Le Deal du moment : -28%
-28% Machine à café avec broyeur ...
Voir le deal
229.99 €

 remember us (joanne)

Anonymous
Invité
Invité
  

remember us (joanne) Empty
Message(#)remember us (joanne) EmptySam 1 Déc 2018 - 23:00

remember us
Joaphia


Mes ongles vernis d'un beige discret tapotaient nerveusement le bois de la table depuis quelques minutes, ignorant les regards noirs incessants de mes deux voisins qui tentaient tant bien que mal de se détendre après une journée harassante de boulot. Il leur fallut une bonne dose de patience, saupoudrée d'une insistance silencieuse mais déterminée, pour que mon attention se détache de la porte d'entrée et gagne leur message. Mes lèvres se pincèrent en une moue désolée, que mes yeux brusquement écarquillés confirmèrent. J'articulai un inaudible "désolée" qui n'atteint même pas sa cible ; les hommes avaient eu gain de cause, et après un roulement d'yeux agacé, étaient aisément passés à autre chose. Et moi, je restais là, aussi seule et pathétique que je l'avais été deux ans plus tôt. Et pourtant, quelque chose était radicalement différent aujourd'hui : je n'avais plus envie de fuir. J'étais revenue chez moi, à Brisbane, pour reconquérir coûte que coûte l'amitié la plus précieuse que la vie m'avait offert : celle de Joanne. Sévèrement ébranlée par ma brusque disparition, j'avais davantage mis à mal notre relation en m'abstenant de fournir une quelconque explication, fut-elle rationnelle ou non, à ma meilleure amie. Faiblement, je m'étais laissée emporter dans un tourbillon qui m'avait lentement tirée vers les abîmes d'une vie dont je n'étais plus que spectatrice. Les erreurs avaient été commises, et le temps s'était écoulé, enterrant de plus en plus profondément l'espoir d'un pardon que je ne méritais pas. Et puis, la vie m'avait poussée à reprendre les choses en mains, à faire le nécessaire pour me regarder en face, affronter le passé, le présent et croire en un meilleur futur. Sans annoncer ma venue, sans doute par crainte de me prendre un mur ou pire, de n'avoir pour retour qu'un silence affreusement pesant, je m'étais rendue au QAGOMA. Je n'avais guère eu besoin de procéder à d'intensives recherches pour connaître cette information puisque la seule manière de maintenir un lien, secrètement et en dépit de la distance (au sens propre comme au figuré) que j'avais imposée entre nous, depuis la Grèce avait été de consulter régulièrement les réseaux sociaux et l'actualité des musées de Brisbane. C'était la seule manière, lâche, de me convaincre que je ne l'avais pas complètement abandonnée - une drôle de réflexion pour l'orpheline sans famille, sans racines et sans histoire que j'étais. Écartant l'hypothèse d'une violente dispute qui réanimerait nos blessures les plus profondes, je m'étais alors rendue au QAGOMA dans l'espoir, sûrement vain, d'obtenir le pardon de Joanne. Peut-être qu'au fond, j'avais naïvement cru qu'il serait possible de faire en tour en arrière, d'oublier tout ça et de reprendre notre relation là où je l'avais arrêtée. Mais nous nous étions revues, face à face, pour la première fois depuis deux ans, et mon coeur s'était serré davantage. Si Joanne avait fait preuve d'une certaine bonté à mon égard, évitant de me couvrir de vigoureux reproches sur son lieu de travail, j'avais ressenti quelque chose de bien pire encore : une rancoeur tenace, un coeur meurtri par une amitié qui ne serait sûrement plus jamais la même. Elle m'en voulait, terriblement, à un tel point que j'avais considéré sa retenue comme les prémices d'un orage dévastateur... une tempête qui pourrait bien se déclencher aujourd'hui, dans ce pub que nous avions jadis fréquenté et dont j'espérais qu'il réveille de bons souvenirs. Nous nous étions données rendez-vous ici, pour dix huit heures, et Joanne avait déjà plus d'un quart d'heure de retard. Cela ne lui ressemblait pas. Mes ongles commencèrent à retaper nerveusement sur le bois, traduisant le stress qui montait chaque seconde un peu plus à l'idée qu'elle n'honore pas notre rendez-vous lorsqu'enfin, des boucles blondes firent tinter l'ancienne sonnette de la porte d'entrée. Mon rythme cardiaque grimpa en flèche, mes joues se fendirent d'un sourire crispé. « Hey. » soufflai-je en me levant maladroitement, oubliant presque qu'il serait déplacé de lui faire la bise comme si de rien n'était, avant de me rasseoir aussitôt.

@Joanne Keynes :l:
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

remember us (joanne) Empty
Message(#)remember us (joanne) EmptyDim 9 Déc 2018 - 23:33

remember us
Joaphia


Les symptômes et désagrément d'une grossesse étaient nombreux. Mais lorsque le gynécologue annonça à Joanne que les migraines qu'elle avait régulièrement ces dernières semaines après une longue lecture ou être passée un moment devant des écrans pouvaient être dû à sa vue qui aurait baissé. Surprise, ses yeux s'arrondirent lorsqu'il lui tendit la carte d'un ophtalmologue afin de faire un examen plus méticuleux. Et, effectivement, Joanne était ressortie du cabinet du spécialiste avec une ordonnance pour une paire de lunettes. Seulement pour la lecture et les écrans, mais quand même. Choisir la monture fut une belle épopée et voilà qu'elle les portait depuis quelques jours. Les débuts avaient été compliquées. Vertiges, tournis, l'impression de loucher, tout ceci 'était particulièrement désagréable, surtout lorsque cela s'ajoutait aux nausées matinales. Là voilà au début de son troisième mois de grossesse. Cela se voyait à peine, c'était discret. Mais jusqu'ici, pas de frayeurs, pas de signe de fausse-couche. Il y avait toujours ce fond d'appréhension. Ce matin là, elle prit un moment pour se regarder de profil, son ventre très légèrement arrondi. Il suffisait de cela pour avoir le sourire pour la journée. La semaine suivante, elle avait rendez-vous pour une échographie, et surtout, son amniocentèse. Un moment particulier, et comme toujours, Jamie ne voulait manquer aucune étape, même si, en dehors de l'échographie, il s'agissait de prélever du liquide amniotique à l'aide d'une seringue. Les résultats n'allaient arriver que quelques semaines plus tard, durant la période des fêtes de fin d'année – une bonne nouvelle serait le plus beau cadeau de Noël qui soit. Un instant décisif pour eux. Quoi qu'il y avait beaucoup de mouvements dans la vie de Joanne dernièrement. Marius qui l'incluait dans son programme pédagogique pour la rentrée prochaine, et, sortie de nulle part, Sophia qui était revenue et fait une réapparition. Elle s'était pointée au QAGOMA sans crier gare. Au delà de la stupéfaction, la première chose qui lui était venue à l'esprit était la rancoeur ressentie vis-à-vis de celle qui fut un jour sa meilleure amie. Elle était de retour et Joanne ignorait comment s'y prendre avec elle. La blonde lui en voulait toujours, de l'avoir abandonnée sans avoir laissé la moindre nouvelle ensuite. Une des nombreuses raisons de la chute de la jeune femme dans une dépression. Les efforts de Jamie avaient été considérables pour tenter de la sortir de là. Ce qui avait aussi conduit à une période difficile de leur couple, alors qu'elle était enceinte. Elle avait chargé son mari d'aller chercher leur fils à la crèche en sortant du travail, étant donné qu'elle avait accepté de revoir la rousse dans un pub dans l'espoir de discuter un peu. Son lieu de travail n'était pas l'endroit idéal, et elle avait bien trop à faire dernière pour se permettre ce genre de pauses. Bien sûr qu'elle avait reconnu l'endroit convenu. Durant leurs études, et même après, elles s'y rendaient régulièrement avec Hassan et Rhett. Cette époque lui semblait bien lointaine lorsqu'elle y songeait. Après une profonde inspiration, elle finit par rentrer. Bien qu'elles ne s'étaient pas vues depuis deux ans, et qu'il était difficile de définir leur relation à ce stade, les deux jeunes femmes se retrouvaient toujours dans des endroits bondés avec une facilité déconcertante. Il suffisait d'un coup d'oeil pour qu'elle voit où Sophia s'était posée. Joanne s'installa sur la chaise qui se trouvait en face d'elle. "Hey." répondit-elle avec un sourire frileux, tout en dégageant son sac de son épaule. "Désolée pour mon retard, j'ai beaucoup à faire au boulot en ce moment." Etablir les interventions qu'elle devra faire et finaliser la paperasse pour le bilan annuel, en plus de ce qu'elle doit faire d'habitude, elle ne voyait plus le temps passer. Un silence particulièrement gênant s'imposa ensuite entre les deux jeunes femmes. Elles se regardient en chien de faïence, sans trop savoir par quoi commencer. Les banalités n'avaient pas vraiment leur place. Il fallait bien crever l'abcès d'une manière ou d'une autre. Joanne espérait qu'un serveur vienne rompre le silence, qu'elles puissent au moins se commander à boire. Non pas que l'alcool aiderait, dans la mesure où Joanne n'en buvait plus une goutte depuis qu'elle était enceinte. Mais au moins pour avoir de quoi occuper leurs doigts nerveux. "Quand j'ai appris que j'étais enceinte, à l'époque..." commença-t-elle après avoir pris une profonde inspiration. "Je me réjouissais tellement d'avoir une autre bonne nouvelle à t'annoncer." Joanne esquissait un fin sourire nerveux. L'effet fut totalement l'inverse de ce à quoi elle s'attendait. "Il y a eu Jamie et tu avais été là à chaque fois que je voulais te raconter la passion que nous avions tous les deux. Et tu as aussi été là à chaque fois que nous nous disputions. Tu as toujours été là. Et... de pouvoir partager avec toi le fait que j'allais enfin avoir un enfant, ça me donnait l'iimpression de te rendre là pareille. A pouvoir partager aussi ce bonheur là avec toi. Je m'étais dit que... C'était pour compenser tous les sourires que je n'ai pas pu te faire l'année qui a suivi le divorce avec Hassan." Un moment qui avait tout changé, et qui avait eu pour premier effet de renfermer Joanne totalement sur elle-même. Elle encaissait comme elle le pouvait son divorce, et sa fausse-couche. Et celle qui avait là était Sophia, de bout en bout. "Mais tu es partie." conclut-elle, la gorge serrée. "Je peux comprendre pourquoi tu es partie. Enfin, je le pense." Elles en avaient déjà rapidement parlé lors de leur dernière rencontre. Mais il y avait encore des centaines de questions en suspend. "Mais je ne pense pas être déjà capable de te le pardonner." Joanne ne disait pas cela par gaieté de coeur, loin de là. Elle avait sa vie toute construite, elle avait sa famille à gérer, avec un époux perdu qui n'acceptait pas ce qui lui était arrivé l'année dernière, pour qui chaque jour était un combat qui l'empêchait d'être heureux, d'un fils de deux ans, d'un ex-mari qui refaisait son apparition, d'une grossesse à risque, de son travail, des cours qu'elle avait à préparer pour l'université à la rentrée 2019. Au milieu de tout ça, elle ignorait comment elle parvenait encore à se trouver des petits moments pour les cours de yoga, et voilà que Sophia refait surface. Oui, c'était beaucoup à gérer. "Beaucoup de choses se sont passées dans nos vies respectives, un peu trop même, sûrement. Alors... Raconte-moi un peu ce qu'il s'est passé de ton côté." Joanne le lui avait laissé comprendre en acceptant de venir; tout n'était pas perdu. Elle allait faire l'effort, elle aussi. Seulement, il fallait du temps, et surtout, beaucoup d'heures de conversation pour retracer ces deux dernières années. Et peut-être, qu'au fur et à mesure des échanges, tout redeviendrait comme avant. Et peut-être, qu'enfin, Joanne retrouverait sa meilleure amie.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

