Tu n’as pratiquement pas dormi de la nuit. Tu n’as plus réussi à fermer l’œil, à partir du moment où tu t’es réveillé en sursauts. Tu as vu ta peau partir en lambeaux. Tu t’es vu te fixer dans le miroir, et fondre comme neige au soleil. Comme un vulgaire morceau de chair plongé dans l’acide. Tu n’arrives pas à savoir si ton cerveau est bloqué, alors que tu fixes le mur d’en face, ou si tu penses tout simplement beaucoup trop pour réussir à bien aller. Tu étais là, comme ça, depuis combien de temps ? Tu avais entendu Douglas se lever puis partir. Wall-e était venu gratter à ta porte pour demander à sortir. Tu avais enfilé un survet’ le temps de le promener, un peu vide, et tu étais retourné te planquer sous la couette à peine rentré. T’as même pas faim. Tu n’as même pas envie de te lever pour grignoter quoi que ce soit. Tu n’as pas envie. Tu n’as pas envie que le temps continue. Tu aimerais bien que ça s’arrête. Là, maintenant. Tu ne pensais pas que ça t’angoisserait autant. Tu ne pensais pas que tu paniquerais autant. Ce n’était rien, pourtant. Rien ne changerait par rapport au jour d’avant. C’était juste trente ans. Trente ans, sans Neptune, avec un job de merde et ta solitude. Tu as l’impression que c’est l’heure de faire les comptes. Tu as l’impression que c’est presque le moment de regarder où tu en es, et putain, ça t’effraie. Comment est-ce que ce sera dans dix ans ? Tu te sens con. Tu te sens con d’angoisser comme ça. Va falloir que tu ailles chez tes parents. Va falloir que tu ailles manger pendant dix ans, que tu regardes les succès de ta fratrie. Tu vas te prendre quelques remarques dans la gueule. Des vieux sous-entendus sur le possible quelqu’un qu’il serait temps que tu ramènes. Des gosses qu’il serait temps que tu fasses. Un appart en solo (ou en duo, mais pas en coloc), qu’il serait temps que tu prennes. Tu te sens pas prêt pour ça. Tu ne te sens absolument pas prêt pour toutes ces conneries, et encore moins pour affronter ta famille. Tu sens que tu vas te foutre minable la veille. Tu sens que tu vas te foutre minable pour ton anniversaire. Vu ton état aujourd’hui, tu seras plutôt le déchet que le roi de la fête.
Et puis il y a ce bruit de porte. Celui de Douglas qui rentre. Le bruit des griffes du chien sur le sol. Joyeux ? Probablement un peu. Peut-être qu’il vient lui faire la fête. Peut-être qu’il est tout content d’avoir un second brun. Un brun un peu plus enclin, au moins aujourd’hui, pour les câlins. Est-ce que ça t’atteint vraiment ? Est-ce que tu l’entends vraiment ? Probablement pas. Ou peut-être un peu. Juste assez pour tirer un peu plus la couverture à toi. Te blottir en dessous, dans ton royaume déchu. Juste au cas-où. Juste au cas où cela suffise à te protéger.
Dernière édition par Archie Allen le Lun 24 Déc 2018 - 22:46, édité 1 fois
Douglas évitait de plus en plus la colocation, non pas qu'il y avait un quelconque soucis avec Archie, simplement il avait besoin de prendre du temps pour réfléchir, pour savoir ce qu'il devait faire, il était en pleine remise en question et ne savait pas comment celle-ci allait se solder.
Le peu de fois où le jeune anglais était dans le logement, il ne voyait quasiment pas Archie, comme si chacun d'eux s'étaient enfermés dans une pièce et ne souhaitait pas croiser l'autre. Pourtant ce n'était pas le cas, enfin peut-être un peu si. Il avait peur des propos que pourrait avoir le brun à son égard. Peur des reproches qu'il pourrait lui faire s'il venaità apprendre tout ce qui le travaillait autant. Mais au fond, Douglas ne pouvait s'empêcher de penser à Archie, qu'est-ce qui le rendait ainsi ? Pourquoi était-il toujours cloitrer dans sa chambre ? Est-ce qu'il était malade ? Le jeune homme ne cessait de s'inquiéter pour elle en sachant qu'il souffrait du départ de sa précédente locataire et amie.
Ayant une bonne mémoire, Douglas n'avait pas oublié que l'anniversaire de son ami approchait et donc, il avait décidé d'organiser un petit truc. Rien de très exceptionnel, mais juste de quoi marquer le coup. Tout comme Archie avait pu le faire avec lui lorsque c'était le sien. Et d'ailleurs, il en avait été très touché. Ça l'avait vraiment étonné qu'il prenne une initiative comme celle-ci. Comme quoi, on peut parfois être agréablement surpris.
Cela faisait plusieurs jours qu'il jonglait entre le boulot, son travail de bénévole, ses révisions et l'organisation de cette petite soirée. Il avait attendu d'être le vendredi soir pour faire ça, même si c'était un peu en avance par rapport à la date réelle de son anniversaire. Pour une fois, il avait mis ses peurs de côté et s'était dit qu'une petite soirée dans un bar pourrait peut-être changer les idées à Archie, mais il ne tenait pas non plus à le ramener complètement alcoolisé, alors oui, il s'était longuement posé la question pour savoir si c'était ou non une bonne idée. Encore plus vu son état ces derniers jours.
Le jeune étudiant rentra du cabinet d'avocats et fila dans sa chambre avant d'être intercepté par leur chien. Chien que Douglas avait fini par accepter mais dont il ne s'occupait pratiquement pas, parce qu'il n'était tout simplement pas à l'aise. Alors quand Wall-e venait le chercher, il lui offrait quelques caresses mais ça n'allait jamais plus loin. Peut-être qu'un jour il finira par s'habituer à cette présence. Il déposa ses affaires dans sa chambre avant de se demander s'il devait ou non aller voir Archie. Peut-être qu'il dormait après tout.. Il ne savait pas trop quoi faire et avait surtout peur de la réaction de son colocataire.
" - Archie.. ?" fit-il en toquant délicatement à la porte de sa chambre.
S'il n'obtenait pas de réponse, alors tant pis, il retournera dans sa chambre pour se concentrer sur ses révisions. Peut-être que Douglas aurait dû intervenir plus tôt. Peut-être qu'il aurait dû forcer Archie à sortir, rencontrer du monde, mais il était assez mal placé pour lui faire la morale sur un sujet pareil, alors il s'était tout simplement abstenu de dire quoique ce soit et il avait laissé le temps couler comme si c'était une situation normale. Il savait pertinemment que ça ne l'était pas, mais il se sentait impuissant.
