Tu veux un conseil d’amie ? Dis-lui. Votre couple ne peut pas surmonter la crise que vous traversez actuellement avec pour fondation une infidélité de ta part. A la rigueur, prétexte-lui que tu avais besoin d’attention et que cet homme c’est dévoué à t’en apporter mais… s’il te plaît, pour l’amour qu’il n’a eu de cesse de te porter au cours des vingt dernières années, fais preuve de franchise.Délicat lorsque l’on était partiellement honnête envers soi-même. La culpabilité. Je lui souriais. Cela ne marche que sur les patients, tu sais. Qui ne tente rien n’a rien !Elle éclata de rire, puis me serra dans ses bras. Oui. Tu as raison. Qui ne tente rien n’a rien.
A présent
Étrange cependant que je n’en n’étais pas intimement convaincu. Sans doute parce que je pressentais les moments qui découleraient d’un aveu sincère, au détour d’un quelconque dîner avec mon époux. Jon se fâcherait, sous la violence de l’annonce impensable, pour ne pas dire insoupçonnable ; pendant que moi je fuirais immédiatement la conversation, consciente des répercussions à venir non seulement sur ma personne, mais également sur l’homme devenu mon amant. Un ancien cambrioleur pour le compte de la mafia. Je retenais un léger rire sarcastique à cette pensée. Et dire que je croyais qu’il n’y avait que dans les films que l’on affrontait de tel scénario.
_ Est-ce que ça va ? M’interrogea mon amie, me libérant de notre étreinte. _ Parfaitement bien, oui. Ironisais-je en réponse, un sourire moqueur aux lèvres. _ Je suis à l’aube de tout perdre. Y compris la vie. _ Pourquoi cela n’irait pas ? _ Ne dis pas ça. Je suis certaine que ton mari est un homme compréhensif. Avec les bons mots, dont seuls les psys ont le secret, je suis certaine que cette annonce ne sera pas aussi mal accueillie que tu ne le crains. De plus, il a sa part de responsabilité dans cette histoire également. Il faut qu’il en prenne conscience.
Très mauvais choix que de faire comprendre à un homme qu’il est le fautif dans une histoire d’adultère. Très mauvais choix que de ne faire comprendre à un homme qu’il est le fautif dans tout les domaines qu’il soit, surtout. C’est assurément le meilleur moyen de le positionner en ennemi, ce que je ne désirais pas.
_ Si cela ne te dérange pas, je vais gérer moi-même ce pan de ma vie.
Je n’avais jamais eu besoin de personne pour me tenir la main dans les moments difficiles ; pas même mes parents. Ce n’était pas ce jour là que j’allais commencer. Je me levais d’ailleurs aussitôt de mon siège, pour marquer mon souhait de départ imminent.
_ Où vas-tu ? _ J’ai un rendez-vous qui m’attends à mon cabinet dans pas très longtemps. Je ne tiens pas à y être en retard à cause de la circulation bondée de la foule de personne retournant sur leur lieu de travail. Presque un mensonge. _ Mais je croyais que tu m’avais dit que ton rendez-vous avait lieu à 14h30 et il est… Elle jeta un rapide coup-d’oeil à sa montre. _ Que 13h15 ! _ Ma langue a fourché. Prétextais-je en me saisissant de mon sac-à-main sur la patère, dans l’entrée de son propre cabinet. _ Je ne dirais pas que tu cherches à me fuir mais… Si. Finalement je vais le dire. Tu cherches à me fuir.
Je souriais bien malgré moi. Mon amie était certainement encore plus perspicace que je ne l’étais envers mes patients.
