J’étais folle. Je venais d’accepter de dîner avec un homme dont je ne connaissais que l’identité. Que dis-je ? Je venais même d’embrasser un homme dont je ne connaissais que l’identité. Et tout ça pourquoi ? Parce que son charme indiscutable m’avait convaincue de vouloir jouer avec le feu. Mais n’avais-je seulement conscience que la situation pouvait devenir absolument dramatique, au delà d’être répréhensible aux yeux de mon époux ? Sans doute pas, non. J’étais une brillante psychologue pour ceux qui me consultaient, mais en devenais une pitoyable lorsqu’il s’agissait de ma personne. Les livres que j’avais consulté étaient formel à ce sujet : la vie reprendrait son cours d’antan lorsque la crise de la quarantaine n’aurait plus lieu d’exister. D’accord. Parfait. Mais dans cette hypothèse, que fallait-il à la mienne pour qu’elle cesse de me conduire vers ses chemins interdits, ses chemins excitants ? L’explosion irrémédiable de mon couple, de ma vie ? C’était ce qui m’étreignait la gorge tandis que je rejoignais mon Audi noire, où je pris place au siège conducteur. J’avais encore neuf minutes avant que Joseph me rejoigne. Je pouvais encore me permettre de partir sans lui, sans un égard pour la parole que je m’étais engagée à tenir. Non. J’estimais que cela était lâche. Si effectivement mes remords m’encourageaient à la réflexion, à changer de cap, je me devais d’être sincère avec l’homme de ménage. Je soupirais donc profondément d’agacement, lorsque mon téléphone se mit à sonner dans mon sac-à-main. Je l’extirpais aussitôt pour y découvrir le surnom affectif de mon époux, sur l’écran. J’acceptais l’appelle après une grande inspiration.
_ Bonsoir mon coeur. Lui dis-je sans attendre le son de sa voix à mon oreille, adoptant un ton on-ne-peut-plus charmant. […] _ Je vais bien merci, et toi ? […] _ C’est une excellente nouvelle. La maison a Sidney semblait avoir enfin trouvé un acquéreur sérieux. L’occasion pour lui de pouvoir potentiellement venir s’installer à Brisbane. […] _ Moi ? Oh, rien de bien intéressant en dehors du travail. Je n’allais pas lui raconter ma dernière rencontre qui m’avait insidieusement convaincue de lui offrir de goûter mes lèvres, quelques minutes auparavant. _ Le loft est vide sans toi. J’ai hâte que tu puisses m’y rejoindre pour de bon. Une vérité. La vie en solitaire ne me plaisait absolument pas, comme lui de son côté. […] _ Oui. Cela serait bien si tu pouvais te libérer quelques jours pour m’y rejoindre. Ce qu’il ne ferait pas, trop carriériste pour consacrer des jours entiers à sa femme. […] _ D’accord. Tu n’auras qu’à me prévenir en avance et je m’arrangerai pour venir te chercher à l’aéroport. Nous pourrions même éventuellement en profiter pour dîner au restaurant ? Dans l’hypothèse ou mon mari ferait un effort pour se rendre disponible, je pourrai en faire tout autant. Cela serait sûrement bénéfique à notre couple en plein naufrage. […] _ Je comprends. Moi aussi j’ai des projets qui m’attendent. […] _ Dîner entre amies. Je dirigeais mon regard en direction de la bibliothèque, d’où Joseph sortait précisément au même moment. _ Et justement, il se trouve qu’Abigaël arrive. Je dois te laisser. […] _ Merci, toi également. Je t’aime.
Je ricanais légèrement une fois que la communication fut coupée. C’était fou de constater que nous usions de cette déclaration d’amour comme d’une ponctuation à nos conversations, en lieu et place d’une vrai marque d’affection. Rangeant mon téléphone dans ma poche, j’entendis la portière passagère s’ouvrir. Instinctivement, je jetais un regard à Joseph qui s’installait à mes côtés, sans aucune gêne. Quelque chose me disait que cet homme était hypothétiquement du genre pique assiette. Et, à en juger l’admiration presque enfantine qu’il avait pour mon véhicule, je devinais que le train de vie de Joseph était au delà de ce j’avais envisagée, auparavant. Cet homme n’était pas de la classe sociale modeste. Il était pauvre.
_ Effectivement. Confirmais-je quant à sa liberté de choisir le restaurant de son choix, avant de rire à l’interrogation qui suivi. _ Et absolument pas. Le rassurais-je avec humour. _ Je te serais plutôt reconnaissante de m’éviter ce genre d’endroit.
Je n’avais jamais mit les pieds dans un fast-food de ma vie. Je n’envisageais pas de corriger cela de sitôt, même pour un joli garçon. Joli garçon qui - soit-dit-en-passant, n’avait véritablement pas de problème à prendre ses aises dans mon Audi.
_ Tout va à ta convenance ? Tu es confortablement installé ? Lui adressais-je spontanément, non sans humour taquin. _ Car si ma modeste voiture est inconfortable, je peux toujours nous louer une limousine ? Chose que je ne ferais pas. Je voulais bien être appréciable à cet homme en lui offrant ce qu’il ne pouvait se permettre lui-même, mais pas au point de lui dérouler le tapis rouge. _ Quant aux Homards, ce n’est pas mon met préféré de la haute gastronomie mais, de ce que je me souviens, c’est tout de même délicieux. Seul son palais pourrait s’en faire une propre opinion. _ J’en conclus que tu désires t’en faire ta propre idée ?