Il y a quelques coups qui sont frappés à ta porte. « Archie.. ? » entends-tu, presque au même moment. Tu souffles. Tu grognes, un peu, alors que tu te recroquevilles encore. C’était la première fois depuis un moment qu’il tentait de t’adresser la parole. C’était la première fois depuis un temps qu’il n’essayait pas de simplement de t’éviter. Pourquoi ? Pourquoi, d’ailleurs, est-ce qu’il était comme ça ? Est-ce que quelque chose le tracassait aussi ? Est-ce que l’aura négative que tu trainais ces derniers temps suffisaient à le dissuader de s’approcher ? Visiblement, ce soir, ce n’était pas suffisant. Visiblement, ce soir, ce n’était plus suffisant. « Quoi … ? » lances-tu, la voix presque éraillée. Eraillée de ne pas avoir parlé de la journée. Eraillée d’être victime de ton mutisme. Tu ne sais pas trop de quoi tu as envie. Tu espères, quelque part, qu’il s’en aille. Tu espères, quelque part, qu’il ne fasse que de te transmettre une information, avant de repartir de son côté. Tu aimerais. Tu voudrais bien. Est-ce que tu dois aller ouvrir la porte ? Est-ce que tu dois aller l’accueillir ? Tu en es strictement incapable. Tu es incapable de bouger. De sortir de sous les draps. Ce n’est même pas un problème d’envie, un manque de volonté. Juste une impossibilité. « J’suis pas au taquet, là … » Tu ne sais même pas pourquoi tu parles autant. Tu ne sais même pas pourquoi tu essaies autant. A croire qu’articuler deux phrases constitue ton deuxième plus gros effort de la journée. A tes yeux, ça l’est. A tes yeux, c’est déjà énorme.
« La porte est ouverte si .. s’tu veux. » marmonnes-tu encore, alors que tu t’apprêtes à affronter la source de lumière qu’il apporterait avec lui. Peut-être que c’est une forme d’appel à l’aide. Peut-être que c’est une manière pour toi de dire que tu ne peux pas rester là. D’admettre que tu ne peux pas rester comme ça. Dans le noir. Sous les draps. Avec ta chambre en bordel et tes affaires qui jonchent le sol. Pourtant, tu sens que tu n’as pas envie de parler. Tu sens que tu n’as pas envie d’élever encore la voix. Tu n’as pas non plus envie d’affronter quoi que ce soit. D’affronter qui que ce soit. Est-ce qu’il s’attendait à autre chose ? Est-ce qu’il s’attendait à ce que tu viennes faire quelque chose ? Tu ne sais pas. Tu ne sais pas, mais tu sens que ton cerveau s’emballe. Tu sens qu’il a envie de commencer à penser. De recommencer à trop songer. Tu as un gémissement étouffé. Tu as un gémissement paniqué.
Et là, tout de suite, il n’y a rien pour te faire sourire. Il n’y a rien pour t’aider. Ni Douglas qui essaie de t’appeler par ton prénom, ni la chaleur et la lumière de l’extérieur. Tu ne parles même pas de Wall-e et de ses bruits de pattes sur le sol de la maison. Wall-e, il ne doit pas très bien piger ce qu’il se passe. Wall-e, il a probablement juste envie que tu te lèves enfin pour aller jouer avec lui. Tu n’as pas la force pour ça, aujourd’hui. Tu n’as ni la force ni l’envie d’affronter la réalité. Tu as juste envie d’abandonner.
Douglas avait longtemps hésité avant de s'avancer vers la porte de chambre de son colocataire. Ça faisait des jours qu'il était enfermé dedans, sans même qu'ils aient pu échangé un mot. Jusqu'alors, il s'en était contenté, parce que lui aussi avait besoin d'espace et de temps pour réfléchir à certaines choses. Et même si ce n'était pas encore parfaitement clair dans sa tête, il avait décidé de changer les idées de son ami. Tout comme lui l'avait fait lorsque c'était son anniversaire. Il lui devait bien ça non ? Et puis, ça forcerai aussi le jeune homme à s'ouvrir un peu, même s'il doutait sincèrement que ce soit une bonne option pour lui. Mais ce soir, il n'était pas question de lui.
Douglas entendit la voix d'Archie derrière la porte. Ce dernier ne l'invitant pas franchement à entrer, c'était le moins que l'on puisse dire. Sur l'instant, l'anglais ne poussa pas la porte, trop anxieux de se heurter face à un mur. Pire. De se faire rejeter une fois de plus. Il n'était pas prêt à affronter ça, pourtant, en pénétrant dans la chambre d'Archie c'est ce qu'il risquait de se passer. Il allait devoir survivre face à cet ouragan et ne pas se laisser emporter.
" - En fait je.. Comme ton anniversaire approche je.. J'avais organisé un petit truc pour toi. Je me suis dis que ça te ferait plaisir.."
Il ne voulait pas trop en dire plus, vu l'état d'Archie, il se doutait que tout ce qu'il avait mis en oeuvre pour lui faire plaisir allait tomber à l'eau. Il passerait sa soirée seul, comme il le faisait depuis qu'il était arrivé en ville, il y a quasiment un an. Un an déjà qu'il est en Australie, et pourtant, il a l'impression que ça date encore d'hier. Il n'a aucun repère ici, il se sent étranger quoiqu'il fasse.
" - Mais bon si tu n'as pas envie, ce n'est pas grave.. Je pensais peut-être que ça te ferait plaisir de fêter ça avec tes amis.."
Archie avait des amis, il avait des personnes qui devait sans doute s'inquiéter pour lui, lui téléphoner ou même lui envoyer des messages. Mais Douglas était quasiment certain qu'il les ignorait autant qu'il le faisait avec lui.
" - Je sais que je suis mal placé pour dire quoique ce soit mais.. Ce n'est pas en restant enfermé ici que tu iras mieux.. Et puis Wall-e t'attend avec impatience. Il ne comprend pas pourquoi tu l'évites. Il a besoin de toi autant que tu as besoin de lui pour remonter la pente.."
Douglas avait fait assez pour ce soir, il allait laisser son colocataire réfléchir à ce qu'il venait de dire, quitte à reporter cette soirée de quelques jours, ou bien de l'annuler si vraiment il n'était pas enclin à sortir avec lui, ce que l'anglais pourrait aisément comprendre. Il tourna les talons pour sortir de la chambre du jeune homme, main sur la poignée. Il s'arrêta quelques secondes avant de jeter un dernier regard à Archie. Il ne l'avait jamais vu dans cet état. Et il savait que ça ne présagéait rien de bon.