remember us (joanne) Empty
Message(#)remember us (joanne) EmptyJeu 13 Déc 2018 - 19:04

remember us
Joaphia


Ce moment là, je l'avais imaginé des centaines et des centaines de fois. Joanne, moi, et cette discussion que je redoutais tant - non pas parce que je regrettais les choix vitaux qui avaient été les miens deux ans plus tôt, mais parce que je craignais qu'elle scelle, pour de bon, la fin de notre amitié. Je connaissais la rancoeur et l'amertume que mon amie nourrissait à mon égard, pour l'avoir épaulée dans un moment de vie similaire lors de son divorce imprévu avec Hassan. Depuis lors, la promesse tacite que notre amitié supposait depuis ses prémices s'était renforcée : l'une serait toujours là pour l'autre, elle ne l'abandonnerait jamais. Jamais. J'avais failli à cette promesse, brisant d'un geste la confiance aveugle que Joanne me vouait pour une quête d'identité perdue d'avance. Et je m'en voulais terriblement, tant et si bien que je n'étais jamais parvenue, étrangement, à surmonter l'obstacle de l'embarras, de la honte, qui se dressait entre nous après mon départ. Ainsi, au fil des mois, la crainte viscérale d'affronter Joanne, et plus encore de savoir que je l'avais sûrement perdue, s'accrut. De jour en jour, les hypothèses d'un simple coup de téléphone, d'un email ou d'un courrier s'affaiblirent. Plus j'attendais, plus mon ventre se nouait à l'idée d'oser briser un silence trop longtemps installé, et j'optais pour la facilité : remettre cette idée au lendemain, encore et encore, espérant que le temps panse nos blessures respectives. Le serpent qui se mord la queue. Et puis, il y avait eu Kostas, un nouvel échec sentimental, et un retour forcé à la réalité. Brisbane, mes souvenirs, ma vie, ma seule famille. Prenant la vie à bras le corps, j'avais fini par trouver l'audace, quelque part au fond de moi, de rendre visite à Joanne sur son lieu de travail. Ce n'était pas la meilleure solution, loin de là, mais c'était maintenant ou jamais. J'avais suffisamment attendu, je m'étais trouvé suffisamment d'excuses pour rester en retrait et puis... c'était peut-être une façon d'avoir l'ascendant sur une situation que je ne gérais plus depuis belle lurette. Notre entrevue, aussi courte fut-elle, me rassura néanmoins sur de possibles explications avec Joanne. Elle n'était pas fermée, et plus encore : elle m'écoutait - ce qui renforçait considérablement mon sentiment de culpabilité. Et c'était sans compter sur les mots, cruellement sincères, qu'elle m'adressait aujourd'hui. Mes paupières s'affaissèrent légèrement, ne trouvant d'autre espace où se loger que celui des rainures de la table en bois autour de laquelle nous avions pris place. Croulant sous le poids des remords, je n'osai plus regarder Joanne. Je l'avais lâchement trahie et comme mon prédécesseur, contre qui je m'étais pourtant farouchement opposée, le mutisme et la fuite avaient été mes seules armes. Chacun notre tour, pour des raisons différentes, Hassan et moi avions asséné à la personne la plus chère à nos yeux le coup fatal... et voilà que Joanne me confiait que l'un de ses regrets résidait dans le fait de ne pas avoir eu l'occasion de compenser, par le partage de sa grossesse, les sourires post-divorce qu'elle n'avait pas su m'adresser à l'époque. Ce regret, je ne pourrais jamais le corriger. Un sanglot naissant dans ma gorge, je sentis mes yeux se remplir des larmes que je retenais depuis longtemps. C'est pas le moment, m'avertis-je intimement en rabrouant cette faiblesse d'un revers de main séchant l'humidité de mes paupières. « Il n'y a jamais rien eu à compenser. Ton bonheur faisait... fait le mien. » marmonnai-je d'une voix rauque, transformée par l'émotion qui s'était logée dans ma gorge, et la conclusion tant redoutée fut prononcée. "Mais tu es partie." Mon coeur se serra à l'évocation de ce fait, et je demeurai silencieuse. Qu'y avait-il d'autre à faire ? Je relevai timidement la tête, remontant les yeux par étape, centimètre par centimètre, vers le regard tristement doux de Joanne. Mon coeur se serra davantage quand elle m'avoua, sûrement grâce à un recul que j'admirais profondément, comprendre les raisons de ma disparition. J'en fus réellement bouleversée. Redoublant d'efforts pour ne pas fondre en larmes comme une enfant, je pris le temps d'inspirer longuement et de m'éclaircir la voix. « Bien sûr. » J'appuyai cette affirmation d'un léger mais frénétique hochement de tête, saisissant au vol l'opportunité en or que Joanne m'offrait de laisser entrouverte la porte de notre amitié. « Tu as besoin de temps, je comprends. J'attendrai le temps qu'il faudra. » J'opinai gravement du chef pour appuyer mes propos. « Je ne bougerai plus. » tentai-je de la convaincre d'une voix fébrile, alors que le serveur vint enfin prendre, en coup de vent, notre commande. Un instant de répit dans cette conversation risquée pendant lequel je pris un maximum d'oxygène, avant d'attaquer un monologue qui me mettait particulièrement mal à l'aise. « J'ai atterri à Athènes et, de fil en aiguille, au gré des rencontres, je me suis retrouvée à Santorin. Tu sais, avec ses petites maisons blanches et bleues ? Je devais profiter d'une escapade de quelques jours, et  ... » La gorge nouée et la bouche asséchée par le stress, je m'arrêtai quelques instants pour déglutir, difficilement, et tenter d'apaiser mes puissantes pulsations cardiaques. « Enfin, j'ai rencontré quelqu'un, un natif de Santorin. Kostas. » Je souris tristement à l'évocation du prénom à qui mon coeur appartenait encore, déviant le regard vers les rainures de la table que j'effleurais du bout des doigts. « Le genre de mec qui profite de la vie, sans se poser de questions, qui va là où son coeur l'emporte. C'était intense, vraiment. Plus intense que tout ce que j'avais vécu auparavant. » J'eus une pensée pour Rhett, évidemment, qui avait été le premier homme à me briser le coeur. Puis, pour James, celui qui avait ranimé une flamme que je croyais éteinte avant de s'envoler à des milliers de kilomètres - et j'ignorais encore s'il était un jour revenu à Brisbane. « Et puis tu sais, rien ne dure jamais. » conclus-je avec fatalisme, feintant un sourire résigné. « Ça aurait pu être une belle histoire. » soufflai-je finalement, le coeur partagé entre la peine d'être loin de lui et la satisfaction d'être enfin rentrée au port. Puis, comme pour échapper aux pensées qui me cisaillaient l'âme, je levai timidement mon verre en direction de Joanne. « À n... l'avenir ? »
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

remember us (joanne) Empty
Message(#)remember us (joanne) EmptyMer 19 Déc 2018 - 16:30

remember us
Joaphia


Depuis que Joanne avait fait sa connaissance sur les bancs de l'université, Sophia était très rapidement devenue un exemple à suivre. La rousse incarnait tout ce qu'elle n'était pas. Elle était dotée d'une force de caractère sans pareille, avait le don de s'ouvrir aux personnes sans la moindre difficulté. Fulgureuse, parfois extravagante, intrépide, Joanne se perdait facilement dans la liste de qualités qu'elle lui trouvait. Et malgré toutes ces qualités qui faisaient d'elle une personnalité forte, elle avait quelques faiblesse et l'une d'entre elles n'étaient autre que Joanne. Peut-être que réciproquement, la rousse retrouvait des traits en Joanne qu'elle adorerait avoir. Là, Sophia ne faisait pas la fière, devant son amie, loin de là. Malgré tout cela, elle ne comprenait décemment pas le départ de la jeune femme. C'était précipité, à une période où Joanne allait particulièrement mieux, mais ce bonheur là n'avait pas semblé suffire à sa meilleure amie. Les lèvres de la blonde se pinçait, se retenant de faire le moindre commentaire. Son interlocutrice avait parfaitement connaissance des dommages qu'elle avait causées en l'abandonnant pour une vie peut-être meilleure. Le mal était fait et réparer l'ensemble n'est pas une mince affaire. Mais elle semblait particulièrement déterminée, prête à faire preuve de patience de la part de son amie, qui avait beaucoup à assimiler. Après lui avoir assuré qu'elle ne comptait plus tard, Sophia acceptait d'en dire un peu plus sur ce qu'il s'était passé durant les deux dernières années. De son côté, Joanne se demandait comment elle allait résumer à son tour tout ce qu'il s'était passé depuis son absence. Des années compliquées pour tout le monde, qui avait marqué l'esprit de beaucoup de personnes, certaines choses qui avaient même fait le tour des journaux, d'autres dont elle n'était vraiment pas fière. Joanne n'aurait pas du être surprise d'apprendre que son amie avait rencontré quelqu'un là-bas. Quelqu'un qui la faisait vibrer et qui lui avait apparemment fait oublier ses tracas. La blonde peinait à dissimuler sa surprise malgré tout. "Plus intense même qu'avec Rhett ?" Ils s'étaient très longuement cherchés et taquinés ces deux-là avant d'admettre qu'ils avaient des sentiments pour l'un l'autre. Sûrement parce que Sophia était plutôt occupée à s'assurer qu'Hassan ne fasse pas de mal à Joanne à cette époque là. Qu'importe. Parfois, la force que Sophia voulait montrer aux autres n'était qu'un masque. "Mais tu as toujours eu envie que ça dure, à chaque fois." lui rétorqua Joanne de sa voix douce, plus que certaine de ce qu'elle disait. "Seulement, ça n'a pas fonctionné. Mais si ça n'avait tenu qu'à toi, tu aurais voulu que ça dure pour toujours." Joanne était une grande romantique. Le coup de foudre, l'amour avec un grand A étaient des choses dont elle croyait fermement. Et bien que Sophia faisait croire le contraire, une partie d'elle avait les mêmes rêves que son amie. Joanne haussait les épaules. "Mais il y a toujours des ... imprévus." Et pas des moindres. "Après, je suppose que tout dépend de la manière dont on gère la situation, comment on l'endure." Joanne, si hébétée par la demande de divorce, n'avait rien pu faire d'autres que d'approuver et ainsi de faciliter les démarches. Elle avait été si terrifiée par l'impact de la notoriété de Jamie sur sa vie qu'elle avait préféré rendre la bague de fiançailles. Jusqu'à récemment, elle était très loin d'être la plus solide de tous. Mais elle avait très rapidement appris s'endurcir et a finalement devenir quelqu'un capable de faire preuve de discernement et d'organisation lors de situations pouvant paraître désespérées. "J'ose espérer que ce n'est pas ce que tu t'es dit en premier lieu, par rapport à notre amitié, quand tu es partie." souffla Joanne. "Ensemble, on avait bravé nos études, on avait tenu le choc malgré mon divorce avec Hassan, malgré ta séparation avec Rhett, alors que nous formions ce quatuor incroyable. Et je me suis dit qu'après avoir traversé tout ça, nous serions capables de tout ça." Joanne eut un sourire triste, avant de baisser les yeux sur le verre de jus de fruits qu'elle avait commandée un petit peu plus tôt. "Ces deux dernières années ont été... mouvementées pour moi. Très mouvementées." dit-elle, poussant ensuite un long soupir. "Et je ne peux pas m'empêcher de me dire que ça aurait été certainement bien différent si tu avais été là." C'était à la fois un reproche, et une supposition. Joanne fonçait la tête baissée, ne savait pas trop ce qu'elle faisait durant un temps et avait fini par blesser les deux hommes à qui elle tenait le plus. Après un moment de silence, Sophia suggéra de trinquer à l'avenir. De son côté, la petite blonde  se voyait avoir un avenir radieux, malgré les aléas. Mais elle était particulièrement optimiste. [color=#006699]"Et... Tu envisages quoi, pour la suite ? Tu veux tenter de retrouver ton poste au Museum of Brisbane, tu voudrais tenter d'aller bosser dans un autre musée ?"hia était sincère en disant qu'elle comptait réellement rester à Brisbane pour de bon, Joanne tenait à savoir la manière dont elle voyait les choses.   "Ca ne doit pas être évident de reprendre une vie comme ça." supposa-t-elle avec un vague haussement d'épaules. "Tu as.. des projets, des envies, des motivations ?"
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