C’était une question rhétorique, bien entendu. Je n’étais pas idiote au point de ne pas avoir compris son choix évident de restaurant, haut classé dans les guides étoilés. Cependant, un problème de taille s’offrait à nous : sa tenue. Aucun maître d’hôtel ne le laisserait entré vêtu ainsi. Il fallait y remédier en priorité.
_ Nous allons devoir faire un petit détour en chemin. Lui annonçais-je doucement, directive. _ Ta tenue ne colle absolument pas au restaurant que tu as choisis. Nous allons directement nous faire recaler dès l’entrée. A Sydney, j’aurais pu l’emmener dans mon restaurant préféré sans que cela ne soit un problème. Mais ici, je devais impérativement nous adapter au code vestimentaire de l’endroit. _ Nous allons corriger cela en priorité. Poursuivais-je en allumant mon G.P.S, en quête d’un grand-hôtel dans les environs. _ Alors… Emporium Hotel. C’est là que nous allons.
L’itinéraire validé, j’attachais ma ceinture, puis démarrais le véhicule, avant de prendre la direction de Fortitude Valley comme me l’indiquait mon assistant vocal. Je suivais d’ailleurs consciencieusement ses directives, mettant légèrement en sourdine le disque de Queen qui jouait dans l’habitacle. Après quelques minutes de circulation pour passer d’un quartier à un autre de la ville, nous arrivions à destination. Immédiatement, je stationnais mon véhicule devant l’entrée de l’hôtel où un voiturier vint m’ouvrir la portière.
_ Ne la stationnait pas trop loin, Je vais rapidement en avoir à nouveau besoin. Indiquais-je à celui-ci, lui laissant mes clefs contre un bon numéroté. _ Bien madame. _ Suis-moi Joseph.
Indiquais-je à mon invité, dont j’ignorais bien les moindres réactions. Nous avions une mission à accomplir : le rendre présentable. Nous n’avions donc pas de temps à perdre à nous extasier sur ce qui n’était finalement pour moi que le quotidien, quand mes parents s’exilaient à l’autre bout du pays pour les vacances. Rejoignant la réception, je réservais à la réceptionniste l’une des ses plus belles suites encore libres pour la nuit, sous mon nom de jeune-fille, avant de m’emparer de la carte qu’elle me tendait.
_ Auriez-vous une boutique de prêt-à-porté masculin dans votre hôtel, pour monsieur ?
Elle l’observa des pieds à la tête, légèrement dédaigneuse.
_ Oui. Soupira-t-elle, avant de me l’indiquer sur un plan qu’elle griffonnait de son stylo noire. _ Bien. Vous ajouterez les achats qui y seront fait sur ma note. Fis-je sans la remercier, froidement. _ Et croyez-moi, je saurais quel opinion formuler quant à l’accueil sur votre formulaire d’appréciation.
Je me montrais désagréable, c’est un fait. Cependant, je n’appréciais pas que l’on juge un être humain sur sa tenue. Ce n’était pas parce que Joseph était pauvre physiquement, qu’il ne possédait pas une richesse du coeur. Me consacrant à nouveau à lui, en nous éloignant de la réception, je lui indiquais avec douceur la suite du programme.
_ Nous allons être amenés à être séparé durant quelques minutes, le temps que nous nous apprêtions chacun de notre côté. Je lui tendais la carte de la suite, ainsi que le plan de l’hôtel. _ Tu vas te rendre immédiatement à cette boutique de prêt-à-porté masculin. Ils ne possèdent peut-être pas les complets des plus grands couturiers mais je suis convaincue qu’ils t’en trouveront surement un qui fera l’affaire. Hôtel de luxe oblige. _ Tu leur préciseras dès ton arrivée que tu viens de la part de madame Cotwell, et que tu désires être élégamment vêtu des pieds à la tête pour un dîner.
Avec ce nom, il était assuré d’être servi comme n’importe quel client de cet hôtel. Et pour cause : mon père était une figure importante des affaires en Australie. Il était donc inimaginable qu’ils ne fassent pas le rapprochement.
_ Lorsque tu auras ta tenue, tu regagneras la suite 5015 où tu prendras le temps de te rendre encore plus séduisant que tu ne l’es déjà. Je lui offrais un clin d’oeil à l’appuie. _ En ce qui me concerne, je vais rentrer chez moi me faire la plus belle possible pour toi. Je viendrais te chercher à la suite dès mon retour. Je déposais un fin baiser sur sa joue _ A tout-à-l’heure.
Lui dis-je en guise de conclusion, avant de quitter l’hôtel où je récupérais mon véhicule. Dès que le voiturier me la rendit, je regagnais mon loft pour me préparer à cette soirée pleine de rebondissement inattendue.
