| ne pas cesser d'aimer ft. annie |
| | (#)Lun 19 Nov 2018 - 20:38 | |
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Un mois. Un mois que Tess était rentrée du Pérou avec Leena. Presque deux mois maintenant que son violeur avait été arrêté. Deux mois qu'elle se revoyait sur ce banc, près du marché de Brisbane, en compagnie d'Annie, en train de lui révéler la vérité à son sujet. Deux mois qu'elle revoyait sans cesse ses yeux, bruns, qui étaient tellement déçus et énervés. Deux mois qu'ils ne s'étaient presque pas adressé la parole, à part quelques sms échangés quand elle était au Pérou et quand elle était finalement rentrée. Bien sûr, elle avait eu des nouvelles avec Leena et même avec Tarek qu'elle voyait toujours assez régulièrement. Ce qu'il se passait avec Annie ne devait pas avoir d'impact sur son filleul et la relation qu'elle avait avec lui. C'était trop un chouette gamin et il s'était bien rendu compte que quelque chose se tramait, mais elle ne lui avait rien dit. Non. Parce qu'elle ne savait pas vraiment quoi lui dire. Tarek était encore jeune, bien qu'il grandissait à vue d'oeil. Il était hors de question qu'il connaisse la raison de la dispute qu'elle entretenait avec Annie, tant qu'il puisse s'agir d'une dispute. En vérité... elle n'en savait rien. Annie lui avait juste dit qu'il n'était pas fâché, juste déçu. Et elle comprenait ça, elle était déçue d'elle aussi. Elle lui avait laissé le temps de digérer tout ça, de revenir vers elle quand il serait prêt, sauf que les jours passaient et que rien ne se produisait. Tess vivait dans la peur constante de perdre ses proches et par ce terme, elle comprenait la famille qu'elle reconnaissait aujourd'hui et qui se composait de Leena, Annie et Tarek. C'était le noyau de ce qu'elle avait de plus cher et jamais elle et Annie ne s'était pas vu depuis aussi longtemps. Jamais cette situation n'avait eu de précédents, ils ne s'étaient jamais disputés à ce point et ça la rendait malade. Alors oui, elle créait des affinités avec d'autres pour tenter d'oublier. Elle se lançait corps et âme dans tout un tas de projets, qu'il puisse s'agir de son lancement en free-lance, de son projet d'expo au QAGOMA, de son livre avec Greta, de son nouveau logement chez Owen dont Annie n'avait encore pas déposé le pied... Il y avait un manque cruel dans la vie de la jolie métisse et c'était de plus en plus difficile de le supporter. De faire semblant que tout va bien alors que finalement... elle est en train de perdre son meilleur ami. Et c'était vraiment la sensation qu'elle avait. Peut importe les encouragements de Leena et ses douces paroles, la jolie brunette avait la chance de passer du temps avec Annie et pas elle. Et ça... elle avait beaucoup de mal. Une once de jalousie ? Oui, clairement. Surtout depuis que Leena a une super amie « Lisbeth »... non, ne reparlons pas de ça. Tess avait été acheter quelques fournitures pour ses illustrations, notamment des stylos à la pointe calibrée pour travailler son aquarelle. Il se trouve que la petite boutique dans laquelle elle achetait toutes ses fournitures était à deux pas de l'endroit où Annie vivait à Bayside. Elle avait hésité, et puis finalement, prise d'un coup de sang, elle avait déposé ses affaires dans sa voiture et avait fait le court chemin à pied jusqu'à la maison de son meilleur ami. Elle connaissait la route par cœur, seulement ça semblait faire une éternité qu'elle ne l'avait pas emprunté. Son cœur se mit à battre fort dans sa poitrine, c'était la première fois -ou pas- qu'elle se sentait aussi anxieuse à l'idée de le voir. Comment allait-il réagir ? Si ça se trouve, il ne serait même pas là. Oui, il bossait sans doute. D'ailleurs, l'avait-elle assez remercié pour son travail, concernant l'arrestation de son bourreau ? Non. Vraisemblablement pas. Il n'y aurait jamais assez de mots, de paroles, de remerciements pour lui faire partager toute la gratitude et le respect qu'elle avait pour lui. Son ami lui manquait, atrocement. Avait-il changé ? Tout ce qu'elle savait, c'était qu'il avait coupé ses cheveux courts et qu'il les avait teint en blond pendant son séjour