remember us (joanne) Empty
Message(#)remember us (joanne) EmptyDim 6 Jan 2019 - 19:26

remember us
Joaphia


La surprise se lit aisément dans les yeux de Joanne lorsque j'évoquai mon attachement profond à Kostas, et la relation intense qui nous avait liés. Je supposai, avant même qu'elle ne prononce son prénom, qu'elle pensait au premier homme qui avait fait chavirer mon coeur, il y a des années de cela. Un petit rictus, à la fois heureux et nostalgique de cette belle époque révolue, arbora mes joues pâles. « Avec Rhett, c'était incroyable bien sûr. C'était ma première histoire d'amour, j'étais persuadée qu'il était l'homme de ma vie... » Persuadée d'entendre d'ici les pensées de Joanne, je marquai une pause. « Comme ceux qui ont suivi, oui. Je crois que je suis trop fleur bleue. » avouai-je en haussant les épaules, chassant les brèves pensées pour les hommes qui avaient fait battre mon coeur tout au long de ma vie. Je n'avais jamais réussi à trouver chaussure à mon pied, il fallait toujours qu'un obstacle soudain, brutal, se dresse entre mon partenaire et moi : une carrière, un enfant, un passé, un avenir ... La relation que Joanne entretenait avec Jamie avait beau être ponctuée d'épreuves ardues, elle avait ce petit quelque chose que j'enviais profondément. Une flamme. Une petite flamme qui, même si elle faiblissait parfois, ne s'éteignait jamais. Moi, je n'avais finalement peut-être connu que l'étincelle. « Avec Kostas, je croyais encore que c'était différent, qu'il était le bon. Mais peut-être que les circonstances ont décuplé la force de mes sentiments. Je ... je me suis jetée dans le grand bain pour me cogner, une fois de plus, la tête contre le fond du bassin. » Joanne avait raison : j'espérais toujours trouver la perle rare, celui avec qui tout serait possible. Et pour la première fois de ma vie, je commençais à me demander si ce besoin de trouver mon alter ego n'était pas une traduction psychologique d'un mal-être, d'une crainte refoulée depuis des années. La peur de la solitude, peut-être ? Ou celle de passer à côté de ma vie ? Je soupirai à l'écoute des paroles tantôt bienveillantes, tantôt critiques de l'amie que j'espérai un jour reconquérir. « Je suis maladroite, tu sais bien que je n'aurais jamais pensé ça de notre amitié. » annonçai-je distinctement, avant de me questionner sur la réalité des choses. Je hochai alors la tête de droite à gauche, consciente que ces paroles n'étaient pas tout à fait exactes. « Non, tu ne le sais peut-être pas, ou plus. » J'étais partie du jour au lendemain pour deux années sans nouvelles alors oui, la question de Joanne était légitime. « Joanne. » Je plantai mon regard dans le sien, réfrénant l'envie de prendre ma main dans la sienne, de crainte que cette proximité spontanée ne lui déplaise. « Notre amitié est la chose la plus précieuse que je n'ai jamais eue et rien ne pourra jamais excuser ces deux dernières années, j'en suis consciente. J'aurais tant aimé pouvoir dire que rien n'a changé, mais c'est faux : tout a changé dès lors que je suis partie. Ta carrière, ta famille, ... » Je sentis les larmes monter à mes yeux à l'évocation de cette nouvelle famille que Joanne s'était créée en mon absence. « J'ai ressenti le besoin de fuir, de reprendre en main cette vie qui m'échappait. Ce serait malhonnête de te dire que si c'était à refaire, je ne le referai pas, mais bon dieu, je ne t'abandonnerai pas comme je l'ai fait. » J'essuyai une larme fugitive d'un revers de la main et m'éclaircis la gorge pour me reprendre et nous éviter de retomber dans le mélodrame qui se jouait depuis quelques jours. Et tandis que Joanne m'assénait le pire reproche qu'elle puisse me faire, explicitant que ma présence à ses côtés aurait sûrement facilité les deux dernières années mouvementées qu'elle venait de vivre, je demeurai silencieuse. Nul doute que mon soutien, comme le sien, nous aurait permis d'affronter plus sereinement les épreuves de la vie. Je nous en avais privées, et je n'avais clairement pas la tête à tenter de trouver d'inutiles excuses. D'autant plus que dans la bouche de Joanne, le terme "mouvementées" pouvait signifier énormément d'histoires, et tout autant d'inconnu et d'inquiétudes pour ma part. Et alors que je m'apprêtais à lui demander davantage d'informations, sa curiosité naturelle la poussa à me questionner sur mon avenir professionnel à Brisbane. Je compris la double lecture que cela supposait.  « J'ai commencé à chercher un appart dans le centre de Brisbane, je loge à l'hôtel en attendant. » Je mis volontairement de côté mon espoir de devenir propriétaire d'un bien immobilier dans l'année car cela dépendait principalement d'une carrière professionnelle actuellement au point mort ; sans un statut solide, aucune banque ne me suivrait. « Pour ce qui est du boulot... » Je lui souris nerveusement, inquiète de sa prochaine réaction. « J'élargis mes recherches. » Une drôle de façon d'annoncer qu'il était hors de question que je cherche à reprendre un poste similaire à celui que j'occupais avant, et dont nous avions toutes les deux rêvé pendant d'innombrables années. « Je veux toujours exercer un métier dans le domaine de l'art, bien entendu, mais je me dis que c'est peut-être l'opportunité de découvrir d'autres horizons. J'ai vu passer une offre pour un poste de muséographe, par exemple. » J'avais reçu une alerte emploi sur mon téléphone pas plus tard que ce matin, et je n'avais pas encore trouvé le temps d'en ouvrir les détails - y compris le lieu de travail qui aurait parfaitement pu être le musée dans lequel Joanne exerçait actuellement. Craignant cette fois d'éveiller en la blonde une certaine méfiance à mon égard, comme si je cherchais à m'immiscer lourdement dans sa vie pour y reprendre une place confortable, je me pressai d'ajouter une autre piste à explorer. « J'ai aussi remarqué que la Northlight Theater Company cherchait des musiciens. » Je jouais du piano depuis des années, avec talent, mais c'était un pari qui semblait osé. Sans doute était-ce la raison qui me poussait aussi à l'envisager. « Ce n'est pas évident, en effet, mais je compte bien m'appliquer à faire les meilleurs choix - cette fois - pour construire, ou reconstruire, ma vie ici. » Je bus une gorgée de ma boisson et souris timidement à Joanne, que j'incluais en premier lieu dans les termes "ma vie ici", en espérant obtenir un rictus en retour. « Et toi alors, le QAGOMA ? » Sa carrière m'importait moins que sa vie familiale, mais je n'osai pas encore mettre les pieds dans tant d'intimité sachant que je ne connaissais honteusement de son fils, la prunelle de ses yeux, que le prénom.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

remember us (joanne) Empty
Message(#)remember us (joanne) EmptyMar 15 Jan 2019 - 20:12