« En fait je.. Comme ton anniversaire approche je.. J'avais organisé un petit truc pour toi. Je me suis dit que ça te ferait plaisir.. » Tu ne bouges pas. C’est gentil de sa part, mais là, c’est clairement pas le moment. Non ? « Mais bon si tu n'as pas envie, ce n'est pas grave.. Je pensais peut-être que ça te ferait plaisir de fêter ça avec tes amis.. » Tu grimaces. Tes potes ? Neptune est partie. Les autres ? Ça fait un moment déjà que t’as laissé ton téléphone se vider de sa batterie. Tu restes sous les draps. Pour le coup, tu ne sais pas trop si tu as vraiment envie de fêter ça. Pas maintenant, pas cette fois, pas dans cet état. « Je sais que je suis mal placé pour dire quoique ce soit mais.. Ce n'est pas en restant enfermé ici que tu iras mieux.. Et puis Wall-e t'attend avec impatience. Il ne comprend pas pourquoi tu l'évites. Il a besoin de toi autant que tu as besoin de lui pour remonter la pente.. » Tu l’entends se déplacer, mais tu ne t’agites pas plus qu’avant. Tu sais qu’il a raison, au fond. Tu sais qu’il faudrait que tu te lèves, que tu te rases, que tu te bouges. Que t’ailles vraiment prendre l’air. Tu as un peu envie, mais t’es pas certain d’avoir ce courage-là. Mais y’a le border-collie. Wall-e qui profite du mouvement de la poignée de porte pour se faufiler dans ta chambre. Tu le sens s’appuyer sur côté du lit, et foutre son museau entre les draps. En voilà un qui ne veut pas que tu restes là. Il continue de se glisser sous ta couette, jusqu’à pouvoir te couvrir la figure de grands coups de langue. « Nooooon … Wall-eeee ! » as-tu râlé, alors que tu commençais à pouffer. Tu essaies, au moins un peu, de le repousser. Tu essaies, et rien que pour ça, t’es obligé de te déplier. T’es obligé de sortir ta tête de sous les draps. « Pas dans le lit, Wall-e. » marmonnes-tu, alors que tu lui gratouilles la tête. « A la limite sur le lit. Mais pas dans le lit. » ajoutes-tu, alors que tu lui attrapes la tête pour le fixer. Tu fais la moue. Tu fais une grimace, juste pour essayer de te faire comprendre.
Et puis, tu finis par tourner la tête vers Douglas. « Désolé … » souffles-tu, alors que tes bras retombent le long de ton corps. Tu souffles. Tu souffles, alors que tu pousses un peu le chien pour te redresser – c’est déjà un progrès. Tu t’es frotté le visage, comme si ça allait t’aider. « C’est gentil d’organiser … des trucs. J’te .. j’te remercie pas comme il faudrait. » Tu te sens pas à la hauteur. Tu ne te sens pas suffisamment bien pour correctement le remercier. Est-ce que tu n’aurais pas un peu peur ? Peur de le décevoir ? Peur de grandir, encore ? « Ça m’angoisse. Trente ans, putain. » Tu finis ta phrase dans un marmonnement. Tu grimaces un peu, alors que tu reviens cajoler le chien. Sa présence te rassure, un peu. « Tu voulais … T’avais préparé quoi ? » demandes-tu. Peut-être que tu pouvais te lever. Peut-être que tu pouvais te préparer pour quelque chose.
Douglas y avait mis tout son coeur pour tenter d'organiser quelque chose de bien, quelque chose qui pourrait changer les idées de son colocataire et qui lui permettrait peut-être d'oublier que celle qui semble avoir son coeur entre les mains n'est pas là. Est-ce pour autant qu'il devait se priver de rencontrer d'autres personnes ? On ne va pas se mentir, Archie est un type sympa, qui s'intègre facilement et puis, il a un physique avantageux, loin de déplaire aux femmes, et même aux hommes d'ailleurs. S'il voulait, il pourrait probablement lier de nouvelles amitiés, et plus si le feeling passe. Mais il s'est visiblement mis le doigt dans l'oeil, Archie n'est pas prêt à bouger de sa chambre, encore moins de son lit, et cette petite fête qu'il avait organisé allait tomber à l'eau. Encore des efforts inutile pour le jeune anglais qui tente toujours de faire de son mieux dans tout ce qu'il entreprend.
Il tourne les talons après avoir tenté de convaincre Archie de sortir, ne serait que pour Wall-e. Bien sûr que Douglas est forcé de s'en occuper. Il le nourrit, il lui donne quelques papouilles et le sort quand il a quelques minutes, mais ce n'est pas ce qu'il préfère, il le fait pour le chien qui ne peut tout simplement pas rester enfermé toute la journée. Mais normalement, ils avaient convenu que c'était le rôle d'Archie. Mais même ça, il l'a laissé tomber.
Alors qu'il met la main sur la poignée de la porte pour l'ouvrir et le laisser réfléchir à ses propos, le chien qui a dû entendre son nom rapplique et va immédiatement voir Archie. Cette scène est assez amusante, mais surtout touchante, même si Archie n'a probablement pas conscience de l'amour que cet animal lui porte. Ils sont utiles l'un pour l'autre. Sans doute bien plus qu'Archie aurait pu l'imaginer dans un premier temps. Puis quand ce dernier se calma enfin, Archie s'adressa à Douglas et s'excusa de réagir ainsi.
" - Qu'est-ce que ça change d'avoir trente ans ou d'en voir vingt ? Ça ne change rien, c'est juste un chiffre qui te donne plus ou moins de responsabilités, mais il ne définit pas ce que tu es au fond de toi."
Douglas avait toujours eu un peu de mal à comprendre ces personnes qui faisaient une dépression à l'approche des trente ou des quarante ans. Est-ce que ça changeait réellement quelque chose au quotidien ? Non. Au pire, on te laisse la place dans les transports en commun quand on entre dedans, mais hormis ça, ça ne change rien. Mais encore une fois, c'est la mentalité du jeune garçon, celle d'Archie n'est visiblement pas la même et il n'a pas le droit de le juger. Il doit même le soutenir.
" - Je.. En fait j'avais prévu de t'emmener dans un restaurant puis après aller au bar qui est juste à côté. Ils font une soirée un peu spéciale, je me suis dis que ça devrait peut-être te changer les idées."
En revanche, ce qu'il ne lui a pas dit c'est qu'il a pris contact avec ses amis. Il a "enquêté" sur son compte Facebook, puis il a contacté un de ses amis qui l'a ensuite aidé à contacter les autres. Du coup, s'il refuse d'y aller, le jeune homme se sentira un peu stupide auprès de ces personnes, qui, attendaient Archie avec impatience. Puisque de toute façon, il ne parlait à personne, Douglas s'est dit que ses amis devraient pourvoir lui changer les idées. Lui n'était pas la personne idéale. Finalement, il n'était que l'entremetteur.
