Good Things 2018. Un festival sur une journée qui fait un petit tour de l’Australie. Vu la liste des groupes présent à l’affiche cette année, j’ai pas réfléchit bien longtemps avant de prendre mon billet. On est venu avec Levi, Ariane et Wendy. J’ai été bien content de voir qu’elle était toujours partante pour le festival en vue des derniers évènements.

Ca fait déjà une heure qu’on est là et on a été voir quelques groupes qu’on connaissait pas. C’était fun, mais rien qui m’a vraiment touché pour l’instant. Je viens de quitter mes compères pour trouver des toilettes. En revenant je passe devant des stands de bouffe et je me dis que c’est le bon moment pour manger un bout. J’ai vu les horaires pour le reste de la journée et j’ai un groupe à voir tout le temps pratiquement. Ca ne va pas me laisser beaucoup de manoeuvre pour me nourrir.

Je lève un sourcil quand je connais un type dans un des foodtruck. Je ne sais plus son nom mais je me souviens très bien de lui. Nos routes se sont croisés par deux fois déjà. C’est tout naturellement que je vais vers lui. En plus il termine tout juste avec un client.

« Hey ! Tu te souviens de moi ? »

Super entré en matière. Je fouille dans ma mémoire pour lui donner plus d’indications parce que je suis presque sûr qu’il va pas me remettre. J’ai pas envie de faire un flop.

« J’étais à ton bar pour le jour de l’an. Ca remonte à presque un an en fait… »

J’ouvre de grands yeux en m’en rendant compte. Les détails de la soirée me reviennent en tête et je plisse un peu les yeux ensuite, reprenant la parole aussitôt.

« Oh mais… C’est à cause de toi que Lene a quitté la soirée précipitamment. »

Elle ne m’a jamais reparlé de ce moment, ni de ce mec. Je n’ai jamais rien demandé à ce propos non plus, me disant que si elle avait envie de se confier, elle l’aurait fait. Trop gênant comme situation pour le mettre sur le tapis.

« Ca vaut ce que ça vaut mais j’avais trouvé ça super touchant. »

J’ajoute rapidement, me disant que ma phrase telle quelle ne doit pas avoir grand sens.

« Que tu l’aies embrassé à minuit je veux dire. »

Mon dieu je parle trop. Je voulais juste lui dire bonjour parce que son visage m’était familier à la base. Il va pas me servir si je continue comme ça.

C’était une idée de génie, et bien sûr, elle était d’abord venue de Scar, quand la brune était entrée au DBD l’air défait, complètement démontée qu’on n’ait aucun tacos au menu et limite me faisant flipper sur le fait que ce qu’on servait côté bouffe était complètement à chier et inutile et dégueulasse. De ça était venu la réflexion que la nourriture mexicaine du côté de Logan City laissait clairement à désirer, et qu’en soirée de cuite on se retrouvait toujours à se cogner le nez contre des portes de boulangeries, de pâtisseries ou de salons de thé fermées à double tour depuis les jolies heures encore ensoleillées de fin d’après-midi. Le reste était né d’un brainstorm d’employés autour de quelques Dos Equis, les quartiers de lime qui se pressaient dans nos bières plus vite que notre ombre. Un nouveau local, un ajout aux cuisines, un resto, un ou une chef invité(e). Et j’y revenais toujours, à l’idée du mec un peu hipster qui s’assume à peine, qui se dit qu’un food truck, ça pourrait être cool, ça pourrait être sympa, ça pourrait le faire. Pas trop de boulot pour le retaper, des heures ciblées et un menu relativement simple. Pas besoin de grand chose de plus que d’un moment test, et avec la saison des festivals qui commençait et les petites annonces de camions à rénover que je voyais remonter de tous bords tous côtés dans les journaux. Le reste avait germé dans ma tête. On avait pas encore le fric nécessaire pour investir mais ça viendrait, ma grande gueule se chargerait de dénicher quelqu’un, qui que ce soit, qui voulait nous prêter son camion le temps de s’amuser, de voir si la formule était juste un plan de team bourré, ou si y’avait de l’avenir.

C’est Deklan qui était de sortie avec moi aujourd’hui, Asher devait venir nous rejoindre plus tard dans la journée avec un nouveau stock de tequila pour des killer margaritas. Un client habitué du DBD depuis ses premiers jours connaissait un type pote avec une cuistot incroyable, qui avait prévu être à l’aile alimentaire du Good Things Festival cette année, mais qui avait dû se désister pour des soucis avec sa plus jeune gamine. D’office sans trop y penser, j’avais offert de remplacer avec les gars pour dépanner - et en tirer un profit de réflexion totalement égoïste et assumé en apportant quelques modifications au menu original pour lui donner une vibe mexicali comme il faut. Occupé pour la 4e fois depuis ce matin à renflouer les garnitures, sourcils froncés à dévisager la salsa verde comme si elle allait me sauter au visage, j’entends une voix au comptoir, un blond qui se la joue familier, le visage que je reconnais sans vraiment le reconnaître. « Oui, bien sûr. » Dek connaît parfaitement la voix du Matt premier de classe, du gars qui tente toujours de sauver les meubles, et le sourire que j’affiche le trompe pas alors qu’il passe à la caisse un trio de potes et leurs quesadillas d’usage. « Ah - j’me disais aussi. » Dieu soit loué, le nouveau venu précise qu’il était à la soirée du Nouvel An, et je commence un peu plus à m’y tâter à nos souvenirs communs, non sans m’épater du fait de croiser autant de gens chaque jour au boulot et d’arriver tout de même à en reconnaître une large partie. La précision d’après n’est pas nécessaire et il me fera sursauter un brin à dire son nom, à parler de Lene aussi facilement que ça alors que pour moi, c’est un sujet sensible depuis facilement plus d’un an. « Y’en a au moins un qui a apprécié. » le clin d’oeil est faux mais je force à peine le rire qui suit, lui tendant un menu pour qu’il puisse doucement faire son choix. « Vous bossez ensemble, c’est ça? » étonnamment, je ne demande même pas pour avoir des pistes sur si elle et lui sont ensemble ou autres intérêts communs ; j’ai depuis longtemps appris qu’avec Lene, moins on se met le nez dans sa vie privée sans qu’elle n’en donne l’autorisation, mieux on se porte. « Y’aura pas de baiser à minuit aujourd’hui, mais j’espère que les tacos répareront le coup. » je suggère au blond l’assiette traditionnelle, celle qui semble être notre meilleur vendeur, la voix qui s’amuse et qui semble presque détachée. C’est qu’il y croit de plus en plus Matt, y’était temps. « Ça t’embêterait en même temps de me dire lequel tu préfères? On fait des tests, on pense à ajouter un foodtruck comme cousin au café. » puis, sans trop attendre qu’il accepte ou pas, j’ajoute un nouvel argument, patiemment à l’écoute de sa commande. « Et puis ton avis honnête et ta grande générosité vont m’aider à passer par-dessus le souvenir humiliant que t’as amené même pas 2 minutes après nos retrouvailles. »  battements de cils d’office et j'éclate de rire sans bien sûr lui en tenir rigueur. Way passed that.  