Éviter les regards. Là-dessus, nous étions d’accord. Cependant, je doutais que cela soit pour les mêmes raisons. En ce qui me concernait, je voulais éviter que l’on nous remarque pour mon statut civil d’épouse. Quant à lui, je dois admettre que je l’ignorais bien. Mais cela n’était pas grave. Je me promettais de l’interroger à ce propos lorsque l’occasion s’offrirait à moi, au cours du dîner. Pour le moment, le sujet qui nous intéressait était le restaurant que mon invité avait choisit. Et sans surprise, il optait pour un endroit qu’il ne pouvait pas s’offrir, servant du homard. Je validais ce choix, faisant volontairement abstraction à l’ambiguïté des mots qu’il m’adressait. J’y faisais abstraction surtout parce qu’un problème me sautait aux yeux, à son choix : sa tenue. Elle ne collait absolument au code vestimentaires des restaurants de luxe, et nous finirions recaler dès que nous aurions affaire au maître d’hôtel. Une idée impensable. Il fallait impérativement que l’on corrige cet obstacle. Sans chercher à m’enquérir d’un potentiel complet qui trainerait au fond de l’un de ses placards, j’annonçais une déviation sur notre direction. Pour qu’il puisse obtenir un complet et se préparer, je ne voyais aucune autre option qu’un hôtel. Je choisissais le plus luxueux de la liste que me proposait mon G.P.S : L’Emporium Hotel. Lorsque l’itinéraire fut tracée, je démarrais mon véhicule pour nous y emmener sous les indication de mon assistant vocal. Alors que nous attentions à un feu rouge, mon passager me posa une question assez inattendu mais totalement amusante : depuis quand allions-nous à l’hôtel avant de manger. Je ne pouvais contenir un éclat de rire avant de lui répondre, amusée.
_ Depuis qu’il est de bon ton de s’habiller en circonstance.
En d’autres mots : adopter une tenue adéquate au restaurant choisi. Une chose a laquelle on ne devait surement pas prêter attention lorsque l’on était pauvre. Du moins, je le supposais puisque j’avais toute ma vie, ou presque, était en compagnie de personnes aux revenus plus élevés. Arrivant à destination, je laissais mon Audi au voiturier, avant d’inviter Joseph à me suivre dans le hall de l’hôtel. Je savais ce que je voulais. Je ne perdais donc pas de temps en rêvasseries, que je laissais volontiers à mon invité. La réceptionniste me donna la carte de la suite 5015 puis m’indiqua sur un plan, à ma demande, la localisation d’une boutique de prêt-à-porter masculin. C’était parfait, en omettant le comportement déplaisant de cette dernière. Joseph allait pouvoir se trouver un complet pour le dîner, comme je l’escomptais. Je l’invitais d’ailleurs à y aller de ce pas. Plus vite nous serions prêts, plus vite il pourrait croquer, comme il avait dit, dans les pinces d’un homard valant la peau des fesses. Lui donnant rendez-vous ultérieurement dans sa suite, je quittais l’hôtel pour rejoindre mon loft. L’occasion pour moi d’analyser le contenu de cette fin de journée exceptionnelle, tout en me préparant. Et une chose était certaine : je ne savais toujours pas jusqu’à où j’allais m’aventurer comme ça. Une fois que je m’estimais prête, je quittais mon loft pour reprendre la direction de l’hôtel. Là-encore, je fournissais une instruction très précise au voiturier : garder mon véhicule à disposition. Je n’envisageais pas de m’attarder vingt minutes dans la suite si Joseph était prêt, comme je l’espérais. Prenant la direction de la suite, je m’engouffrais dans l’ascenseur de l’hôtel, où je pressais le bouton du cinquième étage. Ce ne fut qu’au moment où les portes allaient se refermaient qu’un couple du troisième âge me fit signe de les retenir. Ce que je fis, immédiatement, les attendant patiemment.
_ Merci très chère. Me remercia la femme, un sourire charmant au visage. _ Je vous en prie. Lui répondis-je aussi charmante.
Je n’allais pas les laisser attendre le prochain ascenseur. Cela n’aurait pas été galant. Alors que la boite de métal grimpait les étages, je les écoutais distraitement en pleine conversation. Ils discutaient de leurs enfants, qu’ils se réjouissaient de pouvoir réunir à Noël pour la première fois tous ensemble. J’imaginais le repas de famille avec un sourire triste. J’imaginais mes propres enfants s’extasiaient autour de moi de leurs présent puis, au ding de l’étage du couple de retraités, ils s’évaporèrent pour ne laisser qu’une grande table vide. Ce que la vie pouvait être cruelle, parfois. Me narguer avec cette image de mon couple qui n’existerait sans doute jamais, à l’instant où je retrouvais un homme qui n’était pas mon mari ? C’était particulièrement horrible. Quittant l’ascenseur, je me dirigeais jusqu’à la suite 5015 où après avoir toquée trois petits coups brefs à la porte, je découvris Joseph on-ne-peut-plus élégant.
_ Ce complet noir te va à ravir. Lui signifiais-je charmante, presque aussitôt. _ La grande classe. On dirait James bond, mais en beaucoup plus sexy.
Je n’avais jamais eu d’intérêt pour l’agent 007. C’était donc un véritable compliment que je lui faisais. Me tendant sa cravate, Joseph me confia à la suite son incapacité à la nouer. Je lui offris un sourire compatissant, avant de m’en saisir pour lui passer délicatement autour de son cou, sous son col de chemise.