_ Bravo. La félicitais-je avec un sourire franc. _ Tu m’as percée à jour, encore une fois. Comme quoi je ne suis pas la femme si complexe que tu me prétendais l’être. _ Tu as tort de prendre tout ceci à la légère, Aubrey. _ Je ne prends rien à la légère, Abigaël. Je préfère uniquement que notre relation en reste à celle que nous avons depuis tant d’années, des amies proches. _ Notre amitié ne se brisera pas parce que je t’aide à te sortir de cette galère. _ C’est un fait. Mais elle dépassera des limites que j’ai toujours voulu conserver entre nous. _ Ce qui veut dire ? _ Que je t’apprécie. Et que je ne désire pas que nos échanges sympathiques souffrent de problèmes qui ne concernent que moi. _ C’est pourtant le principe même de toute bonne amitié. Être présent l’un pour l’autre, même dans les coups durs. _ Cela ne fait pas partie de la conception de la mienne, à mon sujet.
A ces mots, je quittais son cabinet, sans un regard en arrière. J’étais consciente qu’elle m’en voudrait de cet affront, mais je savais qu’elle s’en remettrait. Ce n’était pas la première fois que je fuyais les débats que je jugeais stériles. De plus, j’estimais que j’avais besoin d’un moment de solitude pour analyser le déjeuner qui venait de se terminer. Il était si singulier, que je ne savais même pas si je devais me réjouir de mes confidences, ou au contraire les regretter. Je n’avais pas pour habitude de me dévoiler entièrement à quelqu’un. Je craignais des répercussions de l’avoir fait, aussi spontanément. Peut-être Abigaël irait toucher un mot à Jon au sujet de cette liaison ? Peut-être m’harcèlerait-elle pour que je fasse preuve de sincérité ? Je le redoutais. Je le redoutais d’autant plus que je redoutais de ne jamais parvenir à me comprendre. Je décidais donc de prendre réellement les choses plus aux sérieux, tel que me l’avait conseillée mon amie. Et pour ce faire, je prévoyais de me rendre à la bibliothèque après mes deux rendez-vous à mon cabinet. Deux rendez-vous simples, de premières prises de contacts. Les patients étaient enclin à faire connaissance, étant eux-même à la tête du choix de venir me consulter, et les entretiens passèrent très vite. Dès le départ du second client, je quittais mon cabinet pour me rendre à la bibliothèque, comme prévu, dans un autre quartier de la ville. Je me stationnais non loin du lieu avant de m’y engouffrer pour me perdre dans le rayon concernant la psychologie. Pour la première fois depuis que j’exerçais mon métier, mes recherches n’étaient pas centrées sur la résolution d’un cas épineux d’un patient complexe. Elles étaient exclusivement focalisées sur mon propre mal, que je nommais « crise de la quarantaine ». Je feuilletais d’ailleurs des dizaines de livres abordant le sujet de la même façon, avec légèreté. Selon les auteurs, le démon de midi repartirait dès lors que le manque de la vie d’avant apparaitrait. Soit. Je voulais bien l’accepter. Cependant, je m’interrogeais sur la probabilité que le retour à la vie antérieure soit possible. Jon ne me pardonnerait pas d’un claquement de doigt mes aventures sexuelles passées ; et je ne pourrais plus accepter notre train de vie si monotone. J’en étais à cette constatation lorsque je sentis un regard sur ma personne, insistant. Immédiatement, je tournais mon visage par réflexe en direction de l’homme dont il venait. Un homme d’une trentaine d’années à vu de nez, simulant un intérêt soudain pour les livres, et tenant un balai à la main. Je m’amusais de le découvrir aussi mal-à-l’aise pour un comportement on-ne-peut-plus naturel chez la gente masculine. Je me retenais même de lui lancer une boutade, préférant me replonger dans mes lectures. Il pouvait s’en formaliser, après tout. Je ne désirais pas particulièrement m’en assurer. J’étais même disposée à ne plus lui accorder la moindre attention, jusqu’à ce qu’il engage maladroitement la conversation.
_ Très perspicace. Lui déclarais-je avec amusement, un sourire au visage.
C’était mignon : sa timidité. Cela lui donnait quelque chose d’adorable même si, expérience oblige, je savais qu’il était malvenu de prendre un probable loup pour un mouton innocent.