Je me sens trop con d’avoir parler de cette histoire de baiser. Je réfléchis pas et je dis les premiers trucs qui me viennent en tête parfois et c’est pas toujours une bonne chose. Comme là. Si une fille s’était barré en courant après que je l’embrasse à minuit, je n’aurai pas envie qu’on me le remette en plein visage. Je m’en veux trop et je pense déjà à tout ce que je vais lui prendre à son stand pour me faire pardonner. J’hoche la tête quand il demande si on bosse ensemble.

« Ouais. »

Lene est ma work wife mais je me garde bien de lui faire part de ce terme que j’utilise depuis plusieurs mois. On se soutient mutuellement et y’a eu quelques moments plus tôt dans l’année où on s’est considérablement rapproché.

Il remet sur le tapis le baiser à minuit et je sens que c’est un peu hostile. Je le mérite. Je ne vais pas continuer sur cette lancée. Mes yeux vont sur le menu pour voir ce que je peux prendre. Je cherche les trucs les plus cher, comme si l’argent allait rattraper ma connerie. Ca fera marcher son business c’est déjà ça. Le gars me demande de tester des trucs, d’être le cobaye. Ok deal. J’hoche la tête. Ca sera ça ma bonne action pour ma boutade d’un peu plus tôt. Il en fait mention de nouveau. Rhaaaaa. Je me sens mal. Il se marre mais non, je sens bien que ça l’a touché.

« Je suis vraiment désolé je voulais pas, j’ai pas pensé… Je suis con. »

Je fronce le nez, pas fier de moi.

« Je vais te prendre tout ton stock de tacos pour me faire pardonner. »

Je plaisante qu’à moitié. J’en suis capable. N’importe quoi pour soulager ma conscience. Je suis un peu trop sensible comme gars. Un moindre de truc j’en fais une montagne alors que souvent les gens en face de moi sont déjà passé à autre chose. Moi je cogite encore. Me faut souvent de longues heures pour que je passe à autre chose.

« T’as des bières aussi ? »

Parce que là on parle d’un gros business en ce qui me concerne. Je vais m’hydrater avec ce liquide toute la journée et s’il en sert, il est possible que je passe par son stand plus que les autres. Je dirai à mon squad, Levi, Ariane et Wendy, de venir s’abreuver à ce stand là. C’est limite si j’ai pas envie de noter la localisation GPS de l’endroit pour pouvoir le retrouver facilement au gré du festival.

« Mais envoie les trucs à tester. Faut juste que je file dans une vingtaine de minutes, y’a Mayday Parade qui joue. »

Et impossible que je les loupe.

Le pauvre se confond en excuses et je vois bien que c’était que de la maladresse et pas qu’une pique discrète mais incendiaire. C’était ma faute aussi, quand venait le temps de mentionner Lene, y’avait toujours ce petit relent à l’intérieur, ce malaise, cette incertitude, ce stress. L’adrénaline qui pointe et qui apparemment se complait dans un moyen de défense comme un autre, celui d’en rire, d’insister encore et toujours, quand bien même c’est le chaos interne du moment où Adams venait sur le tapis.  « Mais non voyons, c’est rien. » ma voix est douce, contraste avec les artistes sur la scène à quelques dizaines de mètres de nous qui commencent à s’accorder, font un vacarme de dingue en sourdine. La prochaine fois, je note à l’interne de poster le potentiel hypothétique nouveau food truck à proximité d’une scène hip hop tiens, un peu de r&b pour calmer les tympans.  « Si tu dis par contre que la guac’ est trop épicée, là, ça passera pas. » m’activant à l'arrière des garnitures, c’est un sourire en coin que je lui renvoie pour clore le chapitre, pas du tout l’intention qu’il y ait quelqu’un d’autre que moi qui pâtisse de mes erreurs aujourd’hui. Le soleil est haut dans le ciel, ça sent bon le fromage grillé et les tomates fraîches, la vie va bien.