_ La première fois que j’ai appris à nouer une cravate, c’était à l’occasion de mes fiançailles. Lui confiais-je en commençant à la nouer. _ Mes parents tenaient à ce que mon époux et moi fassions les choses dans les règles, et je tenais à pouvoir nouer la cravate de mon mari comme ma mère le faisait avec mon père. Je serrais le noeud délicatement. _ Une occasion qui ne s’est pas souvent présentée. Déplorais-je en replaçant son col convenablement, ma tâche accomplie. _ Voilà. Absolument parfait.
Je lui souriais avec tendresse, plongeant mon regard dans le sien.
Aaaah. La franchise de Joseph. Je ne sais pas pourquoi elle avait le don de me faire sourire au lieu de m’offusquer. J’aurais normalement dû me sentir gênée qu’il me déshabille de ses prunelles insistantes en me le confirmant à haute voix mais… quelque chose chez lui provoquait plutôt chez moi une forme d’amusement. Peut-être parce que j’y associais volontairement une maladresse que je trouvais adorable. Sans doute. Depuis que je l’avais rencontrée à la bibliothèque, je me plaisais à l’imaginer différent de ce que son comportement dépeignait. J’en voulais pour exemple cette volonté farouche de l’imaginer gentil garçon alors que, indubitablement, de nombreux indices démontraient le contraire. Le plus flagrant étant son attitude générale, un peu bourru. Les gentils garçons n’expriment pas aussi activement leur émoi au sujet des femmes qu’ils courtisent. Ils la dissimulent sous les atours de beaux discours. Mais allez savoir, c’était peut-être ça qui le rendait attachant finalement. Il ne me faisait pas l’affront de dissimuler ses attentes quant à notre soirée sous des beaux discours qu’il ne croyait pas lui-même. Il me faisait preuve de franchise en tout temps, ainsi qu’en toute circonstance. Cependant, je crois bon de préciser que l’issue de cette soirée demeurait tout de même plus qu’incertaine. Et ma seule présence dans une jolie robe du soir pour aller dîner en sa charmante compagnie, ne garantissait pas que j’allais me fondre dans ses bras cette nuit-là. Disons que ce serait le dîner lui-même qui déterminerait cette issue. Si l’homme que je découvrais me captiver au point de me donner l’envie d’être sienne le temps de quelques heures, je l’accompagnerais dans ses draps. Si au contraire l’homme que je découvrais me déplaisais, je lui laisserais le plaisir de jouir de cette suite tout seul. C’était une bonne contrepartie non ? A mes yeux cela l’était, en tout cas. Et tandis que je lui rendais service en nouant sa nouvelle cravate noire, je me laissais aller à de nouvelles confidences que je méprisais faire avec d’autre. Rien de bien extravagant, toutefois. Simplement une anecdote sans intérêt qu’il avait parfaitement le droit de vite oublier. Se saisissant de ma main gauche une fois que ma tâche fut terminée, Joseph admira l’alliance qui ornait mon annulaire gauche, avant de me confier une incompréhension. Je l’écoutais avec attention, m’étonnant qu’il ait compris quelque chose que je n’abordais pourtant pas.
_ Ni l’un ni l’autre. Lui répondis-je avec douceur, laissant ma main dans la sienne. _ Mon mari n’est pas mort, et tu n’es pas l’objet de mes tromperies. J’étais entièrement sincère à ce sujet. Ce n’était pas ainsi que je considérais les choses. _ Non. A mes yeux tu es surtout une belle rencontre que je me complais à découvrir d’avantage dans un luxe que tu ne connais pas. Je lui souriais. _ Et ne va pas croire que je te fais la charité car ce n’est pas le cas non plus. Je veux juste que notre soirée devienne inoubliable. Il ajouta ensuite qu’en tant que psychologue, je devais savoir ce que je fais. _ Absolument pas. Avouais-je spontanément en laissant ma main retombait doucement le long de mon corps. _ J’agis uniquement sous l’impulsivité du moment, sans savoir si j’ai raison ou non de le faire. Je ricanais quelque peu avec amertume, contre moi-même. _ Enfin. Si. Je sais que j’ai tort de le faire, ne serai-ce que par loyauté envers mon époux, mais je ne peux pas m’empêcher de le faire.
C’était une mise-à-nue radicale. Cet homme en savait désormais bien plus sur mon compte que mon amie Abigaël.
_ Allons dîner. Dis-je pour conclure cet instant gênant, en enroulant mon bras à celui qu’il me proposait.
Je ne savais pas si j’avais aussi faim que lui, mais je savais que je préférais aller manger. Quittant la chambre à son bras, je le laissais nous guider jusqu’à l’ascenseur en l’observant avec attention. Il admirait la décoration du corridor avec attention. J’étais curieuse de savoir ce qui l’intriguait à ce point. Était-ce les dorures que l’on retrouvait partout et surtout ? Étai-ce la décoration datée d’une autre époque, que je n’affectionnais pas ? Je l’ignorais. Mais j’estimais que cela devait être un ensemble d’éléments. Regagnant la boite en métal qui se fermait sur nous, j’observais mon invité lorsqu’il prit la parole. Effectivement. Je ne le connaissais pas du tout. Et la description du portrait type d’un homme effrayant qu’il me faisait était bien trop détaillé pour qu’elle soit un exemple sortie de nulle-part. Tout chez lui le confirmait. De son regard brillant de malice à son sourire sarcastique, je comprenais qu’il venait de se décrire lui-même.