remember us
Joaphia


Depuis sa plus tendre enfance, Joanne rêvait de vivre le grand amour, le vrai. Elle avait construit son univers grâce à une imagination certaine et un monde idéal construit par la surprotection de ses parents. Elle ne fréquentait pas les personnes frivoles ou qui avaient tendance à désobéir aux règles que l'école, les parents, la société imposaient. Sophia était une très grande romantique, cela était évident, mais la blonde devait être encore plus fleur bleue. La moindre attention la faisait chavirer. La moindre fleur offerte, la moindre galanterie, le moindre geste d'affection. Chaque détail comptait à ses yeux et elle le savourait à chaque fois, profondément touchée. Aussi ridicule cela pouvait-il être, elle adorait la Saint-Valentin. Elle ne voulait pas entendre les personnes qui disaient que ce n'était purement commercial. Bien sûr, l'amour se célébrait chaque jour, mais avoir une journée spécifique pour cela lui semblait malgré tout important. Hassan n'était pas particulièrement friand de cette événement, et pourtant, chaque année durant leur relation, il lui ramenait un bouquet. Désormais, le 14 février était également le jour de son mariage avec Jamie, un jour donc bien plus précieux qu'il ne l'était auparavant. Au fond, la petite blonde venait à se demander si Sophia cherchait simplement ce que son amie avait trouvé avec Hassan, puis avec Jamie. Joanne n'avait connu que deux hommes intimement dans sa vie, Sophia, beaucoup plus. "Qu'est-ce qui a mis fin à votre relation ?" demanda-t-elle alors. La blonde estimait qu'elle était en droit de demander des détails. De savoir ce qui avait changé chez elle durant ces deux dernières années. Surtout, elle cherchait à comprendre quelles étaient les raisons qui l'avaient poussée à ne jamais répondre à ses messages, ni même lui envoyer un mail pour la rassurer, lui dire que tout allait bien. Apparemment, c'était un effort trop important pour elle, ou peut-être qu'elle n'y avait tout simplement pas pensé. Joanne avait tendance à se braquer facilement. Quand elle était triste, contrariée, déçue ou en colère, elle avait la sale manie de se murer dans son silence. Ses traits se durcirent sensiblement, suffisamment pour que Sophia puisse le constater. Elle croisait les bras. Cette fois-ci, elle tenait à se faire entendre. "Ma carrière n'a pas été de tout repos dans la mesure où ma grossesse  était à risque, et que j'étais particulièrement épuisée. C'est comme ça que j'ai perdu mon poste au Museum of Brisbane." Et ce n'était pas par gaieté de coeur. Au contraire, ce fut un des facteurs déclencheurs de sa dépression. "Ma famille, oui, a évolué. Tu sais très bien que c'est ce dont j'ai toujours rêvé." Là, non plus, ce n'était pas une surprise pour Sophia. Elle savait que sa meilleure amie désirait être maman, plus que tout autre chose. "Et quand je t'avais dit à l'époque, qu'Hassan et moi essayions d'avoir un enfant, tu n'avais pas pris les jambes à ton cou." Peut-être que c'était les hormones, la fatigue du à sa grossesse qui la rendait à fleur de peau. Ou bien, il était tout simplement temps d'avoir des explications avec la rousse. "Il y a cette partie de moi qui te reconnaît dans ce besoin de fuir, vraiment. Mais il y a cette autre facette qui ne comprend toujours pas. Je ne pouvais pas m'empêcher de me demander ce qui pouvait bien clocher chez moi. Mon frère qui a fait sa vie aux Etats-Unis, Hassan qui demande le divorce sans explication, toi qui pars sans dire pourquoi. S'il n'y avait pas Jamie..." Elle haussait les épaules. Joanne n'avait pas à finir sa phrase, elle savait que Sophia en connaissait la fin. Joanne aurait été seule. Elle n'est pas une personne à avoir beaucoup d'amis. Ou du moins, d'amis très proches sur qui elle pouvait compter. "Et lui est resté, quoi qu'il advienne, malgré tout ce qui a mouvementé notre couple. Et je peux t'assurer qu'il y a des moments où ce n'était vraiment pas beau à voir." C'était un euphémisme. Sophia  n'avait pas la moindre idée de la vie amoureuse mouvementée, à moins qu'elle ait pris le temps d'écumer la presse locale à la période donnée. Joanne ne doutait pas de la sincérité de son interlocutrice, loin de là. Encore une fois, elle cherchait à comprendre. "Il y a même eu une période où nous nous détestions, où il était la dernière personne que je voulais voir, et c'était réciproque. Et malgré ça, malgré tout ça, c'était plus fort que nous, il fallait que l'on se voit. Et lorsque nous voulions nous éviter, le Destin mettait tous les moyens possibles pour que nos chemins se croisent. Nous avions toujours été là l'un pour l'autre malgré tout." Aucun d'eux n'avait fui, ils ne comptaient pas ruiner l'enfance de leur petit trésor par l'absence totale de l'un de ses parents. "Et moi, j'aurais adoré être là pour toi durant toute cette période là aussi." conclut-elle avec un sourire triste. Elle but une gorgée de son jus, avalant par la même occasion ses émotions. Il était certainement préférable de parler de sujets plus légers, qui permettaient d'aller de l'avant. Quoi que certains coups d'oeil derrière permettait d'éviter de faire des erreurs déjà commises. Joanne apprenait donc que la rousse renonçait au moindre poste conservatrice, avide de découvrir le musée dans lequel elle travaillerait sous un tout autre angle. Cela ne surprenait pas vraiment son amie. Sophia ne tenait pas vraiment en place, il aurait été étonnant qu'elle veuille retrouver à tout prix son poste au Museum of Brisbane. "Les métiers ne manquent pas de diversité dans l'art. Il faut juste savoir saisir une opportunité quand on la voit." Joanne se savait chanceuse, Jamie la lui avait tendu sur un plateau d'argent. Pour elle, elle lui devait tout. Mais pour Jamie, le plus gros, c'était elle qui l'avait fait, en convaincant Simon, le supérieur de la blonde. Sa passion avait largement su convaincre. "Et ce serait quelque chose que tu ferais en plus, la musique ? Ou c'est quelque chose que tu considères pouvoir faire tous les jours ?" demanda-t-elle après quelques minutes de réflexion. "Quoi que tu choisisses de faire, j'espère pour toi que ça fonctionnera comme tu le souhaites." dit-elle avec un sourire discret, mais sincère malgré tout. Joanne ne désirait que du bien pour elle. Sophia restait une personne en qui elle tenait énormément et elle appréciait le fait qu'elle soit déterminée à reconstruire sa vie par ici à nouveau. "Ca se passe très bien." lui assura-t-elle avec un sourire plus franc. "J'ai plus de responsabilités que ce que nous pouvions avoir au Museum of Brisbane." expliqua-t-elle. "C'est prenant, mais ça motive pour s'invesitr, pour élaborer des projets pour changer la donne. J'en avais un en tête, mais il est en suspend parce qu'on m'a proposée d'intégrer l'équipe d'intervenants de la branche d'histoire de l'art de l'université." Une opportunité que Joanne n'aurait jamais pensé revoir un jour suite au départ de Marius. Elle était autant enthousiaste que très stressée par ce projet, sachant pertinemment que si tout se passait bien, il pourrait rapidement devenir un véritable tremplin. "C'est beaucoup de boulot en plus, mais une fois que ce sera sur les rails, ça sera plus facile." Du moins, elle l'espérait. Son inexpérience en la matière la ralentissait quelque peu, elle se décourageait parfois mais la motivation revenait après une bonne nuit de sommeil. Elle ignorait totalement comment allait se passer la deuxième partie de l'année, étant donnée que sa famille accueillerait un nouvel enfant d'ici juin. "Mes journées sont très chargées, on compte beaucoup sur moi. Mais c'est mon rôle. Ce n'est pas tous les jours facile, mais j'y prends plaisir." Une évidence pour elle. Ca ne la gênait pas. Son mari comptait sur elle, son fils aussi, Marius, son supérieur Simon, qui travaille au QAGOMA. Du haut de son mètre soixante, Joanne avait un sacré poids sur ses épaules qu'elle parvenait à porter sans mal. "La vie d'une mère active éperdument amoureuse de son mari, je suppose." souffla-t-elle en pouffant de rire. Car s'il y avait quelque chose qui n'allait jamais se tarir, c'était bien les sentiments qu'elle éprouvait pour Jamie.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

remember us (joanne) Empty
Message(#)remember us (joanne) EmptySam 9 Fév 2019 - 16:23

remember us
Joaphia


De la fleur bleue que j'étais, la question des hommes avait toujours été complexe. Les épreuves de la vie, et d'autres choix opportuns ou non, m'avaient guidée vers les âmes de nombreux d'entre eux avec l'espoir, chaque fois renouvelé, d'avoir enfin trouvé la perle rare - bien que le terme d'alter ego fusse plus approprié. Rhett, en chef de file, avait ouvert la voie à plus d'histoires que je n'aurais pu l'imaginer pour une seule femme. Notre histoire, élue au rang d'inoubliable premier amour, n'était guère comparable aux suivantes tant pour la puissance inédite des sentiments que j'éprouvai à l'égard du sportif que pour la dégringolade émotionnelle post-rupture. Me liant à une impossible promesse, je clamai haut et fort ne plus vouloir tomber dans de tels travers ; il ne fallut guère plus de quelques mois pour profiter de quelques oeillades, et parfois plus si affinités. Chacune des histoires que j'avais vécu en compagnie masculine m'avait apporté quelque chose : certains m'avaient fait rire aux éclats, redonné confiance en moi - notamment après ma première rupture douloureuse, et d'autres, moins nombreux, avaient immédiatement harponné mon coeur comme Rhett à son époque. James. Kostas. Dans ce triptyque, des histoires d'amour pleines de promesses étaient avortées par l'ingérence d'un évènement étranger à nos sentiments ; la popularité écrasante de Rhett, le brusque départ de James en Europe pour retrouver son fils, la stérilité de Kostas. De toutes ces raisons, la dernière était sans doute la plus difficile à supporter. Alors quand Joanne m'interrogea sur ce point tant redouté, je baragouinai un pauvre « Divergence d'opinions. » qu'elle ne crut pas le moins du monde. Soucieuse de ne pas lui laisser l'opportunité de creuser ce nouvel échec, que je refusai encore de croire, sur la table, je tentai de faire dévier la conversation vers sa nouvelle situation professionnelle. Ce fut ma première erreur. Sur la défensive, avec le regard sévère que peu de monde avait croisé, elle revint sur la période difficile qui suivit son départ forcé du Museum of Brisbane mais qui, fort heureusement, s'était conclue sur la précieuse naissance de son premier enfant. Un sourire triste s'installa sur mon visage, à mi-chemin entre le bonheur de savoir que Joanne s'était épanouie, le regret de ne pas y avoir participé et la tristesse de mes rêves effondrés de porter, moi aussi, l'enfant de l'homme que j'aimais encore. « Ça a dû être merveilleux. » soufflai-je maladroitement. Ce fut visiblement si peu convaincant, peut-être si déplacé de la part de la meilleure amie absente que j'avais été, que Joanne poursuivit son lot de reproches. La blonde n'avait pas eu les explications qu'elle était en droit d'exiger de moi, et réclamait aujourd'hui son dû. La gorge nouée, je fuis son regard. Il n'était pas accusateur, pas cette fois, mais empli d'une incompréhension de l'autre à laquelle nous n'avions jamais été confrontées. Dans le sablier de notre amitié, l'espoir de recoller un jour les morceaux s'amenuisait de seconde en seconde. Les derniers grains de sable, fébriles, glissaient lentement, fatalement, vers le fond. L'optimisme qui me caractérisait, lui-même, perdait de sa superbe. « J'avais l'impression de ne pas avancer. » finis-je par marmonner. « James m'a abandonnée pour la plus belle des raisons, retrouver son enfant, Jamie et toi vous apprêtiez à accueillir le vôtre, et à l'époque, même Evans (James) semblait vivre le parfait amour. » Un rictus tendu s'immisça sur ma joue à la pensée de ce beau séducteur français, oenologue amateur, qu'une belle libraire avait étonnamment fini par adoucir. À l'époque, mon entourage tout entier construisait la vie que j'avais toujours rêvé, et si je me réjouissais particulièrement du bonheur de ma meilleure amie, cet environnement, ce bonheur ambiant auquel je n'étais pas conviée, me pesait lourdement. « Et je restai là avec l'impression que le monde tournait sans moi, que j'étais ... transparente, en quelques sortes. » C'était peut-être ça le problème : n'être que l'ombre des autres, la troisième roue du carrosse. L'amie, la collègue, la bonne pote, la voisine. Inconsciemment, j'avais peut-être eu l'impression de revivre le même schéma que celui de mon couple avec Rhett, quand je guettais, tapie dans son ombre, le moment opportun pour profiter de la vie à ses côtés. « Je n'ai malheureusement pas plus d'explications à te donner. » avouai-je humblement. Je n'avais pu faire autrement que de suivre mon instinct, celui qui m'avait dicté de prendre la vie à bras le corps, de penser à moi, rien qu'à moi, mais qui m'avait tant coûté. L'énumération de ses déceptions m'alourdit davantage le coeur. C'était un fait : Hassan, Reever et moi avions failli à la promesse de rester à ses côtés. Jamie avait sa part d'ombre, et à croire Joanne, ces deux dernières années avaient été particulièrement difficiles à vivre, mais comme elle le soulignait : lui avait toujours répondu présent. La moue renfrognée, j'accueillis chacune de ses paroles comme une nouvelle entaille dans mon coeur meurtri. J'avais abandonné la seule personne qui ait toujours été là pour moi, pour satisfaire une quête égo-centrée, sans être capable de l'assumer jusqu'à aujourd'hui, où je pris soudainement la plus difficile des leçons de vie ; elle aurait voulu être là pour moi. « Je ne mérite pas tant d'égard... » En dépit de tout ce que je lui avais fait subir, Joanne éprouvait elle aussi des regrets. Je fronçai les sourcils, laissant couler quelques chaudes larmes sur mes joues rosies, tandis qu'elle s'affairait à changer de sujet. Une fois encore, derrière la colère et la déception que j'avais déclenché chez elle, Joanne faisait preuve d'une étonnante bienveillance. Cet aspect de sa personnalité avait sûrement joué, lui aussi, dans le tournant de sa carrière. La mienne était au point mort, mais c'était une bonne chose : remettre les perspectives à plat m'avait semblé être la meilleure solution pour repartir sur de bonnes bases, avec la passion qui m'animait jadis. « La musique est une piste, je joue tous les soirs quelques morceaux sur le piano du salon lounge de l'hôtel et je dois avouer que c'est moment préféré de la journée. Je ne sais pas si c'est un signe, mais je l'envisage. » Mes recherches d'emploi étaient encore précoces, je commençais à peine à envoyer ma candidature mais je croyais en ma bonne étoile : j'étais revenue à Brisbane pour la même raison que celle qui m'y ferait rester, la sensation d'être au bon endroit. « Tu seras la première informée. » tentai-je timidement comme une échelle invisible le haut de notre sablier. Un sablier qui ne se remplirait qu'à la condition sine qua none d'une totale transparence de ma part. Je bondis alors sur la dernière dose de courage qu'il me restait : « Tu sais, pour Kostas. » Je pris une bouffée d'oxygène, pour enfin dire tout haut ce qui me consumait de l'intérieur. « Il m'a jetée parce qu'il ne peut pas avoir d'enfant. » Je réfrénai un nouveau sanglot. « Il ne veut pas m'imposer sa stérilité et toutes les conséquences que cela supposerait, même s'il existe certains dispositifs : la PMA, l'adoption... il ne veut rien entendre, il est persuadé que je lui en voudrais un jour ou l'autre. Je l'aime, il m'aime, mais "ce n'est pas suffisant". C'est difficile d'entendre ça. » Ma voix se brisa sur ces derniers mots. Je pris un temps pour me ressaisir ; c'était dur, mais à défaut de pouvoir justifier mon départ, je lui devais au moins cette honnêteté. « Euh, oui. » ajoutai-je en riant nerveusement. « J'ai un peu changé d'avis sur la maternité. » J'haussai les épaules, consciente qu'il s'agissait d'une sacrée nouvelle pour la femme désintéressée que j'étais auparavant sur ce sujet. C'était peut-être ce qui me manquait depuis le début, finalement, et qui m'avait poussée dans mon voyage initiatique en terre grecque.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