_ Tu n’as pas à être désolé. Repris-je suite à ses excuses, ainsi qu’à son aveu de tentative raté d’abordage. _ Tu as au moins le mérite de t’être lancé. Et c’était une réussite, puisque je lui parlais. _ Et pour répondre à ta question, Poursuivais-je en souriant, véritablement amusée de son attitude incertaine. _ Oui. J’aime le cerveau. C’était une drôle de manière de parler de la psychologie, mais je ne m’en formalisais pas. _ J’en ai même fait ma spécialité.
Cela restait évasif. Je pouvais autant être une psychologue qu’une chirurgienne spécialisée dans le domaine. J’étais curieuse de découvrir sous quel blouse cet homme m’imaginait. [/justify]
Mon attention détourné de ma lecture, je prenais le temps d’observer l’homme avec qui je conversais. La première chose qui me sauta aux yeux fut sa tenue, évidemment. Elle dénotait un cadre de vie modeste, voir pauvre ; et la présence du balai signifiait un emploi aux maigres revenus. Déjà, rien qu’à ce constat, bon nombre de femmes de ma classe sociale auraient immédiatement laissées cet homme en plan. Ce qui n’était pas dans mon intention. Je ne jugeais pas les gens sur la valeur de leur compte en banque, mais plutôt sur leur tempérament. Et celui que j’entrapercevais chez cet inconnu démontrait un certain manque de confiance en soi. Je ne saurais dire si cela se généralisait à sa vie de tout les jours, ne le connaissant pas encore suffisamment pour l’affirmer. Cependant, à la couleur que prenaient ses joues, j’imaginais que son état actuel était de ma conséquence. Ce qui m’étonnait, je dois avouer. L’homme n’avait pas l’air beaucoup plus jeune que moi. Et au vu de son charme, il devait avoir eu quelques conquêtes au cours de son existence. Je m’interrogeais, par conséquent. Qu’est-ce qui pouvait autant l’intimider chez ma personne : Mon tailleur venant d’une magasin de prêt-à-porter sans prétention ? Mon attitude bourgeoise dénaturant de ma simplicité naturelle lorsque l’on me connaissait ? J’estimais qu’il s’agissait de l’ensemble, sans doute. Je trouvais cela tellement adorable que je m’en sentais flattée, je dois dire. Soudainement, il pencha sa tête pour lire quelques lignes de mon livre. Je l’observais avec attention, intriguée à mon tour. Que cherchait-il exactement ? La réponse me fut apportée à sa phrase qui suivit son geste, et qui ne manquait pas de me faire rire brièvement.
_ Effectivement. Lui affirmais-je en plongeant mon regard dans le sien. _ Dans mon métier, je suis amenée à rencontrer des « cas » étranges. Toutefois, contrairement aux psychiatres qui eux traitent des pathologies plus ou moins graves, moi je me charge exclusivement de personnes ayant besoin de conseils.
C’était une définition très succincte de mon métier, j’en conviens. Néanmoins, elle permettait à l’homme de mieux comprendre la nuance entre un psychiatre et un psychologue. Si le premier était habilité à soigner des troubles mentaux ; le second était plus consulté dans le cadre d’un besoin d’écoute. Ce qui ne rendait pas la profession moins passionnante pour autant, d’ailleurs. Je trouvais toujours fascinant, à presque vingt ans de carrière, de découvrir la vie des autres. Leurs petits tracas. Leurs petites douleurs. Bref. J’aimais mon métier et cela devait s’en doute ce lire dans mon regard. En parlant de regard, je perçu que celui de mon interlocuteur allait se perdre sur mes lèvres. Je ne pus m’empêcher de rire légèrement à cela. Pourquoi les hommes trouvaient-ils fascinant mes lèvres pulpeuses ? Était-ce parce qu’elles étaient proéminentes sur mon visage ? Était-ce parce qu’elles ne semblaient pas naturelles ? C’était là des questions qui m’effleuraient l’esprit, et que je n’avais jamais eu l’opportunité de poser aux principaux concernés. Je me laissais tentée par l’idée que le moment était peut-être venu.