au Pérou, et elle en avait fait de même. Un signe ? Peut-être. Mais depuis peu, elle avait été se remettre des braids blondes. La longueur de cheveux qu'elle avait avant avait fini par lui manquer. Désormais, elle arborait un crâne presque rasé sur le bas et les côtés de son crâne et les tresses blondes par dessus. Vêtue d'un jeans troué et d'un petit pull gris, elle arriva devant le logement d'Annie. Elle était anxieuse, vraiment. Qu'est-ce qu'elle foutait là ? Et s'il lui disait qu'il ne voulait plus la voir ? Que la déception était trop grande ? Qu'elle avait tout gâché à lui cacher la vérité ? Qu'elle lui avait fait beaucoup trop de mal ? Putain... est-ce qu'elle arriverait à vivre sans lui ? Lui qui avait presque toujours fait partie de sa vie ? Fébrile, elle sonna, agitant ses mains et se mordant la lèvre. Il ne se passait rien. Pourtant, sa voiture était garée tout près. Elle appuya une seconde fois, le cœur battant. Peut-être qu'il ne voulait pas lui ouvrir ? Peut-être que c'était ça, sa réponse ? Après avoir attendu plusieurs secondes, elle sentit son cœur se fendre, tandis qu'elle commençait à faire demi-tour. A cet instant là, un bruit se fit entendre.
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| | | | (#)Sam 1 Déc 2018 - 21:30 | |
| Le second réveil avait été le plus difficile. Le premier avait eu cet arrière-goût d'alcool en excès et de transpiration, tandis qu'il tâtonnait dans la pénombre pour séparer ses vêtements de ceux de sa compagnie nocturne, avant d'entamer son walk of shame personnel sous l’œil de l'aube qui pointait tout juste en reflétant ses teintes roses sur la Brisbane River. Fatigué, débraillé, Anwar avait enfoncé la clef de son appartement dans la serrure non sans mal et traversé le salon au radar jusqu'à sa chambre, s’échouant sur son lit sans même se donner le temps d'ôter ses vêtements. La veille avait eu lieu l'audience préliminaire dans l'affaire du meurtre de Dustin Anderson – une audience à laquelle le brun, policier le plus gradé de l'équipe ayant mené l'enquête, avait sans surprise été convoqué. Sans broncher il lui avait fallu répondre aux questions, de l'avocate générale mais aussi de l'avocat de la défense, bien décidé à sauver les fesses de son client en pointant du doigt l'incompétence des policiers ayant mené les investigations. Habitué à encaisser les coups Anwar était resté impassible tout le long de l'audience, rongeant son frein quand l'envie le prenait de sauter à la gorge de l'avocat, répondant aux questions de façon concise mais précise. De l'avis de l'avocate générale il s'en était bien sorti et la condamnation de Lewis Sofri ne serait qu'une formalité, et désireux d'en finir au plus vite le policier avait abrégé sa conversation avec la jeune femme à la première occasion pour aller récupérer sa voiture et fuir le palais de justice et ses abords. Son chef de police lui ayant conseillé – imposé serait un terme plus exact – de se laisser le vendredi pour « prendre du repos » il avait un temps songé à charger de la bière et des crackers sur son voilier et à prendre le large pour ne réapparaitre qu’aux premières heures du lundi suivant, mais sa voiture abandonnée au bout de sa rue il avait pris le chemin opposé trouvé refuge au comptoir du McTavish, où les verres s’étaient succédés. Déjà bien imbibé, il avait finalement terminé la soirée chez Lydia – mère divorcée, elle poursuivait le même besoin que lui de ne pas s’engager plus loin qu’un réconfort mutuel occasionnel, et c’était sans doute ce qui permettait à leur relation de perdurer dans les semaines. Saoul de sa soirée, exténué de la journée qui l’avait précédée, Anwar aurait donc pu s’en tirer avec une bonne gueule de bois et un réveil aux dernières heures de l’après-midi … S’il n’y avait pas eu le second réveil. Tiré du sommeil par un bourdonnement, il lui avait fallu quelques secondes pour en réaliser l’existence et tenter d’ouvrir les yeux, l’agression du soleil lui faisant aussitôt regretter cette initiative en lui arrachant un grognement de désapprobation. Tâtonnant à la recherche de son téléphone d’abord sous son oreiller puis sur