remember us (joanne) Empty
Message(#)remember us (joanne) EmptyDim 10 Fév 2019 - 16:13

remember us
Joaphia


C'était avec des lèvres bien pincées par la contrariété que Joanne entendait la réponse plus qu'évasive de son amie. La blonde estimait qu'elle était en droit de savoir, en droit de comprendre, et Sophia le lui refusait avec brio. Par honte, par peur d'être submergée de reproches. Qu'importe les excuses qu'elle pouvait s'imaginer, Joanne refusait de les entendre. Elle trouvait cela particulièrement injuste, qu'elle s'entoure de secrets comme ça. Ce n'était pas normal, pas dans leur amitié, malgré ces deux dernières années qui avaient creusé un bien grand fossé entre elles. Elles avaient changé, mais elles se reconnaissaient en de certains points. Malgré cela, il y avait de brefs moments, comme celuli-ci, où la blonde n'arrivait plus à la reconnaître. Pourtant, une personnalité comme celle de Sophia ne changeait pas du jour au lendemain. La rousse n'était pas fière, loin de là. Avec sa force de caractère, elle pourrait défier n'importe qui, et contre toute attente, c'était toujours face à la personnalité fragile de celle qui fut sa meilleure qu'elle baissait les armes et dont elle craignait le plus le courroux. Joanne espérait gagner davantage d'informations en lui faisant part de ses ressentis, que Sophia ait une idée de ses pensées de ces dernières années. La belle rousse reconnaissait que voir tout ce bonheur auprès de ses amis, ce même bonheur dont elle était privée, était de trop. "Et tu ne t'es pas dit une seule fois, que ça allait être ton tour, bientôt ?" lui demanda-t-elle. Sophia était une femme pleine d'optimisme, qui ne se laissait jamais véritablement abattre. Du moins c'était ce qu'elle voulait bien laisser paraître. Le vide qu'elle ressentait, elle l'avait bien caché. D'apparence, Sophia semblait toujours vivace et enthousiaste, comme si c'était indéfectible, inépuisable. "... Je voulais que tu sois la marraine de Daniel." finit-elle par souffler en levant les yeux vers elle. "En sachant cela plus tôt, tu te serais sentie tout aussi transparente ? Je sais que ça ne fait pas tout, mais... Ca aurait changé quelque chose à ta décision ?" Il aurait été évident qu'elle aurait fait partie de la vie intégrante de Daniel. Il l'aurait adoré, il l'adorerait tout autant du haut de ses presque trois ans. Elle esquissa un sourire triste. Le départ de Sophia avait bousculé beaucoup de choses en Joanne. Elle était l'un des piliers de sa vie. Joanne haussa les épaules lorsque son interlocutrice pensait ne pas mériter autant d'intérêt et de soutien de sa part. "Je ne suis pas sans coeur, je ne suis pas un monstre." Joanne peinait à la pardonner, mais cela ne faisait pas d'elle une femme rancunière. Elle ne pouvait que souhaiter à Sophia de trouver sa voie, et de s'épanouir comme elle le désirait. Elle était perdue, elle se cherchait. "Qui sait, une opportunité pointera peut-être le bout de son nez, un jour où tu t'y attendras le moins." L'époque où elles travaillaient ensemble semblait alors bien lointaine, à traîner ensemble dans les mêmes galeries. Joanne, dans ses pensées, lâcha un rire discret lorsqu'elle se souvint que Sophia avait très ponctuellement flashé sur Jamie lors du gala durant lequel la blonde s'était rapproché de lui. Il lui était parfois toujours difficile de croire qu'elle était mariée à un homme qui plaisait autant la gente féminine. Sa possessivité s'était adoucie depuis qu'elle portait l'alliance à son doigt. Rien que de penser à lui la rendait hâtive de le retrouver plus tard, de l'embrasser, de passer un moment rien qu'avec lui. Qu'est-ce qu'elle donnerait pour avoir ne serait-ce qu'un dîner aux chandelles, sans bambin jaloux ou chiens qui avaient étrangement besoin d'affection aux moments les plus inopportuns. "C'est gentil." dit-elle en acquiesçant d'un signe de tête, appréciant beaucoup que Sophia tentait peu à peu de réinstaurer des habitudes qu'elles avaient il y a des années de cela. Etre la première informée. Joanne s'attendait à ce que la conversation s'achève ici, étrangement. Elle ne se voyait pas parler de ce qu'il s'était passé les dernières années et Sophia était peu encline à parler plus d'elle. Et Joanne avait horreur de ces situations, à se regarder en chien de faïence. Contre toute attente, elle revint sur un sujet qu'elle avait à peine évoqué un peu plus tôt. "Etrangement, ça ne me surprend pas, que tu veuilles avoir des enfants." dit-elle avec un fin sourire. "Tu pouvais te cacher autant que tu voulais derrière ton côté fêtard et frivole, au fond de moi, je savais que tu voulais aussi de cette stabilité, de ce en quoi j'aspirais à voix haute." Depuis le début de la conversation, c'était peut-être la première fois que la petite blonde lui fit un rictus aussi sincère et complice. "Et tu as même l'esprit plus ouvert que moi à ce sujet." C'était un fait. "Tu parles de PMA, d'adoption, ce genre de choses... Ce sont des options que je ne me voyais jamais choisir, et que je ne choisirai jamais." Malgré le nombre de fausse-couches qu'elle avait déjà encaissé malgré son jeune âge. Elle n'était pas contre ces techniques, loin de là. Elle admirait les femmes et les couples qui se lançaient dans ces procédures là. Joanne, elle, n'en avait pas la force. "Je peux le comprendre, au fond. Après ma première fausse-couche, j'étais persuadée que si je l'avouais à quelqu'un qui me plaisait, ça le révulserait. Qu'il ne voudrais pas de moi, qu'il m'en voudrait d'enchaîner les fausse couches, et que tout ne finisse par des reproches. J'avais peur d'entendre dire que je n'étais pas assez femme, que je n'étais pas digne de devenir mère, ce genre de choses. Alors imagine, une totale stérilité..." Joanne comprenait la décision de Kostas, dans le fond. Certes, Sophia en payait les frais. "Je peux comprendre qu'avec ce fait là, il avait peur que la passion ne finisse par s'envoler, avec le temps, parce qu'il savait qu'il ne serait pas capable de satisfaire l'un de tes désirs les plus chers. Et peut-être que pour lui, c'était d'autant plus difficile à accepter d'être contraint à avoir recours à d'autres méthodes, d'autres alternatives." Ca avait été proposé à Joanne quelques fois, mais son refus était toujours aussi catégorique. "A chaque fois que je faisais une fausse-couche, il y avait non seulement ces douleurs physiques et psychiques, les pires qui soient. Mais en plus de ça, j'étais tétanisée que Jamie finisse par me quitter. Parce qu'il en souffrait tout autant, à sa manière. Et ça épuise. A chaque fois que ça revenait, c'était pire que la fois précédente. Je ne connais pas Kostas, mais je pense qu'il t'aimait suffisamment pour vouloir empêcher de te faire du mal par rapport à ça. C'était différent, les circonstances étaient différentes, mais dans le fond, ça n'est rien d'autre qu'une longue quête pour protéger au possible la personne que l'on aime plus que tout." Joanne regardait dans le vide, surprise qu'elle ait autant révélé à Sophia. Mais c'était pour elle qu'elle le faisait, qu'elle comprenne cette mécanique là, cette problématique à laquelle elle ne se confrontait pas avec ses relations précédentes. "A sa place, tu aurais fait quoi ?" finit-elle par lui demander avec un sourire triste. C'était un exercice difficile pour Sophia, étant donné qu'elle n'avait pas de problèmes en matière de fertilité. "Est-ce que tu aurais accepté avec aisance de songer à l'adoption, ou à d'autres techniques médicales ? Alors qu'à côté,  tu sais que ta moitié ne rêve que de ça, d'avoir un enfant à lui ?" Joanne cherchait simplement à la mener dans cette réflexion là. Que, par le biais de Kostas, elle réalise également, dans une moindre mesure, ce que Joanne pouvait traverser à chaque fois qu'elle perdait un enfant.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