_ Ce n’est pas comme ça que je t’imaginais, je dois l'avouer. Et cela ne change rien à l'opinion que j'ai de toi. Lui confiais-je en souriant, le regard vissé dans le sien. _ Tu es un homme d’une compagnie agréable et ce ne sont pas tes erreurs passés ou actuels qui me convaincront du contraire.
J’avais eu affaire à bien pire. J’aurais affaire à bien pire.
Je souris aux mots que m’adresse Joseph.. C’est appréciable qu’il me certifie que cette soirée est déjà inoubliable. Quant au fait que sa sincérité n’a d’égale que sa chance, je le crois sur parole. Jusqu’ici il ne s’est jamais rabaissé à me raconter n’importe quoi pour me satisfaire alors… je pense sans me tromper qu’il a prouvé qu’il était un homme digne de confiance. Sans doute même bien plus digne de confiance que je ne le serais jamais plus. Il est honnête. Il n’a rien à cacher. Ou rien qui ne me concerne réellement. Il n’a donc pas à s’inquiéter à ce propos. Il n’a qu’à profiter de cette soirée pleinement, en faisant fie des confessions d’une épouse récemment volage. Ce que je me promets de lui épargner, me trouvant beaucoup trop bavarde au sujet de mes propres paradoxes. Joseph n’y est pour rien si je n’agis plus véritablement en accord avec ma conscience. Il n’a donc nullement besoin de se sentir tel un objet de divertissement pour une femme riche. Je ris d’ailleurs quelque peu à cette idée que nous soyons tout les deux des adolescents impulsifs. Et si c’était ça, finalement, la réponse que je cherchais dans les livres. Et si tout ce qui m’arrivait, que j’estime parfaitement incontrôlable, n’était qu’une crise d’adolescence à retardement. Cela ne m’apparait pas impossible. J’ai été amenée très jeune à me comporter comme une femme, au prix d’une adolescence sacrifiée. Je me promets donc d’explorer cette option plus sérieusement ultérieurement. Pour l’instant, je me contente de rassurer mon invité du mieux que je le peux, quant à mon époux.
_ Je te promets que je ne dirais rien de toi à mon mari si d’aventure il apprenait notre potentielle liaison.
Pour l’heure, nous ne faisons rien de mal. Au contraire. En dehors d’un petit baiser échangé à la bibliothèque, nous avons essentiellement passé notre temps à nous préparer pour le dîner. Dîner que j’invite Joseph à aller partager en enroulant mon bras au sien, immédiatement. Il n’a peut-être pas l’habitude des endroits chics, mais il possède tout d’un véritable gentleman. C’est à croire qu’il a du sang aristocrate dans les veines sans lui même en avoir conscience. D’ailleurs, au portrait qu’il dépeint d’un homme dangereux, que je devine assez rapidement être lui, je confirme cet état de fait. Joseph ne réalise absolument pas les qualités qu’il possède. D’ailleurs, qu’il ait fait de la prison, qu’il se pique pour se droguer, ne change absolument pas mon opinion. Il reste un homme charmant dont j’apprécie la compagnie depuis l’instant où il m’a abordé.
_ Ne crois pas ça. Dis-je en riant au fait que ma carrière me rend inébranlable. _ Le simple fait d’avoir étudiée la psychologie ne m’immunise pas contre les réactions parfois stupides de l’être humain. J’ai juste appris à ne pas me fier aux apparences ou aux erreurs que l’on peut commettre.
Je ne suis pas parfaite, même si j’en donne l’allure. Je suis juste comme lui : une femme parée d’une belle tenue, cachant un être abject. Pour le moment je dissimule bien mon jeu en jouant toujours l’épouse idéale, mais le jour où le vernis craquellera que je serais comme lui : infréquentable. Une idée qui m’étreint le coeur, et que je chasse dès lors que les portes de l’ascenseur s’ouvre sur nous. Je ne parle d’ailleurs plus à Joseph. Je me concentre sur le voiturier, que j’aborde pour récupérer mon véhicule au parking de l’hôtel ; puis ensuite sur la route que m’indique le G.P.S, qui connait bien mieux Brisbane que moi. Je me retiens de préciser à Joseph la raison de cet emploi excessif d’assistant vocal. Je me dis qu’il finira bien par deviner que je suis étrangère à cette ville. Stationnant mon véhicule non loin du restaurant chic du quartier de Spring Hill, je rejoins mon invité qui m’offre à nouveau son bras. Je l’en remercie d’un sourire charmant tandis que nous prenons déjà la direction de l’Esquire. Je demande une table pour deux au maitre d’hôtel, dès qu’il nous accueille. Il nous indique immédiatement de lui suivre jusqu’à une table partiellement cachée du reste du restaurant. Je souris en songeant qu’il nous a prit pour un couple marié. Le remerciant tandis qu’il m’ouvre mon siège, je me saisie du menu qu’il nous offre avant son départ. Il y a beaucoup de choix. Cependant, il n’y a rien de bien nouveau contrairement aux autres restaurants de la même gamme. Je l’observe avec attention lorsque Joseph reprend la parole, avec cette franchise que j’apprécie véritablement.