« Toi tu sais comment me parler. » l’appétit de glouton du blondinet me ravit, et c’est même une petite danse qui accompagne ses paroles lorsqu’il blague à vouloir tout commander. Ce que, mine de rien, je compile tout de même, lui montant une commande à petit prix pour rester tout de même raisonnable, mais alignant déjà les divers ingrédients pour lui sortir tout le menu. J’espère égoïstement qu’il prévoit partager - et bombarder Internet de photos, comme un bon vrai blogueur foodie circa 2012 - pour la simple et unique raison que je tente encore de me convaincre que c’est une bonne idée. En soit, Deklan et Asher semblent pas mal convaincus, Scarlett a moins râlé sur le projet depuis qu’il est plus tangible, c’est presque ça ; mais, mais. J’ai besoin de la confirmation du public voyez-vous, le peuple.  « Le Mexique houblonné est dans le petit frigo juste là. Et les quartiers de lime sont à côté. » de la plaque à faire rôtir la viande, je lui pointe du menton le cube au bout du comptoir où on peut se servir en terme de Corona, de Dos Equis et de Tecate. Le regardant du coin de l’oeil faire son choix, j’en profite dès qu’il a le dos tourné pour flipper les tortillas avec une lenteur presque calculée, pas encore tout à fait champion du poignet - Jill et/ou Andy adoreraient être ici à l’instant pour souffler de dérision - et hop, dans l’assiette. « Testons vite, testons bien. » son horaire de ministre me fait rire, sa panique presque palpable motive les fourchettes que je dépose à la va-vite, les plats avec, et une bonne dose de serviettes papier quand bonasse, j’appuie mes coudes sur le comptoir, commence à lui décrire le tout en pointant en alternance les assiettes.  « Crevettes & chorizo mexicain ici, là t’as poulet mole, ça c’est le boeuf Ancho con queso fresco - un p’tit extra supplémentaire parce que tu t’es excusé assez de fois pour que ce soit moi qui ait envie de m’excuser à mon tour... » clin d’oeil pour la forme, et on y retourne.  « … et ça, c’est le végé, maïs, ceviche de légumes et manchego. » ne lui reste plus qu’à plonger les couverts, et qu’à savourer.  « Tu veux procéder comment? Test de goût à l’aveugle, ou tu t’inspires des romains en mode orgie de bouffe? »

La guacamole, j’adore ça. Je ne sais pas si j’en ai déjà mangé de la véritable, mais à chaque fois que j’en ai eu c’était un délice. Je suis fan d’avocats donc voilà. Faut pas chercher plus loin. J’ai hâte de goûter ça et de peut être tout lui dévaliser, repasser par ici à la fin du fest et me faire des provisions pour les quelques jours à venir.

Apparemment l’argent c’est bel et bien un moyen de se faire pardonner avec lui. Je ne me souviens pas de son prénom d’ailleurs. Mince. Je vais lui demander au détour de la conversation. Il est en train de me préparer la bouffe et j’ai l’impression qu’il y en a pour quatre. Sauf que j’ai pas mon squad avec moi et je ne vais pas avoir le temps de les retrouver, revenir, manger, filer jusqu’à la prochaine scène. Fuck fuck fuck. Je vais devoir manger tout ça tout seul. Non calme toi Kane, t’en es capable. Tu mangeras pas pour les trois jours à venir mais tu en es capable. Oui parce que si il me sert tout ça et que j’en mange qu’un quart, je vais pas savoir où me mettre. Bon au pire je vomis quelques mètres plus loin après. No big deal. Je peux le faire. Je vais tout manger. Il confirme qu’il a de la bière, avec du citron. Parfait. Ca aidera à faire descendre tout ça. Je vais déjà me servir la bière, une Corona, dans le compartiment qu’il m’indique, parce que c’est clairement un truc indispensable pour ma survie. Je mets le citron à l’intérieur après l’avoir ouverte.

J’ai le droit à la description de tout ce qui est sous mon nez et ça a l’air pas mauvais. Tout ce qu’il dit, ça me parle carrément. Il veut savoir comment je vais procéder. Merde quoi ? Faut que je lui donne un mode opératoire ? Je peux pas juste manger ? Je comprends pas trop, ça se voit sur ma tronche que je suis pas sûr.

« Heu… Je vais faire… De droite à gauche. »

J’espère que ça répond à sa question et voilà que je commence déjà à manger. Pas de temps à perdre. Je suis agréablement surpris parce que cette première bouchée est vraiment bonne. J’hoche la tête en regardant le gars de l’autre côté du comptoir.

« Ah ouais ça j’aime. »

Même si je suis pas sûr de quoi il s’agit parmi tout les trucs qu’il a énuméré. J’avale.

« C’est comment ton prénom déjà ? »

Voilà, j’ai casé ça. Je suis content de moi. Mais je sais très bien que je n’en parlerai pas à Lene. Ca a l’air aussi sensible pour elle que pour lui ce sujet. C’est juste pour mon savoir personnel. Je termine le tacos en une deuxième bouchée et je me dis que j’en aurai bien manger plus des comme ça. Je crois que c’était le végétarien.

Une longue gorgée de ma bière et je ne me mets pas tout de suite à manger le deuxième plat qui est sous mon nez. Je suis pas complètement con. Si je peux éviter de vomir je vais le faire.

« T’es cuistot en fait ? Je pensais juste que tu tenais le bar à Logan City. Tu viens d’Angleterre c’est ça ? J’y suis allé en Août. »

Je me base sur son accent. Et me voilà déjà de nouveau la bouche pleine à entamer la suite de ce gros repas que je n’ai pas encore payé.