remember us (joanne) Empty
Message(#)remember us (joanne) EmptyMar 12 Fév 2019 - 16:32

remember us
Joaphia


De toutes les qualités que mes proches me prêtaient depuis mon enfance - aussi loin que je m'en souvienne, l'une d'entre elles faisait l'unanimité : l'optimisme. Ceux qui me connaissaient peu, comme ceux qui me connaissaient parfaitement, me prêtaient volontiers un optimisme à toute épreuve, solide et fier de vivre, avec l'espoir d'un enfant innocent, les pires obstacles se dressant sur ma route. Cette vertu, je l'avais nourri pendant des années ; à titre personnel pour affronter les épreuves d'une vie parfois mouvementée, mais surtout pour les autres qui comptaient sur moi. Qu'elle eût été sincère ou feinte, elle avait fait ses preuves auprès des plus désemparés - mon amie Madison, et sa relation interdite avec son client, aurait aisément pu en témoigner. Mais au milieu de ces sourires d'apparât, se cachait une fêlure dont peu d'élus avaient connaissance : la crainte exacerbée d'une solitude que l'orphelinat avait ancré en moi. D'une certaine manière, j'avais toujours ressenti le besoin d'attirer l'attention, d'être le moteur d'un groupe, de ne jamais se laisser abattre, d'imposer mes idées, de me sentir utile et entourée de beaucoup de monde ; assouvir ces besoins me rassurait. Cela me donnait l'impression de vivre, d'avoir ma place parmi les gens plus normaux, ceux à qui la vie avait fait des cadeaux. Moi, j'avais dû faire ma place toute seule. Sans figure maternelle, sans figure paternelle, avec mon caractère pour seule arme. Et alors que je jugeais m'être finalement plutôt bien débrouillée (à quelques écarts près), le monde s'était empressé de me rappeler qu'une telle blessure ne pouvait si aisément se refermer. Est-ce que la proposition de Joanne aurait changer les choses ? Je n'osais y réfléchir. Déjà à l'époque, je n'avais pas le moindre doute quant à la place que ma meilleure amie me donnerait dans l'environnement de ses enfants. Tout au fond de moi, je savais qu'en quittant Brisbane, je quittai aussi, en quelques sortes, un petit bout de chou qui n'attendait que de recevoir l'amour des proches de ses parents, dont je faisais partie. Cela accentua le sentiment d'égoïsme que j'essayai d'écarter en permanence, depuis deux ans. « Je n'en sais rien, Joanne. » soufflai-je honnêtement. « Je pense que je le savais, au fond. Toi, moi, c'était logique. Et ce petit bonhomme au milieu... » Je fuis immédiatement le regard de la blonde que je pariais être plus sombre que jamais à l'évocation de la prunelle de ses yeux. « Cela aurait sûrement changé les circonstances de mon départ, de mon absence aussi, je n'aurais pas disparue. Mais je serai partie, quoi qu'il en soit. » avouai-je honteusement. Les mots étaient crus, mais nous avions besoin de jouer cartes sur table et j'osai croire que Joanne puisse faire preuve du courage et de la bienveillance que je lui prêtais volontiers pour effacer un jour ma dette. Non, elle n'était pas un monstre : peu de monde aurait été capable d'autant d'ouverture d'esprit face à celle qui lui avait planté un couteau dans le coeur. Et comme si ce n'était pas suffisant, quand j'évoquai la véritable raison de ma séparation avec Kostas, Joanne fit preuve d'une certaine compassion à mon égard. L'espace d'un millième de seconde, un léger rictus, sincère, me donna l'impression que des braises de notre complicité brûlaient encore. J'en fus désarçonnée. « J'aurais envisagé toutes les options. » Pour cet homme, j'aurais pu renoncer à mes désirs de grossesse et nous aurions sauvé un enfant d'une vie sans parents, comme celle que j'avais vécue. Mon optimisme revenant au galop, j'avais tenté de l'en convaincre - comme je m'en étais convaincue moi-même, mais rien n'y faisait : le grec avait campé sur ses positions, scandant à tout va que ce sacrifice finirait, un jour ou l'autre, par tout détruire. Les explications de Joanne, qui avait malheureusement été confrontée à plusieurs fausses-couches, sur les tenants et aboutissants des problèmes de fertilité me chamboulèrent. En premier lieu, je lui en voulus de prendre la défense d'un homme qu'elle ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam, ce qui sonnait pour moi comme la vengeance de mon absence dévastatrice. « Je suis tout de même la mieux placée pour savoir ce qui est bon pour moi. » répondis-je du tac au tac, prenant ensuite la mesure de la bêtise que je venais de prononcer. Je n'eus guère besoin de revenir sur mes propos ; le regard que nous nous échangeâmes en dit long. Non, je n'étais visiblement pas la mieux placée. Et oui, c'était stupide. Joanne me fit grâce d'un nouveau reproche et poursuivit le déploiement de ses arguments, tous plus percutants les uns que les autres. « Dans un sens ou dans l'autre, il s'agit d'un sacrifice alors ? » La rhétorique était simple : soit nous prenions la décision de recourir à des méthodes spécifiques, aussi longues et compliquées soient-elles, au risque certes, que notre relation s'étiole au fil des difficultés mais dans la plus belle des perspectives à savoir : fonder la famille dont nous rêvions ; soit Kostas prenait la décision de couper court à notre histoire pour éviter le risque suscité. « À sa place, j'aurais cru en notre avenir. » J'étais prête à subir les épreuves de la première hypothèse, avec mon optimisme pour bannière, mais lui ne l'était pas. Depuis l'été dernier, nous nous étions quittés, retrouvés et re-quittés, errant entre la force de nos sentiments et la peur d'un espoir vain... jusqu'à ce qu'il prenne cette ultime décision, sans retour possible. Et cela faisait des mois que je lui en voulais, après lui avoir crié, encore et encore, mon amour et mes regrets. Mais Kostas était un homme droit, qui ne revenait pas sur sa parole. Et désormais, bien que la décision de l'homme que j'aimais me soit encore insupportable, cette discussion avec Joanne me fit prendre conscience que je ne pouvais plus l'en blâmer. « Merci. » prononçai-je difficilement, en opinant gravement du chef. Une fois n'était pas coutume, et quoi qu'elle en dise, Joanne m'avait délivré de deux poids aujourd'hui : 1. aussi révolue soit-elle, mon histoire avec Kostas avait eu du sens et les raisons qu'il avait invoquées lors de notre séparation étaient louables (bien que j'en souffrais encore amèrement) ; et 2. à en juger par les efforts qu'elle fournissait pour m'éclaircir les idées, mon amitié avec Joanne n'était pas tombée dans le néant. Cette dernière considération me mit du baume au coeur. Je pris une profonde inspiration, me redressai et tentai de surpasser ma tristesse pour lui offrir un petit rire gêné. « Excuse-moi pour tout ça. » Je tapotai mes joues humides pour redonner un tant soit peu de contenance. « Je suis heureuse de savoir que tout va bien pour toi, en tous cas. Vraiment. Daniel doit être fier de sa maman. » Je n'en doutais pas un seul instant, sa mère était un exemple à suivre pour bon nombre de femmes - moi, la première.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

remember us (joanne) Empty
Message(#)remember us (joanne) EmptyMar 19 Fév 2019 - 11:18