_ Effectivement. Je lui confirme, un sourire charmant. _ Le Homard porte toujours le même nom, quelque soit le restaurant.
Le Homard Terminado, si je ne m’abuse. Enfin. Peut-être qu’ici il font preuve d’originalité. Alors que je reprends la lecture de mon menu, Joseph me pose une question à laquelle je ne m’attendais pas. Qu’est-ce qui réveille mon appétit sexuel. Excellente interrogation. Je n’en ai absolument aucune idée. En dehors de mes aventures intimes avec l’un de mes patients, qui avait un don pour aiguiser mon appétit en faisant rien de particulier - j’imagine, je n’ai jamais vraiment ressentie un besoin irrépressible de sexe. Il y a bien eu les premiers émois avec mon mari, qui ont tenu une grande majorité de notre union. Toutefois, ils étaient motivés par nos sentiments. De ce fait, je me sens soudainement comme une adolescente qui ne se connaitrait pas sur le plan intime.
_ Hé bien… J’entame, après un profond soupir ne dissimulant pas mon embarras. _ Je dois admettre que je n’en ai aucune idée. Autant faire preuve d’honnêteté également. N’est-ce pas ? _ Je… C’est difficile d’admettre à l’âge de quarante ans que l’on a eu une vie sexuelle affreusement basique autant qu’exempt de folie. Si l’on fait l’impasse sur ma liaison passé, c’est entendu. _ Je me suis mariée très jeune avec mon mari. Je poursuis, le regard toujours vissé dans le menu. _ Je ne sais donc pas ce qui est susceptible d’éveiller mon appétit en dehors de profonds sentiments amoureux. Je lui lance un regard furtif, pour juger de l’ampleur de mes mots sur son étonnement. _ J’imagine qu’être en présence d’un homme séduisant, autant qu’entreprenant, doit être de ces choses qui en font partie.
Je me fie uniquement à mon aventure avec Liam, pour avancer cela. Je n’ai aucune idée si cela est exacte. D’ailleurs, je crois bon de toujours m’accrocher à mon menu, en quête d’un plat susceptible d’aiguiser mon véritable appétit
Je m’en doutais. Mes propos précédents ne pouvaient pas être autrement que surprenant aux oreilles de mon invité. Et l’interrogation qui suit ne manque pas de me le confirmer. Pourquoi ? Parce qu’il n’en croit tout simplement pas ces propres oreilles. C’est à tel point, qu’il estime avoir besoin de changer les termes pour mieux les assimiler. Ce qui est relativement amusant, je dois dire. Voir déconcertant, peut-être. Inconsciemment, il me pousse à faire un choix sur la réponse que je vais lui fournir. Si je réponds par l’affirmatif, je vais lui mentir. Je vais lui laisser entendre que mon mari est mon seul homme, alors que j’en ai officiellement eu un autre au cours des mois passés. Peut-être même – et je dis bien peut-être, va-t-il vouloir se dévouer à me faire vivre une nuit exceptionnelle sur le plan intime, comme on se dévouerait à prendre en pitié une cause perdue. Impensable. Si je réponds à contrario par le négatif, il va de nouveau se faire à l’idée qu’il n’est qu’un objet sexuel pour une riche couguar mariée et… Je soupire, imperceptiblement. Ce que tout ceci semble compliqué tout d’un coup. Le mieux resterait que j’agisse comme je le fais depuis que nous nous sommes rencontrés, avec impulsivité, mais quelque chose m’en empêche. La peur. La peur de ne pas être perçue telle que je le suis vraiment. La peur de nous entraîner fatalement sur un chemin dont je ne suis pas certaine de vouloir emprunter la direction. La peur de n’être encore que la femme de passage, bien que j’en sois une indubitablement. Et pour cause : ces valeurs sur le plan relationnel n’ont rien de communes aux miennes. Selon lui, on ne peut se satisfaire d’une seule personne à vie ; c’est donc normal que j’en vienne à me chercher des amants, consciemment ou non. Sujet sur lequel je ne suis pas d’accord. Cela va sans doute paraître démodée, mais il se trouve que je suis convaincue que la sexualité prend une dimension totalement différente, lorsque des sentiments sincères entre en équation. La preuve en est : mon mariage. J’ai vécue vingt ans avec pour seul amant mon époux, et je ne me suis jamais sentie frustrer sur le plan intime de notre union. Non. C’est les aléas de la vie qui m’ont conduites à m’offrir à d’autres bras et… Peu importe. Le débat ne mérite pas d’être abordé présentement. Il resterait stérile, gâchant peut-être par la même occasion le dîner. Je préfère plutôt me concentrer successivement sur l’intervention du serveur, puis les confessions spontanées de Joseph sur ces parents. L’amertume à leur sujet est palpable à des kilomètres à la ronde. Je sens que nous sommes en plein dans un sujet sensible. Un sujet qui lui fait mal. Un sujet qui motive éventuellement ces actions présentes. En résumé : un sujet que j’aimerais approfondir pour l’aider, et qu’il cherchera obstinément à fuir pour se protéger. J’ai le temps d’un nouvel interlude soudain du serveur pour opter de la « bonne » réaction à avoir. En attendant, je me concentre partiellement sur la carte des plats, puis celles des vins, pour passer commande.
