéristiques fondamentales, juste assez pour avoir une idée de celles et ceux à qui on avait affaire, mais pas assez pour les identifier. Pour tous, on indiquait de solides compétences martiales, une aptitude avérée avec les armes à feu les plus communes, une formation de base en déminage, et une formation poussée en extraction, en infiltration et en résistance aux techniques d’interrogatoire.

— J’voudrais idéalement deux éclaireurs, un artificier, un sniper, un télécom et un chauffeur. Mais quitte à choisir, la polyvalence serait préférable.
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Message(#)Pôle Emploi EmptyMar 20 Nov 2018 - 15:02

1m80 - accent français/arabe - feat. @Adam Suski







D'aussi loin qu'il se souvenait, Yanis n'avait pas eu l'occasion de vraiment parler à Adam en dehors du travail, de se retrouver pour autre chose que business. Chacune de leurs entrevues, même anodines, avaient toujours été ponctuées d'un intérêt qui allait au de-là des simples formalités. Même autour d'un verre. Même lorsqu'ils s'étaient retrouvés ; travail. Alors l'humour du jeune homme amusa le métis qui sentait son sourire s'accentuer légèrement. Pas très expressif en temps normal, il ne s'étonnait pourtant pas de trouver ces réflexions amusantes. Après tout, c'était un peu vrai. Yanis était celui qui devait être convaincu, courtisé comme son comparse le disait si bien.

Puis dans la voiture, il feuilletait les dossiers ; il n'était guère surpris du manque d'informations personnelles, trouvant cela parfaitement normal. Ce qui l'intéressait, c'était l'âge, la taille, et il était déjà en train de vérifier les formations de bases et domaines d'expertises. Ces hommes n'étaient effectivement pas des amateurs. Des gars déjà bien entraînés, qui avaient l'expérience du terrain. Si Adam était venu jusque le trouver pour perfectionner leur formation, c'était qu'il avait une estime vraiment très haute de ses capacités ; et sans pour autant se sentir flatté, Yanis devait admettre qu'il était bien surpris. Il se savait bon et compétent, il savait qu'il avait dépassé quelques records durant son temps à la légion, mais il n'aurait jamais eu la prétention de pouvoir être placé si haut dans l'estime d'un homme.

Six personnes, hein... murmura-t-il à sa propre attention.

Mais il y avait un hic. Yanis feuilletait, revenait sur les fiches précédentes. Ils étaient tous bons. Très bons. Une telle équipe pouvait aisément s'épanouir dans les formations habituelles mais Adam avait fait tout ce chemin et ces arrangements pour le chercher lui. Yanis n'ignorait pas combien cela pouvait peser dans la balance. Contrairement à la Légion Étrangère, l'ASIS n'étaient pas des enfants de coeur avec la confidentialité et ils n'étaient pas les bras armés. Pas seulement.
L'ancien légionnaire se laissa aller contre le dossier du siège et son regard se posa sur Adam, lui rendant les dossiers.

Aussi bons tes gars soient-ils, leurs bases ne sont pas les miennes. Casser des bases pour en instaurer d'autres, ça peut être assez fastidieux. Deux heures par jour ne sera pas suffisant, surtout s'il doit y avoir des domaines d'expertises attribués tout en gardant de la polyvalence.

Il lâcha les dossiers lorsqu'Adam les récupéra.

Tu es sûr de ton coup ?

Il ne se faisait pas tant de souci pour Adam, mais il voulait clairement voir s'il était bel et bien déterminé à prendre ce risque ; car c'en était un. Yanis était de l'extérieur, avec une formation toute autre, ayant ses propres secrets. Les clauses de confidentialités n'étaient pas propres à ASIS et les entraînements la Légion Étrangère comportaient des cas particuliers qui n'étaient pas toujours adaptés aux autres modes opératoires. Ce qui lui savait, ce qu'il avait appris tant en formation que sur le terrain, pouvait faire défauts en d'autres lieux et d'autres mises en situation. Coupler la mentalité d'ASIS à celle de la Légion pouvait avoir un impact considérable sur cette équipe. Quitte ou double.
Enfin, il posait la question ; mais dans le fond, il connaissait déjà la réponse. Evidemment qu'Adam y avait songé. Evidemment qu'il avait anticipé les difficultés. Et bien évidemment qu'il était quand même venu le chercher en dépit de ces contraintes.