la table de nuit, il se sentait bien incapable de connecter ses neurones suffisamment longtemps pour se rappeler où l’objet pouvait bien être … Il l’avait en quittant le McTavish, de ça il était certain. La suite en revanche semblait plus floue de seconde en seconde, comme un rêve qui doucement échappait à la mémoire à mesure que l’éveil s’installait. Il avait encore le goût du whisky à la bouche, et l’odeur de Lydia sur la peau … Et d’un seul coup la révélation lui était venue et il avait compris que le bourdonnement n’avait pas tant à voir avec son téléphone qu’avec la sonnette de sa porte d’entrée. Sautant du lit en manquant perdre l’équilibre, la chemise sortant aux trois-quarts de son pantalon et sa cravate retirée dès la sortie du tribunal tombant en partie de la poche, il avait passé une main fébrile sur son visage et sur ce crâne où les cheveux commençaient tout juste à repousser avant de rejoindre le salon. Peut-être était-ce Lydia ? Peut-être lui rapportait-elle son téléphone ? Seules ces deux questions étaient parvenues jusqu’à son cerveau le temps qu’il atteigne la porte, et tentant maladroitement de rentrer sa chemise dans son pantalon pour paraître moins débraillé, ne se doutant pas un instant que les valises sous ses yeux suffisait à lui donner une mine affreuse, il avait ouvert la porte à la volée sur … « Tess. » Le prénom expulsé d’une voix éraillée par le sommeil et par ses excès nocturnes s’était accompagné d’un vague mouvement de tête pour éviter le regard de la jeune femme. Pris au dépourvu, encore trop peu éveillé pour que réflexion et diplomatie ne guide ses réactions, le « Qu’est-ce que tu veux ? » lui avait échappé presque malgré lui, un peu brusque sur le fond et sur la forme empreint d’un certain malaise de sa part. Il n’avait pas revu Tess depuis ce qui lui semblait être une éternité … Depuis ce soir-là. Il avait repoussé, trouvé milles excuses et autres prétextes pour ne pas avoir à l’admettre, mais maintenant qu’elle était face à lui il lui fallait se rendre à l’évidence : il en voulait bien plus à la jeune femme qu’il n’était prêt à l’assumer.
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| | | | (#)Mer 5 Déc 2018 - 10:57 | |
| Debout face à cette porte, la jeune femme patienta. Pourquoi attendre ? Parce qu'elle espérait au fond d'elle qu'aujourd'hui, pour une fois, il soit là. Qu'il ouvre cette porte, qu'ils puissent discuter, qu'ils puissent enfin jouer cartes sur table et avancer. C'était ce qu'elle voulait, ce qu'elle réclamait au plus profond d'elle-même, cependant, il devait en être autrement pour Annie. Le policier de la ville de Brisbane avait été tellement sous le choc de la nouvelle, suite aux révélations sur le passé de la petite Turner, et tellement énervé, déçu par la suite... que finalement, il avait cessé tout contact. Et ça, Tess n'en pouvait plus. Ca n'était jamais arrivé et elle ne savait pas comment faire. Depuis tout ça, elle avait reprit sa vie en main, elle avait osé avancer, corriger les erreurs de son passé et faire de son mieux, mais Annie ignorait tout ça, à moins que Leena ne lui en ait parlé ? Elle commença à se ronger l'intérieur de la bouche, alors que ses yeux fixaient la voiture d'Annie, juste là. Il était forcément là, à moins qu'il ne soit partit acheter une course, juste une minute ? Dans ce cas, elle attendrait, non ? Puis finalement, alors qu'elle tournait presque le dos à la porte, du bruit provenant de la maison la fit presque palpiter. Le loquet de la porte grinça et très vite, la porte s'ouvrit. Tess fronça les sourcils, comme surprise par cet homme qui venait d'ouvrir la porte. Le premier truc qui la fit tilter, était cette coupe de cheveux. Il avait rasé presque à blanc tout son crâne et c'était la première fois qu'il faisait ça. Et... elle n'aimait pas. Ca le rendait plus dur, plus féroce, plus intimidant encore qu'avant. Et puis il avait maigri, ses traits étaient tirés, fatigués... et son look... Il portait une tenue de costume totalement débraillé. Tess eu un doute sur l'heure, mais non, la journée était pourtant bien entamée. La voix d'Annie se fit entendre, enrouée