_ Nous prendrons votre meilleur vin blanc pour accompagner une assiette d’huître en entrée. Le serveur note consciencieusement cette demande, tandis que j’énonce la suite du menu. _ Ensuite, nous prendrons un Homard Terminador pour monsieur, et un pavé de thon rouge, sauce soja aux saveurs d'acacia, accompagné de sa ratatouille de légumes de saison. _ Pour le vin ? _ Apportez-nous ce que recommande le chef avec ces deux plats.
Il acquiesce puis récupère nos menus. C’est le moment idéal pour reprendre notre conversation, là où il l’a interrompu précédemment. Je me racle d’ailleurs brièvement la gorge, avant de prendre la parole.
_ Tu sais, Joseph, pour rebondir sur ce que tu disais auparavant au sujet de tes parents, je pense que le plus important dans la vie n’est pas de les satisfaire ou non, mais de nous satisfaire nous même. Si tes choix te rendent heureux, ou du moins te conviennent, alors tu n’as pas à te les reprocher. Je marque une pause. _ Néanmoins, je comprends que l’on puisse accorder une importance à leur jugement. Moi-même j’ai menée toute ma vie de sorte qu’ils soient fiers de moi. C’est pour eux, notamment, que je n’ai pas fréquentée d’autres hommes que mon époux. Le travail et la réussite étaient tous ce qui comptait à leurs yeux. Encore aujourd’hui je mène mon existence en suivant ce précepte.
Sans doute à tort. Mais il est délicat de sortir d’un schéma familier pour prendre des risques, tels qu’ils soient.
Joseph valide mon choix d’entrée commune d’un échange bref de regard. C’est parfait. Je n’ai pas commis d’impair en optant pour cette commande sans le concerter. Ce qui n’aurait pas était grave, le cas échéant. J’aurai dégustée ses demoiselles seule, et le problème aurait été réglé. Ce qui en devient un, toutefois, c’est ma décision de lui parler de ces parents. Je sens un malaise évident se propager dans tout son être. Je m’attends donc à une réaction possiblement violente, comme celles dont Liam m’a habitué dès que j’abordais son père. Verdict ? J’avais vu juste. Joseph se redresse sur son siège dans une position qui se veut de défense, et les reproches fusent sous couvert de sous-entendu entre les lignes. Il reste courtois, c’est un fait, mais il ne me trompe pas. Il n’a véritablement pas apprécié que je me permette d’explorer cette faille qu’il m’a exposé, comme chacun de mes patients avant lui, et il emploi l’attaque comme un moyen de dissuasion de m’y risquer d’avantage. Pied d’égalité. Je souris en songeant au premier homme qui a intelligemment employé cette méthode. Cependant, contrairement à Joseph, je n’ai pas de griefs contre mes géniteurs – au point de ne pas chercher à les côtoyer, et il ne connaît pas le sujet le plus douloureux me concernant. Mais j’applaudis mentalement la tentative, brillante. Je me saisie même de mon verre d’eau pour me préparer mentalement à ma réponse à venir, tandis que j’en bois une gorgée. Une personne lambda lui dirait assez grossièrement que les mots employés n’avaient été prononcés que dans le seul but de lui apporter un peu de réconfort ; qu’il n’avait pas besoin de montrer quelque peu les crocs pour faire entendre qu’il ne voulait pas de ça. Avec moi, psychologue de métier, la réponse serait bien plus complexe. Ne me demandez pas pourquoi. Je l’ignore. J’ai toujours imaginée que c’était parce que mon étude approfondie du cerveau humain me permettait de contrôler les réactions naturelles de certaines émotions, telle que la colère par exemple. Oui. Une infirme partie de moi n’a pas apprécié qu’il me juge sans me connaître. J’espère que tu ne penses pas réellement que le travail et la réussite te permettront de mourir sans la crainte d’avoir gâché ta vie. Qui est-il pour prétendre qu’une vie de sexe, de drogue, encouragent moins la crainte d’avoir gâché sa vie sur son lit de mort ? Un psychiatre de renom ? Un chercheur acharné ayant éludé la question par divers témoignages ? Mm. Certainement pas, non. Monsieur est juste un gamin qui a mal tourné parce qu’il a voulu au choix : se rebeller à un moment de sa jeunesse ; ou s’amuser à un moment de sa vie d’adulte. Je me rappelle d’ailleurs la gêne avec laquelle il m’a cité son existence passée, sous couvert d’un exemple trop détaillé pour n’en être qu’un. Pourquoi ne s’assume-t-il pas s’il pense que sa vie est bien mieux que la mienne, étriquée dans des règles parentales ? La réponse est simple : parce qu’il a ce sentiment de gâchis bien plus fort que je ne le ressens moi-même sur certains aspects de mon existence. Et son attitude est criante de vérité. Il est aussi mal-à-l’aise qu’une sourie coincée dans un coin de mur, face à un chat affamé. Et le voir se débattre