J'utiliserai mes congés du centre pour les deux premières semaines. Arrange-toi pour qu'ils soient un maximum disponibles ; minimum deux heures en sessions de groupe, et deux heures indivuelles par jour, au moins trois fois par semaine. Je te ferai un rapport complet chaque dimanche sur les deux premières semaines. Après ça...

Il reposa son regard sur la rue vide, devant eux.

Après ça, vous pourrez décider de ce qui est préférable. Je n'ai pas besoin d'un mois complet.

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Message(#)Pôle Emploi EmptyMer 21 Nov 2018 - 4:20

— Non. J’suis jamais sûr. La certitude est un luxe dangereux.

La vie d’un agent de terrain était faite de calculs de probabilité plus ou moins optimistes ou, dans le cas des services secrets, souvent pessimistes. Adam prenait un risque considérable. En réalité, même si la formation de Yanis n’apportait que des résultats simplement médiocres, en évitant toute catastrophe, sa hiérarchie lui tomberait sur le dos, pour avoir déployer des mesures considérables pour un rendement anecdotique. Il lui fallait une amélioration notable, et même rapide.

Mais il y croyait. Il avait vu Yanis sur le terrain, avec ses hommes, pendant près de deux semaines, et il l’avait soigneusement observé. D’abord par habitude, parce que sa vie était passée à tout observer et tout analyser, et ensuite, par intérêt véritable et spécifique. Comprendre comment les autres fonctionnaient, c’était toujours un instrument essentiel de l’amélioration personnelle. Et ensuite, il avait observé les hommes et les femmes qui composaient son unité à lui. Il avait épluché leurs profils psychologiques, leurs parcours professionnels, leur vie personnelle, pour cerner leurs dispositions.

— Mais je sais que c’est une décision rationnelle, mûrement réfléchie, et j’ai confiance dans mon équipe. Et j’ai confiance en toi. J’en suis même à me demander si j’ai pas plus confiance en toi que toi-même.

Du reste, ce n’était pas une critique : un peu d’humilité ne faisait jamais de mal.

Adam récupéra les documents pour les enrouler à nouveau et les ajuster entre les câbles du tableau de bord, avant de revisser soigneusement le couvercle en plastique. La vie du jeune homme devait être pleine de ses petites cachettes qui abritaient des secrets pourtant largement incompréhensibles pour ceux qui les auraient découverts.

— Enfin bref… Tu sais, j’te demande pas de les transformer en légionnaires. Comme je te demande pas de te transformer en agent de renseignement. Ce sera une rencontre des pratiques, et tu leur apporteras les tiennes, mais c’est pas absolument nécessaire de faire table rase de leurs méthodes à eux. De toute façon, ils sont suffisamment indépendants pour concilier les choses.

Naturellement, l’une des difficultés de ce pari résidait tout autant en Yanis qu’en ses agents à lui : le Légionnaire devrait apprendre à composer avec des habitudes nouvelles, loin du monde militaire. Mais c’était précisément parce que l’ancien soldat avait fait la preuve de son adaptabilité en passant dans le civil qu’Adam avait confiance en ses aptitudes. Il ne recrutait pas un sergent instructeur fraîchement débauché de la base militaire voisine, mais un homme qui avait su gérer une transition sans aucun doute délicate vers la vie civile.

— Tout ça, tu verras à l’usage, de toute façon. Ça me paraît prématuré d’anticiper des difficultés sans rencontrer les personnes et évaluer toi-même leurs besoins. Ton expérience hors de l’armée, ça compte pas pour rien, ça te rendra pleinement capable de t’adapter. Moi, j’y crois et…

Ils furent interrompus par une sonnerie de téléphone. Adam tira l’appareil de la poche de son jean. L’écran affichait un simple nom, « Koji ». L’appel fut aussitôt rejeté.

— C’est rien, c’est mon mec.

« C’est mon mec » constituait à peu près la seule information personnelle un tant soit peu significative qu’Adam ait jamais donnée à son sujet à Koji, à part peut-être « ouais, mes parents sont Polonais », un jour, au détour d’un verre. Le jeune homme fixa encore une seconde son téléphone avant de le ranger à nouveau, presque soulagé d’avoir eu une bonne excuse pour ignorer l’appel de son compagnon.