Et j’éclate de rire à la seconde où il affiche à nouveau l’air perdu du pauvre type qui sait pas du tout où se mettre. C’est à croire que j’arrive à le mettre mal à l’aise plus vite que mon ombre, et vaguement, y’a un filtre qui doucement pense à se mettre en place pour ne pas le retrouver à flipper à chaque fois où mes sarcasmes et autres blagues de beauf finiront pas avoir sa peau. « Le bon vieux classique. » j’approuve tout de même, suivant son regard qui file d’un côté à l’autre de l’étalage mexicain encore grésillant, les parfums qui se mélangent aux couleurs sous mon air ravi. Profitant d’une accalmie parce qu’un des shows en parallèle vient de débuter, j’ose même me déboucher une bière et en offre une à Dek, lui qui passe à ma hauteur au moment où le blond me demande de but en blanc mon prénom. « Smoooooth. » Deklan qui rigole, inoffensif, lui qui peut bien parler avec ses propres techniques de drague à revoir, typique homme de cro-magnon que Scarlett avait remis à sa place un nombre incalculable de fois. « Matt. Matt McGrath. » j’esquive une autre excuse du blond en sauvant la mise, pas le moins du monde insulté qu’il ne se souvienne pas de mon nom, me demandant même si je lui ai déjà dit. Puis, logiquement, y’a une part de moi qui se rassure que Lene ait pas trop mentionné mon cas, assez pour que mon prénom marque. On se réjouit comme on peut. « Et toi c’est Kane, c’est ça? Ou Blaine? J’sais que ça rime avec Bane. » le côté bien geek qui ressort, un sourire en coin de plus.

« Ok donc t’as vraiment décidé de tout manger? I’m impressed. » lorsqu’il gobe le deuxième taco en une bouchée complète et dédiée, j’hoche de la tête, impressionné. C’est que finalement, la technique de l’orgie alimentaire romaine fait son chemin. Ou bien, que j’ai raison, lorsque j’avance que peu importe son niveau de faim, dès qu’il y a du fromage grillé d’impliqué c’est bien dur de se limiter. « De base pas vraiment, sauf que j’aime bien cuisiner depuis toujours. » faisant la conversation, j’éclaircis ses questions sur mon rôle, encore un peu étonné qu’après toutes la série de fails scolaires qu’a été ma vie, je me retrouve le moindrement heureux dans une carrière où je me sens de plus en plus accompli. « Mais ouais, j’ai acheté le local du DBD y’a presque deux ans maintenant, ça va vite. » une gorgée de bière plus tard, c’est pas trop le moment de faire dans la nostalgie, un peu parce que je me rappelle toute la crasse et la poussière que j’ai eue à nettoyer à mon arrivée et les jurons nombreux prononcés avant que l’établissement ait l’air de quelque chose de correct. « Né à Londres, mais j’ai grandi à Brisbane. On y est retournés quelques années, pour finir par revenir dans le coin. » évidemment que les détails restent en suspens. On se vante pas trop d’avoir participé à un master plan initié par les parents pour partir d’ici en vitesse, briser le coeur de ma cadette et de celle qui pourrait bien être the one, et revenir à Brisbane la queue entre les jambes d’espérer réparer la quantité phénoménale de pots que j’ai cassés y’a 8 ans. Petite gêne, qu’on dira.

« Tu permets? Ça m’énervait qu’il en manque, désolé pour ton estomac. » et j’ose avant qu’il refuse, ajoute une bonne cuillère de guacamole sur la pauvre coquille de maïs et de boeuf qui à mes yeux avait l’air d’être plutôt dégarnie. C’est là où je retiens mentalement qu’il n’y a jamais trop de garnitures, jamais. « T’as aimé? C’était ta première fois au Royaume-Uni?  » réalisant que je l’ai coupé dans son élan de discussion, je relance, attentif, poli.

J’aime bien le voir s’ouvrir une bière lui aussi. Ça donne moins l’impression que je suis le client et lui le boss de l’endroit. On dirait qu’on est là pour manger ensemble même si y’a que moi qui m’occupe de la nourriture. Presque comme un rendez vous avec une fille qui a peur pour sa ligne. Matt s'est présenté j'ai pas capté son nom de famille y'a eu un gars assez bruyant à côté à ce moment là. Mais bref, le gars derrière Matt ne se prive pas de mettre au devant de la scène avec mon apparente technique de drague envers le boss. Oui. Non. Je ne joue pas sur ce tableau là, mais bon, j’ai rien contre l’idée, je suis pas fermé. Enfin je veux dire, ça me répugne pas. C’est la vie. Mais rien n’entrera dans mon arrière train. Je l’ai déjà dit à Wendy quand elle a déballé le contenu du carton cadeau de Levi et Ariane.

Wow il se souvient de mon prénom. Un rapport avec Batman si je comprends bien la référence mais comme je suis pas sûr je ne fais pas de remarque là dessus. Je n’ai pas le temps de vérifier discrètement ma culture sur mon téléphone parce que j’ai encore un nombre sérieux de tacos à manger. Nan mais en plus j’ai oublié que le signal téléphonique est vraiment merdique sur le site du festival mais bon, je suis pas là pour squatter les réseaux sociaux.

« Kane oui. T’as une bonne mémoire. »

Je me demande s’il se souvient de la bière qu’on a partagé ensemble au feu d’artifice. C’était y’a bien deux ans. Je crois que je ne connaissais pas encore Lene à cette époque. Oui je n’arrive pas à le dissocier d’elle parce que j’ai ce baiser du jour de l’an qui m’a marqué. Je l’impressionne avec ma détermination à tout manger mais il ne se rend pas compte de la culpabilité que je ressens. Je me retiens bien de lui dire. Mais ça va me faire du bien de lui faire plaisir à tester toute sa carte. Il est certain que quoi qu’il arrive je vais lui dire que des trucs positif. Surtout que c’est réellement bon. Heureusement d’ailleurs parce que je ne sais pas mentir donc ça aurait été assez laborieux. Mais comme il ne me connait pas vraiment ça serait peut être passé. J’hoche la tête quand il me dit qu’il aime cuisiner.