remember us
Joaphia


Daniel méritait de se ressourcer et d'apprendre d'autres adultes que seulement de ses parents. Il aurait ainsi pu voir différentes manières de faire, de penser, ou d'être, qui lui permettaient de se créer sa propre personnalité. Bien sûr, il y avait Jodie, il y avait Irene. Mais l'ambiance côté Prescott était devenu glaciale, comparé à la famille qu'elle formait jadis. Ils étaient soudés à l'époque, prêts à tout pour l'un ou pour l'autre. Joanne ne préférait pas trop y songer, ça la rendait triste. De se rappeler que Reever était aux Etats-Unis et qu'il ne donnait pas de nouvelles, qu'Adele était bien trop occupée par son travail. Et il lui était difficile de renouer pleinement avec ses parents, n'ayant guère oublié la réaction de son père, irascible. Quelque chose s'était brisé, et recoller les morceaux n'était évident pour personne. Joanne n'avait plus vraiment confiance en sa propre famille, hormis peut-être sa mère, qui trouvait grâce à ses yeux parce qu'elle se démenait pour pouvoir passer un peu de temps avec sa fille, et son petit-fils. Tout comme quelque chose s'était brisé le jour où Sophia était partie. La même tristesse, la même déception. Elles étaient soudées, elle aurait adoré qu'elle fasse partie de la vie de Daniel. Et voilà que tout était à recommencer. Sophia était devenue sa famille, à son arrivée à Brisbane. Avec Hassan, et Rhett. Une autre famille  brisée. Elle savait qu'elle n'était pas innocente non plus, dans toutes ces histoires. Joanne n'avait désormais confiance qu'en la famille qu'elle avait formé avec Jamie. Une confiance peut-être quasi aveugle envers son époux, malgré leur relation houleuse. C'était son pilier. Que Sophia admette qu'elle serait partie malgré tout était particulièrement blessant. Les lèvres pincées, les yeux humides, elle ne put qu'acquiescer d'un signe de tête uniquement pour montrer qu'elle avait bien entendu ce qu'elle avait dit. Elle but une gorgée de sa boisson dans le but de désaltérer et de réhumidifier ses lèvres qui lui semblaient subitement très sèches. Là aussi, Sophia venait de briser autre chose. Mais Joanne ne savait pas trop quoi. La rousse était sûre d'elle en disant qu'elle aurait envisagé n'importe quel option pour fonder une famille avec l'homme qu'elle avait aimé en Grèce. Des paroles sincères, Joanne n'en doutait pas. Mais elle savait que ces mots là auraient changé rapidement à la longue. Elle avait un désir de maternité, et Joanne était certaine que cela consistait à tomber enceinte et porter un enfant. Elle savait qu'elle était elle-même très arrêtée sur certains points. Mais Sophia voulait un enfant avec Kostas. Un bébé de lui, et d'elle. Et envisager des fécondations in vitro, des inséminations artificielles ou toutes alternative pour porter un enfant, ou en adopter un, c'était un processus, des étapes à franchir et des faiblesses à accepter. A la longue, qu'elle le veuille ou non, aussi amoureuse qu'elle l'était, elle aurait fini par en souffrir. Que son interlocutrice lui rétorque de manière aussi sèche alors que Joanne ne tentait que d'expliquer son point de vue et de lui suggérer de se mettre à la place de son ex la brusqua, et l'offusqua. Les sourcils froncés, les lèvres pincés, son regard se fit plus dur. Quelque chose d'inhabituel pour la petite blonde (et que Jamie aurait certainement voulu voir). "C'est vrai que j'ai toujours été de mauvais conseils, excuse-moi." répondit-elle sèchement (du moins, le ton était sec pour elle). Joanne avait toujours été d'une bonne oreille, et tentait toujours de discuter, d'exposer sa vision des choses dans l'espoir d'élargir celle de la personne à qui elle parlait. Qu'on la rejette ainsi était assez blessant. "Il y a toujours des sacrifices. Certains tombes sous le sens et on ne s'en rend pas compte, d'autres sont beaucoup moins évidents." dit-elle d'un ton plus calme, mais le visage toujours aussi fermé. "Et je ne pense pas que qui que ce soit puisse savoir ce qu'il ou elle ferait, à sa place." Même si l'on essayait de s'imaginer fort que l'on était stérile, il était impossible d'anticiper la réaction, la manière de gérer cette nouvelle. Ce n'était pas anodin, c'était une atteinte qui avait un impact sur le quotidien, qui hantait. "C'est comme un processus de deuil. C'est la perte de ce don là, de procréer, mais c'est aussi une atteinte à sa masculinité, à sa virilité. Et je pense qu'à terme, ça atteint son identité. Le premier à en souffrir, c'est lui, et je pense qu'il préférait largement t'épargner de cette souffrance là." Joanne se devait d'admettre que Kostas, bien qu'elle ne le connaissait pas, avait fait preuve d'un grand courage en renonçant à Sophia. Emue, la voix tremblante, Joanne se permit d'ajouter. "Parce qu'essuyer les échecs, c'est aussi une épreuve à chaque fois, ça demande beaucoup d'amour et beaucoup de force. Si j'avais pu lui épargner ces échecs là, certaines choses seraient sûrement bien différentes aujourd'hui." Joanne n'oublie la réaction de son mari le jour où elle avait annoncé qu'elle pensait être enceinte. La violence n'était pas physique, mais psychique. Et malgré les nombreuses excuses de Jamie à ce sujet, elle peinait à oublier la virulence de ses propos. A cause de quoi ? Des fausse-couches qu'elle multipliait. Pendant un instant, se souvenant bien de cette nuit-là comme si c'était la veille, elle eut un moment d'absence. Sophia l'éveilla de sa léthargie en lui présentant des excuses. Joanne ignorait comment elle s'imaginait la vie qu'elle menait. La blonde était heureuse, mais tout n'était pas rose. Les journées étaient chargées, les weekends passaient trop vite. Il y avait des moments où elle ferait tout pour mettre sur pause et s'enfermer dans sa bulle, avec sa famile. "Nos journées sont loin d'être de tout repos et j'ignore s'il est fier de moi, mais moi, je suis vraiment fière de lui, et de Jamie. On en a suffisamment bavé, on le mérite, ce bonheur-là." Et à juste titre. [/quote]
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

remember us (joanne) Empty
Message(#)remember us (joanne) EmptyMar 5 Mar 2019 - 16:57

remember us
Joaphia


Ce qui me désarçonnait le plus dans notre rendez-vous, c'était la rancœur de Joanne à mon égard. Contrairement à ce qu'elle avait toujours laissé paraître, je lui découvrais une grande amertume. « Ce n'est pas ce que je voulais dire, tu as toujours été de bon conseil. » Sa bienveillance, bien sûr, n'avait pas disparue ; elle prenait même le temps, en dépit de toute cette histoire, de prendre du recul et m'offrir une oreille attentive mais j'avais l'étrange impression qu'elle analysait chacun des mots que je prononçais, guettant le moindre faux pas. J'avais beau la connaître par cœur pendant des années, la raison de cette attitude m'échappait. Joanne avait la grande qualité, rare, de savoir pardonner. Elle n'oubliait pas, mais elle allait de l'avant, préférant aux sombres idées la lueur des moments les plus joyeux d'une relation ; à l'instar de l'amour passionnel, avec ses sommets et ses abysses, qu'elle vivait avec Jamie. Mais aujourd'hui, j'avais la douloureuse sensation de découvrir une facette inconnue de sa personnalité. Notre force, jadis, était de nous connaître parfaitement ; un regard suffisait pour que l'autre comprenne le sens de sa pensée, la force de son ressenti. D'une certaine manière, j'avais toujours considéré Joanne comme mon alter ego ; cet autre moi, mon opposé parfois, celle qui faisait ressortir la meilleure version de moi-même. L'entendre me remettre face à mes erreurs passées, aux responsabilités que je n'avais su tenir, me rongeait de l'intérieur. La blonde m'en voulait plus qu'elle ne voulait le laisser croire, peut-être même plus qu'elle osait le croire, et cela me terrifiait. Pourrait-elle un jour surmonter la souffrance que je lui avais imposé comme elle avait surmonté tant d'autres épreuves ? Sous la petite tête blonde et le visage angélique se cachait une femme si forte, une lionne prête à se battre pour sa famille, que je n'osai rebondir sur la découverte d'une stérilité qu'elle décrivait comme un processus de deuil. Je restai persuadée que Kostas et moi aurions pu surmonter ça, ensemble ; je l'aurais épaulée coûte que coûte, et nous aurions construit notre famille à nous, à notre image, sauvant quelques orphelins d'une souffrance que je ne connaissais que trop bien. Et nous aurions été heureux. Mais ce n'était qu'une chimère, bientôt balayée par le réalisme d'une Joanne qui semblait plus concernée que je n'aurais osé l'imaginer. « J'aurais aimé essuyer cet échec avec Kostas, mais les choses sont ce qu'elles sont. » finis-je par répondre, tout à fait résignée à l'idée de reconstruire le monde que j'espérais construire avec lui et qui n'était plus, à l'image des plus beaux patrimoines de son pays, qu'en ruines. Joanne, quant à elle, s'en sortait tout juste et semblait encline à scander, à qui voulait bien l'entendre, que bordel, sa famille avait mérité le bonheur qu'ils semblaient enfin avoir trouvé. Métaphoriquement, je comparai ce bonheur à une petite salle secrète dont je ne possédais pas encore la clé, et qui s'ouvrait sur un immense jardin, aussi grand que les Highlands écossais avec le soleil en prime. Une silhouette dans l'herbe m'attendait. Ce n'était pas Rhett comme je l'avais longtemps cru, ni James. Ce n'était pas Kostas non plus, à mon grand regret. Mais avec un peu de chance et beaucoup d'espoir, cet inconnu finirait par se retourner et, enfin, je découvrirai ses traits. Je retins un imperceptible rictus d'espoir, prenant soudainement conscience qu'en dépit de nos échanges en demi-teinte, entre fol espoir de réconciliation et blessure profonde, Joanne continuait de m'inspirer. Je finis par laisser échapper ce rictus teinté de cette multitude de nuances. « Merci, Jo. » Je ne croyais pas, jusqu'à la seconde précédant cette affirmation, avoir le cran d'oser une telle familiarité. « Rien n'est gagné d'avance, je le sais, mais merci d'être là. » Même si ces deux années l'avaient faite évoluée vers une Joanne que je ne connaissais plus à cent pour cent, elle semblait en paix avec elle-même, plus sûre d'elle peut-être - je supposai que son rôle de mère l'avait aidée à s'épanouir, là où je l'avais freinée. M'armant alors d'un courage aussi fébrile que les tremblements de ma main, plongée dans mon sac, le laissaient deviner, j'attrapai un ouvrage de papier.  Une sorte de carnet très épais avec des feuilles gondolées, rajoutées, recollées, griffonnées ... un journal intime de baroudeur, en quelques sortes. Je le tins tout contre moi et, prenant le temps d'inspirer profondément, cherchait à poser des mots justes sur cette étrange surprise. Je déglutis difficilement. « Je t'ai dit que je n'avais jamais trouvé le courage de coucher les mots sur mon départ pour te les envoyer. » Jusque là, rien de bien nouveau. « C'est vrai. » confirmai-je sans détour. « Mais j'ai écrit sur mon quotidien, des lettres sans début ni fin, des pensées à droite à gauche. Souvent, très souvent. » Je n'osais pas lui dire sans passer pour une psychopathe que j'avais quasiment écrit tous les jours, que ce soit juste deux-trois mots clés ou le récit de ma rencontre avec Kostas sur quatre pages. « Et la plupart du temps, j'imaginais que c'était à ma meilleure amie que je me livrais. C'est stupide, ça n'excuse rien. » Je devançai volontairement les reproches qu'elle aurait pu m'adresser, à juste titre. « Mais si tu veux les lire, découvrir ce qu'était ma vie là-bas, pourquoi j'ai ressenti le besoin de... bref, c'est tout à toi. » Je posai le journal devant elle, avec un léger pincement au coeur. Tout ce qu'il y avait dans ce livre me rattachait à la vie que j'avais échoué à construire avec Kostas, et à celle qui m'avait tant manqué depuis mon départ. Finalement, l'échec de l'une était peut-être la cause de l'autre. « Je te l'ai promis : plus de secrets. » Ce journal, c'était mon intimité, mes pensées les plus profondes et les plus frivoles. Tout ce qui avait composé ma vie pendant deux ans. Tout ce que j'étais prête à étaler, en toute transparence, à l'amie prodigieuse que j'essayais de reconquérir. Les dés étaient jetés, j'avais tout donné.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

remember us (joanne) Empty
Message(#)remember us (joanne) EmptyDim 10 Mar 2019 - 19:45