— Donc. Pas de problème pour les dispos en tout cas, ils sont en formation quasi à plein temps, je peux bouger un peu leur emploi du temps, c’est facile. L’ASIS va vouloir te voir pour une entrevue psy, un truc standard, rien que tu n’aies déjà fait une dizaine de fois, je suppose. De toute façon, vu ton profil, t’auras déjà été amplement étudié au moment de ta demande de visa, ils ont sans doute déjà l’essentiel de ce qu’ils voulaient savoir. Ensuite, ma foi, quelques accords de confidentialité.

« Quelques ».

— ‘Fin, je dis ça comme si c’était évident, mais peut-être que ça l’est pas pour toi, je sais pas. C’est juste… Tu dis rien, à personne. De toute façon, si tu veux, on lira les textes juridiques ensemble, et j’peux éclairer ça pour toi. Théoriquement, t’as le droit de prendre un avocat, mais si tu consultes un avocat, on considérera que tu es un risque de sécurité, du coup, ça coincera. C’est un peu…

Kafkaïen ?

Adam haussa les épaules.

— J’espère que ces formalités te freinent pas.
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Message(#)Pôle Emploi EmptyMer 21 Nov 2018 - 15:44

1m80 - accent français/arabe - feat. @Adam Suski







Le défi était de taille. Et Yanis ne craignait pas les défis, loin de là. L'adrénaline et l'excitation du combat lui manquait et quand bien même c'était fatiguant et que parfois, il avait faillit y laisser sa peau, cela avait été son quotidien. Les voyages, le sable, la poussière, la sueur, le sang, la poudre, les cris, le silence mortuaire... son rythme cardiaque était lent. Tellement lent, trop posé, trop calme. Alors, même si ce n'était pas retourner en guerre, c'était tout de même participer. L'offre d'Adam était une porte semi-ouverte.
Le métis jeta un coup d'oeil vers Adam lorsqu'il parla de son mec. Aucun commentaire, aucune réflexion. Après tout, il n'y avait rien à juger. Il ne connaissait rien de la vie privée d'Adam et ne comptait pas s'y intéresser ; non pas qu'il s'en fichait, mais ce n'était juste pas son genre. Les gens parlaient s'ils voulaient parler, et non parce qu'il le leur demandait. Reportant son regard devant lui, Yanis le laissa donc poursuivre avec davantage de détails. Qui étaient exactement ce comment Yanis les nommait ; des détails. Car tout ceci, il s'y attendait, forcément.

Non.

Réponse courte, simple. Si la paperasse le freinait, il ne passerait pas des heures le matin à élaborer exercices, plans nutritionnels, courbes de progression et autres données pour servir au mieux ses clients. Si le silence le freinait, alors il n'aurait jamais tenu aussi longtemps à la Légion. Ses lèvres décidemment bien sèches, il se les humecta à nouveau, son regard explorant la rue sans vraiment y faire trop attention. Peut-être une habitude de toujours regarder les environs, quoiqu'il fasse. Il ne réagissait plus comme en temps de guerre mais il ne pouvait s'empêcher de faire attention à tous les détails du paysage.

J'en ai vu d'autres.

Quitter la Légion ne se faisait pas sans compromis, aussi. Surtout lorsqu'on pouvait détenir des informations sensibles sur des opérations militaires en cours. Le métis expira lentement, ses souvenirs s'égarant un instant vers la période où ils s'étaient rencontrés. Après la mort de Nene. Yanis avait été envoyé aider Adam dans son opération pour bien des raisons, dont celle de l'éloignement ; la rage qui l'avait habité à cette époque aurait pu être extrêmement néfaste pour la suite de certaines opérations et malgré son professionnalisme, ses supérieurs avaient voulu prendre quelques précautions. Il se demanda si, dans ses recherches, Adam avait pu lire quelque chose à ce sujet. Cela avait-il été mentionné quelque part, qu'il avait eu une relation avec une journaliste locale avant qu'elle ne soit assassinée ? Il tourna la tête vers Adam.

Suski, commença-t-il.

Son expression ne semblait pas avoir tant changé et pourtant, le ton de sa voix était plus grave, plus sérieux.

Qu'ils ne s'attendent pas à un enfant de choeur qui sourit comme un benêt. L'équipe, comme tes patrons.