« Qu'est-ce que ça change d'avoir trente ans ou d'en voir vingt ? Ça ne change rien, c'est juste un chiffre qui te donne plus ou moins de responsabilités, mais il ne définit pas ce que tu es au fond de toi. » Tu as serré les dents. Tu dois lutter pour ne pas remonter la couverture sur toi. Qu’est-ce que ça changeait ? Tout. « Le problème est dans les responsabilités, justement. Genre … Quand on t’dit qu’il faudrait que tu t’décides à avoir un gosse, que tu t’trouves une meuf, ou qu’enfin, tu sortes du placard. Quand tes potes, tes frères et tes sœurs se marient les uns après les autres, t’vois l’truc ? C’est pas contre toi, mais l’idée que je sois encore avec un colocataire à trente balais, mes parents, ça les fait pas rêver. » lâches-tu, alors que tu viens te ronger l’index. Tu as peut-être été un peu sec. Tu as peut-être été un peu trop direct. Tu t’en veux déjà. Franchement, tu sers à rien, parfois. Tu ne sers à rien d’autre que de blesser les autres – et t’es vraiment pitoyable et lassant rien qu’en pensant à ça.
« Je.. En fait j'avais prévu de t'emmener dans un restaurant puis après aller au bar qui est juste à côté. Ils font une soirée un peu spéciale, je me suis dit que ça devrait peut-être te changer les idées. » Une soirée un peu spéciale. Ça te fait sourire. « Tant que ta soirée spéciale n’est pas une soirée BDSM échangiste … j’peux essayer de faire quelque chose … » La plaisanterie sur le cul, c’était peut-être pas la meilleure idée que tu aies pu avoir avec Douglas. Mais peut-être aussi que tu as besoin d’étaler un peu ta connerie pour essayer de t’en tirer. Il a fait des efforts pour toi. Neptune te buterait si tu n’en faisais pas. « Il est quel heure ? ‘fin … c’est dans combien de temps ? » demandes-tu, alors que tu te lèves enfin. Pas longtemps. Juste le temps de réaliser que tu avais la tête qui tournait un peu trop. Tes fesses se sont reposées presque aussi vite sur le matelas, alors que tu lâchais un léger gémissement. « Putain, ça tourne. » marmonnes-tu. A croire que ton corps s’était un peu trop habitué à la position allongée. A croire qu’il refusait ton élan de détermination soudaine. Mais tu ne pouvais pas laisser tomber maintenant, non ? C’est juste que t’as rien bouffé de la journée. C’est juste que tu as passé trop de temps allongé. Tu te prends le visage entre les mains, un instant. Tu sens ta barbe de trois jours. Tes doigts glissent dans tes cheveux. Trop épais. Tu as besoin de faire quelque chose. Tu dois faire quelque chose à ce sujet. Maintenant ? Pourquoi pas. « Est-ce que … Est-ce que tu peux m’aider à me couper les cheveux ? » laisses-tu échapper. « C’est pas un truc très compliqué, hein. C’est juste un coup de tondeuse … » Rien de très compliqué. Rien qui ne demandait trop d’efforts de sa part. Tu souffles, un peu, avant de retenter de te lever, cette fois-ci avec un peu plus de succès. « Puis .. j’irai me doucher après … » Tu ne savais même pas comment tu allais y arriver. Tu ne savais même pas par quelle force tu avais réussi à faire autant de trucs en si peu de temps vu ton état. Tu souffles, doucement. Il suffisait juste de réussir à ne pas flancher.
Douglas pouvait comprendre l'appréhension des parents d'Archie, seulement, ce n'est pas à eux de décider de la vie qu'il a envie de mener. S'il se sent bien avec un colocataire, dans son boulot et sans avoir personne dans sa vie, alors c'est lui qui décide. L'anglais aurait pu avoir le même discours de la part de ses parents, si seulement ils étaient encore dans sa vie. Ce n'est pas son père qui pouvait lui dire de telles choses, et d'ailleurs, il espérait qu'il ne finirait par le retrouver un jour ou l'autre.
" - Je comprends ce que tu veux dire, les parents veulent nous voir heureux, avoir quelqu'un à notre bras, puis ensuite les petits enfants et tout ce qui s'en suit. Mais c'est ta vie Archie, c'est à toi de décider ce que tu veux. Dans le pire des cas, tu vas faire quoi ? Te forcer à trouver quelqu'un juste pour pouvoir présenter cette personne à tes parents et après ? Les faux-semblants, ça ne dure qu'un temps.."
Mais Douglas aussi rêvait mieux comme vie. Il aimerait pouvoir un boulot stable, une femme avec qui partager les moments importants dans sa vie. Il y a tellement de choses dont il a envie et pourtant, il est encore étudiant et incroyablement seul. La vie que l'on mène n'est pas toujours celle dont a toujours rêvé. Et la réalité venait frapper le jeune Anderson en plein visage. Lui aussi avait un colocataire, il approchait de la trentaine et pourtant, s'il n'avait pas trouvé Archie, il passerait ses nuits dans une chambre d'hôtel. Ce n'était pas vraiment plus glorieux, et les propos d'Archie venait de faire prendre conscience de sa situation.
" - Une soirée quoi.. ?"
Douglas faisait parfois pitié à voir. Il n'était pas chaste au point de tout ignorer de la pratique sexuelle, en revanche, il n'est pas du genre à documenter dessus. Alors le terme que venait d'employer Archie ne faisait pas partie du vocabulaire du jeune étudiant. Il n'avait jamais été plus loin qu'un simple baiser et des caresses sur le visage ou bien sur la main de sa partenaire, c'était pour dire..
" - C'est dans 3 heures, tu as le temps de te préparer sans courir."
C'était bien Douglas, toujours des propos pour rassurer les autres. Archie n'avait pas besoin de courir, il avait le temps, mais il fallait tout de même qu'il se dépêche pour ne pas être en retard.
" - Ne force pas, prend ton temps pour te lever doucement. Et puis.. Mange un petit truc je pense que ça ferait du bien à ton organisme."
Depuis combien de temps n'avait-il pas mangé quelque chose de consistant ? Quelque chose qui lui tenait au ventre ? Sans doute trop longtemps, et son organisme commençait à s'en ressentir.
" - Je.. Euh.. Oui bien sûr.." bredouilla-t-il pour répondre à la requête de son colocataire.
Douglas était un peu déstabilisé par cette demande, ce n'était pas tous les jours qu'il lui demandait de telles choses, alors bien sûr qu'il allait le faire, mais il n'était pas certain de le faire comme Archie avait l'habitude.
" - Il faudra juste que tu.. Que tu me guides.."
Après, il laissera le brun prendre une douche puis se préparer pour aller à cette soirée qu'il avait organisé. Il avait le ventre qui se tordait tellement il appréhendait la réaction du jeune homme. Et si ça ne lui plaisait pas ? Et s'il n'en avait pas envie ? Autant de questions que se posait le brun sans avoir la moindre réponse.