remember us
Joaphia


La naïveté de Joanne n'était un secret pour personne. La plupart du temps, on en usait à bon escient, ou pour la taquiner. Tout comme sa patience, et un seuil de tolérance qui était particulièrement haut. Mais ces dernières années n'avaient pas été de tout repos et bien qu'elle acceptait beaucoup de choses, elle se montrait moins tolérante.  On l'avait eu à l'usure, et ses proches en payaient les frais. Le tout se rajoutait par d'étranges sentiments d'abandon. Hassan était parti, Rhett avait fini par partir, Sophia était parti, son père qui ne voulait plus entendre parler d'elle à cause de son mariage avec Jamie... A la longue, la petite blonde était lassée. Elle savait que dans certains cas, elle était aussi en partie fautive, mais cela ne rendait pas les choses plus faciles à vivre. Alors oui, Sophia était finalement la personne principale qui devait tamponner une rancoeur que son amie avait accumulé avec le temps. Elle n'était pas moins indulgente, ni moins gentille. Elle en avait assez d'avoir l'impression qu'on se fichait d'elle, ou qu'on abusait du fait qu'elle n'était pas bien difficile à vivre et à obtenir son pardon pour la tordre dans tous les sens, de l’essorer jusqu'à l'épuisement. Cela la poussait à s'affirmer un petit peu plus, ce qui ne devait pas déplaire à certains. Sophia était certainement perturbée par cette facette de son amie, certainement parce qu'elle n'avait jamais eu besoin d'y être confrontée. Jamais, durant leurs années universitaires, leur amitié avait été mise à si rude épreuve. Il y avait quelques rares tensions, mais cela n'avait jamais duré très longtemps. Elles étaient bien trop proches pour laisser leurs dérapages et autres maladresses prendre le dessus sur une amitié particulièrement solide. On en devinait encore des brides durant cette conversation, des indices qui montraient que ce n'était pas encore totalement perdu. Tout comme le côté particulièrement têtu de la rouquine, qui maintenait coûte que coûte qu'elle aurait tout fait pour réaliser son rêve avec Kostas, que tout aurait fonctionné malgré leurs limites évidentes. Joanne gardait une réserve à ce sujet et lui en avait déjà fait part, c'est pourquoi elle s'était décidée à ne pas relancer ce sujet, au risque de tourner en rond tant les deux amies restaient campées sur leur position. Joanne n'était pas contre, ni surprise, que la rousse la nomme par un surnom familier. Elle était l'une des rares à l'appeler ainsi, elle en connaissait bien peu qui aimait la nommer par ces deux lettres. Tout comme on ne l'entendra jamais appeler quelqu'un par un diminutif quelconque. Si surnom il y avait, c'était surtout l'emploi d'un mot affectif. Mais elle n'avait rien contre, c'était une simple habitude de sa part. La petite blonde lui rendit son sourire timidement. Elle l'observait attentivement chercher un objet dans son sac, avec une certaine appréhension. Perplexe, Joanne fronçait légèrement les sourcils. Son regard curieux observait le carnet usage qu'elle tenait entre ses mains, se demandant ce dont il pouvait bien s'agir. Elle n'avait pas eu à formuler la question, Sophia expliqua d'elle-même quel était cet objet. Durant son voyage, elle avait eu besoin de partager ses pensées, ses états d'âmes, ses ressentis. Et à défaut de connaître beaucoup de monde en Grèce, elle avait tout posé sur papier, comme si elle s'adressait à sa meilleure amie. Implicitement, à Joanne, donc. "Je le lirai." affirma Joanne de sa voix douce, en prenant délicatement le carnet entre ses mains, comme s'il s'agissait d'un objet précieux. Elle fit glisser quelques pages entre ses doigts, reconnaissant sans mal l'écriture de son amie. Beaucoup de lignes étaient noircies par la courbe de chaque lettre, tout ce qu'elle avait sur le coeur. Joanne était touchée de revoir cette sensibilité qu'avait Sophia, une facette qu'elle n'aimait pas trop montrer à qui que ce soit, sauf à Joanne. Une exception. "Merci, Sophia." répondit-elle sincèrement après qu'elle lui ait garanti qu'elle ne comptait plus lui cacher le moindre secret. "Je n'ai pas de carnet qui décrive ce qu'il s'est passé ces dernières années." Joanne rit nerveusement. "Mais je ne pense pas que j'aurais pu mettre quoi que ce soit par écrit. J'aurais eu trop peur qu'une personne mal avisée finisse par les lire." Elle avait fait l'erreur de se confier à Saul, cela avait fini par avoir des conséquences catastrophiques. "Après, ce ne sont pas des secrets, plutôt... Des histoires loin d'être évidentes à raconter. Je n'ai pas vraiment trouvé quelqu'un à qui me confier ces derniers temps." Elle haussait les épaules. C'était ainsi, elle ne pouvait pas changer grand chose. Elle avait appris à vivre sans. Certes, elle avait consulté un psychologue, mais ce n'était pas pareil. "Et si je voulais me confier à quelqu'un,  j'aurais voulu qu'il s'agisse d'une personne que j'aurais connu par moi-même, pas par le biais de Jamie." Non pas qu'elle n'appréciait pas ses personnes, mais elle aurait préféré avoir un regard plus extérieur. Et des amis proches, Joanne n'en avait vraiment pas beaucoup. "J'ai fait des erreurs, de grosses erreurs." Son sourire était plus que triste. "Mon incapacité à prendre des décisions, à me positionner, à faire des choix, a fini par me rattraper." Et pas que. Il n'y avait pas un jour où elle songeait à son ex-mari, ne pouvant qu'espérer qu'il aille bien. "J'ai merdé, Sophia." Que Joanne utilise des termes familiers étaient rares, mais elle ne trouvait pas d'autres mots. "Si jamais tu revois Hassan, tu ne devrais pas lui parler de moi. Ca fait des mois qu'on ne s'est plus vus. Mais...tout est de ma faute. Je le sais, et je l'assume." Une information importante, parce qu'elle se doutait bien qu'elle allait tenter de le revoir, pour une raison ou pour une autre. "C'est malgré tout un fardeau vraiment lourd à porter." Ce poids, sur ses épaules, était conséquent. Une montagne de regrets, regrets qui n'allaient en rien améliorer sa relation avec lui – si on pouvait encore parler de relation. "Et ça, c'est une histoire parmi tant d'autres." Elle marqua une pause. "J'avoue que je ne serai pas contre de pouvoir parler de tout, enfin, à quelqu'un." Il y avait Evelyn, qu'elle appréciait, mais les deux jeunes femmes ne se connaissaient pas assez pour de telles confidences. Quoique, elles s'étaient déjà toutes les deux surprises à confesser des faits dont elle ne parlait pas d'habitude. Mais, au fond, Sophia restait la personne la mieux placée pour écouter et pour comprendre les réactions et l'attitude de la jeune femme face aux différentes situations. Joanne savait que Sophia pourrait comprendre. "Alors... peut-être qu'on pourrait se laisser un temps pour que je puisse lire tout ce que tu as écrit, et ... se revoir pour discuter d'un peu de tout ça. On pourrait commencer par là." suggéra-t-elle avec un léger sourire, ne pouvant laisser une porte plus grande ouverte pour la belle rousse.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
  

remember us (joanne) Empty
Message(#)remember us (joanne) EmptySam 6 Avr 2019 - 19:07

remember us
Joaphia


Je m'étais souvenue d'un film, sans parvenir à mettre un nom dessus, dans lequel le protagoniste gardait en permanence dans sa poche un petit carnet à la reliure sombre. Dans ce diamant brut, qu'il façonnerait un jour en une luxueuse parure, il traduisait ses pensées, notait ses idées... des mots négligemment griffonnés sur des pages qui se succédaient, inlassablement, comme la capture d'un instant précieux, d'une pensée encore informulée. Prise par les tripes à l'évocation de ce souvenir alors que je venais de quitter ma terre d'adoption pour les contrées grecques, je m'étais accaparée l'idée. Les premières pages, hésitantes, disparates, laissèrent rapidement place à d'interminables récits, à de petits croquis et autres notes prises sur le vif, comme s'il fallait que j'écrive ces mots, que je les vois, pour qu'ils aient un sens. Cette fameuse quête de sens, que j'avais pris à bras le corps, m'avait aussi valu son lot de désillusions. Alors, comme une thérapie secrète, je m'étais promis de garder ce carnet près de moi aussi longtemps qu'il le faudrait. Ce qui signifiait ici : jusqu'au jour où j'aurais le courage de faire face à Joanne, ses regrets et mes remords. Dans ma nuit d'errance, longue de deux ans, j'avais craint que jamais l'aube ne se lève ; et puis, timidement, dans le pub incontournable de bayside, le ciel se parait de teintes orangées, rosées. Enfin, je levai le voile. Ce carnet, je n'en avais plus besoin ; il n'était désormais plus qu'une sorte d'offrande pour expier mes erreurs et, puisque Joanne l'acceptait, peut-être un premier pas vers la réconciliation. Et bon sang, l'attitude assombrie de la blonde que je supposais hantée par une foule d'émotions refoulées, laissait présager des heures d'histoires à raconter. J'acquiesçai d'une mine docile, semblable à celle d'un enfant essayant de se faire tout petit après une grosse bêtise. « J'ai tout mon temps maintenant. » assurai-je sans détour ; mon errance en Grèce, loin de ma meilleure amie, avait au moins eu le mérite de me convaincre que ma place était ici, auprès d'elle. Je n'en avais jamais été aussi sûre. Et j'étais prête à attendre des mois s'il le fallait pour regagner sa confiance. Pourtant, contre toute attente et presque aussitôt, elle me laissa apercevoir une première fêlure. Un sourire triste qui me déchira le coeur. Parce que je ne pus m'empêcher de croire que cette blessure n'aurait pas été si profonde si j'étais restée à ses côtés, j'absorbai sa douleur. La gorge serrée, je demeurai silencieuse. Mes sourcils se froncèrent davantage lorsque Joanne fit preuve d'une familiarité inédite ; la blonde était quelqu'un de très mesurée dont les mots sonnaient toujours justes. Une telle liberté de langage dénotait de profonds regrets... que je ne fus étonnée de lier à Hassan. Finalement, rien n'avait vraiment changé. « Je ne lui parlerai pas de toi. » promis-je spontanément, ceci lui laissant comprendre que je comptais effectivement rendre visite à son ex-époux. Et alors que de mon côté, l'heure était à la confidence et au pardon, je me désolai d'apprendre que le vent avait mal tourné entre eux. « Il n'y a jamais qu'un seul fautif dans l'histoire. » osai-je ajouter, partagée entre l'idée de la rassurer et le risque de la vexer. Comme souvent, les mots sortaient trop vite de ma bouche. J'avais des milliers de questions à lui poser, mais je compris rapidement que ce n'était ni l'heure ni le moment. Sagement, je battis en retraite. « Je suis disponible, si tu en as envie. » annonçai-je avec un grand sourire maladroit, tout en haussant les épaules. C'était peu dire : avec mon activité professionnelle réduite à néant dans l'attente que mon projet de reconversion mûrisse pleinement, et pour Joanne, j'aurais pu répondre présente à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. L'entendre me proposer une nouvelle rencontre m'emplit d'une incommensurable joie. « Rien ne pourrait me faire plus plaisir. » ajoutai-je d'un sourire des plus sincères. « Prends le temps qu'il te faudra pour lire tout ça, et ne t'étonne pas si ça part un peu dans tous les sens... » Les paumes de mes mains rehaussées vers le ciel, je grimaçai avec amusement. Joanne savait que mon esprit avait parfois tendance à aller plus vite que la musique, à s'évader en de lointaines contrées en un claquement de doigts. « ... enfin, tu me connais. » Je lui lançai un dernier regard plein de promesses et d'espoir, et nous nous levâmes de table. Galvanisée par nos derniers échanges, je retins l'envie furieuse de la serrer contre moi en lui adressant une bise plus distante, non sans oser poser ma main sur le haut de son bras. « À très bientôt, Jo. » Jamais ces paroles n'avaient été aussi porteuses de sens.
Revenir en haut Aller en bas

Contenu sponsorisé
  

remember us (joanne) Empty
Message(#)remember us (joanne) Empty

Revenir en haut Aller en bas
 

remember us (joanne)