« T’es doué. »

Vu que je ne cuisine jamais par flemme plus qu’autre chose, un rien m’impressionne à ce niveau là. Je n’ai pas du tout le chic pour associer les aliments comme ma mère le fait quand elle pioche tous les restes dans le frigo pour concocter un gratin maison de son invention. Je réalise doucement qu’il est le propriétaire du bar à Logan City et je crois que je savais cette info mais je sais pas pourquoi, j’avais pas imprimé vraiment. Je suis impressionné qu’il possède un business. J’engloutis une nouvelle bouchée de tacos alors qu’il confirme être anglais mais quand même pas mal australien aussi. Il me rajoute une dose de guacamole.

« Wow. »

J’ai quand même l’impression que le gars veut me gaver comme une oie. Mais je vais gérer, je crois en moi. Je bois ma bière pour faire glisser ce que j’ai déjà avalé et il me demande si j’ai aimé. Je crois qu’il parle de la bouffe mais il précise le Royaume Uni. Ah oui. J’hoche la tête et alors que je vais prendre la parole, un beau rot s’échappe de ma gorge.

« Pardon. Ouais j’ai adoré. On y est allé pour Leeds festival surtout. C’était la cerise sur le gâteau. »

Je continue la conversation, profitant d’une nouvelle pause dans ma dégustation.

« Je pense que j’y retournerai. Avec ma copine cette fois. Je l’ai laissé toute seule pendant un mois et en plus elle avait la jambe bloqué, elle s’était fait mal enfin… Pas de chance quoi. Mais mon voyage était prévu depuis trop longtemps. Je l’aime de tout mon coeur mais… ouais. Non. C’était pas vital on va dire. »

Mais pourquoi je parle autant de la fille que je fréquente ? C’est l’amour qui parle pour moi.

« Je te l’aurai bien présenté si elle était dans le coin. »

Et je jette un coup d’oeil autour de moi en disant ça mais je sais que non, elle ne sera pas là, y’a trop de monde pour tomber sur elle si facilement. D’ailleurs quand je pense que j’ai faillit proposer à Lene de venir au festival… Mais vu le fiasco que le premier et dernier concert qu’on a fait ensemble, je n’ai pas envie de reproduire ça. J’arrête de parler et je reprends de manger.

De le voir se régaler me rassure, quoi qu’à un moment j’ai légèrement des doutes sur la quantité monstrueuse que je me suis installé pour le voir s’enfiler. Sagement appuyé sur le comptoir aménagé à l’intérieur et qui sert de 44 façons parce que petit espace signifie aussi grande débrouillardise, j’assiste au spectacle d’un Kane qui alterne les bouchées et les gorgées, presque médusé par la facilité désarmante avec laquelle il se goinfre. « Tu vas le faire rougir! » ses compliments brefs quoiqu'éloquents m'arrachent un rire, et évidemment Deklan en profite pour réapparaître dans l’angle, pas vraiment parti depuis de toute façon. Il s’amuse le grand dadais, il a rien à faire, et l’instant d’après je l’entends même téléphoner à Asher pour s’assurer qu’il est sur le chemin du retour avec le reste des ingrédients nécessaires à survivre au happy hour margarita style. Kane relance la conversation d’un rot bien affirmé, et c’est évidemment gamin comme au premier jour que je pouffe, la bière qui lave le reste. « Ça va, on est en famille. » qui rassure le jeune homme devant sa démonstration gutturale. Il reprend, raconte son séjour sur mon continent de naissance, un festival que je connais de nom pour y être allé une année, me souviens légèrement du line up que Ginny et moi avions adoré.

« Le festival reviendra l’an prochain ; vous aurez bien le temps d’y retourner et d’en profiter ensemble. Je suis sûr que tu trouveras le moyen de vivre ça de la bonne façon avec elle. » s’il s’épanche à ce point sur le cas de la demoiselle, et qu’il justifie le tout avec autant de passion, je devine qu’en effet, il l’aime de tout son coeur. C’est beau tout ça, c’est cute comme tout, ça vaut un sourire entendu, de bonnes intentions que je lui renvoie en espérant sincèrement que l’an prochain, ou l’autre d’après, qui sait, il réitère avec elle. D’ailleurs, ça me fait penser, levant la tête pour regarder au loin un brin par-dessus son épaule. « Elle est à quelle scène? T’es pas en train de manquer un show que tu voulais voir, hen? Sinon, j’ai des cartons pour emporter aussi. »

M’activant juste au cas, calculant qu’il a peut-être envie de partager avec elle, je récupère quelques plats, les rapproche à distance respectable, lui offrant l’option s’il a pas envie de se forcer non plus. « Et… t’es venu qu’avec elle ou… d’autres potes?  » entre les serviettes de papier et le sac pour transporter le tout, reste que j’y pense, à Lene. Mais le tact du siècle essaie de faire passer le tout d’un ton détaché, trop pour l’être vraiment. « Je demande, au cas où t’aies besoin de plus d’ustensiles. » parce que c’est un peu moins glamour de préciser que de savoir qu’Adams est peut-être dans le coin change un brin la donne, et que je ferai gaffe pour ne pas garder son pote séquestré trop longtemps volontairement.