" - Je te laisse te lever doucement, quand tu seras prêt pour que je te coupe les cheveux, appelle moi, je serai dans ma chambre."
Et sur ses mots, le jeune anglais quitta celle de son colocataire pour se diriger vers la sienne. Un endroit dans lequel il avait tendance à se réfugier pour se protéger de tout le reste. Un endroit où il était à l'abri de ses démons.
« Je comprends ce que tu veux dire, les parents veulent nous voir heureux, avoir quelqu'un à notre bras, puis ensuite les petits enfants et tout ce qui s'en suit. Mais c'est ta vie Archie, c'est à toi de décider ce que tu veux. Dans le pire des cas, tu vas faire quoi ? Te forcer à trouver quelqu'un juste pour pouvoir présenter cette personne à tes parents et après ? Les faux-semblants, ça ne dure qu'un temps.. » Tu hausses les épaules. Tu ne savais pas ce que tu voulais faire. Tu n’avais aucune idée de ce qu’il fallait faire. Tu savais que, quelque part, il avait raison. Faire semblant ne servirait à rien. Ce n’était pas le premier à te le dire. Ce ne serait probablement pas le dernier. Il fallait juste que tu trouves comment faire. Il fallait juste que tu trouves comment te poser. Comme t’assurer un peu plus, avant de te lancer.
« Une soirée quoi.. ? » Dans d’autres circonstances, son innocence t’aurait fait rigoler. « Bondage, discipline, sado-maso … et échangiste, quoi … » lâches-tu quand même avec un léger sourire. « T’as jamais vu 50 Shades of Grey ou quoi ? Au moins pour avoir une petite idée. » ajoutes-tu, toujours sur le ton léger de la plaisanterie – tu tentais de faire de ton mieux – avant de t’inquiéter du temps qu’il te restait pour te préparer. « C'est dans 3 heures, tu as le temps de te préparer sans courir. » Tu hoches la tête. Tant mieux, car tu t’en sentais incapable. Incapable de te presser, incapable de courir partout. Incapable de suivre le rythme de la musique. Il faut que tu te fasses violence. Il faut que tu te secoues un peu, et que tu évites de retomber dans ton lit. Il faut que tu tentes de ne pas te rouler en boule à nouveau. C’est compliqué, d’ailleurs. Tellement que tu sens l’univers tourner autour de toi lorsque tu tentes de te lever. « Ne force pas, prend ton temps pour te lever doucement. Et puis.. Mange un petit truc je pense que ça ferait du bien à ton organisme. » Tu hoches péniblement la tête. Tu souffles, alors que tu essaies de rassembler tes forces. Tu essaies de trouver tes forces. Tu voudrais avoir l’air plus propre. Tu voudrais avoir l’air un peu plus frais, un peu plus neuf. « Je.. Euh.. Oui bien sûr.. » répond-t-il, hésitant, alors que tu lui demandes de te couper les cheveux. « Il faudra juste que tu.. Que tu me guides.. » Tu hoches la tête. « C’est pas … très compliqué. » essaies-tu de le rassurer. Tu n’allais pas lui demander de te dessiner des étoiles sur les bords du crâne non plus. « Je te laisse te lever doucement, quand tu seras prêt pour que je te coupe les cheveux, appelle moi, je serai dans ma chambre. » Tu acquiesces, encore. Ok. Tu captais les informations. Il suffisait juste d’arriver à faire tout pour qu’il puisse te couper correctement les cheveux. Pour que tu puisses finir de te préparer.
Wall-e tourne un peu autour de toi, alors que tu te remets debout. « Tu m’fais pas tomber, hein … » murmures-tu à l’attention du chien, alors que Douglas retourne vers sa chambre. Tu as enfilé un pantalon de survêtement, juste pour ne pas te trimballer en caleçon dans toute la maison. Tu t’es dirigé vers la cuisine, pour aller grignoter quelques biscuits, sans réel appétit – plus pour faire plaisir à Douglas qu’autre chose. La tête du chien vient se glisser sous ta main libre, tandis que tu le flattes doucement. Tu finis par te diriger vers la salle de bain, une chaise à la main. Tu t’offres un rasage rapide, histoire de chasser ta barbe d’une semaine un peu merdique. Déjà, tu te sentais mieux. Tu t’es brossé les dents, pour ne plus avoir l’impression de vivre avec une bouche pâteuse. Tu as ouvert le placard pour chopper la tondeuse à cheveux. Tu l’as déposée sur le rebord du lavabo, avant d’aller chercher Douglas. « … J’suis prêt. » que tu souffles, doucement, alors que tu glisses ta tête par l’embrassure de la porte. « On fait ça dans la salle de bain ? J’ai .. préparé. » expliques-tu, alors que tu retournes l’attendre là-bas. Tu lui as tendu la tondeuse, alors que tu t’asseyais sur la chaise. « T’as juste à raser, t’embête pas avec les sabots. » ajoutes-tu, alors que tu essaies de te tenir bien droit pour lui faciliter la tâche.
Douglas comprenait bien que la situation n'était pas aisée pour son ami, et il se promit de faire tout ce qui était en son pouvoir pour l'aider à prendre les décisions qu'il fallait, cependant, il ne pouvait pas les prendre à sa place. Il pouvait le conseiller, le guider, mais ce n'est pas avec la vie qu'il menait qu'il pouvait se permettre de l'aider. Qui était-il pour faire ça ? Il ne travaillait même pas, il faisait encore ses études. Il n'a aucune idée de ce que peut donner une relation amoureuse sur le long terme et encore moins de ce que pouvait être une vie stable dans son chez soi. Il n'avait rien de tout ça et il allait se permettre de donner des conseils à Archie. Stupide. Il allait lui rire au nez, c'est tout ce qu'il obtiendra de sa part.
Le jeune anglais tenta alors de lui décrire un petit peu la soirée qui l'attendait, mais Archie fit une blague à laquelle l'innocent Douglas ne pouvait pas rire. Et pour cause, il était question de sexualité. Il avait bien entendu le ton sur lequel il lui avait dit ça, il y avait certes de l'humour, mais aussi autre chose. Un autre sentiment, comme presque de la pitié, ou de la lassitude. Lassé d'avoir un colocataire comme lui. Il était peut-être temps pour lui de s'envoler, de voler de ses propres ailes quitte à s'écraser, mais il ne pouvait pas lui imposer sa présence plus longtemps. Depuis le départ ils avaient toujours été l'opposé l'un de l'autre. Alors quand Archie lui demanda s'il n'avait jamais vu Cinquante nuances de Grey, il ne put s'empêcher de baisser la tête avant de répondre.
" - Non jamais.."