me fait pitié. C’est étrange puisque jusqu’ici, cela n’était pas le cas. Je le trouvais intriguant, charmant, amusant, et que sais-je encore ; mais absolument pas touchant au point de me faire penser : pauvre garçon. Il aborde à nouveau ces questions auxquelles je n’ai pas répondu, comme un argument de défense. Il avance que mon silence laisse présager que nous sommes tout deux face à nos démons. Dans mon cas, pas réellement, non. Le seul homme qui m’expose à mes démons se trouve à être mon ex-patient : Liam. Lui, il m’aide dans mon auto-analyse de mon attitude générale, à l’opposé de celle que j’aurais eu quelques années auparavant envers sa personne. Autrefois, après que nous aurions bavardés à la bibliothèque, je lui aurais indiqué ne pas être intéressé pour plus d’une banale conversation au détour d’un rayonnage. Et il se pourrait bien que je lui formule dans les instants à suivre, s’il continue à faire preuve d’exubérance dans un domaine qu’il ne maîtrise pas. La psychologie, c’est mon domaine. De nous deux, je suis la seule à pouvoir le mettre à nue d’une simple analyse visuelle. Et c’est ce que je fais, face à son dégoût suivant son aveu sur des réponses que je ne désire soi-disant pas. Cet homme a été maltraité par son passé, moralement ou physiquement. C’est évident à la seule volonté qu’il a de se barricader derrière une armure sur lequel il espère faire renvoyer la lumière sur ma propre personne, pour me déstabiliser. Je souris amèrement en le voyant successivement fuir mon regard, pour ensuite me compartimenter dans un stéréotype de « gosse de riche ». C’est méprisable. J’aurais pu en faire autant sur son cas, précédemment. Et j’aurais dû, quand je découvre à quel point cet homme est plein de préjugés.
_ Je n’ai pas de « formule gagnante », Joseph. Dis-je enfin en posant le verre sur la table, avec une légère dureté dans la voix. _ Il n’y a aucune éducation idéale. Aucun chemin de vie parfait. Nous avons tous des griefs plus ou moins importants vis-à-vis de nos géniteurs – y compris le fils du prix Nobel de la paix, et tu sais pourquoi ? Question rhétorique. _ Parce qu’il est plus facile de reporter la faute sur eux plutôt que sur nous même. J’ancre mon regard lagon dans le sien, avec détermination. _ Qu’on le veuille ou non, nous faisons nos propres choix – suivant une éducation, c’est entendu – mais nos propre choix tout de même. Alors ne vient pas mettre la faute sur le dos de tes parents, qu’importe ce qu’ils ont été ou non pour toi. Et si sur ton lit de mort tu auras le sentiment d’avoir réussie ta vie parce que tu te seras fait des milliers de femmes entre deux prises de cocaïne, que grand bien te fasse. En attendant… Je me penche lentement en sa direction. _ Ne me fait pas l’affront de me cataloguer dans ses petites cases qu’ont les esprits étriqués. Je me repositionne, puis me saisie de mon verre. _ Quant à tes questions, je ne les ai pas « zappés », comme tu l’avances Joseph. Tes questions, j’ai pris le temps de les analyser pour savoir si oui ou non tu étais digne que j’y réponde avec franchise. Verdict ? Non. Suite à ta plaidoirie de défense, pour me convaincre de me mêler de mes affaires, j’ai le déplaisir de constater que je ne suis à tes yeux qu’une « gosse de riche », faisant la fierté de papa et maman, ayant fait toujours les bons choix pour devenir « parfaite ». Je marque une pause pour me désaltérer, conserver mon calme. _ Maintenant, tu m’excuseras, mais cette conversation m’a coupée l’appétit. Je te laisse savourer ton Homard ainsi que cette suite à l’hôtel. Je dépose à nouveau le verre, puis me lève. _ N’oublie pas de la rendre avant onze heures demain matin, sinon elle te sera facturée pour la nuit suivante. Je contourne la table pour lui susurrer ces mots à l’oreille, cassants, telles que n’ont été les siens face à ma méprisante « perfection ». _ Et je doute qu’un pauvre ex-taulard, mignon, et drogué de surcroit, puisse se permettre un tel luxe. Je marque une courte pause. _ C’est très désagréable, n’est-ce pas, de n’être vue que comme les stéréotypes nous imaginent. Je me redresse, puis lui souhaite courtoisement. _ Sur ce, bonne soirée Joseph, ce fut un plaisir de te rencontrer.
Je prends la direction de maître d’hôtel pour payer d’avance les plats qu’il consommera. Je ne m’attends pas à ce qu’il me rattrape, ni ne me retienne. Et je ne pense en avoir l’envie. Je pensais avoir déceler une belle âme derrière les apparences, à tort. Cet homme ne cherchait rien de plus qu’à profiter de la fortune d’une femme esseulée en la charmant de discours faussement timides. J’ai été tellement naïve. Je sors du restaurant sur cette pensée, décevante.