comme pas possible, les yeux encore presque fermés. On aurait dit... une autrichienne sortant enfin de sa cave, réellement. Depuis combien de temps n'avait-il pas vu la lumière du jour ? Pourtant, ce n'était pas son anniversaire, ni celui de son fils... pourquoi se réveiller à cette heure-ci ? Tess se posait tout un tas de questions, surtout que... que l'homme qui était débout face à elle ressemblait presque à son meilleur ami, mais... quelque chose avait changé. Et ça lui fit mal dès ce moment-là en fait. Mal de réaliser qu'elle ne connaissait rien à sa vie actuelle, qu'elle ne savait pas les raisons de cet état, de cette coupe de cheveux, de tout ça. « Coucou » lança t-elle en réponse, essayant de sourire, brièvement. Elle le dérangeait, c'était une évidence. Est-ce qu'elle tombait vraiment si mal que ça ? Elle savait que si elle lui proposait de le voir une prochaine fois... il allait encore annuler, trouver une excuse, un prétexte... quelque chose. Tout avait beaucoup plus d'importance qu'elle depuis ce jour-là. Elle fit un pas vers lui, alors que la voix de Zehri se fit entendre, brutalement. Tess ne se serait pas attendu à cette question, à ce ton là, à cette remarque. Annie était froid, distant, et... presque méchant. Qu'est-ce qu'elle foutait là ? Elle pourrait lui répondre sur le même ton, qu'il n'est pas foutu de l'appeler, de venir la voir, de lui proposer de discuter alors elle est bien obligée de le faire elle-même, seule ? De prendre des initiatives ? Mais elle se dit que ça commencerait mal si elle lui répondait ça. Et tout ce qu'elle veut, c'est que cela se passe au mieux, que tout s'arrange. Alors Tess pince ses lèvres, hésitante, presque timide, et finalement, elle répond « j'passais dans le coin... » elle regarda la route et continua « et je me suis dit que je n'avais rien à perdre à essayer de passer, voir si tu étais là ? » essayant de lui sourire. Lui en voulait-il au point de ne pas accepter qu'elle entre chez lui ? De refuser de la voir ? De la laisser là ? Et si tout était terminé depuis longtemps pour lui, sans qu'il n'ait eu le courage de le lui dire ? Et si elle espérait pour rien, dans le vide, depuis ces longs mois ? Est-ce que tout était fini ? |
| | | | (#)Dim 6 Jan 2019 - 21:01 | |
| A en juger par le peu d’efforts déployés par Anwar pour renouer le dialogue avec Tess depuis le retour de cette dernière à Brisbane, avancer l’excuse selon laquelle le moment serait mal choisi n’aurait pas eu le moindre sens. Ce ne serait jamais le moment, et Anwar se contentait de repousser l’inévitable avec cet entêtement qui faisait de lui un bon flic mais pas toujours une bonne personne. Aujourd’hui plus qu’un autre jour néanmoins, le moment lui paraissait mal choisi : la gueule de bois, le moral en berne de ces lendemains de soirées passées à tromper la solitude et l’ennui, et la pression qui redescendait de la journée précédente passée au tribunal donnait au policier cet air d’émerger après un combat de boxe dont il serait ressorti KO, le cocard et les muscles ankylosés en moins. Il n’avait pas envie de parler, et par conséquent il avait encore moins envie de parler à Tess, aussi lorsqu’elle s’était fendue d’un « Coucou. » destiné à briser le silence qu’il lui avait offert en premier lieu il n’avait pas été capable de prendre sur lui, et lui avait offert sa répartie d’homme à qui il aurait fallu un cachet d’amabilité en plus de celui d’aspirine. Semblant l’encaisser avec un brin de difficulté, la jeune femme pourtant si habituée à ne pas mâcher ses mots s’était contentée de baisser les yeux un instant, laissant un ange passer avant de répondre à sa question avec l’apparente envie d’arrondir les angles « J'passais dans le coin ... » Il n’y croyait pas une seconde. Mais tandis qu’elle jetait un regard en arrière sur le palier de l’étage, vide de qui que ce soit d’autres qu’eux deux, et reprenait l’air de rien « Et je me suis dit que je n'avais rien à perdre à essayer de passer, voir si tu étais là ? » il s’était entendu pousser un vague soupir, parce que malgré tout il n’aimait pas cela. La situation, leur relation – il détestait le