C'est à cet instant précis qu'il sentait que cette colocataire devenait de plus en plus pesante pour Archie. Il avait presque l'impression que ce dernier se moquait ouvertement de lui. Il se sentait honteux d'être ainsi. Il avait honte d'être lui-même. Voilà à quoi il en était réduit.
Après avoir livré toutes les informations nécessaires pour motiver assez son colocataire à sortir de sa chambre, il peut le chemin vers la sienne, se plongeant dans ses livres de droit. Il ne savait faire que ça, et peut-être aussi un peu de guitare, mais il s'arrangeait toujours pour en jouer quand il était seul. Quand Archie n'était pas là. Aller savoir pourquoi..
Quelques minutes plus tard, tandis que son ami paraissait déjà en meilleure forme, il était venu toquer à sa porte afin de l'inviter à le rejoindre dans la salle de bains. Non non, ce n'est pas ce que vous croyez, Archie était juste venu demander l'aide du plus jeune pour lui couper les cheveux. Chose qu'il n'avait jamais fait. Encore une. Finalement, qu'avait-il fait durant toutes ces années ? Il se rendait compte que sa vie se résumait à peu de choses et ce constat lui faisait mal au coeur. Il remettait toute son existence en question. Qui était-il ? Où allait-il ? Que devait-il faire ? Il n'avait aucune de ces réponses.
Il laissa Archie passer devant, remit cette feuille avec son écriture dans ce carnet qu'il prit la peine de cacher parmi tout ses livres de cours, comme s'il avait peur que quelqu'un puisse trouver son écrit. Une fois assuré qu'il était bien en place il rejoignit son ami dans la salle de bain puis écouta ses conseils pour lui couper les cheveux. Pas de sabots. Juste passer un coup comme ça. Douglas avait la fâcheuse manie de penser que tout ce qu'il pouvait entreprendre, tout ce qu'il pouvait faire était nul. On lui avait tellement répété. Son père lui avait tellement répété qu'il avait pris cela pour acquis.
La main tremblante, il approcha la tondeuse des cheveux de son colocataire, puis enclencha la première vtesse. Le ronronnement de cette dernière était presque rassurante aux oreilles de l'anglais. Puis, il tenta de se reprendre. Il craignait de faire mal à Archie.
" - Est-ce que.. Est-ce que ça va ? Je ne te fais pas mal ?"
C'est toujours dur à évaluer lorsqu'on le fait sur une autre personne que soi.
« Non jamais.. » te répond-t-il, lorsque tu lui demandes s’il a déjà regardé 50 Shades of Grey. La situation t’arrache un léger sourire. Il avait l’air de se sentir coupable, alors qu’au fond, ce n’était pas grand-chose. Non ? Peut-être que tu l’avais blessé. Il devait bien y avoir un truc, vu la tête qu’il tirait. « C’pas grave, va. J’suis pas pour le principe de mater des films de cul avec des potes, mais pour toi, j’pourrais faire une exception, si tu veux. » Tu sentais que ça risquait d’être terriblement awkward - et qu’il ne rirait probablement pas comme Neptune à chacune de tes petites remarques – mais si ça pouvait l’aider dans la vie, tu voulais bien te sacrifier. Putain, tu aurais presque envie de te remuer. Tu le fais, d’ailleurs. Tu commences à t’agiter un peu, au moins pour faire plaisir à ton colocataire. Au moins pour faire plaisir à ton chien, plutôt heureux de te revoir, littéralement, sur tes deux pieds plutôt qu’allongé.
Tu voulais qu’il te coupe les cheveux. Tu voulais qu’il te rase la tête, juste pour avoir l’impression d’être neuf. Juste pour avoir l’impression d’avoir été remis à neuf. Tu prépares ta petite installation dans la salle de bain, avant de venir le chercher. Il semblait s’être remis à bosser. Tu le respectais sur ce point-là. Tu le respectais, parce que tu ne savais pas comment son cerveau faisait pour encaisser encore tout un tas d’informations. Et toi ? Toi, tu t’en sentais clairement incapable. Incapable d’étudier jusqu’à vingt-sept ans – et on ne parle même pas de tes trente ans. Tu étais presque persuadé que les mots auraient fini par te couler par les oreilles, incapables d’être absorbés par ton cerveau qui devait ressembler à une – petite – éponge gorgée d’eau (aka ces putains de leçons). Tu pouvais probablement apprendre plein de choses encore, c’est vrai. Mais tu restais dubitatif quant à ta capacité à apprendre quelque chose par cœur, autre qu’un code de carte bleue (cela dit, tu n’as jamais prétendu être le mec le moins con de la Terre non plus).
Le bruit de la tondeuse est rassurant. Son ronronnement t’apaise presque instantanément, alors que tu essaies de ne pas trop faire attention à la main tremblante de Douglas – au pire, tu perdais une oreille. « Est-ce que.. Est-ce que ça va ? Je ne te fais pas mal ? » Tu ris, doucement. Tu ris, en essayant de ne pas trop bouger. Okay, d’un point de vue extérieur, toute cette histoire pouvait sembler un peu tendancieuse. Carrément, même, mais tu sentais que ça aurait peut-être été la blague de cul de trop pour le brun. « Tu n’entends pas mes cheveux hurler de douleur ? » demandes-tu, le taquinant doucement – et plus légèrement –, alors que tes mèches brunes tombent une à une sur le sol. « Non, mais c’est parfait, en vrai. Tant que tu ne m’entailles pas une oreille, ça ira. » le rassures-tu, avec un léger sourire. Tu t’es relevé lorsque la tondeuse s’est arrêtée. Tes doigts se sont glissés sur ton crâne, avant que tu ne glisses un regard vers le sol. Tu as lâché un léger soupir de soulagement. « Merci, Douglas. » ajoutes-tu, alors que tu viens prendre le garçon dans tes bras. Tu étais sincère. Tu t’es reculé doucement, avec un léger sourire – probablement plus assuré que tous les autres pour cette journée. « J’dois avoir une odeur de rat mort, j’suis désolé. » ajoutes-tu, en te massant une épaule. « J’passe l’aspi, j’me douche, et … j’pense que je serais prêt. » expliques-tu, sans tarder à t’exécuter.
Douglas était loin d'être le mec le plus calé sur les questions d'ordre sexuel, il n'y connaissait pas grand chose et en vrai, ça lui allait parfaitement comme ça. Mais il avait fallu qu'Archie appuie sur ce point sensible, ce point qu'il savait parfaitement qu'ils ne seront jamais sur la même longueur d'ondes tous les deux. Quoiqu'il en soit, il propose même à Doug de regarder le dit-film juste pour que ce dernier se sente moins démuni face à la conversation qu'ils tenaient. Était-il aussi coincé que ça ? Fallait-il qu'il se renseigne pour paraître moins désemparé à l'avenir ? Archie avait le don de mettre Douglas au pied du mur et de lui faire remarquer à quel point ils sont différents, et surtout, à quel point l'anglais ne connaît rien à la vie, qu'il a encore tellement à apprendre. Et ça venait de lui faire l'effet d'une nouvelle claque en pleine figure.