Je ne sais pas si le gars de derrière parle de faire rougir Matt légitimement ou s’il est en train de se foutre de moi. Je suis déjà écarlate ? Ça se peut, c’est presque mon état constant au fond. Je prends soin de ne rien commenter mais je lâche un petit rire. Non le gars a l’air drôle. S’il se moquait de moi, ce serait juste pour plaisanter de bon coeur et je lui accorde. Je me suis fait toute une backstory déjà sur son compte en un clin d’oeil. Je sais pas pourquoi je l’ai catalogué comme un chic type. Peut être parce qu’il fréquente Matt et qu’il a l’air bien décent lui même ? Juste une impression parce qu’on se connait pas des masses tous les deux. Juste il a une bonne tête et il en pince pour Lene. Il s’est fait rejeter par elle aussi après un geste hautement romantique et je compatis fort.

Petit sourire d’appréciation quand il ne fait pas un fromage de ma remontée d’air. Ça va quoi. C’est la nature. Il pense que je vais retourner à Leeds l’année prochaine. Ouais j’aimerai bien. Le festival y sera c’est sûr. Mais trois de mes groupes préférés en même temps ? Certainement pas. C’était vraiment la meilleure année pour moi. J’en reviens toujours pas. Deaf Havana, Trophy Eyes et Bring me the horizon. Sans parler de Panic et Queen Dua Lipa. Oui elle s’ajoute à la liste des femmes que j’épouserai sur le champ si l’occasion se présentait un jour.

« Ouais, si je peux y retourner un jour ce serait cool. »

Mais je ne pense pas que ce sera dans un futur proche et je suis un petit peu triste à cette pensée. Il me demande où se trouve Wendy et je me mords la lèvre. Il a l’air de s’en vouloir de me retenir mais… T’inquiètes pas mec.

« Il me semble qu’elle a parlé de voir Waterparks, je sais plus quelle scène c’est mais… »

Je fronce le nez.

« … pas ma tasse de thé. »

Pour ça que j’ai profité de ce moment pour mon break toilette. Aussi pour ça que je ne culpabilise pas de rester avec Matt au lieu de la chercher. I’m a bad boyfriend. Non mais vraiment. Awsten Knight est hilarant mais leur musique, j’aime pas trop. J’ai écouté leurs albums et à chaque fois j’ai eu l’impression que c’était une longue chanson de 45 min. Meh. Matt a un peu pris les devants comme s’il voulait que je file au plus vite et je ne le retiens pas parce que si c’est lui qui me retire la bouffe, c’est toujours mieux que de lui laisser les plats intouchés devant moi. Je bois une nouvelle gorgée de ma bière et laisse sortir un rot supplémentaire, plus discret. Il me demande à propos de mes compagnons. J’hoche la tête. J’ai l’impression qu’il veut dire quelque chose mais qu’il ne le fait pas. Que je suis sensé comprendre au travers de son regard mais désolé mec, on se connait pas assez pour ce genre de conversation silencieuse. Il doit capter mon interrogation parce qu’il se justifie.

« Je suis là avec deux amis. Ma copine et deux amis. »

Je réalise quelque chose et je me mets à penser à voix haute.

« D’ailleurs j’aurai pu retrouver Levi au lieu de me faire Waterparks. »

Parce que les moments où il y a Levi et Wendy dans le coin sont souvent source de conflit interne. Ok pas souvent, TOUT LE TEMPS. Donc un moment où y’aurait eu juste Levi et moi ça aurait été tranquille pour la paix de mon âme. Un léger éclair de génie me traverse et je regarde Matt, l’air tout sérieux.

« T’as pas des pass backstage comme tu tiens un stand sur le site ? »

C’est le tout début de la journée. Y’a encore tant de chose à faire aujourd’hui, si je peux caser un tour dans les coulisses, WIN. Mais qui je suis pour qu'il m'offre ce genre de plan ? Je sais pas, j'y ai pas pensé.

Je fais mine de réfléchir lorsqu’il mentionne le nom d’un des groupes présents aujourd’hui, plisse des yeux pour chercher un logo ou quoi que ce soit les signalant au loin, mais rien n’apparaît dans mon champ de vision, du moins, pas à proximité. « Waterparks? Connaît pas. » pas la peine d’insister, maintenant que Kane se confie entre deux gorgées qu’en effet, c’est pas tant son genre et qu’il n’est pas posté ici à se goinfrer contre son gré. Grand bien m’en fasse, je ralentis un temps soit peu mes mouvements. Réalisant dans un de ses soupirs que je l’ai peut-être pressé, c’est Matt le proprio coolos qui entre en jeu, celui qui veut toujours s’assurer que ses clients soient ses potes, et l’inverse. « J’voulais pas te chasser, hen, j’ai juste pensé que tu voudrais peut-être les rejoindre et... » et il me faudra finir le reste de ma bouteille de bière avant que je poursuive, l’air stupide, la question qui sera expliqué brièvement, juste assez. « … ok c’est pas cool, je demandais aussi au cas où Lene soit là. C’est con. Oublie. »

La vérité, c’est bien sûr que depuis qu’il l’a mentionnée, j’ai ce petit pincement de la voir surgir, l’impression que si elle est dans le coin j’ai pas le droit de brusquer, de m’imposer, d'insister surtout. Faire gaffe, faire attention, me tenir à carreaux. Depuis la mention d'Hawaï et le billet ouvert que je lui ai donné, c’est le néant dans ma tête et dans mon coeur, incapable de savoir si elle va être là, le 31 décembre, à la même gate que moi à l’aéroport. Ou si j’me suis fait des films encore et toujours, et que depuis l’instant où j’ai remis les pieds à Brisbane, nos bribes de relations ou du moins ce qu’il en reste (ait) est mort dans l’oeuf. Attrapant des ustensiles pour quatre donc, je finis d’emballer les paquets de Kane en focusant sur tout sauf ça, bien content de l’entendre changer de sujet pour parler le langage de celui qui veut se gratter du VIP. Je sais exactement où il veut en venir, je l’ai fait moi-même des tas de fois en abusant des contacts de mes parents pour me faufiler là où l’élite se planquait.  