tout. Passant une main défaite sur son visage fatigué, il s’était appuyé une seconde de plus sur la tranche de sa porte d’entrée avant de finalement capituler, l’invitant à entrer d’un geste de la main et se décalant pour la laisser passer avant de refermer la porte derrière eux sans un mot. Terminant maladroitement de ranger sa chemise dans son pantalon comme s’il espérait encore ne pas avoir l’air totalement débraillé, il avait sifflé un « Shhht. » impatient à l’adresse d’Ibis, qui depuis sa grande gage s’impatientait de ne pas avoir encore en avoir été sorti comme chaque jour et faisait claquer son bec contre la grille avec mécontentement. Se retournant vers Tess sans toutefois se résoudre à relever entièrement les yeux vers elle, il lui avait adressé un demi-regard maladroit tout en lui indiquant la cuisine « J’ai vraiment besoin d’une douche, là, alors … » D’une douche et d’une raison supplémentaire de fuir encore quelques minutes la discussion qui les attendait « Si tu veux un café, un truc à manger ou quoi que ce soit d’autre, fais comme chez toi. » Elle savait où chercher dans les placards, depuis le temps. Et sans lui laisser le temps de la réflexion il avait faite volte-face et fui vers la salle de bain pour s’y réfugier, refermant la porte derrière lui et s’y appuyant un moment d’un air las avant de se décider à retirer ses vêtements de la veille pour se glisser sous le jet d’eau chaude. Sans doute y était-il resté plus que de raison, la chaleur ayant terminé de brouiller le reflet du miroir au-dessus du lavabo et l’eau brûlante rougissant la peau sur ses épaules lorsqu’elle venait y couler, mais à défaut d’alléger son humeur cette douche avait au moins eu le mérite de le réveiller un peu et de faire redescendre sa migraine à un niveau plus acceptable. Reste qu’il n’avait pas la moindre idée de la conduire à tenir avec Tess lorsqu’il ressortirait de la salle de bain. Terminant de se sécher en y songeant d’un air soucieux, il avait noué sa serviette autour de sa taille et fouillé dans le placard du lavabo à la recherche d’une aspirine, qu’il avait gobé sans se donner la peine d’un verre d’eau. Peut-être attendait-elle des excuses … Peut-être était-elle là pour ça ? Il ne se sentait pas en mesure de les lui donner si tel était le cas, pourtant. Prenant une inspiration, il avait fini par quitter la salle de bain et rejoint directement sa chambre pour y attraper à la va-vite boxer, pantalon de survêtement et le tee-shirt bleu nuit floqué aux lettres de l’époque de police, vestige d’une époque lointaine où Anwar n’était que le père célibataire-ou-presque en galère qui tentait de jongler entre ses obligations et ses aspirations. De retour dans la cuisine il avait eu l’espace d’une seconde l’espoir fugace que Tess ait changé d’avis et quitté l’appartement en son absence – mais non, attablée et une tasse entre les mains la jeune femme était toujours là, semblant attendre avec plus ou moins de patience que le propriétaire des lieux daigne reparaitre. Allant directement vers la machine à expresso pour se faire un café, il avait observé du coin de l’œil la pile de vaisselle dans son évier, les miettes abandonnées sur la table et eu une pensée pour le cadavre de bouteille de whisky oublié au pied du canapé dans le salon. Tournant le dos à Tess, il s’était alors fendu d’un « Désolé, je m’attendais pas à avoir de la visite. » Si tôt, avait-il failli ajouter avant qu’un coup d’œil au micro-onde ne lui confirme qu’il était déjà plus de quinze heures. Le café prêt et la double-dose de sucre ajoutée dedans avec la force de l’habitude, le policier avait enfin daigné se retourner vers Tess, la regardant depuis le plan de travail contre lequel il s’était appuyé plutôt que de s’asseoir à la table avec elle. L’aspirine commençait à peine à faire son effet, les effluve de café remontaient jusqu’à son nez comme une odeur rassurante de début de journée, mais pourtant tandis que son regard étudiait les contours de son amie il ne parvenait pas à trouver quoi lui dire. Comme s’il n’était plus certain de savoir à qui il avait affaire et ce qu’il était censé lui dire, au fond.