_ Il n’y pas de mal. Lui assurais-je à sa confession, quant à l’habitude de ses yeux de fixer ce qui leur plaîsait. _ Toutefois, me permettez-vous une question ? Je n’attendais pas sa réponse, sautant sur l’occasion qui se présentait enfin à moi, au bout de presque toute une vie. _ Pourquoi mes lèvres ont-elles un tel attrait à vos yeux ? Je veux dire : j’ai bien conscience qu’elles sont très volumineuses et qu’elles donnent le sentiment que je prends une expression sexy en permanence mais, en dehors de ce détail, qu’est-ce qui vous captive à ce point ?
L’étude que je faisais en l’interrogant à ce propos était relativement osée, c’est vrai ; surtout pour quelqu’un qui rougissait rien qu’en mon unique présence. Mais je ne pouvais, ne voulais pas passer à côté de cette opportunité de comprendre. De plus, cet homme semblait ne pas rencontrer sincèrement de problème à exprimer librement le fond de sa pensée, aussi maladroitement soit-il. Je me disais donc qu’il ferait comme il l’avait fait depuis qu’il m’avait abordé, et qu’ensuite le sujet serait oublié. Du moins, je l’espérais. Je ne cherchais pas non plus à l’allumer. J’étais simplement une psychologue curieuse, comme Abigaël.
J’éclatais de rire à la confession de l’inconnu au balai. Alors ainsi, il avait bien besoin de conseils mais son égo le dissuaderait de le dire. Mais que venait-il de faire alors, dans ce cas ? Hé bien justement de l’avouer. Ce qui était particulièrement drôle et ne manquait pas de me maintenir mon fou rire actif. Surtout lorsqu’il mettait cette réaction sur l’étonnante capacité de la vie à être pleine de surprise. Effectivement. Il avait raison. La vie avait toujours le don de vous amener à faire ou dire des choses que vous n’auriez jamais cru auparavant. Et dans le cas présent, pour ma part, c’était conversé avec l’employé s’occupant du ménage de la bibliothèque, en lie et place de faire des recherches sur ma crise existentielle passagère. Cela n’avait rien de dégradant ni de gênant, cela dit. Au contraire. J’appréciais beaucoup notre échange, même si je commençais doucement à m’interroger sur les intentions ayant poussés cet homme à m’aborder. Quoique. Non. Qui espère-je convaincre en me supposant naïve à ce point ? Vous ? J’en doute. Fine observatrice, j’avais depuis longtemps compris qu’il tentait maladroitement de me séduire. Une idée que je trouvais plaisante, et qui expliquait sans doute que je ne lui brise pas si vite ses espoirs.
_ Pour obtenir des conseils, il faut surtout prioritairement avoir le besoin ou l’envie de raconter à une personne comme moi ce qui nécessiteraient des conseils. Lui déclarais-je avec légèreté, mon éclat de rire calmé. _ Alors, qu’importe ce que te dis ton égo, si cela peut améliorer ta vie, te rendre plus heureux, il ne faut surtout pas hésiter à pousser la porte d’un cabinet de psychologie.