« Ah, ça je peux faire. » c’est un immense sourire ravi qui s’affiche sur mon visage lorsque j’étire ma silhouette à demi hors du food truck, de façon à attirer l’attention de la proprio du kiosque à côté du nôtre, un stand à smoothies de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. « Hey, Agnes! T’as toujours les pass en trop? » elle m’en avait proposé quelques unes quand on était arrivés le temps de s’installer mais on avait refusé voulant se la jouer professionnel jusqu'au bout, elle qui apparemment était une habituée du festival et s’était mérité un beau gros stash de tickets backstage pour la remercier de sa fidélité. Elle hoche de la tête de la positive, ses grandes mèches blond cendré encadrant son visage rieur et particulièrement bronzé. « Quatre tu disais? » retour à Kane, mes sourcils dansent d’amusement, bien content de le dépanner si besoin. Tous les moyens sont bons pour rendre un service, et comme il m’inspire un bon truc, comme il a une cool vibe, je pense pas à deux secondes avant de faire le lien entre lui et mon pseudo contact sur le site.

Je suis surpris quand il se justifie sur son attitude. Il veut faire bien, mais pas sûr que ce soit vraiment ce dont j’ai besoin parce qu’il ne connait pas véritablement mes plans. Il a vraiment l’air d’un gars bien. Je l’avais déjà senti quand on a passé un moment ensemble au feu d’artifice. Ce gars est cool. Je me demande vraiment c’est quoi toute l’histoire avec Lene. Si faut y’a aucune histoire et il a juste tenter de l’embrasser au jour de l’an. Ca se voit de loin que Lene est cool. Elle dégage un truc. Elle est pas juste jolie. D’ailleurs il parle d’elle. Il a cru qu’elle aurait pu être dans le coin.

« Oh ouais non. J’ai pensé à lui proposer mais je l’ai pas fait finalement. »

Je n’explique pas mes raisons parce que ça sert à rien d’entrer dans ces détails. Ça serait beaucoup trop d’information alors que tout ce qui l’intéresse c’est si la brune est là et tout porte à croire que non. Sauf si elle est venu de son propre chef, mais ça m’étonnerait. On en aurait sûrement parler au boulot. Tout le monde sait que je fais beaucoup de concert alors quasi à chaque fois que quelqu’un va en faire un il m’en fait part et c’est toujours un très bon moment de passer à parler musique. En tout cas je vois bien que Matt a l’air d’avoir l’esprit occupé suite à cette aveux. Lene le fait cogiter.

JACKPOT. J’ai vraiment parlé du pass backstage au pif et il peut m’en filer un. Ça se voit sur mon visage que j’en reviens pas. Je suis sur le cul. Mais au fur et à mesure qu’il s’approche de toucher les laminates un sourire se forme sur mes lèvres.

« Ouais quatre ! »

Mon dieu mais c’est parfait ! Je suis soufflé. Je ne sais pas encore ce que je vais en faire ou quand je vais m’en servir parce que j’ai des shows à voir mais je vais trouver un moment avec Levi pour filer en backstage c’est sûr. Enfin, Levi, Wendy et Ariane. Mais je ne sais pas si ça va réellement les intéresser à elles. Je proposerai en tout cas, c’est sûr.

« McGrath, je te pose ça où ? »

Je ne vois pas de quoi il parle mais je lève un sourcil en l’entendant dire. McGrath ? Et quand je vois Matt se retourner vers son collègue je comprends que c’est de lui qu’il s’agit.

« McGrath ? Comme… Levi McGrath ? »

Vu son coup d’oeil vers moi je prends ça pour un oui.

« Tu es de la famille de Levi ? Mon Levi ? Alors ça… Levi connait Lene ? »

Premier truc qui m’est venu à l’esprit en connectant tout ça parce que visiblement on a du monde en commun lui et moi. J’ai aussi peut être envie de voir si la Adams était assez proche de Matt pour connaître sa famille. Subtile comme moyen d’en apprendre plus sur leur historique à tous les deux non ? Oui, je me sens doué.

Agnes ne met pas trop de temps avant de brandir sous nos yeux - et ceux particulièrement brillants de Kane - de quoi le ravir lui et trois de ses potes pour le reste du festival. Fonctionnant aux bons services et aux bons comptes, y’a ce petit soulagement de voir qu’un problème aussi facile à régler qu’en un claquement de doigt rend tout le monde bien satisfait. Mais ça, c’était avant que la proprio du foodtruck voisin au nôtre s’éternise à jouer à travers les pailles de toutes les couleurs, replace les serviettes de papier le coup d’oeil rieur. « Et pendant que j’y pense, tu m’as toujours pas dit ce que tu faisais après. » aucun sous-entendu autre qu’elle avait proposé d’aller prendre une bière, de décanter post-Good things. Pas vraiment vu de charme dans ses manoeuvres, pas tant reçu le tout comme une invitation à un date potentiel, peut-être parce que je bosse tellement fort sur l’idée d’ouvrir un camion du genre que mon esprit s’y dédie, sûrement parce que la date butoir du 31 décembre arrive à grands pas et que depuis que j’ai donné son billet à Lene, y’a pas grand chose d’autre qui occupe mon pauvre esprit de con de service, deux neurones en total qu’on doit pas trop forcer sous peine de les brûler. « On nettoie, et on rentre assurer les arrières de l’équipe au bar après. » que je rétorque, sur le même ton qu’elle, et elle semble pas trop s’en offusquer, autre argument qui m’assure qu’au final, elle était probablement juste friendly. Deklan manque pas la scène par contre, et déjà je l’entre-aperçois dans mon angle qui erre entre nos deux commerces à sortir les poubelles ou une excuse bidon du genre. « Une prochaine fois, p’t’être. » elle hoche de la tête, le sourire aux lèvres toujours bien haut, et retourne à sa cuisine non sans être accostée par un Dek à la chasse sous mon coup d’oeil ravi d’entremetteur de second degré.