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| | | | (#)Mar 8 Jan 2019 - 19:14 | |
| Comment dire ? Ce n'était pas vraiment ce à quoi la jolie blonde s'était attendue, ni préparée. Elle ne s'était pas imaginée qu'il allait lui tomber dans les bras, qu'ils allaient se dire qu'ils s'étaient manqué, ni même que tout redeviendrait comme avant ; mais elle ne s'était pas imaginé qu'Annie serait un jour aussi froid qu'en cet instant. Alors très vite, Tess fut mal à l'aise. Son meilleur ami n'agissait absolument pas d'une façon dont le résultat en serait autre. Elle avait la désagréable sensation de le déranger, de ne pas être la bienvenue, ni même que l'instant serait favorable à une réconciliation. La jeune femme baissa la tête, lorsque son ami d'enfance ferma la porte, l'invitant timidement à entrer dans sa maison. Il en profita pour se refroquer, sifflant entre ses dents, ce qui mit encore plus la fan de NBA dans l'embarra. A peine eurent-ils traversé la maison en direction de la cuisine, que le flic lui annonça qu'il allait prendre une douche et qu'elle n'avait qu'à faire comme chez elle. Tess, se sentant mal à l'aise de le déranger, ne relevait pas les yeux vers lui. Elle hocha la tête, silencieuse et serrant son sac contre elle, alla près du plan de travail alors qu'Annie partait en direction de sa salle de bain. Tess soupira une seconde, profitant de l'absence de son meilleur ami pour jeter un coup d'oeil à sa maison, qu'elle n'avait pas vu depuis longtemps. Ca sentait le renfermé, il y avait des cadavres d'alcool au sol, qui avaient sûrement roulé jusqu'au canapé, et il y avait du désordre. Avait-il fait une soirée la veille ? Probablement et ainsi, elle comprenait mieux qu'il puisse ne pas être très avenant envers elle. Elle l'avait réveillé, il devait être fatigué et surtout, peut-être encore un peu sous les effets de l'alcool, du moins, les effets secondaires bien connus dès le lendemain. La jeune femme attendit d'entendre l'eau couler pour poser son sac sur la petite table de la cuisine, essayant de prendre le moins de place possible. Puis, elle se dirigea vers la cafetière pour se servir une tasse de café qu'elle avait prit soin de choisir dans le placard de son ami. Elle en sortit une seconde, pensant qu'il en aurait sûrement envie après sa douche. La jeune femme ne le sucra pas, n'ajouta pas de lait, et apporta directement la tasse à ses lèvres après s'être assise à la table de la cuisine. L'illustratrice sortit son téléphone de son sac et commença à pianoter dessus en attendant que son meilleur ami ne termine sa douche. Les minutes défilèrent, au bout d'un instant, l'eau cessa de couler, pourtant, il ne sortait pas. Et s'il ne voulait pas la voir ? Et si tout était fichu ? Et si l'erreur qu'elle avait commise avant son départ au Pérou était irrattrapable ? Tess commençait à vraiment se poser toutes ces questions, et de ce fait, voyait sa peur accroître. Enfin, la porte de la salle de bain s'ouvrit, puis après quelques dernières minutes, Annie réapparu. Tess releva la tête, sourit à sa vision. Le voir, ça lui faisait du bien, même si ce n'était pas dans les conditions qu'elle aurait aimé. La voix de son ami, surprenante par sa rareté, sortit Tess de son inertie. « Oh non, ne t'excuses pas... c'est moi... je... » elle parlait doucement, maladroitement, et les yeux rivés sur sa tasse dès que son ami se retourna vers elle. « J'aurai du t'envoyer un message... » lança t-elle en essayant de croiser son regard, sans y parvenir. Elle se sentait anxieuse, peinée de voir à quoi ils ressemblaient tous les deux. C'était bien la première fois que ça leur arrivait. « Mais j'avais peur que tu... que... que tu ne veuilles pas du tout me voir » lança t-elle alors un peu brutalement, faisant référence à toutes ces occasions où elle avait essayé de le voir, et où il avait prétexté tout un tas de choses à faire. « Tu... ça va ? » demanda t-elle avant toute chose. Après tout, les mois avaient défilés à une vitesse folle, et le