Définitivement, sourire n'était pas le point fort de Yanis. Blaguer non plus. Mais il en avait eu, des remarques. Sauf qu'à la base, ce n'était pas ce qu'il avait voulu dire. Demander de lui-même ce qu'Adam avait pu lire dans son dossier n'était finalement pas une bonne idée. Trop secret, trop fermé, trop peu loquace ; s'il commençait à poser des questions, il trouverait lui-même ça très étrange car cela ne lui ressemblerait pas. Alors il préférait rappeler qu'en dépit d'une offre, d'une proposition, il ne serait pas là pour lécher des bottes et des paires de fesse à qui le regardait d'en haut. Il suivrait les ordres, répondrait aux questions ─ fournir les réponses serait une autre paire de manches ─ mais n'aurait pas à sourire et se montrer sociable.

Si c'est tout ce dont on devait parler, je vais rentrer. Tu sais comment me contacter et où me trouver si besoin, déclara-t-il. J'en sais assez. Le reste, je verrai avec votre gratte-ciel de paperasse.

Pauvres arbres.
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Message(#)Pôle Emploi EmptyJeu 22 Nov 2018 - 5:39

Adam haussa un sourcil que Yanis tint à préciser la teneur de son caractère.

— Mec, on parle d’agents secrets. C’est pas comme s’ils avaient l’habitude des conversations ouvertes et cordiales avec des gens de bonne composition, avant d’aller prendre une pinte ensemble une fois la journée de travail finie.

En réalité, Yanis trouverait au sein de l’ASIS un environnement de travail sans doute beaucoup moins personnel et beaucoup plus austère que ce dont il avait pu être familier au sein de la Légion. Au sein des équipes en formation, l’ambiance était plus détendue que dans la plupart des opérations, mais Adam se souvenait distinctement d’avoir travaillé sur le terrain avec d’autres agents sans jamais avoir appris ne serait-ce que leur prénom.

Il lui avait fallu même plusieurs années pour découvrir que sa supérieure directe avec un fils, dont il ignorait encore le nom, l’âge ou seulement s’il était enfant unique.

— Ce serait plutôt à moi de te prévenir de ce que tu es susceptible de rencontrer, en fait…

La Légion n’était pas composée de doux angelots, mais les services secrets récupéraient les missions les moins reluisantes, où le compromis moral était la règle. Yanis avait peu de chance, en tant qu’entraîneur, de se trouver directement exposé aux aspects les moins reluisants du quotidien de celles et ceux qu’il formerait, mais il aurait devant lui des hommes et des femmes dont les conceptions éthiques seraient souvent radicalement différentes de celles que l’on promouvait dans l’armée.

— Mais j’imagine que tu te fais pas d’illusions. Quant à mes patrons…

Le jeune homme haussa les épaules.

A priori, tu les verras pas. Tu seras un contractant extérieur d’une opération clandestine, à part le juriste que tu vas rencontrer dans l’arrière-boutique d’un restaurant routier, je doute que tu aies beaucoup de contact avec notre organisation. C’est pas des choses dont tu auras à te préoccuper. C’est même pas des choses dont mes agents se préoccupent.

On prenait la compartimentation des informations très au sérieux, à l’ASIS. L’opacité de l’organisation était un gage de sécurité, dans le cas où un agent de terrain serait compromis.

— Donc c’est tout. Tu devrais être contacté d’ici la fin de la semaine, ensuite, faudra une semaine pour qu’ils gèrent tous les accords, fassent les vérifications nécessaires et prennent quelques dispositions. Et après, on peut commencer. Si jamais tu changes d’avis, ma foi…

Adam hausse les épaules.

— T’as pas vendu ton âme au diable. Tu verras les détails de résiliation dans les contrats, c’est rien de très exotique. Quant à cette conversation, ma foi, c’était évidemment un plaisir de parler avec toi de ton offre de services de coaching.

Version officielle pour une rencontre à laquelle, de toute façon, personne n’aura prêté aucune attention. Adam adressa un signe de tête à son camarade et, quand Yanis eut quitté la voiture, il démarra sans tarder, pour emprunter un trajet compliqué qui le ramena à la base d’opérations, un ancien immeuble de bureaux d’un quartier un peu délaissé de la ville, pas tout à fait délabré mais qui n’inspirait pas la curiosité, et dont l’ASIS entretenait de longue date l’aspect peu engageant, pour y protéger sa base clandestine.