C’était déjà un conseil, quelque part. Sincère, qui plus est. S’il voulait améliorer sa qualité de vie en allant chercher des conseils auprès de personnes aimant le cerveau, comme moi par exemple, il devait mettre son égo de côté. Certain de mes confrères auraient profité de cette occasion que nous abordions le sujet pour lui glisser leur carte de visite. Moi, je n’en fis rien. J’estimais que les gens n’avaient pas à être subtilement influencés dans la décision qu’était de suivre une thérapie. Ce n’était pas anodin. Il s’agissait d’un véritable engagement entre le professionnel et son patient. Si ce dernier venait aux séances avec un sentiment d’obligation, les résultats n’aboutiraient à rien de positif. D’ailleurs, je ne comprenais pas pourquoi je réfléchissais à cela. Le ton de la conversation n’était absolument pas la psychologie. Elle n’était qu’un prétexte d’approche, intelligente au passage, et le comportement de l’homme le confirmait. Il lorgnait sur mes lèvres avec une insistance qui n’en finissait pas de m’amuser. J’en profitais pour lui poser cette question qui m’avait toujours brûlée les lèvres, justement : pourquoi les individus de sexe masculins s’attardaient autant à ces dernières ? Il me demanda si je voulais la vérité. Absolument ! Je ne lui avais pas posée cette question pour qu’il m’invente un mensonge que je ne croirais pas. Je n’attendais pas de lui non plus qu’il me fasse la confession de l’excuse numéro une des compatriotes masculins. Je désirais qu’il me fasse profiter de cette franchise qu’il m’avait démontré.
_ Bien sûr que je désire une réponse sincère ! Sinon, quel intérêt de te poser cette question ?
C’était une interrogation rhétorique, bien entendu. Je n’attendais pas qu’il m’explique le pourquoi du comment de l’intérêt seul à m’intéresser à l’attrait des hommes pour mes lèvres pulpeuses. Je cherchais uniquement à le convaincre à plonger dans le grand bain, sans la terreur de s’écraser en son fond. Ce qu’il fit, d’une manière moins crue que je l’aurais imaginée.
_ C’est joliment dit. Lui déclarais-je avec un immense sourire aux lèvres, amusée, avant d’ajouter. _ Par conséquent j’en conclus que tu les observes toi également pour cette raison ? Parce qu’elles t’invitent à les goûter ?
Oui, maintenant que ma première interrogation avait obtenue une réponse intéressante, je souhaitais en obtenir une de manière plus personnelle. A lui de voir s’il avait le courage d’admettre haut et fort, qu’effectivement, il les avait dévisagées par envie d’y apposer potentiellement sa bouche, et ce ultérieurement.
Il ne pensait pas avoir besoin d’un suivi psychologique. Hé bien soit. Je n’allais pas le convaincre d’aller à l’encontre de cette décision. Je n’étais pas dans cette bibliothèque en quête de nouveaux clients, après tout. Non, si j’y étais, c’était essentiellement en quête de réponses à mes interrogations personnelles. Du moins, c’était ce qui était initialement prévu. Désormais, je prenais beaucoup de plaisir à converser avec cet homme aux antipodes de ceux que j’étais amenée à rencontrer, majoritairement. Et j’appréciais qu’il me demande tout de même mes cordonnées, pour le cas où il changerait d’opinion. Cela démontrait qu’il faisait preuve d’une grande ouverture d’esprit. Un signe d’intelligence que j’appréciais à sa juste valeur. Lui faisant signe de patienter, je déposais le livre que je tenais dans le rayonnage, puis ouvrait mon sac-à-main en quête de mon portefeuille.
_ Il y a toujours tellement de choses futiles dans le sac d’une femme. Lui déclarais-je avec amusement, justifiant ainsi le temps que je prenais à trouver mon portefeuille. _ Ah. Voilà ce que je cherchais. Je sortais victorieuse l’objet de ma convoitise. _ Je vais te donner ma carte de visite, cela sera beaucoup plus simple. Ce que je fis, immédiatement, après en avoir sortie eu de mon portefeuille. _ La voici. Surtout, ne te sens pas obligé de venir me consulter parce que nous avons eu cette conversation tout les deux. Chaque être humain est parfaitement libre de vouloir se débrouiller seul, sans l’aide de personne.
J’étais d’ailleurs la personne la mieux placée pour non seulement le démontrer, mais également le comprendre. Je n’aimais pas l’idée de me confier à quelqu’un, même amicalement. De ce fait, je me voyais très mal forcer une tierce personne à le faire envers moi, sous prétexte qu’il s’agissait là de mon gagne pain.