temps avait passé. Ils ne s'étaient envoyé que très peu de message durant cette période, si bien qu'elle n'était pas au courant de ce qu'il vivait en ce moment. Elle espérait qu'il aille bien, comme toujours, mais personne n'était à l'abri d'une mauvaise passe, ou d'un surplus de travail, ou bien d'ennuis de santé... elle imaginait un peu tout et n'importe quoi. Attendant que son ami lui réponde, Tess hocha la tête et bu timidement dans son café, profitant de cela pour se demander comment est-ce qu'elle pouvait faire, ce qu'elle pouvait dire, et surtout, se demandant si son ami voulait toujours que les choses s'arrangent entre eux ? Peut-être que ce n'était pas dans ses projets après tout ? Essayant de dissimuler sa profonde tristesse, la jeune femme fini par se râcler la gorge et lancer après avoir posé sa tasse à café sur la table sale avoua « je ne veux pas te déranger, ni te forcer à avoir une discussion si tu n'en as pas envie ». Elle sentait son cœur battre dans sa poitrine, et sans relever les yeux vers lui, elle continua « je sais que je t'ai blessé Annie » annonça t-elle alors, calmement. « Et je voulais te demander pardon pour ça, sincèrement » ce n'est qu'à ce moment-là qu'elle releva les yeux vers lui pour croiser son regard sombre. Elle se pinça les lèvres la seconde d'après, ayant le sentiment que ça ne servait plus à rien. Mais même si c'était le cas, elle ressentait le besoin de lui demander pardon. Parce qu'il était son meilleur ami depuis qu'ils étaient enfants, qu'ils avaient traversé, vécu, partagé tellement de choses... que c'en était tout à fait normal. Elle lui avait causé du tord et s'en voulait pour cela. Et également d'avoir tout gâché entre eux. |
| | | | (#)Jeu 31 Jan 2019 - 23:25 | |
| Le désordre qui régnait dans l’appartement ne lui sautait aux yeux que maintenant qu’il avait de la visite. Occupé avec la fin de l’année scolaire et la flopée de galas, d’examens et autres évaluations qui allaient avec, Tarek ne devait pas revenir avant la fin de la semaine suivante pour prendre ses quartiers d’été à l’appartement, jusqu’à la prochaine rentrée, et son père n’avait pas encore eu le temps de se pencher sur le grand ménage qui s’imposerait avant le retour de son fils au bercail. Bien qu’il ne s’agisse alors que d’un grain de sable dans le désert de leurs ennuis actuels Anwar s’était alors senti obligé d’excuser l’état de son appartement auprès de Tess, et ce alors même qu’il la connaissait suffisamment pour savoir qu’il ne lui en tiendrait pas rigueur. Sans doute un besoin de combler le vide de la conversation, bien plus qu’un besoin de se faire passer pour une fée du logis. « Oh non, ne t'excuse pas ... c'est moi ... je ... J'aurais du t'envoyer un message ... » qu’avait en tout cas bafouillé la jeune femme en retour, croisant maladroitement son regard tandis qu’il plongeait le nez dans sa tasse de café. « Mais j'avais peur que tu ... que ... que tu ne veuilles pas du tout me voir. » La phrase le heurtant de plein fouet presque aussi fort qu’une gifle, il était resté silencieux pendant ce qui lui avait semblé être une éternité, penaud. Il n’était pas fier de lui, pas en sachant au fond de lui qu’elle avait sans doute raison et que si elle avait pris la peine de l’appeler ou de lui envoyer un message, il aurait saisi n’importe quelle excuse pour repousser encore un peu plus l’échéance des explications qu’ils devraient bien avoir tous les deux. « Je sais pas où j’ai fichu mon téléphone, de toute façon. » qu’il avait malgré tout justifié d’un ton un peu bourru, sachant bien que là n’était pas la question et fuyant à nouveau le regard de Tess. Mal à l’aise, il laissait sa jambe droite se secouer avec nervosité et avait avalé une nouvelle rasade de café pour tenter de faire passer le goût de l’amertume dans sa bouche. « Tu ... ça va ? » Est-ce qu’il allait bien ? Aucune idée. Probablement pas autant qu’il tentait de le faire croire, probablement pas autant qu’il le voudrait, probablement pas autant