Deux étages en sous-sols plus tard, Adam tomba sur deux agents plongés dans un jeu de plateau stratégique complexe élaboré par les analystes de l’ASIS pour aider les opérationnels à assimiler rapidement les enjeux structurels.

— Alors ?
— On verra.
— Mais encore ?

D’un geste de tête, Adam désigna le jeu.

— Qui gagne ?
— Le jeu, soupira la femme. Comme d’habitude.

Les crises s’accumulaient et les deux joueurs, malgré leurs efforts coopératifs, ne parvenaient pas à contrer les mécaniques inexorables du système. Adam hocha lentement la tête. La victoire était théoriquement impossible et le jeu avait aussi pour but d’enseigner aux agents à chercher des compromis, sans poursuivre des idéaux impossibles à atteindre.

— Mais il va venir, du coup, l’étranger ?
— J’espère que tu l’appelleras pas l’étranger.
— Non non, se défendit le jeune agent, c’est juste que comme on sait rien sur lui…
— Vous saurez en temps et en heure.

Comme Adam demeurait impassible face aux regards scrutateurs de ses deux subordonnés, et que, en quelques mois, ceux-ci avaient appris qu’interpréter les expressions de leur supérieur relevait encore d’un jeu impossible à gagner, ils laissèrent courir l’affaire et la question de leur futur entraîneur hypothétique demeura en suspens.
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Message(#)Pôle Emploi EmptyJeu 22 Nov 2018 - 13:42

1m80 - accent français/arabe - feat. @Adam Suski







Debout sur le trottoir, Yanis ne s'était pas retournée vers la voiture qu'il venait de quitter lorsque celle-ci démarra et quitta les lieux. Ce ne fut que lorsqu'il n'entendit plus le moteur qu'il s'arrêta et se retourna, observant la rue. Adam avait soulevé quelques points qui tracassaient un peu Yanis d'une manière indirecte. Il n'était pas facile d'atteindre l'ancien légionnaire, mais cette proposition n'était pas anodine et l'homme qu'il venait de voir n'était pas n'importe qui. Lui n'était qu'un soldat. Certes compétent et expérimenté, mais un simple soldat. Réfléchir, se prendre la tête, ce n'était pas pour lui. Pourtant, il y avait certaines chose qui pouvaient l'atteindre assez facilement pour peu que l'on sache sur quelle corde tirer.
Et Adam savait parfaitement sur quelle corde tirer. Si cela n'irritait pas spécialement Yanis, ça le dérangeait tout de même un petit peu. Il n'était pas question de confiance mais simplement d'être prévisible. Savoir qu'Adam pouvait anticiper ses réactions, ses réponses, ses questions, sachant viser juste là où Yanis pointait sur doigt, c'était une sensation étrange. Personne dans son entourage, ni même sa famille, n'arrivait à bien l'anticiper même s'il ne se considérait pas compliqué. Personne ne lui disait qu'il était facile de lire en lui, de deviner ses réactions ou ses émotions. Absolument personne. Mais Adam, lui, le devinait clairement. Cet homme de l'ombre avait cette clairvoyance qui rendait le français intrigué car dans l'autre sens, il n'y arrivait pas. Yanis ne s'intéressait pas aux gens de manière générale et dans ce cas précis où il pouvait se sentir curieux, il ne devinait rien.

Après une lente inspiration, il se retourna à nouveau et reprit la route en direction de son pickup, non sans flâner sur la promenade pour profiter de son temps libre. Encore une fois, sa vie allait prendre un tournant intéressant ; abandonner le milieu militaire pour s'adapter à la vie civile avait été un véritable challenge et cela en demeurait toujours un. Maintenant, il sentait l'excitation de partir à nouveau vers l'inconnu le prendre. Légèrement. Cela lui manquait ; les défis, les challenges. Un univers plein de mystères aux secrets bien gardés, où les mots et les actions étaient pesés et scrutés.

Lorsqu'il rentra chez lui, seul, confronté à la solitude de son quotidien, Yanis réfléchissait au quel de ses collègues il devrait renvoyer ses clients. L'échec n'était pas une option ; même si temporaire, il allait mener cet entraînement au bout et en tirer profit comme il se doit, tout en honorant ses engagements.


[FIN]
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