_ Et je vais te faire une confidence. Repris-je aussitôt, toujours souriante. _ Je déteste l’idée seule de me confier à quelqu’un. J’ai le sentiment que c’est comme une intrusion dans mon jardin privé ; que cet personne pourrait ensuite le saccager. Quelque chose qui m’effrayait au plus haut point. Essentiellement depuis que mon amie connaissait l’existence de ma liaison. _ Mais je ferais mieux de me taire. Je vais définitivement te faire fuir les psychologues.
J’éclatais de rire à cette pensée. Peut-être était-ce effectivement le cas. Peut-être que l’homme qui me faisait face venait d’être convaincu de ne jamais pousser la porte d’un cabinet de psychologie, uniquement parce que je m’étais confiée sur mon propre refus. Et cela m’était totalement égal. Car encore une fois, je n’étais pas présente en ces lieux pour débaucher de nouveaux patients. Qui plus est, des patients où les relations risqueraient d’être on-ne-peut-plus être ambigües. Chose dont je n’avais absolument pas besoin. Non. En ce qui me concernait, à ce moment là, j’avais plutôt besoin de m’amuser comme je le faisais en compagnie de cet homme. J’avais besoin de me sentir vivante en repoussant toujours plus les limites des interdits, pour peut-être les briser d’avantage. Et c’est ce que je faisais, d’une certaine manière, en personnalisant mon interrogation quant à l’attrait des hommes au sujet de mes lèvres. Je poussais mon interlocuteur au défi d’admettre, ou non, qu’il désirait m’embrasser, comme on s’amuse à parier sur l’avenir. Soudainement, l’attitude de celui-ci changea du tout au tout. L’homme devint joueur, reprenant ainsi confiance en lui, et ses joues retrouvèrent une teinte tout-à-fait normale. J’appréciais le sourire qui se dessinaient alors sur son visage. Il me confirmait qu’il m’avait bien aborder dans l’idée de me plaire. Joueuse à mon tout, j’optais sur un coup de tête de lui laisser toutes ces chances ; au risque d’ajouter un second coup de couteau au contrat.
_ Sucrée, vraiment ? Répétais-je avec amusement, a ces aveux quant à sa volonté de goûter mes lèvres en guise de dessert à un dîner qu’il ne pourrait m’offrir. _ C’est intéressant. Et je le pensais. _ Et si je te proposais de les goûter maintenant, avant ce dîner que je suis entièrement disposée à t’offrir, et ce contre uniquement comme monnaie d'échange ton identité, est-ce que tu accepterais ?
Je me fichais qu’il soit pauvre. Je me fichais qu’il me séduisait pour mon argent. Je voulais savoir s’il oserait m’embrasser, en plein sur son lieu de travail.
C’était amusant qu’il suggère que j’avais des choses à cacher. Cela soulevait l’hypothèse que je n’étais peut-être pas aussi mystérieuse que je ne le croyais, ne le désirais. Et si cet homme avait été en mesure de deviner cela en quelques minutes de conversation, entre les lignes d’une simple confession sans importance ; cela laissait présager que mon mari pouvait certainement lire en moi comme dans un livre ouvert. Une idée qui me terrifiait. Et pour cause : si le crime que je dissimulais n’avait rien de répréhensible aux yeux de la loi, il avait cependant le mérite d’être l’arme fatale à toute union maritale. Et si je commettais une erreur à vouloir préserver ce qui ne pouvait l’être. Et si finalement c’était Elle qui avait raison : Abigaël. Que me restait-il de véritablement raisonnable à faire ? Certainement pas de poursuivre le désastre comme je m’évertuais à le faire, comme une adolescente obstinée. Seulement, l’homme avait visé juste en imaginant la vérité comme une télécommande que l’on donne à l’autre. Révéler ses secrets inavouables, c’est perdre le contrôle de toute une existence. Révéler ses mensonges inimaginables, c’est égaré tout espoir d’un bel avenir. De quoi me donner une bonne raison de préférer le mensonge bienfaisant à la vérité cruelle. C’était égoïste, c’est un fait. Néanmoins, je n’étais pas prête à tout voir s’envoler en fumée pour le tarif d’une conscience soulagée. D’ailleurs, en dépit de tout, je me portais très bien. Je continuais de mener ma petite vie monotone d’épouse, aux côtés d’un mari aussi carriériste que je ne l’étais moi-même, pendant que le temps se chargeait de tasser mes incartades passées. Enfin. Encore fallait-il que la vie ne me tende pas un piège au détour d’une rangée de livres de psychologie. Un piège dans lequel je tombais, bien trop heureuse de découvrir que mes rides ne me rendaient pas encore repoussantes.