Le grand blond de retour avec les tickets, j’ai à peine le temps de le remercier que Kane enchaîne, presque plus enthousiasmé par mon nom de famille que par ses nouvelles acquisitions. « J’ai toujours su que ce jour viendrait : j’étais voué à vivre dans l’ombre de la star du clan.  » faussement blessé, exagérant en plaquant ma main sur mon torse bruyamment, j’éclate de rire en passant à un autre mode totalement, celui de l’entremetteur, celui des sourcils dansants et de la voix qui chante. « Tu veux que je tente de t'avoir un autographe? » mais voilà que Kane me répond de suite, statuant qu’il n’est pas seulement un fan de mon anglais de cousin, mais également un ami proche. Et ce genre de coïncidence ne m’étonne même pas, au sens où je connaissais Levi comme le type sociable, comme le mec toujours entouré, toujours le premier à vivre des histoires de fou, des rencontres à la tonne. Facile de comprendre ce qu’il faisait sur place, et pourquoi il était pote avec un Kane qui mine de rien, me semblait un grand passionné par la musique depuis la seconde où il s’était posté devant mon kiosque. « Levi connaît Lene mais il l’a jamais rencontrée, juste, il s’est coltiné mon… point de vue. » restons vagues, n’allongeons pas les longues soirées à parler avec lui de l’histoire entre Adams et moi, de mes dizaines de conneries, de mes réflexions à deux balles et de son avis qu’il a toujours su modérer bien comme il faut. « Il est avec toi aujourd’hui? » faisant mine de le chercher dans la foule un temps, je reporte mon attention sur le pompier l’instant d’après. « Et il passe même pas voir son cher et tendre cousin. » de retour à Matt la drama queen, parce qu’en vrai, qui pourrait dire que je n’ai pas tous les qualificatifs pour ne pas jouer ce rôle à la perfection? « My heart. »

Il qualifie Levi de star de son clan et ça me fait grave sourire parce que c’est clairement ce qu’il est. Il est aussi la star de notre clan qu’on forme tous les trois avec Ariane. C’est lui le gars qui est dans la musique sérieusement. Qui fait de la scène, qui tourne ici et là. Qui gagne du fric grâce aux notes qu’il écrit. Un truc assez inconcevable pour moi qui garde tout ça au niveau du hobby. Une chose est sûr, je vais parler de Matt dès la seconde où je choperai Levi. Non. Ok. Si jamais y’a un set qui commence ça attendra après. Voir Matt fait le gars faussement choqué, sa main sur la poitrine ça me fait carrément rire parce que j’aurai pu faire exactement la même chose. Il me propose un autographe de Levi et il me fait encore plus rire.

J’apprends donc que Levi connait Lene. De nom. Via l’historique qu’elle a avec Matt. Intéressant. Il va pouvoir m’en dire beaucoup sur le sujet. Je vais le torpiller de questions il va rien comprendre. OUI je suis curieux. Laissez moi ma dose de potin annuelle. Je suis sûr qu’au boulot je suis toujours le dernier au courant de tout. J’hoche la tête à Matt et je ne compte pas mettre Lene plus longtemps sur le tapis. J’ai un Levi à questionner à outrance moi.

Il me demande si Levi est là, j’hoche la tête.

« Quelque part par là ouais. Faut que je le retrouve d’ailleurs. »

Je suis en train de préparer mon départ parce que le prochain groupe sur ma liste va pas tarder à jouer et y’a pas de tacos qui tiennent. Je ne louperai pas ça. J’en ai oublié que j’ai blessé Matt en arrivant. Comme quoi on oubli bien vite les choses parfois. Mais tant mieux. Pas envie de culpabiliser plus longtemps à ce propos qu’il a sûrement déjà oublié.

Matt fait son vexé que Levi ne soit pas passer le voir et ça me fait sourire de nouveau. Quand il termine avec son « My heart » ça me fait trop trop trop sourire parce que je dis ça moi aussi.

« My heart is yours. »

Que je chantonne en faisant l’air de « My heart » de Paramore. Levi reconnaîtrait lui. Je ne sais pas si son cousin est à son niveau de ce côté là. Il bosse sur un festival mais ça ne veut pas dire qu’il connait beaucoup de truc sur le sujet. Un food truck ne demande pas de réciter la liste de tous les nommés aux Grammys de ces dernières années.

« Enfin, pas littéralement. Juste. Enfin… Rien. »

Pas rare qu’une chanson me vienne en tête quand on me dit tel ou telle chose. J’en fais part ou non. Tout dépend avec qui je me trouve. Là c’est sorti tout seul. Levi aurait compris.

« Je vais y aller. Mayday Parade vont pas tarder. »

Je sors un billet pour payer tout ça parce que ouais, j’avais pas encore fait ça. Je récupère les paquets à emporter qu’il m’a donné et les laminates. Très important.

« Merci pour tout. Je dirai à Levi que son cousin est une personne formidable. »

Et je le pense vraiment. J’ai un sourire sincère aux lèvres. Je lui fais un dernier signe de tête et je file de mon côté en marchant assez vite. Envie de vite retrouver tout les autres pour la suite du fest.