" - Non.. Je pense que je vais m'en passer.."
Déjà parce que ça ne le branchait pas de voir ce type de film, et puis, parce que le regarder avec Archie serait incroyablement gênant et il n'avait pas besoin de ça.
Après s'être remis dans ses révisions et surtout dans cette remise en question qui le tenait depuis plusieurs semaines, Archie était venu le chercher pour qu'il aille lui couper les cheveux. Dans la salle de bain, le plus jeune se mit à la tâche, toujours soucieux de faire du mieux qu'il peut. Et pour le coup, sa main tremblante trahi sa peur de faire mal les choses. Il veut s'assurer que tout se passe bien, c'est pour cette raison qu'il interroge son colocataire. Naïf comme à son habitude, en entendant la réponse du jeune homme, Douglas aurait dû rigoler. Au lieu de ça, il se stoppe, avant de comprendre la blague et entendre les propos rassurants du brun. Douglas comprend pourquoi il n'a pas d'amis, personne n'accepterait d'avoir ce type d'amis dans son entourage. Douglas se demande même comment fait Archie pour le supporter. Une fois terminé, Doug dépose la tondeuse sur le bord du lavabo afin qu'Archie la range comme il en a l'habitude.
" - Dis.. Comment tu fais pour me supporter ?"
Il savait qu'il risquait de ne pas apprécier la réponse, mais il avait besoin de l'entendre, peut-être que ça lui permettra d'en prendre conscience.
" - Laisse. Je vais m'occuper du ménage, profite en pour te préparer en attendant." fit-il avec un léger sourire sur les lèvres.
Il n’avait pas l’air ultra-motivé à l’idée de regarder 50 Shades of Grey avec toi. Tu hausses les épaules. C’était comme il voulait. Au fond, tu étais plutôt ok pour passer ton temps à regarder un autre film. Quelque chose d’un peu mieux. Même avec Douglas. Surtout avec lui, peut-être, même.
Tu as essayé de bien de comporter. Tu as tenté de le rassurer, un peu, alors qu’il tremble en te tondant les cheveux. Tu oses une blague. Une blague qui échoue lamentablement. Tu te sens nul. Tu te sens nul quand tu l’entends s’arrêter – ça n’arrange pas grand-chose à ton sujet. Pourtant, tu prends sur toi. Tu te forces, un peu, pour essayer de faire en sorte qu’il ne se sente pas trop mal. Lequel des deux s’occupe de l’autre ? Lequel des deux est en train de tirer l’autre par le haut, lorsque vous sembliez à deux doigts de vous effondrer ?
Tu le serres dans tes bras. Tu le serres contre toi, comme si c’était là la seule solution que vous aviez pour vous sauver. Pour tenir encore un peu debout. « Dis.. Comment tu fais pour me supporter ? » Tu as senti tes épaules s’affaisser alors que tu t’entendais soupirer. Tu n’étais pas vraiment certain d’avoir, dans ton état semi-dépressif, la patience pour ce genre de questions. Est-ce qu’il était vraiment certain d’avoir envie d’entendre la réponse ? « J’sais pas. » que tu lâches, après avoir pris une profonde inspiration. Qu’est-ce que tu pouvais ajouter ? Qu’est-ce que tu devais ajouter ? « Je te cache pas que … notre duo est un peu … surprenant. Pour les autres comme pour moi. » Tu t’appuies sur l’embrasure de la porte. Tu réfléchis, encore. « Genre … J’ai l’impression que je pourrais te briser en soixante morceaux dès que je dis un truc. Y’a des jours où j’me demande quels mauvais souvenirs j’vais te faire remonter quand je te propose un plat de pâtes au fromage. » C’était triste, mais tu étais sincère. Chaque discussion avec Douglas te donnait l’impression de marcher sur des œufs. Avec le temps, cependant, tu avais commencé à déceler les sujets qu’il fallait éviter d’aborder – ou plutôt, ceux que tu pouvais aborder sans trop de dangers. « Même là, tout de suite, j’sens que tu vas en prendre un coup. Genre, tu vas avoir ce regard de bête blessée dans environ deux secondes, celui du gars absent, paumé dans ses pensées, et j’vais encore avoir un pincement au cœur. J’vais encore avoir l’impression d’être un con fini, et m’en vouloir parce qu’au fond, j’te connais pas vraiment. J’risque de dire des trucs méchants mais que je pense, d’être incapable de m’en vouloir, et de juste essayer de corriger ça comme je peux. Mais … J’sais pas. J’sais pas vraiment comment on fait pour coller, toi et moi. J’sais pas comment ça se fait que tu n’aies jamais gueulé plus que ça contre moi, pourquoi t’as jamais claqué la porte, pourquoi j’suis jamais parti pour ne pas revenir. » Tu viens te ronger l’ongle du pouce, doucement. On pourrait presque croire que ça va mieux, pourtant, vu la longueur de tes discours. « Mais j’imagine que y’a un truc, au fond. J’t’admire, un peu. J’t’admire, quand tu restes là, à supporter mes coups de mou, ou mes phrases merdiques. Alors … J’sais pas comment ce sera quand on … vivra plus ensemble, ni pourquoi, mais j’ai pas trop peur de m’avancer en disant que j’ai appris, au moins un peu, de tout ça. » De vous deux et de votre étrange cohabitation.
Tu te déplaces. Tu bouges, un peu, pour aller récupérer l’aspirateur. Comme si la discussion précédente n’avait aucune importance. « Laisse. Je vais m'occuper du ménage, profite en pour te préparer en attendant. » Tu as laissé échapper un gloussement soudain. Légère pensée déplacée qui te vient en tête, alors que tu lèves les yeux vers lui, un peu taquin. « Tu sais que tu vas me voir tout nu si tu fais ça ? » Pourquoi est-ce que ça t’amuse ? Pourquoi est-ce que tu dis ça ? Parce que typiquement, c’était le genre de phrases qui le faisaient partir en vrille. Tu le savais, pourquoi. Tu l’avais admis il y a même pas cinq minutes, mais tu continuais. « Genre … ‘fin j’me lave pas habillé, quoi. » Pas que ça te dérangeait d’être vu dans ton plus simple habit, mais tu te voyais mal prendre une douche en te planquant à moitié juste pour ne pas heurter sa sensibilité. Tu grimaces, un peu. Embarras soudain alors que tu considères le garçon en face de toi. « Non mais … J’vais l’faire, sinon, j’vais plus savoir comment il marche. » tentes-tu encore, en mettant précipitamment en route l’engin. Tu aspires tes cheveux – chose qui te semble toujours un peu étrange – avant de remettre l’aspirateur dans le placard. « Bon bah heu … J’vais me laver, du coup. Genre .. j’devais être opé d’ici .. vingt minutes. » souffles-tu, avant de t’enfermer dans la salle de bain.