_ Tant mieux, si je ne suis pas à l’origine de ta peur des psychologues. Je lui confiais avec légèreté, un fin sourire aux lèvres.
Ce n’était pas que je m’en serais mortellement voulu, non ; mais ainsi j’avais la garantie que je n’avais pas prêcher contre ma propre paroisse. Pourquoi le faire, qui plus est ? Pour m’offrir un patient aussi attirant que Liam ? Non merci. Je ne voulais plus jamais mélanger le personnel au professionnel. Je ne voulais plus jamais être autant impliqué dans la vie d’un homme qui n’était pas mon mari. Je voulais simplement prendre un peu de bon temps. N’avoir que cet envie de sourire, de vivre l’instant présent à fond. Les regrets, je les avais déjà. Je concluais qu’un de plus, ou qu’un de moins, cela ne plaiderait certainement pas d’avantage en ma faveur face à mon juge le jour de mon propre tribunal. Je me laissais donc glisser toujours plus vers ces limites interdites, excitantes, que m’offrait ce joli petit diable dans son uniforme d’homme de ménage. Je ne demandais rien en compensation, si ce n’est une identité. Il me l’offrait. Joseph. Un nom biblique qui, pour une raison que j’ignorais, ne correspondait pas à l’homme qui le portait. Ne serait-ce qu’à la manière dont il s’emparait de ma nuque, pour nous rapprocher. C’était violent, presque. Bestiale, sans doute. Et je ne cherchais à me défaire de lui, acceptant qu’il prenne ce que je lui avais proposer de prendre : mes lèvres. Mes yeux se fermèrent aux contacts de sa bouche brûlante, enivrante. Je répondais favorablement au baiser qu’il m’offrait, appréciant qu’il mordille ma lèvres inférieure par deux reprises. C’était au delà de ce que j’avais osée imaginée. C’était passionnée. Peut-être même un peu trop pour un homme et une femme qui venaient tout juste de se rencontrer. L’étreinte de nos lèvres achevées, je n’instaurais aucun mouvement de recul, laissant ma poitrine légèrement se presser contre son torse. Il avait l’appétit ouvert, à ses dires. Cela était également mon cas, je devais l’avouer. Cependant, j’estimais qu’il serait folie de céder à la tentation sans un complément d’informations à son sujet.
_ Quel gourmandise. Je lui soufflais non sans rire brièvement. _ Cependant, je suis au regret de t’annoncer que cet appétit devra attendre. Je me suis engagée à te payer un dîner au restaurant, et je tiendrai ma parole. Délicatement, je me défaisais de notre étreinte, puis jeter un oeil à ma montre. _ La bibliothèque ferme dans dix minutes. J’imagine que tu termines ton travail en même temps donc, ce que je te propose, c’est que tu me rejoignes dès que tu es libre au parking. Nous irons dans le restaurant de ton choix. Je tournais les talons, en direction de la sortie, et concluais. _ Je serais dans une Audi A1 noire. À tout de suite.
J’avais le temps d’un repas pour peser les pour moins lourds que les contres. Et je comptais bien en profiter jusqu’à la dernière minute avant de commettre à nouveau l’irréparable.