que si Tess et lui n’étaient pas dans la situation actuelle et autant que s’il n’avait pas risqué de gâcher la vie d’une innocente par une erreur judiciaire que ses seules certitudes n’avaient pas réussi à empêcher. Haussant les épaules en guise de réponse, évitant ainsi le mensonge éhonté autant que la vérité qu’il n’assumait pas, Anwar s’était fendu d’un « Beaucoup de boulot. » qui voulait tout et rien dire à la fois, avant d’oser néanmoins un « Et toi ? » dont il savait qu’il ne pourrait dès lors pas espérer une réponse plus honnête et entière que celle qu’il venait de fournir. Il avait conscience de ne pas y mettre beaucoup du sien et de ne pas témoigner d’une dose d’efforts qu’elle méritait assurément – il essayait, mais se sentait comme pris au piège par son propre ressentiment alors même qu’il savait ne pas en avoir le droit. Ce n’était pas lui qui avait souffert, ce n’était pas lui qui vivait un cauchemar silencieux depuis des années, et au fond il n’avait aucun droit de faire comme si tout cela était à propos de lui et non pas à propos de Tess. Paradoxalement rien ne lui serrait plus le cœur que de voir la jeune femme baisser le regard face à lui, penaude, se raccrochant à sa tasse de café comme à une bouée de sauvetage et reprenant finalement d’un ton hésitant « Je ne veux pas te déranger, ni te forcer à avoir une discussion si tu n'en as pas envie. » Sans relever les yeux vers lui, elle avait laissé échapper un soupir et repris, tristement « Je sais que je t'ai blessé Annie. Et je voulais te demander pardon pour ça, sincèrement. » Ravalant à la fois sa salive et ses émotions, Anwar avait doucement secoué la tête et terminé d’une traite sa tasse de café en grimaçant lorsque la boisson était venue brûler sa trachée. « Tu ne me déranges pas, c’est … Je ne sais pas quoi te dire. Et tu devrais pas avoir à t’excuser. » Elle ne devrait pas et malgré tout, malgré lui, il lui en voulait. C’était tout le paradoxe d’une situation qu’il repoussait sans cesse parce qu’il ne savait ni quoi en faire ni comment la gérer, conscient de l’injustice de sa propre rancœur mais malgré tout incapable de s’en défaire. « C’est moi qui devrait te demander pardon. » A son tour le policier avait de nouveau baissé la tête, et finalement fait volte-face pour abandonner sa tasse vide dans l’évier déjà débordant de vaisselle et faire mine un instant de s’intéresser à ce qui se passait par la fenêtre – rien du tout. Les doigts se resserrant sur le bord du plan de travail avec frustration, il avait secoué la tête et laissé échapper un soupir las « Je suis en train de te faire payer le fait de pas avoir été à la hauteur, alors que la seule personne à qui je devrais m’en prendre c’est moi-même. » Consentant enfin à se retourner vers elle, il avait croisé son regard les yeux brillants d’une tristesse qu’il ne savait pas plus gérer qu’exprimer, parce que ces choses-là n’avaient jamais été son fort après tout. « Et je m’en veux de t’avoir à un moment ou un autre laissé croire que tu pouvais pas compter sur moi, ou en tout cas pas suffisamment. J’ai l’impression de t’avoir laissé tomber, et que si j’avais été plus attentif ou moins occupé les choses auraient pu se régler bien avant … » Et à cet instant il s’en voulait de lui balancer tout cela à la figure et de faire comme si, à nouveau, le problème était à propos de lui. Secouant alors la tête comme pour tenter vainement de chasser tout ce qu’il venait d’avouer, il avait croisé les bras en sentant la chair de poule lui parcourir les bras malgré la chaleur moite de l’après-midi. « Est-ce que tu vas mieux ? » C’était la seule chose qui comptait, en fin de compte. Il n’était peut-être pas capable de la regarder dans les yeux, pas capable de passer outre la situation et sa propre amertume, mais au fond si Tess allait mieux c’était tout ce qui comptait.
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| | | | | | | | ne pas cesser d'aimer ft. annie |
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