Douglas avait enfin fini de couper les cheveux de son colocataire tant bien que mal, entre sa main qui tremblait et le fait qu'il était lui-même perdu dans ses propres pensées, le résultat aurait pu faire peur à voir. Au lieu de ça, le jeune homme semblait plutôt content de son reflet dans le miroir. En tout cas, en ce qui concerne ses cheveux. Il en vient même à prendre le plus timide dans ses bras. Un geste d'affection qui fait énormément de bien à l'anglais, même s'il ne le dira probablement jamais à Archie, parce qu'il sait que ces effusions d'amour ne sont pas dans sa nature. En tout cas, pas lorsqu'il est question de lui. C'est seulement lorsque le brun le lâche que Douglas ose poser cette question à laquelle il aurait mieux fait de s'abstenir. Ne dit-on pas que lorsqu'on a peur d'entendre la vérité on ne la demande pas ? C'est pourtant ce qu'il vient de faire, et au fond de lui, il sait déjà qu'il va le regretter.
L'étudiant en droit écoute avec attention ce que lui répond son colocataire, et comme toujours, il sent son coeur se serrer en entendant ses propos. Non pas qu'ils soient faux, justement c'est ça le pire, c'est qu'ils sont vrais et qu'Archie a toujours eu la patience de le supporter alors qu'il aurait des dizaines de raisons de le virer de chez lui. Parce que oui, n'oublions pas que c'est Douglas qui recherchait un colocataire, ici il n'est pas chez lui, c'est chez Archie. C'était à lui de partir, et même s'il y avait pensé de nombreuses fois, pour le bien d'Archie, il n'avait jamais eu le courage de rassembler le peu d'affaires qu'il possédait pour retourner dans cette chambre d'hôtel qu'il occupait avant de débarquer ici. C'était un peu comme si Douglas voulait effacer tout ce qui s'était passé pour revenir en arrière, mais il savait que tout cela était impossible.
Perdu dans ses pensées, il fut ramené à la réalité par la silhouette d'Archie qui s'appuie sur l'embrasure de la porte. Son regard se posa sur lui au même moment où il commentait la tête qu'allait faire Douglas d'ici quelques secondes. Finalement il disait ne pas le connaître réellement, au fond il le connaissait bien plus que n'importe qui. Et c'est en accord avec son discours que Douglas fit ce même visage qu'Archie avait décrit plus tôt. En plein dans le mille.
Un sourire finit par prendre place au même moment où Archie avoue qu'il aura appris de cette colocation, ça aura au moins eu ce bienfait là. Parmi tout ce que ça impliquait, ils auront au moins gagné ça. Comme pour mettre un terme à cette conversation qui était bien trop sérieuse au goût du jeune homme, Archie annonça qu'il allait se charger de passer l'aspirateur. Douglas s'empressa de se désigner à sa place, parce que le ménage c'est lui.
" - Je.. Euh.. Oui d'accord.."
Il n'en fallait pas plus à l'innocent anglais pour qu'il perde tout ses moyens et Archie le savait parfaitement. Peut-être même qu'il l'avait fait exactement dans ce but là. Douglas s'éloigne alors tandis qu'Archie aspire le restant de ses cheveux sur le sol. Il entend ensuite l'eau de la douche qui se met à couler tandis qu'il s'installe sur le canapé en attendant que son colocataire soit fin prêt pour la soirée qu'il lui a organisé. Il se perd dans ses pensées quand son téléphone qui vibre le sort de sa torpeur. Un numéro inconnu l'appelle. Pris de panique, le brun songe immédiatement à son père. Il est persuadé qu'il l'a retrouvé. Son corps tout entier se met à trembler et son visage devient livide.
« Je.. Euh.. Oui d'accord.. » Remarque qui te fait sourire, alors que tu le menaces presque d’apparaitre tout nu sous ses yeux s’il voulait absolument passer l’aspirateur. Sa réaction est prévisible, au fond. Terriblement prévisible, mais parfois, c’est amusant. Apaisant. Tu ne le disais pas pour le mettre mal à l’aise, en réalité. Mais bon. Peut-être que voir sa réaction offusquée te foutait un peu de baume au cœur. Peut-être que ça t’aidait à sourire, un peu, et oublier que tu avais presque trente putains d’années. Tu lui dois probablement bien plus qu’il ne l’imagine. Tu lui dois certainement bien plus qu’il ne le pense, et l’instant présent en est une preuve relativement indéniable. Un jour, il faudrait que tu lui montres. Un jour, il faudrait que tu marques le coup, ne serait-ce que pour convenablement le remercier.
Tu termines de passer l’aspirateur, juste avant de te perdre sous la douche. L’eau roule sur ta peau, alors que tu essaies, tant bien que mal, de détendre un peu tes muscles noués. Tu souffles. Tu te perds, un peu. Tu essaies de juste savourer la chaleur sur ta peau, l’eau qui dégouline. L’odeur musqué du gel-douche qui t’attaque les narines. Le contact étrange mais agréable de ton crâne. Tu coupes l’eau, finalement. Tu finis par t’enrouler dans une serviette, pour quitter la pièce. Pour enfiler des fringues correctes, et revenir ensuite dans le salon, Wall-e dans ton sillon, à la recherche d’un peu d’attention.
Il tire une drôle de gueule, ton colocataire.
Il est livide, tremblant, et l’ombre du sourire qui s’était dessiné sur ton visage s’efface presque instantanément. « Doug … ? » demandes-tu, hésitant. Tu t’approches, doucement, pour venir te poser sur le canapé, à ses côtés. « T’es malade, ou y’a un truc que j’ai raté .. ? » Tu grimaces, un peu. Tu grimaces, légèrement paumé. Tu ne pigeais pas. Tu ne comprenais pas ce qu’il se passait. Tu remarques le téléphone tout près de lui. Tu pinces les lèvres, en essayant d’imaginer diverses possibilités. « T’as reçu une mauvaise nouvelle ? » Peut-être que tu devrais te taire. Peut-être que tu ne devrais rien dire, et juste lui proposer de vous emmener à la soirée, histoire de vous changer les idées. « Tu veux … raconter ? » dis-tu encore, alors que la tête du border-collie vient se poser sur les genoux du brun. Prunelles sombres qui vous fixent, tentant désespérément de piger vos changements d’humeur, aussi imprévisibles que des montagnes russes. Grosse tête noire et blanche, qui cherche, autant qu’elle peut, à vous consoler tous les deux.
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